CRISE AU PROCHE-ORIENT - Catherine Colonna est l'invitée d'Amandine Bégot
Alors que le conflit israélo-palestinien fait rage au Proche-Orient, la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Catherine Colonna vient évoquer la situation dans la région.
Regardez L'invité de RTL du 27 octobre 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h40, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud, vous recevez donc ce matin notre ministre de l'Europe et des affaires étrangères
00:13 Catherine Colonna. Catherine Colonna, l'armée israélienne a annoncé hier avoir mené un raid ciblé avec des chars dans le nord de la bande de Gaza.
00:21 Israël a le droit de se défendre dans le respect des règles internationales. C'est ce qu'a martelé
00:26 toute la semaine le président Emmanuel Macron. Est-on toujours d'après vous ce matin dans le respect des règles internationales ?
00:33 En tout cas c'est indispensable et comme le président, comme nous tous, comme nos alliés, nos amis, nos partenaires
00:39 nous rappelons à la fois qu'Israël comme tout état a le droit de se défendre et de défendre sa population qui a été
00:46 victime d'attaques terroristes
00:48 massives
00:50 accompagnées, vous le savez, d'atrocités
00:52 abominables, mais qu'il a le devoir comme tout état de le faire dans le respect du droit international et notamment du droit international
00:59 humanitaire et donc le président a distingué ce qu'il peut être fait dans ce cadre
01:06 avec l'obligation pour Israël de protéger les populations civiles autant que possible et donc des opérations
01:13 ciblées ne sont pas la même chose que des opérations massives indiscriminées qui toucheraient fortement la population qui aurait des conséquences
01:19 absolument
01:21 négatives. La ligne rouge c'est ça ? Une opération massive sur Gaza ? C'est la protection des populations civiles qui
01:27 s'applique à tout le monde, à tout état qui combat, à toute force aux armes, il y a un droit de la guerre.
01:33 Israël est une démocratie donc
01:36 respecte, doit respecter comme nous tous le droit de la guerre, faire extrêmement attention, c'est un
01:41 impératif moral que de protéger les civils, il nous le sent, et c'est aussi une règle internationale.
01:47 Donc il faut distinguer des opérations ciblées que nous comprenons et qui sont
01:51 légitimes pour faire face à la menace terroriste
01:54 d'opérations indiscriminées qui toucheraient trop les populations civiles comme par exemple les bombardements
02:00 sans doute font trop de victimes civiles. Alors à l'instant
02:03 l'AFP, l'agence France Presse, annonce une incursion au sol de l'armée israélienne dans le secteur central de la bande de Gaza, un communiqué de
02:12 l'armée israélienne.
02:13 On y reviendra dès qu'on a un tout petit peu plus de détails.
02:16 Madame la ministre, la priorité, Emmanuel Macron l'a répétée à plusieurs reprises ces derniers jours, ce sont les otages.
02:23 Neuf otages français, vous nous le confirmez ce matin ? Nous avons neuf
02:27 compatriotes
02:29 en effet qui ont disparu
02:31 dont on est sans nouvelles précises, à ceci près que l'on sait pour certains d'entre eux qu'ils ont été pris en otage.
02:38 Nous travaillons avec
02:41 évidemment les israéliens, avec
02:44 les égyptiens, avec le Qatar aussi, avec tous ceux qui peuvent avoir non seulement des informations mais aider à leur libération.
02:51 Évidemment nous demandons la libération de tous les otages et pas seulement des otages français. Vous savez qu'il y en a eu plusieurs dizaines, peut-être plusieurs
02:58 centaines qui ont été pris en otage.
03:01 Il est difficile de donner plus de détails.
03:03 Nous avons des indications qui nous font penser que certaines de ces personnes sont toujours retenues en otage
03:10 et comme il le faut, comme
03:13 il se doit, non seulement on partage l'angoisse des familles mais on est à leur côté
03:18 régulièrement. Le président les a reçus, je les avais moi-même reçus lorsque j'étais en Israël une semaine
03:24 après la première attaque et notre consul général, je l'ai eu encore hier,
03:29 maintient un contact très régulier avec eux pour leur donner tout ce que nous savons, tout ce que nous avons comme informations mais ne pas
03:37 non plus
03:40 les laisser envisager qu'il y a des choses que nous saurions et que nous ne leur disons pas.
03:44 Des indications.
03:47 Je comprends que bien sûr vous ne pouvez sans doute pas tout nous dire et c'est bien normal mais quand vous parlez d'indications, ce sont
03:53 des preuves de vie. On se souvient qu'il y avait une vidéo,
03:56 une vidéo d'une des jeunes femmes enlevées. Exactement, il y a eu des preuves de vie. Donc il y en a eu d'autres que cette vidéo.
04:02 Celle-ci date d'il y a un peu plus d'une semaine et il y a des informations que nous partageons
04:07 entre les autorités dont je viens de vous parler, au premier rang desquelles les autorités israéliennes qui ont fait un certain nombre de
04:13 opérations de reconnaissance et qui nous informent. Vous préférez parler de personnes portées disparues, est-ce que vous pouvez nous dire combien
04:21 ont été enlevées par le Hamas, en tout cas à un moment donné sur ces neufs ?
04:26 Avec certitude quelques-unes. Je préfère ne pas donner le chiffre, les
04:31 familles le connaissent. Nous leur disons tout ce que
04:35 nous savons.
04:36 Vous évoquiez les discussions avec plusieurs pays, l'Egypte, le Qatar. Dans le journal Le Parisien ce matin, le porte-parole du ministère des affaires étrangères
04:43 du Qatar justement dit avoir bon espoir que les otages soient libérés prochainement. Vous y
04:48 croyez ? Vous pensez à une libération rapide ?
04:51 Le Qatar fait partie des pays qui s'efforcent de convaincre le Hamas de relâcher tous les otages et de les relâcher tous et non pas
04:58 au compte-gouttes. Il y a eu déjà quelques libérations, c'est très insuffisant.
05:02 Le Qatar et l'Egypte poursuivent leurs efforts. Nous-mêmes avons des contacts
05:06 avec le Qatar et puis ce sont des périodes où tout le monde se parle, essaie de mettre en commun
05:11 les quelques informations qu'ils peuvent avoir, de les partager et d'en déduire une ligne d'action.
05:16 C'est en tout cas une priorité pour la France que d'obtenir la libération des nôtres. C'est normal,
05:22 mais nous le demandons de façon pressante. Et j'imagine que vous redoutez dans ce contexte là une offensive terrestre. En tout cas on sait que
05:28 beaucoup de familles
05:31 s'inquiètent des familles d'otages. Bien sûr, toute opération militaire peut avoir des conséquences
05:36 et c'est aussi vrai pour les personnes qui sont otages, mais
05:41 également pour les français qui sont à Gaza. Parce que je voudrais rappeler qu'il y a des français qui sont à Gaza. Combien ?
05:46 Il y a une cinquantaine de français, soit des gens qui étaient établis, qui vivaient là-bas, soit
05:52 des français qui travaillent dans des organisations non gouvernementales
05:57 humanitaires, qui sont basées souvent à Jérusalem et dont la mission est à Gaza. Et donc si l'on compte
06:01 nos compatriotes,
06:03 leurs familles, mais aussi les agents de la France, nous avons un institut culturel français à Gaza, cela fait environ
06:10 170 personnes dont nous voulons assurer la protection, que nous suivons de près. Moi-même hier, j'ai encore appelé deux de nos agents,
06:18 agents locaux, qui étaient
06:21 auparavant à Gaza, à l'institut français, qui sont déplacés dans le sud, près de Raniounès,
06:26 et qui manquent de tout. Il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'électricité, quelques chargeurs solaires pour les téléphones,
06:31 pas de médicaments, pas de couverture, les nuits deviennent fraîches. Donc il est indispensable
06:35 de faire entrer maintenant l'aide humanitaire à Gaza le plus rapidement possible, de façon durable,
06:41 et dans des volumes beaucoup plus importants, donc sans entrave. Les contrôles sont
06:46 une entrave réelle, il y a quelques camions qui sont passés, il en faudrait des centaines chaque jour, des centaines chaque jour.
06:51 Des centaines chaque jour. On sait que le Tonnerre
06:54 est en route, ce navire
06:57 hôpital de la marine française, il a quitté Toulon mercredi soir, est-ce que vous savez quand il arrivera sur place ?
07:03 Alors, c'est un navire porte-hélicoptère qui a des capacités médicales,
07:07 que nous voulons
07:10 amener avec tout l'ensemble de ses capacités au plus près de la zone.
07:15 Il va être compliqué, il va pouvoir stationner comment ?
07:17 Il navigue vers Chypre,
07:19 et sur les modalités opérationnelles de la façon dont il pourra opérer,
07:23 nous sommes en train de les travailler avec le ministère des armées, puisque c'est un navire
07:26 militaire. En attendant, nous gagnons du temps et nous le rapprochons de la zone, comme disent les militaires. Par ailleurs,
07:33 un avion avec plus de 50 tonnes
07:36 d'aide humanitaire va partir demain matin à destination de l'Egypte, et il a aussi arrivé
07:42 ensuite, soit qu'il se pose au Caire, soit qu'il se pose à l'Ariche, arriver au plus près, comme
07:48 les Nations Unies l'ont fait, comme l'Union Européenne l'a fait, pour que cette aide passe à Gaza. Les gens manquent de tout,
07:55 la situation humanitaire est d'ores et déjà catastrophique.
07:58 Elle peut l'être plus encore. J'avais à New York l'autre jour une conversation avec la présidente du CICR, qui fait un plaidoyer
08:06 émouvant pour que les
08:09 conditions d'entrée de l'aide soient assouplies. Hier, je l'ai demandé aussi au ministre israélien des affaires étrangères.
08:15 À l'heure actuelle, l'aide n'arrive pas de façon suffisante. Les gens sont en danger.
08:20 Il n'y a aucune raison de... - C'est une question d'heures ou de jours, nous disent les humanitaires. - Chaque jour qui passe, il y a
08:25 des gens qui
08:27 meurent ou qui peuvent mourir. - Mais vous espérez que le tonnerre soit "opérationnel", c'est sans doute pas le bon mot.
08:32 - Ça c'est une question de quelques jours. - Début de semaine prochaine ? - Je pense peut-être qu'il sera sur zone en fin de semaine.
08:38 - En fin de semaine, donc d'ici dimanche.
08:40 - Et ensuite, les modalités opérationnelles sont en cours de définition avec nos collègues des armées.
08:45 - Je voulais qu'on revienne à un mot sur
08:48 les otages. Le Hamas estime que près de 50 otages israéliens ont été tués depuis le début des raids israéliens. C'est un communiqué qui a été
08:56 publié hier soir. Bien sûr, l'information n'est pas confirmée, c'est invérifiable, on le sait. On est quoi, dans une guerre
09:01 psychologique qui est encore montée d'un cran, c'est ça ? - Il y a aussi cette dimension psychologique.
09:05 Rien ne permet de dire que c'est exact. Et comment vous dire ?
09:09 Nous n'avons pas spontanément tendance à croire une organisation terroriste,
09:13 car le Hamas est une organisation terroriste.
09:16 Lorsqu'elle dit telle ou telle chose, on la juge à ses actes et pas à ses dires. - Vous rappelez que le Hamas est une organisation
09:23 terroriste. L'enjeu de la visite d'Emmanuel Macron, c'était aussi un enjeu national. On sait à quel point ce sujet divise aussi, crée des tensions
09:30 en France. La France Insoumise a demandé en début de semaine un cessez-le-feu. Que leur répondez-vous ce matin ? On ne fait pas de cessez-le-feu
09:36 avec un groupe terroriste ?
09:38 - On leur répond surtout
09:40 d'abord qu'on aimerait les entendre
09:42 qualifier le Hamas pour ce qu'il est. Une organisation terroriste qui a commis des actes terroristes et des atrocités
09:47 contre des civils, en allant les pourchasser chez eux. Je ne veux pas
09:51 appuyer davantage le message, mais chacun sait ce qui s'est passé,
09:57 y compris la France Insoumise. Donc c'est tonteux et indigne de ne pas être capable de qualifier des terroristes des actes terroristes.
10:03 Pour ce qui est de leur proposition, elle reviendrait à nier
10:09 un État qui doit protéger sa population,
10:11 Israël, mais cela vaudrait pour tout autre État le droit de défendre sa population. C'est aussi son devoir de défendre sa population.
10:19 Donc nous demandons des pauses, des trêves, on peut employer un mot ou l'autre, ils sont absolument équivalents,
10:25 de façon à faire passer l'aide humanitaire, à
10:27 améliorer la situation pour la population civile de Gaza.
10:31 Nous devons aussi penser à la Cisjordanie d'ailleurs, mais le cessez-le-feu est une perspective, donc nous préférons dire
10:38 pause, il peut y en avoir plusieurs, il peut y avoir des périodes où les combats cessent, ça permet au convoi de passer.
10:45 Et si une certaine désescalade s'installe, à terme, cela peut mener à un cessez-le-feu.
10:51 Nous n'en sommes pas là aujourd'hui. Des pauses, des trêves, c'est ce qu'a demandé l'Union Européenne hier soir,
10:57 pendant ce sommet qui a lieu à Bruxelles.
11:00 On a eu l'impression en tout cas que les 27 avaient eu du mal justement à se mettre d'accord sur
11:05 ces termes-là. J'imagine que vous le regrettez, vous êtes aussi ministre de l'Europe, qui n'est pas une voix. Au contraire,
11:12 les pays européens ont souvent des positions
11:16 nuancées. C'est une question sensible, une question
11:20 complexe, et les positions nationales ne sont pas toutes
11:23 alignées ou accordées. Et il est heureux, nécessaire, indispensable, et c'est une bonne chose qu'hier, et relativement rapidement,
11:32 les 27 se soient mis d'accord sur un texte qui rappelle les grands principes, la condamnation du terrorisme, la protection des populations,
11:39 la nécessité absolue de relancer un processus de paix, de retrouver un horizon politique, de sortir de l'impasse.
11:47 Un certain nombre d'éléments, les baux humanitaires, un certain nombre d'éléments que la France
11:51 portait et qui ont été partagés par tous. Encore une fois, il faut que ce message soit clair et uni.
11:56 Catherine Colonna, le risque d'embrasement de la région, on le sait, c'est une des grosses
12:00 inquiétudes, des grosses craintes. Est-ce que vous diriez que ce risque, pour l'instant, il est,
12:04 j'allais pas dire écarté, mais en tout cas peut-être moins fort qu'il y a quelques jours ? Il est
12:09 réel.
12:12 Il y a une volatilité de la situation,
12:16 une dangerosité même,
12:18 qui justifie qu'on fasse tout pour
12:20 éviter une escalade qui pourrait mener à un engrenage et peut-être, oui, un embrasement de la région. Alors les efforts sont conjoints.
12:29 Il y a depuis
12:31 quelques jours, je crois, une meilleure convergence
12:33 des messages qui sont passés à Israël et aux autres parties prenantes, non seulement par la France,
12:38 mais elle a été, je crois, présente et présente depuis le premier jour et active, mais par ses partenaires américains,
12:45 par ses partenaires au Conseil de sécurité. Mais quand vous voyez la Russie qui dit parler à l'Iran et au Hamas...
12:50 J'allais en venir à la Russie ou peut-être à la Turquie, dont le président a tenu quelques propos qui sont particulièrement regrettables,
12:56 mais la meilleure convergence des positions et des demandes qui sont faites à Israël a conduit peut-être à tempérer son action.
13:05 Ça ne veut pas dire que
13:07 tout risque est écarté. Il faut au contraire redoubler d'efforts et c'est beaucoup plus actif et beaucoup plus uni pour maintenant trouver
13:14 le moyen de sortir de cette impasse politique.
13:17 Bien sûr, priorité à la lutte contre le terrorisme. C'est un acte de terrorisme qui déclenche la situation actuelle.
13:22 Assurer la protection des populations, mais redonner un horizon politique. Il n'y aura pas de sécurité
13:28 durable sans paix et c'est ça qu'il faut maintenant établir avec beaucoup plus d'énergie qu'on l'a fait jusqu'ici collectivement.
13:34 On l'a peut-être un peu oublié, c'est ça ? La France ne l'avait jamais oublié. La solution à deux états a toujours été ce qu'elle a
13:41 prôné, parfois trop seul, c'est vrai. Je crois que maintenant tout le monde revient
13:45 sur la pleine conscience que le problème palestinien est central et qu'il faut le résoudre. Merci beaucoup Madame Lerz.
13:52 Merci.
13:53 [SILENCE]