Comprendre les obstacles au changement [Cathy Alegria]

  • l’année dernière
Vidéo réalisée pour l'ouvrage « Stratégie: Le manuel du management stratégique » publié par les Editions Vuibert On connaît la formule d'Einstein : « Il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé… ». Une formule qui en dit long sur le fait que finalement, personne n'aime changer. Pour comprendre l'acceptation du changement de stratégie, au sein d'une entreprise ou d'une organisation, il faut dès lors analyser à la fois les freins au changement et plus spécifiquement, les « résistances au changement ». [...]

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Transcription
00:00 On connaît la formule d'Einstein, il est plus facile de désintégrer un atome qu'un
00:19 préjugé.
00:20 Une formule qui en dit long sur le fait que finalement, personne n'aime changer.
00:24 Pour comprendre l'acceptation du changement de stratégie au sein d'une entreprise ou
00:30 d'une organisation, il faut dès lors analyser à la fois les freins au changement et plus
00:37 spécifiquement les résistances au changement.
00:41 Les obstacles au changement de stratégie sont aussi nombreux que les occasions.
00:46 Pour discerner ces obstacles, classons-les en quelques catégories simples.
00:52 Première catégorie d'obstacles, l'équilibre des forces et les oscillations continues.
00:59 Observons une entreprise, Stellantis par exemple, pour comprendre.
01:05 Chaque jour, il se passe des événements à l'intérieur, l'embauche d'un collaborateur,
01:10 un spécialiste du marché chinois, et à l'extérieur, la signature d'un contrat
01:15 de coopération avec un sous-traitant Valeo.
01:18 Ces deux événements, que l'on peut classer arbitrairement en événements internes et
01:23 externes, entraînent eux aussi des modifications dans d'autres entreprises.
01:29 Chez Foresia, d'où provient le cadre qui connaît la Chine et qu'il convient de remplacer.
01:35 Chez Valeo, qui va devoir mettre en place une nouvelle chaîne de montage en partenariat
01:41 avec un associé coréen.
01:43 De proche en proche, un vaste environnement va être ébranlé par ces deux événements,
01:50 qui comme des boules de billard centre-choquant, conduisent à une nouvelle disposition des
01:55 billes sur la table.
01:57 Mais cette disposition nouvelle, au fond, ressemble à la précédente.
02:02 Le nombre de boules est identique et il est peu important qu'une boule rouge ait remplacé
02:08 une blanche.
02:09 L'observateur distrait ne s'en apercevra même pas.
02:14 Autrement dit, la multiplicité des mini-changements aboutit à ce que globalement leurs effets
02:21 s'annulent, comme les forces équivalentes des champions de bras de fer rendent immobiles
02:26 les deux avant-bras pendant un certain temps tout au moins.
02:30 Deuxième catégorie d'obstacles, l'interdépendance des intérêts et des freins personnels.
02:37 Dans l'entreprise, certaines forces poussent au changement stratégique, d'autres le
02:44 freinent.
02:45 Certes, des oscillations minimes se produisent tous les jours, nous l'avons constaté,
02:51 mais le camp des progressistes, qui s'oppose à celui des conservateurs, ne l'emporte
02:56 que rarement pour déclencher une modification profonde.
03:00 En effet, le changement brutal risquerait d'entraîner un bouleversement des intérêts,
03:07 des avantages, des rôles auxquels sont attachés les progressistes comme les conservateurs.
03:12 Or, les motifs individuels de résistance à tout changement sont nombreux.
03:18 Toutes ces raisons renforcent l'impression selon laquelle une entreprise ne connaît
03:25 que des oscillations continues et quasi quotidiennes autour d'un point d'équilibre qui lui-même
03:33 ne change que très rarement.
03:34 Troisième catégorie d'obstacles ou de freins, le poids de l'organisation initiale.
03:41 Dans toutes les entreprises, les fondateurs ont constitué un système de rôles et de
03:47 tâches lorsqu'ils ont lancé leur affaire.
03:50 C'est la spécialisation.
03:52 Ils y ont en outre mis en place des procédures d'intégration pour assurer l'unité de
03:59 l'action.
04:00 Ces choix ont modelé la vocation, la structure, la répartition du pouvoir, la culture de
04:07 la firme, sa stratégie.
04:08 Bref, une configuration lourde s'est constituée et tend à se maintenir parce qu'elle contient
04:15 en elle toutes les motivations de l'action initiale, toute l'intention du dirigeant
04:21 fondateur.
04:22 C'est ainsi que la recherche a démontré que Polaroïd n'a par exemple jamais su
04:27 quitter le modèle lame de rasoir imaginé par son fondateur Edwin Land en dépit d'efforts
04:34 pendant plus d'une décennie pour prendre le virage du numérique qui supposait d'imaginer
04:40 une autre manière de prendre des photographies non destinées à être imprimées.
04:45 Bien entendu, cette configuration faite de routine se transforme sur le plan structurel,
04:52 sur celui de la répartition du pouvoir et de la culture, mais lentement, difficilement,
04:59 car l'impression du modèle de départ bride le changement stratégique.
05:04 Quatrième et dernière catégorie d'obstacles, les biais cognitifs.
05:09 La capacité de réaction stratégique des organisations est fréquemment freinée par
05:17 une mauvaise perception, une interprétation erronée des signaux de l'environnement
05:23 ou encore par des décisions lentes ou mal mises en œuvre.
05:27 On ne compte plus les exemples tels que BlackBerry, qui a manqué le virage stratégique des écrans
05:34 tactiles, Microsoft qui jugeait que l'iPhone d'Apple n'avait aucun avenir ou encore
05:41 qui est passé à côté de l'émergence des réseaux sociaux, jusqu'à se rendre
05:45 à l'évidence qu'un rachat de LinkedIn lui permettait de rattraper une part de son
05:51 retard.
05:52 En résumé, des forces de cohésion interne d'origines diverses, structurelles, culturelles,
06:00 relationnelles, aboutissent à ce fait.
06:03 En dépit de l'opinion courante et de la volonté affichée de leurs dirigeants, les
06:09 entreprises changent moins de stratégie que l'on pourrait s'y attendre, même quand
06:14 elles devraient s'y contraindre.
06:16 La religion du nécessaire changement brutal et permanent bute donc sur l'idée que le
06:24 changement est souvent beaucoup plus lent et organique que révolutionnaire.
06:29 Il trouve alors son origine d'abord en interne plutôt qu'en externe et aboutit
06:36 à un simple rajeunissement de l'entreprise.
06:39 Il s'agit d'une forme de changement systématique, due à la volonté normale de toute entreprise
06:47 de s'améliorer en continu et débouchant sur des réformes parfois importantes certes,
06:54 mais non révolutionnaires.
06:55 Puisqu'après tout nous le savons de Pienstein, il est définitivement plus facile de désintégrer
07:02 un atome qu'un préjugé.
07:05 [Musique]

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