• il y a 11 mois
Transcription
00:00 Jusqu'à 13h30, les midis d'Occulture.
00:05 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosnassavoir.
00:09 Notre rencontre quotidienne, c'est une conversation à trois voix avec notre invitée.
00:14 Ce midi, elle est danseuse et chorégraphe.
00:17 Si ces créations ont majoritairement été inspirées jusqu'ici par des œuvres d'art
00:21 lui permettant de mêler des références à l'histoire de l'art et l'histoire des représentations,
00:25 son dernier spectacle semble avoir quelque chose de plus personnel, de plus intime.
00:30 C'est un livre qui lui a inspiré ce récit intitulé "Austerlitz".
00:34 Il mêle l'histoire personnelle de son collectif, ceux et celles avec qui elle travaille depuis des années.
00:39 Il raconte quelles figures artistiques ont développé chez eux et chez elles une envie de création
00:45 et les liens de chacun et chacune avec l'histoire d'un siècle où ils ont tous et toutes grandi.
00:51 Bonjour Gaëlle Bourges, bienvenue dans les Midis de Culture.
00:55 Gaëlle Bourges, il est question de photographie, on ne va pas le cacher plus longtemps à nos auditeurs.
01:00 Dans ce dernier spectacle de danse "Austerlitz", on va évidemment revenir sur la mise en scène et ses photographies.
01:07 Mais d'abord j'avais envie de savoir quel était votre rapport à l'objet photographique ?
01:13 Est-ce que vous avez un attachement particulier ?
01:15 Qu'est-ce qu'il représente pour vous dans votre vie personnelle ?
01:19 Finalement, la photographie, je ne m'y suis pas intéressée très vite en grandissant.
01:26 C'est sur le tard que ça m'est venu et le rapport aux photos, je pense que c'est pour beaucoup la même chose.
01:32 Surtout ma génération, nous n'avions vraiment des photos papier, on n'avait pas de petits outils pour prendre des photos numériques.
01:38 C'est plutôt les photos de famille, les albums de photos de famille que je feuilletais assez peu en réalité.
01:44 Mais je voyais ma mère coller de façon très patiente.
01:49 A l'époque, il y avait même des petits coins autocollants, je ne sais pas si vous avez connu ça.
01:53 Pour glisser les photos et bien les mettre sur la page.
01:56 Je ne suis pas si jeune.
01:58 Je ne voulais pas...
02:00 Vous êtes plus vieux que ce que vous pensez.
02:04 Ça commence mal.
02:06 Avec votre teint éclatant.
02:08 Elle collait les photos avec des dates et même elle était très sérieuse au début.
02:15 Elle mettait même le lieu, je ne sais pas, parc de Disneyland, Floride, 1976, des choses comme ça.
02:22 Et donc les albums s'empilent à la maison, dans la maison de mes parents.
02:28 Elle a arrêté d'en faire il y a pas mal de temps.
02:30 Mais il y a vraiment depuis la naissance des enfants de la famille dont je fais partie jusqu'à...
02:37 Après, effectivement, avec l'apparition des appareils photo numériques, c'était un peu la fin d'haricot.
02:44 - Mais il y a, et d'ailleurs j'en ai une aussi dans ma famille, une boîte à photos.
02:48 Cette boîte où on a mis toutes les photos qu'on a prises, qu'on n'a jamais triées.
02:51 Et qui recèle une forme de trésor aussi pour les questions qui sont abordées dans votre spectacle.
02:58 Qui sont celles de la mémoire, du souvenir, du passé.
03:01 - Oui et surtout les boîtes, souvent, on ne les regarde pas tout le temps.
03:05 Et quand on retombe dessus, à l'occasion d'un déménagement par exemple, où il faut trier,
03:10 on retrouve la boîte ou autre chose.
03:14 Moi c'est dans des cartons et dans des enveloppes qui en plus suppriment l'humidité.
03:18 Donc c'est pas très bon état.
03:22 On revoit des gens qu'on a complètement oubliés.
03:25 On se revoit il y a 20 ans, on revoit des oncles et des tantes qui sont morts depuis.
03:32 Il y a beaucoup d'émotions fortes quand on retrouve, en tout cas pas forcément pour tout le monde,
03:39 mais j'ai l'impression quand même que quand on retombe sur des photos anciennes, ça fait quelque chose.
03:43 - C'est un peu ce travail que vous avez demandé aux gens, aux interprètes qui participent à votre spectacle
03:48 et qui travaillent avec vous depuis de nombreuses années.
03:50 On va se plonger dans "Austerlitz" avec d'abord cet extrait.
03:53 [Musique]
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05:04 "Une guérison", c'est la chanson du spectacle, la seule qui est chantée puisque c'est vous et les autres interprètes qui la chantent.
05:13 Pas sur scène mais en tout cas qui l'avaient enregistrée et les diffusées ensuite lors de ce spectacle.
05:17 Musique originale signée Christian, l'un de vos amis.
05:20 On va y revenir parce que d'abord c'est un spectacle du collectif, c'est comme ça que vous aimez travailler ?
05:26 - Oui, en tout cas j'aime bien travailler avec des gens assez fidèlement quand c'est possible.
05:34 Ça m'intéresse de voir croître une relation avec ses hauts et ses bas évidemment.
05:40 Mais j'aime beaucoup vieillir avec les gens. Certains vieillissent moins que moi, c'est-à-dire qu'ils sont plus jeunes en fait.
05:46 - Je croyais que tu allais dire "Certains vieillissent mal".
05:49 - Non, non, surtout pas, jamais !
05:52 Mais voilà, il y a aussi une pellicule du temps qui se dépose.
05:57 Déjà on change physiquement, ça ça m'intéresse aussi.
06:01 Nos corps changent, nos façons d'appréhender la danse, comment on bouge sur un plateau.
06:06 On change aussi, on a d'autres envies, d'autres désirs, on se rencontre à un moment donné.
06:11 Puis tout à coup nos chemins se séparent parce que des gens choisissent de faire un autre métier par exemple.
06:19 C'est intéressant aussi dans l'univers artistique, est-ce qu'on dure ? Est-ce que c'est intéressant de durer d'ailleurs ?
06:25 Donc ça reconfigure à chaque fois parce que moi j'ai vraiment la sensation que si je ne travaillais pas avec ces gens-là,
06:32 je ne ferais pas ce que je fais. Je ne pourrais pas du tout faire passer une audition pour trouver des interprètes
06:37 et faire un spectacle qui s'appellerait "Au star list".
06:39 Ça n'existe pas dans mon cerveau en fait, c'est pas possible.
06:44 C'est parce que ce sont ces gens-là que je peux faire ça et surtout je me sens autorisée par ces gens-là à faire ça.
06:49 Et j'ai toujours travaillé comme ça, même quand je ne les connaissais pas, j'en connaissais d'autres.
06:53 J'ai eu d'autres amitiés de travail avant.
06:57 C'était toujours d'abord une amitié ou de la sympathie qui faisait qu'on cristallisait quelque chose ensemble.
07:06 Après c'est vrai que c'est quand même moi qui suis le chef d'orchestre.
07:10 Alors que vous êtes le chef d'orchestre, je vais expliquer quand même comment s'est construit ce spectacle.
07:13 Vous leur avez demandé de vous apporter une photo, deux, la plus ancienne possible dans leur expérience de l'art,
07:21 c'est-à-dire leur premier spectacle de danse, leur premier concert, leur première fois qu'ils jouaient devant un public
07:26 quelque chose, instrument de musique ou autre.
07:29 Et vous avez passé une semaine de résidence avec chacun et chacune d'entre elles,
07:34 justement pour renouer le cours de leur vie, retracer des grandes lignes,
07:40 comme une forme d'autobiographie ou de biographie collective.
07:45 Puisque après avoir fait tout ça, vous avez essayé de trouver des liens entre les histoires de chacun
07:50 et notamment les moments où vous vous êtes rencontrés. Est-ce que c'est bien résumé ?
07:53 Vous êtes très bien renseignée, bravo ! Beau travail !
07:57 Je l'ai vu hier votre spectacle, donc il est bien dans ma mémoire.
08:00 Mais c'était ça l'idée de s'interroger sur la trajectoire des artistes, quels qu'ils soient.
08:06 C'était une curiosité personnelle, vous, de vous interroger sur ces amitiés avec qui vous travaillez
08:11 ou c'était aussi une façon de leur rendre hommage ? Quelle était la démarche à l'origine ?
08:17 Je pense que c'est les deux de toute façon, c'est leur donner la part belle.
08:24 Ce n'est pas facile en fait, parce que quand on est la chef d'orchestre d'un groupe,
08:30 finalement les décisions, l'agencement des choses, c'est la personne qui dirige qui les fait.
08:36 Je trouve que c'est toujours un endroit difficile.
08:40 Pour moi c'est toujours difficile parce qu'il y a des sortes aussi, le poste de chorégraphe fait autorité,
08:47 mais il y a aussi des autoritarismes qui surgissent, quelques fois,
08:52 parce que tout à coup on se sent mis à mal quand les gens n'aiment pas ce qu'on propose.
08:56 Pour moi c'est très compliqué de mener un groupe.
09:02 Donc effectivement c'était aussi l'occasion, déjà par curiosité,
09:06 on ne connaît jamais tout de quelqu'un, même quand on l'a fréquenté longtemps.
09:12 C'était le moment aussi pour moi de les écouter,
09:17 de passer une semaine avec chacun et chacune pour faire retour,
09:21 c'est vraiment l'idée du retour sur la première fois,
09:25 la première exposition publique, même si c'est à l'école maternelle par exemple.
09:31 Qu'est-ce que ça leur a fait ? Est-ce que ça leur a fait quelque chose ? Est-ce qu'ils en ont souvenir ou pas ?
09:36 Est-ce qu'il y a une photo de ça ? Il n'y avait pas toujours de photo.
09:39 C'était pas seulement une photo que j'ai demandé d'apporter,
09:43 mais toutes les photos de moments qu'ils et elles trouvaient importants.
09:47 Déjà c'était une première prise de contact avec leur propre mémoire.
09:54 Qu'est-ce que la famille, parce que quand on est petit ce n'est pas nous qui gardons les photos,
09:57 qu'est-ce que la famille a gardé ? Et ça peut être aussi triste,
10:01 il peut y avoir des affects tristes tout de suite parce que dans certaines familles,
10:04 on ne garde pas, il y a eu des divorces, il y a eu des disputes,
10:09 c'est compliqué déjà ça.
10:11 C'était déjà très émouvant de voir avec quoi on arrivait chacun,
10:16 combien de photos on avait et à qui il fallait demander aussi.
10:19 C'était pas forcément… d'abord les parents ne sont pas toujours vivants,
10:23 donc si les parents ne sont pas vivants ou ne sont plus ensemble,
10:28 qui a gardé les photos ? La fratrie ?
10:31 - Ça dit beaucoup ça de qui est chacun ?
10:34 - En tout cas, je ne sais pas si ça dit quelque chose de la personne,
10:37 mais la personne arrive avec toute cette histoire familiale qui est à trous déjà.
10:45 Combien de trous il y a ? Comment on vit les trous ?
10:48 On peut vivre très bien les trous, c'est pas un problème d'avoir des trous,
10:50 c'est pas une chose des trous, je pense.
10:52 Et ça, c'était vraiment déjà un premier état d'esprit,
10:57 couleur je dirais, qui a commencé à nimber le chemin vers la pièce.
11:03 Moi, j'avais assez peu d'idées en fait,
11:06 en arrivant en studio de danse avec chacun, chacune de mes camarades.
11:11 Je savais que je partais d'Osterlitz,
11:15 même si dans le spectacle je dis l'inverse, je mens un peu dans le récit,
11:18 mais je savais que c'était Osterlitz la trame, une trame fantôme en fait.
11:22 Je ne voulais pas faire l'adaptation d'Osterlitz.
11:24 - On n'a pas encore dit ce qu'était Osterlitz,
11:27 on a dit que c'était un spectacle collectif qui devait d'abord s'appeler "Ruines"
11:30 et ensuite, il y a l'une de vos interprètes, Amie Alice Roland,
11:34 qui vous offre ce livre de Wilfried George Sebad,
11:37 qui s'appelle "Osterlitz", un écrivain allemand qui est mort au tout début des années 2000.
11:43 C'est l'histoire de Jacques Osterlitz,
11:45 qui est un personnage amnésique qui part enfin en Grande-Bretagne
11:48 après la Seconde Guerre mondiale et qui ensuite essaie de retrouver son passé,
11:51 ses racines, son histoire familiale.
11:53 Ça c'est la trame du livre.
11:57 Vous vous en décidez plutôt d'en récupérer, si je puis dire,
12:01 la trame narrative et graphique de ce roman pour le transposer sur scène
12:05 et c'est là qu'interviennent les photos.
12:07 - Oui, c'est absolument ça.
12:09 Ma volonté c'était de voir comment je pouvais créer une forme
12:14 qui soit un hommage aussi à la forme qu'a fabriquée Sebad dans son livre "Osterlitz"
12:21 et qui fabrique d'ailleurs dans pas mal de ses livres, j'ai pas tout lu.
12:25 C'est vrai qu'au début ça devait s'appeler "Ruines"
12:28 parce qu'Alice Roland, mon amie et interprète du spectacle,
12:35 m'avait souvent offert un spectacle en chaîne à un autre.
12:38 Elle m'avait offert une carte postale pour la première de l'autre spectacle
12:42 sur laquelle on voyait les ruines de l'Acropole.
12:45 C'était une carte qu'elle avait achetée dans une brocante.
12:49 C'était une carte postale de 1900, pendant la Seconde Guerre mondiale.
12:53 On se demandait ce que la personne faisait en Grèce,
12:55 en train de visiter l'Acropole en quarantaine.
12:58 - Du tourisme à ce moment-là, c'est compliqué.
12:59 - C'était très étrange déjà.
13:01 Et effectivement, l'homme qui écrivait, qui avait une très belle écriture,
13:04 je me sens que la signature c'est le prénom d'un homme,
13:08 ça commençait ou finissait "des ruines, virgule, sans doute".
13:11 J'avais lu le dos de la carte postale à mes camarades,
13:16 les mêmes que dans "Austerlitz",
13:18 et je me suis dit que c'était absolument génial.
13:19 C'est vraiment le titre de la prochaine pièce,
13:21 sans savoir ce qu'on allait fabriquer sur la question des ruines.
13:25 D'abord, j'ai vu qu'il y avait d'autres spectacles qui s'appelaient "Ruines".
13:29 Je me suis dit que ce n'était pas possible de faire un énième spectacle
13:31 qui s'appelle encore "Ruines".
13:32 Les gens vont confondre tout avec nous.
13:35 Alice m'a offert "Les émigrants" et "Austerlitz",
13:39 deux livres de Sebald, et je ne connaissais absolument pas Sebald.
13:41 J'ai découvert cette écriture très complexe
13:47 qui imbrique des blocs de mémoire.
13:50 Ce n'est pas tant d'aller chercher sa mémoire,
13:52 d'aller chercher son passé,
13:53 que le passé qui remonte à l'insu des gens,
13:57 qui sont plutôt assez perdus.
14:00 "Austerlitz" voit bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans sa vie.
14:04 Il sait qu'il a été élevé par un couple en Angleterre
14:08 dont l'homme est pasteur.
14:10 Il a été assez peu heureux avec ses parents.
14:13 Il apprend à l'occasion de la mort de sa mère
14:21 et de son père ensuite,
14:23 qu'il n'a pas du tout le nom qu'il a cru avoir pendant toutes ces années.
14:28 En vieillissant, il devient un spécialiste de l'histoire de l'architecture.
14:33 Il voyage beaucoup pour aller voir les gares, la gare d'Anvers.
14:36 C'est intéressant aussi parce qu'il va voir que des choses
14:38 qui sont beaucoup d'architecture,
14:40 ou des forts en forme d'étoiles,
14:42 qui sont des lieux d'enfermement ou de défense hyper agressives,
14:48 ou des gares construites avec l'argent de la colonisation belge, par exemple, à Anvers.
14:53 Il y a toujours un fond assez tragique
14:55 qui n'est pas percé comme un abcès,
14:59 mais qui est latent et qui est pire en plus.
15:01 Il a même des syncopes.
15:05 Il tombe dans la rue comme ça.
15:07 Il est de plus en plus malade.
15:10 Il sent qu'il ne sait pas d'où il vient.
15:13 C'est plutôt le passé qui lui remonte à la figure
15:18 et qui l'oblige à un moment donné de saisir.
15:22 On a essayé de travailler comme ça.
15:25 Ce n'est pas assez évident parce que ce n'est pas une fiction dans un roman
15:29 avec un personnage qu'on invente.
15:31 La photo est un bon moyen de psychanalyse sauvage.
15:36 J'ai beaucoup de respect pour la psychanalyse.
15:38 On n'est pas du tout en train de faire quelque chose de psychanalytique.
15:41 Mais de montrer une photo à deux,
15:45 de dire "tiens, regarde",
15:47 et puis tout à coup de voir tel tutu, telle ville, tel pavillon, telle voiture derrière.
15:51 C'est quoi ?
15:52 Et tout à coup, un bloc remonte.
15:54 C'est ces blocs-là, en association libre,
15:58 que j'ai essayé d'imbriquer les uns dans les autres
16:00 pour constituer le récit à la façon de Sebald.
16:03 Je ne suis pas WG Sebald, malheureusement pour moi.
16:07 Mais c'est vraiment l'idée de suivre le fantôme d'Austerlitz.
16:12 Et le public, comment il reçoit ces récits de personnes qui vous intéressent ?
16:18 Ce sont les gens avec qui vous travaillez.
16:20 Mais le public ne les connaît pas.
16:22 En quoi ça les intéresse de savoir que telle personne sur votre scène
16:27 a tel problème avec son père ?
16:29 Ou à le passé qui va ressurgir et le réveiller d'une chose qu'il avait oubliée ?
16:35 Très bonne question, merci.
16:37 Peut-être qu'il y a des gens qui vont s'en foutre complètement.
16:41 Ça doit évoquer des choses en eux ?
16:43 Est-ce que c'est les singularités qui sont marquantes ?
16:47 Je suis assez persuadée que comme on est tous des humains humains
16:58 venant d'un père et d'une mère, d'une famille, quelle qu'elle soit,
17:02 quelle que soit la géographie dont on est issu,
17:07 ces nœuds fondamentaux, qui sont beaux ou pas beaux,
17:11 nous ont construits.
17:15 Je pense que "Un chagrin d'amour" parle à tout le monde.
17:20 On ne parle pas forcément de ça.
17:22 Mais c'est l'idée aussi qu'il y a le personnel et le collectif.
17:27 Au contraire, ça m'a toujours beaucoup attirée, les récits autobiographiques.
17:34 J'adore lire "Ma vie de Georges Sand".
17:38 Ça me passionne.
17:40 Ou les journaux intimes, par exemple.
17:42 J'adore.
17:45 C'est beaucoup d'ailleurs les femmes qui ont écrit des autobiographies.
17:50 Et en danse aussi, il y a beaucoup de femmes artistes qui ont écrit leurs mémoires.
17:56 Je pense à Isadora Duncan, à Valeska Goethe, des gens que j'aime beaucoup.
17:59 Anna Alprine, que j'aime beaucoup aussi.
18:03 Mais je pense surtout à Yvonne Rainer, qui a écrit "Feelings are fact".
18:08 "Feelings are fact" est un titre qu'elle a volé à son psychanalyste.
18:13 Les psychanalystes sont des bons...
18:16 J'espère pour eux et elle.
18:19 Pour moi, le fait d'arriver à toucher quelque chose qui est intouchable...
18:25 Un souvenir, c'est quelque chose qui est mort déjà.
18:28 On ne sait jamais la vérité de ce qu'on a ressenti.
18:30 Mais d'essayer de le toucher...
18:32 Je me souviens de mon premier spectacle de danse.
18:34 J'étais en pyjama, j'avais 5 ans.
18:37 Je me fichais complètement de la chorégraphie.
18:39 Je regardais voler les poussières d'étoiles, bouche bée, presque, avec la salive qui découlait.
18:44 J'étais restée seule sans rien faire, alors que j'avais toute une chorégraphie à faire.
18:49 Je pense que d'être vraiment dans cette précision du souvenir, ça parle à d'autres que moi.
18:57 C'est toujours presque difficile de se demander jusqu'où ma propre histoire,
19:02 une singularité, pourrait trouver un écho.
19:04 C'est toujours le problème de ce qui est universel ou pas.
19:07 On pourrait dire qu'on s'en fiche de la Madeleine de Proust.
19:09 Parce que c'est exactement le même processus de mémoire qui ressurgit malgré soi.
19:14 À quel moment on sait que là, il y a quelque chose que le public,
19:19 que les spectateurs vont recevoir comme quelque chose de communicatif,
19:24 qui va toucher quelque chose en eux ?
19:26 Ça, malheureusement, je n'en sais rien du tout.
19:28 C'est un pari !
19:30 C'est-à-dire que c'est un pari d'écrire un livre.
19:34 Je pense que quand on ouvre un livre, c'est un pari de savoir, pour la personne qui a écrit,
19:38 si ça va traverser assez la page de papier ou l'écran vers un autre cerveau humain.
19:47 Mais je pense que fondamentalement, on a besoin de se relier.
19:51 C'est que comme ça qu'on survit.
19:53 Même bébé, si personne ne prend soin de nous, on meurt très rapidement.
19:57 C'est intéressant d'ailleurs, comment on grandit.
20:01 Parce qu'un bébé, c'est assez évident que s'il n'est pas nourri, lavé, changé, il meurt très vite.
20:08 Mais je pense qu'on meurt très vite aussi plus grand.
20:11 Donc ce sont des gestes moins terre-à-terre, moins vitaux, mais c'est quand même vital.
20:18 Je pense que se relier à l'histoire de quelqu'un d'autre, c'est pour ça qu'on peut aimer quelqu'un.
20:23 On n'aime pas souvent un seul quelqu'un, on aime des autres.
20:26 Parce qu'on se relie.
20:28 C'est-à-dire qu'à la fois, on voit un autre humain, on voit une autre bouche, une autre langue,
20:32 d'autres dents, d'autres salives articulées des mots, un autre corps.
20:35 On peut toucher un corps et on peut être touché.
20:38 Si on n'est pas touché, on ne sait plus qu'on existe.
20:40 Je pense que ces schémas réflexes de la petite enfance sont toujours à l'œuvre quand on est grand.
20:46 C'est sûr.
20:53 Dans la danse classique, il y a aussi des mouvements quotidiens.
20:57 Par exemple, quand on s'étire le matin, c'est de la danse classique.
21:03 Et quand on se détend tout de suite après, c'est du contact.
21:08 Presque du contact.
21:10 Il n'y a pas de chorégraphie dans le contact.
21:15 Nous suivons simplement les principes du mouvement.
21:18 On s'éprouve à la méditation sur la gravité et le momentum.
21:21 Car chaque personne a une idée différente et un accélérateur différent.
21:25 Tout est accidentel.
21:27 On suit des mouvements, le sentiment, l'idée de la gravité, de l'élan, de l'autre.
21:32 Dans le contact, chaque danseur est en train d'avoir un accident.
21:37 Et ça provoque des réflexes.
21:39 On est tout le temps en déséquilibre.
21:44 Danseur et chorégraphe nord-américain Steve Paxton.
21:47 C'était en octobre 1978 dans l'émission "Semaine titre sur France Culture".
21:52 Gaël, je vous savais pourquoi on vous diffuse cet archive.
21:55 D'abord parce que c'est l'un des personnages, des artistes qui est cité dans votre spectacle "Austerlitz".
22:02 Puisque au-delà des histoires d'amitié et d'affinité artistique avec vos interprètes,
22:07 vous y racontez aussi comment ils ont été nourris et vous avez été nourris par tel artiste,
22:13 tel cinéaste, tel danseur, tel chorégraphe.
22:17 Et Paxton en fait partie.
22:19 Et aussi parce que c'est votre vision de la danse, cette idée du contact,
22:24 cette idée de l'accident qui permet au corps d'exister l'un par rapport à l'autre.
22:30 D'abord merci d'avoir passé cet archive.
22:34 Je ne la connaissais pas et j'adore la voix très douce.
22:38 On ne l'entendait peut-être pas beaucoup parce qu'il y avait la traduction française.
22:41 Mais la voix très douce et feutrée de Steve Paxton qui vit encore,
22:44 qui vit toujours dans le Vermont aux Etats-Unis.
22:47 Et c'est ce que je voulais dire à Géraldine aussi.
22:50 C'est que par rapport à la question des choses intimes,
22:55 on est toujours relié à des choses qui sont plus collectives.
22:58 C'est-à-dire qu'on a tous un rapport avec des artistes depuis la petite enfance aussi.
23:03 Parce qu'on raconte des histoires, on va voir des films.
23:06 Enfin quand on a de la chance de pouvoir faire ça.
23:08 Quand on n'est pas dans un pays en guerre par exemple.
23:10 Mais tout de suite on se relie avec d'autres qui sont plus publics.
23:14 Et je pense que c'est ça qui s'articule tout de suite.
23:17 Il n'a jamais été question pour moi de parler de Papa-Maman par exemple.
23:23 Ça, ça m'intéresserait moins.
23:25 Je dis que ça pourrait tout à fait aussi fonctionner comme spectacle.
23:28 Mais ce n'est pas tellement là qu'on se situe.
23:30 D'ailleurs aucun de mes camarades, ça ne leur aurait même pas du tout plu le spectacle si j'avais voulu faire ça.
23:35 C'est plutôt de voir qui en invite tout de suite à sa table consciente et inconsciente.
23:41 Dans nos croissances, qui fait que des désirs se développent.
23:47 Et évidemment nous, on a tous choisi un rapport avec l'art plus ou moins rapidement.
23:53 Et donc tout de suite, des artistes se sont invités en amour en fait.
23:58 Stéphane Montero a par exemple tombé sur Nine Inch Nails, un album de musique industrielle.
24:09 Et il s'est dit "je veux faire ça maintenant".
24:11 Je pense qu'on a tous des chocs comme ça de voir, ça peut être la même chose d'ailleurs pour un autre métier.
24:16 Ce n'est pas forcément un métier artistique.
24:18 Je pense que c'est les humains humains qui ont la chance de vivre un choc comme ça, qui décide d'une vie.
24:25 C'est super !
24:28 C'est comme une étoile filante en fait.
24:34 On voit l'étoile et on suit le fil lumineux jusqu'à la fin.
24:40 Et donc très vite aussi, dans le spectacle, tout de suite, dès le début, on invite d'autres gens que nous,
24:46 qui sont des gens plus connus, qui sont plus vieux, qui sont morts.
24:49 Et donc c'est Steve Paxton qui est une figure extrêmement importante de la danse, qu'on appelle post-moderne en histoire de la danse,
24:55 qui a inventé une technique de partage du poids.
24:59 C'est assez super parce que personne ne l'avait fait avant.
25:01 On a tous une gravité, on décollerait de la grotte terrestre.
25:06 Et qui s'appelle le contact improvisation.
25:10 C'est très beau ce qu'il dit parce qu'effectivement, j'aime beaucoup, quand on s'étire, ça serait de la danse classique.
25:19 Lui, il n'en faisait plus beaucoup.
25:21 Après, c'est un danseur qui a travaillé avec Merv Skinningham, donc il a une technique classique très importante.
25:26 Je ne sais plus comment il dit ce qu'il dit, mais quand on pose le pied par terre, en gros, on est en contact avec le sol,
25:31 ou on est en contact avec son lit.
25:33 Et que c'est ça, la danse contact, c'est plutôt en contact.
25:36 Je trouve ça vraiment très simple parce qu'on pourrait faire tous les trois une danse contact.
25:40 Ce serait génial, on est à la radio, mais on pourrait enregistrer les sons.
25:43 On serait collés.
25:44 Qu'est-ce qu'on ferait ?
25:45 On rentre en contact et on voit, on a tous des petits ajustements.
25:50 J'adore, vous me regardez comme si j'étais votre prof de danse soudainement.
25:53 C'est génial.
25:54 Clairement, ce n'est pas moi la prof de danse.
25:56 Par exemple, si j'appuie mon dos contre vos dos, on va sentir évidemment, comme on est debout sur nos deux pieds,
26:04 on va sentir qu'on s'ajuste sans arrêt à la pluie gravitaire.
26:08 Nicolas va faire un petit mouvement vers la droite, simple Géraldine vers la gauche, et moi je vais vous suivre.
26:14 On va commencer déjà à faire une sorte de danse ondulatoire, par exemple de serpent,
26:18 qui peut se déployer si tout à coup j'attrape la main de Géraldine, je la tire et elle me résiste, etc.
26:24 C'est vraiment, même sans technique de danse, on peut déjà improviser une danse de danse contact.
26:31 Et c'est vrai que sur un plan littéral, ça provoque une danse, ça produit une danse.
26:37 Et sur un plan plus symbolique, c'est-à-dire qu'un contact produit déjà de la relation,
26:43 mais une relation qu'on ne connaît pas à l'avance.
26:45 C'est ça que j'aime beaucoup.
26:47 On ne décide pas à l'avance et il n'y a personne qui décide à l'avance.
26:50 C'est le binôme ou le trio, dans notre cas, qui prend une décision à chaque seconde même, etc.
26:59 C'est une espèce de système utopique, assez égalitaire, où on partage notre poids dans ces danses ondulatoires,
27:07 sans décider en disant "moi je veux qu'on aille tous là".
27:10 Parce qu'on ne parle pas, en plus.
27:12 Ce qui est beau aussi dans la danse, c'est qu'on peut parler dans le spectacle au stériliste,
27:16 il y a un récit très long, mais au moment où on danse dans ce contact, on n'échange pas verbalement.
27:21 Le langage est induit par autre chose, par nos dialogues toniques, on dit en danse.
27:30 J'aimerais Gaëlle Bourges que vous décriviez un instant la scène que l'on voit dans ce spectacle.
27:36 Donc il y a un rideau qui se lève, nous sommes face à une sorte de boîte grise, boîte noire,
27:42 je ne sais pas comment vous la décrivez.
27:43 Il y a une moquette au sol, un fond de scène,
27:46 avec un écran sur lequel sont diffusées les photographies.
27:51 Et puis il y a ce voile tendu entre les interprètes et les spectateurs.
27:56 Il y a quelque chose d'assez onirique, presque comme si on était dans un rêve,
28:00 comme si on assistait à quelque chose qui ne se passe pas véritablement devant nous.
28:04 En tout cas il y a une forme de distance avec ce qu'on voit.
28:07 Ça s'est voulu, et pourquoi avoir mis en scène de cette façon-là ?
28:12 Est-ce que j'ai l'impression qu'on est toujours à distance des blocs de mémoire ?
28:19 Les blocs surgissent d'ailleurs à l'occasion d'un lapsus, de rêve.
28:27 Ça vous est déjà arrivé, j'imagine, de rêver de quelqu'un ou de quelqu'une qu'on n'a pas vue depuis 20 ans ?
28:33 Et des fois même on croise la personne trois jours après, ça vous est déjà arrivé ou pas ?
28:37 Non.
28:38 Dommage !
28:39 Dis-moi, ça m'est déjà arrivé.
28:41 Mais moi je fais des lapsus.
28:42 Ah ben voilà, ça marche aussi.
28:44 Et ça c'est quand même assez étrange parce qu'il y a quelque chose qui remonte et qui perce le voile,
28:55 et puis ensuite c'est déjà parti.
28:58 C'est comme au Starlit, le personnage de Sebald qui sent ses blocs remonter
29:07 et qui n'arrive pas à mettre la main dessus.
29:10 C'est vraiment quelque chose qui s'échappe sans arrêt.
29:12 C'est ça qui est intéressant d'ailleurs.
29:15 On en parle dans le spectacle, ce serait de dire la vérité.
29:20 Mais ça veut dire quoi ?
29:22 Dire la vérité, ça veut dire quoi "vérité" ?
29:25 J'en sais trop rien.
29:26 J'aime beaucoup le poème d'Emily Dickinson qui dit ça justement.
29:29 Un poème qui commence comme ça, "dire la vérité mais de façon oblique".
29:35 C'est génial non ?
29:37 C'est-à-dire que ça s'échappe toujours, c'est en diagonale, c'est jamais face.
29:41 Et j'ai l'impression que la mémoire c'est comme ça.
29:44 On a des souvenirs de choses qui sont déjà mortes.
29:49 Les gens aussi meurent.
29:52 Nous évidemment on va y passer aussi.
29:55 Il y a quelque chose comme ça, comme une dégringolade perpétuelle.
29:59 Mais c'est comme ça qu'on vit en fait.
30:02 Et de faire récit de ça, c'est au moment où le monde se vide des souvenirs,
30:10 que les photos enferment ou les objets aussi qui ne peuvent pas dire leurs souvenirs.
30:15 De faire récit, c'est comme si ça ralentissait la dégringolade.
30:19 Je crois que j'essaie de faire ça dans mes spectacles, de ralentir la dégringolade.
30:23 Et aussi de savoir des choses.
30:27 La vérité s'échappe au moment où on essaye de...
30:31 La vérité échappe au langage, ça c'est sûr.
30:35 Mais c'est de continuer à essayer de faire ça.
30:38 Et je crois que j'aime bien le faire en groupe, c'est moins flippant.
30:41 C'est un peu trop vertigineux quand on est tout seul.
30:44 Il y a des aller-retour permanents dans votre spectacle.
30:48 Entre les histoires personnelles, ça je l'ai dit,
30:51 les références et les affinités artistiques qui ont nourri chacun et chacune.
30:55 Et puis la grande histoire aussi.
30:57 La seconde guerre mondiale, bien sûr, la Shoah, la guerre de l'Algérie aussi.
31:01 Tout cela se mélange.
31:03 C'est vous qui avez fait ces liens entre tous ces récits.
31:07 Notamment inspirés par des rêves qui vous sont venus pendant ces résidences.
31:11 Et la création de ce spectacle.
31:14 Ma question est un peu vache peut-être Gaëlle Bourges.
31:17 Mais qu'est-ce que vous voulez qu'on retienne de ce spectacle de danse au final ?
31:23 J'ai envie de beauté en touche, mon capitaine.
31:28 Moi je ne veux rien.
31:31 Si j'aime autant la danse post-moderne,
31:35 on peut avoir plein de postures dans la vie.
31:39 On peut vouloir des choses et c'est très bien.
31:41 Je veux manger quand j'ai faim par exemple.
31:43 C'est une question de besoin.
31:45 Mais en art, quand j'essaie de fabriquer quelque chose, je ne veux rien.
31:49 J'essaie qu'il se passe des choses, notamment entre nous.
31:55 J'espère que les gens du public dans le noir,
32:00 séparés de nous par un tulle transparent,
32:04 ressentent des choses aussi,
32:06 que eux-mêmes puissent expérimenter.
32:10 Je suis sûre que tout le monde expérimente dans sa vie de tous les jours.
32:14 Mais expérimente pendant 1h45, et la durée dans notre spectacle,
32:18 de monter dans les trains lancés à toute vitesse,
32:24 qu'on est en train d'emboîter.
32:26 On est comme des wagons qu'on emboîte les uns dans les autres,
32:29 avec une locomotive qui n'est pas moi,
32:31 qui serait plutôt Sebald, mais Sebald,
32:33 et puis Abhi Warbaud qu'on invite,
32:35 et puis Roy Fuller,
32:37 et puis Nijinsky,
32:39 et Yvonne Reiner.
32:40 Il y a plein de gens dans la locomotive qui nous précèdent.
32:44 Parce que ce sont des gens qui sont plus vieux,
32:46 qui ont fait qu'on est devenus des artistes de scène.
32:49 Et que cette locomotive lancée à toute vapeur,
32:52 à laquelle on s'accroche les uns aux autres,
32:54 vous vous accrochez aussi en fait,
32:56 pour aller quelque part ensemble.
32:58 L'idée c'est que dans ce trou noir,
33:00 qui est une salle de théâtre à l'européenne,
33:03 on délire quelque chose
33:08 qui puisse aider à trouver du sens.
33:14 Et surtout, comme dit Sebald,
33:17 de peupler le monde d'histoire
33:21 pour pallier le vide.
33:25 Les guerres vides,
33:29 littéralement,
33:31 certains pays,
33:33 plein de pays quand c'est la guerre mondiale,
33:35 de vie humaine.
33:37 Comment faire récit de ça ?
33:39 Comment supporter la mort,
33:42 les morts tragiques dans les guerres,
33:44 les morts aussi naturelles de chacun d'entre nous ?
33:48 C'est de faire trace en fait.
33:52 Et j'ai l'impression que c'est l'idée
33:54 que nos traces s'entremêlent pendant 1h45.
33:59 Vous avez parlé de dégringolade,
34:01 moi j'aime bien ce mot-là, Gabriel Bourges.
34:04 Pourquoi dégringolade ? Vous parlez de mort aussi.
34:08 Vous pensez que ça a vraiment un effet,
34:11 un spectacle vivant qui peut être éphémère,
34:14 ou même l'art en général,
34:16 pour empêcher cette dégringolade-là
34:18 ou pour contrer une sorte de fatalité ?
34:24 Le Gabriel, je pense que c'est dégringolade,
34:26 c'est une espèce de contraction.
34:28 C'est pas mal.
34:30 Je ne connais pas de Gabriel non plus,
34:32 mais c'est un très beau nom.
34:34 C'est l'ange Gabriel aussi qui apporte la lune à Marie.
34:39 Je ne sais pas, sans faire de poncif,
34:46 que l'art ferait ceci ou cela.
34:49 Donner du sens, c'est ça aussi quand vous dites ça.
34:51 Oui, après il y a des gens qui n'ont pas du tout de rapport à l'art
34:55 et qui ont du sens pour autant dans leur vie.
35:00 En tout cas, je pense que ce qui me frappe beaucoup,
35:04 et là je vais encore botter en touche,
35:06 parce que je ne peux pas répondre de façon monumentale et professorale,
35:10 ce que j'aimerais bien pouvoir faire par moment,
35:13 mais c'est vraiment embarrassant à la radio notamment.
35:17 Je pense toujours à nos ancêtres d'entrée lointain,
35:21 très rapidement quand même,
35:23 il y a des traces d'objets manufacturés dans la culture humaine.
35:29 C'est quand même étonnant qu'on ait eu envie de sculpter un couteau,
35:33 de rendre différent une matière brute,
35:39 qu'on pourrait tout à fait se servir d'un truc qui ne soit pas décoré,
35:42 et on l'a décoré.
35:43 Pourquoi on a fait ça ?
35:45 Je pense que c'est ça, c'est une question sans fond.
35:48 Si vous avez une réponse, merci de me la transmettre immédiatement
35:51 pour arrêter mon angoisse existentielle.
35:53 Je pense qu'on est toujours là en fait.
35:57 Et la dégringolade c'est aussi ça,
35:59 c'est qu'on ne sait toujours pas ce qu'on fout là.
36:01 - Dégringolade, glissement, accident, progression...
36:04 - J'attendais cette réponse !
36:06 - C'est effectivement aussi la façon dont vous nous apportez ce récit
36:10 dans votre spectacle Austerlitz.
36:12 Gaëlle Bourges, merci beaucoup d'être venue dans les Midis de Culture.
36:15 Le spectacle Austerlitz est au Théâtre Public de Montreuil jusqu'au 31 janvier prochain
36:19 avec Gaëlle Bourges, Agnès Butet, Camille Gerbeau, Pauline Tremblay,
36:22 Alice Roland, Marco Virali et Stéphane Montero.
36:25 Et ce sera également à Amiens en février, à Sainte-Divry en mars et à Montpellier également.
36:30 - Pour finir Gaëlle Bourges, nous avons choisi deux chansons,
36:34 on n'en a pas du tout parlé, vous avez beaucoup travaillé sur la nudité,
36:37 sur les représentations nues.
36:39 Donc nous avons choisi une chanson sur le fait d'être nue
36:41 et une autre chanson sur le fait d'être habillée.
36:43 Laquelle des deux souhaitez-vous écouter ?
36:46 - Nuuu !
36:47 - À poil !
36:48 [Musique]
36:56 On ne peut pas comme ça se promener dans la rue
37:04 On ne peut pas même si l'on voulait vivre nue
37:13 Et pourtant sans être répudique au fond
37:18 J'avoue franchement que c'est grisant
37:22 Nue au soleil, complètement
37:25 Nue au soleil, complètement
37:30 [Musique]
37:33 - Vous avez reconnu Brigitte Bardot, Gaëlle Bourges, nue au soleil.
37:36 Merci beaucoup d'être venue dans les médias de culture.
37:38 Et à très bientôt les médias de culture, émission préparée par Aïssa Twendoï,
37:41 Anaïs Hisbert, Cyril Marchand, Zohra Vignel, Laura Dutèche-Pérez et Manon Delassalle.
37:45 C'est Nicolas Berger qui réalise cette émission et la prise de son ce midi.
37:48 C'est Mélodie Hessmann. Merci à tous et toutes.
37:50 Bon week-end, bon week-end Géraldine.
37:52 - Bon week-end Nicolas.
37:53 - À lundi !

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