Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir
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00:00:00 Aucune femme parmi les visiteurs de ce soir, ce n'est pas faute d'en avoir invité,
00:00:05 mais tout avait l'air d'avoir quelque chose de plus important à faire un dimanche soir
00:00:09 que de venir à la télévision.
00:00:11 On sera donc entre hommes, à mon grand regret.
00:00:13 Mais c'est comme ça, les visiteurs du soir, c'est dans un instant, juste après le rappel
00:00:18 des titres d'Isabelle Piboulot.
00:00:19 Près de 950 hectares de végétation ont parti en fumée dans les Pyrénées-Orientales.
00:00:28 L'incendie continue entre les communes de Cerbère et Bannules-sur-Mer.
00:00:32 500 sapeurs-pompiers de divers départements sont mobilisés par précaution.
00:00:38 300 personnes ont été évacuées et 180 confinés.
00:00:42 Le ministre de l'Intérieur se rendra sur place tôt demain matin.
00:00:45 Avec la grogne autour de la réforme des retraites, le chef de l'État n'a pas fait le choix
00:00:50 de l'apaisement.
00:00:51 Déclaration de Laurent Berger dans les colonnes du Parisien.
00:00:54 Face au redoublement de la colère, le patron de la CFDT condamne la violence et appelle
00:01:00 le 1er mai à casser la baraque en ombre, dans la dignité et l'unité au sein de l'intersyndical.
00:01:07 Et puis le périphérique parisien s'apprête à fêter ses 50 ans.
00:01:13 Demain démarre une consultation en ligne sur l'évolution du périph.
00:01:17 La mairie de Paris entend par exemple réserver une voie au covoiturage, au taxi et au transport
00:01:23 en commun.
00:01:24 Le grand public est invité à se prononcer par voix électronique, pas seulement les
00:01:28 Parisiens ou les Franciliens.
00:01:29 Et vous avez jusqu'au 28 mai.
00:01:32 *Générique*
00:01:45 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir.
00:01:48 Nous sommes dimanche, il est 22h, c'est la fin de la semaine.
00:01:51 Il est temps de prendre un peu de recul et de réfléchir à ce qui se passe autour de
00:01:55 nous.
00:01:56 Akim El-Karoui pense que la parenthèse du libre-échange à tout craint est tout près
00:02:01 de se refermer.
00:02:02 Même l'Europe est en train de rompre avec cet ultra-libéralisme si décrié, dont elle
00:02:07 s'était pourtant faite la championne.
00:02:08 On va voir si un libéral comme Jean-Marc Daniel, auteur d'une histoire de l'économie
00:02:14 mondiale, a la même analyse.
00:02:15 Et puis Emmanuel Macron a fait l'unanimité contre lui à son retour de Chine, en appelant
00:02:19 les Européens à ne pas être suivistes des Américains sur la question de Taïwan.
00:02:24 Est-ce qu'il a raison ? Est-ce qu'il a tort ? Est-ce qu'il refait le coup de Jacques
00:02:27 Chirac en 2003, quand la France avait été la seule à s'opposer à la guerre américaine
00:02:32 en Irak ? On en débattra à partir de 23h avec François Godeman, qui est conseiller
00:02:37 spécial Asie-États-Unis à l'Institut Montaigne.
00:02:40 C'est l'auteur des mots de Xi Jinping et de "La Chine à nos portes" avec Abigail
00:02:46 Vasselier.
00:02:47 Il est très critique à l'égard du président de la République.
00:02:49 Et l'on commence tout de suite avec Bill François, un visiteur du soir d'une espèce
00:02:53 un peu particulière, puisque vous êtes biophysicien et naturaliste.
00:02:58 On n'en rencontre pas tous les jours.
00:03:00 Et vous venez de publier le plus grand menu du monde avec une préface de Guy Savoie,
00:03:05 un livre extraordinaire dans lequel vous racontez comment les aliments sont arrivés
00:03:09 dans notre assiette.
00:03:10 Les fruits, les légumes, la viande, le poisson, le fromage, les desserts.
00:03:13 Vous allez nous donner beaucoup d'exemples tout au long de cette émission.
00:03:17 Mais d'abord, revenons au début de la vie sur Terre.
00:03:21 Le végétal et l'animal étaient des frères ennemis.
00:03:24 Expliquez-vous.
00:03:25 Le meilleur exemple qui nous reste de cette époque, ce serait le pignon de pain.
00:03:30 Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi ?
00:03:32 Oui, il y a très peu d'aliments qui datent d'avant l'apparition des plantes à fleurs.
00:03:37 En fait, dans les aliments qu'on consomme, on consomme en tout cas au niveau des plantes,
00:03:42 on consomme principalement des fruits.
00:03:43 Même ce qu'on appelle les légumes, c'est souvent la partie de la plante qu'on appelle
00:03:46 le fruit, qui contient les graines.
00:03:48 Et c'est parce que ces fruits, c'est une alliance du végétal et de l'animal.
00:03:53 La plante développe les fruits principalement pour régaler les animaux qui vont ensuite
00:03:58 disperser les graines.
00:03:59 On va revenir là-dessus en détail parce que c'est très intéressant.
00:04:02 Et donc, il y a très peu d'aliments végétaux qui ne sont pas issus des plantes à fleurs.
00:04:09 Un des seuls qu'on consomme, c'est le pignon.
00:04:12 Vous voyez, le pignon, à l'inverse d'essayer de nous régaler, l'organe végétal qui contient
00:04:17 le pignon, c'est une pomme de pain, donc c'est très résistant.
00:04:20 On en voit une juste à côté de vous.
00:04:23 Ça, ça nous montre à quel point, à l'époque, les plantes ne voulaient pas être mangées
00:04:27 par les animaux.
00:04:28 Exactement.
00:04:29 Elles ne voulaient pas être mangées par les animaux et elles comptaient sur autre chose
00:04:32 pour disperser leurs graines.
00:04:34 On l'a vu d'ailleurs dans les actus d'aujourd'hui, les grands feux de forêt qu'il y a eu.
00:04:38 En fait, le pain est une essence pyromane.
00:04:40 C'est un arbre qui va, par son bois et les émanations de ses résines, favoriser le
00:04:47 feu.
00:04:48 Dans certaines régions, c'est même indispensable pour lui.
00:04:50 Ça lui permet, comme ça, de faire table rase des autres végétations pour permettre
00:04:54 à ses pignons de se développer.
00:04:55 Donc, au lieu de compter sur les animaux, ils comptent sur le feu pour se reproduire.
00:04:59 Voilà.
00:05:00 Alors, quand vous voyez des pommes de pain, on doit se souvenir que les plantes, à l'époque,
00:05:06 étaient comme ça pour se protéger des animaux.
00:05:08 Elles se couvraient des nuits.
00:05:09 Oui, c'est des plantes très anciennes.
00:05:10 Elles se rendaient amères.
00:05:11 C'est ça.
00:05:12 C'est 300 millions d'années, les premières pommes de pain.
00:05:14 Donc, c'est des plantes très anciennes et c'est des vestiges du passé.
00:05:18 Alors, au Jural cycle, les plantes ont commencé à s'allier avec les insectes, d'abord,
00:05:23 pour obtenir les fleurs.
00:05:24 Ça, c'est un mariage très important dans notre histoire.
00:05:29 Très important et ça a permis une diversification monumentale des plantes à fleurs qui ont
00:05:33 conquis toute la planète.
00:05:35 Au départ, il n'y en avait pas et ensuite, c'est devenu les plantes principales.
00:05:39 D'ailleurs, si vous regardez la plupart des paysages, ce ne sont quasiment que des
00:05:42 plantes à fleurs aujourd'hui.
00:05:43 Alors, comment les plantes ont inventé les fruits ?
00:05:45 Les plantes ont inventé les fruits par co-évolution avec les animaux.
00:05:49 Donc, en même temps que les animaux s'habituaient à manger les fruits, les plantes leur donnaient
00:05:53 des fruits de plus en plus délicieux.
00:05:54 Et c'est grâce à ça qu'on a des fruits aujourd'hui.
00:05:57 Alors, l'homme, ensuite, a continué à développer ses fruits.
00:06:01 Mais par exemple, les pommes, elles sont devenues juteuses et charnues et délicieuses grâce
00:06:06 à des ours.
00:06:07 Des ours dans les steppes du Kazakhstan qui mangeaient les fruits des pommiers sauvages
00:06:11 et qui en ont fait des fruits délicieux pour que le pommier disperse ses graines.
00:06:16 Donc, le pommier a développé un bon fruit pour que l'ours consomme la pomme et réciproquement.
00:06:21 Et nous, notre sens du goût sucré, c'est pareil, c'est une co-évolution avec les
00:06:26 plantes à fleurs.
00:06:27 Si on sent le goût sucré, c'est parce que la plante a tout intérêt à faire en
00:06:32 sorte qu'on aime son fruit et que nous, on a tout intérêt à manger son fruit réciproquement.
00:06:38 Donc, c'est une sorte d'échange comme ça qui fait qu'on devient de plus en plus
00:06:42 sensible au goût du fruit, mais qu'en même temps, dans l'évolution, le fruit
00:06:45 est de meilleur en meilleur.
00:06:46 Et c'est comme ça qu'on est devenu sensible au goût sucré et doté de la vision en couleur
00:06:51 pour repérer les fruits mûrs aussi.
00:06:53 Ah oui, avant, on voyait en noir et blanc.
00:06:54 Avant, on voyait avec moins de couleur.
00:06:56 D'ailleurs, beaucoup d'autres animaux voient avec moins de couleur.
00:06:59 Le moment important, c'est le Crétacé, au moment où il y a 65 millions d'années,
00:07:03 quand il y a cette fameuse météorite qui s'abat sur la Terre, tuant les dinosaures.
00:07:06 C'est à partir de là, dites-vous, que non seulement la Terre s'est couverte de
00:07:10 plantes à fleurs, mais qu'en plus, elles ont commencé à développer ce goût sucré
00:07:16 pour séduire les animaux qui restaient.
00:07:18 Les plantes à fleurs avaient commencé déjà à bien se développer et se diversifier au
00:07:22 Jurassic, mais effectivement, avec la crise de la fin du Crétacé, elles ont pu bénéficier
00:07:27 d'une planète où tout était à reconstruire en quelque sorte.
00:07:29 Et donc là, il y a eu un développement immense de ces plantes, qu'on commence à peine
00:07:35 à vraiment comprendre et décrypter comment exactement ça s'est fait.
00:07:38 Mais en tout cas, elles ont colonisé toute la planète et avec elles, les fruits, les
00:07:41 printemps avec des fleurs, les paysages avec des arbres dont les feuilles tombent à l'automne,
00:07:46 etc.
00:07:47 C'est né à ce moment-là ?
00:07:48 Ça a pris de l'ampleur à ce moment-là.
00:07:51 Et le goût du sucré ?
00:07:52 Et le goût du sucré, effectivement aussi pour nous, les animaux, en cadeau des plantes
00:07:57 et en gage d'amitié.
00:07:58 Oui, c'est ça.
00:07:59 Alors ça, c'est le goût du sucré, mais comment nous est venu le goût du salé ? Pourquoi
00:08:03 est-ce qu'on aime le sel ?
00:08:04 Tous nos goûts sont des histoires qui nous lient avec le vivant parce qu'ils sont apparus
00:08:09 au cours de l'évolution lors de nos interactions avec différentes phases de l'histoire du
00:08:12 vivant.
00:08:13 Donc c'est ça qui est formidable, que ce soit le sucré, l'acide, la mer, le salé.
00:08:17 Ça nous relie vraiment aux autres espèces.
00:08:20 Le salé, c'est un des plus anciens goûts qu'on a parce que tout simplement, la vie
00:08:24 est née dans les océans et les cellules des êtres vivants sont salées depuis cette
00:08:28 époque.
00:08:29 Elles contiennent une concentration saline, la concentration physiologique, qui fait qu'on
00:08:33 a besoin de cellules avec une certaine quantité de sel minéraux à l'intérieur pour que
00:08:39 notre organisme fonctionne.
00:08:40 C'est pour ça que si on lèche sa transpiration, c'est salé ?
00:08:43 Oui, c'est aussi des phénomènes liés à l'osmose, effectivement, et aux sels minéraux.
00:08:48 C'est surtout pour ça qu'on a besoin de sel et qu'on a ce goût du salé depuis
00:08:54 le début de la vie.
00:08:55 Et la saveur acide ?
00:08:56 La saveur acide, elle nous raconte le moment où on était encore des poissons.
00:09:01 Elle vient de l'époque, parce que nous autres mammifères, c'était il y a très longtemps,
00:09:05 on ne se souvient pas trop, mais il y a un moment donné où on était tous des poissons
00:09:09 dans l'évolution.
00:09:10 À cette époque-là, les poissons, et ils le font encore aujourd'hui, cherchaient
00:09:14 leur nourriture par le goût, en cherchant l'acide.
00:09:17 En fait, quand un être vivant respire dans l'eau, il rejette du gaz carbonique qui
00:09:21 est acide.
00:09:22 Et donc, ça acidifie l'eau autour, ça donne à l'eau un goût acide.
00:09:25 S'il y a un petit ver de terre ou une petite écrevisse qui est en train de respirer dans
00:09:29 l'eau, ça rejette du goût acide.
00:09:31 Et donc, c'est comme ça que les poissons trouvent leur proie dans l'eau trouble.
00:09:34 C'est une des façons qu'ils utilisent pour le faire.
00:09:36 Ils sont sensibles au goût acide.
00:09:38 C'est pour ça que beaucoup de pêcheurs de carpe utilisent des appâts au citron,
00:09:41 alors que la carpe ne mange pas de citron, elle n'en trouve pas dans l'eau, mais simplement
00:09:45 parce que ça lui évoque une proie.
00:09:46 Et c'est de cette époque-là où on était des poissons qui cherchions notre nourriture
00:09:50 en eau trouble que nous vient notre goût acide.
00:09:52 Bon, alors continuons sur les saveurs primaires.
00:09:54 Après, il y a l'amertume.
00:09:55 Ça vient d'où l'amertume ?
00:09:57 Alors l'amertume, au contraire, c'est une défense de la plante.
00:10:00 Les plantes se dotent de molécules qui sont amères, c'est censé nous repousser.
00:10:03 Donc, a priori, l'amertume, c'est une sensation désagréable.
00:10:06 Mais à petite dose, c'est quand même agréable parce qu'on s'est quand même aperçu au
00:10:10 cours de l'évolution que ces plantes amères, elles étaient quand même bonnes pour la
00:10:13 santé aussi. Elles avaient des composés qui d'ailleurs servent aussi à la plante
00:10:17 à se soigner.
00:10:18 Et c'est comme ça, en mangeant des plantes amères, qu'on y a pris goût en quelque
00:10:22 sorte.
00:10:23 Et d'ailleurs, vous remarquerez que les parties amères des plantes, c'est les parties que
00:10:27 le végétal n'a pas envie qu'on mange.
00:10:29 Donc, a priori, c'est la tige, c'est le bulbe, c'est les feuilles.
00:10:32 Le fruit, en revanche, que la plante a envie de nous faire manger pour disperser les graines,
00:10:37 lui, il est sucré, il est doux.
00:10:38 Mais alors, quand les plantes ne voulaient pas que les animaux les mangent, elles étaient
00:10:41 amères déjà à ce moment-là.
00:10:43 Nous, quand on arrive, évidemment, comme on est plus grand, la dose d'amertume ne nous
00:10:49 répugne pas comme ça répugnait les animaux.
00:10:52 Oui, surtout les insectes.
00:10:53 Le principal ennemi des plantes, c'est quand même les petites bêtes.
00:10:57 C'est aussi leurs alliés, évidemment.
00:10:59 Et c'est pour ça qu'il ne faut pas mettre tous les insectes dans le même panier en
00:11:03 quelque sorte et tous les flinguer avec des pesticides, parce que les insectes nous apportent
00:11:06 beaucoup plus de plantes qu'ils nous en retirent au niveau des cultures.
00:11:09 Mais n'empêche que les insectes, la plante a besoin de se défendre, de défendre en
00:11:13 tout cas ses feuilles et ses tiges face aux insectes.
00:11:15 Pour ça, elle leur met de l'amertume.
00:11:17 Mais nous, comme on est beaucoup plus gros, c'est sûr que la dose n'est pas la même.
00:11:22 Donc une dose qui est faite pour mettre K.O. un puceron, pour nous, c'est juste une salade
00:11:26 roquette agréable.
00:11:27 C'est ça.
00:11:28 Donc après le sucré, le salé, l'acide et l'amère, on a découvert un cinquième
00:11:34 goût de base.
00:11:35 Ce sont les Japonais qui l'ont découvert.
00:11:37 C'est l'umami.
00:11:38 Alors l'umami, ça vient d'où et c'est quoi et ça ressemble à quoi ?
00:11:41 Donc les goûts de base, c'est ceux qui sont détectés directement par notre bouche.
00:11:46 Effectivement, on a longtemps pensé qu'il n'y avait que salé, sucré, acide et amère.
00:11:49 Seulement les Japonais, eux, considéraient qu'il y en avait un cinquième.
00:11:53 Et des scientifiques dans les années 60 ont découvert qu'on avait un récepteur pour
00:11:57 ça.
00:11:58 C'est l'umami.
00:11:59 On pourrait le décrire comme une sauce de très savoureuse, une sensation savoureuse
00:12:03 qu'on retrouve dans la sauce soja, dans le viandox, dans les tomates séchées un peu
00:12:08 mûres, dans les charcuteries.
00:12:12 Le parmesan aussi.
00:12:13 Le parmesan, les oignons.
00:12:15 Quand on fait cuire des oignons avant une recette, qu'on les fait revenir dans du beurre,
00:12:18 c'est ce goût d'umami qui ressort la soupe à l'oignon.
00:12:21 Voilà tout ça.
00:12:22 C'est dû à un certain nombre de molécules, dont le glutamate, qui est d'ailleurs utilisé
00:12:27 comme exhausteur de goût pour ça.
00:12:29 Notamment dans les restaurants vietnamiens.
00:12:31 Voilà, dans les restaurants vietnamiens, il y en a plein, mais qui en fait est présent
00:12:34 naturellement dans plein de composés et dans la nature, notamment dans les fruits mûrs.
00:12:39 Parce que c'est comme ça, c'est grâce à ça que la plante nous indique de consommer
00:12:42 son fruit au bon moment, au moment où il est prêt à ce qu'on aille planter ses graines.
00:12:46 C'est pour ça que la tomate mûre, par exemple, elle se gorge de saveur umami et de composé
00:12:51 umami au moment où elle est prête à être consommée.
00:12:53 Il paraît que l'umami aussi est présent dans le lait maternel.
00:12:56 Il paraît qu'il y en a d'énormes quantités et ça sert à guider le bébé vers le lait.
00:13:03 Alors il y aurait aussi l'huile.
00:13:05 L'huile, ce serait une sixième saveur de base.
00:13:08 Voilà, on en a encore ajouté une de plus en 2015.
00:13:11 2015, très récent.
00:13:13 Il n'y a pas de goût pour décrire le goût du gras.
00:13:15 Les scientifiques en ont inventé un, l'oléo gustus.
00:13:18 Et a priori, le gras a bien un goût qu'on détecte avec des récepteurs spéciaux dans
00:13:23 notre bouche, de même qu'on a le goût du sucré.
00:13:25 On pensait avant que c'était qu'un exhausteur de goût, le gras.
00:13:28 En fait, non, c'est un goût à part entière.
00:13:30 C'est une saveur à part entière et ça, c'est facile de la décrire quand même.
00:13:34 A priori, tous ceux qui ont goûté l'huile savent.
00:13:37 L'huile, du beurre, on sait bien.
00:13:38 Donc avec ces six saveurs primaires, notre goût est au complet.
00:13:42 Voilà, notre goût est au complet.
00:13:44 En tout cas, ce que nos papilles gustatives sont capables de reconnaître.
00:13:47 Au niveau des papilles gustatives, après, il y a plein de sensations qui sont captées
00:13:50 par le nez, où là, il y a plein d'arômes comme les arômes des fruits, des oranges,
00:13:56 des huiles essentielles, des choses comme ça, qu'en fait, on les sent, mais on a l'impression
00:14:00 de les goûter.
00:14:01 Donc ça aussi, ça a beaucoup d'histoires à nous raconter sur nos liens avec le vivant.
00:14:05 Vous venez de parler d'orange.
00:14:06 C'est quoi la différence entre le citron et l'orange ?
00:14:08 C'est deux espèces différentes, c'est deux fruits différents.
00:14:11 Et on sent bien qu'il y a deux goûts différents.
00:14:14 On le sait depuis qu'on est gamin.
00:14:15 Les bonbons jaunes, c'est au citron.
00:14:16 Les bonbons oranges, c'est à l'orange et ça n'a pas le même goût.
00:14:19 Et pourtant, c'est la même molécule qui produit les deux arômes, qui sont captés
00:14:24 par notre nez, mais c'est la même molécule qui produit les deux arômes.
00:14:27 La seule différence, c'est que dans le citron, elle est sous une forme et dans l'orange,
00:14:32 elle est sous la forme symétrique dans un miroir.
00:14:34 C'est-à-dire qu'il faut se dire que c'est comme une main droite et une main gauche.
00:14:38 C'est une molécule qui est faite exactement de la même façon que l'autre, mais elles
00:14:41 ne sont pas superposables.
00:14:43 Nos deux mains, une main droite et une main gauche, c'est fait de la même façon, mais
00:14:45 ça ne se superpose pas.
00:14:46 Et comme dans notre nez, les récepteurs fonctionnent aussi selon leur latéralité, eh bien ça
00:14:53 provoque des sensations très différentes dans le citron et dans l'orange.
00:14:56 C'est extraordinaire.
00:14:57 Vous avez des questions à lui poser ? Vous pouvez lui demander n'importe quoi sur tous
00:14:59 les aliments, non ?
00:15:00 Il y a beaucoup d'aliments qui ont été créés par l'homme et ce n'est pas spontanément
00:15:05 à la nature.
00:15:06 Le citron, par exemple, ce n'est pas une création…
00:15:08 Alors, il y a beaucoup d'aliments qui ont été créés par des croisements, effectivement.
00:15:12 Le citron, non, mais la mandarine et la clémentine, oui.
00:15:15 Donc, c'est en croisant des espèces.
00:15:17 Je sais que j'ai mangé il y a une quinzaine de jours, presque par hasard, une mandarine
00:15:21 citron, assez curieuse.
00:15:23 Elle y a les deux goûts dans le même fruit.
00:15:25 Est-ce que c'est de l'ingénierie génétique ?
00:15:27 On en voit de plus en plus, effectivement.
00:15:29 J'en ai mangé une aussi il y a à peu près un mois et c'est très étonnant.
00:15:33 Ça fait un goût un peu entre les deux.
00:15:35 Je pense qu'il contient les deux molécules, justement, de l'orange et du citron, mais
00:15:38 je ne suis pas sûr, les deux formes.
00:15:39 Non, mais c'est des croisements et c'est de l'agronomie, mais ça reste des espèces
00:15:44 qu'on fait se rencontrer.
00:15:45 C'est quelque chose de naturel.
00:15:46 C'est pour ça que c'est très intéressant de revenir aux origines, comme vous le faites
00:15:49 dans votre livre.
00:15:50 Aujourd'hui, on sait beaucoup plus de choses qu'il y a 20 ou 30 ans dans ce domaine-là.
00:15:53 Tout ce que vous nous racontez là, il y a plein de choses qu'on ne savait pas il y a
00:15:56 30 ans.
00:15:57 Avec les progrès de la génétique, voilà, c'est des histoires très anciennes, mais
00:15:59 qu'on ne connaît que depuis très peu de temps.
00:16:00 Actimel Karoui ?
00:16:02 J'avais une question sur la séduction des plantes vis-à-vis des espèces qui vont les
00:16:09 disséminer.
00:16:10 Vous dites que la plante fait en sorte que le fruit soit sucré, mais comment la plante
00:16:16 sait qu'il faut qu'il soit sucré pour avoir du succès ? Et puis, comment surtout
00:16:21 ça change ?
00:16:22 Comment marche la loi de l'évolution ?
00:16:25 C'est ça, c'est la loi de l'évolution.
00:16:27 Donc, c'est vraiment des essais et des erreurs.
00:16:31 C'est une plante qui va avoir des fruits sucrés et des fruits moins sucrés, et c'est
00:16:36 les fruits les plus sucrés qui vont se disperser le mieux et ensuite avoir plus de succès
00:16:40 et ainsi de suite.
00:16:41 Et leurs graines vont être plantées dans la nature et se disséminer.
00:16:44 Donc, celles-là auront plus de succès, il y en aura plus la génération d'après.
00:16:47 Puis pour l'animal, pareil, celui qui sentait le mieux le goût du sucre et qui était le
00:16:51 plus sensible, il va devenir plus gros, en meilleure santé, et donc il va donner plus
00:16:55 de descendance.
00:16:56 Bill Thomas, il nous reste deux minutes.
00:16:58 Racontez-nous l'histoire de la pistache, puisqu'elle commence votre livre.
00:17:01 Pourquoi la pistache ?
00:17:02 Ça, c'est une histoire de séduction aussi, mais par rapport aux insectes, par rapport
00:17:08 aux fleurs, en fait.
00:17:09 Je parle de la pistache et c'est un peu un fil rouge qui revient dans mon livre parce
00:17:13 que c'est un pistachier qui existe encore aujourd'hui au Jardin des Plantes qui a
00:17:17 permis à l'homme de comprendre que les fleurs étaient l'organe reproducteur des
00:17:22 plantes.
00:17:23 Avant ça, on ne le comprenait pas, ou plutôt on ne voulait pas le comprendre parce que
00:17:26 pour l'Église, c'était absolument tabou l'idée que des fleurs puissent être le
00:17:30 sexe des plantes.
00:17:31 Les fleurs, c'était ce qu'on mettait dans les églises, ça doit être chaste
00:17:35 et immaculé.
00:17:36 Et donc, grâce à un pistachier qui vivait au Jardin des Plantes et qui est encore là
00:17:41 aujourd'hui, Sébastien Vaillant, un botaniste en 1717, a pu faire une expérience en secouant
00:17:47 du pollen sur des étamines parce que les pistachiers, il y a des arbres mâles et des
00:17:50 arbres femelles, et il a pu démontrer comme ça scientifiquement que les plantes avaient
00:17:55 besoin du pollen et des étamines via les fleurs pour se reproduire.
00:17:58 C'est un peu grâce à ça qu'on connaît toutes ces histoires maintenant de fruits,
00:18:02 d'évolution, etc.
00:18:03 Et c'est grâce à lui qu'on connaît la pistache.
00:18:05 On l'avait déjà.
00:18:07 Il le faisait déjà empiriquement au Proche-Orient, ça vient de Turquie, de ces zones-là.
00:18:13 C'est une des toutes premières pistaches à être arrivées en France, et sans doute
00:18:16 la première à être cultivée à Paris.
00:18:19 Et cet arbre est toujours là, c'est ça qui est extraordinaire.
00:18:22 Il est toujours là au Jardin des Plantes à Paris.
00:18:24 Exactement, et ça fait quand même depuis exactement trois siècles.
00:18:27 Il en a vu des choses.
00:18:28 C'est le moins qu'on puisse dire.
00:18:30 On continuera ce voyage avec Bill Thomas tout au long de cette émission.
00:18:34 Il va nous raconter comment sont arrivées les légumes, la viande, le fromage, le dessert,
00:18:40 forcément.
00:18:41 Mais d'abord, une pause, et on se retrouve juste après.
00:18:46 On va s'intéresser à la fin du libre-échange que nous promet Akim El Karoui.
00:18:57 Les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit.
00:18:59 Akim El Karoui, vous êtes consultant dans un cabinet international de conseil en stratégie.
00:19:04 Vous êtes l'auteur, entre autres, de "Réinventer l'Occident", un livre de 2010 sur la désoccidentalisation
00:19:10 du monde.
00:19:11 On en parle beaucoup aujourd'hui.
00:19:12 Si je vous invite dans les visiteurs du soir, c'est que vous venez de publier une tribune
00:19:15 dans l'Opinion où vous annoncez la fin du libre-échange.
00:19:19 On va voir ce qu'en pense un économiste libéral comme Jean-Marc Daniel, l'auteur d'une histoire
00:19:25 de l'économie mondiale qui va des chasseurs-cueilleurs à Joe Biden et Xi Jinping.
00:19:29 On va voir aussi ce qu'en pense un éminent spécialiste de la Chine comme François Godeman.
00:19:35 Même l'Union européenne aurait fini par se résoudre à ne plus être libre-échangiste
00:19:45 à tout crin, comme elle l'a été.
00:19:46 Pourquoi est-ce que vous annoncez ça aujourd'hui ? Qu'est-ce qui vient de se passer ?
00:19:49 Il y a eu trois événements qui se sont suivis.
00:19:53 Le dernier en date, c'est celui de l'Europe qui, avec Thierry Breton, annonce un grand
00:19:58 plan de réindustrialisation.
00:20:00 Ça veut dire quoi ? C'est des subventions publiques.
00:20:01 Ce plan est une réponse à un autre grand plan américain, cette fois l'IRA, l'Inflation
00:20:07 Reduction Act, 400 milliards de dollars pour subventionner la transition écologique, en
00:20:13 gros subventionner la construction industrielle aux États-Unis.
00:20:16 Et ce plan est lui-même une réponse à un grand plan chinois qui datait d'il y a 7
00:20:21 ou 8 ans, qui était un plan technologique.
00:20:23 Le fait que des grands ensembles économiques régionaux comme la Chine, les États-Unis
00:20:28 et l'Europe se dotent d'une politique industrielle, basée sur la subvention publique, fait que
00:20:35 d'une certaine manière, on est en train de sortir du libre-échange.
00:20:38 Au sens où jamais l'Europe, il y a encore 3 ans, 5 ans, et Breton est très fier de
00:20:43 ça, jamais l'Europe n'aurait accepté qu'il y ait une distorsion de concurrence, parce
00:20:46 que la subvention publique, c'est une forme de distorsion de concurrence.
00:20:49 Vous êtes d'accord Jean-Marc Daniel ? Vous faites la même analyse ?
00:20:53 Je ne fais pas la même analyse.
00:20:54 Qu'il y ait des tentatives, des tentations protectionnistes, ça a toujours existé.
00:20:58 Il y a toujours eu des gens qui ont...
00:21:00 C'est d'ailleurs ce que disait James Tobin, dont le nom avait été associé à la taxe
00:21:04 Tobin et à Attac, qui était un mouvement protectionniste.
00:21:07 Il avait protesté contre l'utilisation de son nom en disant deux choses, en disant assez
00:21:13 unanimement...
00:21:14 Il y a une seule chose sur les économistes qui sont en général d'accord, à part une
00:21:17 infime minorité, c'est sûr, les vertus du libre-échange et la nécessité de promouvoir
00:21:21 systématiquement le libre-échange comme élément de concurrence et comme élément
00:21:25 d'amélioration de la croissance économique.
00:21:27 Et la deuxième chose qu'il disait, c'est que c'est un domaine dans lequel les économistes
00:21:31 sont en permanence en opposition avec l'opinion publique.
00:21:33 L'opinion publique est assez naturellement protectionniste, ce qui fait que les hommes
00:21:37 d'État sont officiellement protectionnistes et insidieusement libre-échangistes, parce
00:21:41 qu'ils ont conscience que le libre-échange, c'est la façon la plus efficace d'agir.
00:21:45 Ce qui est intéressant dans ce qui se passe et dans les exemples que l'on prend sur les
00:21:48 subventions, c'est que le protectionnisme autrefois, c'était de mettre des droits de
00:21:52 douane.
00:21:53 Maintenant, c'est de subventionner des gens pour qu'ils soient sur votre territoire.
00:21:56 Et en fait, ce que l'expliquent bien les libre-échangistes, les économistes, c'est qu'il y a trois types
00:22:01 de mouvements dans la surface de la planète.
00:22:03 Il y a les mouvements des marchandises, qui étaient effectivement celles qui arrêtaient
00:22:05 les droits de douane.
00:22:06 Il y a les mouvements des capitaux et il y a les mouvements des hommes.
00:22:09 Et si vous subventionnez, non seulement vous n'allez pas freiner le mouvement des capitaux,
00:22:13 mais au contraire, vous allez les amplifier.
00:22:15 Concrètement, quand les Américains disent qu'ils vont subventionner les usines qui
00:22:19 vont fabriquer des produits décarbonés, déjà les entreprises européennes ont annoncé
00:22:24 qu'elles allaient y aller.
00:22:25 C'est à ce moment-là que Emmanuel Macron est allé aux États-Unis et il a dit "attention,
00:22:29 ils sont en train de devenir protectionnistes".
00:22:30 Oui, sauf que concrètement, les entreprises européennes vont s'installer aux États-Unis,
00:22:35 ce qui fait que les propriétaires de ces entreprises européennes vont bénéficier
00:22:39 des subventions des Américains.
00:22:41 C'est-à-dire que le contribuable américain va payer les dividendes encaissés par les
00:22:46 épargnants européens.
00:22:47 Donc, il y a une sorte de libre-échange par circulation des capitaux qui va se mettre
00:22:51 en place.
00:22:52 Et puis, le troisième élément, c'est la circulation des hommes.
00:22:54 Et on n'a jamais assisté à une circulation des hommes aussi généreuse, aussi abondante,
00:22:58 même si là aussi, encore une fois, les gouvernements n'arrêtent pas de dire qu'il n'en est pas
00:23:02 question.
00:23:03 Et donc, je pense que le libre-échange en ce sens de liberté de circulation des hommes,
00:23:07 des marchandises et des capitaux, non seulement n'est pas en danger, mais au contraire, il
00:23:11 va s'amplifier.
00:23:12 On va investir de plus en plus en Inde, on va investir de plus en plus au Vietnam, on
00:23:16 va profiter des subventions américaines.
00:23:18 Et l'Europe, elle n'est pas fondamentalement anti le libre-échange, puisque c'est la zone
00:23:22 qui gagne le plus au commerce international.
00:23:24 Donc, son intérêt simple, c'est de ne pas essayer de porter atteinte à ce commerce
00:23:27 international.
00:23:28 Jean-Marc Daniel qui nous faisait la mondialisation heureuse.
00:23:31 Absolument.
00:23:32 On fait une pause.
00:23:34 C'est le rappel des titres Isabelle Piboulot et on revient ensuite la fin du libre-échange
00:23:38 ou pas.
00:23:39 C'est ce qu'on va voir.
00:23:40 Près de 950 hectares de végétation ont ravagé dans les Pyrénées-Orientales.
00:23:48 Entre les communes de Cerbère et Bagnoles-sur-Mer, 500 sapeurs-pompiers sont à pied d'œuvre.
00:23:53 L'origine du feu reste à déterminer.
00:23:56 A noter que la région est particulièrement touchée par l'absence de précipitation et
00:24:00 la sécheresse des sols.
00:24:02 Le ministre de l'Intérieur se rendra sur place tôt demain matin.
00:24:05 Nouvelle fusillade dans le sud des Etats-Unis.
00:24:09 Au moins quatre personnes sont décédées et 15 ont été blessées à Dadeville, petite
00:24:14 localité de l'Alabama.
00:24:16 Un tireur a ouvert le feu samedi soir, visant une salle de danse où une adolescente de
00:24:21 16 ans fêtait son anniversaire.
00:24:23 Une enquête est en cours.
00:24:25 Et puis en moto GP, l'Espagnol Alex Rins remporte le Grand Prix des Amériques à Austin, devant
00:24:31 l'Italien Luca Marini.
00:24:33 Le Français Fabio Quartararo, lui, termine troisième et signe aux Etats-Unis son premier
00:24:39 podium de la saison.
00:24:41 Le Grand Prix a été marqué par la chute du champion en titre Francesco Bagnaia, alors
00:24:46 que l'Italien était en tête.
00:24:48 Kim Il-Kaoui, dans votre article qui est paru dans l'Opinion, intitulé "La fin du
00:25:01 libre-échange", vous remontez.
00:25:04 Évidemment, il y a eu la "Flashing Reduction Act" de Joe Biden, mais déjà sous Barack
00:25:10 Obama, sur Donald Trump, l'Amérique avait commencé à renouer avec l'idée du protectionnisme,
00:25:18 aussi pour se défendre contre la Chine.
00:25:19 Pour se défendre contre la Chine, d'abord contre la crise économique.
00:25:22 On se souvient que General Motors a été nationalisé par Barack Obama.
00:25:26 Et puis ensuite, oui, depuis Trump, mais en fait depuis toujours, les Américains ont
00:25:32 eu un discours libre-échange et puis des pratiques qui étaient protectionnistes.
00:25:36 Ils ont, sur les domaines qui jugent stratégiques, sur lesquels ils n'étaient pas bons, pas
00:25:41 compétitifs, ils mettaient des droits de douane, ce qu'ils ont fait sur l'acier, par exemple,
00:25:44 avec Trump, ils l'avaient fait déjà avant, y compris contre le Canada.
00:25:48 Le sujet qui est intéressant sur le libre-échange, ce n'est pas le commerce.
00:25:51 Et c'était ça le sujet de mon livre il y a quelques années.
00:25:53 Le sujet du libre-échange, c'est les classes moyennes.
00:25:56 Et notamment les classes moyennes occidentales.
00:25:58 Parce que les classes moyennes occidentales, elles, elles vivent dans leur vie quotidienne
00:26:02 le libre-échange.
00:26:03 D'un côté, on leur dit "c'est mieux", il y a tout le débat actuel sur l'inflation,
00:26:07 c'est mieux parce que ça fait baisser les prix.
00:26:08 Et puis de l'autre côté, on met en compétition des gens qui ont un niveau de productivité
00:26:13 qui n'est pas si différent.
00:26:14 Et à la fin, ce qu'ils voient, c'est toute une capacité industrielle qui part.
00:26:19 Elle ne peut partir pas très loin, en Europe de l'Est, elle peut partir beaucoup plus
00:26:22 loin en Chine.
00:26:23 Mais la question du libre-échange, c'est une vraie question démocratique.
00:26:26 Parce que c'est, est-ce que nous, classes moyennes, en l'occurrence occidentales,
00:26:30 est-ce qu'on a un avenir ? Il me semble que ce qui est intéressant sur les dix dernières
00:26:33 années, et c'est là où les politiques et les économistes ont des intérêts qui
00:26:36 sont divergents, c'est que en Grande-Bretagne, d'une autre manière, aux États-Unis, d'une
00:26:40 certaine manière, en Europe occidentale, en tout cas très, très à l'Ouest, c'est-à-dire
00:26:45 en France, il y a un vrai débat sur, il y a une vraie angoisse des classes moyennes
00:26:49 sur c'est quoi notre avenir.
00:26:51 Et quand on voit la montée en puissance technologique, intellectuelle, scientifique de la Chine,
00:26:57 mais aussi de l'Inde, quand on voit le fait que l'avenir ne s'écrit plus en langage
00:27:01 occidental, puisqu'on nous a dit, oui, mais les Chinois, ce n'est pas grave, ils vont
00:27:05 devenir comme nous, c'est-à-dire des démocrates et des libéraux, c'est raté.
00:27:09 Et quand on voit aujourd'hui en plus, et c'est le débat de l'Ukraine, qu'on a perdu
00:27:13 le monopole du récit, le récit, ce n'est plus l'Occident qui le construit.
00:27:16 Les classes moyennes occidentales disent, c'est quoi notre avenir ? Là, c'est le
00:27:20 début du populisme.
00:27:21 Donc le libre-échange, ce n'est pas qu'un débat économique, c'est aussi un grand
00:27:24 débat politique.
00:27:25 François Godeman, vous qui êtes un grand spécialiste de la Chine, la Chine a toujours
00:27:30 prôné le libre-échange, mais en fait, elle a toujours été extrêmement protectionniste.
00:27:34 Si on veut vendre une voiture en Chine, on est beaucoup plus taxé que les Chinois quand
00:27:39 ils vendent une voiture en Europe.
00:27:41 Oui, il vaut mieux la produire sur place d'ailleurs, depuis longtemps.
00:27:44 Je vais faire quelques remarques générales.
00:27:46 D'abord, la première, c'est que dans les fêtes, le commerce international se porte
00:27:49 très bien.
00:27:50 Il a parfaitement rebondi après le Covid.
00:27:52 Les échanges internationaux, ils augmentent, ils ne diminuent pas.
00:27:54 Deuxièmement, les excédents et les déficits augmentent aussi.
00:28:01 Le déficit européen, il existe maintenant.
00:28:04 Vous parlez du déficit du commerce extérieur.
00:28:06 Du commerce extérieur, il existe alors que jusqu'ici, effectivement, les pays les plus
00:28:12 exportateurs compensaient les pays un peu plus faibles.
00:28:15 Les États-Unis vivent depuis longtemps avec un déficit commercial massif.
00:28:17 La Chine, en 2022, a engrangé plus de 1 000 milliards de dollars d'excédents commerciaux.
00:28:23 Ça fait à peu près un tiers du PIB français, si vous voulez, en une année.
00:28:26 Donc, dans les fêtes, les échanges existent.
00:28:29 Ce qui se passe effectivement, comme l'a dit Akemel Karoui, c'est que les opinions,
00:28:33 elles, elles évoluent.
00:28:34 Il y a 50 ans, les avocats du tiers monde, ils nous faisaient la théorie de l'échange
00:28:39 inégal au détriment des économies en développement.
00:28:41 Aujourd'hui, beaucoup de ces économies en développement sont des économies en émergence
00:28:46 qui exportent, qui nous rattrapent plus ou moins sur le plan industriel, qui commencent
00:28:51 à faire jeu égal.
00:28:52 On ne s'en est pas ému autant que ça quand il y avait la délocalisation de cols bleus
00:28:56 d'emplois ouvriers.
00:28:57 À partir du moment où ça touche d'autres catégories, ça devient très important.
00:29:01 Et il y a donc un facteur d'opinion publique.
00:29:02 Akemel Karoui a tout à fait raison de dire que les politiques, eux, y prêtent attention
00:29:06 à l'opinion publique.
00:29:07 Mais la Chine, elle, elle a bénéficié du fait qu'elle a été admise dans le commerce
00:29:13 international avec une situation favorable.
00:29:16 Quand elle a été admise, elle avait 280 dollars de revenus par tête.
00:29:20 L'entrée de la Chine dans l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce.
00:29:22 En 78, c'est avant la libéralisation.
00:29:25 L'OMC est une étape, mais en fait, tout ça, ce mouvement a commencé en 78.
00:29:28 Elle avait 280 dollars de revenus par habitant.
00:29:30 Aujourd'hui, elle en a plus de 12 000.
00:29:33 Et c'est pour 1,4 milliard d'habitants.
00:29:37 Et elle a bénéficié de règles.
00:29:39 Elle pouvait protéger.
00:29:41 Elle était exempte d'ouverture sur les services, par exemple, presque totalement.
00:29:46 Et elle pouvait subventionner.
00:29:47 Donc, c'est cette situation-là qui est partie du moment où vous avez la première puissance
00:29:51 industrielle mondiale, elle est en Chine.
00:29:53 Pas la première économie globalement, mais la première puissance industrielle est en Chine.
00:29:57 Là, les règles du jeu commencent à être faussées.
00:29:58 Et pour couronner le tout, le libéralisme se porte peut-être bien, mais le thermomètre,
00:30:03 le juge de paix, l'OMC est en panne.
00:30:06 Et ça, c'est très embêtant, parce qu'il n'y a pas de libre-échange sans conflit
00:30:09 et sans résolution des conflits.
00:30:10 - Kim El-Karoui, quand vous dites "c'est la fin du libre-échange",
00:30:14 est-ce que vous entendez par là que c'est aussi la fin de la mondialisation
00:30:17 ou c'est la fin d'un marché mondial qui a régné pendant un moment,
00:30:21 alors que les démocraties sont nationales, le marché lui est mondial ?
00:30:26 Ou est-ce que c'est une fragmentation du marché mondial,
00:30:30 ce que d'autres analysent aussi, c'est-à-dire que tout à coup,
00:30:34 on va se replier un peu sur nos grands ensembles économiques,
00:30:39 l'Europe d'un côté, l'Amérique, l'Asie ?
00:30:41 - C'est le paradoxe qu'évoquaient nos invités jusqu'à présent.
00:30:47 Si on regarde les chiffres, il n'y a jamais eu autant d'échanges.
00:30:51 Si on regarde le discours politique,
00:30:53 pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale,
00:30:55 maintenant on a des grands leaders d'économie libérale qui disent
00:31:00 "il faut arrêter, le grand thème c'est la naïveté".
00:31:04 Bernard Védrine disait il y a 20 ans qu'il fallait arrêter d'être naïf,
00:31:07 moi-même j'avais écrit qu'il fallait faire de la souveraineté économique européenne.
00:31:10 Tout ça a été, et je me faisais traiter de fasciste par Piketty, il y a 15 ans.
00:31:15 Tout ça est devenu totalement mainstream aujourd'hui.
00:31:17 La question c'est qu'est-ce qu'on fait vraiment ?
00:31:20 En Europe on fait très peu,
00:31:22 on a fait un plan de relance à la fin du Covid,
00:31:24 et puis là, avec une partie de l'argent du plan de relance qui n'a pas été utilisé,
00:31:28 on va faire un plan d'investissement industriel,
00:31:31 à la suite de ce qu'a fait la France et de ce qu'a fait l'Allemagne.
00:31:34 En réalité, on est dans un monde qui est très ouvert sur le plan des échanges,
00:31:40 mais ce qui a changé, ce n'est pas pour des raisons économiques,
00:31:43 c'est pour des raisons politiques.
00:31:44 Pour des raisons politiques, on est en train de se régionaliser.
00:31:48 Les Américains disent qu'on arrête un certain nombre de produits chinois.
00:31:52 On parle de découplage, François Godeman sait ça parfaitement,
00:31:55 en fait on n'est pas du tout en train de découpler l'économie américaine et l'économie chinoise,
00:31:59 on est en train de découpler certains pans de l'économie américaine de l'économie chinoise.
00:32:04 On a vu le sujet des semi-conducteurs.
00:32:06 Les Européens, qui étaient pour eux-mêmes, d'abord pour eux-mêmes,
00:32:09 absolument hostiles aux aides d'État, sont en train de les inventer.
00:32:13 Ils sont en train de les inventer pour eux, Européens, versus le reste du monde,
00:32:17 mais c'est quand même un grand changement à l'intérieur de la Commission européenne,
00:32:20 par exemple la direction de la concurrence, c'est plus très bien ouéla-bite.
00:32:24 Et puis les Chinois qui rigolaient, on se souvient de Xi Jinping qui allait à Davos,
00:32:28 je crois que c'était il y a deux ou trois ans,
00:32:30 pour dire qu'il était lui le chantre du libre-échange,
00:32:33 alors que Trump était un méchant communiste ou socialiste.
00:32:37 Bon, ça a toujours été une blague, les Chinois n'ont jamais été ouverts aux échanges.
00:32:41 Pour vendre une voiture en Chine, il faut effectivement la construire,
00:32:45 il faut être enjivé avec une entreprise chinoise,
00:32:48 le secteur financier est quasiment interdit, etc.
00:32:51 Les Européens y sont allés, les Américains y sont allés,
00:32:53 pour une raison très simple, c'est qu'ils y gagnaient.
00:32:55 Beaucoup.
00:32:56 Mais là, ce qui a changé, c'est que les Allemands, tout à coup,
00:32:59 se mettent à l'idée des subventions.
00:33:02 Oui, alors les Allemands, ça fait 7-8 ans qu'ils ont commencé à s'interroger,
00:33:07 notamment quand une de leurs pépites de machines-outils, KUKA,
00:33:11 a voulu être achetée par une entreprise chinoise.
00:33:14 Là, ils ont eu un petit réflexe de protection.
00:33:17 Et puis maintenant, effectivement, ils sont en partie en difficulté,
00:33:21 mais ils ont une vraie question, les Allemands, c'est que c'est la politique,
00:33:25 c'est pas l'économie.
00:33:26 Ils savent qu'ils dépendent trop de la Chine.
00:33:27 Je crois que la Chine, c'est 25% des profits de Volkswagen.
00:33:30 Avec ce qui s'est passé en Ukraine, aujourd'hui,
00:33:33 tous les conseils d'administration des grandes entreprises mondiales ont dit,
00:33:36 c'est quoi votre scénario post-Taïwan ?
00:33:39 C'est quoi votre scénario si la Chine attaque,
00:33:42 en cercle, ce monde extraordinairement agressif vis-à-vis de Taïwan ?
00:33:45 Et ça, les Allemands, un peu comme ils étaient trop exposés aux gaz russes,
00:33:48 ils sont trop exposés au commerce avec la Chine.
00:33:51 Donc, c'est pas l'économie qui drive, c'est la politique.
00:33:54 Et en l'occurrence, c'est plutôt la géopolitique.
00:33:56 Et puis derrière, pour moi, et c'est ça qui est important,
00:33:58 c'est la montée du populisme.
00:33:59 La montée du populisme est extraordinairement liée à l'évolution du libre-échange.
00:34:03 C'est aussi le fait qu'il y a eu la pandémie de Covid,
00:34:06 puis la guerre en Ukraine, et que tout à coup, on s'est rendu compte
00:34:08 que la mondialisation telle qu'on l'avait pratiquée depuis 25 ou 30 ans,
00:34:14 ça avait ses limites.
00:34:15 Il suffisait tout à coup que les containers s'arrêtent tous en bouteilles
00:34:21 dans le canal de Suez et il nous manquait tout.
00:34:23 Oui, y compris le doliprane.
00:34:25 Et puis, il y a un autre élément dans ce que vous évoquez,
00:34:28 et qu'il faut ajouter à ce que vous évoquez, c'est quand même le climat.
00:34:31 Parce que le libre-échange, c'est pas très, très bon pour le carbone.
00:34:35 Jean-Marc Daniel ?
00:34:36 Oui, d'abord sur le diagnostic, j'affirme l'idée que l'Europe est en déficit.
00:34:40 L'Europe a été en déficit l'année dernière parce qu'effectivement,
00:34:43 le prix de l'énergie avait augmenté, le prix des céréales avait augmenté,
00:34:46 mais ces prix sont en train de s'effondrer au premier trimestre de cette année.
00:34:49 L'Europe va être en excédence sur le plan commercial
00:34:51 et sur le plan de ses comptes extérieurs.
00:34:53 Parce que quand on regarde les comptes d'un pays,
00:34:55 il y a les biens, encore une fois, qu'ils échangent, et puis il y a les capitaux.
00:34:58 Il faut bien voir que la mondialisation et l'internationalisation,
00:35:01 elles tiennent compte aussi de la démographie.
00:35:02 Les pays vieux, ils ont intérêt à exporter des capitaux,
00:35:05 dans les pays jeunes, parce qu'ils vont bientôt manquer de main d'œuvre.
00:35:08 L'Allemagne, le Japon, vous prenez le cas du Japon,
00:35:10 le Japon dégage encore des excédents extérieurs globalement,
00:35:13 mais est en déficit commercial.
00:35:15 C'est-à-dire que le Japon exporte de moins en moins,
00:35:17 parce que le Japon produit de moins en moins,
00:35:19 parce que la population active diminue.
00:35:21 En revanche, le niveau de vie augmente,
00:35:24 parce que la population tire des revenus,
00:35:26 des placements qui ont été effectués par les épargnants japonais
00:35:29 à la surface de la planète.
00:35:30 Le monde entier est détenu en partie par les Japonais,
00:35:33 et ensuite par les Allemands.
00:35:34 Et donc, l'équilibre d'un pays, c'est effectivement
00:35:38 à la fois ce qu'il est capable de produire,
00:35:40 ce qu'il est capable d'obtenir du reste du monde,
00:35:42 en lui vendant ou en ayant placé ses fonds dans le pays.
00:35:45 Vous avez eu une expression célèbre de Mme Merkel qui avait dit
00:35:48 "Ne nous faisons pas d'illusions,
00:35:49 compte tenu de l'évolution de notre démographie,
00:35:52 les retraites des Allemands seront payées par des Turcs."
00:35:54 La question est de savoir si ce sera par des Turcs
00:35:56 travaillant en Allemagne,
00:35:57 ou par des Turcs travaillant dans des usines propriétaires des Allemands.
00:36:02 Et donc, effectivement, quand on regarde au niveau de la surface
00:36:05 de la planète, on s'aperçoit que cette mondialisation
00:36:08 par la circulation des capitaux est en train, là aussi, de s'amplifier.
00:36:11 C'est-à-dire qu'on a beaucoup parlé de la Chine.
00:36:13 Effectivement, des gens ont connu des déconvenues en Chine.
00:36:16 L'Inde est en train de devenir la destination privilégiée
00:36:19 de beaucoup d'investissements étrangers,
00:36:21 dans des circonstances où, effectivement,
00:36:22 l'Inde est un pays plus jeune,
00:36:24 un pays dont la population continue à augmenter
00:36:26 et qui va prendre le relais.
00:36:28 Quant aux États-Unis,
00:36:29 les États-Unis, effectivement, c'est un déficit commercial
00:36:32 et un déficit de la balance des paiements comptes,
00:36:33 donc un déficit extérieur abyssal.
00:36:35 C'est 1 000 milliards de dollars,
00:36:37 980 milliards de dollars en réalité.
00:36:41 Et ça ne s'améliore pas.
00:36:42 C'est-à-dire que, bon, on parle des mesures protectionnistes
00:36:44 qui avaient été prises sur l'acier.
00:36:46 Bon, ça n'a servi à rien.
00:36:48 Le véritable enjeu pour les États-Unis,
00:36:50 c'est de préserver la prééminence du dollar,
00:36:53 de faire en sorte que ce déficit soit payé par des dollars.
00:36:55 Et pour l'instant, Mme Yellen l'a encore dit cette semaine,
00:36:59 elle a dit "je ne vois pas à l'horizon
00:37:01 des 30, 50 prochaines années,
00:37:05 la supprimatie du dollar remise en question".
00:37:08 - Pourtant, les Chinois et les Russes
00:37:11 aimeraient bien s'entendre pour que des...
00:37:12 - Mais oui.
00:37:13 - Pour que leurs échanges ne se fassent plus en dollars.
00:37:15 - Ils aimeraient bien, oui, mais à la fin des fins,
00:37:16 c'est quand même...
00:37:17 Tous les pays qui ont dit "écoutez,
00:37:19 on va passer au bitcoin pour se débarrasser du dollar"
00:37:21 et tout ça, dans la rue,
00:37:23 quand on a une monnaie qui est menacée dans la rue,
00:37:26 les gens, ils continuent à échanger des dollars.
00:37:28 Les prix sont encore fixés en dollars.
00:37:30 L'américanisation, parce que c'est plutôt une américanisation,
00:37:34 n'a jamais été aussi forte.
00:37:35 Et donc, la conséquence, c'est qu'effectivement,
00:37:37 il y a une forme d'uniformisation de la vie internationale
00:37:41 par l'américanisation qui va s'amplifier.
00:37:42 Alors, sur les classes moyennes,
00:37:44 les classes moyennes, effectivement, sur le plan politique,
00:37:46 on va dire que c'est le problème de l'étranger.
00:37:49 Je rappelle quand même que ça, encore une fois,
00:37:51 ça a toujours été le cas.
00:37:52 La première réunion faite par René Viviani
00:37:55 quand il est ministre du Travail,
00:37:56 nommé ministre du Travail en 1906,
00:37:58 il reçoit pour la première fois les patrons
00:38:00 et il leur demande qu'est-ce qui ne va pas.
00:38:02 Et ils lui disent deux choses.
00:38:03 Les charges sociales sont trop élevées en 1906.
00:38:07 Et la deuxième, nous subissons la concurrence internationale,
00:38:09 notamment celle de l'Allemagne.
00:38:11 Et bien, un siècle et demi après,
00:38:13 on dit exactement la même chose.
00:38:15 Ça n'a pas empêché de développer le commerce,
00:38:17 de développer la croissance.
00:38:19 Ce qui nuit aux classes moyennes,
00:38:20 c'est effectivement une mutation des emplois.
00:38:22 Là aussi, le progrès technique,
00:38:24 ça a commencé par supprimer les emplois des chevaux.
00:38:26 Ils se sont assez peu pleins.
00:38:28 Ensuite, ça a supprimé les emplois des cols bleus,
00:38:30 effectivement, qui se sont pleins de façon assez violente.
00:38:34 Tu as adhéré à des mouvements extrémistes
00:38:35 qui ont soutenu les communistes.
00:38:37 Maintenant, ça supprime les emplois des cols blancs.
00:38:42 Et donc, eux, ils se défendent d'une autre façon.
00:38:44 Alors, ils se défendent éventuellement
00:38:46 en votant pour les populistes,
00:38:47 mais ça ne veut pas dire qu'ils aient raison.
00:38:49 Ça ne veut pas dire qu'il faille les soutenir.
00:38:51 Ça ne veut pas dire qu'il faille expliquer à la population
00:38:54 que l'enjeu, ce n'est pas le protectionnisme
00:38:55 et le libre-échange, c'est sa capacité
00:38:57 à se former différemment.
00:38:59 Akim El-Karoui ?
00:39:00 Je trouve que ce qui est intéressant
00:39:01 en écoutant Jean-Marc Daniel,
00:39:03 c'est qu'on voit bien qu'il se passe deux phénomènes
00:39:05 qui n'ont rien à voir.
00:39:06 D'un côté, sur le plan économique,
00:39:08 ce que vous appelez l'américanisation,
00:39:10 moi, je dirais plus modestement
00:39:11 la dollarisation de l'économie mondiale, continue.
00:39:15 Et les Chinois, ils ont tellement de réserves en dollars
00:39:18 qu'ils n'ont pas forcément intérêt
00:39:19 à ce que la valeur du dollar baisse.
00:39:21 Et puis, de l'autre côté, sur le plan politique ou géopolitique,
00:39:25 la dollarisation de la politique mondiale, elle, elle baisse.
00:39:29 L'occidentalisation du monde, c'est fini.
00:39:31 Maintenant, on est dans un grand moment
00:39:33 de désoccidentalisation.
00:39:34 Et ce grand moment de désoccidentalisation,
00:39:36 c'est évidemment la montée de la Chine,
00:39:38 mais c'est aussi la réaction du Sud,
00:39:40 qu'on appelle aujourd'hui le Sud global,
00:39:41 c'est-à-dire tout le reste,
00:39:42 face à l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
00:39:46 Le Sud global a dit "c'est votre problème".
00:39:49 L'Occident a dit "mais vous êtes avec nous".
00:39:51 Le Sud global a dit "c'est votre problème".
00:39:54 Puis d'ailleurs, on est très désolés
00:39:56 parce que c'est nous qui payons les pocassets
00:39:57 de votre incapacité à gérer vos affaires.
00:40:00 Ça, c'est un très grand bouleversement.
00:40:03 Et quand je disais tout à l'heure
00:40:04 que l'Occident avait perdu le monopole du récit,
00:40:07 je pense que c'est à ce moment-là.
00:40:08 L'Ukraine, c'est ça pour moi la différence,
00:40:09 le grand changement.
00:40:11 Ce n'est pas un bouleversement géopolitique majeur.
00:40:13 Ce n'est pas vrai.
00:40:15 Et la Russie ne va pas attaquer la France.
00:40:17 Ce n'est pas vrai non plus.
00:40:18 La Pologne peut-être.
00:40:19 La France, ce n'est pas vrai.
00:40:20 Les États-Unis sont là.
00:40:21 Les États-Unis, qu'est-ce qu'ils ont fait ?
00:40:23 Ils ont montré aux Européens que sans eux,
00:40:25 il n'y avait pas d'Europe.
00:40:26 Donc, le président de la République dit
00:40:28 qu'il faut de l'autonomie stratégique.
00:40:30 C'est vrai.
00:40:31 On en parlera tout à l'heure.
00:40:32 Voilà.
00:40:32 S'il y a bien un événement qui va contre
00:40:35 cette idée d'autonomie stratégique européenne,
00:40:37 c'est l'Ukraine.
00:40:38 Mais le grand événement pour moi de l'Ukraine,
00:40:40 c'est que le reste du monde n'a pas suivi.
00:40:42 Et le reste du monde a dit "réglez vos problèmes".
00:40:46 Et puis, comme par ailleurs,
00:40:47 les Européens, les Occidentaux,
00:40:49 face à un événement qui, d'une certaine manière,
00:40:51 ressemblait beaucoup à l'Ukraine.
00:40:52 Je vais vous donner un exemple.
00:40:54 Vous savez combien il y a de morts au Yémen ?
00:40:56 400 000.
00:40:57 400 000 morts.
00:40:58 Dans un excellent livre de Michel Duclos,
00:41:00 qui est comme François et moi à l'Institut Montaigne,
00:41:04 il y a un analyste saoudien qui dit
00:41:06 "Bon, on n'a pas tant que ça à condamner
00:41:09 l'invasion de l'Ukraine par la Russie
00:41:11 parce que, d'une certaine manière,
00:41:12 l'Ukraine est à la Russie,
00:41:13 ce que le Yémen est à l'Arabie saoudite.
00:41:16 Par contre, le monde entier, l'Occident,
00:41:18 a condamné l'invasion de l'Ukraine
00:41:21 et n'a absolument rien dit sur le Yémen.
00:41:23 Et vu du sud, ça veut dire quoi ?
00:41:24 Ça veut dire que l'Occident,
00:41:26 il est malade de quelque chose
00:41:28 dont il n'arrive pas à se départir,
00:41:30 c'est le double standard.
00:41:31 Faites ce que je dis, faites pas ce que je fais.
00:41:33 En fonction de mes intérêts,
00:41:35 je dirais A ou je dirais B.
00:41:37 Et ça, ça décrédibilise totalement son récit.
00:41:41 Donc il vaudrait mieux que l'Occident
00:41:42 parle de ses intérêts plutôt que de ses valeurs
00:41:45 parce qu'en fait, ce que dit le sud,
00:41:46 c'est que non, ce n'est pas vos intérêts,
00:41:48 ce n'est pas vos valeurs, c'est vos intérêts.
00:41:50 Un autre débat intéressant aujourd'hui,
00:41:52 c'est le climat.
00:41:53 Le sud global, qu'est-ce qu'il dit ?
00:41:55 Il dit, vous nous demandez, à nous qui sommes pauvres,
00:41:57 en train d'émerger, de pénaliser nos économies
00:42:01 en investissement dans de l'énergie
00:42:04 qui est beaucoup moins rentable que le pétrole.
00:42:06 Qui a pollué la planète ?
00:42:08 C'est vous.
00:42:09 Ça, c'était le débat à Al-Sharm al-Shir
00:42:11 sur les pertes et les dommages.
00:42:13 Vous allez payer pour nous.
00:42:15 Les Occidentaux disent, ben non.
00:42:17 Alors au milieu, il y a les Chinois
00:42:18 parce que les Chinois disent,
00:42:18 mais nous, on est du sud global.
00:42:20 Ça, c'est fini, ce n'est pas vrai.
00:42:22 Oui, enfin, le carbone qui est dans l'atmosphère,
00:42:24 comme il met 30 ans à y rester,
00:42:25 c'est effectivement le nôtre.
00:42:26 Ce n'est pas celui des Chinois
00:42:28 et ce n'est pas celui non plus du sud global.
00:42:29 Ça commence à être celui des Chinois,
00:42:30 mais ce n'est vraiment pas celui des Indiens.
00:42:32 Pour le coup, ce n'est pas du tout celui des Africains.
00:42:34 Mais qui veut payer pour la transition énergétique
00:42:37 des Africains ?
00:42:39 Quasiment personne.
00:42:40 Donc voilà, pour moi, la dollarisation de l'économie, oui.
00:42:43 L'occidentalisation du monde, ça, c'est fini.
00:42:46 François Godemont.
00:42:47 Ce n'est pas que les Occidentaux, comme les autres,
00:42:49 ne fassent pas de l'arrière-politique
00:42:51 et ne vendent pas quelquefois
00:42:53 leurs intérêts sous le nom de valeur.
00:42:54 Mais c'est un discours que je trouve culpabilisant
00:42:57 et assez aberrant.
00:42:58 D'abord, le sud global, c'est une espèce de baudruche
00:43:00 qui ressuscite le tiers-monde.
00:43:02 En réalité, des pays avec des leaders dictatoriaux,
00:43:05 populistes, quelques démocraties,
00:43:08 qui chacun défend son intérêt,
00:43:09 qui regarde ce qui peut tirer de ce conflit
00:43:11 par rapport à nous.
00:43:12 Plus vous êtes pauvres, d'ailleurs, plus c'est nécessaire.
00:43:15 Ensuite, des pays qui sont,
00:43:18 si on prend l'exemple du climat,
00:43:20 de très, très, très loin les plus grands émetteurs aujourd'hui.
00:43:23 À l'apogée française,
00:43:25 je sais bien qu'on ne peut pas comparer la France à la Chine,
00:43:26 mais quand même, à l'apogée française,
00:43:28 on produisait 60 millions de tonnes de charbon.
00:43:30 La Chine en produit 4,5 milliards.
00:43:32 Vous croyez que ça ne va pas dans l'atmosphère,
00:43:34 les 4,5 milliards de tonnes de jardin ?
00:43:36 Les Indiens sont extraordinairement dépendants.
00:43:39 S'il y a une accélération qui se produit,
00:43:42 ça n'est plus à cause de nous.
00:43:43 Et ce n'est pas qu'on ne puisse pas faire plus.
00:43:45 Mais le problème désormais,
00:43:46 il se situe largement ailleurs.
00:43:48 Et c'est là qu'est le dilemme.
00:43:50 Sur l'Ukraine, évidemment, tout le monde est émaugré.
00:43:52 Nous aussi, on profite du gaz russe et du pétrole russe à bas prix.
00:43:55 Enfin, pas tellement à bas prix,
00:43:56 parce que les intermédiaires nous le revendent plus cher, finalement.
00:43:59 Donc, ce n'est pas parfait.
00:44:00 Ce qui compte pour nous sur le plan politique,
00:44:02 c'est que les Russes, eux, touchent moins d'argent
00:44:04 que s'ils le vendaient en direct.
00:44:05 Et ça, c'est une sanction pour la situation.
00:44:09 Les conflits, je suis désolé,
00:44:11 mais l'Ukraine est la terre des conflits les plus sanglants
00:44:13 de l'histoire de l'humanité.
00:44:15 Très franchement.
00:44:16 Ah oui, la Deuxième Guerre mondiale,
00:44:18 c'est une horreur et ce n'est pas le seul massacre qui a eu lieu.
00:44:22 Ça dépasse en intensité tout ce qu'on a pu voir.
00:44:26 Peut-être la guerre sino-japonaise sur certains plans,
00:44:28 mais même ça n'équivaut pas.
00:44:30 Donc, qu'on ait une sensibilité à ça, excusez-moi,
00:44:32 mais on n'a pas à s'excuser.
00:44:34 En réalité, ce qui est vrai,
00:44:35 c'est que les autres ne vont pas combattre à notre place
00:44:38 et qu'on a un problème comme européen par rapport aux Américains,
00:44:41 bien sûr, qui sont finalement, on en reparlera.
00:44:43 On en reparlera à partir de 23h.
00:44:45 On reviendra sur l'autonomie stratégique.
00:44:47 Mais restons sur la fin ou pas la fin du libre-échange.
00:44:50 J'aimerais que vous nous expliquiez, Jean-Marc Daniel,
00:44:52 je suis sûr que vous êtes le mieux placé pour le faire,
00:44:54 pourquoi l'Union européenne a-t-elle été la championne absolue du libre-échange ?
00:44:58 Pourquoi ? Est-ce que l'UE a été moins protectionniste que tout le monde ?
00:45:02 Et c'est pour ça que si elle commence à le devenir un peu,
00:45:05 ce serait quand même un sacré événement,
00:45:07 parce que ça fait des années qu'on rentre en Union européenne comme dans un moulin.
00:45:12 Alors qu'on se heurte à des barrières douanières un peu partout,
00:45:17 nous, on a l'impression qu'on ne veut surtout pas en avoir.
00:45:20 Et la lutte en faveur, plus exactement, de la concurrence est générale.
00:45:25 Si la SNCF est privatisée,
00:45:28 on sait bien que c'est parce que l'Europe veut de la concurrence.
00:45:31 Oui, oui, je pense qu'il y a à cette raison, il y a trois éléments clés.
00:45:35 Le premier, c'est que la concurrence, ça marche.
00:45:37 C'est-à-dire que la concurrence, ça apporte du pouvoir d'achat à la population.
00:45:40 C'est-à-dire que l'entrée de l'OMC,
00:45:42 il y a des calculs qui ont été faits par la Banque mondiale, par l'OCDE,
00:45:47 pour voir combien ça a rapporté à un certain nombre de pays,
00:45:49 de faire entrer objectivement la Chine d'abord dans l'économie mondiale
00:45:52 et ensuite la Chine dans l'OMC, c'est-à-dire la Chine comme véritable fournisseur.
00:45:57 D'ailleurs, quand on regarde...
00:45:59 La Chine, oui, la Chine, c'est évident.
00:46:00 Ça a permis à ce que les vêtements, par exemple,
00:46:02 soient beaucoup moins chers d'aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a 30 ans.
00:46:05 Mais la concurrence entre les...
00:46:08 Par exemple, à la SNCF demain, on se demande la concurrence sur les avions.
00:46:12 Est-ce qu'on en est sûr ?
00:46:13 Ah ben, ça fera baisser les prix.
00:46:14 Ça a fait baisser...
00:46:15 Partout où on a introduit de la concurrence, ça a fait baisser les prix.
00:46:18 Alors on dit toujours "Ah mais regardez, en Angleterre,
00:46:20 la concurrence dans les chemins de fer".
00:46:21 Mais ça veut dire deux choses.
00:46:22 Ça veut dire qu'on ne se souvient pas de ce qu'étaient les chemins de fer
00:46:24 dans les années 70 au Royaume-Uni.
00:46:26 Et la deuxième chose, c'est que quand on regarde effectivement les prix qui sont pratiqués,
00:46:30 les prix sont nettement moins chers, moins élevés que ce qu'ils étaient dans les années 70.
00:46:34 Pourquoi ? Parce que quand vous êtes en concurrence,
00:46:36 vous êtes obligés de faire des gains de productivité.
00:46:38 Les gens qui subissent les conséquences de la concurrence,
00:46:40 ce sont les gens qui sont sureffectifs dans un certain nombre d'entreprises.
00:46:43 Ça, c'est clair.
00:46:44 Si la concurrence est introduite sur les chemins de fer en Europe et singulièrement en France,
00:46:48 la SNCF va être obligée de revoir la gestion et notamment la gestion du personnel.
00:46:53 Et d'ailleurs, depuis que un certain nombre d'éléments de concurrence ont été introduits,
00:46:56 elle a changé sa politique tarifaire pour essayer d'améliorer effectivement
00:47:00 ses positions sur le marché, pour essayer de préserver ses parts de marché.
00:47:03 Donc, la concurrence, c'est du pouvoir d'achat.
00:47:05 La deuxième raison, c'est parce que l'Europe a en mémoire le fait que toutes les périodes
00:47:09 qui ont débouché sur des guerres ont été préparées par des périodes de protectionnisme
00:47:15 et singulièrement la période des années 30.
00:47:17 C'est-à-dire, c'est le repli systématique des économies sur elle-même
00:47:21 qui a provoqué effectivement cette espèce d'amplification de la crise,
00:47:25 avec comme conséquence, là, tout le monde y a trinqué.
00:47:28 Il n'y a pas que la classe moyenne, tout le monde a trinqué.
00:47:30 Et donc, il y a ce souvenir que protectionnisme égale affrontement et finalement, guerre.
00:47:35 Et la troisième raison, c'est que je le rappelle encore une fois, l'Europe est excédentaire.
00:47:39 L'Europe qui est ouverte à tout vent, l'idiot du village mondial de Hubert Védrène
00:47:44 ramasse un paquet de fric sur ce village mondial qu'aucun autre pays n'a réussi à faire.
00:47:48 Quel est le premier fournisseur des États-Unis ?
00:47:51 Tout le monde vous dit c'est la Chine.
00:47:52 Pas du tout.
00:47:53 Le premier fournisseur des États-Unis, c'est l'Europe.
00:47:56 Et pourquoi ?
00:47:57 Parce que l'Europe, elle vend aux États-Unis des produits de très bonne qualité.
00:48:00 Vous avez un économiste célèbre qui s'appelle Nicolas Gregory Mankiw,
00:48:03 qui dit aux États-Unis, plus personne ne vit par rapport au même pays.
00:48:07 Il dit, moi qui appartiens à la classe supérieure, je vis en Europe.
00:48:11 Je bois du chamly, j'ai une Audi et je suis habillé par Hugo Boss.
00:48:17 Ma secrétaire, elle vit à l'américaine et donc, elle va, effectivement,
00:48:22 elle achète des produits américains de qualité assez mignonne.
00:48:25 Et la personne qui passe l'aspirateur, il vit en Chine.
00:48:28 Il va chez Walmart, dont 80% des produits sont chinois.
00:48:31 La différence entre les deux, c'est que moi, le moins de produits
00:48:34 coûtent 4 à 5 fois plus cher que celui du gars qui passe l'aspirateur.
00:48:38 Parce que le produit européen vaut plus cher, mais il est de meilleure qualité.
00:48:42 Et donc, le bilan, c'est qu'on est effectivement les grands gagnants
00:48:45 du libre-échange et de la concurrence internationale.
00:48:47 Je vous propose de voir la mondialisation, mais avec les yeux de Bill François.
00:48:53 Vous racontez dans votre livre la diversité des fruits que nous mangeons.
00:48:57 En fait, c'est un leurre.
00:48:58 On a l'impression qu'on a des fruits qui viennent du monde entier aujourd'hui.
00:49:01 Et en fait, c'est un leurre.
00:49:02 Vous dites qu'on a sélectionné les variétés de pommes ou de papayes
00:49:05 les plus productives et celles qui voyageaient le mieux, fatalement.
00:49:09 Mais en fait, on mange tous les mêmes et ce sont tous des clones.
00:49:14 Oui, en fait, c'est un leurre et c'est un danger parce que, au départ,
00:49:19 les fruits voyageaient très peu, étant donné que c'est très fragile
00:49:22 et qu'on ne savait pas les transporter.
00:49:24 On n'avait pas de méthode frigorifique ou avec des gaz pour ralentir le mûrissement ou autre.
00:49:29 Donc, les fruits ne voyageaient pas.
00:49:31 Donc, ils étaient intimement liés au terroir et chaque terre a développé...
00:49:34 Et aux saisons.
00:49:34 Aux saisons aussi, encore plus, effectivement.
00:49:37 Et chaque terre, chaque région a développé un très, très grand nombre de variétés de fruits.
00:49:44 C'est vrai pour les fruits, mais c'est vrai aussi pour les légumes
00:49:47 et pour, évidemment, aussi les races animales d'élevage.
00:49:50 Mais donc, les races d'élevage se sont multipliées énormément
00:49:52 du fait qu'on ne pouvait pas les faire voyager.
00:49:54 Depuis qu'il y a du libre-échange et de la concurrence mondialisée,
00:49:58 eh bien, il n'y a que quelques variétés de chaque espèce qui sont à la tête du marché.
00:50:03 Et même notre coq gaulois, qui est quand même le symbole de la France,
00:50:06 il a failli disparaître dans les années 80 à cause de la concurrence des poules
00:50:11 créées par les agronomes en Europe et aux États-Unis,
00:50:14 qui étaient beaucoup plus compétitives, huit fois plus lourdes,
00:50:17 qui grandissaient en quelques semaines au lieu de quelques mois.
00:50:21 Et donc, ce qui se passe aujourd'hui, c'est que, alors même qu'on n'a jamais eu,
00:50:25 par exemple, autant de poulets sur la planète, qu'on n'a jamais produit autant de fruits,
00:50:29 eh bien, on n'a jamais eu aussi peu de variétés.
00:50:31 Et en plus, ce sont des clones.
00:50:33 C'est exact. Vous me dites que, par exemple,
00:50:34 que toutes les pommes rouges et sucrées qu'on trouve dans les supermarchés
00:50:37 aujourd'hui sur toute la planète, en fait, ce sont des clones,
00:50:41 des pommes récoltées sur le pommier d'un certain John McIntosh,
00:50:47 qui avait planté ce pommier au 18e siècle, je crois, dans l'Ontario, au Canada.
00:50:51 C'est même de là que vient le nom des ordinateurs McIntosh.
00:50:54 Vous avez pris la faute. J'ai prévu votre réponse.
00:50:57 Et on va voir le McIntosh, pour ceux qui ne s'en souviennent pas.
00:51:00 Apple, la firme à la pomme, a créé le McIntosh,
00:51:03 un ordinateur en hommage à John McIntosh, dont on mange les pommes.
00:51:07 C'était leur variété de pommes préférée. Et c'est plus qu'une variété, c'est un clone.
00:51:11 Effectivement, toutes les pommes de cette variété-là ont la même génétique, en fait.
00:51:15 Et toutes les bananes qu'on mange sont des clones.
00:51:17 Aussi, et d'ailleurs, elles n'ont même pas de graines.
00:51:20 Mais c'est assez terrible parce que, du coup, on perd une énorme part de la biodiversité.
00:51:25 Quand on parle de biodiversité, de crise de la biodiversité, on pense aux pandas et aux baleines.
00:51:29 Mais en fait, le haricot de Viroflet ou la poule de Merlereau sont aussi menacées que la baleine bleue.
00:51:35 Et ces races d'élevage qui sont très menacées, c'est aussi nos atouts
00:51:40 pour lutter, par exemple, contre les changements climatiques.
00:51:42 Parce que plus on va avoir de variétés sous la main, plus on va pouvoir s'adapter à des climats, des aridités.
00:51:51 C'est une des raisons pour lesquelles vous disiez qu'on va vers la fin du libre-échange aussi pour des raisons climatiques.
00:51:56 Un mot, Jean-Marc Daniel, pour défendre les fruits clonés ?
00:52:00 Je pense que la plupart des... C'est ce que nous disions.
00:52:03 Je pense que la plupart des produits que nous avons ne sont pas les produits d'origine.
00:52:08 D'ailleurs, il y a là aussi Jean Fourastier, l'homme des 30 Glorieuses.
00:52:14 Dans un de ses livres, il explique le prix du blé a évolué comme ça.
00:52:17 Et puis il dit, je me pose la question de savoir si le blé dont je parle,
00:52:21 qui est le blé du début du 19e siècle, qui se desserre de référence,
00:52:24 a quelque chose à voir avec le blé que nous produisons.
00:52:27 Et donc, il écrit ça dans les années 70.
00:52:29 Et je pense que la réponse, c'est non.
00:52:31 En fait, le blé n'arrête pas de bouger.
00:52:34 Donc, effectivement, il y a des choses qui disparaissent,
00:52:36 mais simultanément, il y a d'autres choses qui apparaissent.
00:52:38 - Beaucoup moins. - Dans la biodiversité, c'est...
00:52:42 Comment, effectivement, on fait réapparaître des nouvelles pommes,
00:52:45 des nouvelles bananes, des nouveaux grains de mélé ?
00:52:48 Il nous racontera l'histoire du blé tout à l'heure, Bill François.
00:52:51 Un dernier mot sur le libre-échange, Akim El-Karoui et François Gaudemont ?
00:52:56 Je pense qu'on est qu'au début du processus.
00:52:58 Mais encore une fois, pour des raisons politiques, beaucoup plus qu'économiques.
00:53:02 Et quand vous voyez la fin du libre-échange,
00:53:04 ça veut dire que vous voyez la fin de ce qu'on appelle l'ultralibéralisme,
00:53:08 qui est un mot un peu flou, puisque personne ne s'en réclame jamais,
00:53:11 du l'ultralibéralisme. - Moi, je dis, moi.
00:53:13 - C'est seulement qu'il est authentique et pas Jean-Marc.
00:53:16 - Je ne sais pas très bien ce que c'est l'ultralibéralisme.
00:53:17 - Oui, voilà, personne ne sait exactement.
00:53:18 - C'est l'économie de marché qui fonctionne à peu près bien.
00:53:23 L'ultralibéralisme n'existe pas en France, par exemple,
00:53:25 où il y a un état social extraordinairement...
00:53:27 - Un dernier mot, il nous reste moins d'une minute,
00:53:29 avant de changer de sujet, François.
00:53:32 - Il y a une situation mortifère en France sur ce plan.
00:53:35 On était effectivement protectionniste à l'époque des tarifs de Junemeylin,
00:53:38 dans les années 30.
00:53:39 Aujourd'hui, l'opinion, regardez, l'extrême gauche et l'extrême droite
00:53:42 peuvent se trouver absolument unies sur ce plan,
00:53:45 en même temps qu'on est un pays qui dépend des échanges extérieurs,
00:53:47 qu'on est un pays qui s'est constitué par ceci.
00:53:50 Donc, il y a quelque chose de dramatique.
00:53:52 On se met à la tête d'un mouvement protectionniste en Europe,
00:53:54 qui est surtout l'Europe du Sud,
00:53:56 alors qu'on ne mesure pas les progrès que le reste de l'Europe
00:54:00 a pu faire dans les 20 dernières années.
00:54:02 Et c'est ça qui est dramatique.
00:54:04 Pour ne pas parler, d'ailleurs, de l'expansion du niveau de vie américain.
00:54:07 - On va laisser Isabelle Piboulot nous faire le rappel des titres,
00:54:12 et après, on s'intéressera à Emmanuel Macron,
00:54:15 et de retour de son voyage en Chine,
00:54:18 qui a fait l'unanimité contre lui,
00:54:20 en parlant de suivisme, ou en tout cas,
00:54:22 en dénonçant le suivisme des pays européens vis-à-vis des Américains.
00:54:28 Appelle Vicky.
00:54:30 Dans les Pyrénées-Orientales, le feu a franchi la frontière espagnole.
00:54:35 Depuis 9h30 ce matin, près de 950 hectares de végétation ont brûlé,
00:54:40 entre Cerbère et Bagnoles-sur-Mer.
00:54:42 L'incendie n'est pas encore fixé, mais la situation est stabilisée.
00:54:46 500 sapeurs-pompiers resteront mobilisés cette nuit.
00:54:50 Les 300 personnes évacuées ont pu, pour la plupart,
00:54:53 regagner leur domicile.
00:54:55 La mobilisation du 1er mai pourrait être massive.
00:54:58 Dans les colonnes du Parisien, Laurent Berger appelle à casser
00:55:02 la baraque en ombre, dans la dignité et l'unité au sein de l'intersyndical.
00:55:07 Selon le patron de la CFDT, Emmanuel Macron n'a pas fait le choix de l'apaisement.
00:55:12 Le chef de l'État s'adressera aux Français demain à 20h,
00:55:16 et se sera à suivre sur CNews.
00:55:19 Une semaine après le drame, les Marseillais rendent hommage
00:55:22 aux huit victimes de la rue de Thivoli.
00:55:24 Une centaine de personnes se sont rassemblées vers midi,
00:55:28 à l'appel de l'association Marseille en colère.
00:55:31 Huit minutes de silence ont été observées.
00:55:34 Dans la nuit du 8 au 9 avril, un immeuble a été soufflé
00:55:37 par une explosion, entraînant dans sa chute un autre bâtiment.
00:55:41 Si vous nous rejoignez maintenant, je vous souhaite la bienvenue
00:55:46 et je vous présente nos visiteurs du soir.
00:55:48 Il y a le biophysicien et naturaliste Bill François,
00:55:52 l'auteur du plus grand menu du monde, qui va continuer
00:55:55 de nous régaler en nous racontant à 23h30 l'histoire du blé,
00:55:59 des légumes, de la viande, du fromage, du chocolat, etc.
00:56:02 Vous allez être très surpris, vous allez voir.
00:56:05 Akim El-Karoui est consultant dans un cabinet de conseil
00:56:07 international en stratégie.
00:56:09 Jean-Marc Daniel est économiste et libéral.
00:56:13 François Godeman est conseiller spécial Asie et États-Unis
00:56:16 à l'Université Montaigne.
00:56:18 C'est l'auteur des mots de Xi Jinping et de la Chine
00:56:22 à nos portes, que vous avez coécrit avec Abigail Vasselier.
00:56:26 Et on en vient au plus grand scandale international de la semaine.
00:56:29 Emmanuel Macron, au retour de son voyage en Chine,
00:56:32 a appelé les Européens à ne pas être les suivistes
00:56:35 des Américains au sujet de Taïwan.
00:56:37 Être allié des États-Unis ne signifie pas être vassal, a-t-il dit,
00:56:42 ce qui a suscité de très nombreuses critiques à son encontre
00:56:45 de part et d'autre de l'Atlantique.
00:56:47 Alors a-t-il raison ou a-t-il tort de plaider encore et encore
00:56:50 pour une autonomie stratégique de l'Europe ?
00:56:53 François Godeman, vous n'avez pas été très tendre
00:56:56 avec le président de la République dans l'Express, pourquoi ?
00:56:59 C'est un regret parce que sur bien des plans, je le soutiendrai.
00:57:02 Et comme je viens de le dire dans la séquence précédente,
00:57:05 il y a bien pire en France aujourd'hui en thème de chauvinisme.
00:57:09 Donc si vous voulez, c'est à mon corps défendant,
00:57:12 celui qui a été le plus européen de nos présidents jusqu'ici
00:57:16 et dont on peut adopter de la capacité intellectuelle.
00:57:19 Seulement voilà, parce qu'il désespère probablement
00:57:23 d'arriver à imposer un rôle à l'Europe,
00:57:25 parce que l'Europe en réalité est en réduction de rôle
00:57:27 avec ce qui se passe sur l'Ukraine,
00:57:29 avec l'ascendant des États-Unis, qui est naturel.
00:57:31 Nous n'avons pas les chars, nous n'avons pas les avions,
00:57:33 nous n'avons même pas la volonté, à vrai dire,
00:57:35 d'aller substantiellement là-bas.
00:57:38 Parce que sur le plan des échanges,
00:57:40 nous sommes complètement dépendants.
00:57:41 La Chine a 55 milliards de dollars d'excédent commercial
00:57:44 avec la France en 2022.
00:57:46 Eh bien, on se réfugie, si vous voulez, dans un rêve.
00:57:50 Et ce n'est pas tant l'autonomie stratégique en elle-même
00:57:53 qui serait contre l'autonomie stratégique.
00:57:55 Mais pour ça, il faudrait que l'Europe soit capable
00:57:57 d'avoir une stratégie, il faudrait qu'elle ait des institutions.
00:58:00 Or, ce sont des pays membres qui se refusent à déléguer
00:58:05 un certain nombre de choses sur le plan du public étranger
00:58:07 et de sécurité aux institutions européennes,
00:58:10 qui d'ailleurs exigent encore de voter à l'unanimité sur un sujet.
00:58:15 Alors, vous savez, répondre à une guerre
00:58:17 ou engager une décision majeure, stratégique,
00:58:20 quand on doit demander l'avis des 27,
00:58:23 ce n'est pas simple, pour commencer.
00:58:25 Quand on a également, on parlait tout à l'heure du libre-échange,
00:58:29 je ne suis pas entièrement d'accord,
00:58:30 le libre-échange a bénéficié à l'Europe.
00:58:32 Mais d'un autre côté, c'est vrai aussi que la politique européenne
00:58:35 a été assez aveugle sur le plan industriel et d'innovation.
00:58:38 Ce n'est pas parce qu'elle se retourne pousquement.
00:58:41 J'ai eu très peur des grands projets à la française,
00:58:44 des éléphants blancs des années 70 en particulier,
00:58:47 qu'on savait si bien faire et qui ont créé beaucoup de difficultés.
00:58:50 Mais il faut reconnaître que les Américains, pour parler d'eux,
00:58:53 les Japonais, pour parler d'eux, les Coréens, pour parler d'eux,
00:58:56 les Taïwanais ont des instruments de pilotage,
00:59:00 de soutien à l'industrie et à l'innovation
00:59:03 que nous n'avons pas sur le plan collectif.
00:59:05 Et donc, alors ça, c'est un aspect.
00:59:07 L'autre aspect, c'est comment retour de Chine,
00:59:09 ça, c'est ce qu'on appelle un dérapage,
00:59:11 comment retour de Chine, où certes,
00:59:12 on a été traité comme un roi par Xi Jinping,
00:59:15 mais où celui-ci n'a fait absolument aucune concession sur aucun plan.
00:59:19 Comment, sur le retour de Chine, s'en prendre aux États-Unis
00:59:23 et aller jusqu'à affirmer, en gros, que les États-Unis,
00:59:25 que la Chine, pardon, réagit à des actions américaines ?
00:59:29 Est-ce que c'est les Américains qui sont en passe d'attaquer Taïwan ?
00:59:33 Est-ce que c'est les Américains qui augmentent la militarisation ?
00:59:36 La Chine a un budget militaire qui augmente plus vite que son PIB
00:59:40 depuis près de 20 ou 25 ans.
00:59:41 Elle a plus d'unités navales, par exemple, que les États-Unis, déjà.
00:59:44 Aujourd'hui, elle est en passe d'avoir une force nucléaire
00:59:48 tout à fait respectable, probablement le triple de la force française.
00:59:52 Mais on estime que tout ça, c'est pour rien.
00:59:54 Si Jinping va à Moscou, soutient complètement la Russie,
00:59:59 soutient la tactique de propagande publique de la Russie,
01:00:02 c'est même un accord, disons.
01:00:03 Aujourd'hui, pendant qu'on parle,
01:00:05 le ministre de la Défense chinois, il est à Moscou.
01:00:07 Vous croyez que c'est pour rien ?
01:00:08 Vous croyez que c'est pour parler des pâquerettes ?
01:00:10 Non.
01:00:11 Et donc, il y a une espèce de déni de réalité
01:00:13 qui, à mon avis, chez notre président, mais chez beaucoup de Français,
01:00:17 vient du côté insupportable du fait qu'on ait pu mettre des événements,
01:00:21 qu'on ne peut pas imposer directement notre marque.
01:00:24 Il faudrait être très influent vis-à-vis des Européens,
01:00:26 des autres Européens aussi.
01:00:28 Ce n'est pas notre sport favori, j'y reviendrai.
01:00:31 C'est vrai que ça a pu faire plaisir à un certain nombre de Français
01:00:34 qui se sont souvenus du général de Gaulle, de la troisième voie.
01:00:38 Qu'en pensez-vous, Hakim El Karoui ?
01:00:41 Je pense, comme François, que ce n'est même pas imaginable.
01:00:46 Un président français qui rentre de Pékin
01:00:48 alors que les Chinois sont en train d'envoyer des avions
01:00:52 faire des manœuvres au-dessus de Taïwan,
01:00:54 et qui dit que ce sont les Américains qui déclenchent le problème.
01:00:57 Ça m'a fait penser, vous savez, à quand il a été en Algérie,
01:01:00 avant d'être président, quand il avait dit
01:01:02 "la colonisation est un crime contre l'humanité".
01:01:05 En fait, on a le sentiment qu'il avait passé trois jours en Algérie,
01:01:07 qu'il avait entendu pendant trois jours que la colonisation
01:01:09 était un crime contre l'humanité.
01:01:10 Du coup, il répétait.
01:01:11 Là, il a dû entendre pendant trois jours en Chine
01:01:13 que c'était les Américains qui posaient problème
01:01:15 et que les Chinois étaient réactifs.
01:01:17 Et puis, il répète ça.
01:01:19 Ça, c'est une faute majeure.
01:01:22 Ensuite, deuxième problème qui arrive assez souvent chez lui,
01:01:24 c'est qu'il est acteur et commentateur.
01:01:27 Donc, il commente en général très bien.
01:01:29 Le problème, c'est que quand on est acteur,
01:01:32 quand on commente, en fait, on est aussi acteur.
01:01:35 Et donc, la perception de ce qu'on dit,
01:01:37 même si c'est intéressant et intelligent,
01:01:39 est complètement faussée parce que,
01:01:42 surtout en diplomatie, dire, dire c'est faire.
01:01:45 Et puis, la troisième chose, c'est que,
01:01:47 c'est ce qu'on évoquait tout à l'heure,
01:01:48 et je suis tout à fait d'accord avec François,
01:01:50 la France n'a absolument pas les moyens
01:01:52 d'imposer l'autonomie stratégique à des Européens
01:01:55 qui n'en veulent pas.
01:01:56 Les Européens de l'Est, jamais ils ne se priveront
01:01:59 du parapluie américain et surtout pas en ce moment.
01:02:02 Les Allemands ne veulent pas de l'autonomie stratégique.
01:02:04 De toute façon, ils en sont incapables.
01:02:05 Ça voudrait dire changer très fondamentalement
01:02:07 leur modèle économique,
01:02:09 puisqu'ils ont fait le choix de peu investir dans la défense.
01:02:12 Et puis, nous, on est tout seuls avec...
01:02:15 On avait une discussion intéressante
01:02:16 avec les Britanniques qui sont partis.
01:02:18 Donc, on est tout seuls et on fait des moulinets.
01:02:20 Néanmoins, quand le président de la République dit que les...
01:02:25 parle de...
01:02:26 C'est pas parce qu'on est alliés qu'on est des vassaux.
01:02:29 Forcément, ça parle aussi à l'imagination des Français.
01:02:31 Ça nous rappelle encore le général de Gaulle
01:02:33 qui voulait pas...
01:02:34 Qui était un allié des États-Unis,
01:02:36 mais qui ne voulait pas être son vassal.
01:02:38 Ça a du sens.
01:02:39 Ça, c'est sûr.
01:02:39 Le ministre de la Défense allemand dit
01:02:41 on peut être allié et pas vassal.
01:02:44 Et puis, la grande différence peut-être avec les années 60,
01:02:46 c'est la puissance française du hégar au reste du monde.
01:02:51 Aujourd'hui...
01:02:51 Affaiblie.
01:02:52 Elle est très affaiblie par l'effet d'abord de l'émergence
01:02:55 d'autres grandes puissances
01:02:57 plutôt que de l'affaiblissement français.
01:02:58 Ça, c'est normal.
01:02:59 Mais aussi parce que la France aujourd'hui
01:03:00 n'arrive plus à construire des coalitions.
01:03:03 Puis ces coalitions, à l'intérieur du monde occidental,
01:03:05 personne n'est aligné avec elles.
01:03:07 À mon avis, si Emmanuel Macron veut construire une coalition,
01:03:10 c'est plutôt avec le Sud.
01:03:12 Peut-être avec l'Inde.
01:03:13 D'ailleurs, il y a des discussions
01:03:15 qui sont des discussions intéressantes.
01:03:16 Après, il faut savoir sur quoi...
01:03:17 Certains ont dit d'ailleurs qu'il aurait dû aller en Inde
01:03:19 plutôt qu'en Chine.
01:03:20 Il y a probablement plus à construire
01:03:22 avec les Indiens aujourd'hui qu'avec les Chinois.
01:03:24 Même si le président Modi est quand même tout
01:03:27 sauf un enfant de cœur,
01:03:28 c'est certainement pas un démocrate, etc.
01:03:30 On ne discute pas qu'avec les démocrates.
01:03:32 Certainement pas.
01:03:32 Mais le sujet, c'est de quoi on parle.
01:03:34 Si c'est la sécurité européenne,
01:03:37 en fait, il n'y a aucun débat.
01:03:38 Si c'est, et ça Emmanuel Macron essaie de le faire,
01:03:41 si c'est les biens communs mondiaux,
01:03:43 là, il y a des choses à faire sur le climat,
01:03:45 sur la forêt, sur la biodiversité, etc.
01:03:47 Et ça, il peut le faire un peu avec les Chinois.
01:03:49 C'est ce qu'il essaie de faire.
01:03:50 C'est ce qu'il dit.
01:03:51 Je ne sais pas si ça fonctionne.
01:03:52 Probablement pas beaucoup,
01:03:54 mais aussi pas mal avec les Indiens
01:03:55 et puis avec le reste du Sud.
01:03:56 Et là, il a quelque chose à faire.
01:03:58 Et là, pour le coup, je pense que la France est attendue
01:04:00 comme driver, comme prenante d'initiatives.
01:04:03 Vous parliez du Sud global.
01:04:04 On a l'impression, avec une déclaration comme celle-ci,
01:04:06 qu'Emmanuel Macron se verrait bien
01:04:08 prendre la tête du Sud global.
01:04:11 Oui, mais il faudrait qu'il en parle au Sud global
01:04:12 et puis il faudrait qu'il donne quelque chose au Sud global.
01:04:14 La première chose qu'il doit donner au Sud global,
01:04:16 c'est ce que j'évoquais tout à l'heure,
01:04:17 c'est arrêter le double standard.
01:04:19 Parce que ça, c'est insupportable pour les gens du Sud.
01:04:22 Faites ce que je dis, faites pas ce que je fais.
01:04:24 Je condamne pour les uns, je ne condamne pas pour les autres.
01:04:26 À ce moment-là, on ne condamne pas du tout.
01:04:28 On est plus modeste, on est moins prétentieux
01:04:30 dans l'affirmation de ces valeurs.
01:04:32 Puis on dit tout simplement, écoutez, nous,
01:04:33 on défend nos intérêts.
01:04:35 Jean-Marc ?
01:04:35 Oui, moi, ce qui me frappe par rapport à ce qu'on vient de dire,
01:04:37 c'est d'abord, effectivement, la nostalgie gaulliste.
01:04:39 Sauf que le général de Gaulle, au moment aussi bien
01:04:41 de la construction du mur de Berlin que de l'affaire
01:04:43 des fusées de Cuba, avait clairement annoncé
01:04:46 qu'il était derrière les États-Unis.
01:04:47 Il n'y avait aucun doute.
01:04:49 Le deuxième élément, c'est que le général de Gaulle
01:04:50 avait la force de frappe, la force nucléaire.
01:04:52 Et il considérait que ça donnait à la France
01:04:54 une capacité d'avoir une politique étrangère autonome.
01:04:56 Quels que soient ses rapports avec les autres,
01:04:58 notamment du fait qu'il ait quitté
01:05:00 le commandement intégré de l'OTAN,
01:05:03 la France affichait qu'elle pouvait déclencher
01:05:05 l'arme atomique toute seule,
01:05:07 sur la base d'une agression qui l'aurait concernée
01:05:09 indépendamment, effectivement, du contexte international.
01:05:11 Elle se considérait comme étant en capacité
01:05:13 d'avoir une réplique violente à une agression
01:05:16 et donc elle pouvait avoir une politique étrangère autonome.
01:05:18 À l'heure actuelle, vous avez une loi de programmation militaire
01:05:21 qui a été annoncée.
01:05:22 On va passer de 295 milliards d'euros sur six ans
01:05:25 à 413 milliards d'euros sur six ans.
01:05:28 Et dans les propos qui sont tenus,
01:05:30 on n'arrive pas à savoir quel est le statut
01:05:31 qui va être donné à l'arme nucléaire.
01:05:33 On va l'entretenir.
01:05:34 Mais vous avez un discours qui consiste à dire
01:05:37 "mais on ne l'utilisera pas".
01:05:39 Donc vous avez un statut de l'arme nucléaire
01:05:40 qui fait qu'on dépense de l'argent sans savoir
01:05:42 effectivement ce qu'on veut faire.
01:05:44 - Il faut rappeler quand même qu'aujourd'hui,
01:05:46 la France est le seul pays de l'Union européenne
01:05:47 qui dispose de l'arme nucléaire.
01:05:49 Ça nous donne à la fois une importance
01:05:51 et une responsabilité.
01:05:52 - Et le dernier élément, c'est que sur le plan économique,
01:05:57 la France est très dépendante du reste de l'Europe.
01:06:00 C'est-à-dire que vu notre déficit,
01:06:02 l'Europe est en excédent, mais la France est en déficit.
01:06:05 Et la France est dans une situation de déficit extérieur
01:06:07 qu'elle n'a pas connue depuis 1982-83.
01:06:09 En 83, on avait répondu par la rigueur,
01:06:13 par la baisse brutale du pouvoir d'achat.
01:06:15 Là, on répond par l'appel à la solidarité européenne.
01:06:17 La Banque centrale européenne rachète notre dette.
01:06:20 À partir de ce moment-là, dans nos rapports
01:06:22 avec les autres européens, on est obligé de la jouer,
01:06:24 normalement, profil bas.
01:06:26 Et alors, le tempérament naturel d'Emmanuel Macron,
01:06:29 c'est que quand on lui force, il y a un côté un peu adolescent.
01:06:33 - Est-ce que c'est Emmanuel Macron ou c'est pas un réflexe français ?
01:06:36 - Je pense qu'il y a quand même...
01:06:37 C'est le côté à la fois caméléon et adolescent.
01:06:40 Caméléon, je sors de la Chine, donc je parle comme les Chinois.
01:06:42 Je sors de l'Algérie, je parle comme les Algériens.
01:06:44 Et en plus, vous me titillez.
01:06:46 Ah ben, vous allez voir ce que vous allez voir.
01:06:48 Mais fondamentalement, c'est plutôt un aveu global de faiblesse.
01:06:51 Et cet aveu de faiblesse, il est en partie plié sur le plan économique,
01:06:55 sur le fait que le pays vit au-dessus de ses moyens
01:06:57 et donc a véritablement besoin de ses partenaires européens
01:07:01 pour maintenir son niveau de vie.
01:07:02 Parce que si on revenait à la situation de 82-83,
01:07:05 je peux vous dire que le plan d'austérité ou de rigueur
01:07:08 serait d'une violence absolument invraisemblable.
01:07:11 - François Godeman, vous parliez de l'Ukraine tout à l'heure.
01:07:15 Pour vous, Taïwan, l'Ukraine, même combat ?
01:07:19 - Alors, espérons que non.
01:07:22 Je continue à espérer que Xi Jinping n'est pas un amateur
01:07:25 de la prise de risque inconsidérée.
01:07:27 Les 130 kilomètres qui séparent Taïwan de la Chine,
01:07:31 c'est plus que dix d'eux en termes de débarquement.
01:07:34 Et avec des adversaires en face, notamment les Américains,
01:07:37 qui sont très forts.
01:07:38 Mais une tactique de noeud coulant, d'encerrement, de pression,
01:07:41 de blocus, peut-être de refus de découplage forcé de Taïwan,
01:07:46 qui aurait déjà des conséquences énormes pour nos économies,
01:07:49 sans même parler d'un conflit armé,
01:07:51 ça, ça me semble tout à fait de l'ordre du vraisemblable.
01:07:54 Et c'est un risque majeur, si vous voulez.
01:07:57 Ensuite, nous ne tirons pas forcément les uns et les autres
01:07:59 les mêmes conséquences du conflit ukrainien.
01:08:02 Nous, nous avons tendance à voir l'enlisement militaire russe.
01:08:05 Des Russes et des dirigeants chinois peuvent voir
01:08:08 l'inconstance des démocraties occidentales,
01:08:10 la possibilité que la présidence change aux États-Unis dans deux ans,
01:08:14 les bisbilles européennes, les populismes,
01:08:16 un certain nombre de choses, et se dire, ma foi, il faut continuer.
01:08:19 Pour Xi Jinping, qui est un idéologue,
01:08:22 qui est quelqu'un qui reconstruit le salinisme, si vous voulez,
01:08:27 en Chine, c'est quelque chose de fondamental.
01:08:29 Il a stoppé l'évolution vers l'économie plus libérale
01:08:33 et vers une société plus ouverte que ses prédécesseurs
01:08:37 avaient commencé à amorcer.
01:08:39 Uki Malkawi ?
01:08:41 Oui, je pense que derrière, il y a un grand débat.
01:08:44 Alors ici, en Occident, on a tendance à voir une vision du monde
01:08:48 parfois un peu simpliste, il y a la démocratie et puis il y a la dictature.
01:08:53 La réalité, c'est probablement pas celle-là.
01:08:55 Mais il y a une vraie question qui se pose sur c'est quoi l'avenir de nos démocraties.
01:09:00 On pourrait ajouter que quand Emmanuel Macron va en Chine,
01:09:03 il y a des poubelles qui brûlent à Paris et les Chinois, les Américains,
01:09:07 les Arabes se disent "Paris est en train de brûler".
01:09:11 Tout ça pour gagner 10 milliards maintenant,
01:09:13 peut-être 15 milliards d'euros par an.
01:09:15 La question qu'ils disent, enfin ce qu'ils constatent,
01:09:18 c'est l'incroyable inefficacité de la gouvernance française
01:09:22 et au-delà de la gouvernance démocratique.
01:09:24 Donc ça, il faut qu'on y réponde parce que si on veut,
01:09:27 encore une fois, expliquer comment le monde doit agir
01:09:31 et comment il faut se comporter, il faut être capable chez soi
01:09:35 de se transformer sans non plus qu'on soit dans la violence.
01:09:38 Et puis la deuxième chose, c'est qu'est-ce qu'on dit aux autres ?
01:09:41 Parce que finalement pour moi, l'Ukraine, enfin après l'Ukraine,
01:09:44 on voit qu'il y a peut-être quatre blocs.
01:09:46 Il y a un bloc russe qui est en fait un bloc régional,
01:09:50 il y a deux grands blocs mondiaux, ça, ça n'a pas changé,
01:09:53 les Chinois, les Américains, il y a les Européens qui veulent être mondiaux
01:09:56 mais qui ont l'air d'être régionaux et puis il y a le reste du monde.
01:10:00 Et le reste du monde, maintenant, il ne se sent plus lié et il fait des deals,
01:10:04 il fait des transactions.
01:10:06 Donc les Indiens disent, bon les Russes et les Chinois sont en train de se rapprocher,
01:10:09 donc nous on va se rapprocher des Américains, mais on n'a pas d'alliance.
01:10:14 C'est vraiment, et puis les Américains nous ont aidés à avoir officiellement la bombe
01:10:17 sous George Bush, donc on les reçoit.
01:10:20 Mais on n'est lié par rien.
01:10:21 Et donc d'une certaine manière, il y a tout ce reste du monde,
01:10:24 le sud global on l'appelle comme on veut, avec qui on peut transiger,
01:10:28 on peut travailler, mais pour ça, et c'est peut-être ça qui est nouveau,
01:10:31 il faut lui apporter quelque chose.
01:10:33 Il faut lui apporter soit de l'argent, soit de la technologie,
01:10:36 soit des alliances militaires.
01:10:38 Et ça, je pense que c'est ça un des grands sujets pour l'Europe
01:10:41 et notamment pour la France.
01:10:42 Et la France qui se veut promoteur d'innovation et qui veut toujours,
01:10:46 c'est Emmanuel Macron le premier, être à l'origine de la résolution
01:10:50 des problèmes de l'humanité de la planète.
01:10:52 Mais vous avez compris dans les déclarations d'Emmanuel Macron,
01:10:55 je rappelle qu'il était interviewé dans l'avion, à la fois par Les Echos et par Politico.
01:10:59 D'ailleurs, ce n'est pas exactement la même version qui est rendue
01:11:02 de cette conversation dans Politico et dans Les Echos.
01:11:06 Vous avez compris que la France ne ferait rien en cas d'invasion de Taïwan ?
01:11:10 Non, la France, elle est du côté des États-Unis.
01:11:13 Enfin, je...
01:11:14 - En seconde, non. - J'espère.
01:11:16 Attendez, ce qui compte pour les Américains, peut-être, même ça n'est pas sûr,
01:11:21 c'est un soutien politique et diplomatique.
01:11:23 Fondamentalement, il y a une tendance aux États-Unis qui existe,
01:11:25 qui est de dire écoutez, c'est nous qui sommes en charge, c'est nous qui décidons.
01:11:29 C'est eux qui ont les porte-avions pour simplifier les choses.
01:11:31 Cela dit, on a eu une frégate française qui a traversé le détroit de Taïwan
01:11:36 juste pendant les manœuvres chinoises.
01:11:40 C'est facile, les Chinois ne disent rien,
01:11:42 alors qu'après une précédente transnavigation, si j'ose dire,
01:11:47 ils avaient empêché une escale en Chine.
01:11:48 Donc, il faut croire qu'on a fait quelque chose qui leur fait plaisir.
01:11:51 Dans l'immédiat...
01:11:52 Vous pensez que c'était juste parce que c'est vrai que c'était juste après le retour du président...
01:11:55 C'est un peu télécommandé, à mon avis, mais je ne suis pas dans le secret des...
01:12:00 Parce qu'on a des intérêts dans le Pacifique, la forme du premier président.
01:12:04 On a des intérêts économiques gigantesques, des intérêts technologiques.
01:12:07 On court tous un risque à l'éclatement d'un conflit.
01:12:10 Personne ne le souhaite.
01:12:11 Par parenthèle, les Américains sont tout aussi dépendants,
01:12:13 comme vous le disiez, pour les supermarchés et pour les composants,
01:12:19 pour prendre cet exemple, de ce qui se produit en Chine ou à Taïwan, surtout à Taïwan.
01:12:23 Donc, évidemment qu'on voit ce conflit à reculons.
01:12:26 Par contre, il me semble absolument catastrophique.
01:12:29 Il me semblerait absolument catastrophique de se laver les mains de la question de Taïwan
01:12:34 ou d'ailleurs de celle de la maire de Chine du Sud.
01:12:36 Je lis les propos d'un ancien ambassadeur à Washington
01:12:39 qui nous explique que ma foi, la maire de Chine du Sud,
01:12:41 déjà, il n'y a rien de nouveau.
01:12:42 Déjà, Chiang Kai-shek l'a revendiqué dans les années 30, peut-être,
01:12:45 mais pas avec les arguments militaires dont la Chine dispose aujourd'hui
01:12:50 et au détriment de la totalité des autres pays, sans exception.
01:12:54 Donc, en réalité, on n'a pas vraiment le choix,
01:12:58 sauf à se croire qu'on va être un espèce d'archipel de réfugiés neutres
01:13:03 à l'écart des conflits, sans influence géopolitique sur eux.
01:13:07 En réalité, la vraie ambition, c'est de construire sur le plan européen
01:13:11 une coordination avec des alliés, des partenaires.
01:13:15 Effectivement, ça inclut aussi des pays comme l'Inde.
01:13:17 Effectivement, il ne faut pas sans cesse éliminer les gens
01:13:19 parce qu'ils ne sont pas parfaits démocrates.
01:13:22 On est obligé de faire des choix et d'établir des hiérarchies.
01:13:24 Mais il y a aussi le Japon, pour prendre cet exemple,
01:13:26 dont on ne parle jamais, qui est aux premières loges.
01:13:28 Et bien sûr, les États-Unis. On n'y échappe pas.
01:13:31 Jean-Marc Daniel, on n'échappe pas aux États-Unis.
01:13:33 On n'échappe pas aux États-Unis.
01:13:35 Encore une fois, c'est la puissance dominante sur le plan économique,
01:13:38 militaire, culturel.
01:13:40 L'américanisation, c'est aussi le fait que tout le monde parle l'anglais.
01:13:43 Vous vous rendez compte qu'on parle d'Emmanuel Macron,
01:13:45 quand il est allé au Gabon, il s'est retrouvé dans un pays,
01:13:49 d'abord qui vient d'adhérer au Commonwealth,
01:13:51 pour montrer sa distance vis-à-vis de la France et de la francophonie.
01:13:54 Et le sommet s'appelait...
01:13:55 Le titre du sommet était en anglais sur la forêt.
01:13:59 Donc, il y a une présence...
01:14:00 Et le deuxième élément qui me frappe aussi par rapport à la Chine,
01:14:03 et au dernier G20, la Chine s'est trouvée marginalisée.
01:14:07 Pourquoi ? Parce qu'il y a 57 pays à la surface de la planète
01:14:10 qui sont en cessation de paiement.
01:14:11 Ils représentent 10% de la population.
01:14:13 Ils sont dans le sud et ces pays-là,
01:14:15 ils sont en train de négocier avec le FMI.
01:14:17 Et ces pays-là, ils sont en train d'avoir un discours
01:14:20 beaucoup moins radical sur l'Ukraine et sur...
01:14:23 Pourquoi ? Parce qu'au moment du G20,
01:14:25 quand il a été mis au vote le fait de prolonger une initiative
01:14:29 qui s'appelle l'ISSD, qui s'appelle l'initiative
01:14:31 de suspension du service de la dette.
01:14:34 Un pays s'y est opposé, c'est la Chine.
01:14:36 La Chine dit "écoutez, vous me devez de l'argent,
01:14:38 vous allez me le donner.
01:14:39 Vous allez me rendre..."
01:14:40 Bon, donc elle a accepté, je ne rentre pas dans les détails,
01:14:43 des allocations différentes de DTS,
01:14:45 mais concrètement, pour beaucoup de pays du sud,
01:14:48 la Chine, ce n'est pas un partenaire extrêmement gentil.
01:14:52 C'est déjà assez...
01:14:53 Le Sri Lanka, en ce moment, est en train de renégocier,
01:14:55 là aussi, avec le FMI, sa dette,
01:14:58 sur la base de conditions qui lui ont été imposées par la Chine,
01:15:01 qui sont absolument draconiennes,
01:15:04 qui sont absolument léonines.
01:15:05 Et la même chose pour le Pakistan.
01:15:06 Donc, je pense que la Chine n'a pas derrière elle
01:15:10 un soutien de sympathie aussi grand qu'on pourrait le dire.
01:15:14 Il y a le Grand Sud qui conteste l'Occident
01:15:16 et qui veut se venger des années de colonisation.
01:15:18 Non, il y a des pays qui pensent que la Chine,
01:15:21 c'est un pays aussi impérialiste que les autres,
01:15:23 c'est un pays aussi désagréable que les autres
01:15:26 et aussi replié et nationaliste que les autres
01:15:29 dans sa politique étrangère.
01:15:30 Puis, la dernière remarque que je ferais,
01:15:31 je remonterai sur ce qu'a dit François Gaudemans.
01:15:33 C'est-à-dire qu'effectivement, débarquer dans une île comme ça,
01:15:36 ce n'est pas, sur le plan militaire,
01:15:39 je ne sais pas comment ils y arriveront.
01:15:41 Sur les îles, personne n'a réussi à débarquer en Angleterre
01:15:44 depuis Guillaume le Conquérant.
01:15:47 Je pense que débarquer sur une île comme ça, c'est assez...
01:15:49 Vous pensez que les Chinois ne pourraient pas envahir Taïwan,
01:15:52 même s'ils en avaient très envie ?
01:15:53 Même s'ils en avaient très envie,
01:15:55 je pense que sur le plan militaire,
01:15:56 ce serait véritablement un exploit.
01:15:59 Et je pense que c'est hors de portée
01:16:00 de leur capacité militaire actuelle.
01:16:03 Tel que je le perçois, je ne suis pas dans les secrets des dieux.
01:16:06 Je ne sais pas ce que véritablement l'état-major chinois,
01:16:08 mais on est quand même 40 ans après la guerre pédagogique
01:16:11 contre le Vietnam, où on avait vu que l'armée chinoise
01:16:13 n'était pas non plus une armée...
01:16:16 Je vous rappelle que le Vietnam ne s'est pas contenté
01:16:18 de battre les Chinois,
01:16:18 ils ont battu les Américains et les Français.
01:16:21 Le Vietnam avait une expérience derrière lui.
01:16:23 Le Vietnam était...
01:16:24 Le Vietnam peut battre tout le monde.
01:16:26 Donc c'était...
01:16:28 Mais bon, 40 ans après, je pense qu'ils ont fait des "progrès"
01:16:31 qui sont capables effectivement de se projeter
01:16:33 de façon plus efficace qu'au moment de la guerre pédagogique.
01:16:36 Mais aborder une île, ça me paraît assez compliqué.
01:16:40 On faisait allusion à la troisième voix du général De Gaulle,
01:16:44 l'interview d'Emmanuel Macron,
01:16:46 qui encore une fois a fait l'unanimité contre lui.
01:16:48 Mais en France, ça a rappelé aux Français aussi,
01:16:51 2003, quand Jacques Chirac s'est opposé
01:16:54 à la guerre américaine contre l'Irak.
01:16:56 Et la France s'est retrouvée très seule à ce moment-là.
01:16:58 Et on en a entendu beaucoup, des vertes et des pas mûres.
01:17:01 On a même été punis par les Américains.
01:17:03 Forcément, ça a rappelé ce moment-là.
01:17:05 Il n'y a aucun rapport.
01:17:06 Alors évidemment, à l'époque, c'était les Américains
01:17:09 qui allaient envahir l'Irak, qui n'était pas une démocratie.
01:17:13 Là, en l'occurrence, c'est plutôt la Chine
01:17:14 qui menace d'envahir Taïwan, qui est une démocratie.
01:17:18 Néanmoins, vous n'avez pas trouvé qu'il y avait un écho,
01:17:20 à Kimel Kébrouil ?
01:17:22 – Non, en 2003, il y avait quand même l'Allemagne qui était avec nous.
01:17:25 Et à l'époque, aussi la Russie.
01:17:28 Non, il y a quand même une très, très, très grande différence
01:17:31 entre une hypothétique invasion de Taïwan par la Chine
01:17:34 et ce qu'ont fait les Américains en Irak.
01:17:36 – Non, non, l'acte en lui-même n'était pas comparable.
01:17:41 Je dis, mais tout à coup, on a entendu chez le président de la République,
01:17:45 dans sa façon de dire "on n'est pas obligé de suivre les Américains aveuglément",
01:17:49 il y avait un petit écho à 2004.
01:17:52 – Si c'était ça, c'était franchement très maladroit.
01:17:54 – 2003, pardon.
01:17:55 – Oui, moi j'étais très, très, très opposé,
01:17:58 j'étais à Matignon à l'époque, à ce que la France suive.
01:18:04 Là, je pense qu'il ne faut certainement pas créer le moindre doute
01:18:07 sur le fait de savoir dans quel camp serait la France
01:18:10 au cas où les Chinois attaqueraient ou étrangleraient Taïwan.
01:18:15 – Antoine ?
01:18:16 – Il a été ambigu d'ailleurs, le seul qui est parlé de troisième voie jusqu'ici
01:18:19 parmi les officiels français, c'est Jean-Yves Le Drian,
01:18:21 au lendemain du fiasco de la vente de sous-marins à l'Australie et d'Aukus.
01:18:25 Donc dans une période qu'on peut analyser comme vraiment une période de rancune,
01:18:29 assez compréhensible.
01:18:30 – À l'égard des Américains.
01:18:31 – À l'égard des Américains, bien clairement.
01:18:34 Le président, il a parlé de troisième pôle, de puissance ou d'Europe puissance,
01:18:40 il a hésité sur ce plan, si vous voulez.
01:18:43 En Asie, disons les choses, la troisième voie,
01:18:45 c'est celle de la Birmanie, du maréchal Newin, un dictateur local d'ailleurs,
01:18:49 neutraliste, c'est la composante neutraliste de l'ASEAN,
01:18:53 c'est vraiment opposé, si vous voulez, à ce qu'est la situation aujourd'hui de confrontation.
01:18:58 Aucun de nos amis d'Asie du Sud-Est n'irait vraiment dans cette direction aujourd'hui.
01:19:05 Ils sont très contents de voir les Occidentaux se mettre au premier rang,
01:19:08 ça leur évite d'être aux premières loges au conflit face à la Chine,
01:19:11 parce qu'eux sont les voisins et ils ont peur, il faut dire les choses clairement.
01:19:15 Mais ils ne seraient pas si contents que ça de nous voir adopter une attitude analogue à la leur.
01:19:19 Ils ont besoin d'être défendus.
01:19:21 Il y a un équilibre, l'économie et la dépendance commerciale d'un côté,
01:19:25 la défense tout court de l'autre du côté des États-Unis,
01:19:29 et éventuellement dans une moindre mesure de l'Europe.
01:19:32 Il faut dire aussi que chez les Français, dans l'attitude de Macron,
01:19:35 il y a quelque chose de surprenant, parce que dans les faits, la France en a fait bien plus.
01:19:41 Commander des unités de marine pour la défense de nos AEDE
01:19:45 et pour la présence dans le Pacifique, ça n'a rien à voir avec la présence américaine,
01:19:51 mais nous sommes quand même les plus présents avec des déploiements annuels et des navigations,
01:19:58 avec l'accord de défense avec l'Inde qui inclut la possibilité de se baser réciproquement
01:20:03 dans nos territoires, de la Réunion si vous voulez, et en Inde.
01:20:08 On n'aidait pas beaucoup de la sécurité américaine au Sahel, en Syrie, Irak, on en a été intégré.
01:20:15 Tout ça, le président de la République l'a soutenu, il l'a fait peut-être discrètement, mais c'est là.
01:20:19 Et ça rend très curieux ce distinguo si vous voulez, entre les paroles et les actes.
01:20:26 Jean-Marc Daniel, un dernier mot sur ce sujet ?
01:20:29 Oui, je pense qu'effectivement, ce qui est le plus inquiétant dans tout ça,
01:20:33 c'est le caractère désorganisé et désordonné du message du président de la République,
01:20:37 mais qui ne concerne pas que la diplomatie.
01:20:40 On a l'impression d'un abatteurisme permanent,
01:20:44 alors qu'on est quand même six ans après son accession à l'Élysée.
01:20:49 Il reste toujours élève, toujours en train d'apprendre, sans être capable de définir un cap.
01:20:55 Et on va voir ce qu'il va nous dire demain, mais je pense que de nouveau,
01:20:57 demain, tout le monde va être surpris des propos qu'il va tenir.
01:21:00 Il paraît que quand il a été reçu, quand elle est collée à l'École normale supérieure,
01:21:04 je ne sais pas si c'est vrai, si l'histoire est apocryphe,
01:21:06 mais on dit qu'il y avait sur une de ses copies "verbeux et hors sujet",
01:21:10 ce qui lui avait valu de ne pas être reçu à l'École normale supérieure.
01:21:13 Je crains que sur beaucoup de domaines,
01:21:15 il reste dans cette espèce de tendance naturelle à être assez souvent hors sujet.
01:21:20 Akim El-Karoui ?
01:21:22 Je pense qu'il faut être modeste, à la fois dans l'expression de la puissance française,
01:21:29 puisque aujourd'hui, il faut partir de là où on est,
01:21:32 parce qu'en fait, ça ne marche plus de raconter des choses dont on n'est pas capable.
01:21:35 Et puis peut-être que nous, comme commentateurs, il faut aussi qu'on soit,
01:21:39 comment dire, pas trop, disons qu'on accepte que de temps en temps, on peut faire des erreurs.
01:21:46 On peut avoir des paroles, notamment à 10 000 mètres au-dessus du sol,
01:21:51 qui ne sont pas les plus adéquates.
01:21:53 Lionel Jospin avait fait, lui aussi, dans un avion, une grave erreur verbale.
01:21:58 Quand il avait parlé de la Guinness du président Chirac.
01:22:02 Et puisqu'on parle de la Chine et que votre spécialité à vous, Bill François,
01:22:06 c'est de nous raconter l'origine des aliments,
01:22:08 vous pouvez peut-être nous raconter l'histoire de la groseille chinoise,
01:22:12 dont personne ne voulait manger pendant la guerre froide,
01:22:15 parce qu'on trouvait que ça ressemblait à des souris.
01:22:17 Alors, ça peut paraître hors sujet, oui,
01:22:18 mais ça ne m'a pas empêché d'être reçu à l'école normale supérieure.
01:22:22 Mais ce n'était pas hors sujet.
01:22:24 En fait, ce n'est pas hors sujet.
01:22:25 La groseille chinoise...
01:22:26 Mais on peut gouverner un pays sans être reçu à l'école normale supérieure.
01:22:29 Je voudrais quand même qu'on...
01:22:30 Je pense qu'il vaut mieux ne pas être reçu pour gouverner un pays.
01:22:34 Regardez la photo.
01:22:35 Ça, c'était la groseille chinoise.
01:22:38 Donc, vous avez reconnu, c'est le fruit qu'on appelait aussi souris végétale.
01:22:42 Et ces deux noms effrayaient beaucoup les acheteurs occidentaux.
01:22:45 Souris végétale, évidemment, parce qu'on n'a pas envie de manger une souris.
01:22:48 Et groseille de Chine, parce qu'à l'époque de la guerre froide,
01:22:51 où les kiwis étaient proposés sur les marchés...
01:22:53 Oui, parce que ce sont des kiwis, en fait.
01:22:54 Ce sont des kiwis.
01:22:55 Vous les avez probablement reconnus, mais à l'époque, ils ne s'appelaient pas comme ça.
01:22:58 Donc, groseille de Chine, à l'époque, le consommateur était plus engagé qu'aujourd'hui
01:23:02 et n'avait pas vraiment envie d'acheter des fruits chinois.
01:23:06 Je trouve que c'est quand même intéressant, d'ailleurs,
01:23:08 de voir à quel point le consommateur était plus engagé.
01:23:11 Parce qu'aujourd'hui, même s'il y a tous ces problèmes de droit de l'homme,
01:23:14 de crime contre l'humanité avec la Chine, d'invasion de Taïwan,
01:23:17 on achète quand même des produits chinois à tout va,
01:23:19 et on s'en est rendu complètement dépendant.
01:23:21 Mais bref, à l'époque, donc...
01:23:23 On n'en achetait pas.
01:23:24 On n'en achetait pas.
01:23:25 Et c'est comme ça que des Néo-Zélandais ont eu l'idée d'inventer le mot de kiwi,
01:23:30 en donnant ce fruit...
01:23:31 - Parce qu'ils produisaient de la groseille chinoise.
01:23:33 - Ils produisaient de la groseille chinoise.
01:23:34 Ils voulaient en vendre à l'Occident.
01:23:36 Et puis, ils avaient cet oiseau qu'on appelait le kiwi,
01:23:38 qui ressemblait un petit peu à la groseille chinoise.
01:23:40 Donc, ils ont renommé le fruit.
01:23:42 C'est devenu le kiwi.
01:23:43 Là, ça n'évoquait rien à l'acheteur occidental.
01:23:45 Et donc, on s'est rué sur ce fruit.
01:23:47 - Sur les kiwis. C'est depuis...
01:23:48 - Qui est d'ailleurs même cultivé en France aujourd'hui.
01:23:50 - Oui, et depuis...
01:23:50 - C'est depuis ces années-là qu'on consomme des kiwis.
01:23:52 - Vous allez nous raconter d'autres ruses qui ont permis de manger
01:23:56 un certain nombre d'aliments qu'on ne voulait absolument pas manger.
01:23:59 Mais d'abord, on va...
01:24:01 D'abord, je vais remercier Akim El-Karoui et François Godeman,
01:24:04 qui nous quittent.
01:24:05 On reste avec vous, Bill François, et avec Jean-Marc Daniel.
01:24:08 On va continuer de faire ce voyage dans nos assiettes,
01:24:12 d'où viennent tous les aliments que nous connaissons,
01:24:15 mais dont nous ne connaissons pas l'origine.
01:24:17 Mais d'abord, le rappel des titres, Isabelle Piboulot.
01:24:21 - Le ministre de l'Intérieur se rendra dans les Pyrénées-Orientales
01:24:27 tôt demain matin.
01:24:28 L'incendie a franchi la frontière espagnole.
01:24:30 500 sapeurs-pompiers resteront mobilisés cette nuit.
01:24:34 La résorption complète du feu pourrait nécessiter plusieurs jours.
01:24:38 Depuis 9h30 ce matin, près de 950 hectares de végétation
01:24:43 sont partis en fumée entre Cerbère et Bagnoles-sur-Mer.
01:24:47 La conquête de l'espace continue.
01:24:49 SpaceX vise un premier vol test demain de la plus grande fusée du monde.
01:24:54 Développée par l'entreprise d'Elon Musk,
01:24:57 le lanceur de 120 m de haut est destiné à des voyages vers la Lune ou encore Mars.
01:25:02 Le décollage doit avoir lieu depuis la base spatiale Starbase,
01:25:06 située à l'extrême sud du Texas.
01:25:08 Succès peut-être, exaltation garantie, a tweeté Elon Musk.
01:25:13 Et puis vous avez peut-être suivi la moto GP sur Canal+,
01:25:17 l'espagnol Alex Rins a remporté le Grand Prix des Amériques Austin
01:25:22 devant l'italien Luca Marini.
01:25:25 Le français Fabio Quartararo, lui, termine 3e
01:25:29 et signe aux Etats-Unis son premier podium de la saison.
01:25:33 Le Grand Prix a été marqué par la chute du champion en titre,
01:25:37 Francesco Bagnaia, alors que l'italien était en tête.
01:25:44 On est de retour avec Bill François, qui est biophysicien et naturaliste.
01:25:51 C'est l'auteur du plus grand menu du monde,
01:25:53 un livre préfacé par le grand chef Guy Savoie,
01:25:56 dans lequel vous nous racontez comment les aliments
01:25:59 que nous avons l'habitude de manger sont arrivés dans notre assiette.
01:26:02 Il est temps de dévoiler l'origine de certains de nos légumes préférés.
01:26:07 Bill François, les enfants, c'est bien connu, n'aiment guère les légumes.
01:26:10 Et bien, durant des siècles, il n'était pas les seuls.
01:26:13 Les tomates, les pommes de terre, les poivrons, les aubergines.
01:26:16 Personne n'en voulait en France.
01:26:18 Alors pourquoi la famille des Solanacées, puisque c'est leur nom, c'est une famille,
01:26:23 pourquoi la famille des Solanacées nous faisait-elle peur à ce point ?
01:26:27 Racontez.
01:26:28 Toutes ces plantes qu'on retrouve tous les jours dans nos assiettes aujourd'hui,
01:26:32 tomates, poivrons, aubergines, pommes de terre,
01:26:34 c'est une seule et même famille qui nous faisait très peur
01:26:37 pour la bonne et simple raison qu'elles sont nées sur le continent américain.
01:26:42 Alors, c'est pas ça qui nous faisait peur,
01:26:43 mais elles se sont développées, ces plantes, sur le continent américain.
01:26:47 Et quelques oiseaux ont, bien avant que les humains colonisent la planète,
01:26:52 apporté quelques graines de plantes de cette famille quand même en Europe.
01:26:56 Et en Europe, les plantes de cette famille qu'on a eues ont évolué
01:26:59 pour nous donner des plantes très toxiques utilisées par les sorcières,
01:27:03 comme la belle Ladone ou la mandragore.
01:27:06 On va les voir toutes les deux en photo.
01:27:07 Donc, on les voit plus souvent dans les films d'Harry Potter
01:27:10 que dans la réalité.
01:27:12 La mandragore, c'est cette plante, ça c'est la belle Ladone,
01:27:15 qui fait des baies et qui est extrêmement toxique.
01:27:18 La mandragore, c'est cette plante qui fait des racines très bizarres.
01:27:22 Dans Harry Potter, elle pousse des cris, les racines.
01:27:25 Mais ça avait des racines en forme d'humain, en gros.
01:27:27 Et donc, les alchimistes utilisaient ça pour faire des poisons, etc.
01:27:31 Et donc, quand les tomates et les aubergines sont à leur tour
01:27:34 arrivées en Europe via les échanges commerciaux avec le Nouveau Monde,
01:27:40 eh bien, les Européens ont été très effrayés
01:27:43 parce qu'ils ont tout de suite reconnu l'air de famille
01:27:45 qui reliait les tomates à la belle Ladone qu'on vient de voir.
01:27:48 Ce qui est drôle dans l'histoire, c'est que ce sont les savants qui disent
01:27:50 "il ne faut pas en manger".
01:27:51 Exactement, les savants de suite comprennent que c'est de la même famille
01:27:55 et décrètent qu'il ne faut surtout pas en manger.
01:27:57 Et dans les grimoires de savants de l'époque, on voit des textes
01:28:00 où la tomate est décrite comme un fruit apocalyptique
01:28:04 qui dégage une puanteur malsaine, etc.
01:28:06 Et pendant le temps que les savants et dans les grandes villes
01:28:09 ont refusé absolument d'y toucher, heureusement, le peuple,
01:28:12 en commençant par le pourtour méditerranéen,
01:28:15 a peu à peu pris l'habitude de manger des tomates notamment,
01:28:18 parce qu'eux, ils écoutaient plus les marins que les savants.
01:28:21 Et les marins avaient bien vu que dans le Nouveau Monde,
01:28:23 les populations locales ne se gênaient pas pour manger de la tomate.
01:28:26 Et c'est comme ça que peu à peu, dans le sud de la France notamment,
01:28:30 et en Italie, on a commencé à consommer de la tomate.
01:28:33 Et à la Révolution, lorsque les Marseillais,
01:28:35 en chantant la fameuse "Marseillaise", sont arrivés à Paris,
01:28:39 ça c'est pour l'anecdote, mais ça a sans doute joué un rôle,
01:28:43 eh bien c'est là que ces Marseillais, ces soldats qui avaient l'habitude
01:28:46 de consommer des tomates, ont réclamé des tomates à Paris
01:28:50 et ont donc apporté l'idée qu'on pouvait manger ce fruit.
01:28:53 - Juste une question, la tomate en question,
01:28:56 parce que maintenant, chez notre marchand de légumes,
01:28:59 des tomates, il y en a, mais de 25 types.
01:29:01 Il y a des cœurs de bœuf, des tomates plus ou moins longues,
01:29:04 des tomates cerises, etc.
01:29:06 Elle était comment la tomate qui est arrivée pour la première fois d'Amérique ?
01:29:10 - La vraie tomate.
01:29:11 - La vraie tomate.
01:29:12 Elle n'avait rien à voir avec toutes ces tomates.
01:29:15 - En fait, il y avait plein de variétés en Amérique,
01:29:16 parce que la tomate, elle était cultivée par les populations précolombiennes
01:29:21 qui en avaient eux aussi plein de variétés, des longues, des bleues,
01:29:24 des vertes, des jaunes, des petites, etc.
01:29:28 Celles qui sont arrivées en première en Europe, ça je ne sais pas, mais je...
01:29:32 - En tout cas, elles étaient rouges assez rapidement.
01:29:35 - Ça, c'est sûr.
01:29:36 Au début de la Renaissance, alors est-ce que...
01:29:40 Non, d'abord, la laitue, ça m'a frappé.
01:29:43 Vous dites que ça, c'était véritablement la laitue à légumes de sorcière.
01:29:47 - Oui, alors ça, celle-ci, elle vient de chez nous.
01:29:50 La laitue, c'est une plante européenne et c'était vraiment utilisé par les sorcières,
01:29:54 puisque si vous distillez de la laitue, ne le faites pas chez vous,
01:29:58 mais le sucre que vous allez obtenir, qui est un jus extrêmement amer,
01:30:01 en goûtant un peu au niveau de la tige d'une laitue, là où c'est épais,
01:30:04 on le sent un peu que c'est amer,
01:30:06 il contient une sorte de substance, le lactucarium,
01:30:10 qui en fait est une drogue qui donne des effets psychotropes
01:30:14 et qui est à l'origine de l'idée que les sorcières volaient lors des sabbats.
01:30:17 C'est parce qu'elles consommaient du jus de laitue en grande quantité
01:30:20 et ça leur donnait l'impression de voler.
01:30:22 Il faut des grandes quantités de laitue,
01:30:24 donc ne vous inquiétez pas avec la laitue cultivée,
01:30:27 ça ne vous arriverait pas d'avoir l'impression de voler.
01:30:29 - Et alors, est-ce que c'est parce que la laitue, ça faisait peur aussi
01:30:32 qu'au moment de la Renaissance,
01:30:34 vous racontez que la noblesse refusait absolument de manger des légumes verts,
01:30:38 comme les enfants en fait ?
01:30:39 - Comme les enfants, au moment de la Renaissance,
01:30:41 la noblesse refusait de manger les légumes
01:30:44 parce que c'est des aliments qui poussent au ras du sol,
01:30:46 donc bien loin du royaume des cieux,
01:30:49 contrairement aux fruits des arbres
01:30:51 qui sont déjà un petit peu plus célestes, un petit peu plus nobles.
01:30:54 Et donc les légumes s'étaient considérés vraiment comme
01:30:58 du vulgaire végétal tout juste bon pour le fourrage des animaux.
01:31:01 Et il a fallu les russes de Catherine de Médicis,
01:31:04 qui a apporté les légumes comme l'artichaut ou des...
01:31:09 - Des haricots ?
01:31:10 - Oui, qui a apporté aussi des haricots qui venaient d'Amérique,
01:31:12 mais qui avaient transité via son Italie natale,
01:31:15 parce qu'elle, elle était italienne.
01:31:17 Et elle, elle a rusé en servant les légumes,
01:31:19 en fait, lors des banquets,
01:31:22 en même temps que des douceurs qui venaient aussi d'Italie,
01:31:24 comme des glaces ou des nougats.
01:31:27 Et donc le fenouil servi en même temps que le nougat,
01:31:29 ça paraissait être du même akabie.
01:31:31 Donc, comme pour un enfant à qui on servirait la purée d'épinards
01:31:34 en même temps que le dessert,
01:31:36 eh bien, les nobles ont commencé à accepter cette nouvelle nourriture.
01:31:40 - Et la pomme de terre, vous dites que ça a été encore pire que la tomate
01:31:43 pour se faire accepter.
01:31:44 - La pomme de terre, c'est encore pire parce que ça vit non seulement
01:31:47 très loin du royaume des cieux, mais carrément sous la terre,
01:31:49 là où seuls les cochons osent risquer leur groin.
01:31:52 - C'est pour ça qu'on avait...
01:31:53 - Ah, c'était sale.
01:31:54 En plus, c'était une solane assez de la même famille que les tomates.
01:31:57 Donc, il y avait ce côté effrayant qui est resté aussi.
01:32:01 On peut croiser la pomme de terre et la tomate.
01:32:03 On peut greffer un plan de tomate sur des pommes de terre
01:32:06 et obtenir une plante qui donne des pommes de terre et des tomates.
01:32:08 C'est deux plantes très proches.
01:32:10 Donc, ça faisait peur aussi, la pomme de terre.
01:32:12 - Et alors, est-ce que c'est vrai l'histoire de Parmentier qui aurait,
01:32:15 pour arriver à convaincre les Parisiens de manger des pommes de terre,
01:32:20 qui aurait mis des barrières autour de son champ de patates,
01:32:23 des soldats en armes et qui serait dire,
01:32:26 "Comme ça, ils vont venir me la voler."
01:32:28 Il avait tout compris à la prohibition avant tout le monde.
01:32:30 - Absolument.
01:32:31 - Tout le monde raconte cette histoire.
01:32:33 Et personne ne comprend qu'il y a un rapport avec le fait que,
01:32:35 quand on interdit soit l'alcool, soit les drogues,
01:32:37 ça rend ça plutôt incitatif.
01:32:40 - Ah, c'est très rusé. C'est l'idée du goût de l'interdit.
01:32:42 - Oui, c'est ça. Mais on s'en souvient pour Parmentier.
01:32:45 On ne s'en souvient pas pour le reste.
01:32:46 Toujours est-il que Parmentier, c'est vrai, alors ou c'est une légende ?
01:32:49 - Il y a beaucoup de discussions autour des histoires autour de Parmentier,
01:32:52 comme toutes les grandes figures de l'histoire,
01:32:54 comme Christophe Colomb.
01:32:55 On veut trouver d'autres personnes qui ont découvert l'Amérique avant lui.
01:32:58 Parmentier, on n'est pas sûr, mais apparemment, il aurait en tout cas...
01:33:02 L'anecdote serait vraie.
01:33:04 Est-ce que ça a joué un grand rôle dans la diffusion de la pomme de terre ?
01:33:07 C'est moins certain, mais l'anecdote qu'il a fait garder les champs de pommes de terre serait vraie.
01:33:10 - Et qu'il a interdit aux gens de venir en prendre ?
01:33:12 - Exactement. Il a mis des soldats en armes,
01:33:14 mais qui avaient ordre, évidemment, de laisser les gens en prendre quelques-unes.
01:33:17 - Mais il avait appris la pomme de terre en Prusse.
01:33:19 Ça prouve que les Prussiens mangeaient des pommes de terre.
01:33:21 Est-ce que vous avez regardé la vitesse de diffusion ?
01:33:23 Par exemple, vous parlez de la tomate.
01:33:24 Les Marseillais ont commencé à manger et elle s'est diffusée après en Europe grâce à qui ?
01:33:30 La tomate.
01:33:31 La tomate, parce que si les Marseillais n'en mangeaient pas, les Parisiens,
01:33:34 je pense que les Prussiens n'en mangeaient pas.
01:33:35 - Oui, ça s'est diffusé en Europe, la tomate, grâce aux Italiens.
01:33:38 C'est autour de Naples et de l'Italie, via les marins,
01:33:43 que ça s'est diffusé dans le sud de l'Europe d'abord,
01:33:45 qui est un climat plus propice aussi pour la cultiver.
01:33:48 Et la pomme de terre, effectivement, ça s'est diffusé via l'Europe de l'Est
01:33:52 et le nord de l'Europe avant d'arriver en France.
01:33:55 - Alors, une histoire que absolument tout le monde va retenir,
01:33:58 parce qu'elle est merveilleuse, c'est comment a-t-on inventé le fromage ?
01:34:03 Ce qui est extraordinaire, on découvre dans votre livre,
01:34:05 et je pense que ça, on le sait depuis très peu de temps,
01:34:08 que, en fait, tous les fromages ont été inventés par une mouche
01:34:12 et une seule il y a 5 500 ans au Proche-Orient.
01:34:15 Racontez-nous l'histoire.
01:34:16 - Une et une seule mouche, oui.
01:34:17 Et on le sait depuis assez peu de temps, même si ça s'est passé il y a très longtemps.
01:34:21 Alors, il faut savoir que les mouches, c'est des ivrognes volants.
01:34:24 C'est un insecte alcoolique qui a besoin de boire de l'alcool en permanence
01:34:28 pour combattre leur maladie.
01:34:30 C'est leur façon de s'immuniser.
01:34:32 Et pour ça, elles trouvent l'alcool dans les fruits fermentés.
01:34:35 C'est pour ça que si vous laissez des fruits pourris dans votre cuisine,
01:34:37 vous allez avoir plein de petites drosophiles,
01:34:40 de petites mouches qui vont venir boire et se saouler la gueule sur vos fruits pourris.
01:34:45 Et ça leur sert à combattre leur maladie.
01:34:48 Mais en buvant le jus des fruits pourris,
01:34:50 elles boivent aussi les levures, les petits micro-organismes
01:34:53 qui vivent à l'intérieur même des fruits et qui les font fermenter.
01:34:58 Et donc, ces levures font leur vie aussi à l'intérieur des mouches.
01:35:01 Et on sait qu'il y a 5 500 ans, une mouche est tombée dans un pot de lait.
01:35:05 Et à cette époque-là, avant ça,
01:35:07 les levures qui faisaient fermenter le lait ne lui donnaient pas un bon goût.
01:35:11 Donc, on n'arrivait pas à faire du fromage parce que le lait fermenté avait mauvais goût.
01:35:14 Le jour où la mouche est tombée, les levures qui étaient dans la mouche
01:35:17 se sont hybridées avec celles qui étaient dans le lait.
01:35:19 Et ça a donné une nouvelle souche de super levure
01:35:21 qui, elle, donne un goût très très bon au lait.
01:35:24 Et donc, miracle, les humains qui ont trouvé ce pot de lait avec une mouche dedans
01:35:28 ne l'ont pas jeté, mais ont continué à perpétuer cette souche de levure
01:35:32 jusqu'à nous donner les fromages qu'on a aujourd'hui.
01:35:34 Donc, ils ont élevé, sans savoir vraiment même que c'était vivant,
01:35:37 à l'époque, on n'en avait pas la conscience,
01:35:39 mais ils ont continué à élever cette levure et à la perpétuer.
01:35:42 Et c'est ça qui nous a donné tous nos fromages.
01:35:44 On le sait parce qu'on a étudié maintenant, très récemment,
01:35:48 il y a quelques années, le génome des levures contenues dans les mouches,
01:35:51 dans les fruits fermentés des régions d'origine des mouches en Afrique de l'Est
01:35:56 et dans les fromages, évidemment.
01:35:59 Et donc, on sait qu'il y a environ 5500 ans,
01:36:02 ça coïncide d'ailleurs avec les premières traces de fromages
01:36:04 dans les restes d'alimentation humaine.
01:36:06 C'est là que le fromage est apparu.
01:36:08 - Mais ce qui est extraordinaire, c'est de se dire que s'ils avaient
01:36:11 réflexe banal qu'on aurait tous aujourd'hui,
01:36:13 on voit une mouche dans du lait, on jette le lait.
01:36:15 - On jette, oui.
01:36:16 - On ne goûte pas.
01:36:17 - Eux, ils ont goûté. Heureusement qu'ils ont goûté.
01:36:19 - Eux, ils ont goûté. Il faut toujours goûter.
01:36:21 - Non, mais c'est vrai, c'est pas passé loin quand même.
01:36:25 De la même façon, j'aimerais que vous nous racontiez l'histoire du blé.
01:36:29 Je suis sûr que ça va beaucoup intéresser Jean-Marc.
01:36:31 Parce que le blé, c'est le condensateur d'une civilisation.
01:36:36 - Ah, mais on parlait tout à l'heure de l'évolution du blé,
01:36:38 qui est très, très longue et qui n'est pas qu'une évolution du blé,
01:36:42 qui est une co-évolution parce qu'on oublie souvent,
01:36:45 en parlant des espèces qu'on consomme,
01:36:47 qu'en fait, on ne fait pas que les consommer, les sélectionner et les transformer.
01:36:52 Elles nous transforment aussi.
01:36:53 C'est des destins qui sont reliés et qui relient l'humain au reste du vivant.
01:36:57 Et donc, le blé, il a co-évolué avec l'humain.
01:37:00 Et l'humain a acquis toutes sortes de facultés
01:37:03 où le blé a exercé sa sélection sur l'humain.
01:37:06 Les humains qui arrivaient à élever le plus de blé survivaient mieux, en quelque sorte,
01:37:10 et donc étaient sélectionnés par le blé dans le même temps que l'humain sélectionnait le blé.
01:37:14 D'autant plus que c'est en cultivant le blé qu'on a créé la propriété privée.
01:37:20 Exactement.
01:37:21 On s'est sédentarisé quasiment.
01:37:23 La civilisation, on peut la voir aussi comme un lien avec une espèce.
01:37:27 Et nos civilisations occidentales se sont bâties sur le blé, on s'est sédentarisé.
01:37:32 Ça, on l'était un petit peu avant, mais ça a aidé, évidemment.
01:37:35 Et surtout, on a commencé à faire des greniers, à avoir de la propriété privée,
01:37:39 à essayer de conquérir d'autres territoires, etc. à partir de là.
01:37:43 Et ce qui est amusant, c'est que d'autres civilisations qui se sont alliées avec d'autres plantes
01:37:48 ont d'autres histoires qui peuvent être très différentes.
01:37:51 Alors pour celles qui se sont alliées avec le riz, ça fait des histoires conquérantes aussi similaires
01:37:56 parce que c'est aussi une plante qu'on peut stocker.
01:37:59 Mais celles qui se sont alliées avec le manioc, par exemple, en Amazonie,
01:38:03 on a l'image que les Indiens d'Amazonie sont des chasseurs-cueilleurs,
01:38:05 mais en fait, c'est des cultivateurs principalement.
01:38:08 La forêt amazonienne, c'est une zone cultivée en grande partie, notamment de manioc.
01:38:12 Et bien eux qui cultivaient le manioc et non pas le blé, le manioc, ils le laissaient sur pied
01:38:16 parce que c'est beaucoup plus simple de le laisser et ça pousse sous la terre.
01:38:19 Donc, on ne peut pas vraiment évaluer combien il y en a.
01:38:21 Du coup, pas de propriété, pas d'impôt et pas besoin de faire des stocks, pas besoin d'amasser.
01:38:26 Et donc, ils ont vécu sans ces concepts-là pendant des millénaires sans problème.
01:38:30 - Grâce au manioc ou à cause du manioc ?
01:38:32 - Ou à cause du manioc.
01:38:33 - Grâce au manioc, si. Manioc égal, pas d'impôt, je dis grâce au manioc.
01:38:38 - C'est vrai qu'il a écrit un livre pour dire qu'on payait trop d'impôts.
01:38:40 - Exactement.
01:38:41 - Il faut manger du manioc.
01:38:43 - Alors, racontez-nous aussi comment le poulet est devenu un plat populaire.
01:38:47 Parce qu'il y avait la fameuse poulopo d'Henri IV, avant ça il y avait le poulet des Celtes.
01:38:52 Mais en fait, on apprend en lisant votre livre que le vrai poulet,
01:38:55 tel qu'on le pratique aujourd'hui, tel qu'on le mange souvent avec des frites,
01:38:59 ça vient d'un cadeau des Chinois à la reine Victoria.
01:39:03 - Oui, c'est une véritable folie collective qui a eu lieu au 19e siècle, dans les années 1840.
01:39:10 En fait, avant ça, on avait des races fermières de poulet qui venaient d'Asie,
01:39:14 mais depuis très longtemps, qui étaient élevées en Europe,
01:39:18 qui n'étaient pas très productives et donc qu'on ne consommait pas très souvent.
01:39:22 Et lorsque un amiral qui était en patrouille en Chine a envoyé quelques poulets d'Indochine
01:39:29 à la reine Victoria, de Cochinchine plus précisément,
01:39:32 eh bien la reine Victoria s'est complètement éprise de ces animaux,
01:39:35 elle est devenue complètement gaga des poulets.
01:39:37 Du coup, toute l'administration et toute l'aristocratie l'a suivi dans sa folie en Angleterre.
01:39:43 Les lords, les ladies, achetaient des poulets de Chine,
01:39:45 ils en faisaient venir les races les plus extravagantes.
01:39:48 - Mais pour jouer avec, pas pour les manger.
01:39:50 - Comme animal de compagnie.
01:39:51 Ils étaient mieux traités souvent que leurs domestiques,
01:39:54 et mieux traités que leurs chiens et leurs chats comme animal de compagnie.
01:39:57 En France, cette mode s'est exportée aussi parce que la femme de Napoléon III
01:40:02 a voulu, elle aussi, l'impératrice Eugénie, acheter des poulets
01:40:06 pour en avoir d'encore mieux que les Anglais,
01:40:08 puis ça s'est exporté aux États-Unis.
01:40:10 Et donc, toute l'Europe, à un moment donné, pendant une ou deux décennies,
01:40:15 avait une grande folie des poulets, une bulle économique comme ça, une mode,
01:40:19 qui a explosé à un moment donné parce que les gens ont changé de hobby, tout simplement.
01:40:24 Et donc, il a fallu se débarrasser de tous ces poulets,
01:40:27 et on les a vendus à des élevages pour de la viande.
01:40:30 Et c'est comme ça qu'on s'est rendu compte qu'ils étaient beaucoup plus productifs
01:40:34 niveau viande et niveau œufs aussi.
01:40:36 Et donc, en croisant ces poulets avec les races européennes,
01:40:39 sont nées la plupart des races qu'on consomme aujourd'hui,
01:40:42 notamment celles qui produisent des œufs à coquilles marrons.
01:40:45 Parce qu'avant ça, toutes les poules donnaient des œufs à coquilles blanches.
01:40:48 Les œufs à coquilles marrons, c'est un cadeau des gènes des poules asiatiques.
01:40:53 Et d'où, après, le super poulet dont vous parliez tout à l'heure,
01:40:56 inventé par les Américains au XXe siècle,
01:40:58 lui qui pèse 30 fois plus, qui se mange au bout de 40 jours,
01:41:04 le super poulet qui...
01:41:05 - Le super poulet qui est maintenant le vertébré terrestre le plus répandu,
01:41:11 l'oiseau le plus nombreux à la surface de la planète.
01:41:14 Il y en a plus que...
01:41:15 - Le bœuf, vous dites que ça vient d'une rencontre, là aussi,
01:41:19 c'est comme la mouche du fromage.
01:41:21 Là, c'est une rencontre avec un troupeau d'orocs.
01:41:24 Des orocs, on va en voir un, c'est l'ancêtre du taureau sauvage.
01:41:28 L'oroc, c'est un troupeau de moins de 100 têtes,
01:41:31 à un moment que l'homme va rencontrer au Proche-Orient aussi.
01:41:36 - Exactement, les orocs, ça s'est joué à pas grand-chose,
01:41:39 la domestication du bœuf.
01:41:41 Si on a du bœuf aujourd'hui dans notre assiette,
01:41:42 ça s'est joué à pas grand-chose parce que, par des analyses génétiques,
01:41:45 on sait aujourd'hui que le troupeau qui a engendré toutes nos races de bœufs
01:41:49 européennes et occidentales, parce qu'il y a aussi les bœufs à Bosse,
01:41:51 les ébulles, qu'on retrouve aussi en Amérique du Sud,
01:41:54 qui sont une autre lignée.
01:41:55 Mais le troupeau qui a généré toutes nos races,
01:41:58 la primolchteine, la charolaise, la angus, tout ce que vous voudrez,
01:42:02 c'était 80 têtes de bétail qui ont été encerclées par des humains et élevées.
01:42:07 - Ils ressemblent à ça ?
01:42:09 - Ils ressemblaient à peu près à ça.
01:42:09 Ça, c'est un oroc reconstitué parce que l'espèce sauvage a disparu,
01:42:13 vers 1500, ils ont été trop chassés et surtout,
01:42:16 ils se sont pris les maladies du bétail domestique.
01:42:19 Donc l'espèce sauvage a disparu et ça, c'est une sorte de reconstitution
01:42:23 qui est fidèle au niveau des apparences, mais pas du tout au niveau de la génétique.
01:42:27 - Et alors, autre histoire tout à fait étonnante que vous racontez dans votre livre,
01:42:34 c'est que quand on va chez le poissonnier pour acheter un filet de colin,
01:42:38 en fait, on ne sait pas ce qu'on va manger parce que le colin, ça n'existe pas.
01:42:43 - Le colin, c'est un mot général un peu inventé pour le commerce
01:42:48 et qui peut désigner légalement plus de 9 espèces de poissons
01:42:52 qui sont très éloignées les unes des autres.
01:42:55 Donc il y a le colin d'Alaska par exemple,
01:42:57 c'est un terragra, c'est un poisson d'une certaine famille
01:43:01 qui n'a rien à voir avec le colin merlu qu'on peut acheter aussi sous le même nom,
01:43:05 sans parler du colin lieu, du lieu qui est encore autre chose, un gadidé.
01:43:09 Donc en gros, c'est aussi différent qu'une chauve-souris d'un diplodocus
01:43:14 en termes d'évolution de lignée.
01:43:17 Et ça, c'est un gros problème, c'est le problème d'étiquetage du poisson
01:43:19 parce que ça fait qu'on peut faire passer n'importe quel poisson sous n'importe quel nom.
01:43:23 Il y a très, très peu de contrôle.
01:43:25 Ça permet des fraudes monumentales,
01:43:26 surtout avec des espèces menacées qu'on blanchit comme ça.
01:43:29 Il y a beaucoup de thon rouge qui est vendu sous le nom de thon obèse,
01:43:34 qui est une autre espèce où il n'y a pas les mêmes quotas,
01:43:36 pour en faire passer et pour tricher dans les quotas.
01:43:39 Alors le thon rouge se porte un peu mieux aujourd'hui,
01:43:41 mais ça reste un problème pour beaucoup d'espèces comme le cabillaud avec beaucoup de fraudes.
01:43:45 - Et personne ne réagit à ça ?
01:43:46 Parce que quand même, il y a une direction de la concurrence en France,
01:43:50 il y a le ministère de la Pêche, personne ne réagit.
01:43:53 Tout le monde considère normal qu'on puisse désigner avec un même mot des choses aussi différentes.
01:43:56 - Il n'y a pas de label ?
01:43:57 - Il n'y a pas de label.
01:43:59 Personne n'a eu envie de mettre un label.
01:44:01 Personne n'a eu envie de dire, écoutez, mettons de l'ordre dans cette anarchie.
01:44:06 - C'est vu que le consommateur n'a pas encore vraiment l'éducation à ça,
01:44:10 aux goûts différents des poissons.
01:44:12 On peut encore marquer au restaurant "filet de poisson", sans préciser.
01:44:16 On ne marquerait pas "steak de mammifère" sans dire s'il s'agit d'un boeuf charolais
01:44:20 ou du chat de la mère Michel.
01:44:22 Pour le poisson, on peut le faire.
01:44:23 Et c'est vrai que c'est un problème à la fois écologique et économique par rapport à la concurrence,
01:44:28 à certains artisans qui font très bien leur travail et qui étiquettent proprement,
01:44:32 puis d'autres qui font n'importe quoi,
01:44:33 des industriels qui ne vont pas forcément ou plus ou moins bien le faire.
01:44:38 Et alors, il y a des normes, mais qui sont intenables pour l'instant,
01:44:42 c'est-à-dire qu'on doit marquer le nom latin, la zone de pêche et l'engin utilisé.
01:44:48 Si vous allez dans n'importe quelle poissonnerie, le nom latin, à 90% du temps, il est faux
01:44:52 ou alors il n'y est pas, parce qu'on ne va pas demander aux poissonniers de parler latin.
01:44:56 Mais il faudrait remettre un peu de bon sens dans tout ça
01:44:58 et déjà faire attention à certaines espèces menacées.
01:45:02 - Alors, on n'aura pas le temps de raconter l'histoire de la fraise,
01:45:04 qui est absolument passionnante, celle du chocolat,
01:45:07 qui aurait dû disparaître il y a 15 000 ans, ni celle du café.
01:45:11 Toutes ces histoires sont dans votre livre.
01:45:13 Encore une fois, c'est un livre passionnant qui s'appelle,
01:45:16 j'ai oublié le titre, d'ailleurs, "Le plus grand menu du monde".
01:45:20 Merci, Lille-François, d'avoir été mon invité ce soir.
01:45:26 Merci, Jean-Marc, d'être resté jusqu'au bout.
01:45:30 Merci de nous avoir suivis et rendez-vous au prochain numéro.
01:45:34 Le prochain numéro des visiteurs du soir, c'est samedi prochain à 22h.
01:45:39 Je vous souhaite une très bonne nuit.
01:45:40 - Bonne nuit.
01:45:41 [SILENCE]