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À l’heure de la mondialisation dévorante, des états empires que sont les États-Unis, la Russie, l’Inde ou la Chine, face auxquels nos petits états nations européens font pâle figure, il est une autre sorte d’État qui pourrait nous paraître totalement obsolète, État dont l’existence remonte non pas à la nuit des temps mais au plus haut moyen âge parfois ou bien reliquats de nos Empires disparus ou encore confettis perdus dans l’immensité des océans. Parfois ces états ne recouvrent qu'une centaine de kilomètres carrés et sont très faiblement peuplés. Pour évoquer ces tout petits états Guillaume Fiquet reçoit Jean-Claude Rolinat auteur de " Ces états grands comme un mouchoir de poche" paru aux éditions Dualpha.

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00:00 *Musique épique*
00:02 *Musique épique*
00:04 *Musique épique*
00:06 *Musique épique*
00:35 Bonjour et bienvenue dans "Passé-présent", l'émission historique de TVL,
00:39 présentée en partenariat avec la revue d'Histoire Européenne.
00:43 A l'heure de la mondialisation dévorante des États-Empires
00:47 que sont les États-Unis, la Russie, l'Inde ou la Chine,
00:50 face auxquels nos petits États-nations européens font pâle figure,
00:54 il est une autre sorte d'État qui pourrait nous paraître totalement obsolète.
00:58 État dont l'existence remonte non pas à la nuit des temps,
01:01 mais au plus haut Moyen-Âge parfois, ou bien reliquat de nos empires disparus,
01:06 ou encore confetti perdu dans l'immensité des océans.
01:09 Pour cette dernière émission de la saison, nous avons voulu vous faire voyager,
01:13 vous faire découvrir ces tout petits États, grands comme un mouchoir de poche,
01:16 ainsi que s'intitule le dernier livre de notre invité, Jean-Claude Rollina.
01:21 Jean-Claude Rollina, bonjour.
01:23 - Guillaume, bonjour.
01:24 - Les téléspectateurs de TVL vous connaissent bien,
01:27 connaissent bien l'auteur prolifique que vous êtes.
01:29 On peut dire que vous êtes un journaliste, documentaliste,
01:32 mais vous êtes surtout un curieux, un grand voyageur,
01:35 et vous aimez faire partager vos découvertes au plus grand nombre.
01:38 Alors, il y a quelques années, vous aviez publié chez Dualpha, chez la Miranda,
01:42 un dictionnaire des États éphémères ou disparus de 1900 à nos jours.
01:48 Et là, si vous me permettez, vous récidivez dans le bizarre
01:52 en publiant toujours chez Dualpha ces drôles d'États grands comme un mouchoir de poche.
01:58 D'où ma première question, qu'est-ce qui vous prend d'écrire des livres pareils ?
02:02 - Je pourrais continuer la collection et en faire une trilogie
02:06 par ces drôles d'États qui n'existent pas.
02:09 Bon, j'ai toujours eu le goût, depuis que je suis enfant, pour l'histoire.
02:13 Et dans l'histoire de France et dans l'histoire mondiale,
02:17 on a des anomalies, des curiosités, et c'est ça qui m'a attiré.
02:21 Vous avez abordé le sujet. Dans ce monde où des blocs importants s'affrontent, se confrontent,
02:30 nous avons des survivances féodales qui sont toujours présentes
02:35 et qui n'ont pas été annexées ou absorbées par l'État dans lequel elles sont enclavées.
02:40 - Encore des témoins d'anciens temps.
02:42 Et alors, avant de découvrir ces États grands comme un mouchoir de poche,
02:46 une question très simple, qu'est-ce qu'un État ?
02:48 - Alors, il y a plusieurs définitions. La définition juridique, c'est simple,
02:52 c'est une personne morale de droit public qui jouit de la souveraineté internationale.
02:57 C'est-à-dire qu'un État reconnu, par exemple ceux qui siègent aux Nations Unies,
03:01 ils sont 192, 194, quelque chose comme ça, ce sont des sujets de droit internationaux.
03:07 Mais quand on a dit ça, on n'a pas tout dit. Il y a aussi des États de facto, des États de fait.
03:12 Vous avez par exemple en Afrique le Somaliland qui n'est pas reconnu.
03:15 Vous avez dans l'ancienne, issu de l'ancien Empire soviétique, vous avez l'Abkhazie,
03:20 vous avez l'Ossétie du Sud, vous avez la Transnistrie dont on parle souvent
03:24 à l'occasion du conflit russo-ukrainien.
03:26 Vous voyez, bon, toutes ces entités politiques ont une réelle matérialité.
03:32 Elles ont un territoire, une population et une autorité politique qui les coiffent.
03:36 - Et elles lèvent de l'impôt.
03:38 - Elles lèvent l'impôt et elles ont une armée.
03:40 Mais elles ne sont pas reconnues internationalement
03:42 et effectivement, dans le jeu des puissances, ça fait désordre.
03:47 Vous avez par exemple en ce moment une enclave qui est menacée de disparaître.
03:51 C'est le Nagorni Karabakh, la république d'Artsakh, qui est peuplée de musulmans,
03:56 complètement enclavée au sein de l'Azerbaïdjan,
03:59 ce qui a donné lieu à un conflit sévère entre les Arméniens et les Azeris,
04:03 puissamment soutenus par les Turcs.
04:05 - Alors, nous n'allons pas citer tous les États qui sont dans ce livre.
04:11 La liste est assez longue.
04:12 Et d'ailleurs, pour l'établir, quels furent les critères de sélection pour rentrer dans le livre ?
04:17 - Alors, oui, effectivement, il fallait bien une frontière,
04:21 si vous me permettez l'utilisation du mot.
04:23 Eh bien, j'ai pris le critère suivant,
04:25 population inférieure à 100 000 et superficie inférieure à 500 km².
04:30 Voilà. Donc ça limitait déjà le nombre.
04:33 - A combien ?
04:34 - Là, vous me collez parce que je n'ai pas fait le compte.
04:38 - L'électeur le fera. - En Europe, il y en a 4 très célèbres, évidemment,
04:42 plus le Vatican, bien entendu, qui est un cas spécial.
04:45 - Alors justement, en Europe, le premier d'entre eux qui nous vient à l'esprit
04:48 en tant que Français, c'est Monaco.
04:52 Et moi, la première question qui me vient à l'esprit sur Monaco, c'est à quoi sert Monaco ?
04:56 - Oui, alors, Monaco, déjà, aurait pu être annexée par la France.
05:00 Elle l'a été à l'époque de la Révolution française.
05:04 La principauté a été occupée en 1943 par l'Italie.
05:09 Et puis, quand les Italiens, une partie de l'Italie a basculé avec les Alliés,
05:14 elle a été occupée par le Reich allemand, qui ne l'a pas, si vous voulez, annexée à la France.
05:21 Le Reich a continué à faire vie cette fiction. Pourquoi ?
05:25 Parce qu'il y avait des intérêts financiers.
05:27 - Vous parlez de fiction, mais c'est quand même une fiction qui remonte au XIIIe siècle.
05:30 - Oui, avant d'en arriver au fait que Monaco ait devenu une place bancaire
05:35 et qu'elle fut intéressante à cette époque-là pour le jeu des puissances,
05:39 puisqu'il y avait quand même l'Espagne, il y avait le Portugal, il y avait la Suède, la Suisse,
05:45 un certain nombre d'États neutres qui permettaient des rencontres ou des échanges.
05:49 Enfin bref, je ne vous apprends rien.
05:51 Et Monaco, ce micro-État, fut l'un d'eux.
05:55 Il y a eu, effectivement, il y a eu cette petite utilité.
06:00 Alors, pourquoi la France n'annexerait-elle pas Monaco ?
06:04 Bon, écoutez, je ne vois pas le profit qu'elle en tirerait.
06:07 D'abord, cette curiosité attire beaucoup de touristes, énormément de touristes.
06:13 Rappelons-nous, moi j'étais jeune,
06:16 en 1956, le somptueux mariage et le très médiatique mariage
06:20 entre l'actrice Grace Kelly et le prince héritier Régnier,
06:24 là, évidemment, tous les projecteurs du monde entier étaient braqués sur ce micro-État
06:30 et les États-Unis, par exemple, en Amérique,
06:32 par l'intermédiaire de leur actrice de cinéma qui devenait princesse,
06:36 les Américains ont découvert l'existence de ce pays,
06:39 ce qui a attiré une masse de touristes considérable.
06:41 Bon, c'est parti du tournage d'un film qui s'appelait "La main au collet"
06:45 où l'interprète principale, l'interprète féminine principale était Grace Kelly
06:49 et effectivement, elle a vécu sur la Côte d'Azur un certain temps
06:52 et elle a été amenée à rencontrer le prince de Monaco
06:54 parce que c'était une curiosité, bien entendu, une curiosité historique.
06:58 Comment se fait-il que ce machin-là, pardonnez-moi l'expression,
07:02 ait pu survivre alors que moult empires ou États ont disparu ?
07:06 – Justement, ce machin-là, dont je disais, remonte au XIIIe siècle,
07:09 c'est une histoire de pirate.
07:11 – Alors oui, si vous voulez, l'Egrimaldi, le premier Egrimaldi
07:14 avec ses compagnons d'armes qui étaient au service du palpe,
07:18 parce que vous savez, à l'époque, il y avait la guerre entre les Guelphs et les Giblins,
07:22 les Guelphs étaient papistes, les Giblins étaient pour le Saint-Empire romain germanique,
07:26 et donc, Egrimaldi avait une revanche à prendre
07:28 et il s'est emparé de cette forteresse en usant d'un subterfuge, d'une ruse,
07:33 il s'est déguisé en moine avec ses compagnons d'armes demandant,
07:37 comment dirais-je, l'asile.
07:39 Et évidemment, ils ont pénétré dans la cité, c'est le cheval de Troyes,
07:42 et évidemment, ils ont trucidé la garnison.
07:44 Et puis ils se sont installés, et de fil en aiguille, de père en fils, si vous voulez,
07:49 cette petite seigneurie s'était tendue,
07:51 elle s'était tendue jusqu'à Roquebrune et Cap Martin,
07:54 et elle a entretenu des relations, bien entendu, de vassalité avec le royaume de France,
07:59 parfois elle a été sous protectorat du royaume de Piémont-Sardaigne,
08:03 parfois elle est repassée dans le giron français.
08:06 Mais elle a toujours conservé, si vous voulez, sa spécificité politique,
08:10 elle n'a jamais été annexée, sauf pendant la Révolution française,
08:13 où elle a été rattachée au département des Alpes-Maritimes, bien entendu.
08:17 Et c'est le Congrès de Vienne, en 1815, qui a rétabli l'existence,
08:22 et qui a rétabli le prince de Monaco dans ses droits.
08:25 Et depuis, il n'y a jamais eu d'interruption de sa souveraineté,
08:29 sauf pendant la période noire de l'occupation allemande, qui a été très brève.
08:34 – Est-ce que c'est toujours considéré comme un paradis fiscal ?
08:38 – Alors, vous savez que Monaco, comme Andorre, comme Leuchtenstein,
08:43 dont on pourra parler, même Saint-Marin, accessoirement,
08:46 sont dans le collimateur de l'Union européenne,
08:48 parce qu'effectivement, ils sont considérés comme étant des paradis fiscaux.
08:51 Alors évidemment, les autorités locales de tous ces États que je viens de citer,
08:54 jurent au grand Dieu qu'il n'en est rien, mais on ne prête qu'aux riches,
08:58 et à mon avis, à juste titre, d'ailleurs.
09:01 – Alors, il y a un autre État qui entretient des rapports étroits avec la France,
09:05 aussi avec l'Espagne, c'est Andorre.
09:07 Alors Andorre ne sert pas seulement à acheter des cigarettes,
09:10 de l'essence ou de l'alcool moins cher,
09:12 et son existence, elle est encore plus ancienne que Monaco,
09:16 puisqu'elle remonterait à Charlemagne.
09:18 – Tout à fait, d'ailleurs.
09:19 – Charlemagne est cité dans l'hymne national.
09:21 – Oui, l'hymne national.
09:23 – Je ne vais pas le chanter.
09:24 – Tout à fait, je ne vais pas le chanter, mais je peux simplement citer les premières strapes.
09:29 "Le grand Charlemagne des Arabes nous délivra."
09:32 Vous voyez, petit clin d'œil avec l'histoire.
09:34 Eh bien, n'allons pas plus loin.
09:37 Eh bien, cet État, au début, si vous voulez, c'était des vallées reculées,
09:43 et évidemment qui luttaient contre la venue des Sarazins.
09:48 Et effectivement, c'était des gens qui étaient profondément chrétiens,
09:52 et un peu comme les premiers cantons suisses, si vous voulez,
09:57 c'est un petit peu la même similitude, à peu près, un peu plus précoce.
10:03 Ils se sont coagulés, plutôt que fédérés, ils se sont coagulés,
10:07 et ils ont créé une espèce d'entité, la Seigneurie des Vallées d'Andorre.
10:12 Alors, cette Seigneurie des Vallées d'Andorre a pris une consistance
10:15 avec le comte de Foix, qui était leur suzerain,
10:19 et par héritage, les rois de France, si vous voulez, ont hérité de cette suzeraineté,
10:25 et puis la République, enfin, est devenue le co-suzerain de ces vallées.
10:31 Pourquoi ? Parce que, je l'ai dit, profondément chrétien,
10:35 l'évêque d'Urgel, Urgel est une ville espagnole à quelques encablures d'Andorre,
10:39 et l'évêque d'Urgel était, si vous voulez, le phare, en quelque sorte,
10:43 de ces paysans très retirés dans leurs vallées.
10:46 Et il était le co-suzerain, et il y a eu un paréage au XIIIe siècle,
10:50 un accord entre le comte de Foix et l'évêque d'Urgel,
10:54 pour dire "Bon, eh bien, nous allons partager la souveraineté sur ces vallées".
10:59 Alors, pendant des siècles, effectivement, il y avait les deux coprinces
11:03 qui exerçaient un réel pouvoir par l'intermédiaire de deux viguiers,
11:08 leurs représentants des viguiers, qui étaient nommés et qui résidaient sur place,
11:12 et qui rendaient la justice, qui assuraient l'ordre, etc.
11:15 Et puis, petit à petit, les habitants des vallées ont voulu prendre de l'autonomie,
11:19 donc il y a eu l'érection d'un conseil général, le conseil général des vallées,
11:23 avec un nombre égal de représentants pour chacune des paroisses.
11:27 Toujours, si vous voulez, l'église en ligne de mire.
11:31 – Toujours et encore. – Et encore, oui, oui, c'est un état catholique.
11:35 Et c'est d'ailleurs le seul état de langue catalane,
11:38 le seul état indépendant de langue catalane, car, comme vous le savez,
11:41 la généralité de Catalogne n'est pas un état indépendant.
11:44 Donc, la langue officielle, c'est le catalan.
11:46 Mais bon, compte tenu de la population, il y a 70 000 personnes,
11:50 les Andorrands sont loin d'être, comme à Monaco d'ailleurs, majoritaires chez eux.
11:54 Ce sont des pays d'immigration.
11:56 Il y a énormément de français, d'espagnols et de portugais en Andorre.
12:00 Mais la langue officielle, c'est le catalan.
12:02 Et alors donc, ces deux coprinces se partageaient le pouvoir
12:06 et avaient leur viguier.
12:08 Et leur viguier devait cohabiter, si je puis dire, avec le syndic général.
12:12 Le syndic général, c'était en quelque sorte le président du conseil général des vallées.
12:16 Et petit à petit, évidemment, Andorre a voulu avoir de plus en plus d'autonomie.
12:20 Et la République française, par l'intermédiaire de son président coprince,
12:25 et l'évêché espagnol d'Urgell, ont convenu qu'Andorre devait être doté d'une constitution.
12:31 Et à partir du moment où Andorre a été doté d'une constitution,
12:35 Andorre a frappé à la porte des Nations Unies pour être reconnu comme tel.
12:41 Et en 1993, Andorre est devenu membre des Nations Unies.
12:45 D'ailleurs, comme tous les autres États que nous avons cités au début,
12:49 micro-états d'Europe, sont tous membres des Nations Unies.
12:52 C'est-à-dire que nous avons la curiosité de voir un pays comme la Chine,
12:55 d'un plus d'un milliard d'habitants, qui a un siège aux Nations Unies,
12:58 et vous avez un micro-État comme Andorre, qui a aussi son siège aux Nations Unies.
13:03 – Au moment du premier empire, ils ont eu chaud, ils ont quand même eu chaud.
13:05 – Oui, c'est pareil que pour Monaco, évidemment.
13:07 Mais 1815, congrès de Vienne, où Talleyrand représentait entre autres la France,
13:16 le congrès de Vienne a rétabli dans leur souveraineté énormément d'États.
13:20 On verra tout à l'heure que la principauté du Liechtenstein
13:24 est le dernier État survivant de l'Empire germanique.
13:28 – Alors en revanche, Andorre est moins people que Monaco.
13:32 – Ah bien entendu, bien entendu.
13:34 Monaco, ça vit beaucoup sur les magazines de papier glacé.
13:37 Là, il faut dire quand même, Guillaume,
13:39 il faut dire quand même que le prince Régnier a lancé Monaco.
13:43 C'est lui qui l'a lancé, grâce à l'événementiel.
13:46 Il faut quand même dire que le rallye de Monte-Carlo, ça dit grand-chose.
13:49 Le Grand Prix de Monaco, le Bal de la Rose,
13:53 le Festival international du cirque, etc.
13:56 Alors revenons à Andorre.
13:57 – Quels sont les revenus d'Andorre ?
13:59 – Les revenus d'Andorre, c'est simple.
14:01 Andorre vit des banques et de l'or blanc.
14:06 Il faut le savoir, il y a énormément.
14:08 Alors maintenant, ils doivent souffrir évidemment de l'absence des Russes.
14:12 – Donc en gros, ils ont ravagé la montagne, et pour des Russes, ils ne viennent plus.
14:15 – Oui, non mais ils doivent souffrir de ça,
14:17 parce qu'effectivement, les Russes fréquentaient énormément les stations andorranes.
14:23 La fiscalité, alors évidemment, il y a un taux de TVA très bas,
14:27 et ils vivent du commerce, du business.
14:30 Énormément de Français viennent faire leurs courses en Andorre,
14:33 parce qu'effectivement, les prix sont plus bas, valables aussi pour les Espagnols.
14:37 Donc c'est toléré par les deux États voisins,
14:40 même si parfois, les gabelous français peuvent faire la course aux contrebandiers.
14:44 Alors, il y a ça comme ressource, le tourisme, et aussi évidemment, les banques.
14:49 Il y a énormément de banques à Andorre.
14:52 – Alors, on va parler maintenant, on va rester en Europe,
14:56 avec une des plus vieilles républiques du monde, la république de Saint-Marin.
15:01 Là, on remonte au IVe siècle. D'abord, où est Saint-Marin ?
15:05 – Alors Saint-Marin s'est enclavé complètement au nord-est de l'Italie,
15:11 vers Rimini, Pescara, vous voyez, sur la côte Adriatique.
15:15 – D'accord, d'accord, oui.
15:16 – Bon, alors, c'est un État qui a un peu plus de 30 000 habitants,
15:21 qui fait 60 km². Alors là, il y a très peu d'immigrés.
15:26 Les habitants de Saint-Marin sont quasiment tous de nationalité saint-marinaise.
15:31 Et alors là, il y a une… alors, historiquement parlant,
15:35 c'est un tailleur de pierre qui s'est réfugié, qui s'appelait Marin, Marino,
15:40 qui se serait… il était chrétien, persécuté à l'époque encore par les Romains,
15:45 et il se serait réfugié à l'abri du mont Titan.
15:49 Voilà, effectivement, les armoiries de Saint-Marin représentent
15:53 trois montagnes surmontées de trois forteresses.
15:56 Et il y a ce fameux mont Titan qui est là.
15:58 Oh, ce n'est pas une altitude digne du Mont Blanc, non, mais ça reste très raisonnable.
16:03 Et il aurait créé une sorte de communauté humaine
16:07 qui se serait développée au fur et à mesure.
16:10 Et vous savez que l'Italie du Moyen-Âge et de la Renaissance,
16:13 c'est essentiellement par excellence le pays des principautés, des duchés,
16:17 des comtés, des micro-états, etc.
16:19 Et là, Saint-Marin a trouvé sa petite place et s'est proclamé république.
16:24 Maintenant, c'est une république très originale,
16:27 avec non pas un seul chef de l'État, deux chefs de l'État, comme pour Andorre.
16:32 Mais les coprinses d'Andorre ont très peu de pouvoir.
16:35 Alors que là, les deux capitaines-régents qui sont élus,
16:38 tous les six mois, en octobre et en avril, tous les six mois.
16:41 Donc, si vous voulez, quand on n'est pas content,
16:43 ah, quelle chance ce serait en France, n'est-ce pas ?
16:45 Fermons la parenthèse.
16:46 Eh bien, ces deux hommes sont obligés de s'entendre.
16:50 Obligés de s'entendre.
16:52 Et alors, il y a des curiosités.
16:54 Les démocrates chrétiens, pendant un temps, ont partagé le pouvoir avec le Parti communiste.
16:58 Parti communiste qui a d'ailleurs déclenché une guerre civile.
17:02 Une guerre civile, ils avaient installé leur gouvernement dans une grange
17:05 qui était à la frontière de l'Italie et de Saint-Marin.
17:08 Et le gouvernement officiel de Saint-Marin avait fait appel aux carbiniers italiens
17:12 pour rétablir l'ordre.
17:13 Depuis, c'était dans les années 40,
17:15 depuis, il ne se passe absolument rien de tragique.
17:17 C'est un État très pacifique qui entretient une armée symbolique
17:21 de prestige, si vous voulez, avec de très très beaux uniformes.
17:25 Et ils vivent de quoi en grange Saint-Marin ?
17:28 Alors, c'est comme beaucoup de ces petits pays,
17:31 outre les banques, bien entendu,
17:33 vous savez, ça fait le bonheur des numismates et des philatélistes.
17:37 Bien sûr.
17:38 C'est pour tous ces petits pays-là,
17:40 parce que ces pays-là impriment, éditent des pièces,
17:43 et Saint-Marin fait partie de la zone euro,
17:46 et donc il peut imprimer des euros, éditer des euros,
17:49 Il frappe sa monnaie.
17:50 Il frappe sa monnaie et il émet des timbres, bien entendu.
17:53 Et en plus, Saint-Marin, évidemment, comme les autres États que j'ai cités,
17:57 a été reconnu membre à part entière des Nations Unies en 1992.
18:03 Mais est-ce que politiquement parlant, il suive un peu l'Italie ?
18:06 Parce que pendant la période musulmane, il y a un gouvernement fasciste.
18:10 Tout à fait.
18:11 Alors, c'est arrivé qu'il y ait conjonction,
18:15 mais c'est arrivé aussi qu'il y ait rupture.
18:18 Parce qu'avec des élections, si vous voulez, aussi fréquentes,
18:21 alors en même temps que les capitains de région, bien sûr,
18:23 ils n'ont pas les pleins pouvoirs.
18:25 Mais il y a un conseil grand et général,
18:27 c'est-à-dire qui représente les élus législatifs,
18:31 qui détiennent le pouvoir législatif.
18:33 Alors tout ce petit monde-là habite dans une même maison,
18:36 un magnifique palais type Renaissance,
18:38 qui est en surplomb du reste de la République.
18:44 Puisque Saint-Marin, c'est sur un piton, c'est plus simple que ça.
18:48 Donc, là aussi, les banques, bien entendu.
18:51 Là aussi, suspicion de blanchiment.
18:54 Voilà.
18:56 - Alors, on va finir notre...
18:58 Ah oui, je voulais quand même...
18:59 Une chose que j'ai lue, c'est que les Anglais ou les Américains
19:01 ont quand même trouvé le moyen de bombarder Saint-Marin pendant la guerre.
19:04 - Oui, oui, oui.
19:06 Et Saint-Marin a obtenu des dommages de la part des Britanniques.
19:09 L'Italie, si vous voulez, était divisée à partir de septembre 1943.
19:14 Vous avez le sud de l'Italie qui bascule dans le camp des Alliés,
19:18 Côte-Belle-l'Higéran, et vous avez le nord
19:20 qui proclame la République sociale italienne,
19:22 avec Mussolini qui gouverne...
19:23 - Mais Saint-Marin était neutre, j'imagine.
19:25 - Alors, Saint-Marin était neutre, bien entendu.
19:27 Mais il y a quelques bombes qui se seraient égarées.
19:29 - Alors, on va finir le tour d'Europe avec Liechtenstein.
19:32 - Oui.
19:33 - Qui, vous l'avez dit tout à l'heure, est une survivance du Saint-Empire...
19:37 - Oui.
19:38 - ...romain germanique.
19:39 - C'est le dernier État qui a survécu...
19:42 Alors, je n'ai pas le nombre exact d'États membres de la Confédération germanique,
19:47 qui a évolué d'ailleurs au fil du temps.
19:49 Mais c'est le dernier, authentique, et qui est indépendant.
19:52 Et il est coincé entre la Suisse et le Liechtenstein.
19:56 Lui n'a pas choisi l'euro, il a choisi le franc suisse.
19:59 Et là aussi, en plus des banques, il y a le phénomène des boîtes à lettres.
20:05 Alors, il y a plus de boîtes à lettres que d'habitants.
20:09 Il y a 35 000 habitants.
20:11 - Elles servent à quoi, ces boîtes à lettres ?
20:12 - Ah ben, c'est des sièges...
20:14 - Ce sont des domiciliations d'entreprises ?
20:16 - Voilà, absolument.
20:17 C'est des sièges fictifs d'entreprises,
20:18 ce qui permet à un grand nombre d'entreprises d'échapper, bien entendu,
20:21 à une fiscalité dévorante, probablement, dans leur pays d'origine.
20:25 Voilà.
20:26 En plus, il y a le tourisme aussi, parce que c'est un pays de montagne.
20:29 C'est très joli, d'ailleurs.
20:30 - C'est grand, ça fait combien de kilomètres carrés ?
20:33 - Écoutez, j'ai un trou de mémoire.
20:35 - Je vous en prie, je vais regarder.
20:36 - Je vais vous lire ça.
20:38 160 kilomètres carrés.
20:40 Trois fois plus grands que Saint-Marin,
20:43 et moult fois plus grands que Monaco,
20:45 qui ne fait que 2,5 kilomètres carrés,
20:47 et qui gagne des terres sur la mer.
20:49 - Alors c'est dirigé par qui, du sein de Saint-Marin ?
20:51 - Ah bah écoutez, c'est dirigé, là aussi, c'est démocratique.
20:54 C'est le prince Adam II.
20:57 - Adam ?
20:58 - Oui, qui est le souverain constitutionnel.
21:01 Et vous avez un mini-parlement.
21:03 - Et c'est démocratique, c'est héréditaire, en revanche ?
21:05 - Ah oui, c'est une monarchie héréditaire.
21:07 Je ne l'ai pas précisé, Monaco aussi, c'est une monarchie héréditaire.
21:09 Le Liechtenstein aussi.
21:11 Alors que Andorre et la République de Saint-Marin
21:15 ne sont pas des monarchies.
21:17 Donc ils sont soumis à élection.
21:20 Quoique le poste de chef de l'État théorique d'Andorre
21:25 appartienne toujours, non pas à la personne,
21:27 mais à la fonction d'évêque d'Urgell,
21:30 quel que soit le titulaire,
21:32 et à la fonction de chef de l'État français,
21:34 quel que soit le titulaire.
21:35 - Et sur Liechtenstein, c'est une principauté ?
21:37 - C'est une principauté héréditaire.
21:39 - Avec, mais je crois, je disais que le prince peut être révoqué.
21:43 - Oui, il faut un référendum, je pense, révocatoire.
21:46 Mais enfin bon, ça n'a jamais été utilisé.
21:48 - Alors moi, il y a une histoire qui me plaît bien au Liechtenstein,
21:52 qui se déroule en 1945, en avril ou mai 1945,
21:57 c'est que le Liechtenstein va résister,
22:00 l'Europe est en pleine tourmente,
22:03 le Liechtenstein va résister aux alliés et aux soviétiques
22:07 en accueillant la première armée russe.
22:10 - Exact. - Récontez-nous l'histoire.
22:12 - La ROA, qui était commandée par un officier allemand,
22:15 - Un officiel allemand d'origine russe, le général Konstantin.
22:18 - Oui, elle est en déroute,
22:20 et sans doute pour échapper au sort des Cossacks
22:24 qui avaient été capturés par les britanniques
22:26 et qui les ont restitués aux soviétiques,
22:29 ils ont tous été massacrés, bien entendu,
22:32 cette unité de quelques centaines d'hommes
22:35 demande l'asile au prince de l'époque
22:38 et le premier ministre va se battre contre...
22:42 - Donc il rentre dans les...
22:43 - Alors oui, il s'installe dans le pays
22:46 et le gouvernement local
22:49 accepte de leur accorder l'asile politique.
22:52 Alors au grand dam des russes,
22:54 qui sont tout prêts, puisqu'ils sont en Autriche.
22:56 - Sachant que Liechtenstein, pendant la guerre, lui a été neutre.
22:59 - Neutre, bien entendu, il a été à côté de la Suisse, comme la Suisse d'ailleurs.
23:02 Et au grand dam des russes, les russes,
23:04 qui font des efforts considérables,
23:06 "Mais non, qu'est-ce que c'est que ce micro-État ?
23:08 Qu'est-ce que c'est que cette poussière d'État qui me résiste à moi, le grand Staline ?"
23:12 Donc ils vont promettre monts et merveilles aux russes de cette armée, la ROA,
23:18 et ils vont leur dire "Mais non, rentrez chez vous, rentrez chez nous,
23:21 la patrie vous accueille, vous serez amnistiés, etc."
23:24 Bon, il y en a quelques-uns qui, pour leur malheur...
23:26 - À la moitié quand même, sur 400, il y en a quelques-uns à 200.
23:28 - Oui, il y en a beaucoup qui ont accepté pour leur malheur,
23:29 mais il y en a d'autres qui ont compris la musique et qui ont refusé
23:32 et qui ont resté soit sur place en prenant femme
23:35 ou alors sont partis dans les pays d'Europe occidentale.
23:37 Et ça, c'est quand même un cas unique d'un micro-État,
23:41 d'un tout petit pays sans force armée, poignée de gendarmes,
23:44 qui résiste à l'occupant soviétique.
23:46 Il était là, l'occupant soviétique, puisqu'il était en Autriche.
23:48 - Et puis j'imagine une pression également des alliés britanniques.
23:50 - Une pression des alliés, une pression générale.
23:52 Eh bien non, ils ont tenu bon.
23:53 Comme quoi, vous voyez, David peut résister à Goliath.
23:58 - Et il y a un très beau film de Robert Enrico, "Vendeste" qui parle de ça.
24:01 - Tout à fait, c'est "Vendeste", qui est sorti en 1993,
24:04 de Robert Enrico, comme vous le dites, tout à fait.
24:07 - Alors, nous allons quitter maintenant la sphère européenne.
24:10 - Nous avons le choix, parce que la planète regorge finalement de micro-États.
24:15 - Des poussières d'États, des confettis quand je les appelle.
24:19 - Je vous propose de faire 2-3 petits focus sur les Caraïbes.
24:23 Déjà les Caraïbes, par exemple.
24:25 Est-ce qu'on remonte autant des pirates, on remonte autant de la colonisation ?
24:28 - Oui, ça a été morcelé.
24:30 Les Britanniques, au moment de la décolonisation générale des années 1960,
24:34 les Britanniques veulent abandonner les Antilles.
24:37 Contrairement aux Français qui restent et qui départementalisent la Guadeloupe,
24:41 la Martinique et Saint-Martin, les Britanniques veulent s'en aller.
24:45 Et ils veulent, comme c'est émietté, c'est éparpillé.
24:49 Vous avez la Dominique, vous avez Antigua, vous avez la Barbade, vous avez la Grenade.
24:53 - La Dominique, ne pas confondre avec... ce n'est pas la République Dominicaine.
24:56 - Non, non, ce n'est pas la République Dominicaine, rien à voir, la Dominique.
24:58 Et alors, il y a énormément de poussières d'îles, des confettis, comme je viens de le dire,
25:01 et ils créent une fédération des Indes occidentales.
25:04 Mais cette fédération va éclater parce que la Jamaïque va faire sécession,
25:09 Trinidad-Tobago va faire sécession, c'est quand même des plus gros morceaux,
25:13 reste une poussière d'îlots.
25:15 Et ces îlots, Sainte-Lucie, Saint-Vincent, la Dominique, Antigua, etc.,
25:20 vont, les unes après les autres, quitter le statut d'État associé
25:25 pour devenir des États indépendants, de plein droit et accéder aux Nations Unies.
25:30 Alors là, j'ai gardé ceux qui font moins de 100 000 habitants et moins de 500 km².
25:35 Alors, vous avez un cas spécial, Anguilla.
25:40 L'île d'Anguilla, 6 000 habitants, n'était pas prévue comme étant un État associé.
25:48 Ça devait rester une colonie britannique, territoire d'outre-mer.
25:52 Et il se fait qu'un certain nombre d'habitants ont voulu quand même proclamer l'indépendance en 1969.
25:59 Alors, il y a un pasteur, un webster, qui devient président, Premier ministre.
26:05 – Qui était l'épicier du coin. – Comment ?
26:08 – Qui était l'épicier du coin. – Oui, oui, oui.
26:10 Et vous avez, du côté de Chicago, la mafia, ou à Miami, qui regarde ça d'un bon angle,
26:15 qui se dit "Tiens, tiens, on pourrait peut-être investir là-bas".
26:18 Et effectivement, la mafia a fait des offres de services à cet État sécessionniste, séparatiste.
26:24 Il est évident qu'il n'y avait aucune garnison anglaise
26:27 et que les quelques policemen qui étaient là ont été culbutés très facilement
26:30 par les ministres de M. Webster et par les gros bras à lunettes fumées
26:34 que la mafia avait envoyés sur place.
26:36 Mais ça n'a pas plu au gouvernement de sa majesté,
26:39 qui, après quelques intermoiements, d'une façon beaucoup plus lente
26:44 que Mme Thatcher plus tard à l'occasion des Falklands,
26:47 va quand même réagir et faire débarquer 300 marines pour rétablir la souveraineté de la Couronne.
26:53 Et là, vous avez un micro-État qui a vécu pendant plus d'un an à l'abri des radars,
26:58 où un certain nombre de trafics pouvaient se développer en toute tranquillité.
27:03 Anguilla, voilà. Alors Anguilla est redevenue un territoire,
27:07 avec un self-government, un territoire britannique d'outre-mer.
27:10 – Donc là, ce sont des États associés à la Couronne ?
27:12 – Alors, ça, c'est même pas un État associé à la Couronne,
27:14 c'est une colonie britannique, c'est redevenu un territoire britannique
27:18 avec un représentant du gouvernement de Londres, bien entendu.
27:22 – Alors, l'océan Pacifique, c'est pas mal non plus,
27:25 il y a vraiment une multitude, des petits confettis, des tout petits royaumes.
27:31 Ce sont des royaumes, souvent ?
27:33 – Alors, Tuvalu, oui, parce que c'est un royaume,
27:39 parce que le souverain, c'est le souverain britannique.
27:43 Vous savez, vous connaissez le système du Commonwealth,
27:45 un certain nombre d'États ont conservé le souverain britannique comme chef de l'État,
27:50 et sur proposition de leur gouvernement,
27:52 le gouvernement de Londres nomme un gouverneur général.
27:55 Bon, en quelque sorte, le chef de l'État sur place,
27:57 mais il n'a aucun pouvoir, le pouvoir exécutif appartenant au Premier ministre.
28:02 Alors, on a les Républiques, Nauru, Nauru, un État qui risque de disparaître
28:08 parce qu'à force d'avoir été gratté, exploité pour le phosphate,
28:11 l'île aurait tendance à s'enfoncer,
28:14 et puis le gouvernement sent qu'avec la montée éventuelle des océans,
28:20 l'île risque de disparaître, comme Tuvalu d'ailleurs,
28:23 et ces deux gouvernements-là, très prévoyants,
28:25 ont acheté des immeubles en Australie
28:28 pour pouvoir éventuellement rapatrier leur population.
28:30 Il faut dire que ce sont des populations très limitées,
28:33 moins de 20 000 habitants dans chaque un des deux États.
28:35 – C'est-à-dire que même si l'île s'enfonçait,
28:37 on conserverait l'entité politique ?
28:39 – Alors, ça deviendrait une entité virtuelle,
28:41 mais ils sont tous des membres des Nations Unies.
28:43 Alors, vous avez aussi un État associé, les îles Cook.
28:46 Les îles Cook sont associées à la Nouvelle-Zélande,
28:48 ce qui leur permet d'avoir un gouvernement totalement autonome,
28:51 mais en même temps d'avoir la protection de la Nouvelle-Zélande
28:53 au plan international.
28:55 Alors, vous avez l'archipel des Palaos, Belao,
29:00 pas très éloigné des Philippines, qui est magnifique.
29:03 Bon, j'y suis pas allé, mais nous l'avons vu d'avion.
29:07 Ce sont des confettis verts sur un océan turquoise.
29:11 Il y a 20 000 habitants, et ils ont trouvé le moyen
29:13 de faire une république fédérale, avec une bonne dizaine d'États.
29:16 C'est vous dire l'importance de chacun de ces États
29:19 qui a son propre drapeau.
29:21 Alors, ça, c'est pour les amis vexillologues,
29:23 vexillologistes à qui je fais un clin d'œil.
29:25 Ils peuvent se régaler.
29:27 Et vous avez, j'ai cité Tuvalu, j'ai cité…
29:31 Qu'est-ce qu'il y a encore ?
29:33 Vous avez… j'ai un trou de mémoire.
29:36 – Je peux pas vous aider.
29:37 – Vous avez les îles Salomon, c'est le groupe le plus important.
29:39 Alors, l'archipel, vous avez parlé de monarchie.
29:41 Vous avez les îles Tonga.
29:43 Alors, les îles Tonga, effectivement, n'entrent pas tout à fait
29:45 dans ma collection, puisqu'elles dépassent les 100 000 habitants.
29:49 Mais c'est une monarchie authentique.
29:51 Ancienne colonie britannique, monarchie authentique,
29:53 très catholique également.
29:55 Enfin, chrétien.
29:56 Parce qu'il faut se dire que dans ces îles,
29:57 toutes ces îles ont été pénétrées par le christianisme,
30:00 par l'intermédiaire des évangélistes,
30:03 alors que ce soit des missionnaires catholiques
30:05 ou des pasteurs protestants.
30:07 Voilà, donc là, vous avez effectivement beaucoup d'États,
30:10 mais ce sont des micro-États.
30:11 – Alors, en général, ils vivent de quoi ?
30:13 Est-ce qu'ils sont riches ces États ?
30:14 Est-ce qu'il y a des ressources naturelles ?
30:16 – Ils ne sont pas riches.
30:17 – Il y a les Seychelles par exemple.
30:19 – Les Seychelles, c'est un cas à part.
30:21 Et c'est dans l'océan Indien.
30:23 Vous avez, je l'ai dit tout à l'heure,
30:25 ça fait le bonheur des numismates et des philatélistes.
30:28 Mais vous avez certains États qui négocient
30:30 la reconnaissance de Taïwan contre espèces salantes et trébuchantes.
30:34 C'est-à-dire que Taïwan…
30:35 – Et parce que l'ONU, ça fait des voix.
30:37 – Bien sûr, parce que Taïwan, qui est un État
30:39 qui appartient non pas à la catégorie des États reconnus,
30:42 mais des États de facto, puisqu'on lui a retiré
30:45 la reconnaissance internationale, pour mettre la Chine à la place,
30:48 la Chine communiste à la place en Nations Unies.
30:50 Mais Taïwan est un véritable État, d'ailleurs, bien musclé,
30:55 un véritable hérisson.
30:56 Si les Chinois communistes veulent l'attaquer,
30:58 ils vont se casser les dents.
31:00 Et Taïwan négocie effectivement avec beaucoup d'États,
31:03 notamment en Amérique centrale, au Caraïbe et en Océanie,
31:08 sa reconnaissance en tant qu'État souverain.
31:11 Il y a une vingtaine de pays au monde qui reconnaissent Taïwan
31:14 comme étant la légitime Chine.
31:18 Alors évidemment, en retour, Taïwan finance aéroports,
31:23 hôpitaux, écoles, etc.
31:25 Et puis il y a aussi, évidemment, je l'ai dit,
31:28 les numismates et les philatélistes qui se régalent,
31:30 mais il y a aussi, comme vous avez attiré mon attention tout à l'heure,
31:34 hors plateau, sur la négociation des domaines Internet.
31:41 Effectivement, ça aussi, très important.
31:43 Donc ça apporte, si vous voulez, un certain nombre de devises.
31:45 Alors il y a aussi la pêche, la pêche locale,
31:47 qui sert quand même à alimenter en partie la population.
31:50 Et puis vous avez l'Australie et la Nouvelle-Zélande
31:53 qui ont quand même un œil acéré permanent,
31:57 un regard permanent sur toutes ces poussières d'îles,
31:59 parce que c'est dans leur domaine.
32:01 – Ça crée un domaine maritime, bien sûr.
32:03 Alors, on va quitter les États qui existent,
32:06 pas qui existent, on va arriver au dernier chapitre de cette émission
32:09 avec les États farfelus, les États pour rire,
32:12 comme est intitulé le chapitre du livre,
32:16 mais vous faites quand même appel à une notion qui est très sérieuse,
32:18 qui est la cryptarchie.
32:19 Alors qu'est-ce que c'est que la cryptarchie ?
32:21 – Écoutez, il y a des hurluberlus, des farfelus,
32:24 qui subitement ont voulu s'ériger en chef de l'État
32:29 et se créer leur propre royaume.
32:32 Alors, le plus célèbre d'entre eux, c'est Antoine de Tounins,
32:36 qui a été magnifiquement mis en page, si je puis dire,
32:40 par Jean Raspail et puis aussi par Saint-Loup,
32:44 leur roi blanc de Patagonie.
32:46 Et effectivement, Antoine de Tounins a essayé de donner
32:49 une matérialité, une réalité à son empire.
32:53 Mais bon, aujourd'hui, c'est un souvenir,
32:56 un souvenir littéraire bien plus qu'un souvenir matériel.
33:00 Et vous avez d'autres exemples, vous avez un certain Jules Gros,
33:04 à la fin du 19ème siècle, qui s'est proclamé
33:07 président de la République du Cunani.
33:09 Alors le Cunani, c'est quoi ?
33:11 Bah écoutez, c'est un territoire, une terra incognita
33:14 qui se trouvait quelque part entre le Brésil
33:16 et les trois Guyanes, hollandaise, anglaise et française.
33:20 Les limites n'étaient pas encore bien déterminées
33:22 et là, quelques aventuriers ont décidé d'installer une république.
33:26 Ça n'a pas duré, bien entendu, le Brésil a rectifié tout ça.
33:30 Vous avez en Indochine, le royaume des Cédangues,
33:34 un aventurier qui s'appelle Marie et qui s'est proclamé Marie Ier,
33:38 il a vécu entre 1842 et 1890, et il s'est proclamé roi des Cédangues,
33:43 une tribu montagnarde du centre Anam.
33:47 Vous voyez, bon, qu'est-ce qu'il y a encore ?
33:49 Alors, il y a ces Borgas.
33:51 Voilà, aujourd'hui, qu'est-ce qu'il y a encore ?
33:53 Alors, en Europe, vous avez ces Borgas, vous avez la principauté de ces Borgas.
33:56 Alors, ces Borgas sont en Ligurie, c'est-à-dire entre Gênes et la frontière française.
34:03 C'est un village d'un peu plus de 300 âmes
34:05 et qui s'est érigé par la volonté d'un de ses habitants,
34:11 qui est aujourd'hui décédé, en principauté indépendante.
34:16 Il s'appelait Giorgio, évidemment, il s'est proclamé Giorgio Ier,
34:20 il a un successeur et il a créé un conseil législatif, un gouvernement
34:26 et la République italienne a fermé les yeux, a joué le jeu.
34:31 D'un côté, il y avait la commune de ces Borgas, avec son maire,
34:35 ses institutions locales, comme d'habitude,
34:37 et puis, parallèlement, vous saviez, cette fiction.
34:40 Et la fiction, elle est matérialisée.
34:42 Quand vous arrivez à ces Borgas, il y avait une guérite,
34:44 aux couleurs de la principauté.
34:46 – Avec un pékin dedans ?
34:48 – Avec un pékin dedans, oui, avec des tenues, un uniforme.
34:50 Il y avait des plaques automobiles, ils ont identité des timbres,
34:53 et ils ont identité une carte d'identité.
34:56 – Je vais le montrer à la caméra.
34:58 – Je suis une sorte de citoyen d'honneur de ces Borgas.
35:01 Vous voyez, l'antique principauté de ces Borgas,
35:04 avec de très très belles armoiries.
35:06 – Très belles armoiries, oui, effectivement, il y a votre photo, en 2002.
35:09 [Rires]
35:11 – Bon.
35:12 – C'est pour le tourisme, c'est pour le folklore.
35:14 – Alors, effectivement, parce que ça fait marcher le commerce.
35:17 Moi, j'ai acheté du vin chez le ministre des Affaires étrangères,
35:20 qui tient l'épicerie.
35:21 – D'accord.
35:22 – Voilà.
35:23 – Et en France, il y en a qui sont en France ?
35:25 – Alors oui, il y a une petite république dans l'Est de la France,
35:27 c'est la république du Sauget, qui a un drapeau aux couleurs de la Belgique,
35:31 mais inversé.
35:33 – Et qui se trouve où ?
35:35 – C'est dans l'Est de la France.
35:37 C'est un certain Georges Ponchet, qui était bistrotier, cabartier, cafetier,
35:43 si vous voulez, qui a eu cette idée-là aussi, de créer, en 1947,
35:48 de créer la république du Sauget s'étendant au canton de son village.
35:55 Et un jour, la légende dit que le préfet du département passant dans le coin,
36:00 s'arrêtant pour boire un coup, a été interloqué, intrigué par cette affaire,
36:05 et il aurait "intronisé" ce fameux monsieur Ponchet
36:11 comme président de la république du Sauget.
36:13 Laquelle république ? Aujourd'hui, à Une-Dame,
36:17 descendante de ce monsieur Ponchet, Georgette,
36:20 et ils ont des douaniers qui sont en uniforme, avec une guérite, etc.
36:24 Là aussi, c'est du folklore, du folklore intégral,
36:27 pour faire marcher le business local.
36:29 – Dans le Bern aussi, il y a autre chose ?
36:30 – Alors dans le Bern, vous avez un maire, le maire d'une commune qui s'appelle Lass,
36:36 qui a voulu ériger aussi son village en principauté.
36:39 Alors là aussi, il a ouvert une guérite, il a mis un gardien dedans,
36:43 avec une sorte d'uniforme, il a créé un passeport.
36:46 – Que vous n'avez pas ?
36:48 – Non, je ne l'ai pas, parce que je ne suis pas encore allé là-bas,
36:50 mais j'espère pouvoir y aller.
36:52 Et tout ça, vous voyez, alors il a transformé, c'est peut-être moins heureux,
36:56 mais enfin l'église était désacralisée, désaffectée,
36:58 il a transformé l'église en boîte de nuit.
37:00 Donc, ça c'est dans un seul but, c'est pour revivifier la vie locale.
37:05 Effectivement, ça interpelle, ça interroge, et ça interloque, vous voyez.
37:10 Et alors en Australie, beaucoup plus loin, on ne l'a pas évoqué tout à l'heure,
37:14 quand on parlait de l'Océanie, mais vous avez le prince Léonard,
37:17 qui était un éleveur de moutons dans la province de l'Ouest australien,
37:21 gigantesque province, capitale Perth.
37:23 Et lui, sur ses centaines, des milliers d'hectares pardon,
37:27 il a créé la principauté de "Hot River".
37:30 Il y avait une rivière qui s'appelait "Hot", il a créé sa "Hot Principality".
37:34 Et alors, c'est son fils qui lui a succédé,
37:37 et tout son personnel, sa femme, bien entendu,
37:40 étaient des sujets de son Altesse Princière, le prince Léonard.
37:45 Et alors, il a édité des passeports, des timbres, etc.
37:48 Il n'a pas été reconnu internationalement,
37:51 bien qu'il ait cherché à obtenir cette reconnaissance internationale,
37:54 l'Australie lui a fichu la paix, et il a vendu près de 20 000 passeports.
37:58 – Oui, parce que la vente de passeports est également un revenu.
38:01 – Voilà, voilà, donc vous voyez ça aussi.
38:04 Et alors, vous avez encore d'autres principautés folkloriques.
38:09 Envalira, à la frontière, au pas de la case, à la frontière franco-androïde,
38:14 les commerçants, si vous voulez, ont créé fictivement une république d'Envalira,
38:18 bon, avec une constitution, etc.
38:20 Ça aussi, pour faire parler d'eux, pour attirer encore plus le tourisme,
38:24 vous avez eu, pendant l'occupation allemande en Allemagne,
38:29 la principauté du goulot.
38:32 – La principauté du goulot, pourquoi ?
38:34 – Eh bien, écoutez, parce que dans la région de Koblenz et Mayence,
38:38 il y avait une petite ville, deux villes qui s'appelaient Kob et Lorsch,
38:43 qui étaient spécialisées dans la production de vin.
38:46 Et l'occupant français, curieusement, a oublié de les occuper.
38:51 Et alors, les édiles locaux se sont érigés là aussi.
38:55 – Non, c'était après la Première Guerre mondiale ?
38:56 – Après la Première Guerre mondiale, avant que Hitler, si vous voulez,
38:59 efface tous là.
39:01 Et là, si vous voulez, dans un but commercial encore,
39:04 petit clin d'œil folklorique avant l'heure,
39:06 ils ont érigé ça en principauté viticole.
39:10 Alors la fiction s'en est emparée de tout ça.
39:12 Vous avez un film, les anglais ont pondu un film aussi sur ce sujet-là,
39:19 imaginant l'indépendance d'un quartier de Londres.
39:26 Vous avez aussi un romancier comme Pierre Schoendorfer,
39:31 Pierre Schoendorfer qui a pondu un livre magnifique,
39:35 "L'adieu au roi", et "L'adieu au roi" raconte l'histoire,
39:38 si vous voulez, d'un déserteur britannique qui s'érige en chef de tribu
39:44 et qui s'érige en roi au cœur de Borneo.
39:47 Et je pense que Pierre Schoendorfer, qui a fait des films magnifiques,
39:50 s'est inspiré d'un cas réel, un noble anglais, Sir Brook,
39:55 qui au 19ème siècle s'est proclamé rajablan de Sarawak.
40:00 C'est-à-dire que Borneo était divisé entre les Hollandais et les Britanniques.
40:06 Aujourd'hui, c'est l'Indonésie et la Malaisie, plus le sultanat de Brunei,
40:11 et ce rajablan a régné pendant plusieurs années
40:16 et il a réussi à installer son autorité.
40:19 Ce qui est quand même assez exceptionnel, c'est que les indigènes marchaient dans la combine.
40:23 Comme d'ailleurs Antoine de Thunasse dans un premier temps.
40:27 Les tribus qu'il a soulevées marchaient avec lui contre l'autorité du Chilié de l'Argentine.
40:32 – Il y a Kipling aussi, on parlait des Anglais,
40:35 qui avait l'homme qui voulu être roi. – Tout à fait.
40:38 – Je ne sais plus où c'est, c'est en Afghanie.
40:40 – Alors c'est aux confins du Pakistan et de l'Afghanistan.
40:44 Il a imaginé un roman "L'homme qui voulu être roi"
40:48 où ce sont deux sous-officiers britanniques qui s'emparent d'une légende
40:52 remontant à Alexandre le Grand,
40:54 comme quoi des descendants de l'armée d'Alexandre le Grand
40:57 se seraient reproduits de siècle en siècle
41:00 et attendraient en quelque sorte un messie.
41:03 Et ces deux sous-officiers vont remonter évidemment au cœur des montagnes
41:07 aux confins de l'Afghanistan et du Pakistan
41:09 et arriver dans cette zone.
41:13 Et leur supercherie sera vite découverte et ils termineront d'ailleurs très mal.
41:17 Ça c'est un roman.
41:19 Mais vous avez au Népal, vous aviez le Mustang qui était en micro-état.
41:27 Vous avez aussi le Hunza aux confins du Pakistan.
41:31 Vous voyez, il y a des féodalités qui n'existent plus, mais qui ont survécu.
41:35 Et donc ça a dû donner matière aux auteurs pour s'inspirer de tout cela
41:40 et nous bâtir des royaumes imaginaires.
41:43 – Nous parlions de passeport, je vois que vous en avez encore deux sur la table.
41:46 – Ah oui, ça c'est le passeport de l'Écosse, de la vieille Écosse.
41:51 – Le Scottish Passport.
41:54 Je montre à nos téléspectateurs.
41:57 OK. Donc là le siège est où ? Qu'est-ce que c'est ?
42:01 – C'est un état fictif, tout à fait virtuel.
42:06 – Comme la Patagonie de Ras Païd, dont voici…
42:09 – C'est l'héritage de la Confédération des États d'Amérique,
42:13 la CSA, Confederated States of America.
42:15 Là, c'est une association qui édite des passeports
42:20 et qui a érigé, évidemment, pour garder le souvenir de la Confédération,
42:26 qui est morte en 1865 à Pomatox, comme chacun le sait.
42:30 Eh bien, on garde le souvenir de cette…
42:33 – Vous avez quand même les voyages que vous avez faits à Arlington, à Fort Worth.
42:36 – Oui, le seul état que nous n'avons pas vu de la Confédération, c'est l'Arkansas.
42:41 Voilà. J'ai mis les pieds dans tous les autres.
42:44 C'était une sorte de pèlerinage.
42:47 – Alors vous-même, vous n'avez pas créé votre état ?
42:50 – Non, pas encore, mais je peux donner des conseils aux gens qui voudraient le faire.
42:54 – Eh bien, écoutez, on va en terminer là.
42:58 Vous avez des… après les États disparus, les États grands comme un mouchoir de poche.
43:03 Quels sont les projets ?
43:05 – Eh bien, écoutez, il y a un secteur qu'on n'a pas abordé.
43:08 – Très rapidement, c'est la imagination.
43:09 – Eh bien, rapidement, c'est le secteur de l'imaginaire, le secteur du virtuel,
43:13 le secteur de l'intemporel, à savoir les pays de papier,
43:16 c'est-à-dire les pays qui ont été inventés par les romanciers
43:18 ou par les créateurs de bandes dessinées.
43:20 Qui oserait dire que la style David Hergé n'existe pas ?
43:23 – C'est le sujet de votre prochain…
43:24 – C'est le sujet de mon prochain bouquin qui s'appellera…
43:26 – Vous reviendrez nous en parler.
43:28 – Il va s'appeler "Geek de géopolitique et touristique des pays imaginaires de la bande dessinée".
43:33 – C'est pour quand ? – L'automne.
43:35 – L'automne ? Eh bien, écoutez, on se revoit cet automne.
43:38 – Avec plaisir, Léo.
43:39 – Jean-Claude, merci infiniment pour tous ces récits.
43:41 Nous allons retrouver maintenant la petite histoire de Christopher Lanne.
43:45 Quant à moi, je vous souhaite un bel été, de bonnes vacances en compagnie de TVL,
43:49 toujours, bien sûr, et nous nous retrouvons à la fin du mois d'août.
43:53 Mais n'oubliez pas en attendant de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
43:56 et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
43:58 [Générique]
44:08 Le 8 octobre 517, grâce aux perspectives qui s'ouvraient avec la découverte toute récente du Nouveau Monde
44:15 et aussi, militairement parlant, face à l'Angleterre,
44:19 François Ier signait la charte de fondation d'un nouveau port, justement, face à l'Angleterre,
44:25 débouché de la Seine, baptisé le Havre de Grâce.
44:28 Car c'est bien de la fondation de la ville du Havre, qui tire son nom donc, du Havre de Grâce,
44:33 dont on va parler aujourd'hui.
44:34 Je n'ai jamais fait, je crois, d'épisode sur l'histoire d'une ville.
44:37 Eh bien voilà, c'est le premier, pourquoi pas commencer par le Havre ?
44:40 Après tout, c'est la ville de Laurent Ruquier, hein.
44:42 Allons-y !
44:43 [Générique]
45:06 Le roi François Ier, à à peine 23 ans, lorsqu'il est le premier souverain d'Europe,
45:11 a constaté qu'il faut un rééquilibrage des relations internationales,
45:14 il faut arrêter de s'entêter tout le temps avec l'Italie,
45:18 il faut un rééquilibrage vers l'Ouest,
45:20 et donc tourner vers les perspectives qu'offre le Nouveau Monde.
45:23 C'est ainsi qu'en février 517, il donne, par écrit, l'ordre au cire de Bonivet,
45:29 qui est un amiral, la fondation d'un port au lieu de Grâce,
45:33 qui, je cite, "serait l'endroit le plus proche de la côte de Normandie et du pays de Caux à faire un Havre,
45:39 où tous les navires et vaisseaux naviguant sur la mer Océane,
45:42 donc c'est l'océan Atlantique,
45:44 pourraient aisément et en toute sécurité arriver et séjourner."
45:48 Ça c'est pour l'objectif commercial et l'objectif des débouchés sur le Nouveau Monde,
45:53 mais il y a aussi un objectif militaire,
45:55 puisque le Havre est justement situé sur l'estuaire de la Seine,
45:59 qui est un endroit stratégique qu'il faut absolument protéger,
46:03 et surtout des Anglais.
46:04 Il y a bien déjà le port de Honfleur, mais lui il se trouve directement sur la Seine,
46:08 donc ses capacités sont limitées,
46:10 et le port de Honfleur s'envase,
46:12 donc c'est pas vraiment...
46:14 pas vraiment glamour !
46:15 Alors que le Havre, enfin le lieu où on veut faire ce port,
46:17 il présente l'avantage d'être situé justement à l'extrémité de l'estuaire,
46:22 et donc la marée va permettre d'accueillir des navires d'un fort tonnage.
46:27 Et à partir du moment où François Ier va décider qu'on va construire ce port,
46:31 eh bien tout va aller très vite.
46:32 Il signe donc, je l'ai dit au début, la charte de fondation de la ville du Havre,
46:37 en tout cas du port du Havre, dans un premier temps, le 8 octobre 517,
46:41 et les travaux vont débuter dès le printemps suivant, donc 518.
46:45 Les travaux présentent néanmoins des difficultés,
46:48 déjà c'est un terrain marécageux, ça n'aide pas,
46:50 et en plus, localement, on manque de main d'oeuvre,
46:53 et c'est pourquoi on va faire appel à des Bretons, des maçons,
46:57 et des terrassiers originaires de Bretagne.
46:59 Et c'est ainsi que durant les travaux, jusqu'à 758 ouvriers ont été présents simultanément.
47:06 Donc c'était un gros chantier, quand même.
47:08 A partir de là, je l'ai dit, tout va aller très vite,
47:10 et les premiers bateaux y pénètrent déjà fin 1518,
47:14 dont l'Hermine, qui est la nef de François Ier himself.
47:19 Oui, j'ai fait un anglicisme, oui,
47:21 mais bon, j'en mets tellement dans les dents aux Anglais à longueur d'épisode
47:24 que de temps en temps, il faut un petit peu de diplomatie, quoi.
47:27 Maintenant que les travaux avancent bien, que les premiers navires entrent dans le port,
47:31 il est question de peupler la ville,
47:33 et pour cela, pour peupler cette ville,
47:35 j'ai dit, il y a peu de main-d'oeuvre alentour, il y a peu d'habitants alentour,
47:38 donc pour peupler cette ville,
47:40 François Ier va accorder des avantages fiscaux à ceux qui voudraient bien venir s'y installer,
47:46 notamment en les dispensant des deux impôts, que sont la Thaï et la Gabelle.
47:50 Les travaux ne sont pas terminés pour autant,
47:52 ils vont se poursuivre jusqu'en 523,
47:54 et c'est justement cette année-là que Giovanni da Verrazzano va se lancer,
48:00 va quitter le Havre à bord de la Dauphine, direction le Nouveau Monde,
48:05 avec pour mission de trouver un passage, ce fameux passage vers les Indes.
48:09 L'expédition en elle-même, puisque son but était de trouver un passage,
48:12 eh bien ce sera un échec,
48:14 néanmoins Verrazzano va magnifiquement cartographier la côte Est des actuelles Etats-Unis,
48:20 donc de l'Amérique du Nord,
48:22 et cette expédition va marquer le début d'une longue série d'expéditions vers le Nouveau Monde,
48:26 et c'est là que ça nous montre la volonté du roi François Ier d'engager la France dans cette découverte
48:32 et de concurrencer les Espagnols et les Portugais, qui sont déjà, il faut le dire, bien avancés.
48:37 Quelques années plus tard, la ville va connaître sa première grande tragédie,
48:41 il y en aura d'autres, on va en parler,
48:43 là c'est une vague énorme, une vague d'une ampleur sans précédent,
48:47 qui est d'ailleurs retenue dans l'histoire sous le nom de Mal Marée,
48:51 Mal Marée, ça veut tout dire,
48:53 elle va détruire littéralement cette vague, les premières habitations,
48:57 elle va emporter avec elle une trentaine de bateaux,
49:00 et va tuer une centaine de personnes, soit à l'époque un sixième de la population.
49:05 Et sachez que ce drame de la Mal Marée sera commémoré chaque année au Havre,
49:10 jusqu'à la Révolution.
49:12 Après, à la Révolution, il y a des choses qui vont changer.
49:14 Il va donc falloir reconstruire,
49:16 et là François Ier, qui est un homme de son temps,
49:18 veut moderniser la ville,
49:20 on est en pleine Renaissance,
49:22 et il est question de rompre avec les traditions médiévales,
49:27 et pour cela il va faire appel à un architecte venu de Sienne,
49:31 Jérôme Bellarmato.
49:33 Bellarmato, qui a eu carte blanche de François Ier,
49:35 va donc appliquer les principes de son époque,
49:38 les principes de l'urbanisme, de la Renaissance.
49:41 Il est aussi Bellarmato ingénieur militaire,
49:44 et donc il va faire de la défense de la ville,
49:46 et des fortifications de la ville sa priorité,
49:48 il va donc faire construire trois bastions pour défendre le Havre.
49:52 Mais en dehors de ça, il va améliorer l'alimentation en eau de la ville,
49:56 il va capter des sources, faire élever des fontaines,
49:59 il va doter la ville d'un réseau de canalisations
50:02 pour évacuer les eaux usées,
50:05 et architecturalement parlant,
50:07 les rues vont être parfaitement alignées,
50:09 nivelées, pavées.
50:11 Concernant les maisons,
50:13 il y a un code, un style à respecter,
50:15 c'est celui imposé par François Ier,
50:17 il faut quand même qu'il y ait des ornements
50:19 et une décoration assez harmonieuse.
50:22 Ainsi la ville va petit à petit prendre son essor,
50:24 lorsque les travaux sont terminés en 1523,
50:27 il n'y avait que 500 à 600 habitants,
50:29 et la population va croître rapidement
50:32 pour atteindre dans les années 1550,
50:35 jusqu'à 6000 habitants.
50:37 Évidemment, cet essor démographique
50:39 est favorisé par les privilèges,
50:41 les avantages fiscaux que François Ier a mis en place,
50:44 et que son successeur Henri II,
50:47 qui est le fils de François Ier,
50:49 va confirmer et continuer à appliquer.
50:52 Ça c'est pour le plan démographique,
50:54 mais pour ce qui est du commerce
50:56 et de la construction navale,
50:58 qui est quand même la première activité de ce port,
51:00 le port va être marqué par un gros échec
51:03 retentissant dès 1524,
51:05 avec la construction de la Grande Françoise,
51:09 qui est une nef qui devait être
51:11 la plus grande et la plus belle de l'époque,
51:13 avec près de 100 mètres de long,
51:15 une puissante artillerie,
51:17 une forge à l'intérieur, une chapelle,
51:19 un jeu de peau, mais même un moulin à vent.
51:22 En gros, c'était le Titanic de l'époque.
51:24 Et puis finalement, après en avoir fait des caisses,
51:26 elle se révélera trop grosse pour sortir du port,
51:31 et donc on va la laisser en place.
51:33 On va essayer de faire une deuxième tentative
51:35 à la faveur d'une grande marée en 1533.
51:39 Et là, nouvel échec,
51:41 et quelques années plus tard,
51:43 une tempête va coucher la Grande Françoise,
51:46 et finalement, elle va être démantelée,
51:48 et elle va servir à construire la plupart des maisons
51:51 du quartier des Bars.
51:53 Donc, triste destin pour ce gros navire,
51:55 ce gros projet qui finalement
51:57 n'a jamais vu la haute mer.
51:59 Commercialement parlant,
52:00 là, ça fonctionne à plein régime.
52:02 On se tourne vers les Amériques, je l'ai dit,
52:04 mais aussi vers l'Afrique.
52:05 On ramène du bois exotique, du sucre,
52:07 de la gomme, du coton, du tabac,
52:09 et tout ce commerce contribue
52:11 à l'essor de la ville du Havre.
52:13 Le Havre va par la suite connaître
52:15 une deuxième catastrophe.
52:17 Déjà, outre le fait que la ville est sortie de terre
52:19 par la seule volonté de François Ier,
52:21 elle présente une autre caractéristique,
52:23 c'est d'avoir été élevée en même temps
52:25 que se développait la réforme protestante.
52:29 Et ce contexte religieux, qui est inédit à l'époque,
52:32 va profondément marquer la ville du Havre,
52:34 qui sera rapidement divisée entre catholiques
52:36 et protestants,
52:38 et les tensions vont finir par culminer
52:40 jusqu'à la catastrophe.
52:42 Au printemps 1562,
52:44 les réformés vont chasser les papistes,
52:47 donc les catholiques, de la ville,
52:49 et faire appel aux Anglais,
52:51 face à la menace d'une riposte royale.
52:53 Ah, les protestants, faire appel aux Anglais,
52:55 ils ont un bouton pour ça !
52:57 Les Anglais vont donc envoyer des troupes
52:59 et occuper la ville, et c'est ainsi
53:01 que le Havre va être totalement anglaise
53:03 pendant un an.
53:05 Mais finalement, les protestants,
53:06 qui ont appelé les Anglais à l'aide,
53:08 vont refuser de prêter allégeance aux Anglais,
53:10 et en mai 1563,
53:12 ils seront expulsés de la ville.
53:14 Donc, ils vont s'unir aux catholiques
53:16 pour soutenir Charles IX,
53:18 qui va reprendre la ville
53:20 le 28 juillet 1563.
53:22 C'est pour vous dire que cet épisode
53:24 va évidemment laisser des traces,
53:26 la confiance va être rompue entre le pouvoir royal
53:28 et la ville,
53:30 et les protestants, à partir de cet instant,
53:32 vont être tenus à l'écart
53:34 de l'administration municipale.
53:36 Il y a eu l'expulsion des habitants par les Anglais,
53:38 mais aussi de nombreuses destructions,
53:40 et c'est ainsi que la ville va être entièrement,
53:42 encore une fois, ou presque, à refaire.
53:44 Mais ça, ce n'est encore rien du tout
53:46 par rapport à ce qui attend la ville du Havre
53:48 bien, bien, bien plus tard,
53:50 septembre 1944,
53:52 avec la destruction
53:54 quasi complète de la ville
53:56 par l'aviation britannique.
53:58 La ville va être dans un premier temps bombardée
54:00 par les Alliés en 42.
54:02 Ce sont les nazis qui vont eux-mêmes, qui occupaient la ville,
54:04 qui vont détruire les infrastructures
54:06 portuaires et couler
54:08 les navires avant de quitter la ville.
54:10 Mais le point culminant, c'est septembre 1944,
54:12 où les Anglais,
54:14 les avions anglais, vont pilonner
54:16 le centre-ville pour, soit disant, affaiblir
54:18 la résistance allemande.
54:20 Ils vont lâcher quelques 10 000 tonnes
54:22 de bombes sur la ville.
54:24 Autant vous dire qu'il n'en restait pas grand-chose.
54:26 Outre les milliers de morts,
54:28 il y a eu 150 hectares
54:30 rasés et plus de 12 000
54:32 immeubles détruits,
54:34 sans parler de l'état du port.
54:36 Cette opération anglaise, ou Alliée,
54:38 on l'appelle comme on veut, est plus que discutable
54:40 puisque l'enjeu stratégique n'était pas
54:42 tout à fait clair, mais bon, je ne vais pas rentrer
54:44 dans les détails pour cet épisode.
54:46 Voilà pour l'histoire du Havre, et c'est justement
54:48 suite à cette destruction massive
54:50 de la ville en 44 que le Havre
54:52 a dû être reconstruit, et pas
54:54 toujours avec bon goût.
54:56 C'est pour ça que si vous allez au Havre aujourd'hui,
54:58 vous ne trouverez que
55:00 quelques traces de la ville construite
55:02 à l'époque par François Ier.
55:04 Cette ville n'est plus que l'ombre
55:06 d'elle-même.
55:08 [Musique]

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