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Art et designTranscription
00:00 *Ti ti ti ti ti ti*
00:02 *Musique*
00:08 France Culture, Olivia Gesper, bienvenue au club.
00:12 *Musique*
00:17 Bonjour à tous. Christophe, un simple prénom, assez commun, un prénom de saint, un nom de scène pour celui qui est né Daniel en 1945,
00:25 décédé il y a trois ans, auteur, compositeur, chanteur, Christophe, un oiseau de nuit, attachant, angoissé, imprévisible,
00:33 qui a longtemps délaissé la scène, privilégiant la création dans son antre avant de renouer avec les concerts en 2002.
00:40 Un documentaire de cinéma lui est consacré, Christophe définitivement, de Dominique Gonzalez-Forster et de Angélé Tchia,
00:46 nos invités aujourd'hui, deux artistes contemporains, vidéastes et plasticiens, qui ont déjà une sacrée oeuvre derrière eux,
00:53 exposition, installation. Le film a été pris en plein air au Festival de Cannes au printemps dernier, il sort en salle mercredi.
01:01 *Musique*
01:03 *Ti ti ti ti ti ti*
01:05 *Musique*
01:15 Tu peux pas jouer un peu sur la tâcle, ça fait *tintintintin*, ça tombe pas, après ça tombe.
01:19 *Musique*
01:24 Je comprends rien, non, je comprends pas ce que vous voulez.
01:27 *Musique*
01:33 Plutôt que de faire un petit point de suspension, je te passe le texte en couleur, je change ça, je le mets en rouge.
01:37 Tu vas faire les petits points en rouge ? Tu vas faire les petits points.
01:39 Tu vas les enlever ? Bah oui, parce que moi j'ai un texte qui est enchaîné. D'accord.
01:42 Et là, je vais ramener les petits points en rouge. Alors, en voix en rouge, en voix en rouge.
01:45 *Musique*
01:50 Moi j'aime les idées, clash comme ça, les espèces de balles qui rebondissent.
01:55 *Musique*
02:00 Bon, tu ne filmes pas le maquillage, c'est intime.
02:02 *Musique*
02:14 Tu vois, pour m'arriver à le vendre aux Américains, le film.
02:17 *Musique*
02:29 Merci.
02:30 Dominique Gonzalez-Forster a scénarisé, discuté, monté.
02:35 Angéle Tchia a filmé.
02:37 Dominique Gonzalez-Forster l'a connu, Christophe, dans les années 80, en écoutant Les mots bleus.
02:42 Lui, il a découvert avec son tube Aline qu'il avait révélé au grand public en pleine période yéyé.
02:47 Mais aussi, à travers la chanson Les marionnettes, deux slow qui ont bercé ses étés.
02:51 Dans les années 90, ils choisissent sa musique, le tourne-coeur, pour le générique de leur film, Ile de beauté.
02:56 Leur première vraie rencontre, puis collaboration avec Christophe, remonte au début des années 2000.
03:01 Captation d'un concert, vidéo, image, pour un autre.
03:05 Sur une idée de Dominique Gonzalez-Forster, ils ont commencé à le filmer régulièrement.
03:09 Surtout en concert, sans trop savoir ce qu'ils allaient faire de toutes ces images, de tous ces fragments.
03:15 C'est un petit peu comme un départ de Grand Prix.
03:19 J'ai pas touché le volant depuis 25 ans.
03:32 La vitesse c'est bon mais... Pour les fantômes, faire attention à tous les dérapages.
03:39 Non contrôlé.
03:43 Et bonjour Angélique Tchia, bonjour.
03:47 Bonjour.
03:48 Bientôt, Dominique Gonzalez-Forster va nous rejoindre. Elle est en route pour ce studio.
03:53 C'est l'histoire d'un comeback sur scène.
03:55 En 2002, à l'Olympia, après la sortie de son album Comme si la terre penchait.
04:00 Une très longue absence surtout.
04:02 Il évoque dans cet extrait, dans ce micro qui précède les marionnettes qu'il va alors chanter sur scène.
04:08 25 ans, une longue absence. Où avait-il disparu ? Ou pourquoi ?
04:12 Je pense pas que... Christophe n'avait pas disparu.
04:17 Ce qu'il avait envie de faire ne correspondait pas au goût, au choix de la maison de disques qui le soutenait.
04:26 Donc Christophe, plutôt que d'empiler ou d'enchaîner des slow, a préféré se retirer, se consacrer à des expériences.
04:37 À la voiture, faire des courses de voiture et des bandes de films.
04:44 Notamment Salinas, La route de Salinas, qui est une très très belle bande originale de films.
04:54 Et puis après, un travailleur, un créatif comme lui a eu envie à un moment donné de se reconnecter.
05:04 Parce que je pense qu'il en avait vraiment besoin avec son public.
05:08 Ou de découvrir, ou de créer un nouvel appel par rapport à sa musique.
05:17 Et c'est pour ça qu'il y a ce retour en 2002 avec cet Olympia, ce formidable Olympia.
05:24 Il nous demande de faire la mise en scène, de faire les décors.
05:28 Et ayant toujours une caméra avec moi, j'ai commencé à le filmer.
05:34 Et je n'ai jamais arrêté de le filmer jusqu'à, pour ainsi dire, la fin du spectacle à Versailles en 2009.
05:44 - Voilà, et alors il vous le demande et vous acceptez.
05:47 Qu'est-ce qu'un artiste, un créatif pour reprendre votre mot, comme vous Angélé Tchia, a vu en lui ?
05:53 Pourquoi ce projet vous a tout de suite parlé ou convaincu ?
05:58 - Parce que Christophe, moi j'avais envie de mettre en valeur son attitude.
06:03 C'est un créateur, c'est un artiste.
06:06 Et de voir, de transmettre, de rendre compte de son exigence, de son attitude face à la création,
06:16 pour moi était vraiment presque naturel.
06:20 Et un grand plaisir de voir aussi que la création n'est pas là où on l'attend.
06:27 Ce qui est important, surtout avec Christophe, c'est de voir les satellites, les déviations qu'il prend pour créer.
06:37 - C'est ça, c'est aussi un portrait de la création à travers ce portrait que vous faites de Christophe.
06:43 "Quand on n'est pas bien", dit-il devant votre caméra, "ça arrête tout".
06:47 Et notamment ça arrête l'imaginaire de l'instantané.
06:49 Il y a eu des périodes de creux, on sent qu'il y a eu des périodes qui étaient difficiles.
06:53 Et c'est peut-être le propre de la création.
06:55 Il y a des moments où l'inspiration se diffuse et d'autres où tout est suspendu.
07:01 - Oui, je pense qu'il n'a jamais arrêté d'être créatif.
07:07 Mais à un moment donné, on peut se demander pour qui, pourquoi,
07:11 lorsque au niveau de la production, au niveau des désirs de ses tourneurs ou de ses producteurs,
07:20 ne correspondent plus à ce que veut faire Christophe.
07:25 Ce sont ces malentendus qui le dépitent.
07:28 Mais la création revient, reprend le dessus.
07:33 Il va trouver les personnes qui vont lui faire confiance.
07:36 Il va trouver la maison de disques qui va l'accompagner.
07:39 Et il repart.
07:41 Chaque fois, je sais des nouvelles vagues qui arrivent et qui le portent au bout de son travail de création.
07:52 - Ce qu'on sent bien avec lui et dans ce film que vous avez co-réalisé avec Dominique González-Foster,
07:58 c'est que la création, finalement, ce n'est pas simplement produire, ce n'est pas simplement trouver.
08:02 C'est d'abord chercher.
08:04 Et c'est ça qui est fascinant avec Christophe, c'est que c'est un bidouilleur.
08:07 C'est presque un chercheur, un chercheur du son, du beau son.
08:12 On va y revenir.
08:14 Mais ce que vous dites, c'est qu'il n'a jamais arrêté, même s'il faisait moins d'albums, moins de concerts,
08:18 il n'a jamais arrêté la musique pour autant.
08:20 Qu'est-ce qu'elle représentait pour lui, la musique ?
08:22 - La musique était une alchimie.
08:25 Quand je dis alchimie, c'était justement, vous venez de le souligner,
08:28 ce sont ses expériences.
08:30 Il fouinait, il trouvait un harmonium, une orgue qu'il ne connaissait pas.
08:36 Il allait l'acheter, il allait essayer, expérimenter des sons avec.
08:42 Je pense que Christophe a accumulé toute une série d'instruments
08:52 qui lui ont permis aussi de créer et de trouver les paroles
08:59 ou de trouver les musiques qui allaient faire de lui le créateur que l'on connaît.
09:09 - Et on le voit beaucoup, un peu dans votre film.
09:12 Il passait du temps sur son ordi, dans son home studio, devant sa console de mixage avec ses synthétiseurs,
09:17 à chercher quoi d'ailleurs ? Des textures, des sonorités, des vibrations.
09:22 Et c'est ce côté explorateur qui est assez fascinant chez lui.
09:25 Qu'est-ce qu'un beau son pour lui ?
09:27 Vous en avez parlé, Angélique Schia quand vous étiez ensemble.
09:31 - Un beau son, c'était un son qui exprimait la mélancolie pour lui.
09:38 Je pense que Christophe était un très grand mélancolique, un grand séducteur.
09:43 Il avait besoin de cet état pour quelque part nous séduire,
09:49 tout en étant très ferme, très rigide par rapport à une exigence de son travail et de notre travail.
09:56 Je pense qu'il y avait une adéquation entre cette mélancolie et cette musique.
10:03 - Ces chansons parlent d'amour, ces chansons parlent d'absence, de rupture, de solitude, de tout ce qui nous échappe.
10:10 On écoute Christophe.
10:12 * Extrait de « T'as de toi » de Christophe Chassol *
10:16 « T'as de toi », c'est une chanson à l'heure.
10:19 - Bonjour, je suis Christophe Goret.
10:21 * Extrait de « T'as de toi » de Christophe Chassol *
10:26 Petite fille du soleil, tout le matin va venir.
10:34 Petite fille du soleil, je dois partir.
10:42 Petite fille du soleil, je garde en souvenir.
10:50 Petite fille du soleil, nos délires.
11:00 Rando ne joue plus les marlons, je n'ai pas revu Capalot.
11:05 Rien n'a plus, rien n'a plus vraiment le même goût.
11:11 Señorita, dépêche-toi et remets ta robe de taffeta.
11:16 Tous les plus grands airs d'opéra ont des volants de lomba.
11:21 Señorita, dépêche-toi, je suis un peu plus vieux que toi.
11:26 Je ne veux plus au cinéma, on a fermé la lambra.
11:32 Je lui dirai les mots bleus, les mots qu'on dit avec les yeux.
11:39 Parler me semble ridicule, je m'élance et puis je recule.
11:46 Devant une phrase inutile qui briserait l'instant fragile.
11:53 D'une rencontre, d'une rencontre.
12:00 Je lui dirai les mots bleus, ceux qui rendent les gens heureux.
12:06 Je l'appellerai sans la nommer.
12:10 Je suis peut-être démodée, le vent d'hiver souffle en avril.
12:16 J'aime le silence immobile d'une rencontre.
12:23 D'une rencontre.
12:29 Dans ma veste de soirée.
12:35 Je déambule, mose.
12:44 Le crépuscule est grandiose.
12:53 Mais peut-être un beau jour voudras-tu retrouver avec moi les paradis perdus.
13:20 Une petite dernière.
13:24 Moi, je construis de ma riennette.
13:32 Avec de la ficelle et du papier.
13:43 Elles sont jolies, les mignonnettes.
13:52 Je vais, je vais vous les présenter.
14:01 Oh oui, l'ami, c'est l'ami.
14:13 France Culture, bienvenue au club.
14:16 Olivia Gesper.
14:18 Extrait de l'album Christophe définitivement live paru chez Universal Music
14:28 qui est aussi l'album de votre film Angelettia.
14:32 Ce film qui sort en salle mercredi et que vous avez co-réalisé avec Dominique Gonzalez-Forster
14:37 qui est avec nous par téléphone puisque vous n'avez pas réussi à tant à regagner ce studio.
14:41 Et on en est désolés. Bonjour Dominique.
14:43 Bonjour.
14:45 Bonjour, merci.
14:46 Oui, c'est la vie.
14:47 C'est à vous.
14:48 C'est la vie dans Paris.
14:49 Sortie dans les bacs vendredi cet album dans la catégorie pop.
14:54 Justement, je voulais vous demander Dominique Gonzalez-Forster
14:57 comment définir le style musical de Christophe ?
15:00 Est-ce que c'était de la très bonne variété française ?
15:02 Est-ce que c'était de la pop mélancolique ?
15:04 Est-ce que c'était un bluesman à la française ?
15:06 Un rock doux ?
15:08 Un chanteur populaire ou élitiste ?
15:10 Comment vous en parleriez ?
15:12 Alors moi je vois ça comme de l'électropop expérimental.
15:18 C'est-à-dire que ce qui est génial chez lui c'est que comme il a une connaissance très profonde
15:24 de beaucoup de styles musicaux et une curiosité insatiable en fait,
15:29 il intègre au fur et à mesure de ses chansons, de ses recherches,
15:34 des nouvelles sonorités, des instruments.
15:36 C'est pour ça qu'il inspire encore des très jeunes musiciens
15:40 parce qu'en fait dès le départ il a une dimension qui transcende pour moi la variété et la pop.
15:47 Et comme vous deux finalement dans vos pratiques artistiques,
15:52 vous avez Anglettia un goût commun avec Christophe pour l'arrangement,
15:56 pour le télescopage poétique.
15:59 Vous avez dit à propos de ce film, on a essayé d'éviter le cliché du concert filmé.
16:03 Ça c'est sûr, c'est réussi.
16:04 Comment vous avez procédé justement ?
16:06 Est-ce que vous avez travaillé par fragments, par association, par télescopage,
16:11 comme vous le faites habituellement ?
16:13 Il y avait surtout une volonté d'être que sur Christophe,
16:17 donc d'éviter la partie, surtout ce qui est sur scène,
16:22 la distraction des musiciens et de l'équipe.
16:25 Donc se focaliser sur Christophe,
16:27 beaucoup de gros plans pour qu'on soit avec lui
16:32 et puis qu'on sente son énergie, sa force, sa conviction et ses doutes aussi
16:39 parce qu'on le voit aussi très fragile.
16:42 D'où le choix de filmer de très près, de profil souvent aussi.
16:45 On sent qu'il y a du monde sur scène avec lui, c'est une super production.
16:48 Bien sûr, on sent qu'il y a du monde, mais on est seul avec lui.
16:52 Ça c'était aussi le paradoxe de cette captation.
16:58 Et après d'être dans des endroits imprévus, dans les couloirs, seul avec lui, dans la loge,
17:03 lorsqu'on sent qu'il a le trac, ou dans le couloir qu'il mène sur la scène
17:08 où il dit "bon je vais aller faire le beau"
17:11 on sent que c'est pour combattre son trac.
17:15 Oui c'est ça, parce qu'être avec lui, être si près avec lui,
17:20 c'est vraiment entrer dans sa tête, comprendre ses doutes, ses hésitations.
17:23 Lui il parle par bribes, il pense par fragments,
17:26 il évoque aussi devant votre caméra ses idées flash qui font tout le film.
17:30 Extrait de votre film documentaire "Angelicia", Dominique González Forster.
17:35 Là moi je comprends rien, on donne un truc, c'est parce que je me baigne.
17:41 Nous on est arrivé jusque l'arrière, parce que j'ai vu des fragments espagnols.
17:44 Oui mais je vais te dire un truc, tu sais ce qu'il y a ?
17:46 C'est qu'il manque un truc dans l'arrangement.
17:48 Il manque le côté disco.
17:52 Alors si j'ai ça, c'est ça mon plan de rencontre.
17:54 Mais je l'ai pas.
17:55 Est-ce que tu veux qu'ici je te mette trois petits points de suspension ?
17:57 Non je l'ai pas, voilà c'est tout. En fait c'est une connerie.
18:00 C'est simplement qu'eux ne me jouent pas le côté disco.
18:05 Ils ne me jouent pas le côté, donc c'est foutu.
18:10 En fait c'est ça le problème.
18:11 Parce que moi j'attends toujours le côté disco mais il ne vient jamais.
18:14 Donc tant qu'il n'y a pas de disco, je sais que quand il y a du disco, je ne chante plus, c'est fini.
18:18 Mais tant que je ne l'ai pas, je ne l'ai jamais eu.
18:20 Voilà, là on est dans un des briefs de répétition avant le concert.
18:25 Je ne sais pas quel est le moment exact, Angelicia.
18:27 Oui, c'est avant le concert.
18:29 Voilà, donc il répète.
18:31 Et vous ne le montrez pas toujours sous son meilleur profil.
18:34 À force de le filmer de si près.
18:36 Sa manière parfois de parler à ses collaborateurs, un peu agacé.
18:39 Son exigence, presque maniaque.
18:42 C'était un éternel insatisfait Christophe ?
18:44 C'était quelqu'un de très précis, très exigeant.
18:48 Donc très souvent insatisfait et souvent incompris.
18:54 C'est-à-dire que faire passer son exigence à travers une équipe,
19:00 c'est un peu comme un réalisateur lorsqu'il réalise un film,
19:04 pour convaincre son directeur de la photographie, les autres équipes.
19:08 Souvent il y a une dilution du geste artistique.
19:12 Et Christophe souffrait beaucoup de ça.
19:17 Vous faites la référence au cinéma.
19:21 On a vu aussi que Christophe était un artiste cinéphile,
19:24 voire aussi cinéaste à sa manière, dans sa manière de composer ses chansons.
19:28 On parlait de ses idées flash qui font tout le film.
19:31 Il y a presque que ses chansons ressemblent à des courts scénarios.
19:35 C'est vrai que chez vous trois, on sent cette même attirance pour le cinéma.
19:39 Le 7e art, réellement, c'était quoi pour lui ?
19:43 Une esthétique ? Un vocabulaire, le cinéma ?
19:46 Il avait plusieurs attitudes par rapport au cinéma.
19:51 Un collectionneur. Il adorait collectionner les bobines 35mm,
19:56 un côté fétichiste, les projecteurs de cinéma,
20:00 les premiers scopitones, l'ancêtre du clip vidéo.
20:04 Il avait chez lui toute cette mythologie référente au cinéma,
20:10 qui était très importante. Et puis il allait voir beaucoup de films.
20:15 Il avait lui-même dans sa chambre un homme cinéma.
20:19 C'était quelqu'un avec une culture cinématographique incroyable.
20:22 Mythologie partagée pour vous, avec vous, Dominique Gonzalez-Forster.
20:26 Les premières images que vous avez pu tourner de Christophe
20:30 remontent aussi à un moment de votre vie d'artiste,
20:32 où vous, vous aviez envie de prendre un peu de distance
20:34 avec le monde de l'art contemporain, stricto sensu,
20:36 de vous frotter à d'autres univers.
20:38 En allant vers Christophe, vous saviez que vous alliez voir un musicien,
20:41 vous saviez aussi que vous alliez voir un passionné de cinéma ?
20:45 Ah oui, complètement. Et en fait, c'est vrai qu'à cette époque-là,
20:49 j'ai dit je ne veux plus faire d'exposition.
20:51 Et c'est ouvert une porte vers ce monde de la chanson, de la musique,
20:56 mais aussi à travers lui du cinéma, puisque je pense qu'il est un des rares,
21:03 oui, comme ça, personnage, acteur, donc chaque chanson presque,
21:08 comme vous disiez, un court métrage.
21:11 Et en fait, ce qui était génial aussi avec lui, c'était de redémarrer à zéro,
21:16 parce que quand je suis arrivé comme ça, quand on est arrivé sur le plateau,
21:20 on ne nous connaissait pas, cet environnement musical,
21:25 nous ne connaissait pas comme artistes.
21:27 Et en fait, de petit à petit, je ne sais pas, se baigner dans un langage commun,
21:35 partager ses films, partager ses images.
21:37 Je pense que le film, Christophe, définitivement, c'est la suite de tout ça,
21:44 d'être arrivé à un moment donné à élaborer, je ne sais pas, une chambre,
21:50 un lieu ensemble.
21:52 Vous avez l'un et l'autre donné à travers le travail de l'image
21:57 que vous avez pu réaliser sur ce film, presque traduit cette envie que vous aviez
22:02 de faire revivre Christophe.
22:04 C'est vrai qu'il a une présence presque spectrale à travers les images
22:07 que vous vous ont présentées.
22:08 C'était fascinant quand j'ai vu le film la première fois, c'était à Cannes,
22:11 c'était au cinéma de la plage, en plein air, le son était...
22:15 Amplissait l'espace et cette image extrêmement, presque floutée par moments,
22:22 de très près, c'était comme un fantôme qui réapparaissait sur l'écran.
22:26 - Oui, c'est une image amplifiée, qui était un peu en suspension,
22:33 un petit peu comme les idées musicales de Christophe.
22:37 Et c'était aussi pour ce que l'image se dissolve face aux paroles,
22:43 à la musique de Christophe.
22:45 Après aussi, c'était de trouver une correspondance entre ses paroles,
22:52 sa musique, et trouver un fil conducteur au niveau de la texture de l'image
22:58 qui était plus dans ses nappings, de trouver des correspondances
23:04 avec ses expériences musicales.
23:07 - Il l'a vu ce film ?
23:09 - Malheureusement, il ne l'a pas vu, mais vous parliez de son équipe,
23:14 quand Dominique dit "Lorsqu'on est arrivé, c'était assez codifié".
23:20 Moi, la seule façon, quand je dis codifié, chacun avait son utilité,
23:26 soit les musiciens faisaient ceci ou cela,
23:28 et moi je suis arrivé avec ma caméra, et j'étais un peu l'homme à la caméra.
23:32 J'ai trouvé ce statut, et du coup je me suis mis tout le temps à côté de lui,
23:37 et je l'ai filmé avec Dominique à côté, qui dialoguait avec lui.
23:42 Voilà, on a créé une espèce de concept à trois, qui a amené à ce film.
23:50 - Que vous avez gardé par ailleurs pour le son ?
23:52 Parce que ce n'est pas du tout de la sortie de console, en permanence dans le film.
23:58 Une partie du son vient de votre caméra ?
24:00 - Oui, beaucoup de son vient de la caméra,
24:04 et justement certaines chansons dans le film commencent avec une sortie de console,
24:09 avec une qualité sortie de console, et on finit avec la caméra.
24:14 C'était pour être encore plus près dans le réel, dans l'émotion,
24:18 dans la texture de la prise de son sur le vif,
24:23 et sur les hésitations, la fragilité.
24:26 Je pense que le son caméra donne toute cette fragilité à la personnalité de Christophe.
24:33 - Dominique, vous avez dit qu'on aurait pu faire un tout autre film,
24:36 mais en le faisant comme on l'a fait, on a fait son film.
24:39 Et dans le son, il y a le possessif, et il y a le mot "son",
24:41 et on a essayé de définir avec Angélé Tchiaz justement ce qu'était un bon son pour Christophe.
24:47 Qu'est-ce que vous entendiez par là ? On a fait son film.
24:51 - Je pense qu'on a restitué...
24:58 Il y a des moments dans le film où on voit ces espèces de poussières,
25:02 comme ça on voit cette lumière, ces poussières,
25:05 et je pense que ces poussières de son, ces poussières lumineuses,
25:10 sont porteurs de cette émotion qui est aussi dans ces chansons,
25:16 c'est-à-dire quelque chose qui n'est jamais lissé,
25:20 mais qui est une poussière lumineuse, une poussière d'émotion.
25:27 Et je crois qu'on était très synchros, tous les trois, sur ces perceptions-là.
25:35 - Sur cette perception-là et son envie aussi, votre envie d'être fidèle
25:40 à ce que représentait à la fois la musique et le cinéma.
25:43 Le film s'ouvre d'ailleurs sur lui, récitant, donnant,
25:47 énumérant presque tous les films qui ont compté pour lui,
25:49 et c'est assez phénoménal d'ailleurs. Angelette Schiappa.
25:53 - Oui, je pensais qu'on allait avoir le son de vrai.
25:57 - Je pensais aussi, mais en fait on n'a plus le temps.
25:59 - Non, non, oui, de commencer par Christophe en train d'égrener la liste de ses films de chœur,
26:07 et en même temps on voit l'image complètement qui se dissout en même temps.
26:11 C'était vraiment la plus belle introduction possible pour nous, pour ce film.
26:16 - Voilà, et ce film, vous l'avez réalisé avec tous ces moments que vous avez filmés.
26:21 Le film a enfin vu le jour et Christophe n'a pas pu le voir intégralement,
26:25 mais il parle de lui, il parle de sa musique, il nous parle aussi de l'artiste qu'il était.
26:30 Christophe décédé il y a trois ans pendant cette période pandémique,
26:34 ce coronavirus qui a fait bien du mal, mais qui l'a aussi,
26:40 je pense que le fait d'être allé au bout de ce projet vous permet de raconter tout ce qu'il a pu représenter pour nous.
26:45 Le film sort en salle mercredi, l'album est déjà sorti.
26:49 Je vous remercie beaucoup l'un et l'autre d'avoir été avec nous.
26:52 - Merci. - Merci beaucoup Dominique.
26:54 - Merci. - Merci.