• l’année dernière
La Première ministre présente aujourd'hui aux associations son Pacte des solidarités maintes et maintes fois reporté. Des mesures destinées à lutter contre la pauvreté seront annoncées aux associations alors que l'inflation fragilisent aujourd'hui de nombreux français. Ils sont 9 millions à vivre sous le seuil de la pauvreté selon les derniers chiffres de l'Insee. Pour en parler, Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité.
Regardez L'invité de RTL du 18 septembre 2023 avec Amandine Bégot.

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00:02 RTL Matin
00:06 Il est 7h44, excellente journée à vous tous qui écoutez RTL, Amandine Bégaud vous recevez donc ce matin
00:11 Pascal Brice, président de la Fédération des Acteurs de la Solidarité.
00:14 Fédération Pascal Brice qui regroupe, je le disais, un peu plus de 900 associations et organismes qui accompagnent justement
00:20 au quotidien les plus démunis. Alors on va bien sûr évoquer avec vous, et c'est pour ça que vous êtes là,
00:24 ce plan de lutte contre la pauvreté qui sera présenté tout à l'heure par le gouvernement. Ce que vous en attendez
00:29 précisément, mais d'abord concrètement, qu'est-ce qu'être pauvre aujourd'hui en France ? On parle d'un peu plus de 9 millions de personnes.
00:36 Oui, être pauvre en France, c'est d'abord, contrairement à ce qu'on croit, c'est d'abord le plus souvent être une femme.
00:41 Très souvent une femme, seule avec un enfant. C'est de manière générale
00:44 avoir un revenu inférieur à 1000 euros par
00:48 mois. Et toute la difficulté, c'est que vous savez que ça fait 35 ans
00:52 que la pauvreté ne baisse plus en France.
00:56 Et là, elle remonte avec, évidemment, là où est pris l'alimentation. Donc c'est une réalité qui frappe un grand nombre de gens,
01:03 y compris des gens qui travaillent.
01:05 Et c'est ça, l'une des grandes nouveautés. Le travail aujourd'hui n'est plus un rempart qu'on entendait tout à l'heure Marwan à 7h15,
01:12 qui a un CDI dans la restauration, qui touche 1800 euros, qui a un bébé d'un an et demi, il est obligé d'aller au resto du coeur.
01:18 Oui, c'est vrai que travailler protège beaucoup plus de la pauvreté.
01:23 Mais pas totalement. Et on a effectivement les travailleurs pauvres, plus d'un million de travailleurs pauvres dans le pays.
01:28 Et c'est ce qui fait notamment que cette inquiétude là s'installe de plus en plus, non seulement chez les exclus,
01:35 dans les classes populaires, mais dans une partie des classes moyennes.
01:38 Et c'est la raison pour laquelle moi j'attends notamment l'ouvernement tout à l'heure, la première ministre, qu'elle nous confirme qu'elle ne croit pas
01:43 que la seule baisse du chômage qui est engagée, qui va se poursuivre vers le plein emploi, qui est une très bonne nouvelle. Moi je vous dis,
01:51 j'ai vu dans mon quartier de naissance à Nantes,
01:53 les dégâts du chômage de masse, on sait ce que c'est. Mais cette baisse du chômage, elle ne
01:57 suffira pas à elle seule à éradiquer la pauvreté et la précarité.
02:00 - Ce n'est pas parce que le chômage baisse que...
02:02 - Ça ne suffira pas.
02:04 - La moitié aujourd'hui, alors j'ai découvert ce chiffre, j'étais assez stupéfiée, en fait la moitié des personnes
02:08 considérées comme pauvres ont un emploi aujourd'hui en France.
02:11 - Et oui. Ce qui en dit long sur
02:13 le malaise au travail,
02:16 la question de la rémunération, c'est pour ça que la conférence salariale
02:19 annoncée par le gouvernement va être un moment très important aussi pour la lutte contre la pauvreté et la précarité.
02:24 Mais on voit bien qu'il y a à la fois une question au travail,
02:27 la perspective du plein emploi, il y a aussi les chantiers d'insertion, ces deux associations sont très présentes auprès des personnes pour les accompagner
02:34 vers l'emploi lorsque c'est difficile pour elles. Et puis il y a toutes celles et ceux qui seront au travail,
02:38 mais qui sont mal payées, qui n'y arrivent pas. Et c'est ça en fait qui s'installe dans le pays de plus en plus.
02:43 Cette sensation qu'on bosse et pourtant on n'y arrive pas, et ce qui conduit à des réflexes parfois de stigmatisation.
02:49 C'est-à-dire de dire "attendez, moi je bosse,
02:51 lui il ne bosse pas, il a l'ERSA". Et donc c'est tout cela qu'il faut pouvoir
02:54 contrecarrer et j'en attends, j'attends notamment du gouvernement, de la lucidité de l'action sur ces questions.
02:59 - 65% des français ont considéré l'an dernier, d'après un sondage
03:02 publié dans les Echos, qu'il y a trop d'assistanats en France et que notre modèle social a trop d'effets
03:09 pervers et n'encourage pas les efforts. Quand on voit ce chiffre, la moitié des pauvres travaillent,
03:14 ça remet les choses à peu près en place. - Oui, ça remet les choses en place parce qu'il faut redire qu'encore une fois, une femme seule avec un enfant,
03:21 1000 euros
03:23 de RSA.
03:25 Et en même temps il faut entendre cela. Moi je le dis très clairement, quand les gens sont fragilisés socialement,
03:30 y compris dans les classes moyennes, dans les classes populaires,
03:35 ce réflexe-là, il existe.
03:36 Et donc ça signifie quoi ? Ça signifie, du point de vue de nos associations, que la solidarité est une exigence.
03:41 Et encore une fois, j'attends du gouvernement et de chacune et chacun dans ce pays, et de notre part, que nous soyons à l'action.
03:46 Mais il faut aussi entendre ce malaise de celles et ceux qui contribuent à la solidarité, qui disent "ouais bon d'accord" et donc
03:52 c'est pourquoi nous défendons l'idée d'un engagement réciproque. Vous savez par exemple le RSA, l'histoire de
03:57 "vous aurez le RSA que si vous bossez". Moi je peux vous citer 100 exemples de personnes
04:01 pour lesquelles ça va être compliqué, il va falloir du temps, il va falloir que les associations les accompagnent. Mais en revanche je pense effectivement qu'il
04:07 faut une réciprocité.
04:09 Que chacune et chacun bénéficiant de la solidarité apporte quelque chose à mesure de ses possibilités.
04:13 Tout le monde ne peut pas travailler, mais ceux qui le peuvent devraient pouvoir le faire.
04:18 Ou via une formation, par exemple où nos associations accueillent des jeunes à la rue.
04:23 Trop souvent d'ailleurs issus de l'aide sociale à l'enfance. C'est un grand scandale français.
04:27 Vous voyez les double, triple, quadruple peine. Et bien ces jeunes là, ils sont parfois à la rue, c'est très compliqué pour eux d'aller vers le
04:34 travail, une formation. C'est le boulot de nos associations avec les missions locales.
04:37 Allez les ramener vers la re-socialisation. Il faut s'adapter les visions dogmatiques
04:41 que j'entends trop souvent en disant "tout le monde au travail machin". C'est pas la vraie vie. En revanche dans cette société on apporte,
04:48 on bénéficie de la solidarité, on doit apporter quelque chose à la mesure de ce qu'on peut apporter.
04:52 - Pascale Brice, je reviens sur les chiffres.
04:54 14,6% de la population aujourd'hui donc considérée comme pauvre, presque un français sur six, c'est énorme.
05:00 C'est toutefois moins que dans les années 70.
05:02 On était à 18,2%.
05:04 Et si on se compare aux autres pays européens, la France fait finalement plutôt mieux que la moyenne des pays européens.
05:10 Le taux de pauvreté est plus élevé en Allemagne, en Italie, en Espagne ou encore au Royaume-Uni.
05:13 C'est grâce à notre système de protection sociale ?
05:15 - Bien sûr, il faut toujours le rappeler. Nous avons un beau système de protection sociale.
05:19 Il y a aussi des effets de redistribution important vers les plus fragiles.
05:24 Il faut aussi saluer l'action du gouvernement pendant la crise sanitaire qui a fait en sorte qu'il y ait pas de millions de gens qui basculent.
05:30 Mais il y a quand même une vraie difficulté.
05:33 Je vous le disais, effectivement la pauvreté a baissé par rapport aux années 70.
05:36 Mais ça a baissé jusqu'au milieu des années 80 et depuis ça ne baisse plus.
05:40 Donc on a quelque chose là qui s'enrincine, qui s'installe chez les femmes seules,
05:44 dans certaines campagnes, dans certains quartiers, chez des jeunes, chez des travailleurs âgés.
05:50 C'est là et ça s'accentue, notamment dans la période d'urgence dans laquelle nous sommes, avec la hausse des prix de l'alimentation.
05:56 Donc c'est un combat qu'il faut mener pour les raisons que vous disiez tout à l'heure, Mme Bécaud.
06:00 C'est-à-dire que non seulement c'est une question de dignité pour ces hommes et ces femmes,
06:04 mais c'est aussi une question de cohésion sociale et démocratique du pays.
06:07 Parce que sinon on va vers toujours plus de stigmatisation des pauvres et on sait ce que ça donne ce genre de choses.
06:14 Concrètement, qu'est-ce qu'on fait ? S'il y avait une mesure à prendre pour éradiquer la pauvreté dans notre pays ?
06:20 Se donner les moyens, dans la durée, c'est ce que je demanderais à la Première Ministre cet après-midi,
06:26 de la lutte contre la pauvreté.
06:29 Ça veut dire quoi ça ? Ça veut dire d'abord qu'on sort de logique à l'urgence.
06:32 Alors c'est dans l'air du temps l'urgence. Il y a parfois les urgences et il faut y être.
06:35 Mais la pauvreté et la précarité, ça se combat pas un jour et plus le lendemain.
06:40 Les travailleurs sociaux et les bénévoles dans ce pays le savent dans nos associations.
06:43 Quelqu'un que vous sortez de la rue, c'est d'abord un travail pour l'accompagner vers un hébergement.
06:48 C'est tout un accompagnement social.
06:49 Donc il faut que le gouvernement arrête de gérer l'urgence, qui d'ailleurs coûte deux fois plus cher aux finances publiques.
06:55 Mais alors ce que j'allais vous dire, ça veut dire plus d'argent ou pas ?
06:57 Ça veut dire sans doute plus d'argent, mais de l'argent mieux utilisé.
07:02 Encore une fois, je prends l'hébergement d'urgence.
07:05 On continue ce qu'on appelle la gestion au thermomètre. Il fait très froid et maintenant il fait très chaud.
07:09 Alors d'un coup, vous avez le gouvernement qui vous dit, il faut que vous ouvriez des centres d'hébergement dans l'urgence.
07:15 Ça coûte trois, quatre fois plus cher pour les finances publiques que d'avoir une gestion dans la durée,
07:20 à la fois de l'hébergement, du logement social, parce que ça je veux insister là-dessus.
07:25 Vous savez qu'il y a dans ce pays, et c'est plus seulement une question parisienne ou bordelaise,
07:28 à Vierzon, j'ai rencontré une dame qui était dans un centre d'hébergement depuis deux ans et qui attendait un logement social.
07:34 Donc, relance du logement social, moyens pour l'insertion par l'activité économique, les chantiers d'insertion...
07:41 - Mais j'ai l'impression, excusez-moi, qu'on entend ça depuis des années.
07:44 - Oui, mais tout simplement parce que...
07:47 Enfin, ça n'est pas sans lien avec le fait que la pauvreté reste à un tel niveau dans le pays,
07:52 parce qu'on est toujours sur ces logiques-là. On est sur des logiques d'urgence.
07:56 Nous nous défendons. Un combat de tous les jours et dans la durée.
08:00 Il y a des mesures d'urgence à prendre, c'est ce que je défendrai auprès de la Première Médie cette après-midi.
08:03 Mais il y a aussi revaloriser le travail social.
08:06 Parce que, si vous me permettez une chose, je crois qu'on sait sur votre antenne,
08:10 vos auditeurs et vos auditrices le savent, combien cette société est travaillée par des peurs de la violence
08:15 sous toutes ses formes réelles et fantasmées, mais beaucoup réelles.
08:18 Dans ce contexte-là, comment on fait sans les hommes et les femmes du social ?
08:23 Or, vous savez qu'aujourd'hui, il n'y a plus de candidats dans les écoles de formation.
08:26 Ils sont payés au SMIC, c'est-à-dire qu'ils sont précaires parmi les précaires.
08:30 Ils ne sont pas reconnus. Et donc, comment on va affronter ces peurs-là, ces angoisses-là,
08:35 cette pauvreté, cette précarité qui s'étend jusqu'à une partie de la classe moyenne sans les travailleurs sociaux ?
08:39 Donc, j'attends aussi du gouvernement qu'il prenne des mesures en la matière.
08:42 - Au-delà d'une question économique, on l'entend très bien ce matin, c'est une question de société. Merci beaucoup.
08:47 - Cela fait 35 ans que la pauvreté ne baisse pas en France, je viens de nous dire, notamment au Pascal Brice.
08:51 Vous restez avec nous, M. Brice.
08:52 !

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