• il y a 9 mois
Géopolitologue et professeur à Sciences Po, Nicolas Tenzer publie un nouveau livre intitulé "Notre guerre : le crime et l'oubli" (éditions L'Observatoire).
Regardez Le débat du 15 janvier 2024 avec Yves Calvi.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Il est 8h22, bonjour Nicolas Tenzer.
00:08 Bonjour Yves Calvi.
00:09 Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur RTL,
00:11 politologue, enseignant à Sciences Po, expert des questions stratégiques.
00:13 Vous publiez "Notre guerre" aux éditions de l'Observatoire.
00:17 Au cœur de ce livre de 600 pages se constat,
00:19 la guerre en Ukraine est une guerre décisive.
00:22 Pourquoi Nicolas Tenzer ?
00:23 C'est tout simplement une guerre décisive parce que si nous la perdons,
00:27 quand je dis nous, ce n'est pas uniquement l'Ukraine mais c'est l'Europe avec,
00:30 parce que c'est vraiment une guerre contre nous,
00:32 et bien ce sera à peu près un moment qui ressemblerait à 1945
00:37 mais avec une victoire de l'Allemagne nazie.
00:39 Je connais votre travail et votre réflexion de très longue date.
00:42 Jamais vous n'avez été aussi alarmiste et potentiellement, je dis bien pessimiste.
00:46 Vous nous associez au sort de l'Ukraine, nous démocratie.
00:49 Nous démocratie, absolument.
00:51 Une démocratie européenne mais également les États-Unis,
00:53 mais également le Canada,
00:54 mais également toutes les personnes,
00:56 regardez vous avez eu des élections à Taïwan récemment,
00:59 avec un candidat démocratique qui a été élu,
01:02 mais si la Russie gagne ici,
01:04 ça veut dire aussi que la Chine va se trouver renforcée,
01:06 que tous les pays dictatoriaux dans le monde, l'Iran et les autres,
01:09 vont se retrouver renforcés,
01:10 et vous allez avoir un effet en chaîne absolument désastreux
01:14 qui ne va pas s'arrêter à nos frontières.
01:16 La guerre en Ukraine est celle pour que demain nous ayons encore un choix, écrivez-vous.
01:20 Vous parlez bien de la démocratie.
01:21 Je parle de la démocratie, absolument.
01:22 C'est ça qui est en cause, parce qu'on voit aujourd'hui la Russie
01:25 essayer de supprimer toutes les démocraties dans le monde,
01:28 y compris en commettant les pires crimes contre l'humanité depuis 24 ans.
01:32 Parce qu'on parle de l'Ukraine,
01:33 mais il faut savoir que ça s'est fait en Tchétchénie avant 99-2000,
01:37 en Géorgie en 2008, en Syrie également, en Ukraine,
01:40 au Belarus où vous avez le jou également de Loukachenko,
01:43 et avec encore une fois des alliances avec toutes les autres dictatures,
01:46 l'Iran, la Chine, etc.
01:48 Tout ça c'est une sorte d'axe.
01:49 Est-ce que ça veut dire que nous devons affronter la Russie de Poutine
01:52 comme nous avons affronté l'Allemagne nazie ?
01:55 Là je parle bien de guerre.
01:56 Oui, parce que je pense que quand on dit "la France n'est pas en guerre",
01:59 c'est tout simplement faux.
02:00 Bien sûr, je ne dirais pas que la France est en guerre,
02:02 et je comprends qu'Emmanuel Macron ne puisse pas le dire en ces termes,
02:05 c'est parfaitement évident.
02:06 En revanche, la Russie nous fait bien sûr la guerre.
02:09 Elle essaye de saper les valeurs libérales de l'Europe,
02:12 elle retient ici, dans les pays européens et en France notamment,
02:16 un certain nombre d'agents de propagande et de relais,
02:19 donc je pense qu'on est véritablement en guerre.
02:22 Et que vous voyez, vous avez eu des attentats commis par la Russie
02:26 sur le sol européen, alors pas chez nous,
02:28 mais vous en avez eu en République Tchèque,
02:29 vous en avez eu en Allemagne,
02:31 vous en avez eu au Royaume-Uni, qui est quand même un pays européen,
02:33 même s'il n'est pas membre de l'UE, etc.
02:35 Et donc, ça c'est aussi cette réalité-là.
02:38 Concrètement, alors peut-être de l'autre côté,
02:40 quel est le projet de Vladimir Poutine et comment le bloquer ?
02:43 Parce que vous êtes en train de me dire qu'il faut l'anéantir.
02:45 Alors, aujourd'hui, je ne pense pas qu'il va marcher sur Moscou,
02:48 ça c'est complètement irréaliste, c'est évidemment pas le projet,
02:50 comme on a pu marcher sur Berlin, ça c'est aussi évident.
02:52 Je ne dis pas qu'il faut vitrifier la Russie, bien sûr que non.
02:56 Aujourd'hui, la frontière c'est l'Ukraine,
02:57 c'est-à-dire qu'il faut donner à l'Ukraine tous les moyens de gagner,
03:02 et la Russie doit être défaite en Ukraine.
03:05 Quand vous voyez aujourd'hui les pays européens,
03:07 mais aussi les États-Unis aujourd'hui,
03:08 indépendamment du blocage du Congrès américain,
03:11 ne pas donner encore des avions de chasse,
03:14 des missiles à très longue portée,
03:15 vous voyez des alliés qui sont réticents
03:17 pour demander, alors que c'est parfaitement légal en droit international,
03:20 de frapper les forces russes sur le territoire russe
03:23 qui attaquent l'Ukraine, c'est complètement irresponsable.
03:27 - Ces pays comme la France ont peut-être l'impression
03:28 de tout simplement, à ce moment-là, de se désarmer,
03:31 alors je vais envoyer une expression pas inélégante,
03:33 de se foutre à poil militairement.
03:34 - Oui, mais c'est-à-dire qu'aujourd'hui, on sait très bien par exemple
03:36 que si les États-Unis demain ont un Trump,
03:39 et que Trump dit "mais on va quitter l'OTAN",
03:42 qu'est-ce que nous faisons, nous ?
03:43 Et là-dessus, je dirais Emmanuel Macron a raison,
03:46 après on peut discuter certains éléments de sa rhétorique,
03:48 mais il a raison quand il dit qu'aujourd'hui,
03:49 il faut absolument faire une défense européenne,
03:52 ce qui ne veut pas dire nécessairement une armée européenne,
03:54 mais c'est-à-dire qu'il faut renforcer le budget de défense de l'Europe
03:57 pour être prêt, c'est une nécessité vitale.
04:00 - "Nous n'avons plus la capacité d'imposer au monde notre grille de lecture",
04:03 affirme Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères
04:05 dans les colonnes du Figaro. Il a raison ?
04:07 - Non, je pense qu'il a totalement tort,
04:09 en plus Hubert Védrine a pendant très longtemps eu totalement faux,
04:14 puisqu'il a sous-estimé le danger russe,
04:16 il a prétendu que la Russie n'était pas menaçante,
04:19 que c'était les États-Unis.
04:20 Donc vous avez un discours pro-russe,
04:22 idéologiquement bien sûr, de M. Védrine,
04:25 depuis très longtemps, qui a participé au désarmement de la France,
04:28 je le dis très directement, il a influencé dans le mauvais sens
04:32 un certain nombre de responsables politiques.
04:34 Nous avons parfaitement les moyens,
04:35 mais il faut que nous nous allions,
04:37 nous devons nous allier bien sûr avec les États-Unis autant que possible,
04:40 si Trump y est, il sera plus difficile,
04:41 mais entre pays européens,
04:43 aujourd'hui nous devons absolument avoir une position unie.
04:46 D'ailleurs Emmanuel Macron l'a reconnu,
04:48 lors de son discours du Bratislava le 31 mai,
04:51 il a dit que tous ses prédécesseurs,
04:53 et notamment d'ailleurs Nicolas Sarkozy,
04:55 avaient complètement eu tort,
04:57 concrètement, de ne pas considérer
04:59 ce que disaient déjà les pays d'Europe centrale et orientale,
05:02 les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, etc.
05:04 - Il y a quelques jours à votre place,
05:06 l'ancien officier Guillaume Monsen nous disait
05:07 que Vladimir Poutine était le grand gagnant d'un autre conflit,
05:10 celui entre Israël et le Hamas.
05:12 Poutine serait même derrière l'attaque du 7 octobre.
05:14 Est-ce que vous pouvez corroborer cette analyse ?
05:17 Est-ce qu'elle est envisageable ?
05:18 - Je ne suis pas sûr qu'il soit derrière l'attaque du 7 octobre,
05:21 mais en tout cas c'est quelque chose que certainement
05:23 ses services de renseignement devaient savoir,
05:25 qu'il n'a certainement pas voulu prévenir,
05:27 et il a tout intérêt,
05:29 il y a une alliance entre Poutine et le Hamas,
05:30 il ne faut jamais l'oublier,
05:31 depuis très longtemps, bien avant le 7 octobre,
05:33 il veut avoir cette guerre de déstabilisation,
05:36 parce que tout simplement ça détourne de la guerre décisive,
05:39 qui est bien la guerre qui est la guerre en Ukraine,
05:43 et puis ensuite que ça accroît la déstabilisation.
05:46 L'Iran, qui est quand même à la manœuvre
05:48 derrière un certain nombre de ses groupes,
05:49 de manière directe ou indirecte,
05:51 est quand même celui qui actionne,
05:53 évidemment, la corde et la déstabilisation,
05:55 on le voit aussi avec les attaques des Houthis
05:57 contre un certain nombre de bâtiments dans la région.
05:59 Tout ça, c'est très favorable à Poutine,
06:01 il y a une stratégie globale de déstabilisation,
06:04 encore une fois, qui n'est pas récente depuis 20 ans,
06:07 et que des gens, puisque vous parliez de Hubert Védrine,
06:09 et quelques autres, ne voulaient absolument pas voir.
06:13 Merci de votre franc-parler Nicolas Tenzer,
06:14 je rappelle votre livre "Notre guerre, le crime et l'oubli".
06:17 !

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