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Art et designTranscription
00:00 *Jusqu'à 13h30, les midis d'Occulture. Nicolas Herbeau, Géraldine Mosnassavoir*
00:09 Notre rencontre quotidienne, c'est notre conversation à trois voix avec notre invitée.
00:14 Ce midi, elle est artiste plasticienne.
00:16 Si elle a commencé, petite fille, par vouloir être dessinatrice, la peinture est évidemment venue très vite.
00:21 Et depuis les années 90, elle s'empare de toutes les matières, de tous les médiums pour créer.
00:26 La gravure, la céramique, l'aquarelle, l'encre, la vidéo ou encore le bronze.
00:31 Une nouvelle sculpture en bronze est justement au cœur de sa dernière exposition qu'elle présente dans la Galerie Sémiose à Paris.
00:39 Accompagnée de peinture et de dessin, exposition qui résonne avec des thématiques qui lui sont chères.
00:45 *Bonjour Françoise Petrovitch !* Bonjour !
00:47 *Bienvenue dans les midis d'Occulture !* Merci !
00:50 Et bienvenue dans ce studio de radio, Françoise Petrovitch.
00:53 Je dis ça parce que vous avez un rapport particulier avec ce média. Est-ce que vous pouvez nous le décrire ?
00:59 Ah parce que j'ai… En 2000, c'est ça ?
01:03 Je fais référence notamment à cette œuvre-là mais je sais que…
01:06 On sort du journal de France Culture à l'instant.
01:09 Vous avez été en 2000 dans un projet artistique qui était justement ancré à la radio.
01:14 Écoutez les premiers titres d'informations dessinés, puis un second dessin dans la journée.
01:20 Vous avez fait ça pendant deux ans. Est-ce que vous avez gardé ce lien particulier avec ce média ?
01:25 La radio, pour moi, c'est vraiment des voix.
01:30 C'est presque le médium de plus de fidélité qui accompagne.
01:35 La radio, ça nous accompagne là où on est. C'est-à-dire qu'on n'est pas obligé d'arrêter tout.
01:40 Ça, c'est quand même assez précieux. C'est-à-dire qu'on peut être dans le travail et quand même être avec une conversation.
01:45 Ce que j'ai beaucoup plus de mal d'ailleurs à faire avec la musique.
01:48 Paradoxalement, parce que la musique est rythmée. Il y a un rythme qui m'est imposé alors qu'une conversation, je l'écoute.
01:55 Radio Petrovitch, c'était un projet où j'avais envie d'enregistrer la première info que j'entendais le matin.
02:02 C'était l'époque où on avait des cassettes, il n'y avait pas d'ordi.
02:05 On sautait sur le…
02:07 Sur le magnétophone.
02:08 À bande !
02:09 Je renregistrais la première info et je faisais un dessin qui était comme une réponse, finalement.
02:16 Une réponse dessinée à quelque chose entendu. J'aimais bien ce rapport aussi du son et du dessin ensuite.
02:21 Et dans ma journée, je faisais un autre dessin qui était plus intime. Là, c'était le collectif et le public.
02:27 Et ensuite, je faisais un dessin qui était un moment de ma vie, comme un petit carnet, une note, comme une note dessinée.
02:32 Et donc, j'ai fabriqué finalement des drôles de diptyques qui n'avaient rien à voir, à part qu'ils s'étaient passés le même jour.
02:40 Et j'ai tenu ça pendant deux ans.
02:42 Ça s'appelle Radio Petrovitch.
02:44 Aujourd'hui, est-ce que vous avez toujours un rapport particulier à l'actualité ?
02:47 Parce qu'évidemment, ça dit quelque chose aussi de l'actualité, de suivre tous les jours les titres, la première information qui est mise en avant.
02:55 Et est-ce que ça vous influence encore ? En tout cas, ça vous aide à garder un regard sur le monde ? Ou alors, vous vous en protégez plutôt ?
03:02 Je pense qu'on ne peut pas... Non, le regard sur le monde, il est évident.
03:08 Il peut même être traumatisant.
03:11 Enfin, je veux dire, on le sait tous que c'est difficile pour beaucoup plus de monde peut-être que nous même.
03:18 Et du coup, enfin sûrement, mais donc, on est touché.
03:21 Enfin, je veux dire, une éponge. Alors des fois, j'essaye de ne pas être trop spongieux justement.
03:27 Parce que sinon, ce n'est pas possible.
03:29 Il y a une radio dans votre atelier ?
03:31 Il y a une radio, oui.
03:33 Elle diffuse quoi ?
03:35 Alors, France Culture, France Inter. Non, c'est vrai. Et parfois, France Info.
03:41 Alors, on va se balader dans votre univers, Françoise Petrovitch.
03:45 Et on va commencer évidemment par jeter un oeil à cette dernière exposition que vous proposez.
03:49 Pourrais-tu m'expliquer ce qu'est l'adolescence ?
03:52 Non, je ne pourrais pas parce que c'est très imprécis pour moi.
03:57 C'est une période très difficile.
04:00 Il y a des moments où on est dans une très grande joie.
04:03 Et puis d'autres où on a des cafards sans savoir pourquoi comme ça.
04:07 C'est inexplicable l'adolescence.
04:09 On peut expliquer les adultes et on peut expliquer les enfants.
04:14 Des joies qui nous étaient interdites quand on était plus petite parce que...
04:18 De quelle joie ?
04:20 La joie d'avoir des amis, des garçons qui sont...
04:25 Je crois que c'est très important aussi à cet âge-là.
04:27 J'ai eu l'adolescence mais je la vis différemment de mes parents parce que moi j'ai envie de vivre ma vie.
04:32 J'ai l'impression que les adultes qui sont autour de moi, ils ne vivent pas leur vie. Ils subissent leur vie.
04:37 Tu te sens une enfant ou une adulte ?
04:39 Je me sens bien. Je ne me sens rien.
04:42 En 1976, sur Antenne 2, quelques réponses d'adolescentes à cette question.
04:46 C'est quoi l'adolescence ? Comment définir cette période ?
04:49 La dernière jeune fille répond.
04:51 Je me sens bien, je ne me sens rien.
04:53 Il y a quelque chose dans l'adolescence, Françoise Petrovitch, qui vous interroge, qui vous questionne.
04:59 Parce que c'est une période de transition, de rupture entre deux âges ?
05:03 Oui, et je me rends compte que ça fait plus de 30 ans que ça me...
05:08 Même 35 ans, je crois, que ça me questionne.
05:11 Donc c'est quelque chose qui... C'est des obsessions comme ça qui apparaissent, qui disparaissent.
05:14 Mais il y a toujours ce lien entre un moment qui...
05:18 Entre un état qui se transforme.
05:20 C'est-à-dire que c'est aussi...
05:22 Et d'ailleurs, quand ils disent...
05:25 On qualifie le reste, mais l'adolescence, on a du mal à le qualifier.
05:29 Ça, c'est ce qu'on voit. Et d'ailleurs, ils sont très matures quand ils disent ça.
05:32 C'est pas du tout...
05:33 Et c'est un jeu, finalement, incessant de liaisons, déliaisons.
05:36 C'est-à-dire qu'il y a toujours ce...
05:39 Ressembler à l'autre et en même temps être unique.
05:41 Se couper de quelque chose.
05:44 Il y a la grande disgrâce du corps qui bouge.
05:47 Il y a aussi, je pense, des grâces infinies dans l'adolescence.
05:51 Donc il y a une...
05:54 Moi, c'est...
05:56 Voilà, je suis toujours...
05:58 J'ai l'impression que je suis toujours intéressée parce que j'ai l'impression que c'est toujours mouvant.
06:02 Et que ce mouvement, c'est la vie aussi.
06:04 Il y a quelque chose de très...
06:06 De très incertain.
06:08 Et en même temps, qui se répète.
06:09 Donc c'est assez bizarre, finalement.
06:11 Et pourquoi plus l'adolescence que ce qui se passe après l'adolescence ?
06:15 Parce que justement, c'est presque évident que l'adolescence soit un moment de métamorphose.
06:19 Et on oublie qu'après, l'adolescence, disons à partir de 17 ans, quand on devient un jeune adulte,
06:24 en fait, on ne cesse de changer.
06:26 À 25 ans, à 30 ans, à 40 ans, etc.
06:29 Enfin, je ne vais pas faire tous les âges.
06:30 Mais c'est beaucoup plus sournois.
06:32 C'est moins identifiable.
06:35 C'est moins marqué comme le moment de transition dans une vie.
06:38 Mais moi, j'ai l'impression que les gens que je peins ou que je dessine, ils ont 17 ans, mais ils peuvent avoir 25 ans aussi.
06:43 Ça s'adresse finalement, ça représente ?
06:45 Bien sûr.
06:46 Tout le monde ?
06:47 Oui.
06:48 Oui, oui, oui.
06:49 Il y a ce même...
06:51 On s'y retrouve.
06:52 C'est-à-dire qu'il y a l'humain, il y a une fragilité.
06:55 C'est ces moments d'espace.
06:57 Il y a des moments d'indécision.
06:58 Dans ma peinture, par exemple, à l'exposition, il y a des précisions qui peuvent dater des vêtements,
07:05 comme un zip sur un sweat, un cordon de téléphone qui est dans la main, etc.
07:11 Des petits sacs à dos qui sont tout à fait d'aujourd'hui.
07:15 Et puis en même temps, il y a des grands espaces vides qui sont les espaces de la peinture,
07:19 qui sont des espaces peints, qui sont uniquement de la couleur, qui sont uniquement du geste.
07:23 Et là, on est dans l'un des six, et là, ce sont des décors qui n'en sont pas et qui ne marquent absolument pas un moment,
07:30 ni une date, ni un temps.
07:32 Et donc on est toujours entre quelque chose de très précis et reconnaissable, qui nous dit que c'est aujourd'hui,
07:38 et en même temps, à côté, on n'est absolument pas aujourd'hui.
07:42 On est dans des forêts qui n'existent pas, dans des forêts qui sont elles-mêmes des reflets,
07:46 qui reflètent des choses qui ne sont pas réalistes.
07:49 Enfin bon, on est un peu perdus.
07:51 - Vous perdez effectivement dans cette exposition composée de peintures récentes d'adolescents.
07:56 C'est ce que vous venez de décrire avec l'idée d'instantanée, d'avoir peint des gestes, des postures,
08:04 qui sont le résultat d'ailleurs de quoi ?
08:06 D'observations, de ce que vous avez pu voir d'adolescents dans la rue, dans le métro, dans le train ?
08:11 - Oui, j'observe beaucoup.
08:13 J'observe beaucoup d'ailleurs dans les musées.
08:15 C'est intéressant parce que dans les musées, on peut et photographier et observer sans problème.
08:20 Puisque tout le monde observe et photographie.
08:23 Et les gens sont assez fatigués, souvent dans les musées.
08:27 Par exemple, vous allez au Louvre, au bout de deux heures, les jeunes sont hyper fatigués.
08:31 Donc il y a beaucoup de relâchés.
08:34 C'est des moments de relâchement aussi.
08:36 Ça, ça m'intéresse.
08:37 Donc je fais un peu double coup en admirant la peinture et en trouvant mes sujets.
08:41 - Et ils font quoi quand ils se relâchent ?
08:43 Ils s'assiedent par terre ? Ils font quoi ? Ils baissent la tête ?
08:48 - Oui, par exemple la tête, elle est penchée sur une autre tête.
08:50 Ou alors ils s'appuient, ils se frôlent, ils se mélangent.
08:57 Et en même temps, ils ne sont pas forcément ensemble tout à fait.
09:01 Il y a des espèces de, comme je disais, des liaisons.
09:04 Il y a des espèces de grands écarts comme ça.
09:07 Comme quelque chose d'un peu élastique.
09:09 - Des swim-gums.
09:10 - Oui, des swim-gums.
09:11 - Il y a des points de vue variés sur ces portraits.
09:14 Vous les appelez comme ça, des portraits ?
09:16 - Je ne les appelle jamais des portraits, mais bon, vous pouvez les appeler des portraits.
09:20 - On les voit d'angles différents, de points de vue différents aussi.
09:24 On a presque l'impression que vous les auscultez, ces personnages.
09:29 Parfois on les rencontre plongés, parfois on voit juste une partie du corps, une partie du visage aussi.
09:35 - Ça c'est la grande force des arts visuels qui cadre.
09:38 C'est le cadrage qu'on peut retrouver dans la photographie ou dans le cinéma.
09:42 - Ça veut dire quoi pour vous quand vous choisissez précisément ce point de vue-là ?
09:47 Est-ce qu'il y a quelque chose derrière que vous voulez transmettre ?
09:51 - Il y a surtout des choses que je ne veux pas montrer.
09:54 Au lieu de montrer, je choisis ce que je ne veux pas montrer.
09:57 C'est-à-dire que je choisis de couper.
09:59 Je vais couper un bras, je vais couper...
10:02 Je m'arrive de couper des têtes aussi.
10:04 Mais je peux couper le côté d'un...
10:07 On ne voit qu'un bras, on ne voit pas l'autre.
10:09 Donc il y a des équilibres.
10:11 Et il y a aussi une partie qu'on ne voit pas, qu'on voit peu.
10:13 Ce sont les yeux.
10:15 - Car vous avez un rapport au regard qui est particulier, François Spetrovitch.
10:20 Notamment sur ces peintures à l'huile les plus récentes,
10:23 mais aussi sur les dessins à l'encre qui sont exposés dans cette galerie, c'est mieux.
10:27 Ce sont des visages qui sont cachés, des regards qui sont absents, cachés aussi parfois.
10:33 On ne voit pas les yeux.
10:34 Il y a cette idée chez vous qu'en ne montrant pas les yeux des personnages que vous représentez,
10:39 on regarde cette oeuvre autrement ? Expliquez-nous.
10:42 - Disons qu'on est moins dans un face-à-face, on est moins dans un dialogue.
10:47 Donc on va regarder autour, on va regarder peut-être plus la peinture et la matière même,
10:53 l'essence même du dessin ou de la peinture.
10:57 - Ça veut dire que vous voulez forcer le spectateur à regarder autrement, à s'interroger autrement.
11:02 Parce que spontanément quand on voit un portrait, un personnage peint, on va s'accrocher à ses yeux.
11:09 - On cherche le regard.
11:10 Quand vous promenez dans une galerie de portraits, dans un musée, on va chercher les regards.
11:15 C'est une façon aussi d'être dans un… finalement c'est des portraits paysage, c'est plus ample.
11:22 - Alors on va parler de la peinture, on va parler de la couleur aussi,
11:24 mais il y a dans cette exposition, je l'ai dit tout à l'heure, une nouvelle oeuvre que vous présentez pour la première fois.
11:29 C'est une sculpture en bronze qui s'appelle "Dans mes mains" et qui donne le titre à cette exposition.
11:35 Je commence la description et vous poursuivez Françoise Petronich.
11:38 C'est une femme accroupie qui maintient au sol un oiseau assez grand
11:45 et qui a, vous dites, un casque de cheveux dégoulinant comme de l'eau devant le visage.
11:50 Donc on ne voit pas son visage.
11:52 Et qu'est-ce qu'elle fait exactement ?
11:55 - Moi j'ai l'impression qu'elle terrasse l'oiseau.
11:57 C'est un combat qui est terminé.
11:59 On est après l'action.
12:01 Le bronze c'est une matière qui fige, qui est très dense, qui est très dure, qui résonne, qui est métallique.
12:07 Donc voilà, vous pensez que c'est peut-être quelque chose qui nous arrête.
12:11 Justement quand on parle de regard, ça arrête le regard le bronze.
12:14 Ce n'est pas quelque chose dont on traverse.
12:17 Ce n'est pas une installation papier etc. où on va traverser les choses.
12:21 Et puis elle est sombre, donc ça arrête.
12:24 - Et le volume de cette galerie au mur blanc, effectivement, elle est très imposante.
12:28 - C'est un volume et une trouée.
12:30 Et du coup, je ne sais pas que je pense, c'est après le combat.
12:37 C'est terminé. Il y a eu une action qui est passée, elle n'est plus là.
12:41 L'oiseau est vraiment géant.
12:43 J'aimerais pas avoir à faire un oiseau pareil.
12:46 - On a du mal à savoir de quel oiseau d'ailleurs.
12:48 Il s'agit d'une scène figée dans le bronze.
12:51 C'est un instantané là encore.
12:54 Vous ne nous décrivez pas ce combat avec cette statue.
12:57 - Non, il n'y a pas de mouvement.
12:59 C'est un geste mais ce n'est pas un mouvement.
13:01 C'est différent. Comme les peintures d'ailleurs.
13:03 Il y a cette geste arrêté mais ce ne sont jamais des mouvements.
13:05 Ça ne représente jamais quelque chose en train de bouger, en train de se faire.
13:08 Le mouvement va se fabriquer dans ce que vous voyez vous, ce que vous avez imaginé vous.
13:12 Et après quand on tourne, puisqu'une sculpture est trois dimensions,
13:15 on voit qu'elle a des talons.
13:18 Des petits détails qui peuvent dire des choses.
13:21 - Talons... - Et elle est plus grande que nous.
13:24 - C'est vrai que là elle est accroupie.
13:26 Donc elle m'arrive à peu près au buste, à la taille.
13:30 Un peu plus haut quand même.
13:32 Si elle se mettait debout, elle serait beaucoup plus grande que n'importe quel spectateur.
13:36 Ça veut dire que c'est une femme puissante ?
13:38 - J'aime pas le mot "les femmes puissantes".
13:40 - Ah merci, enfin ! Je déteste !
13:43 - Alors comment vous...
13:45 - Parce que je trouve que ce n'est pas un but d'être puissant.
13:48 Pour moi ce n'est pas...
13:50 - Pourtant il y a de la puissance dans son geste, elle maintient...
13:52 - Ah oui, d'accord, mais en peinture... Non mais là je parlais de...
13:54 Les femmes puissantes.
13:55 - De l'expression maintenant ?
13:56 - L'expression, oui.
13:57 Est-ce que moi gagner l'égalité avec les hommes c'est d'être puissant ?
14:00 Je n'ai pas très envie de ça.
14:02 Je ne vois pas le monde en tant que puissant et moins puissant.
14:05 Et dominé et dominant, ça ne m'intéresse pas.
14:07 Mais c'est vrai qu'il y a une puissance dans la peinture ou dans la sculpture,
14:12 mais c'est autre chose.
14:13 - Alors c'est quoi pour ce personnage ? Est-ce que vous avez imaginé quelque chose ?
14:17 - C'est dans le geste et aussi dans la concentration même du geste.
14:22 C'est très retenu et tendu.
14:24 - Vous avez fait remarquer que quand on tourne autour de la sculpture,
14:28 on voyait des talons à cette femme.
14:31 De la même manière quand vous décrivez vos peintures,
14:33 vous dites qu'il y a des détails comme ça, des marqueurs en fait.
14:37 Pourquoi intégrer ces marqueurs, qui sont donc des repères,
14:43 et pas clairement plonger dans quelque chose de complètement étranger
14:47 où il n'y a plus de regard, il n'y a plus de forme,
14:50 il n'y a rien qui nous encre quelque part ?
14:53 - Finalement j'encre beaucoup dans le réel.
14:56 Je regarde beaucoup et j'adore voir les détails des vêtements,
15:00 par exemple des élastiques particuliers.
15:03 - Oui, vous parliez de fermeture éclate tout à l'heure.
15:05 - Mais ça les zips c'est super.
15:06 - Pourquoi c'est super un zip ?
15:08 - C'est super parce que ça dit déjà un vêtement, une attitude, un choix,
15:12 un choix esthétique, ce qu'on est, ce que l'on veut être.
15:15 Et puis ça dit une matière, ça dit aussi une petite chose.
15:20 Et donc quand on, par exemple sur une...
15:23 J'essaie de répondre précisément justement, c'est la précision.
15:28 Et j'aime bien cette idée d'avoir des précisions dans des grandes largesses.
15:31 Parce que si tout est large, tout se fond, tout se dilue.
15:35 - Et on se perd littéralement finalement.
15:37 - Exactement. Par contre, si tout est précis, tout m'ennuie.
15:40 Parce que tout est répété, tout est hyper réaliste, ça ne m'intéresse pas.
15:44 Mais j'aime bien jouer avec l'inconnu, la largeur d'un grand pinceau,
15:49 la diffusion d'une couleur dans une peinture ou dans un dessin.
15:52 Et puis en même temps, une petite chose qui va accrocher le regard et qui va vous arrêter.
15:57 Donc il y a une rythmique qui s'installe.
15:59 Et moi, je pense que je regarde comme ça.
16:01 - Vous vous équilibrez à chaque fois, Françoise Petrovitch, entre le petit marqueur qui va nous retenir,
16:07 sans même forcément d'ailleurs qu'on le conscientise d'une certaine manière.
16:11 Et qui va faire, c'est tout le paradoxe de se sentir perdue.
16:14 Pour se sentir perdue, il faut avoir vu un repère et ne plus le voir, c'est ça ?
16:17 - Exactement. Et puis tu peux tourner autour et du coup, c'est un plaisir aussi du dessin.
16:23 Quand même.
16:25 - Quand même.
16:27 - Quelle est la correspondance ou le dialogue entre ces œuvres, ces peintures accrochées au mur dans la galerie,
16:33 comme vous l'avez imaginé ? Est-ce que d'abord c'est la couleur ?
16:36 On a parlé de ce bronze très sombre qui dénote, qui ressort fortement dans cet espace-là.
16:44 Et puis les couleurs des peintures que vous avez choisies, qui sont les couleurs du moment.
16:47 C'est comme ça que vous les décrivez.
16:49 - Je ne sais pas, j'ai dû dire ça.
16:51 - Il y a vert acide, mauve, orange et bleu charron.
16:54 - C'est parce que l'accrochage, il y a une partie...
16:59 Les dessins sont installés en bloc.
17:02 Donc il y a cette idée de reconcentrer le dessin et de faire un accrochage à deux étages.
17:08 Je ne l'avais pas fait, c'est bien.
17:11 Et puis il faut le voir, un accrochage il faut le voir.
17:15 Je ne peux pas tellement le décrire parce que je trouve que ça s'appréhende d'une manière physique.
17:20 On déambule, on revient.
17:22 Il y a un accrochage aussi.
17:24 Alors là, c'est un espace de galerie, ce n'est pas non plus 1000 m².
17:28 Donc il y a aussi cette idée de venir, de revenir.
17:32 On ne revoit pas la même chose et on redécouvre autrement.
17:36 Toujours le volume aussi.
17:38 - Et il y a notre regard aussi qui se perd.
17:40 On parlait tout à l'heure de l'absence des yeux dans les peintures qui nous permettent de regarder.
17:44 - Il n'y a pas que eux, il y a des personnages.
17:46 - Il y en a.
17:48 - Le regard qui est important.
17:50 Même en regardant cette sculpture qui elle n'a pas de regard,
17:54 on a nous notre regard qui part sur la sculpture, sur les peintures.
17:58 Il y a un mouvement perpétuel.
18:00 - Et puis il y avait aussi dans l'accrochage,
18:02 on a fait, parce que je le réalise avec Benoît Porchet et Frédéric Butin
18:06 qui m'accompagnent dans la galerie,
18:08 il y a aussi l'attention à la matière, matité brillant.
18:14 Ça c'est des choses aussi qui font partie du détail mais qui moi me touchent beaucoup.
18:20 La matité et la brillance.
18:22 Le bronze est brillant et la peinture est mate.
18:24 Je pense que c'était intéressant de les mettre en rapport.
18:28 Parce qu'actuellement on a l'impression avec les écrans, tout est brillant.
18:33 Tout est brillant tout le temps.
18:35 Et regardez au Moyen-Âge comme ils pensaient le mat, le brillant, les enluminures, les tissus.
18:41 - Il faudrait qu'on manque de mat un petit peu.
18:43 - Oui, je pense qu'on manque de mat.
18:45 On est trop en surface, on est trop en reflet, on est trop retourné sur nous-mêmes.
18:49 Le brillant amène les paillettes, tout ça amène quelque chose de particulier.
18:53 - Mais en même temps le mat c'est ce qui obstrue, ce qui bloque d'une certaine manière.
18:59 - Pas vraiment, non, non.
19:00 Moi je trouve que le mat, on se plonge dedans.
19:04 Et le mat, il diffuse.
19:06 - Ah mais ne le faites pas.
19:08 - Regardez, regardez.
19:10 - Le revêtement là par exemple de ce plateau de studio.
19:14 - Il est mat un peu velouté.
19:16 Et il est un peu chiné.
19:18 Vous voyez, il y a plein de petits gris différents.
19:20 Et du coup ça amène une variation.
19:22 C'est pas mal.
19:24 - C'est quand même pas mal ce studio.
19:26 - Vous laissez la place à l'imagination dans vos peintures et dans vos sculptures.
19:31 Mais il y a aussi parfois un petit moment de malaise.
19:38 Quand on se balade dans cette exposition de surnaturel.
19:44 Notamment avec les dessins qui représentent ces îles.
19:48 Avec des reflets, avec des couleurs qui sont effectivement, on en a parlé, mais assez sombres.
19:54 Il faut bien le dire.
19:56 Vous le recherchez ce sentiment un peu étrange ?
19:59 - Je ne le recherche pas mais il est là, c'est sûr.
20:03 Il a toujours été là et je le laisse advenir.
20:06 Mais je ne le force pas non plus.
20:08 Je ne sur-rajoute pas des signes morbides ou des choses pas du tout.
20:13 Mais il y a toujours une inquiétude, il y a toujours une étrangeté.
20:16 Il y a toujours comme une verticalité quelque chose qui va en soi-même.
20:23 - Moi je crois que la peinture et le dessin c'est la même chose.
20:29 Le dessin est une peinture faite avec des moyens réduits.
20:34 Sur une surface blanche, une feuille de papier, avec une plume et de l'encre,
20:39 on peut, en créant certains contrastes par des volumes, on peut changer la qualité du papier.
20:45 Donner des surfaces souples, des surfaces claires, des surfaces dures,
20:49 sans toutefois mettre ni ombre ni lumière.
20:53 Pour moi le dessin c'est une peinture avec des moyens réduits.
20:57 Et elle peut être très intéressante, tout à fait, de soulager l'artiste de son émotion.
21:04 Très bien, aussi bien que la peinture.
21:07 Mais la peinture est évidemment quelque chose de plus nourri,
21:10 qui a plus d'action sur l'esprit.
21:13 - Le rapport entre le dessin et la peinture, vu par Henri Matisse dans l'émission "Couleur de ce temps"
21:18 avec Georges Charbonni, c'était en 1950, François Spetrovitch.
21:23 J'imagine que vous êtes d'accord avec Henri Matisse,
21:27 parce que c'est un peintre, en tout cas un artiste très influent pour vous.
21:32 - Oui, pour moi je l'ai beaucoup regardé, j'ai beaucoup lu aussi.
21:37 Ce que j'aime c'est qu'il cherche,
21:41 j'aimerais aussi avoir une vision claire, limpide et un peu désencombrée.
21:47 Et pour moi c'est un maître du désencombrement, j'adore.
21:51 Quand il découpe, il dessine dans la couleur pour faire ses papiers découpés,
21:55 c'est l'absolue, c'est la fusion entre peinture et dessin justement.
22:00 - Le dessin est une peinture avec des moyens réduits, dit-il.
22:04 Vous, vous avez commencé par le dessin, quand vous étiez toute petite, faire 6 ans ?
22:08 - Quand on est petit, on dessine.
22:11 - Et à quel moment est-ce qu'on se dit qu'on passe à la peinture ?
22:14 Est-ce qu'on passe à la peinture ? Est-ce que c'est évident ?
22:16 Est-ce qu'il y a une différence entre les deux ? Est-ce qu'on en a conscience ?
22:19 - En réalité, j'ai peint jeune, vers 20 ans.
22:23 Je me suis installée dans la peinture, j'ai eu envie de peindre.
22:26 Et puis, ça me paraissait trop difficile.
22:30 Je sentais que je n'avais pas la maturité, que je n'avais pas la force nécessaire à la peinture.
22:37 On parlait de Radio Petrovic au début, j'ai beaucoup dessiné à ce moment-là.
22:43 Ensuite, j'ai développé le dessin en très grand format.
22:46 Et puis, mes dessins, c'est un peu comme des peintures.
22:49 Ils sont très colorés, ils sont de très très grand format.
22:52 Ce ne sont jamais des dessins d'études.
22:55 Et depuis 10-12 ans, la peinture est revenue fortement.
23:01 J'ai eu besoin de m'en séparer.
23:04 - La peinture, ça veut dire de prendre en compte la couleur, l'arrivée de la couleur, la gestion de la couleur ?
23:09 Ou alors, pas du tout ?
23:11 - Ce n'est même pas la question de la couleur, puisque mes dessins sont en couleur.
23:13 Donc, il n'y avait pas ce gap noir et blanc couleur.
23:16 Mais c'est plutôt l'histoire de la peinture qui est derrière la peinture.
23:23 Ce n'est peut-être pas tellement une question technique, c'est plutôt une question historique.
23:27 C'est-à-dire, on s'inscrit plus fortement dans une histoire de l'art avec la peinture.
23:32 Donc, c'est plus impressionnant.
23:35 Et puis, c'est ça, c'est plus impressionnant.
23:40 - Impressionnant ?
23:42 - Oui, on se permet du dessin.
23:44 Comme vous voyez, il y a quelque chose de...
23:46 On a l'impression...
23:49 On se dit, bon, le dessin va me permettre d'être peut-être moins regardé, moins vu, moins critiqué.
23:57 - On est plus discrets quand on dessine que quand on peint.
24:00 Parce que quand on peint, on a tout le poids, effectivement, de l'histoire de l'art.
24:03 C'est-à-dire les grands peintres, la critique.
24:08 - Comment est-ce qu'à partir de ce moment-là, on considère justement la couleur ?
24:12 Puisqu'on parlait de la couleur, avec une forme, on crée...
24:17 La couleur permet de construire des formes, de créer un espace aussi.
24:21 Il y a la question du blanc.
24:23 Comment est-ce qu'on gère les espaces libres ?
24:26 Est-ce que le blanc est utilisé aussi pour faire des formes ?
24:30 Comment est-ce qu'on gère justement toutes ces idées de construction d'une toile avec ces couleurs-là ?
24:36 - On gère tout.
24:38 Moi, ce que je trouve important, que je trouve assez spécifique des arts visuels,
24:44 en tout cas en ce qui me concerne, dessin-peinture,
24:47 c'est le fait que celui qui regarde, regarde tout en même temps.
24:51 Contrairement à l'écriture où vous ne lisez pas tout en même temps,
24:54 le cinéma, il y a la durée du film.
24:57 En musique, il y a la durée du morceau de musique.
25:00 Nous, en arts visuels, on saisit tout.
25:03 Je trouve que c'est une caractéristique extrêmement particulière.
25:08 On peut dire tout et son contraire au même moment.
25:14 C'est assez génial.
25:16 Il y a cette possibilité de…
25:18 Moi, justement, je joue avec tous ces codes.
25:22 Quand vous parlez d'inquiétude ou quand vous parlez en même temps de choses précises,
25:26 des tailles, petits, grands, etc.
25:28 Brosser, pas brosser, colorer, pas colorer, dans la même chose.
25:32 Tout est donné.
25:33 Et tout peut être contradictoire.
25:35 C'est ce qui est assez vertigineux.
25:36 Vous voulez dire qu'il n'y a pas de sens de lecture, par exemple ?
25:38 Il n'y aurait pas une bonne interprétation d'un de vos tableaux ou d'un de vos dessins ?
25:42 Non, il n'y a pas de sens de lecture.
25:43 D'ailleurs, j'ai horreur qu'on me dise qu'il faut regarder la peinture comme ça.
25:47 Au premier plan ?
25:48 Voilà, truc de composition.
25:51 Non, non, mais ça, c'est impossible.
25:53 C'est bidon ?
25:54 C'est bidon pour moi.
25:55 Mais non, mais c'est impossible.
25:56 Alors, évidemment, il y a la peinture classique qui s'appuie sur ces codes-là.
25:59 Et au fond, ce n'est pas ça non plus, la peinture classique.
26:02 Ça va être aussi quelque chose qui est donné d'emblée et qu'on reçoit.
26:06 Et qu'on reçoit avec toute notre culture, toute notre émotion.
26:09 Et c'est ça qui va… et c'est au même moment.
26:12 C'est ça qui est assez formidable.
26:13 Mais l'histoire de l'art que vous trouvez impressionnante, à laquelle vous tenez beaucoup,
26:17 Françoise Pesquette-Brich, elle est faite de ces interprétations qui certainement peuvent s'opposer.
26:22 Mais quand même, vont miser sur telle interprétation de tel tableau,
26:27 à partir de tel détail, avec tel plan.
26:29 Les cours d'histoire de l'art sont faits de ça.
26:31 Et d'ailleurs, ça les rend à la fois passionnants et extrêmement ennuyeux.
26:34 Parce que très enfermants.
26:36 C'est pareil, il faut connaître, mais pour s'en éloigner.
26:40 Et moi, je conseille de s'en éloigner au maximum de cette structure.
26:45 Mais d'aimer l'histoire de l'art et de connaître, évidemment.
26:48 Combien de temps de connaissances avant de dire, de pouvoir se permettre…
26:51 De s'en dégager.
26:53 Voilà.
26:54 Non, non, c'est pas du temps.
26:56 C'est être touché avant.
27:01 D'être ému avant.
27:03 Et c'est ça qui va…
27:05 Non, mais cette histoire du temps, elle est passionnante en réalité.
27:09 C'est un vrai sujet.
27:10 C'est un vrai sujet par rapport aux autres arts, j'en suis sûre.
27:12 C'est-à-dire que tout soit donné d'un coup ?
27:14 Que tout soit simultané ?
27:15 Alors, ça ne veut pas dire que l'artiste fait tout d'un coup.
27:17 On n'est pas dans un geste de performeur.
27:19 Non, on parle de la réception de l'art.
27:21 C'est cette réception, et ça on le sait.
27:24 On le sait quand on peint que tout va être au même niveau de compréhension et de saisissement.
27:29 Il y a l'idée de saisir quelque chose quand on voit.
27:32 Comment vous pourriez définir justement le temps qui est à l'œuvre dans le fait de regarder une peinture ?
27:39 Alors, le temps, justement, il est propre à chacun, à celui qui regarde.
27:43 Il n'y a pas un temps défini d'un spectacle.
27:45 Par exemple, quand on vous dit un spectacle de 50 minutes.
27:47 Là, au contraire, c'est nous qui décidons de regarder 10 minutes, 3 secondes, 1 heure.
27:54 De regarder plusieurs fois, de regarder avec du temps, de revenir voir un tableau quand vous avez 17 ans.
28:01 Puis de le voir quand vous avez 30 ans, puis de le voir quand vous avez 60 ans.
28:05 Est-ce qu'on peut mal regarder un tableau ?
28:07 Bien sûr.
28:09 Par exemple, quand on va dans une exposition...
28:11 Je fais ça tout le temps.
28:12 Vous regardez mal ?
28:13 Bien sûr, je m'en veux, mais c'est tout le temps.
28:15 Ça veut dire quoi, regarder mal ? Ça veut dire ne pas comprendre ?
28:18 Ne pas être disposé à.
28:21 Ça, c'est très important, mais bon, ça c'est pour tous les arts, j'imagine.
28:25 Enfin, oui, on le sait.
28:26 Et surtout, ne pas être assez émerveillé.
28:31 Il faut cette dose de naïveté, d'émerveillement pour se laisser hâper.
28:37 Mais c'est génial.
28:38 Oui, mais si ça ne marche pas, ça peut être aussi de la faute du peintre.
28:40 Il est peut-être mauvais aussi.
28:42 Ce n'est pas forcément parce qu'on n'est pas assez dans la disposition.
28:45 Vous voyez, pour faire la différence...
28:47 Tout est possible.
28:48 Mauvaise peinture vue par un mauvais spectateur, et bonne peinture vue par un bon spectateur.
28:52 Oui, c'est vrai aussi.
28:53 Et inversement, chasse et croisée, etc.
28:57 Dans les motifs qui reviennent dans vos œuvres, François Spetrovitch,
29:02 on a parlé des gestes, des mains, mais il y a aussi les animaux qui sont très présents, la nature.
29:07 On parlait de l'oiseau avec cette nouvelle sculpture, mais il y a aussi d'autres animaux qui sont représentés.
29:14 Et des êtres hybrides, d'ailleurs, avec des hommes et des membres animaux.
29:22 Qu'est-ce que vous voulez montrer ?
29:24 Pourquoi mélanger ces deux thématiques-là ?
29:26 Qu'est-ce que ça veut dire chez vous ?
29:28 C'est la question plus de la confusion, c'est-à-dire de la fusion.
29:32 Et ça amène le trouble.
29:34 Il y a quelque chose de malaisant aussi, avoir des choses qui ne sont pas finies,
29:39 ou qui se finissent autrement de ce qu'on connaît.
29:42 De métamorphose, de transformation des identités ?
29:45 Oui, ça va aussi avec la transformation, avec l'identité, les glissements, les liaisons,
29:50 des liaisons qui peuvent être sentimentales, mais qui peuvent être aussi corporelles, physiques.
29:55 Est-ce que vous prenez un plaisir, en tant qu'artiste, à vous dire "je vais perdre le spectateur, celui qui va me regarder" ?
30:02 Non, je ne raisonne pas comme ça.
30:03 Alors comment vous raisonnez ?
30:05 Je ne raisonne pas, je fais.
30:08 Je ne fais pas.
30:10 Ne sors pas du cadre.
30:12 Ne sors pas du cadre.
30:14 Ne sors pas du cadre.
30:17 Chut !
30:19 Ça suffit.
30:24 Ça suffit.
30:25 Ne bouge pas.
30:29 * Extrait de "Les Midis de culture" de François Spetrovitch *
30:53 Un extrait François Spetrovitch de ce spectacle des chimères dans la tête, spectacle de danse et d'art visuel,
30:59 qu'on peut venir voir dès l'âge de 8 ans, en collaboration avec le chorégraphe Sylvain Gros et le créateur audiovisuel Hervé Plumet.
31:06 C'est en tournée jusqu'au 27 avril prochain dans toute la France.
31:09 On donnera les dates tout à l'heure.
31:11 On entend cette injonction "ne sors pas du cadre".
31:14 C'est tout l'inverse que vous avez fait puisque décrivez-nous cette réalisation.
31:20 On est face à un grand écran rectangle.
31:23 Qu'est-ce qui se passe dessus ?
31:25 C'est un jeu entre le dessin, l'art chorégraphique et la danse.
31:29 Il y a un écran et l'histoire d'une petite fille qui a plein de choses dans la tête.
31:38 Les choses sortent.
31:39 Il y a une création comme ça.
31:40 Et puis il y a des injonctions "ne sors pas du cadre", "reste à ta place", "arrête de bouger", etc.
31:45 Les dessins se prolongent ensuite par le corps dansé.
31:53 C'est vraiment le jeu entre dessiné et réel.
31:57 Il y a chaque fois ces imprécisions et en même temps ces grandes précisions des danseurs.
32:02 C'est en suspension.
32:05 On est dans un espace où on ne sait pas où on est, on ne sait pas comment.
32:09 Il y a beaucoup de couleurs, il y a beaucoup de ruptures aussi.
32:13 Il y a des moments où les danseurs vont venir devant.
32:18 Le son est aussi très important.
32:22 Les danseurs sont d'abord derrière cet écran, ils sont dissimulés derrière ce grand écran.
32:28 C'est compliqué parce qu'il y a un dispositif pour qu'ils soient en suspension.
32:32 C'est très millimétré pour eux, c'est très physique, c'est très contraint.
32:37 Mais ça amène quelque chose de plus.
32:39 C'est un peu à la Méliès en même temps.
32:40 Quand on regarde, il y a un côté presque bricolé, fantaisiste, surréaliste.
32:46 Ça n'arrive pas, ça fait des collages entre le corps dessiné et le corps réel.
32:51 On est vraiment dans des compositions qui débordent du cadre.
32:57 Les danseurs viennent compléter avec leurs bras, leurs jambes, le dessin.
33:02 Des détails justement.
33:03 Parce que parfois on ne voit qu'un coup de pied, parfois on voit juste des bouts de doigts.
33:08 Ça demande aussi d'être très précis dans les approches du mouvement.
33:14 Et c'est des membres humains qui deviennent des membres animaux.
33:18 On retrouve ici aussi l'hybridité des chimères.
33:21 C'est vraiment un travail que nous avons réalisé à trois.
33:26 Le chorégraphe Sylvain Grou et Hervé Plumet qui m'accompagnent dans tous mes projets vidéo et qui a créé aussi la musique.
33:33 Tout à l'heure vous parliez de cet instant, de ce temps où on regarde une œuvre peinte,
33:39 où tout est dit au même moment, d'un même geste en quelque sorte.
33:44 Là on est sur des spectacles vivants, sur de l'art vivant.
33:47 Qu'est-ce que ça change pour vous de travailler sur quelque chose qui va être incarné ensuite par d'autres personnes ?
33:54 En réalité ça change beaucoup de choses parce que c'est un autre milieu le spectacle vivant et on travaille ensemble.
34:01 Alors on travaille avec le regard de l'autre ou des autres sur le plateau.
34:08 Et pour moi c'est assez perturbant dans la mesure où je travaille plutôt seule et en amont d'habitude.
34:15 Après les choses sont données, sont livrées.
34:18 C'est-à-dire qu'on travaille, comment dire, pour moi c'est assez déstabilisant.
34:26 J'aime bien me frotter à des choses différentes.
34:29 Parce que là on est obligé de communiquer quand on crée, ce qui n'est pas du tout notre cas.
34:36 Il faut expliquer.
34:38 On ne met pas des mots sur ce qu'on est en train de faire.
34:41 Ça c'est très important je trouve.
34:43 Et il y a une forme de satisfaction à voir bouger votre œuvre en quelque sorte.
34:48 Je repense à cette statue, la sculpture de bronze qui est effectivement très lourde, très immobile, très figée.
34:55 Oui, alors là on est complètement à l'envers.
34:58 On est très distendu de l'élastique.
35:01 Mais j'aime...
35:02 Oui, et puis il y a quand même une incarnation aussi par la danse, par les danseurs.
35:06 C'est aussi une énergie propre aux danseurs qui est fabuleuse.
35:09 C'est-à-dire que c'est porté par toute une équipe, c'est porté par des gens qui ensuite font vivre les choses.
35:17 Cette idée du mouvement, justement, ça vous a influencé aussi ensuite sur vos œuvres plastiques ?
35:23 Ou alors vous restez...
35:25 Je n'ai pas envie de dire tout de suite, en tout cas, pas encore.
35:28 Je n'ai rien vu là, mais bon, on ne sait pas.
35:30 On ne sait pas ce qui va se passer.
35:32 Merci beaucoup Françoise Petrovitch d'être venue nous parler de votre travail, de votre création solitaire aussi.
35:39 Mais en collaboration avec d'autres, ce spectacle de danse des chimères dans ma tête est en tournée.
35:45 C'est jusqu'au 27 avril prochain.
35:47 En tournée au mois de janvier à Lens, à Cherbourg, en février à Malakoff, Argenteuil.
35:52 Puis en avril, ce sera à Ponto de Mer et du côté de Sartre aux Villes.
35:56 Je rappelle aussi qu'à partir de ce samedi 13 janvier, on pourra découvrir votre toute dernière exposition.
36:02 Elle s'intitule "Dans mes mains".
36:03 C'est à la galerie Sémioz, dans le troisième arrondissement de Paris.
36:06 On y découvre notamment cette sculpture de bronze assez imposante et impressionnante
36:11 qui s'appelle aussi "Dans mes mains" et qui donne le titre à cette exposition.
36:15 Pour finir, Françoise Petrovitch, nous avons choisi deux chansons.
36:18 L'une sur les mains et l'autre sur les chimères, en écho à votre travail.
36:23 Laquelle souhaitez-vous écouter ?
36:25 Oh là là !
36:28 Bon allez, les mains !
36:30 [Musique]
36:39 [Musique]
36:46 [Musique]
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37:13 [Musique]
37:19 [Musique]
37:28 [Musique]
37:40 [Musique]
37:46 "In your hands" de Charlie Winston pour clôturer cette émission.
37:50 Merci beaucoup Françoise Petrovitch d'être venue dans les Midi de Culture.
37:53 Une émission préparée par Elsa Twain, Doyane et Isis Bair, Cyril Marchand, Manon Delassalle,
37:57 Laura Dutèche-Pérez et Zora Vignet.
37:59 C'est Nicolas Berger qui réalise l'émission et la prise de son ce midi.
38:02 C'est Marie-Claire Oumabadi.
38:03 A demain Géraldine !
38:04 A demain Nicolas !
38:05 ...