• il y a 11 mois
Transcription
00:00 Place à la rencontre. Aujourd'hui notre invité est dessinateur et auteur de bandes dessinées.
00:06 Ouvrir l'une de ses œuvres, c'est prendre le risque de se perdre dans ses pages sans case,
00:11 dans ses mille couleurs et dans ses mille détails.
00:14 Comme l'impression d'être à la fois noyé au milieu de l'infini et enfermé dans l'esprit de quelqu'un.
00:20 Comme l'impression paradoxale d'un huis clos sans fin.
00:24 Celle en tout cas que j'ai eue en ouvrant "Le roi Méduse", sa dernière BD.
00:28 L'histoire d'Arthur, un garçon d'une dizaine d'années qui voit le monde à travers les yeux de son père,
00:33 persuadé pour sa part de l'existence d'un complot mondial.
00:37 Bonjour Brecht Evans.
00:38 Bonjour.
00:39 Bienvenue dans les médias de culture.
00:40 Merci.
00:41 Brecht Evans, si je devais voir le monde à travers vos yeux,
00:45 comme Arthur voit le monde à travers les yeux de son père, qu'est-ce que j'y verrais ?
00:49 Dans mon cas, peut-être pas grand chose d'autre que vous-même voyez.
00:56 En ce moment même ?
00:57 Ah non, moi je ne suis pas complotiste déjà pour spécifier.
01:04 J'imagine que peut-être que j'ai remarqué quelques autres trucs que vous-même.
01:08 Donc je ne verrais pas spécialement ce que vous voyez vous dans vos BD.
01:11 Ah dans mes BD ?
01:12 Oui, est-ce que quand je suis à travers vos yeux, je vois le monde tel qu'on pourrait tous le voir à peu près ?
01:17 Ou vraiment vous avez une manière d'appréhender le monde particulier
01:19 et qu'on va retrouver dans votre style qui est assez particulier, on va y revenir ?
01:24 Oui, peut-être.
01:27 Regarder mes BD, j'imagine que je les regarde avec un autre yeu,
01:29 que je suis devenu insensible à certains boutons que ça appuyait le moment où je les ai écrits.
01:36 Mais que je deviens soudainement sensible à des autres trucs.
01:40 Chaque lecteur fait toute son propre expérience avec ce que j'adore.
01:45 Pour ce qui est d'observer le monde qui m'alentoure,
01:48 je crois être quelqu'un de très moyennement alerte.
01:53 Vous voulez dire un peu endormi ?
01:56 Ouais, ouais.
01:58 Un peu inattentif ?
01:59 Ouais, où j'observe un petit truc et puis je vais me revasser et pas remarquer mille autres trucs.
02:06 Par contre j'ai un métier dans lequel je peux bricoler avec les petits trucs que j'aperçois.
02:11 Il ne faut pas beaucoup nécessairement pour aller jouer avec.
02:14 Ça peut être un détail comme ça, une couleur, un angle, un objet, une disposition qui va vous interpeller ?
02:20 Sur une petite idée on peut bâtir un livre parfois.
02:25 C'est le cas du "Roi Méduse" ?
02:27 Est-ce que c'est partie d'une toute petite idée cette histoire qui semble se déployer ?
02:32 Enfin qui se déploie quand même sur presque 300 pages,
02:34 qui est faite de votre style, plein de mille détails, Brecht et Menz, plein de couleurs ?
02:38 C'est partie de quoi ?
02:39 Alors peut-être que j'avais tort.
02:41 C'est basé sur une expérience...
02:45 C'est pas basé sur... L'envie vient d'une expérience personnelle assez détaillée
02:52 qui prendrait deux jours à raconter.
02:56 On a un peu de temps quand même.
02:58 Donc voilà, on a 40 minutes, un peu moins là maintenant mais allez-y.
03:02 Donc une expérience très détaillée, pas nécessairement.
03:06 Mais pour ceux qui ont des idées, peut-être des opinions,
03:09 je ne commence jamais pour faire passer un message.
03:13 Vous ne faites pas passer un message sur le complotisme par exemple ?
03:16 Non, en tout cas au cours des années, dans ce cadre d'écrire, dessiner,
03:24 je me découvre des opinions.
03:28 En écrivant, on découvre qu'on a des idées ou on développe des idées
03:33 parce qu'à cause d'écrire une histoire, même une petite histoire en fiction,
03:37 on commence à remarquer "ah cette scène ne marche pas".
03:41 Et pourquoi cette scène ne marche pas ? Pourquoi on veut la changer ?
03:44 Pourquoi je veux faire un autre choix ?
03:46 Ça vient d'une sorte d'idée de "ah ça c'est beau".
03:50 Ce qui est beau a tendance à avoir quelque chose à voir avec ce que tu trouves vrai.
03:58 Donc là, soudainement des opinions, une vision du monde commence à jouer.
04:03 Mais il n'y a pas besoin de l'explicité, c'est juste dans les choix que tu prends,
04:07 en écrivant, une sorte de vision du monde apparaît.
04:11 Vous dites que c'est basé, vous vous êtes repris non pas basé,
04:15 c'est à partir d'une expérience que vous avez vécue,
04:17 c'est-à-dire que ce n'est pas parce que vous avez entendu parler du complotisme
04:21 que vous avez décidé de faire une BD sur le complotisme
04:24 et sur cet enfant qui voit à travers les yeux de son père
04:27 un monde menaçant, en tout cas, ourdi par un vaste complot.
04:31 C'est quoi alors l'expérience de départ ?
04:33 - Je n'avais pas l'intention de faire un livre sur le complotisme.
04:40 J'avais l'intention de faire un livre où un enfant raconte sa vie.
04:47 En tout cas, c'était mon deuxième intention, la première vient après.
04:53 Sur un enfant qui raconte sa vie et où on a grande difficulté de décéder
04:59 ce qui serait vrai, ce qui ne serait pas vrai.
05:01 Et où finalement, c'est dans le chemin au milieu
05:04 que le vrai plaisir artistique de ce truc passe.
05:10 J'avais envie, il y a des années en tout cas,
05:15 de marcher sur le chemin entre les deux
05:19 sans vraiment jouer un jeu de "ah, dans cette histoire, il y a la fantaisie, la réalité".
05:25 Mais de rester un peu dans le mi-chemin où l'aventure est à la fois vraie
05:30 et à la fois basée sur du délire.
05:34 - Sur la vraisemblance en fait.
05:36 - Comment ?
05:37 - Sur la vraisemblance, c'est-à-dire qu'il semble vrai, mais qu'il ne l'est pas forcément.
05:42 - Ouais.
05:43 En tout cas, on passe énormément de temps dans la tête de quelqu'un,
05:46 ce qui est différent des autres BD.
05:49 Au début, ça me faisait quasiment un peu peur
05:53 parce qu'il y a une voix narration.
05:57 D'ailleurs, je me suis super amusé avec ça,
06:01 des schémas, des choses qui représentent la vision
06:04 qu'il y a dans sa tête cet enfant.
06:07 Ce qui est très différent de mes autres BD où tout était montré en dialogue,
06:11 où on voit les personnages interagir
06:14 et on est censé deviner ce qui passe à l'intérieur de leur tête.
06:18 Il n'y avait pas des bulles de pensée, tout ça.
06:21 - Vous avez dit, Brash Stevens, que ça c'était votre deuxième idée,
06:24 c'est-à-dire vraiment d'être sur cette ligne de crête entre le vrai et le faux,
06:28 sans non plus que ce soit un jeu pour le lecteur de se dire
06:31 "est-ce qu'il dit vrai, est-ce qu'il dit faux, c'était pas ça qui vous intéressait",
06:34 mais vraiment de vous situer sur cette ligne de la vraisemblance.
06:36 Quelle était la première idée ?
06:38 - Euh... Ouais, bien...
06:39 - Qui arrive non chronologiquement, apparemment.
06:41 - Bon, on raconte tout à l'envers.
06:43 - Oui, oui.
06:45 - Bah déjà, mon expérience personnelle
06:51 était d'avoir eu un bouffet délirant,
06:54 un...
06:56 J'aime bien comment vous appelez ça,
06:58 un délire d'interprétation.
07:00 - Alors moi je l'appelle pas comme ça.
07:02 - Ouais, peut-être que c'est un vieux terme pour le truc,
07:06 qui me plaît beaucoup, parce que...
07:08 Quand on dit psychose,
07:10 et on connaît pas exactement,
07:14 on est pas très expert,
07:16 on peut s'imaginer des hallucinations visuelles,
07:19 par exemple,
07:20 voire des choses qui sont pas là.
07:22 Et ça c'est pas ce que c'est.
07:26 Et ça me fait penser à ce que vous demandiez tout à l'heure,
07:30 de comment vous voyez le monde,
07:32 est-ce que c'est différent de ce que moi je vois ?
07:34 À ce point-là, oui, radicalement, c'est-à-dire que...
07:38 - À ce moment-là de votre vie, en tout cas, on voyait pas la même chose, ça c'est sûr.
07:40 - Et justement, on aurait vu la même chose,
07:44 on aurait vu la même porte, on aurait vu la même personne,
07:46 on aurait vu le même autobus qui s'arrête,
07:48 mais on aurait interprété radicalement différent ce qui se passe autour.
07:54 Le mot flammand pour cet état est un pas délire d'interprétation,
07:58 mais un délire de...
08:00 Je sais pas comment traduire, mais un délire où tout a un rapport avec moi,
08:04 où je suis le centre du monde,
08:06 où quand l'autobus...
08:08 - Délire égotiste ?
08:10 Égotiste, égocentrique ?
08:12 - Un peu plus moche quand même.
08:14 - Bah désolé !
08:16 - Vous avez tenté une interprétation !
08:18 - Je vous ai félicité pour délire d'interprétation.
08:20 Mais ça aussi, c'était vraiment le cas,
08:24 donc moi je voyais cette personne,
08:26 cette personne a un agenda particulier avec moi,
08:30 veut me récruter pour quelque chose par exemple,
08:32 je vois cette porte, et derrière cette porte,
08:34 il y a un énorme événement qui m'attend,
08:36 il peut y avoir 200 personnes réunies,
08:40 des personnes importantes, des personnes que je connais,
08:42 qui m'attendent pour une sorte de festivité finale,
08:46 des trucs comme ça, et l'autobus quand il s'arrête,
08:48 il s'arrête pour moi, s'il est en train d'attendre avec les portes ouvertes.
08:51 - Ah, délire paranoïaque ?
08:53 - Ouais, dans mon cas, ça a été paranoïa joyeux.
09:00 - Ah bah c'est bien !
09:01 - Ouais, parce que...
09:03 croire que le monde me considérait la personne la plus importante du monde,
09:09 me gênait pas trop.
09:10 - Oui, mais c'était un délire de persécution.
09:12 - Ça peut être agréable.
09:13 - Non, oui, non, aux persécutions,
09:16 peut-être dans le sens de plus de paparazzo,
09:19 ou d'être très sollicité.
09:22 - Celui qui a le pouvoir de vaincre le seigneur des ténèbres approche,
09:28 et le seigneur des ténèbres le marquera comme son égal,
09:32 et il aura un pouvoir que le seigneur des ténèbres ignore.
09:36 - Ah...
09:39 Car aucun d'eux ne peut vivre tant que l'autre survit.
09:45 - Harry !
09:49 - Où est Sirius ?
09:55 - Il faudrait que tu apprennes à faire la différence entre les rêves...
10:00 et la réalité.
10:06 Tu as vu ce que le seigneur des ténèbres voulait que tu voies.
10:11 Maintenant, donne-moi la prophétie.
10:14 - Si vous faites quelque chose, je la casse.
10:17 - N'étais-tu jamais demandé quelle était la raison de la connexion entre toi et le seigneur des ténèbres ?
10:26 Pourquoi n'a-t-il pas réussi à te tuer alors que tu n'étais qu'un nourrissant ?
10:33 - Ne veux-tu pas connaître le secret de ta cicatrice ?
10:39 Toutes les réponses sont là, Potter, entre tes mains.
10:44 Tout ce que tu as à faire, c'est me la donner,
10:50 et je pourrai tout te révéler.
11:01 - J'ai attendu 14 ans.
11:03 - Je le sais.
11:05 - Je peux attendre encore un peu.
11:08 - Maintenant, stupéfique !
11:10 - Vous avez reconnu Brad Shevens ?
11:17 - Il m'a fallu un moment avec le doublage, mais on est dans Harry Potter, n'est-ce pas ?
11:22 - Oui, tout à fait. Harry Potter et l'Ordre du Phénix de David Yates 2007.
11:27 - Si on a choisi cet extrait de ce film-là, vous vous en doutez,
11:31 c'est parce que vous présentez le roi Méduse, donc Arthur lui-même,
11:36 le héros de votre bande dessinée, comme le Harry Potter breton.
11:40 Alors, est-ce que c'est juste une blague, ou est-ce que ça a un sens pour vous de le présenter comme ça ?
11:45 - Moitié blague, moitié sens.
11:47 - Les deux n'étant pas exclus, c'est vrai.
11:50 Déjà, il y a quelques années, j'avais envie parfois de montrer des dessins de la chose en public,
11:58 sans avoir un titre définitif, et Harry Potter breton faisait très bien l'affaire.
12:04 - On comprenait tout de suite de quoi il était question, c'est ça ?
12:06 - En tout cas, je me disais "c'est alléchant".
12:08 - "C'est vendeur".
12:10 - Et en néerlandais, je disais juste "Harry Potter français", mais ça ne vous aurait pas fait rire.
12:19 - Ça a un sens. Je ne suis pas très connaisseur d'Harry Potter, j'ai lu le quatrième, je crois.
12:25 Mais je l'ai lu, c'était très addictif.
12:30 - Mais il y a quand même un sens, ce n'est pas que "vendeur".
12:34 Quel est le rapport entre Arthur, ce petit garçon qu'on suit,
12:39 qui voit le monde à travers les yeux de son père,
12:42 qui quand même a une relation particulière avec son père.
12:44 C'est-à-dire qu'au départ, son père ne lui parle pas,
12:47 et c'est à travers les dessins qu'il va faire que son père va commencer à lui adresser la parole,
12:51 et ils vont développer tous les deux une complicité.
12:54 Son père va l'armer contre le monde.
12:57 Il y a cet exercice génial qu'il fait de mnémotechnique,
13:01 où par exemple il revient de l'école et son père lui dit
13:05 combien de personnes portaient un pull jaune,
13:07 et autres questions.
13:10 Et à un moment donné, le petit garçon perd la mémoire,
13:12 enfin ne perd pas la mémoire, mais oublie, il n'est pas attentif,
13:14 il dit qu'il y avait deux personnes avec un pull jaune,
13:17 et il dit "tu mens, il y en avait zéro".
13:19 Donc voilà, il l'arme, son fils, contre le monde,
13:22 et puis un jour son père disparaît.
13:24 Et ça arrive en fait un peu plus tard quand même.
13:27 Dans la BD, quel rapport entre Harry Potter, ce petit sorcier,
13:30 avec une esthétique quand même assez reconnaissable,
13:34 de sorcellerie, d'Angleterre, de chimère,
13:38 et Arthur, votre roi Méduse ?
13:41 - Harry Potter est un des exemples les plus connus et populaires
13:45 d'une sorte d'histoire qui revient pas mal.
13:48 Il y a un élu, on a pas mal d'histoires avec des enfants élus aussi,
13:53 pour être important dans le combat contre le grand mal.
13:58 Et comme encore davantage d'histoires d'aventure,
14:01 il est orphelin.
14:04 Comme pas mal d'histoires d'aventure,
14:06 il rencontre des parents surougas, comment dire ?
14:10 Des parents qui remplacent... - Adoptifs.
14:13 - Ah oui, voilà.
14:16 Ce qui se passe dans le livre, en tout cas le tome 1,
14:20 il y a cet entraînement dont vous parlez,
14:22 l'entraînement de combattants, d'espions, de survivants,
14:28 ce qui est quelque chose que si on est dans le souhait
14:34 de devenir cette personne, de cette sorte Harry Potter,
14:37 c'est quelque chose qu'on peut vraiment faire chez soi.
14:40 Et il y a pas mal de gens qui le font, qui se préparent.
14:43 - Les survivalistes, par exemple.
14:45 - Tout à fait. Il y a même un exemple plus extrême
14:47 sur lequel je suis tombé, j'étais déjà dans l'écriture,
14:51 mais je suis tombé derrière la grille de Maud Julien.
14:55 C'est une femme qui a été...
14:59 Pour donner une idée très rapidement,
15:03 son père, un franc-maçon bien décliné,
15:09 rien contre les francs-maçons, en particulier juste lui,
15:12 ça l'est pas du tout,
15:14 il a adopté une fille de 5 ans, d'un ouvrier qui bossait pour lui,
15:20 il l'a éduquée, à 21 ans, il a mariée cette fille,
15:27 qu'il avait complètement éduquée lui-même,
15:29 pour, avec cette femme, à ce point,
15:33 faire un enfant idéal, un enfant prometteur,
15:37 et cet enfant, c'est Maud Julien.
15:39 Cet enfant, depuis l'âge de 0 ans,
15:42 était éduquée, entraînée de façon quasi-tortueuse,
15:47 pour devenir une super-héroïne, pour sauver le monde.
15:51 Elle devait passer des nuits dans une cave avec des rats,
15:54 contempler la mort,
15:55 elle devait tenir des cordes électriques 10 000 volts,
15:58 sans montrer un truc sur le visage.
16:02 Bref, retour à Harry Potter, peut-être.
16:05 - Donc un cobaye, en fait ?
16:08 - Un projet.
16:13 Pas juste pour voir ce qui se passe,
16:14 mais avec une intention très spécifique d'en faire une héroïne.
16:18 - Mais Arthur, c'est ce projet-là aussi, c'est aussi un projet pour son père ?
16:21 - C'est bien plus doux de l'expérience de Maud Julien, je dirais.
16:27 Du coup, j'ai un raison pour lequel je suis allé parler avec elle,
16:30 boire quelques cafés à un moment,
16:32 c'était probablement pour des suggestions intéressantes,
16:36 mais aussi pour demander permission, quasi,
16:38 de faire cette version un peu tendre,
16:41 qui fait un peu envie de ce qui ressemble beaucoup
16:44 à son expérience horrible et traumatisante.
16:46 - Mais vous trouvez que...
16:49 Parce qu'il y a le filtre du complotisme,
16:52 mais en fait, ce que vous décrivez,
16:54 c'est ce que vit n'importe quel enfant
16:57 qui ne voit que le monde à travers les yeux de ses parents.
17:01 Et quand on vous lit, on se rend compte, Brash Evans,
17:05 que tout ce qu'on a appris jusque-là, en fait,
17:08 et c'est souvent pour ça que l'âge adulte ou l'adolescence sont si difficiles,
17:12 c'est que tout ce qu'on a appris, ce sont aussi des mythes qui s'effondrent.
17:16 - Ou en tout cas, que ce sont des opinions pas partagées par tout le monde.
17:20 - Pas évidentes.
17:22 - Mon éditeur aime bien dire aussi, par rapport à ce livre,
17:25 que c'est difficile d'échapper au modèle dans lequel on a élevé.
17:29 Parfois, il me donne des suggestions
17:32 de ce qui est le sujet du livre que je suis en train de...
17:35 - Il trouve le sujet pour vous, finalement, c'est ça ?
17:38 Il développe les lignes que vous avez à vendre, c'est ça ?
17:41 - Oui, à vendre, disons, oui.
17:45 - Non, mais pas à vendre, ça dépend.
17:47 Est-ce que vous parlez de l'exercice de communication ici,
17:50 une fois que le livre est sorti, ou au moment où vous êtes dans la création ?
17:53 - Oui, exactement. - Ah oui ? Non.
17:55 - C'est l'écriture qui l'intéresse.
17:57 Et là, pour moi, peut-être, pas du tout commerçant.
18:00 - Donc c'est une BD, mais peut-être que je devrais en parler avec votre éditeur,
18:04 sur la croyance qu'on hérite de nos parents,
18:07 et dans laquelle on grandit, tous ces modèles,
18:11 mais vous avez voulu, non pas le dépeindre de manière violente,
18:15 mais tendre. Est-ce que là, je présente bien ?
18:18 - Je voulais les deux, en raison possible pour laquelle c'est écrit comme ça,
18:24 parce que mon expérience avec mon père est très tembre.
18:27 Aussi, je crois que ce qui me fascine le plus,
18:31 ce n'est pas avoir des personnages que j'invite à être jugés,
18:38 que je jette comme des méchants devant le lecteur.
18:42 Il faut sentir une complicité, un truc avec ces personnages,
18:47 il faut les comprendre, les aimer un peu.
18:52 - Une empathie, oui.
18:54 - Oui, il faut comprendre ce qu'ils font,
18:58 et si ce sont des choses que tu ne tolèrerais pas,
19:01 ce sont des choses que tu comprends.
19:04 En tout cas, c'est partie de l'exercice de l'écrire.
19:08 - On venait de parler de l'enfance.
19:13 Moi, j'aimerais bien parler de l'enfance.
19:15 - Oui.
19:16 - Qu'on retrouve aussi dans une de vos anciennes bandes dessinées,
19:19 qui s'appelle "Panthère".
19:20 Qu'est-ce qui vous fascine avec ce monde de l'enfance,
19:22 qui est si codifié, si aliénant ?
19:26 - J'ai deux petits trucs en tête, enfance,
19:29 et d'abord sur votre autre question,
19:32 je crois que ce qui me fascine, enthousiasme beaucoup dans l'écriture,
19:39 c'est le mélange ou la question des gens qui veulent faire du bien à l'autre,
19:45 et qui font beaucoup de mal à l'autre,
19:48 avec l'intention de faire du bien à l'autre.
19:51 Sans que ce soit un truc où je dis "Ah, c'est ça que les gens font",
19:54 mais en tout cas, c'est un intéressant truc qui arrive beaucoup.
19:58 Dans l'amour et la tendresse, ou la façon dont l'amour et la tendresse se traduisent,
20:05 ou le cadre dans lequel il n'y a parfois qu'un seul cadre
20:11 dans lequel on arrive à aimer une autre personne,
20:14 une sorte de jeu qu'on a ensemble,
20:16 une sorte de contrat qu'on a presque ensemble.
20:20 - De complicité, en fait.
20:21 - Oui, le père et le fils, le père et Arthur,
20:24 ils ont une sorte d'accord comme ça, une sorte de contrat,
20:28 pas si consciemment.
20:31 Je ne trouve pas qu'Arthur est en train de croire ce que croit son père en faisant semblant.
20:39 Il est dans cette cosmogonie, ou cosmologie aussi,
20:45 mais peut-être inconsciemment, peut-être derrière,
20:47 il sent quand même que "Ah, si je sortirais de ce truc,
20:50 je n'aurais pas d'abrobation, je n'aurais pas d'amour de mon père,
20:52 ce serait impossible d'être...
20:54 Ce n'est pas quelque chose qu'il explicite ou pense explicitement,
20:57 mais oui, c'est interdit.
21:00 - Et ça, vous pensez que c'est, pour revenir à ma question sur l'enfance,
21:03 que c'est aussi un moment, un état d'un être humain
21:08 qui vous intéresse tout particulièrement,
21:10 parce que justement, se joue ce rapport-là à la crédulité,
21:14 ou au rapport à l'autre,
21:16 on va développer une forme d'amour, de complicité,
21:18 qui fait qu'on va croire sans vouloir se demander
21:22 si justement ce n'est pas que de la croyance,
21:24 on va accepter, on va consentir une vision du monde inconsciemment.
21:28 - Je crois que les adultes sont très forts pour ça aussi.
21:32 - Pour faire croire des choses à leurs enfants ?
21:34 - À croire des bêtises l'un de l'autre.
21:37 Je crois que la raison pour laquelle le protagoniste est devenu un enfant,
21:44 que c'est un enfant,
21:47 j'ai, il y a longtemps, tenté à commencer à écrire quelque chose
21:51 qui utilisait l'imaginaire psychotique que j'avais expérimenté,
21:57 et ce que j'écrivais était très antipathique.
22:01 Cette chose plus près de mon propre expérience,
22:04 un personnage qui me ressemblait beaucoup plus à moi,
22:07 qui allait dans le même lieu où j'ai vécu ça, à Tokyo et tout,
22:10 c'était...
22:12 - À Tokyo c'est là où vous avez eu votre délire d'interprétation ?
22:15 - Oui, c'était un décor incroyable.
22:17 Et ça c'était dans un sens un petit peu...
22:21 On ne s'inquiétait pas pour ce personnage.
22:24 Ou même pire, il y avait un truc un peu glamour collé sur glamour.
22:27 Et puis j'ai feuilleté dans des anciens carnets,
22:31 quasi prêts à abandonner l'idée de faire quelque chose avec cette expérience.
22:37 Et dans un très vieux carnet, en 2012,
22:40 je suis tombé sur un petit paragraphe où un garçon raconte son été.
22:44 On dirait un exercice d'écriture à la rentrée.
22:47 "Qu'est-ce que tu as fait ? C'était écrit."
22:50 Et ce qu'il raconte, ce sont des choses relativement quotidiennes,
22:55 crédibles sur le comportement de son chien qui fout le bordel,
23:00 alternées avec des choses comme...
23:02 Et nous avons un puits de serpents.
23:04 Quand viennent les cambrioleurs, ils tombent dans le puits de serpents,
23:07 et on peut s'imaginer, est-ce qu'il a vu les serpents ?
23:10 Est-ce qu'il y a le mytho des parents ?
23:13 Est-ce qu'il y a un truc qui ressemble à un trou,
23:16 et le père a dit qu'il y a des serpents dedans ?
23:19 Ce genre de choses.
23:21 Et je me disais, "Ah, voilà mon personnage."
23:23 Je ne savais pas tout de suite pourquoi c'était l'idéal,
23:26 mais je me rends compte maintenant que, pour plusieurs raisons,
23:30 entre autres que la vie d'un enfant,
23:33 j'ai imposé un décor ultra contraint.
23:36 Il est à la campagne, il est sur une petite île,
23:39 il est un enfant, donc sa vie se passe à la maison, à l'école.
23:43 La vie d'un enfant est très cadrée,
23:46 s'il a un peu de chance, n'est-ce pas ?
23:49 - Ou trop cadrée ?
23:51 - Oui, il y a des protecteurs, il y a des surveillants,
23:56 sur une toute petite échelle.
23:59 Il y a toute une vie qu'on peut facilement suivre,
24:04 dont on peut comprendre, dont on connaît le parcours,
24:08 ayant été enfant aussi.
24:11 On sait quand un enfant est en train de faire des trucs
24:14 qu'il ne devrait pas faire, quand il est en train de sortir de son lieu sûr.
24:19 Donc ça simplifie beaucoup la partie réalité,
24:24 ou la partie réaliste du livre.
24:27 Et j'avais besoin de simplifier,
24:30 comme le délire d'interprétation, c'est le cerveau qui marche à 1000 km/h,
24:35 c'est interprétation, c'est pas juste quelques délires,
24:40 mais c'est non-stop et c'est énormément de choses.
24:43 Donc dans un décor avec énormément d'impulses,
24:46 stimuli je veux dire, comme Tokyo, waouh !
24:50 - Il fallait le cadre de l'enfance, d'un lieu restreint,
24:55 pour pouvoir enfermer le délire du père dans un cadre, c'est ça ?
25:00 - Pour avoir moins d'objets sur lesquels saboter le délire un petit peu,
25:05 pour que ce soit écrivable, sinon ça aurait été un livre de 10 000 pages.
25:11 Donc là il y a une école, un arbre, la mer, une voiture.
25:16 - Pour qu'on se repère. - Oui, exactement.
25:20 - Vous avez séjourné quelques fois à Bruxelles.
25:23 N'étiez-vous pas élève à l'Académie des Beaux-Arts
25:26 et n'avez-vous pas concouru pour le prix de Rome ?
25:29 - A 17 ans, je convoite le prix de Rome,
25:33 mais à 20 ans, révolutionnaire outrancier, frondeur combatif,
25:39 je crie généreusement "Place aux vieux, respectez les écoles éteintes".
25:45 Mon tempérament d'anglo-belge sensible,
25:49 ondoyant, me lançait d'un pôle à l'autre de l'art.
25:53 Masques expressifs, raies majestueuses, jardins d'amour poudroyants,
25:59 marins déformés, intérieurs lumineux et oscillants,
26:03 diables corrosifs, féminité musicalement parfumée,
26:08 languée de lumière et de flammes de neige,
26:11 allumaient étrangement ma peinture de ce temps.
26:16 Quand je refeuillette mes cartons de 1877,
26:20 je retrouve des angles cubistes, des éclats futuristes,
26:24 des flocons impressionnistes, des chevaliers d'Adda,
26:28 des attaches constructives.
26:30 - Brecht Evans, cette archive nous ramène en avril 1946
26:35 et on vient d'entendre la voix de James Ensor, un peintre belge.
26:39 - James Ensor est souvent cité comme une de vos influences.
26:43 Brecht Evans, d'ailleurs, quand vous avez dit que c'était sa voix,
26:46 vous avez fait un énorme sourire.
26:48 Est-ce que vous pouvez nous décrire un peu sa peinture
26:52 et nous dire aussi s'il y a une filiation entre l'art de James Ensor et le vôtre ?
26:59 - Ça m'a beaucoup fait rire ce monstre, je ne l'ai jamais entendu parler.
27:05 - Puis c'est trois ans avant sa mort.
27:07 - Et comme il rentabilise bien les quelques minutes
27:10 ou quelque chose qu'on lui accorde à parler, n'est-ce pas ?
27:13 Il ne gaspille pas une seconde.
27:16 Et j'ai l'impression que je l'adore.
27:18 C'est quel clown ?
27:20 Enfin, il n'est pas sérieux.
27:23 Et c'est très tongue-in-cheek ce qu'il fait là.
27:26 Ou il est sérieux, ou il s'en fout.
27:28 Ça lui plaît bien d'être à la fois dans le drôle et le ridicule
27:32 et ce qu'il trouverait à la fois.
27:34 - En tout cas, il raconte bien les êtres qui peuplent son imaginaire
27:39 et qu'il rend réel à travers son art.
27:41 - Je crois qu'il ne trouve pas ça marrant aussi la fausse modestie, clairement.
27:46 J'oserais à certains moments me reconnaître là-dedans.
27:50 Ensor, comme pas mal de choses, on peut parfois trop rapidement dire "influence"
27:56 quand en fait c'est "affinité".
27:59 Au fur et à mesure, on découvre une affinité avec un artiste.
28:05 Là, j'ai envie de commencer à le regarder mieux
28:08 et je sens qu'on a peut-être quelques projets en commun ou quelques envies.
28:13 - C'est quoi cette affinité, Brecht Evans, avec James Ensor ?
28:16 C'est sur les couleurs, sur le fait que votre travail peut ressembler
28:21 parfois beaucoup plus à de la peinture qu'à une BD telle qu'on attend d'une BD
28:26 avec du dessin où là vraiment vous faites appel à des techniques d'aquarelle
28:32 qui vont en relever plus de ce travail-là ?
28:34 - Anciennement, j'aurais dit que l'affinité était visuelle,
28:40 les couleurs comme vous dites, mais aussi il fait attention à...
28:45 où il trouve des astuces presque un peu pour se forcer à varier les visages.
28:53 Très concrètement. Donc il y a plein de masques, etc.
28:57 Quand il dessine un grand foule, il va faire un carnaval pour que les gens soient...
29:01 En vrai, je sais pas s'il le savait, mais il avait pas besoin de donner des masques à des gens
29:06 pour leur donner des visages. Il faisait les deux.
29:10 Mais donc il avait pas envie de dessiner plein d'humains normaux.
29:16 Il voulait vraiment que ça parte dans tous les sens.
29:19 Je me suis très fait plaisir avec un catalogue de lui, avec pas mal de textes et photos dedans aussi.
29:27 C'est un clown. Il joue des duels avec ses potes sur la plage, à Ostende,
29:33 en excrément avec des os. Sa maison, une sorte de cathédrale du carnaval.
29:43 Et ce qui m'a le plus marqué...
29:48 J'avais oublié de dire... Il y a une affinité aujourd'hui avec lui
29:53 qui est plus dans ce truc où il aime épeindre des choses un peu plus galactiques, grandioses, bibliques,
30:00 que ce qui commence à me faire plaisir.
30:02 Mais où j'ai senti vraiment affinité, c'était en lisant en petites lettres qu'il envoie à un ami
30:07 où il parle de ses factures et ses hémorrhoïdes.
30:11 Et là je me disais "Ah oui !"
30:12 - Là il y a une affinité ? - Ouais, là il y a affinité.
30:14 - Là il y a affinité sur les hémorrhoïdes et la facture.
30:16 - Ça confirmait un truc comme "Ah, on a ces grands artistes dont certains..."
30:21 Moi je n'ai pas tendance à faire ça, ou que si ça arrive je ne le fais pas exprès,
30:27 mais de renforcer leur image glorieuse et un peu différente des gens normaux.
30:32 Là, sur cette bribe qu'on a écoutée, Ensor le fait à fond.
30:36 Il se donne à créer une image, ou confirmer une image d'un artiste comme génie.
30:42 Mais qu'au fond, facture et hémorrhoïde va occuper l'esprit la plupart de la journée.
30:47 - C'est intéressant parce que vous parliez de James Ensor qui travaillait sur les visages,
30:51 mais plutôt sur des masques.
30:53 Vous vous dites "Pourquoi il faisait des masques alors qu'il aurait pu faire des visages ?"
30:56 Mais vous, à l'inverse, dans vos bandes dessinées, il y a très peu de visages.
31:01 Ils sont très peu esquissés.
31:03 On a l'impression plutôt d'être à l'intérieur d'une tête, dans un esprit,
31:08 et dans un monde, dans un univers infini, et en même temps qui nous enferme,
31:13 comme je le disais au début, c'est pas l'aspect extérieur des personnes qui vous intéresse,
31:18 c'est ce qu'il y a à l'intérieur ?
31:20 - Hum... Non...
31:23 - Vous êtes très intéressé par les visages ?
31:25 - Ouais, dans un sens.
31:28 En tout cas, l'aide dessinée est un exercice très important.
31:33 Donc dans "La Voix Méduse", dans le nouveau livre,
31:37 le visage du père est une sorte d'ovale foncé,
31:41 il n'a pas de traits définis, il n'a même pas d'oreilles.
31:44 Ce qui est, je crois, dans ce cas, un très bon choix de caractérisation du visage.
31:50 C'est nullement un désintérêt du visage.
31:54 Ceci est intéressant, peut-être particulièrement pour des dessinateurs,
31:58 ou des peintres, ou des gens qui veulent raconter en dessin,
32:01 le visage est 80% de ton truc,
32:04 il a une importance gigantesque dans ton dessin, quand il y en a.
32:09 Si tu dessines le visage, ton public, la personne qui le regarde,
32:14 va probablement beaucoup moins regarder le reste du dessin.
32:20 Il y a de bonnes chances qu'il va déjà regarder moins la posture,
32:27 la façon dont le corps se tient, il va moins regarder le décor,
32:32 moins regarder les autres choses dedans.
32:35 Si tu vas faire un visage, tu as entré à avoir fait un très bon choix,
32:40 un choix très pensé.
32:42 Donc la plus grande erreur que des dessinateurs peuvent faire,
32:45 c'est faire le même visage partout.
32:47 Ça je trouve ça absolument...
32:49 Enfin...
32:51 J'ai l'impression, peut-être que je connais...
32:53 Non, je ne vais pas faire mauvaise langue.
32:55 Peut-être sur des peintres morts un peu,
32:58 mais...
32:59 Bonigliani, c'est un peu...
33:01 - C'est toujours le même visage ?
33:02 - Ouais, non...
33:03 - Tintin, il a toujours le même visage ?
33:05 - Qui ça ?
33:06 - Tintin.
33:07 - Lui-même ?
33:08 - Oui.
33:09 - Qui d'autre ?
33:11 - Mais pas les autres personnages n'ont pas le même visage, Tintin, n'est-ce pas ?
33:15 - Non !
33:16 - Enfin, je ne vais pas faire une grosse défonce, bataille de Tintin, mais...
33:19 - Ah oui, vous voulez dire le même type de visage tout le temps ?
33:21 - Entre les personnages.
33:22 - Entre les personnages, en fait.
33:23 - Donc il a un style de visage et pas d'autre ?
33:25 - Tout à fait.
33:26 On peut alterner le visage du même personnage au cours d'une histoire,
33:30 mais du coup, on a encore plus intérêt à lui avoir donné un design très reconnaissable
33:36 pour pouvoir jouer avec.
33:37 Lui donner une silhouette très reconnaissable, peut-être un motif, des choses comme ça.
33:43 Le design des personnages est très très important.
33:45 - Et les paysages antérieurs que vous...
33:47 Parce qu'on a l'impression, quand on regarde votre BD, vos BD, et Breach Evans,
33:51 on est dans la tête, à travers les yeux, toujours, de la personne qui déambule dans la rue,
33:57 qui déambule dans un bar, qui déambule aussi dans son appartement,
34:01 que ce soit en intérieur ou en extérieur.
34:03 Là, ça explose, en fait.
34:06 Tous les termes qu'on peut trouver de chaos, d'explosion, de prolifération, de couleurs,
34:15 sont presque trop banals pour décrire ce qu'on voit.
34:19 Ce que vous faites.
34:20 - Oui, c'est vrai que je risquais d'oublier que dans les autres BD, il y a un truc de...
34:25 Ouais, on est dans le regard du personnage, en fait, qui déambule dans la ville.
34:30 Je fais beaucoup d'efforts, dans "Les Rigoles", dans d'autres livres,
34:34 de dessiner quelque chose qui ressemble à la perception totale, sensorielle.
34:41 Charles Burkfield est un peintre qui fait ça super bien.
34:45 Mais ça va m'égarer quand j'aime trop un artiste.
34:52 Cette fois, on est en plus dans l'interprétation, la schématisation,
34:56 la compréhension plus abstraite du monde, et beaucoup plus explicite,
34:59 commentée par de la narration.
35:01 Mais en effet, il y avait déjà ça.
35:04 Visualisation de son, de...
35:08 Je voulais dire un truc là-dessus.
35:11 - Vous avez quelques secondes encore.
35:14 - Ah oui, je sais ce que je voulais dire.
35:21 - Allez-y. En peu de temps.
35:24 - Dans ce monde full de gens parisiens, on connaît ça.
35:30 On connaît à quoi ressemble des gens à une table, qui boivent des verres.
35:34 Donc ce genre de sujet, assez quotidien pour nous,
35:37 on peut aller très loin, et cubiste, et délirant, et psychedelique,
35:40 dans la façon de peindre.
35:42 Mais dans ce livre, où je dois dessiner plein de choses très étranges,
35:46 qu'on croit qu'on doit comprendre,
35:50 je dois dessiner très précisément.
35:53 Je ne peux pas aller tout le temps dans le cubisme et l'expressionnisme,
35:57 pas dans le sens qu'on le connaît, le truc un peu kandinsky.
36:02 Je dois être précis, parce que les sujets sont très étranges.
36:05 Il faut les comprendre.
36:08 - On va s'arrêter là-dessus. Merci beaucoup.
36:11 - C'est tout pour aujourd'hui ? - Oui, ça passe vite.
36:13 - Oh merde, j'avais encore plein à dire.
36:15 - Vous reviendrez, parce que là on peut lire "Le roi Méduse",
36:18 c'est le premier volume qui vient de paraître chez Actes Sud,
36:21 mais le deuxième volume va paraître à l'automne, c'est ça ?
36:24 - J'aurais bien aimé. - Ça va pas être le cas ?
36:27 - Je ne sais pas. - Bon, à l'occasion que vous reveniez.
36:30 - Max, dans un an.
36:33 - On prend date. Brecht, avant de terminer, vous devez choisir une chanson.
36:36 On a choisi deux chansons, une sur les méduses, l'autre sur les panthères.
36:40 Laquelle préférez-vous, "Méduse" ou "Panthère" ?
36:43 - Je ne peux pas savoir quelle chanson ? - Non, c'est la règle.
36:46 - C'est nous qui avons choisi. - "La Panthère" est pas mal.
36:49 - Exactement, j'allais dire "Panthère". Je sous-sonne que c'est mieux que celle de "Méduse".
36:52 1, 2, attention, 1, 2, 3, 4, la panthère.
37:16 (Musique)
37:28 - Roland, Cristal, "La Panthère", ça vous plaît beaucoup, Brecht Evans.
37:32 - Oui, on avait raison, non ? C'est "La Panthère". - Ouais, "La Panthère", c'est bien.
37:35 Un grand merci à vous et un grand merci à l'équipe des Midi de Culture
37:38 qui se sont préparées tous les jours par Aysa Twendoï, Anaïs Sisbert,
37:41 Cyril Marchand, Zora Vignier, Laura Dutèche-Pérez et Manon Delassalle.
37:44 Réalisation, Louise André qui a trouvé cette magnifique chanson.
37:48 Prise de son, Dali Yard. Pour écouter cette émission, rendez-vous sur le site de France Culture,
37:53 à la page des Midi de Culture et sur l'application Radio France.
37:55 - A demain Nicolas. - A demain.

Recommandations