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Art et designTranscription
00:00 Jusqu'à 13h30, les midis de culture.
00:04 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosnassavoir.
00:08 Place donc à la rencontre.
00:11 Aujourd'hui, notre invitée est actrice.
00:13 Comme des milliers, millions même, de spectateurs,
00:16 je l'ai découverte en 2015, psychiatre à la DGSE.
00:19 C'était dans la série "Le Bureau des Légendes".
00:21 Derrière l'autorité, la froideur, les règles,
00:24 son personnage laissé apparaître de l'humanité.
00:26 Des sentiments, des sorties de route.
00:28 Demain, sur les écrans, dans le dernier film de Catherine Breillat,
00:31 l'été dernier, elle joue aussi une femme bien sous tout rapport.
00:35 Avocate reconnue, mère épanouie,
00:37 jusqu'au jour où elle rencontre son beau-fils et risque de tout perdre.
00:40 Bonjour Léa Drucker.
00:41 Bonjour.
00:42 Bienvenue dans les midis de culture.
00:43 Merci.
00:44 Est-ce que vous avez déjà pris le risque de tout perdre, Léa Drucker ?
00:47 Le risque de tout perdre ?
00:49 Je...
00:50 Oh là là, je crois pas.
00:53 Je sais pas.
00:55 Mais tout perdre, c'est-à-dire...
00:56 D'être dans une situation où vous êtes emportée
00:59 vers quelque chose qui mettrait en péril tout.
01:01 Votre carrière, votre famille...
01:03 Oh là là, je me suis jamais posé cette question.
01:07 Je crois qu'il faut aller en tout cas vers des choses qui nous font peur parfois.
01:11 Et qu'il faut...
01:13 Il faut s'interroger sur les peurs qu'on peut avoir par rapport à un projet.
01:17 Et ne pas se faire engloutir par...
01:20 Essayer de comprendre pourquoi ça nous provoque cette émotion-là.
01:23 Qu'est-ce que ça raconte de soi ?
01:25 Et souvent, quand j'arrive à résoudre cette question, j'y vais.
01:29 Et je me dis que c'est intéressant.
01:31 C'est un signal qu'il y a quelque chose à explorer.
01:34 Je parle du métier.
01:36 Oui, vous ne parlez pas forcément de votre vie.
01:38 Si, dans la vie, j'ai pris des risques dans ma vie, bien sûr.
01:40 Mais bon, c'est des choses plus difficiles à raconter.
01:43 Mais c'est un chemin.
01:44 C'est un chemin et c'est...
01:46 C'est ce qui fait que...
01:49 D'abord, je pense qu'il faut faire des erreurs dans la vie.
01:51 Je parle pas du film, je parle de la vie personnelle.
01:53 Non, non, on va aller sur les films.
01:55 Distinguons bien les choses.
01:56 Le parcours personnel est semé de choses imprévues.
02:00 Et parfois, on fait des erreurs.
02:02 Mais on en tire normalement une leçon.
02:05 Et on avance comme ça.
02:07 Mais j'aime bien les gens faillibles.
02:08 Je trouve que c'est intéressant de parler de nos failles et de nos erreurs.
02:12 Donc la peur ne vous tétanise pas ?
02:14 Vous arrivez à la dépasser ?
02:17 Jusqu'ici...
02:19 Moi, j'ai des peurs de l'enfermement.
02:21 J'ai peur de ce qui stagne, d'être enfermé, d'être bloqué.
02:25 Ça, c'est des peurs très très importantes dans ma vie.
02:27 Donc un ascenseur, par exemple ?
02:28 Un ascenseur, un embouteillage...
02:30 Des choses où on ne peut plus avancer.
02:32 Et ça prend des formes concrètes.
02:34 Mais en fait, ça raconte quelque chose.
02:36 Dans le film de Catherine Breillat, l'été dernier, on revient sur le film.
02:42 Anne, le personnage que vous interprétez, a un moment donné cette réplique...
02:47 Alors, j'arrive pas précisément à m'en souvenir.
02:50 Mais je vais quand même restituer l'idée.
02:52 Elle parle justement de peur.
02:53 Elle dit que ce qu'il y a de plus horrible, c'est d'avoir peur.
02:56 Quand on a peur de tout perdre, on est comme pétrifié.
02:58 On est figé.
02:59 Et il vaut mieux prendre le risque d'y aller, en fait.
03:01 S'effondrer.
03:02 C'est sur la chute, non ?
03:03 C'est pas la peur de tomber, mais c'est la peur de la tentation irrépressible de la chute.
03:08 C'est un peu...
03:10 En effet, c'est souvent ce que raconte Catherine Breillat dans les films.
03:13 Ce dont elle parle, c'est sur le...
03:15 Elle va très très loin dans l'intime, dans le désir féminin.
03:19 Et dans les risques qu'une femme peut prendre dans son parcours de vie amoureuse, on va dire.
03:27 En effet, cette femme-là, elle est au bord d'un précipice.
03:31 C'est-à-dire que par cette passion à laquelle elle succombe, par ce désir auquel elle ne résiste pas,
03:38 elle a peut-être cette tentation irrésistible de la chute,
03:42 qui est en fait un vertige de vouloir faire aussi exploser sa vie.
03:45 De vouloir tout ce qu'on a construit, tout ce qui est solide, tout ce qui est douillet, tout ce qui est confortable.
03:50 Ce moment dans sa vie où tout d'un coup, on a envie de tout exploser.
03:55 Et lui, c'est pareil, le jeune homme dans le film.
03:57 C'est-à-dire que lui aussi, il est dans une contestation de son système familial.
04:02 Il a besoin que sa jeunesse explose et vive.
04:06 Donc voilà, c'est deux personnages qui vont s'accorder là-dessus, mais ils n'ont pas le même âge.
04:11 Théo va venir vivre chez nous.
04:16 Ça fait un bout de temps que Pierre rêve de se rapprocher de son fils, c'est l'occasion.
04:20 Bonjour Théo. Qu'est-ce que t'as grandi ?
04:26 Je vais chercher des clopes, tu m'accompagnes ?
04:31 Des fois tu ne dis pas que je suis un vieux con.
04:37 Jamais.
04:38 Théo, lui, considère comme un vieux con.
04:43 Hier, il m'a dit que j'avais adopté les filles uniquement pour me donner bonne conscience.
04:51 Tu veux une bière ?
04:53 Il va falloir d'abord passer par le magnétophone.
04:55 Il va falloir me raconter ta première fois.
04:58 Assieds-toi, je vais te parler.
05:03 J'ai eu des vrais échanges avec Théo.
05:05 Il m'a dit que vous deux, que tu avais une liaison avec mon fils.
05:12 Tu ne vas pas me dire que tu l'as cru une seconde ?
05:18 Je ne sais plus qui croire.
05:19 Ne me touche pas.
05:20 Ton fils est un monstre, mets-toi bien ça dans la tête.
05:25 Il veut que tu me rejettes pour t'avoir pour lui tout seul.
05:33 On est une famille, on doit pouvoir se faire confiance.
05:37 Voilà pour la bande-annonce de l'été dernier.
05:39 Le dernier film de Catherine Bria, je le rappelle.
05:42 Léa Drucaire vous interprétez Anne, avocate renommée qui vit en harmonie avec son mari Pierre et leur fille de 6 et 7 ans.
05:48 Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d'un précédent mariage, emménage chez eux.
05:53 Peu de temps après, il annonce à son père qu'il a eu une liaison avec Anne.
05:58 On va voir ce qui se passe après.
06:00 On ne va peut-être pas le dire pendant cette émission.
06:02 Qu'est-ce qui vous a plu dans ce scénario Léa Drucaire ?
06:06 Il faut le dire, aujourd'hui en 2023, peu choqué, peut provoquer des tollés, peut être paru comme immoral.
06:14 J'ai le sentiment en étant spectatrice de cinéma, que quand on va au cinéma, on a envie d'avoir ce confort.
06:24 Ce n'est pas le bon mot, mais la possibilité d'observer des sentiments des gens,
06:30 de gens qui, peut-être en l'occurrence, on pourrait les considérer comme des monstres sur le papier.
06:36 Mais le cinéma permet d'entrer dans la salle et d'observer des choses qui sont humaines,
06:42 et qui sont certes paradoxales, contradictoires, dérangeantes.
06:48 Mais on est sûr de l'humain.
06:50 C'est pour ça qu'on aime le cinéma, en tout cas pour ma part.
06:53 On peut voir des films avec des points de vue de gens qui pensent forcément comme moi.
06:59 Moi ce qui m'intéresse c'est justement d'être bousculée et de sortir du cinéma en me posant des questions.
07:05 Ce que je n'aime pas c'est qu'on m'impose une vision des choses et que je n'ai pas la place pour y réfléchir.
07:11 Je trouve que le cinéma de Catherine Breillat permet d'observer des situations qui sont très très complexes.
07:18 En l'occurrence là c'est une relation très complexe parce qu'il y a du sentiment et c'est ça qui peut être très très dérangeant.
07:25 Mais moi ça m'intéresse à la fois comme comédienne, parce que c'est des personnages qui ont plein de tiroirs que je peux explorer.
07:31 Ce sont des personnages qui ne sont pas résolus à la première lecture du scénario,
07:36 et qui se travaillent aussi sur le plateau avec les partenaires, avec Catherine, avec Samuel Kircher, avec Olivier Rabourdin.
07:43 Mais aussi je pense que c'était l'objectif et l'ambition du film, que ça puisse résonner comme ça dans la tête du spectateur.
07:50 C'est au spectateur de se faire son point de vue là-dessus, sur cette relation.
07:54 Moi je ne peux pas, je ne pense pas en arrivant sur ce tournage, être dans l'idée de juger cette femme moralement,
08:01 dire que ce qu'elle fait est immoral parce que sinon je suis cuite, je ne peux pas le jouer.
08:05 Pourquoi pas ? Vous pourriez peut-être jouer quelqu'un qui accomplit des actes immoraux ?
08:10 Absolument, bien sûr, mais ces questions-là je vais me les poser avant, je ne vais pas me les poser pendant le tournage.
08:16 Sinon quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?
08:18 Sinon émotionnellement, ma morale peut me couper d'une intention de jeu ou d'une émotion qui serait intéressante.
08:26 Et je trouve que la vie est faite de contradictions, de paradoxes et de choses qu'on n'arrive pas à rentrer dans les cases,
08:32 qu'on n'arrive pas à expliquer en une phrase. Et cette histoire permet de raconter cette relation-là.
08:38 Vous n'avez pas toutes les cartes en main en tant que comédienne, vous avez eu le scénario.
08:42 Ça veut dire que vous avez fait entièrement confiance ensuite à Catherine Bréa, sa façon de faire, son savoir-faire,
08:48 aussi pour que ce que vous venez de nous expliquer apparaisse à l'écran et ce que voient les spectateurs ?
08:55 Oui, oui, je lui ai fait confiance. Je crois même que Catherine, malgré toute l'expérience qu'elle a,
09:01 de tous ces films qu'elle a faits où elle a exploré cette question du désir féminin, de l'intime,
09:05 elle est allée très très loin dans cette exploration. Je pense même qu'elle ne maîtrise pas tout
09:10 et qu'elle se laisse surprendre par ce qui se passe sur le tournage.
09:14 Elle a des idées qui arrivent au moment où on les tourne.
09:17 Par contre, c'est une réalisatrice qui a des visions folles, des visions très ambitieuses, très radicales
09:24 sur comment elle veut mettre en scène telle situation et où est-ce qu'elle veut emmener la scène.
09:30 Et ça, c'est des choses que j'étais absolument convaincue qu'il fallait la suivre là-dedans
09:36 et pas raisonner de façon trop psychologique ou dire "mon personnage ne ferait pas ci, ça ne me paraît pas naturel".
09:41 Parce qu'on n'est pas non plus dans l'hyper-naturalisme.
09:44 Il y a des propositions de mise en scène, il y a des parties prises de cinéma qui sont très particulières.
09:51 On ne se parle quasiment jamais de profil, par exemple. Ça c'est technique, mais pour nous,
09:55 quand je vous parle, si la caméra est là, j'ai envie de vous parler de face.
10:00 On est de profil, elle ne veut pas ça. Donc il y a quelque chose de très pictural.
10:03 Elle a beaucoup de références. Elle fait des références aux peintres,
10:06 elle fait des références à des metteurs en scène comme Hitchcock, comme Romer.
10:10 Donc elle vous embarque dans ses visions. On rentre dans un tableau. Et moi, ça m'a énormément plu.
10:17 Justement, on va entendre la voix de Catherine Breillat qui parle dans cet archive du travail qu'elle a eu avec vous.
10:25 Quand j'arrive sur le plateau, je n'ai plus peur. Je sais, tout d'un coup,
10:31 il y a un état de grâce qui se fait avec mes acteurs avec qui je suis pourtant très très très très dure,
10:36 dans le sens exigeante. Mais il y a une telle intensité quand on tourne.
10:42 Tout d'un coup, par exemple, la scène du mensonge, Léa, je trouvais qu'elle la jouait trop classique.
10:48 Et puis je voulais qu'elle soit belle. Je lui dis, il y a un jeune homme qui t'aime.
10:53 Tu dois, moi, en obsession, je voulais qu'elle soit très belle.
10:57 Moi, j'aime les femmes belles et qu'elles soient regardées avec beauté.
11:02 Et je lui ai dit, tout d'un coup, elle a plusieurs manières de jouer dans le film.
11:05 Il y a une palette de jeux, mais impressionnante.
11:08 Je lui dis, voilà, je veux que tu fasses rien, Léa, rien.
11:12 Les yeux bleus glaciers, des fois, je disais à Jeanne Lampoiry qu'il n'en revenait pas.
11:18 Oui, mais alors pourquoi Léa n'a pas les yeux bleus glaciers ?
11:22 Pourquoi ? Moi, je ne la filme pas.
11:24 Elle me disait, mais Catherine, elle est à contre-jour.
11:27 Je lui disais, je m'en fous, je ne filme pas le réalisme, je filme la vérité.
11:31 La vérité de l'âme, c'est qu'elle doit avoir ce côté très Ishkokien,
11:37 à la fois glacial, à la fois, malgré tout, il y a une sorte d'émotion glacée.
11:44 Catherine Breillat, dans l'émission L'or bleu de Laura Adler sur France Inter.
11:58 C'était le 1er juin 2023, donc juste avant, quelques mois avant que le film sorte.
12:05 C'est intéressant la manière dont elle parle, la manière dont elle vous a dirigé.
12:09 Vous saviez qu'elle avait tout ça en tête ? Elle vous avait tout dit ?
12:14 Non, elle ne m'a pas tout dit, mais ce que vous avez entendu là,
12:17 c'est absolument précisément ce qu'elle nous disait sur le plateau.
12:21 C'était vraiment, je veux que tu aies les yeux bleus glaciers.
12:25 C'est des choses très surprenantes.
12:27 Comment vous pouviez avoir, vous, les yeux bleus glaciers ?
12:29 Évidemment, ce sont des choses que je ne contrôle pas.
12:32 C'est le travail de la chef opératrice.
12:35 Il y a une contrainte d'immobilité.
12:38 Ça veut dire qu'elle ne veut pas qu'on cligne des yeux, par exemple.
12:42 C'était la même chose pour Olivier Rabourdin ou Samuel,
12:45 qui devaient tenir sa tête d'une certaine manière.
12:47 C'est comme une danse, en fait.
12:50 Elle est comme une chorégraphe de visage, comme il y avait beaucoup de gros plans sur ce film.
12:55 Et encore une fois, ce qui est intéressant, c'est que quand nous,
12:59 on arrive sur le plateau chargé de plein de choses émotionnelles,
13:03 de sentiments, de...
13:07 Par rapport au personnage que vous interprétez ?
13:09 Le mien, mais pour les autres aussi.
13:11 On n'arrive pas les mains dans les poches.
13:13 On a pensé à la situation et on a des propositions à faire.
13:17 Mais cette contrainte-là donne beaucoup de liberté.
13:20 C'est-à-dire qu'à l'intérieur de ça, si on se laisse faire, si on ne résiste pas,
13:23 il y a des choses qui se produisent, qui sont surprenantes.
13:26 Et qui, moi, m'échappaient parfois sur le tournage.
13:29 Et après, j'ai vu le film, j'ai vu le montage,
13:32 et je trouvais que ça fonctionnait très très bien.
13:34 Ce qui est intéressant aussi, c'est que Catherine Breillat, dans cet archive,
13:36 elle dit qu'il y a beaucoup de palettes de jeux de Léa dans ce film.
13:41 Parfois classiques, aussi parfois très belles.
13:43 Et puis parfois, je lui dis "ne fais rien".
13:45 Oui.
13:46 Comment on joue le rien ?
13:47 Mais rien, c'est quelque chose, en fait.
13:49 Parce que si je vous dis "ne faites rien", il se passera toujours quelque chose.
13:52 Rien, ça veut dire ne pas montrer, ça ne veut pas dire forcément démontrer
13:56 ce qui se passe à l'intérieur de nous.
13:58 C'est juste oser avoir une apparence assez calme
14:02 et laisser vivre à l'image ce qui se passe à l'intérieur de vous.
14:05 Et le cinéma permet ça.
14:07 C'est plus difficile au théâtre, mais le cinéma, la caméra,
14:10 permet ça, de montrer ce qui se passe à l'intérieur.
14:12 Mais il faut qu'il se passe des choses à l'intérieur.
14:14 Parce que si vous ne faites rien, tout le monde peut s'endormir.
14:17 Ça, c'est quelque chose qui me fascine.
14:19 C'est-à-dire que par exemple, dans les scènes de sexe,
14:21 c'est peut-être aussi un cas à part,
14:23 mais il y a des gros plans sur vos visages,
14:26 aux jeunes Théo et à vous qui interprétez Anne.
14:30 Et à ce moment-là, on a l'impression qu'on perçoit
14:33 quelque chose de votre intériorité sur votre visage.
14:36 À quoi on pense dans ces moments-là ?
14:38 Qu'est-ce qui se passe, justement ?
14:41 Moi, j'étais à un moment au bout, dans un état un peu second,
14:46 dans un état, je le dis souvent, mais c'est de rêve éveillé,
14:51 à la fois très conscient de ce qui se passe, bien sûr,
14:54 mais il y a un endroit où il faut se laisser porter
14:58 par ce qui se passe sur le plateau, par les indications,
15:01 par le rapport qu'on a à l'autre, au partenaire, à Samuel ou à Olivier,
15:05 et puis se laisser embarquer par les images qu'elles nous envoient.
15:10 Parce qu'encore une fois, elles nous envoient des images,
15:12 des ravages, les mouvements de tête étaient très précis.
15:18 C'était assez rassurant d'ailleurs, parce que pour faire des scènes d'intimité,
15:21 c'est très rassurant quand on vous donne un dessin,
15:23 et qu'on vous dit ce qu'on va voir, ce qu'on ne va pas voir,
15:25 et où est-ce que vous allez mettre votre main,
15:27 et tout ça est très dessiné, et à l'intérieur de ça,
15:29 il y a une sorte d'improvisation qui se lance,
15:32 et ça demande un abandon, bien sûr, ça demande une grande confiance
15:36 dans le metteur en scène, et dans le partenaire, bien sûr.
15:39 - Vous connaissiez Samuel Kircher ou pas du tout ?
15:41 - Non, je ne le connaissais pas.
15:43 - Jeune comédien, c'est son premier rôle, d'ailleurs première expérience au cinéma,
15:47 et il y a donc de nombreuses scènes de sexe entre vous dans ce film.
15:52 Comment vous avez travaillé justement avec lui ?
15:54 Est-ce que vous étiez gênée ? Est-ce que vous avez fait appel, par exemple,
15:58 on sait qu'aux Etats-Unis, il y a beaucoup aujourd'hui
16:00 ce qu'on appelle des coordinateurs d'intimité,
16:02 qui vous aident aussi à créer cette chorégraphie dont vous parliez tout à l'heure.
16:07 Comment vous avez fonctionné ?
16:08 - D'abord, on a tourné plein d'autres scènes avant d'arriver dans cette zone-là,
16:16 et puis on a discuté un petit peu ensemble, de façon très timide, tous les deux.
16:20 Il m'a dit "j'ai un petit peu peur", je lui ai dit "moi aussi, j'ai pas tellement l'habitude".
16:24 Donc on était deux acteurs qui n'avions pas tellement l'habitude de faire ça.
16:27 Et à la fois, moi j'étais bien consciente, j'étais beaucoup plus âgée,
16:32 donc je me sentais beaucoup plus responsable.
16:35 Mais Samuel avait compris absolument l'enjeu de chaque scène,
16:38 et je me souviens de la façon dont il s'engageait dans ces scènes-là,
16:45 avec une grande maîtrise, avec beaucoup d'émotion et de grâce.
16:50 Et que ça m'a... c'est complètement fou de dire ça, mais que ça m'a aidé en fait.
16:55 C'est plutôt lui qui m'a aidé à le suivre, et on s'entendait très bien.
17:01 Et puis il n'y avait pas de confusion du tout sur ce qu'on faisait,
17:05 c'est-à-dire qu'on était dans quelque chose de très chorégraphié,
17:09 j'allais dire presque de mécanique, mais à l'intérieur de ça, il fallait qu'on soit quand même sensible.
17:15 On ne peut pas être que technique là-dedans.
17:17 - Et est-ce que le travail de Catherine Bréa tranche vraiment avec le travail d'autres réalisateurs
17:22 avec lesquels vous avez travaillé ? Justement sur cette idée de travailler peut-être par image,
17:26 par chorégraphie, par des gros plans sur des visages, par une manière de contraindre beaucoup ?
17:33 - Oui, mais c'est encore une fois, c'est pour ça qu'elle fait les films qu'on a vus,
17:38 enfin les films qu'elle fait, qui sont singuliers.
17:41 Elle a des exigences et des visions qu'elle impose, et elle embarque toute l'équipe là-dedans.
17:50 Et parfois on commence une scène et elle dit "non, non, non, c'est pas ça du tout",
17:54 et puis on ne sait pas pourquoi c'est pas ça, on a l'impression que ce n'était pas si mal.
17:57 Et puis ça va durer un certain temps avant qu'on y arrive.
17:59 Et je crois qu'il ne faut pas toujours chercher à comprendre rationnellement les choses.
18:02 Je pense que sur un tournage, il faut se laisser flotter dans quelque chose qui n'est pas rationnel.
18:08 Le cinéma n'est pas toujours rationnel, en tout cas quand on le fabrique, et c'est ça qui est très beau.
18:14 Moi j'ai beaucoup aimé cette façon de travailler, mais même si j'ai eu peu d'expériences comme ça au cinéma,
18:22 j'ai pu avoir des expériences au théâtre par exemple, j'ai eu la chance de jouer dans des pièces de Beno Besson,
18:29 il y a fort longtemps, où on avait des masques par exemple.
18:32 Le masque est une très grande contrainte, mais en fait on peut tout faire.
18:38 L'art permet de, à partir du moment où on accepte les codes, et avec Catherine c'était ça,
18:44 moi j'ai accepté tout de suite sa méthode de travail,
18:48 et je ne dis pas qu'il n'y avait pas de moment où il y avait de la tension, c'est normal.
18:53 Mais j'avais l'impression d'aller dans un beau musée et de pouvoir rentrer dans des beaux tableaux.
19:00 C'est très excitant.
19:02 C'est intéressant que vous parliez de masques, parce que vous jouez, j'ai parlé de votre rôle dans "Le Bureau des légendes",
19:07 que je trouve assez similaire à celui d'Anne dans le film de Catherine Bria,
19:10 parce que ce sont deux femmes qu'on trouve assez rigides,
19:13 et qui vont laisser transparaître des sortes de sorties de route, de failles, de questionnements.
19:23 Comme si tout à coup à l'écran se révélait le fait que tout ne pouvait pas rouler à l'intérieur d'un cadre,
19:28 et de règles qu'on s'était fixées.
19:31 Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a un parallèle entre ces deux personnages-là,
19:34 de façade et de pouvoir travailler sur cette idée du masque,
19:38 ou vraiment ces deux rôles qui n'ont rien à voir ?
19:40 Non, je vois le lien.
19:43 Ce sont des personnages qu'on croit qu'on sait qui ils sont, et en fait pas du tout.
19:48 Et ils nous montrent d'ailleurs même qu'eux-mêmes ne savent pas qui ils sont.
19:52 C'est ça qui est génial, qui est très intéressant, notamment dans ce personnage de l'été dernier.
20:00 C'était pareil dans "Le Bureau des légendes", c'est qu'on pouvait afficher...
20:05 Je dirais que dans l'été dernier, c'est une femme qui sait très bien, qui a l'air de maîtriser les choses.
20:10 C'est pas une femme inconsciente, elle est avocate, spécialisée dans les droits de l'enfance.
20:16 Elle a le contrôle des choses, sauf que là elle le perd complètement à cause de cette rencontre un peu fatale.
20:26 Alors que dans "Le Bureau des légendes", il y avait un masque qui était construit aussi pour...
20:31 Qui était aussi de la manipulation.
20:34 Elle perd le contrôle de sa vie, parce qu'il se passe aussi des choses dans sa vie.
20:39 Alors cette rencontre, c'est un déclic, où alors aussi dans ce personnage-là,
20:44 on sent qu'à un moment donné, on a cette envie de faire tout exploser.
20:48 On en parlait tout à l'heure de cette chute, la routine, peut-être le fait de vieillir aussi.
20:56 C'est un personnage qui est bien installé dans sa vie, et qui peut-être s'interroge sur son avenir.
21:03 Oui, il y a plein de choses que j'ai pu ressentir.
21:09 En effet, elle dit à un moment donné à son mari "t'es un hormopathe, et les hormopathes ça m'emmerde".
21:14 Et donc elle est à la fois volontairement installée dans ce carcan magnifique, douillet, bourgeois.
21:24 C'est ce qu'elle a voulu.
21:26 Et à la fois elle est à cet âge où on se demande, sans que ce soit caricatural,
21:31 c'est pas qu'elle aime son mari, son mari l'aime.
21:35 C'est pas cet ennui-là qui est insurmontable.
21:41 C'est un personnage qui est quand même particulier, qui a eu un passé aussi particulier.
21:46 C'est dit de façon très délicate et très subtile dans le film.
21:49 Moi j'ai eu cette sensation qu'elle voulait rejouer quelque chose qui s'était mal passé au départ.
21:54 Il y avait cette tentation un peu irrépressible de rejouer les choses en bien.
21:59 Mais ce qui est une illusion et en plus probablement quelque chose qui va être très destructeur pour tout le monde.
22:04 Mais c'est sa folie.
22:06 Ce film c'est véritablement un drame, mais avant ça vous avez joué aussi dans des comédies.
22:13 Et avant les comédies, on a pu vous entendre là.
22:17 "Je suis cachée dans la rue, sauras-tu me trouver ?"
22:20 "Oui, c'est Léa, téléphone !"
22:25 "Souvenez-vous l'époque où Léa était chaperonnée par Tati, cette époque est finie."
22:28 "Ensuite elle a été chapeautée."
22:31 "Et puis ensuite elle a mangé un très très bon chapon."
22:34 "C'est ça, mais ça on s'en fout à la limite."
22:37 "Léa, nous allons vous laisser avec Daniel Prévost."
22:40 "Présentez-lui un peu des gens avec qui vous êtes."
22:43 "Parce que Daniel me disait 'of the mind' qui ne veut rien dire en français."
22:46 "J'aime rencontrer des gens nouveaux, leur emprunter de l'argent."
22:49 "Bon, alors je vais vous présenter à Daniel Prévost, monsieur Enzo."
22:53 "C'est un jeune garçon qui va avoir 19 ans."
22:56 "Il a commencé le ramadan il y a quelques jours."
22:59 "Et qui aime l'or, l'argent, il aime pas."
23:02 "Il y a pas quelques jours quand même ?"
23:05 "Donc c'est pas quelques jours, on est bien d'accord."
23:08 "Vous avez fait une erreur grave."
23:11 "C'est ça, c'est le Daniel Prévost que j'aime bien."
23:14 "La déontologie, pardon madame."
23:17 "Excusez-moi, j'ai le sentiment que vous aurez un salaire moindre."
23:20 "On les laisse tous les deux, pour l'instant, Ariel, allons prendre une douche."
23:23 "Par contre, je vais prendre une douche."
23:26 La Grosse Boule, Radio Nova, Edouard Baer, Ariel Wiesman, c'était en 1995.
23:31 Vous avez commencé avec ça, Léa Drucker ?
23:34 Oui, à peu près, oui, oui.
23:37 J'avais déjà commencé à être comédienne.
23:40 Je faisais des petits boulots à côté.
23:43 Je passais des castings.
23:46 Et puis j'ai été embauchée par Edouard et Ariel sur La Grosse Boule.
23:49 J'avais besoin de travail.
23:52 Et puis, ça s'est fait dans l'heure.
23:55 Ils m'ont donné un Bebop ou je ne sais plus ce que c'était.
23:58 Un ancien, les premiers tout portables.
24:01 Ils m'ont vraiment poussée dehors.
24:04 Ils m'ont dit "tu nous trouves des gens pour parler en direct dans l'émission."
24:07 Donc j'ai passé un certain temps dans les rues de Paris à trouver des gens pour communiquer avec eux.
24:11 Et je riais beaucoup.
24:14 Qu'est-ce que ça vous a appris, cette expérience ?
24:17 Est-ce que ça vous a appris à réagir tout de suite ?
24:20 La meilleure punchline ? La meilleure répartie ?
24:23 C'était difficile de les dépasser.
24:26 Surtout à distance ?
24:29 Surtout à distance. Mais ce qui était amusant, c'était de trouver des personnalités dans la rue.
24:32 Il fallait que je sente que ça allait marcher, que ça allait coller.
24:35 Ou que ça allait devenir un peu surréaliste.
24:38 Ça m'a appris que d'abord, honnêtement,
24:41 j'ai trouvé que c'était super de faire de la radio.
24:44 J'ai adoré ça. J'ai adoré aller dans les studios.
24:47 Je traînais à Radio Nova pendant des heures sans rien faire.
24:50 Sur les canapés, et puis à regarder les gens passer.
24:53 C'était un environnement qui me plaisait.
24:56 A la fois la radio, et à la fois être dans la rue et parler aux gens.
24:59 C'est vrai que je suis très...
25:02 J'aime bien parler avec les gens.
25:05 Vous êtes bien là, finalement ? Vous aimez bien la radio ?
25:08 J'adore la radio. Et pourquoi ?
25:11 Je ne sais pas. Je crois que tout passe par la voix. Il y a un peu moins l'image.
25:14 Je suis concentrée sur autre chose.
25:17 Parler de soi, ce n'est pas simple.
25:20 Parler de soi avec en plus l'image,
25:23 des fois c'est plus lourd.
25:26 Mais à la radio, je trouve ça plus facile.
25:29 Ça vous rapproche plus du théâtre que du cinéma ou de la télévision ?
25:32 De la radio ?
25:35 Le théâtre, c'est quand même...
25:38 Après, le théâtre, c'est la gestuelle aussi. C'est le corps. Le corps compte beaucoup.
25:41 La radio, le corps ne compte pas trop.
25:44 Maintenant, vous avez des caméras.
25:47 Oui, il y a des caméras ici. Mais il ne faut pas y penser. C'est comme si on était dans le film.
25:50 Ce qui est drôle avec cette séquence de Radio Nova,
25:53 c'est qu'on vous connaît aussi
25:56 d'abord dans ce registre plutôt de l'humour.
25:59 Comment vous avez réussi à négocier le passage
26:02 au drame ? Parce que là,
26:05 même pour moi, la transition a été difficile à faire entre parler du dernier film de Catherine Bréa
26:08 et embrayer sur la route.
26:11 La tête immobile.
26:14 Je crois que c'était mon premier fantasme
26:17 du métier. Mes modèles
26:20 étaient des acteurs souvent anglais
26:23 ou anglais. Je voyais, ils faisaient tout. Ils faisaient des comédies,
26:26 ils faisaient du théâtre, de la télé, du drame.
26:29 Le rêve, c'était d'arriver à tout faire. C'est ce que je m'étais dit.
26:32 C'est pour ça que je me suis d'abord orientée pour le théâtre
26:35 parce que j'avais l'impression qu'il y avait peut-être plus de possibilités.
26:38 Mais c'est vrai que j'avais développé
26:41 dans les écoles que j'ai faites, on m'avait plutôt
26:44 encouragée à aller vers la comédie. Et puis j'étais
26:47 quelqu'un d'assez fermée émotionnellement, je dirais.
26:50 En tout cas, j'avais beaucoup de mal avec les larmes.
26:53 J'étais très...
26:56 plutôt enfermée de ce côté-là. Alors ça m'a demandé
26:59 un long travail où j'ai fait des stages.
27:02 - Vous n'arriviez pas à pleurer sur comment ?
27:05 - C'est pas dire que j'étais insensible, c'est juste que tout était très enfermé.
27:08 - Comment on apprend alors ? - C'est quoi ces stages de larmes ?
27:11 - C'est pas des stages de larmes, Dieu merci !
27:14 Non, c'est des stages
27:17 avec des profs de théâtre ou des profs
27:20 de jeu où on s'entraîne. En fait, c'est un entraînement
27:23 et on essaye d'ouvrir des portes. C'est vraiment un travail
27:26 d'acteur et d'actrice. C'est très...
27:29 C'est quelque chose où on aimerait qu'il y ait des caméras dans la pièce
27:32 pour voir ce qu'on fait. C'est un travail personnel.
27:35 Ça peut être un long chemin. Pour moi, c'était assez long.
27:38 Et d'après, une fois qu'on ouvre les portes, on comprend que
27:41 c'est comme quelqu'un qui fait de la gymnastique et qui va s'entraîner tous les jours.
27:44 Je pense qu'il faut... Si on veut être comédien, c'est intéressant de savoir...
27:47 On ne peut pas arriver sur un plateau
27:50 et dire "non, mais moi je ne sais pas pleurer"
27:53 ou "non, mais moi je ne peux pas embrasser".
27:56 Une fois qu'on s'engage dans un film, dans une histoire,
27:59 il faut pouvoir répondre à ce que demande le scénario.
28:02 - Qu'est-ce que vous avez appris
28:05 sur les planches que vous n'avez pas appris après dans le cinéma ?
28:08 Est-ce qu'il y a un rapport au public,
28:11 un rapport au présent, un rapport au jeu qui est complètement différent pour vous ?
28:14 - Je dirais que la source
28:17 du jeu, la réflexion sur les personnages
28:20 est exactement la même qu'au cinéma, pour moi.
28:23 Par contre, sur l'instant...
28:26 Je ne sais pas en même temps,
28:29 parce que sur le tournage, je trouve que c'est pareil, on est aussi sur l'instant.
28:32 Évidemment, il n'y a pas la possibilité de refaire,
28:35 mais il y a quand même la possibilité de construire en répétition.
28:38 Je ne dirais pas que le théâtre est plus dur que le cinéma,
28:41 mais il y a un rapport immédiat avec
28:44 est-ce qu'on est dedans ou pas ?
28:47 C'est-à-dire que si le spectateur de théâtre s'ennuie,
28:50 on sent que...
28:53 Il y a quelque chose où il faut être un peu vertigineux,
28:56 être vraiment extrêmement préparé pour pouvoir,
28:59 sur scène, être dans tous les sentiments possibles du personnage
29:02 à l'instant où ça se produit. Et on ne sait pas si on arrivera à le refaire
29:05 le lendemain. - Et vous travaillez de la même façon
29:08 avec un metteur en scène, justement, et un réalisateur
29:11 ou une réalisatrice. Est-ce que c'est la même relation
29:14 ou est-ce qu'on est plus libre, par exemple,
29:17 au théâtre, sur les planches ? - On est libre
29:20 à partir du moment où le spectacle commence, à partir du moment où la première
29:23 représentation commence. En répétition, pas forcément.
29:26 Mais chaque metteur en scène, que ce soit au théâtre ou au cinéma,
29:29 ils ont des façons de vous parler
29:32 qui sont très différentes et des exigences différentes.
29:35 Il y en a qui ne vous disent rien, qui vous laissent complètement
29:38 proposer les choses et puis après ils vont monter, par exemple, au cinéma.
29:41 Et d'autres qui sont dans une exigence absolue, comme Catherine.
29:44 Les deux sont intéressants, je trouve.
29:49 Je ne dirais pas que quelqu'un qui ne vous dit rien, ça veut dire
29:52 qu'il ne sait pas ce qu'il fait. Non, ça veut dire qu'il y en a qui
29:55 savent vous poser la caméra et mettre en scène des situations où ça va
29:58 tout d'un coup vous emmener quelque part. Xavier Legrand, par exemple,
30:01 sur "Jusqu'à la garde" ou sur "Avant que de tout perdre",
30:04 c'est quelqu'un qui parle, bien sûr, il dirige, mais ce n'est pas
30:07 du tout envahissant. Par contre, il a une façon
30:10 de poser la caméra et de mettre en scène
30:13 en place les personnages et de créer des situations
30:16 qui vous emmènent quelque part.
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31:16 Vous avez instantanément reconnu, et à Drucard, je pense qu'il y avait
31:19 un moment où vous avez pensé "Ah, le magicien d'Oz".
31:22 Est-ce que c'est le premier film que vous avez regardé ?
31:25 C'est le premier film que j'ai regardé, qui m'a marquée entièrement.
31:28 J'avais peut-être vu "Fantasia" vite, mais j'ai un vague souvenir
31:31 de "Fantasia", mais ça m'avait plutôt effrayée.
31:34 Mais "Le magicien d'Oz", c'est le premier film
31:37 que j'ai vu vraiment dans une salle de cinéma,
31:40 en rentrant à la maison, en étant hantée par le film,
31:43 en ayant déjà envie de le revoir, à une époque
31:46 où on n'avait pas de magnétoscope, et si on voulait revoir un film,
31:49 il fallait retourner au cinéma. Donc le film a vécu avec moi
31:52 pendant très longtemps, et je suis tombée
31:55 raide dingue de Judy Garland, de sa voix,
31:58 d'elle, de sa façon de sourire,
32:01 de ses yeux, de son regard. C'est vraiment la première
32:04 actrice qui m'a emportée
32:07 vers le cinéma.
32:10 Est-ce que vous avez d'autres modèles comme ça, comme Judy Garland,
32:13 par exemple, qui vous ont accompagnées ? Parce qu'entre "Le magicien d'Oz"
32:16 et "L'été dernier", ou même d'autres rôles
32:19 que vous avez joués, il y a une sorte d'écart
32:22 en tout cas, assez frappant, d'un côté un cinéma
32:25 plutôt réaliste, naturaliste, même on a entendu
32:28 dans la bouche de Catherine Breillat, même dans "Jusqu'à la garde"
32:31 pour lequel vous avez eu le César.
32:34 Comment ça vous accompagne, ces modèles-là ?
32:37 Alors, ils sont là,
32:40 ils sont très présents, les modèles, ils sont parfois même là
32:43 sur une scène qu'on travaille,
32:46 et des fois je me dis "Tiens, comment elle ferait ça ?"
32:49 Et ça ne veut pas du tout dire que j'arriverais à faire pareil,
32:52 peu importe, mais ça envoie
32:55 sur des rêves. En fait, ça fait rêver,
32:58 les grandes actrices de cinéma, elles me font rêver.
33:01 Que ce soit dans des registres
33:04 très sombres, ou que ce soit dans des choses
33:07 absolument merveilleuses, mais ça
33:10 moi, ça me provoque des émotions, je pense à des images,
33:13 je pense à des images, je peux penser à Meryl Streep dans "L'ascenseur",
33:16 dans "Kramer contre Kramer", et clac, ça m'en...
33:19 Si j'ai besoin, des fois on va chercher des émotions,
33:22 moi je vais chercher dans des images de cinéma.
33:25 Quel rôle vous rêveriez qu'on vous propose ?
33:28 Une comédie musicale.
33:31 Vous dansez bien ? Vous chantez ? Je chante pas trop mal,
33:34 j'irais pas faire un disque et vous assommer de ça,
33:37 mais je veux dire... - On vous demanderait pas de chanter.
33:40 - Non mais j'aime bien chanter, j'aime bien faire de la musique et j'aime bien
33:43 danser, donc j'adorerais jouer un personnage dans une comédie musicale.
33:46 - Et ça, il y a des projets comme ça qui peuvent...
33:49 - C'est pas facile de produire des comédies musicales,
33:52 enfin il y en a eu, on a eu "La La Land", on a eu plein de films,
33:55 mais ça se fait pas tous les jours.
33:58 - Et vous, vous pourriez pas monter ce genre de projet ?
34:01 Vous aimeriez passer de ce côté-là ?
34:04 - Oui, ça j'aimerais. - Sans passer tout de suite à la comédie musicale.
34:07 - J'aimerais bien diriger des comédiens, j'aimerais bien
34:10 travailler avec des acteurs sans jouer, parce que je travaille
34:13 beaucoup avec les acteurs en jouant avec eux, mais j'aimerais bien...
34:16 Oui, et travailler avec des comédiens dans ce sens-là.
34:19 - Vous avez des idées ? - J'ai des idées,
34:22 j'ai des idées, mais elles sont pas...
34:25 J'en ai deux, trois, mais elles arrivent pas encore à s'ancrer dans le sol au point de...
34:28 Mais de plus en plus, en fait.
34:31 - C'est aussi une position peut-être qui interroge
34:34 sur la place des femmes dans le cinéma, il faut plus de femmes
34:37 derrière la caméra, comment vous voyez-vous cette question-là ?
34:40 - Je trouve qu'il y a une ouverture
34:43 depuis quelques années
34:46 qui est assez fantastique et qui nous permet
34:49 à nous, actrices, d'avoir des personnages de plus en plus
34:52 intéressants, et quel que soit l'âge qu'on a, il y a encore
34:55 énormément de travail à faire de ce côté-là, c'est pas du tout
34:58 que... Maintenant c'est facile, passer 40 ans, de trouver des rôles,
35:01 c'est pas ça que je veux dire, mais je trouve le fait qu'il y ait beaucoup de femmes
35:04 dans les comités d'écriture, de plus en plus de femmes
35:07 productrices, scénaristes,
35:10 réalisatrices, ça ouvre pour nous
35:13 des rôles hyper intéressants.
35:16 - Merci beaucoup Léa Drucker, je rappelle qu'on peut
35:19 vous voir dès demain au cinéma dans l'été dernier de Catherine Bréillat.
35:22 J'en profite pour annoncer qu'on pourra aussi vous voir sur le petit
35:25 écran dès le 5 octobre dans la série "Sous contrôle" d'Erwan Leduc,
35:28 ce sera sur Arte. Et pour finir,
35:31 Léa Drucker, vous avez le choix entre deux chansons.
35:34 Une chanson sur cet été ou une chanson sur l'été dernier ?
35:37 - Une chanson sur cet été ou l'été dernier ?
35:42 Bon allez, je suis plutôt nostalgique, on va dire l'été dernier.
35:45 - Alors c'est parti pour l'été dernier.
35:49 Camille est loin l'été
35:52 Les feuilles sont tombées
35:55 Et nos serments envolés
36:02 Où sont les beaux ciels bleus
36:05 Où sont les jours heureux
36:09 Moi j'ai le cœur malheureux
36:15 J'ai perdu mon amour
36:19 A la fin des beaux jours
36:22 Et j'ai mal, et j'ai mal, mon cœur est lourd
36:29 Oh non, oh non, oh non, non, non, non, non
36:35 De l'été dernier
36:39 Comme c'était
36:42 Tu l'as bien juré
36:45 Sur le grand marché
36:49 L'amour à nos pieds
36:52 Le soleil brûlant
36:55 Jamais je ne pourrai l'oublier
37:02 Une feuille est tombée
37:05 Où sont mon âne et pied
37:09 Et c'est alors que j'ai pleuré
37:15 A la fin des beaux jours
37:18 Elle est morte à son tour
37:22 Nous rappelant notre amour
37:28 - Souviens-toi !
37:29 - Et un grand merci à l'équipe des Midi de Culture
37:31 qui sont préparés par Aïssa Touendoy, Anaïs Hisbert,
37:34 Cyril Marchand, Zora Vignier, Laura Dutèche-Péresse,
37:36 Manon Delassalle, réalisation Nicolas Berger,
37:39 prise de son Grégory Wallon.
37:41 Pour réécouter cette émission, rendez-vous sur le site de France Culture
37:45 à la page de l'émission.
37:47 A demain Nicolas.
37:48 - A demain Jaline.