Annonce du chiffre du déficit public pour l'année 2023 par l'INSEE, comment rattraper le dérapage du budget ? Bruno le Maire, Ministre de l'Économie des Finances est l'invité de RTL Matin.
Regardez L'invité de RTL du 26 mars 2024 avec Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL du 26 mars 2024 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43 le chiffre du déficit public pour l'année 2023 vient d'être publié 5,5%
00:14 Amandine vous recevez donc ce matin Bruno Le Maire ministre de l'économie et des finances.
00:17 5,5% Bruno Le Maire contre 4,9% initialement prévu on est d'accord c'est une très mauvaise nouvelle.
00:24 Ce n'est pas nos objectifs, nous avions un objectif de 4,9% de déficit l'objectif n'a pas été atteint.
00:30 5,5% de déficit donc il faut en tirer les conséquences.
00:33 La première chose c'est de comprendre ce qui s'est passé.
00:36 Ce qui s'est passé c'est que nous avons fait la croissance attendue tout le monde me disait ça va être la récession en 23.
00:41 J'avais dit qu'on ferait 1% de croissance nous avons fait pas loin de 1% de croissance.
00:45 0,9%
00:45 Mais malgré cette bonne croissance qui nous distingue des autres pays de la zone euro
00:50 nous avons eu des recettes fiscales bien moins élevées que prévues.
00:53 C'est un problème d'anticipation Bruno Le Maire.
00:55 Il n'y a pas eu plus de dépenses publiques que ce que nous avions dit.
00:58 Il y a eu moins de recettes que prévues.
01:01 Et effectivement ce que nous avions peut-être sous-estimé c'est que le fait que l'inflation baisse plus vite que ce à quoi nous étions attendus
01:08 ça fait moins de recettes de TVA, ça fait moins de masse salariale donc moins de recettes aussi sur la masse salariale,
01:14 moins d'impôts sur le revenu, moins d'impôts sur les sociétés, la perte de recettes fiscales au total elle est de 21 milliards d'euros.
01:21 Donc vous voyez c'est très important.
01:23 La croissance a été au rendez-vous, elle sera d'ailleurs je le redis au rendez-vous en 2024
01:27 et je pense qu'en 2025 et 2026 nous aurons une croissance très dynamique en France.
01:31 Mais là il y a une situation exceptionnelle où les recettes fiscales ne suivent pas.
01:35 Mais c'est un problème d'anticipation ?
01:37 Non c'est un problème...
01:39 Parce qu'il y a des gens qui sont chargés d'anticiper, ils n'ont pas vu venir ces changements, vous ne les avez pas écoutés ?
01:44 Oui mais nous sommes dans une situation totalement exceptionnelle que nous n'avons pas connue depuis les années 70
01:46 ce qui était le retour d'une inflation extrêmement forte, nous nous sommes battus pour faire baisser l'inflation,
01:51 nous avons réussi à gagner ce combat contre l'inflation, elle a disparu en deux ans.
01:55 Mais il y a eu des impacts sur les recettes fiscales qui ont été plus élevés que ce que nous avions anticipé.
02:01 21 milliards d'euros de recettes fiscales plus ou moins élevées que ce à quoi nous nous attendions.
02:06 Maintenant une fois qu'on a ce constat précis, le problème n'a pas été la croissance, elle est là.
02:10 Le problème n'a pas été qu'on aurait laissé filer la dépense, nous l'avons tenue.
02:15 Mais pourquoi les autres font mieux ?
02:17 Pardon, nos voisins, ils ont connu le Covid, il y a la guerre en Ukraine, ils ont connu cette inflation
02:22 et aujourd'hui finalement tout le monde réduit son déficit, l'Espagne par exemple fait même mieux que ce qui était prévu.
02:29 Pourquoi eux n'y arrivaient pas nous ?
02:31 Parce que depuis des années la France s'est habituée à la dépense publique, ça ne remonte pas à un an ou à deux ans.
02:36 Je dirais que ça fait 50 ans que la France n'a pas de compte équilibré.
02:40 Et en 7 ans vous ne l'avez pas réussi vous ?
02:42 Si, on l'a fait en 2017, 2018, 2019, on a rétabli les comptes publics.
02:46 Et c'est pour ça que j'y insiste tant, que j'y crois tant.
02:49 C'est d'une part que c'est possible, nous l'avons fait.
02:51 En deuxième lieu que c'est l'ADN de notre majorité d'avoir des comptes publics bien tenus.
02:56 Et enfin bien entendu parce que c'est l'intérêt de la France.
02:58 Si vous laissez filer les déficits et la dette, vous accumulez des charges de la dette,
03:03 50 milliards d'euros cette année, c'est de l'argent qui est jeté par les fenêtres.
03:06 Et dans le fond quand je regarde cette situation, et cette situation où en 2023,
03:12 il y a eu un cas exceptionnel de baisse des recettes, la France est à la croisée des chemins.
03:16 Soit on choisit la voie de la facilité, on laisse filer les déficits, on laisse filer la dette,
03:20 on accumule la charge de la dette.
03:22 Et je pense que ça se traduira par un déclassement économique et politique français.
03:27 Soit nous choisissons ce que j'appelle la voie française, qui est la voie du courage,
03:31 on regarde avec lucidité la situation, on maintient l'objectif de retour sous les 3% en 2027,
03:38 et on en tire les conséquences en termes d'économie sur toutes les dépenses,
03:43 Etat, dépenses sociales et collectivités locales. C'est ce que je propose.
03:48 Un serrage de ceinture ?
03:49 Non, ce n'est pas un serrage de ceinture.
03:50 Pas des économies sur les dépenses de l'Etat, des collectivités, les dépenses sociales, c'est pas rien ?
03:55 C'est enfin faire des choix.
03:57 Quelle est la dépense publique qui est utile, qui est efficace,
03:59 ce que disait très bien François Bayrou, qui permet d'innover, d'investir, d'avoir plus de croissance,
04:04 d'avoir plus d'emplois, d'approcher enfin l'objectif de plein emploi ?
04:08 Et quelle est la dépense ? On se dit dans le fond, si jamais on la réduit,
04:12 ça n'aura pas d'impact sur la situation de notre pays,
04:15 et ça ne dégradera pas la situation des Français.
04:18 Mais alors très concrètement, on s'essoie, vous allez...
04:21 On commence par réduire la dépense de l'Etat.
04:23 Et je redis que nous avons eu une réaction immédiate dès la fin 2023,
04:26 quand on a vu que les recettes étaient moins bonnes, on a anticipé.
04:29 On a réduit de 8 milliards d'euros les dépenses de l'Etat fin 2023.
04:34 Tout début 2024, quand on a vu que la croissance pouvait être en 2024 un peu moins forte que prévu,
04:39 parce que ralentissement en Chine, parce que récession en Allemagne, notre principal partenaire commercial.
04:44 J'en ai tiré tout de suite les conséquences, j'ai proposé 10 milliards d'euros d'économie
04:48 au Premier ministre et au Président de la République.
04:51 On a immédiatement refroidi la machine.
04:52 Au total, l'Etat a fait en 6 mois 18 milliards d'euros d'économie.
04:57 Vous voyez qu'on en a tiré...
04:58 - Et vous avez dit que c'était une première étape, la suite c'est quoi ?
05:00 - C'est une première étape, mais on a refroidi la machine sur certaines dépenses.
05:03 On fait moins d'aides publiques au développement,
05:05 parce qu'on estime que oui, il faut aider les pays qui sont en difficulté,
05:08 mais on peut moins le faire qu'auparavant.
05:10 On a décidé de ralentir le dégaissement de ma prime Rénov',
05:14 parce qu'on continue à faire des décisions pour la transition climatique,
05:19 mais à un rythme qui va être un peu ralenti sur ma prime Rénov',
05:22 parce qu'il faut refroidir la machine.
05:24 On fait sur le compte personnel de formation,
05:26 on va exiger qu'il y ait un reste à charge,
05:29 pas pour les personnes qui sont au chômage,
05:30 mais pour les salariés quand ils prennent une formation
05:33 qui n'est pas forcément une formation prioritaire.
05:35 - 8 milliards, plus 10 milliards, 18 milliards,
05:38 il faut arriver à 50 milliards, c'est ça le chiffre ?
05:41 - Je ne vais pas vous donner le chiffre exact ce matin,
05:43 parce qu'on verra quelle sera la croissance,
05:45 on verra quelle sera la situation économique, la situation géopolitique,
05:49 donc il faut être capable d'ajuster au fur et à mesure.
05:52 Mais la deuxième chose, après la réduction des dépenses de l'État,
05:54 qui est indispensable, c'est une prise de conscience collective.
05:57 Tout ne peut pas reposer que sur les dépenses de l'État.
06:01 - Dans votre livre, vous dites "ça ne peut pas être open bar", c'est ça ?
06:04 - Non, ça ne peut plus être open bar, bien entendu, mais sur toutes les dépenses.
06:06 - Mais ça veut dire quoi ? Concrètement ?
06:08 - Très concrètement, sur le médicament.
06:10 Quand nous décidons d'augmenter la franchise de 50 centimes à 1 euro,
06:13 c'est une façon de dire "mais désolé, le médicament, ça ne peut pas être open bar,
06:16 regardez tous les médicaments que vous accumulez dans votre pharmacie,
06:19 ça a un coût, c'est vous qui payez, c'est le contribuable qui paye".
06:21 - Est-ce qu'on peut imaginer des remboursements selon les revenus, par exemple ?
06:25 - Je suis ouvert à tous les débats.
06:27 Ce n'est pas à moi de trancher comment est-ce que les économies vont être faites,
06:30 ça doit être un débat collectif.
06:32 J'appelle à une prise de conscience collective
06:35 sur la nécessité de faire des choix dans nos dépenses publiques,
06:37 dans toutes les dépenses publiques, celles de l'État,
06:40 les dépenses sociales et les collectivités locales.
06:42 - Quelqu'un qui gagne aujourd'hui 4 000 euros
06:44 pourrait se voir moins rembourser ses médicaments,
06:46 vous ne l'excluez pas, par exemple, ça ?
06:47 - C'est ce que nous avons déjà décidé.
06:49 Et qu'est-ce que ça nous permet de faire ?
06:50 Il ne s'agit pas de dire qu'on va ratiboiser tout le monde,
06:53 il s'agit juste de mettre un principe de responsabilité
06:56 et de choix dans la dépense publique.
06:58 Si on estime, ce que je crois,
07:00 que les personnes qui sont gravement malades,
07:02 il ne faut jamais les laisser tomber, il faut bien les soigner.
07:04 Une personne qui a un cancer,
07:06 elle ne doit pas en plus avoir un souci financier.
07:08 - Mais celle qui est en bonne santé, qui gagne bien sa vie, elle doit payer plus.
07:11 - La personne qui, elle, est en bonne santé
07:13 et qui consomme des médicaments ou qui fait beaucoup d'analyse médicale,
07:17 elle doit sans doute contribuer davantage.
07:19 Et c'est ce que nous avons fait,
07:20 parce qu'on a franchi sur les médicaments de 50 centimes à 1 euro,
07:23 ça rapporte plus d'un milliard d'euros.
07:25 Ce n'est pas de la roupine sans sonnet, c'est beaucoup d'argent.
07:27 - Mais vous n'excluez pas d'aller au-delà, on est d'accord.
07:29 - Ça va être le débat qu'on va poser dans cette prise de conscience collective.
07:32 Je vais dire, voilà aujourd'hui où nous en sommes,
07:35 nous voulons tenir cet objectif.
07:37 L'État a déjà fait 18 milliards d'euros d'économie
07:39 et il est prêt à faire davantage.
07:41 Je vais écrire, pour parler de l'État, à tous les opérateurs de l'État.
07:45 Ça peut être le Centre National du Cinéma, ça peut être Business France,
07:47 ça peut être toutes les agences de l'État.
07:49 Et je vais leur dire, vous avez un mois
07:51 pour me faire des propositions d'économie sur vos budgets.
07:54 Vous avez des trésoreries qui se portent bien,
07:56 aujourd'hui les finances publiques sont dégradées.
07:59 J'écris à tous les opérateurs de l'État, ils sont plusieurs centaines,
08:02 en leur disant "proposez-moi des économies".
08:04 C'est vous qui devez me faire des propositions,
08:05 mais soyons clairs, si vous ne faites pas des propositions,
08:08 c'est nous qui déciderons à votre place.
08:10 Je préfère que ce soit eux qui me fassent des propositions.
08:12 - Ceux qui nous écoutent ce matin, Bruno Le Maire, se disent
08:14 "c'est intenable sans augmenter les impôts".
08:16 Ça fait des mois qu'on vous entend dire "les impôts n'augmenteront pas".
08:20 Et puis, depuis quelques jours, on a une petite musique dans la majorité,
08:23 je pense à Yael Bourunpivé, je pense à François Bayrou,
08:26 qui était ici-même hier matin, qui disent "oui, pourquoi pas".
08:29 Notamment cette contribution exceptionnelle sur les superdividendes, par exemple.
08:35 Pourquoi pas ? Vous dites pourquoi pas aussi ce matin ou pas ?
08:37 - Je suis ouvert à tous les débats.
08:39 - Mais alors ça, c'est un changement Bruno Le Maire.
08:40 - Je pense vous avoir apporté la preuve en vous parlant des dépenses de l'État,
08:44 en vous parlant des dépenses de santé très concrètes,
08:46 en vous parlant des opérateurs, qu'on peut parfaitement faire des économies
08:49 sur la dépense publique, sans aller piocher dans les poches des Français.
08:53 Et je reste, c'est ma conviction, et c'est ma position,
08:57 totalement opposée à toute augmentation d'impôts sur nos compatriotes,
09:02 qui payent déjà un montant d'impôts qui est extrêmement élevé.
09:05 Alors on me dit "vous n'avez qu'à taxer les entreprises".
09:08 Enfin, les entreprises, elles payent déjà des impôts.
09:10 - Mais même sur ces superdividendes, ces super profits ?
09:12 - Je dis mais les dividendes, les dividendes sont taxés à 30%.
09:16 Et je rappelle qu'il y a plus de 3 millions de salariés en France,
09:19 qui ont des actions, et quand ils les vendent, ils sont taxés.
09:22 Quand vous augmentez l'imposition sur les dividendes,
09:25 ça fait bien parce qu'on a l'impression qu'on tape les riches.
09:27 Vous tapez les salariés actionnaires.
09:28 - Mais donc vous vous dites oui ou non ?
09:29 - Faisons très attention.
09:30 Je dis que je suis opposé à toute augmentation d'impôts,
09:34 que la seule chose sur laquelle nous avons déjà progressé,
09:38 c'est de dire "il y a des rentes, on va récupérer l'argent des rentes".
09:40 Vous avez ce qu'on appelle la contribution sur la rente inframarginale.
09:44 C'est une contribution qu'on a demandé aux énergéticiens. Pourquoi ?
09:46 Parce qu'eux, ils ont fait beaucoup d'argent
09:48 uniquement parce que les prix de l'énergie avaient flambé.
09:50 - Mais on pourrait exceptionnellement élargir la cible.
09:53 - Si on veut élargir cette contribution sur la rente inframarginale,
09:57 la durcir pour qu'elle soit plus rentable,
09:59 aujourd'hui, elle n'a rapporté que 600 millions d'euros,
10:02 là où la Creu nous avait dit qu'elle en rapporterait 3 milliards.
10:05 Donc effectivement, il y a un trou.
10:07 Si on veut combler ce trou sur la base du prélèvement sur une rente,
10:11 ça, ça ne me pose pas de difficulté.
10:12 Mais pour tout le reste, je le redis,
10:14 je refuse cette solution de facilité,
10:16 qui est dans le fond le réflexe qu'on a depuis 30 ans ou 40 ans en France.
10:20 Dès que ça va mal sur les comptes publics, on dit "ce n'est pas grave,
10:23 les Français vont payer".
10:24 Les Français en ont assez de payer,
10:27 et ceux qui travaillent en ont assez de payer tout pour tout le monde.
10:30 Donc je refuse cette solution de facilité.
10:32 - En revanche, ceux qui sont au chômage,
10:35 eux vont voir les choses changer, juste d'un mot,
10:37 ça se sera annoncé demain par Gabriel Attal officiellement ?
10:39 - Notre objectif, ça doit rester le plein emploi,
10:42 le soutien aux entreprises,
10:44 une fiscalité stable ou qui baisse sur les gens.
10:48 Ne faisons pas de tête à queue dans le quinquennat.
10:50 On a commencé en 2017 en baissant les impôts,
10:52 en soutenant le travail et en soutenant les entreprises.
10:54 Ne finissons pas le prochain quinquennat en augmentant les impôts,
10:58 en laissant filer le chômage et en laissant filer le déficit public.
11:01 Je suis aussi le gardien de cette ligne comme ministre des économies et des finances.
11:04 Continuer à baisser les impôts, aller vers le plein emploi,
11:08 soutenir les entreprises, rétablir les finances publiques.
11:11 Gardons notre cap, pas de tête à queue, gardons notre cohérence.
11:15 C'est ce que j'appelle la Voix française.
11:16 - La Voix française, c'est le titre de votre livre qui est sorti la semaine dernière,
11:19 et c'est chez Flammarion.
11:20 - Merci. - Merci à vous.