Les visiteurs du soir du 20/05/2023

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Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir

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00:00:00 Les visiteurs du soir seront 7 ce samedi. 4 sont déjà autour de moi.
00:00:07 L'émission commence juste après le rappel des titres par Isabelle Piboulot.
00:00:13 Dans l'est de l'Ukraine, le patron de Wagner revendique la capture de Barmout dans sa totalité.
00:00:22 Le groupe paramilitaire russe envisage de se retirer de la ville à partir du 25 mai pour laisser la défense à l'armée russe.
00:00:29 Une annonce alors que Volodymyr Zelensky se trouve au sommet du G7 au Japon pour accentuer la pression internationale sur Moscou.
00:00:37 Côté ukrainien, la situation est jugée critique mais Kiev affirme encore se battre.
00:00:43 Gérald Darmanin s'alarme d'une reprise de la menace terroriste sur le sol européen.
00:00:48 Une inquiétude à environ un an des Jeux olympiques de Paris.
00:00:52 En déplacement à New York, le ministre de l'Intérieur a demandé au gouvernement américain de renforcer la coopération antiterroriste entre les services de renseignement.
00:01:01 Et puis c'est l'événement de ce samedi au Festival de Cannes.
00:01:05 3 monstres du cinéma, ovationnés sur le tapis rouge, Martin Scorsese, Leonardo DiCaprio et Robert De Niro.
00:01:12 Pour la présentation de Killers of the Flower Moon, le réalisateur de 80 ans a réuni pour la première fois ses acteurs fétiches.
00:01:20 Un casting 5 étoiles pour un film de 3h30 hors compétition.
00:01:25 — Bonsoir. Bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir. On est samedi, les 22h. L'heure de se poser les bonnes questions sur l'actualité.
00:01:37 Le gouvernement veut réguler les réseaux sociaux accusés de tous les maux. On va en débattre à 22h20 avec Véronique Reys-Soult,
00:01:44 qui est la présidente de Backbone Consulting, une spécialiste en stratégie de réputation qui vient de publier
00:01:51 « L'Ultime Pouvoir », « La vérité sur l'impact des réseaux sociaux ». Et Tariq Krim, le fondateur de Netvibes ou de Joliklou,
00:01:59 ancien vice-président du Conseil du numérique et fondateur de Slowweb, un think-tank qui milite pour un Internet plus éthique.
00:02:10 On reviendra également sur les 13 milliards d'investissements d'entreprises étrangères en France annoncés par Emmanuel Macron
00:02:16 à l'issue du sommet Choose France à Versailles. Jean-Marc Daniel, à qui l'on doit une histoire de l'économie mondiale, plus exactement,
00:02:25 tire la sonnette d'alarme. La France, d'après lui, n'est plus propriétaire de la France. Il nous expliquera pourquoi à 23h,
00:02:33 il y aura également Sarah Ghiou, l'auteur de « La souveraineté économique à l'épreuve de la mondialisation ».
00:02:38 À 23h30, on s'intéressera avec Philippe Biwix et Sophie Janté au danger que nous fait courir l'étalement urbain.
00:02:45 55% de la population mondiale vit aujourd'hui dans des villes. Cela pourrait monter à 68% d'ici 2050, selon l'ONU.
00:02:53 En France, c'est déjà plus de 80%. Mais commençons tout de suite avec le dernier classement international.
00:02:59 PIRLS parut cette semaine. Le niveau de lecture des écoliers français en fin de primaire, qui ne cesse de baisser depuis 15 ans,
00:03:06 s'est légèrement amélioré en dépit du confinement, du Covid. Mais avec 514 points, il reste 13 en dessous de la moyenne européenne.
00:03:15 On est 16e sur 19. Et loin derrière Singapour, 187 points, Hong Kong, 573, et la Russie, 567.
00:03:26 Ce sont les trois premiers du classement. Et oui, la Russie nous met 53 points dans la vue.
00:03:30 Cécile Chabot, vous êtes l'auteur d'un roman, « Rachid, homme de lettres », mais aussi d'un livre épatant intitulé
00:03:37 « Tu fais quoi dans la vie, prof ? », dans lequel vous racontez avec beaucoup d'humour l'amour que vous portez à votre métier,
00:03:42 mais aussi à vos élèves, même quand ils sont nuls. Et depuis 25 ans, vous enseignez le français à des collégiens.
00:03:50 Vous avez débuté dans des zones réputées très difficiles. Vous exercez aujourd'hui dans Paris.
00:03:55 Si je vous ai invité ce soir, c'est pour vous poser une question simple. Pourquoi nos enfants ont-ils de plus en plus de difficultés à lire ?
00:04:03 – Vous savez, la lecture, c'est une transmission, comme à peu près tout. Et la transmission, normalement, idéalement,
00:04:11 se fait au sein de la famille, avec les parents qui racontent des histoires, qui familiarisent avec l'objet livre,
00:04:17 qui emmènent à la bibliothèque. Donc ça, c'est dans un cas, évidemment, idyllique. Mais dans de plus en plus de cas,
00:04:23 pour diverses raisons, cette transmission ne se fait plus. Donc l'école se retrouve, dès le départ, avec une fracture,
00:04:31 avec deux types d'élèves. Des élèves qui sont familiarisés avec le langage, avec les livres, et d'autres, pas du tout.
00:04:40 Donc il faut que l'école, dès le départ, avance avec cette hétérogénéité-là. Et c'est très difficile.
00:04:47 Et votre constat, c'est qu'on est mauvais. Ça veut dire que l'école...
00:04:52 — C'est pas mon constat. C'est le constat de l'étude. — Oui, oui, oui. Enfin voilà. L'école se révèle inapte à former des lecteurs.
00:04:58 — Mais surtout, vous, quand vous en héritez, vous en héritez en 6e. — Alors moi, effectivement, je sais pas si je suis très bien placée,
00:05:05 parce que moi, je les récupère... — Vous voyez bien leurs difficultés, puisque vous en héritez juste après qu'ils aient passé l'examen,
00:05:10 en gros, tôt ou en l'eau. — J'ai ces enfants après 8 ans de scolarité. — Donc ils ont passé par la maternelle avant.
00:05:16 — Ils ont passé par la maternelle et puis par l'élémentaire. Donc ça veut dire... — On aurait pu leur donner le goût de la lecture
00:05:21 pendant toutes ces années. — Oui, mais manifestement, ça n'est pas le cas. Donc après, on doit faire avec, avec le peu de temporalité
00:05:31 qu'on a, et puis avec peu de moyens. Mais enfin ça, j'en parlerai tout à l'heure. Je pense qu'il faut pas de moyens pour donner le goût de la lecture.
00:05:41 Mais ça, je parlerai. Je vous dirai comment je fais, moi, au quotidien. — Mais vous, vos élèves, ils lisent des livres ou ils lisent pas de livres ?
00:05:48 — Je peux pas faire de généralité, justement. Ça dépend des familles. Ça dépend de quelle école ils viennent, parce qu'il y a des...
00:05:55 Comment dire ? Je pense qu'il y a une volonté politique. Guillaume Bigot le disait sur votre antenne il y a 2 jours que l'école élémentaire
00:06:03 a des exigences de plus en plus faibles. Et je pense qu'il y a effectivement une volonté politique de baisser le niveau et de faire croire
00:06:10 que tout va bien. Voilà. Mais non, tout va pas bien. Et effectivement, quand on les récupère, les gamins en 6e, ils savent déchiffrer.
00:06:18 Ils sont à peu près déchiffreurs, parfois. Mais lire, c'est-à-dire être en capacité de comprendre, d'interpréter et par là même d'aimer, ça, non.
00:06:29 Et là, c'est vraiment compliqué, parce qu'on se retrouve... Vous savez, Proust disait « La lecture est une amitié ».
00:06:35 Il y a ces élèves qui ont été familiarisés avec le livre et qui aiment lire et qui voient le livre comme un ami, et d'autres que le livre repousse vraiment.
00:06:45 Mais ça, je pense que c'est de réforme en réforme. Le niveau a été abaissé, dans le public en tout cas, parce que les gens qui font des réformes
00:06:56 mettent leurs enfants dans le privé, bien évidemment. Mais je vais vous donner un exemple, l'exemple d'une aberration.
00:07:04 On peut penser que ça n'a pas de rapport avec la lecture, mais peut-être un peu quand même. Le cours magistral.
00:07:10 Moi, quand j'ai commencé à enseigner, on me disait « Mademoiselle, il ne faut pas faire de cours magistral ».
00:07:17 Le cours magistral, c'est-à-dire le moment où le prof dispense son savoir. Mais moi, je vais vous dire, dans ma classe,
00:07:24 ce n'est pas de plus beau moment que le moment où je donne mon savoir, où je transmets, où les enfants se taisent, déjà nerveusement,
00:07:32 ça leur fait du bien, se taisent et m'écoutent, et où je leur donne un savoir encyclopédique, mais où je leur donne mes valeurs humaines.
00:07:41 Je leur donne aussi... Vous disiez « Vous aimez vos élèves ? ». Oui, ils voient que je m'en occupe comme si j'étais leur mère,
00:07:47 avec ma portée de 25 petits, mais où je leur transmets. Voilà. – Et quand ils lisent, vous êtes obligés de les accompagner dans leur lecture,
00:07:58 puisque vous dites qu'ils déchiffrent et qu'ils ne comprennent pas forcément ce qu'ils lisent ? – Mon rôle, et le rôle de plein de profs résistants,
00:08:04 parce que la corporation n'est pas pourrie, il y a des pommes pourries, mais pas tout le monde, non ? Ce qu'on fait, c'est qu'effectivement,
00:08:13 on les accompagne dans les classiques, on leur raconte le début, on leur raconte l'avant, on leur raconte après.
00:08:20 En fait, on leur fait goûter le texte, on essaie de leur montrer que le texte est bon et savoureux. Moi, ce que j'ai fait, ça ne m'a rien coûté,
00:08:30 ça m'a coûté 300 euros. J'ai installé dans le fond de ma classe deux canapés, un gros fauteuil et une espèce de petite table basse
00:08:39 et des rayonnages de livres que j'ai remplis avec des bouquins que j'avais chez moi, des bouquins que j'ai trouvés en brocante et qui allaient partir à la poubelle.
00:08:46 Et je me suis retrouvée donc avec ce petit coin lecture. Je peux vous dire que j'ai l'installer en septembre, d'accord ? Et depuis septembre,
00:08:53 je crois que la phrase que j'ai le plus entendue, parce qu'ils ont le droit d'aller lire quand ils ont terminé leurs exercices ou leurs évaluations,
00:09:00 la phrase que j'ai le plus entendue, c'est « Madame, je peux aller lire ? Madame, j'ai fini, je peux aller lire ? »
00:09:05 Et ça, je peux vous dire que c'est une grande victoire pédagogique et humaine.
00:09:09 — D'après l'étude internationale qui vient d'être publiée, qui a été faite sur 400 000 élèves, si je me souviens bien, à travers le monde,
00:09:19 dont 5 400 en France, en CM2, donc les filles sont meilleures que les garçons. C'est pareil partout. En France, c'est quand même en moyenne 14 points d'écart.
00:09:29 Vous le constatez, vous aussi ?
00:09:30 — Je dirais dans les petites classes, non. Dans les petites classes, je pense que la proportion est à peu près la même.
00:09:37 Ensuite, moi, j'ai pas de 5e. Je les récupère en 4e. Et je dois reconnaître qu'effectivement, j'ai une grande proportion de footballeurs.
00:09:43 — Mais là, c'est en CM2, pourtant, déjà. — Bah écoutez, non, non. J'ai beaucoup... J'ai une petite classe de 6e de germaniste.
00:09:52 — Alors il y a le niveau d'orthographe aussi qui baisse continuellement depuis 35 ans. Ça, on le sait pas grâce à cette étude,
00:09:57 mais parce que l'Éducation nationale fait la même dictée depuis 1987 à un échantillon représentatif des CM2.
00:10:07 Toujours la même dictée, d'une dizaine de lignes. En 1987, ils faisaient 10 fautes en 10 lignes. Aujourd'hui, ils en font 19 en 10 lignes.
00:10:16 Ça a toujours augmenté. Ça aussi, vous le constatez ? — Bah oui, oui. C'est même 10 fautes en 10 mots. Franchement, ça va pas du tout.
00:10:24 — Mais là aussi, comment vous l'expliquez ? Parce qu'ils lisent pas, déjà. — Alors ils lisent pas. Et ça, c'est évidemment...
00:10:30 Bon, c'est un gros problème. Et il y a un lien de cause à effet, ça, assurément. Et puis je vais vous dire... Ça, je pense que votre invité
00:10:41 aura la possibilité de s'exprimer dessus tout à l'heure. Mais moi, je reste 4 heures avec mes élèves. Ensuite, ils sortent de ma classe.
00:10:48 Et ils sont sur leurs écrans. Voilà. Et je pense que le fait qu'on soit dans une société des écrans joue notamment sur...
00:10:57 — Mais pardon de vous interrompre, mais sur ces écrans, ils n'arrêtent pas d'écrire et de lire.
00:11:01 — Non mais d'écrire n'importe quoi, d'écrire un français altéré. Quand on est en processus d'apprentissage... Vous savez, moi, si j'écris des SMS...
00:11:08 Enfin c'est pas le cas. J'écris des SMS bien orthographiés. Mais je vois ma fille, par exemple, qui a 15 ans. Elle a une orthographe impeccable.
00:11:14 Mais ces SMS, je vois, c'est n'importe quoi. Justement, c'est un code qu'elle a. Mais...
00:11:19 — Alors en fait, plus on lit des livres, meilleur on a une orthographe, parce qu'on photographie les mots.
00:11:23 Et pareil sur les réseaux sociaux. Au fond, on écrit par mimétisme.
00:11:28 — Oui, oui. Je pense que les réseaux sociaux font beaucoup de mal, parce que justement, ils s'expriment dans un français qui n'est pas le bon.
00:11:36 Donc la syntaxe est mal menée, il n'y a plus de ponctuation. C'est même plus un français phonétique.
00:11:43 Mais on a un rétrécissement du langage. Et puis l'utilisation de ces réseaux sociaux altère le fait qu'ils ne se concentrent plus,
00:11:53 ils ne mémorisent plus, ils n'ont plus d'imagination. Ils ne sont pas capables de se laisser happer par le texte.
00:11:59 On revient à la question de la lecture. Mais ils sont dans l'immédiateté. Quand ils sont sur leur TikTok, les choses vont très très vite.
00:12:05 Et puis ils sont passifs. L'acte de lire demande de se poser, de rentrer dans le livre.
00:12:12 Ce que je fais, moi, quand j'ai les gamins qui ont terminé leurs exercices et qui vont dans le coin lecture...
00:12:20 Alors au début, c'était... Vous savez, c'est drôle, parce qu'au début, certains y allaient parce que chez eux, c'est pas confortable.
00:12:26 Et ils y allaient parce que c'était bien d'aller dans le canapé. Ensuite, en voyant qu'il y avait des livres,
00:12:32 ils ont vécu... Bon, mine de rien, s'asseoir les fesses sur un canapé, c'est bien, mais bon, il faut quand même faire quelque chose.
00:12:38 Ils allaient voir et ils prenaient une BD. Mais bon, j'ai pas mis 50 BD. Donc une fois qu'on a lu la BD, il faut quand même passer à autre chose.
00:12:45 Et là, le problème se pose, il y a des romans. Donc quand même, il faut commencer à essayer d'ouvrir des romans.
00:12:50 Et là, ce que je fais, c'est que... Je connais mes élèves. Donc je leur propose des livres...
00:12:57 - En fonction d'eux. - En fonction d'eux, voilà. Mais pour certains, je suis obligée de trouver des livres qui commencent vite,
00:13:07 et des livres de littérature jeunesse. Je leur dis, bon, ben voilà, tiens, tu lis... Alors, tout de suite, c'est la soupe à la grimace.
00:13:13 Tu lis, lis trois pages. Si dans trois pages, tu veux pas continuer, libre-toi d'aller le reposer.
00:13:22 Je sais très bien qu'au bout de ces trois pages, il va être emmené. Mais il y a toute une stratégie de séduction, d'apprivoisement
00:13:29 pour essayer de faire comprendre à certains élèves, pas tous heureusement, mais à beaucoup d'élèves, que le livre n'est pas un ennemi.
00:13:36 - Pour revenir à l'orthographe, certains disent, ben on n'a qu'à réformer l'orthographe, voire l'abolir. Ça résoudra le problème.
00:13:43 Et après tout, on se dit à quoi ça sert, l'orthographe ? - Non, mais attention. Je veux dire, l'orthographe, c'est quand même...
00:13:48 C'est un moyen de rentrer dans la littérature, c'est un héritage aussi. Enfin, je me disputais avec quelqu'un qui me disait,
00:13:58 on peut dire de l'accent circonflexe, on n'a qu'à leur apprendre que c'est un accent chapeau, comme ça, ils vont s'en souvenir.
00:14:04 Mais enfin, ça, après, j'ai piqué une gueulante contre les élèves. J'ai dit, mais vous n'êtes pas débiles. Il y a un nom, on appelle ça un accent circonflexe.
00:14:10 Vous allez m'apprendre ce mot, circonflexe, et le retenir quand même. Alors, souvenez-vous, si vous voulez, que ça ait une forme de chapeau chinois,
00:14:17 si ça vous fait plaisir. Mais enfin, appelons les... Enfin, vous avez déjà un vocabulaire qui est dressé comme peau de chagrin par pitié.
00:14:25 Alors je leur dis souvent, je leur dis mais en fait, c'est ça que vous voulez. Vous voulez que les gens vous considèrent comme des débiles.
00:14:30 Ah non, madame, surtout pas. Voilà. Donc il y a une espèce aussi de défi, à les mettre au défi et leur dire... Il faut que les adultes respectent votre intelligence.
00:14:40 — Mais est-ce qu'on n'a pas baissé continuellement le nombre d'heures de français aussi ? — Si, bien sûr. — Continuellement.
00:14:46 — Moi, en troisième, j'ai 4 heures de français. Voilà. 4 heures de français pour leur apprendre... — À lire et à écrire.
00:14:52 — La maîtrise du langage, pour rentrer dans les textes, pour faire des évaluations, parce qu'il faut quand même aussi évaluer.
00:14:58 — Mais moi, de mon temps, c'était 6 heures, non ? — Oui, bah oui. — Elles sont passées où, les 2 heures ? — Je sais pas. Je sais pas.
00:15:04 Mais effectivement, elles manquent. Elles manquent cruellement. Mais je pense qu'elles manquent cruellement aussi et surtout en élémentaire,
00:15:10 parce qu'en élémentaire, on connaît la métaphore. Voilà. Mais en élémentaire, c'est les bases de la maison, c'est les fondations de la maison.
00:15:17 Donc j'ai envie de vous dire que si les fondations ne sont pas bonnes... — Je disais tout à l'heure... Vous avez commencé votre carrière
00:15:25 dans des zones réputées très difficiles. Vous êtes aujourd'hui dans Paris. Est-ce qu'il y a une différence ? — Oui, il y a une différence.
00:15:31 Mais moi, jamais, jamais, je ne cracherais sur les zones en difficulté, les zones prioritaires, les zones sensibles, parce que c'est vraiment
00:15:42 l'endroit où je me suis formée. J'ai rien appris à l'IUFM, à l'Institut de formation des maîtres. À l'époque, c'est nul.
00:15:51 C'est complètement déconnecté de la réalité. On apprend son métier sur le terrain. Alors il faut aller sur le terrain avec la vocation,
00:15:58 parce que c'est pas toujours facile. Mais après, on apprend, voilà, au fil des jours. On apprend avec quel élève il faut pas être frontal.
00:16:04 On apprend la façon dont il faut leur parler. Voilà. Et le 93, pour moi, m'a vraiment formée. Et c'était des classes qui étaient
00:16:13 d'une certaine façon beaucoup plus homogènes. Je dis pas que c'était plus facile, hein. Vraiment pas. Mais je me retrouve maintenant
00:16:19 dans des classes qui sont extrêmement hétérogènes, avec des fils de notables qui ont encore confiance dans le public, qui suivent
00:16:28 leurs enfants et qui emmènent leurs enfants au musée tous les dimanches. Et à côté de ça, des enfants qui sont beaucoup plus en difficulté
00:16:40 ou dans des conditions sociales précaires. Ou alors encore, parce qu'il y a beaucoup d'inclusion, des enfants qui sont ce qu'on appelle
00:16:47 en ULIS, c'est-à-dire des enfants qui sont en situation de handicap cognitif et qui sont accompagnés par des AESH.
00:16:55 — Oui. Mais à la fin, est-ce que les uns lisent mieux que les autres ou font moins de fautes d'orthographe ?
00:17:02 — Alors ça, en fait, ça dépend. C'est-à-dire... — Parce que vu qu'ils passent autant de temps les uns que les autres sur les réseaux sociaux...
00:17:07 — Vous savez, certains enfants non francophones, on s'aperçoit qu'ils ont une puissance de travail qui est bien meilleure
00:17:14 que les petits élèves français. Moi, en quatrième, j'ai une petite cubaine qui bosse, mais alors... Et puis elle a toujours
00:17:23 des meilleures notes que les francophones, quoi. — Peut-être parce qu'elles viennent plus loin. Un commentaire, Jean-Marc, Daniel ?
00:17:30 — Oui. Moi, je ferais trois remarques par rapport à ce que vous venez de dire. Je crois que tout le monde en fait le constat.
00:17:34 Mais il n'y a pas que le français. C'est sur toutes les matières. C'est-à-dire que... — Oui. Bon, enfin, là, on a des résultats.
00:17:39 — Je vous parle du français parce que... — Oui, oui, absolument. Non, non, non. Vous connaissez ça. Mais je pense que tout le monde
00:17:44 le constate, effectivement. En histoire, les élèves savent de moins en moins de choses, sont capables de sustituer de moins en moins
00:17:51 d'événements dans l'histoire. En mathématiques, c'est devenu effectivement un sujet récurrent. Donc je crois qu'il y a un vrai problème
00:17:58 fondamental de l'enseignement et pas uniquement de la maîtrise du français. — Voilà. C'est moi qui veux récompondre. C'est pourquoi.
00:18:02 — Oui. Alors la deuxième remarque que je ferais, c'est qu'il y a quand même une volonté. Vous l'avez dit. Mais un des précédents
00:18:07 ministres de l'Éducation avait dit... On va commencer – vous le disiez d'ailleurs – par simplifier. Donc on va arrêter d'enseigner
00:18:12 le passé simple. On va arrêter de... — Non mais c'est pas possible. — Et on va supprimer... — Non mais tout ça...
00:18:16 — Certains voudraient qu'on supprime la grammaire. — Mais les grammaires... Et je pense... Et là où je vous rejoins, non seulement
00:18:20 c'est pas possible, mais nous partageons notre langue. C'est-à-dire que quand vous dites ça à des Québécois ou des Congolais, ils vous disent
00:18:25 « Mais de quel droit vous supprimez le passé simple ? ». Cette langue, on la partage avec vous. Donc...
00:18:30 — Le passé simple, typiquement, c'est vraiment la clé d'ouverture de nombreux textes. Si on arrête d'enseigner le passé simple, on se ferme
00:18:39 des portes d'ouverture de textes. Et je veux dire la lecture, de toute façon, ce n'est pas que la lecture des classiques. La lecture, c'est tout.
00:18:48 C'est des slogans, c'est des tracts politiques, c'est des factures. On va fabriquer des citoyens, parce que les gamins d'aujourd'hui,
00:18:57 c'est la France de demain. Donc on va être dans une société de gamins qui ne comprennent rien et qui se font manipuler.
00:19:04 C'est déjà un peu le cas aujourd'hui, avec les politiques qui poussent à la haine et à l'insulte plutôt qu'au discours.
00:19:14 Malheureusement, on a des enfants qui vont se faire manipuler. Moi, je trouve ça très inquiétant.
00:19:18 On fait une pause et on se retrouve tout de suite après. Les visiteurs du soir, c'est de 22 h à minuit.
00:19:29 Et Jean-Noël Barraud, le ministre délégué à la transition numérique, a présenté en Conseil des ministres la semaine dernière
00:19:36 un plan pour lutter contre les abus sur Internet. Dans son collimateur, il y a notamment les réseaux sociaux.
00:19:41 Alors quand on parle des réseaux sociaux, on les réduit en général à Twitter, Facebook et TikTok, que l'on rend responsable de tous les mots.
00:19:48 Je dis pas ça pour vous. Mais il y en a bien plus que ça. Il y a YouTube, Instagram, Snapchat, Pinterest, Twitch,
00:19:56 WhatsApp, Telegram, Discord, Reddit, LinkedIn. Tout ça, c'est des réseaux sociaux. 80% des Français y sont inscrits,
00:20:04 sur plus de 5 réseaux sociaux en moyenne. Et 56% sont des utilisateurs actifs. Véronique Reissult dans
00:20:12 « L'ultime pouvoir », « La vérité sur l'impact des réseaux sociaux », qui vient de sortir en librairie.
00:20:16 Vous vous rappelez que les réseaux sociaux ont donné le pouvoir à l'opinion publique. C'est devenu le cinquième pouvoir.
00:20:23 Et nos gouvernants, dites-vous, feraient mieux d'analyser ce qui s'y dit plutôt que de chercher toujours à les contrôler.
00:20:32 — Oui. Disons qu'il y a forcément des dérives. Donc c'est tentant de contrôler. Mais c'est déjà un premier indicateur que d'écouter
00:20:39 ce qui se dit, puisque comme vous l'avez rappelé, une grande partie de la population y est, s'exprime,
00:20:44 alors plus ou moins subtilement, plus ou moins – on va dire – de façon correcte, avec parfois beaucoup de fautes d'orthographe.
00:20:52 Vous avez bien raison. Mais la réalité, c'est que les gens s'expriment là. Et c'est une façon aussi de comprendre
00:20:56 ce que pense l'opinion, les points de blocage, les freins, les mécompréhensions. Donc avant même de voir les réguler,
00:21:03 déjà, considérons-les comme ce que c'est, c'est-à-dire l'opinion qui s'exprime.
00:21:08 — Vous êtes d'accord, Henrik ? — Oui. En fait, on parle tout le temps des réseaux sociaux, des réseaux sociaux.
00:21:17 Mais on oublie une chose, c'est qu'il y a eu les réseaux sociaux... Ça a eu à peu près 20 ans, en gros. C'est 2003, 2002-2003.
00:21:25 On a Friendster, MySpace, le dinosaure des réseaux sociaux. À l'époque, on n'avait pas de mobile.
00:21:30 Et à l'époque, il n'y avait pas vraiment de problème. D'ailleurs, on pensait que les réseaux étaient un mouvement plutôt progressiste.
00:21:36 Ça a donné les révolutions arabes, Occupy Wall Street. C'était une période vraiment très intéressante.
00:21:43 Et puis ensuite, il y a eu le mobile, donc un appareil qu'on a en permanence sur soi, combiné avec les réseaux sociaux.
00:21:50 Et c'est à partir de là, en fait, que les dérives, les problématiques de manipulation, de fragilité sont apparues.
00:21:57 Et donc souvent, quand on parle des interfaces, moi qui étais plutôt développeur de plateforme,
00:22:02 on oublie que les interfaces et les outils eux-mêmes sont pensés pour générer ces dérives.
00:22:08 Et par exemple, j'ai toujours l'exemple de Twitter. C'est le seul endroit où deux personnes qui ne se connaissent pas
00:22:14 s'insultent à propos d'un sujet qu'ils ne connaissent pas parce que d'une certaine manière, l'outil a été pensé...
00:22:20 On pourrait dire que ça l'aide la fouetture aussi, parce qu'il est un second que deux chauffeurs...
00:22:24 Oui, c'est vrai, c'est vrai, c'est vrai.
00:22:26 Mais le téléphone n'est pas là... C'est le sujet, c'est le nombre, c'est la réalité.
00:22:33 La période dont vous parlez, les dorados du début des réseaux sociaux, il y a très peu de personnes qui sont dessus
00:22:37 parce qu'il y a très peu d'internet. La réalité, c'est que comme il y a peu de gens...
00:22:41 Mais on a une connexion qui n'est pas une connexion permanente, ce qui est nouveau avec le mobile.
00:22:45 Oui, mais ce n'est pas ça le fond du...
00:22:47 Ce que vous dites, vous, Véronique Reissoult, c'est qu'au fond, les réseaux sociaux ont changé notre rapport au monde.
00:22:52 Ils ont changé notre rapport aux autres. Ils ont changé notre rapport à l'information,
00:22:56 qui était le monopole d'un tout petit nombre. Nous sommes tous devenus émetteurs. Avant, ce n'était pas le cas.
00:23:02 Donc effectivement, le fait qu'on ait aujourd'hui des portables et qu'on puisse à tout moment donner notre avis,
00:23:07 c'est une réalité. Mais ça n'est pas parce qu'on a un portable qu'il y a forcément cette dérive.
00:23:12 C'est la réalité d'aujourd'hui. Tout le monde considère que son opinion a une valeur et tout le monde veut s'exprimer.
00:23:17 Alors on s'exprime sur des sujets politiques, mais on s'exprime aussi quand vous n'êtes pas content sur un sujet de service après-vente.
00:23:23 Autrefois, vous écriviez un courrier et puis vous saviez bien qu'on ne vous répondrait peut-être pas forcément.
00:23:27 Aujourd'hui, vous allez sur Twitter et vous interpellez La Poste ou Amazon ou je ne sais pour expliquer que vous êtes mécontent.
00:23:33 Globalement, on s'exprime tout le temps. Et il y avait un titre d'un magazine américain il y a quelques années qui avait expliqué
00:23:40 « Les médias, c'est vous ». Et en fait, aujourd'hui, vous avez le pouvoir. Et effectivement, nous avons le pouvoir.
00:23:45 Après, comment nous l'utilisons ? Comment nous faisons nous-mêmes manipuler ? C'est un sujet dont on parlera.
00:23:50 Mais la réalité, c'est que oui, aujourd'hui, vous ne pouvez plus endiguer ce fait et penser qu'on pourra faire en sorte que...
00:23:57 — On pourra contrôler, censurer... — Non, c'est une utopie. Les gens vont aller parler ailleurs.
00:24:01 Quand vous demandez à quelqu'un de se taire et qu'il a envie de parler, il va parler ailleurs. Donc il vaut mieux savoir où les gens parlent,
00:24:06 essayer de comprendre ce qu'ils disent, essayer de les guider vers une réalité d'une expression un peu plus positive.
00:24:10 — C'est vrai que les réseaux sociaux ont permis à une majorité de gens de s'exprimer et d'exprimer notamment des opinions,
00:24:18 qui jusque-là... Et de fédérer des opinions, aussi, ce qui est très important, ce qu'on a vu avec MeToo, avec les Gilets jaunes,
00:24:23 et des opinions qui restaient jusque-là cantonnées au bistrot et à la serre privée. Et là, tout à coup...
00:24:30 — Oui, bien sûr. — Tous ceux qui avaient le monopole de la parole, c'est-à-dire les gouvernants, les politiques, les journalistes,
00:24:38 les professeurs, se sont retrouvés en concurrence avec le reste de la population. Et ce qu'on appelle, ce que vous appelez aussi
00:24:45 dans votre livre « Les élites » ont un peu de mal à partager l'espace de discussion publique avec le tout-venant.
00:24:52 — Alors pour modérer ça, on pourrait dire quand même que l'Internet a permis ce genre de choses. On avait bien avant MySpace,
00:24:59 on avait Yahoo Group. Ça a eu plein de choses où les gens pouvaient parler. Alors c'est vrai qu'on était dans des communautés
00:25:03 beaucoup plus petites, puisque ce qu'on appelait les médias sociaux, c'était des millions de personnes. Et c'est vrai que désormais,
00:25:08 les réseaux sociaux, ce sont des milliards de personnes. Mais il y a un intermédiaire, qui est à nouveau l'operating system,
00:25:14 le téléphone mobile, et la plateforme. La plateforme, un algorithme qui met des gens en relation. Quand vous voyez quelqu'un...
00:25:21 Quand vous allez sur Instagram et que vous voyez quelqu'un en photo, c'est parce que la plateforme a décidé de vous montrer
00:25:27 cette personne. Pourquoi ? On le sait pas. C'est un peu une boîte noire. — C'est pas ça, le problème.
00:25:31 — Et quand vous êtes... Souvent, vous vous dites... — Ce que je voulais dire, c'est qu'il y a encore des intermédiaires.
00:25:35 C'est pas comme si on était tous à l'identité. — Des intermédiaires techniques. Tout a été...
00:25:38 — Mais enfin, il y a quand même moins d'intermédiaires que du temps de la presse écrite ou de la télévision.
00:25:42 — Je ne suis pas sûr, parce que quand on regarde le niveau des algorithmes qui permettent de mettre en relation,
00:25:46 c'est très complexe. C'est toujours pensé pour une chose, c'est maximiser les revenus publicitaires, donc maximiser
00:25:52 la collecte de comportements et de données privées. Et donc moi, mon point, c'est de dire que si on est souvent en colère
00:25:58 sur ces plateformes ou qu'on les utilise du matin au soir, c'est parce que les interfaces et les outils ont été pensés
00:26:03 pour que les gens soient totalement hypnotisés par ces applications. — Ah oui, d'accord.
00:26:07 On laisse Isabelle Pellouboulot nous rappeler les titres. Et puis on y revient.
00:26:13 {— C'est bien. — Dans l'Indre, les FETA rafluent au Tecnival. Ils sont désormais près de 30 000 participants,
00:26:22 selon la préfecture, sous l'effet d'une seconde vague d'arrivants pour le week-end. Les autorités qui avaient interdit
00:26:28 le rassemblement ont déployé un important dispositif médical, sanitaire et logistique. Au total, 5 personnes sont considérées
00:26:35 en urgence absolue, deux accidents étant liés à des morsures de vipères. Dans l'ouest de l'Espagne, les pompiers espagnols
00:26:42 et portugais sont toujours à pied d'œuvre. Le feu en cours depuis mercredi soir n'est pas maîtrisé mais mieux circonscrit.
00:26:49 Il touche désormais un périmètre d'environ 8 500 hectares. 700 habitants ont été évacués par précaution.
00:26:56 Les autorités craignent une multiplication des incendies en raison de la sécheresse historique dans le pays.
00:27:03 Du bleu, du blanc et du rouge dans le ciel de Salon de Provence. La Patrouille de France fête ses 70 ans, un anniversaire
00:27:10 célébré en vol au-dessus de sa base dans les Bouches-du-Rhône. L'événement a réuni des milliers de spectateurs enthousiastes.
00:27:17 Près de 80 000 fans d'aviation sont attendus tout au long du week-end. Le rendez-vous aérien se poursuivra demain.
00:27:25 « Les mecs de la Silicone considèrent que leurs enfants ne doivent pas toucher un écran avant 5 ans. »
00:27:29 — Est-ce que... Vous voyez, ça continue de discuter sur ce plateau. (Rires) Comme sur les réseaux sociaux, les réseaux sociaux
00:27:36 donc qui exacerbent nos passions, qui nous exhortent à déverser nos émotions. C'est vrai qu'il faut se distinguer
00:27:45 sur les réseaux sociaux, puisque c'est la grande foire d'empoigne. C'est la concurrence généralisée. Donc il faut parler mieux
00:27:51 ou parler plus fort que les autres pour avoir une chance de se faire entendre. Avec la télévision, tout le monde avait le droit
00:27:57 à ses 15 minutes de célébrité, disait Andy Warhol. Sur les réseaux sociaux, on est tous célèbres pour 15 personnes.
00:28:03 Et de ce fait, on se vit comme une célébrité. Mais encore une fois, c'est la concurrence généralisée. Et c'est ça, au fond,
00:28:12 qui énerve les gens qui regardent ça avec un peu de condescendance. — La réalité, c'est qu'aujourd'hui, on vit dans un monde social
00:28:19 où votre image et votre réputation, c'est la clé de votre valeur. Et donc comme les réseaux sociaux sont un moyen,
00:28:26 c'est un lieu d'expression, vous avez envie de briller, vous avez envie de présenter au monde ce qu'il y a de beau.
00:28:33 Alors si vous êtes sur Instagram, c'est des belles images. Si vous êtes sur Facebook, c'est des belles histoires. Enfin voilà,
00:28:38 montrer quelque chose de beau. Et puis après, le propos, quand vous l'avez posé là, vous avez envie qu'il soit vu. Et donc pour être vu,
00:28:44 il y a plein de clés pour augmenter la viralité. Mais globalement, on va dire qu'il faut être un peu dans l'excès, excès de drôle,
00:28:52 excès de méchanceté, excès de colère, mais en tout cas excès pour faire en sorte que...
00:28:57 — Mais vous dites aussi dans votre livre qu'il n'y a pas que ça. Il y a du partage, il y a de la solidarité sur les réseaux sociaux.
00:29:03 Et encore une fois, ça se résume pas à Facebook, à TikTok et à... — Loin de là.
00:29:06 — Voilà. Il y a de la pédagogie. Il y a des gens qui expliquent des choses et qui les expliquent très bien.
00:29:10 — Pendant le COVID, par exemple, il y a un médecin qui publiait des vidéos sur YouTube qui expliquaient très très bien
00:29:17 comment fonctionnait un vaccin et qui a convaincu énormément de gens. Donc oui, il y a beaucoup de choses.
00:29:21 On a parlé de MeToo. C'est quand même un mouvement incroyable qui a libéré et aidé des tas de gens.
00:29:25 Il y a plein de choses positives. Quand il y a un tremblement de terre, eh bien les uns et les autres partagent des informations
00:29:31 quand on ne leur coupe pas, comme en Turquie pendant quelques jours, la réalité de l'accès à Twitter, par exemple.
00:29:37 Mais oui, c'est un lieu où le meilleur et le pire se côtoient.
00:29:41 — Mais là où c'est amusant, vous avez dû le remarquer, Jean-Marc Daniel, l'ancien patron de la banque SVB,
00:29:47 la banque américaine, qui a fait faillite au mois de mars. Là, il était entendu en commission. Et qu'est-ce qu'il dit ?
00:29:54 Il dit que c'est la faute aux réseaux sociaux. Voilà, on n'a jamais vu une panique bancaire pareille.
00:29:59 42 milliards de dollars retirés de la banque en une journée, ça, c'était jamais vu. Alors évidemment, il oublie de dire
00:30:06 qu'avant, il avait été pire que tout en tant que banquier. Mais pour lui, c'est la faute des réseaux sociaux.
00:30:11 — Oui, oui. Par rapport à cet événement, effectivement, ce qu'a montré l'affaire de la SVB, c'est que ça allait très très vite.
00:30:17 C'est-à-dire que le bank run, l'autre fois, on faisait la queue dans la rue. Et puis on attendait que les guichets ouvrent.
00:30:22 Et le premier grand bank run significatif, c'était il y a 150 ans. C'était en 1873. Ça faisait tellement de bruit que ça avait dérangé
00:30:30 l'empereur François-Joseph parce que c'était à Vienne. Il avait dit qu'est-ce que c'est que ce boucan ? Et comment, allemand, ça se dit « crack » ?
00:30:36 On avait dit « un crack », c'est quand il y a du bruit dans la rue. Maintenant, il n'y a pas eu un seul bruit dans les rues de San Francisco.
00:30:42 Les gens retiraient leur argent très très vite. Mais la Réserve fédérale pouvait réagir tout aussi vite, alors qu'en 1873,
00:30:49 la Banque centrale d'Autriche et les Rothschilds avaient... Il fallait un certain temps pour récupérer l'or. Donc l'outil, il était
00:30:56 à la disposition de tout le monde. Et là où je vous rejoins, c'est qu'il avait une structure bilancielle qui était quand même assez frangile.
00:31:02 — C'est catastrophique. Mais après, c'est de la faute des réseaux sociaux. — Absolument. — Voilà. Alors c'est vrai. Les réseaux sociaux,
00:31:07 c'est l'opinion publique. Et l'opinion publique, on peut l'accuser de tous les maux, au fond. Et c'est vrai. Et je vous cite...
00:31:16 Là, vous dites dans votre livre « L'élite n'a pas tort de rappeler que le nombre n'est pas le seul critère de valeur et que la voix
00:31:24 de tout le monde n'a pas le même poids ». Certes, c'est ce qu'on dit à chaque fois quand les réseaux sociaux se mêlent de trucs
00:31:31 dont ils sont pas censés se mêler. Mais enfin je vous répondrais que c'est quand même sur ces deux critères-là, le nombre et l'égalité
00:31:38 des voix, que s'est fondée la démocratie. Donc ça veut dire... Est-ce que les réseaux sociaux, c'est pas l'expression de la démocratie, aujourd'hui ?
00:31:45 — En tout cas, c'est l'expression d'une forme de démocratie, puisque chacun a le droit et la possibilité de s'exprimer, d'être entendu.
00:31:52 — C'est un autre sujet, mais en tout cas, a le droit et la possibilité de s'exprimer. Donc on peut dire qu'on ne peut que s'en réjouir.
00:31:57 Après, le sujet, c'est est-ce que cette expression, elle est si libre que ça ? Et là, je rejoins ce que vous étiez en train d'expliquer.
00:32:03 C'est que les algorithmes, on ne les connaît pas. Ça n'est jamais les mêmes selon les plateformes. Qu'en réalité, c'est... Vous êtes, vous-même,
00:32:10 quand vous êtes sur les réseaux sociaux, la matière que va vendre chacune de ces plateformes. Donc en fait, vous êtes vous-même un peu le jeu.
00:32:18 Et donc tout l'enjeu aujourd'hui de ce fameux cinquième pouvoir, c'est de prendre vraiment le pouvoir et d'exiger d'avoir des moyens
00:32:25 pour comprendre comment les choses fonctionnent, comment fonctionnent les algorithmes, nous donner les moyens pour pouvoir modérer nous-mêmes
00:32:31 et faire en sorte que cette espèce de... On va dire de jungle non maîtrisée soit un tout petit peu plus maîtrisée, même si bien sûr,
00:32:39 il y aura toujours des excès, mais au moins qu'on donne les moyens aux uns et aux autres de comprendre ce qui est en train de se passer.
00:32:43 Ce que je trouvais très drôle, en fait, on parlait d'élite et souvent nos politiques pensent faire partie de l'élite des réseaux sociaux,
00:32:48 alors qu'en fait, l'élite, c'est la Silicon Valley. Pendant le sommet Choose France, il y avait tous les ministres...
00:32:54 Choose France, d'autoparlant...
00:32:55 On en parlait tout à l'heure, le fameux... Tous les ministres, voire le président, faisaient la queue pour faire le selfie avec Elon Musk,
00:33:02 en se disant "grâce à ça, je vais avoir un peu plus de trafic sur mes réseaux sociaux".
00:33:07 Et donc, on se rend bien compte, en fait, qu'on est dans un système qui est désormais... En plus, ce qui est intéressant, c'est que Twitter,
00:33:13 qui était plutôt, on va dire, d'un côté du spectre politique, est en train de basculer dans un autre, plutôt vers le côté Trump et Républicain,
00:33:22 ou en tout cas, de Santis-Trump. Et donc, on se rend compte, en fait, que ces outils sur lesquels on a construit, effectivement, une stratégie de marque
00:33:30 sont totalement malléables et contrôlés par un petit nombre d'acteurs qui peuvent décider absolument ce qu'ils veulent.
00:33:37 Et donc, en fait, la vraie question qu'on doit se poser, souvent, quand on dit "on va réguler les réseaux sociaux, on va empêcher telle chose",
00:33:44 mais nous n'avons les moyens d'absolument rien, tout est décidé en Californie, que vous soyez le site du ministère de l'Intérieur ou une application lambda,
00:33:53 si demain, Apple vous coupe de l'App Store, vous allez faire la queue aux guichets aux États-Unis, à Cupertino, comme les autres,
00:34:01 et donc vous n'avez aucun véritable pouvoir. Et ça, c'est une chose qu'on a tendance à oublier. On a l'impression que parce qu'on a une certaine audience,
00:34:10 une certaine visibilité en France, on a la capacité de contrôler ces applications, alors qu'en fait, pas du tout. On est un citoyen lambda qu'on peut bloquer à tout moment.
00:34:19 Et en fait, moi, je pense que vous avez commencé en expliquant ce que le ministre du Numérique en France se proposait.
00:34:25 En fait, on a cette tendance toujours en France, un peu partout dans le monde, mais en France, c'est notre spécificité, il faut interdire, il faut réguler,
00:34:31 et il faut censurer. La réalité, c'est que c'est parfaitement utopique, d'abord parce qu'on ne maîtrise pas. Ensuite, à chaque fois, on demande aux plateformes
00:34:38 qui prennent des airs bien contrits en disant « oui, c'est vrai, c'est vraiment horrible ce que les gens disent sur nos plateformes, nous allons modérer
00:34:44 et nous allons faire attention ». Non, les types, ils ne vont pas se tirer une balle dans le pied puisqu'ils vivent de ça. Donc évidemment, ils vont mettre
00:34:50 deux, trois éléments. Le vrai sujet, et là, pour le coup, les États pourraient l'exiger parce qu'ils n'ont pas de pouvoir. Et effectivement, comme vous le dites fort,
00:34:57 justement, le pouvoir est dans la main des plateformes, c'est de dire « vous êtes obligés de partager votre algorithme et pas encore deux sur 150 pages »
00:35:07 en expliquant la réalité de « est-ce que vous voulez, par exemple, recevoir plutôt des informations de gens qui pensent comme vous ou de gens qui ne pensent pas
00:35:13 comme vous ? Ou souhaitez-vous plutôt recevoir des informations que de vos amis ? » Enfin bref, expliquer clairement la logique de construction de l'algorithme
00:35:20 sur TikTok, par exemple, c'est absolument obscur, il faudrait qu'on puisse savoir. Et puis l'autre chose, de donner les moyens. Et là,
00:35:27 ils peuvent très bien le faire, que les internautes puissent réguler eux-mêmes. Alors, ça ne sera pas tout le monde, mais il y a des gens qui se sentiront concernés.
00:35:33 Si aujourd'hui, par exemple, vous voulez signaler un message que vous trouvez haineux ou déplacé, vous pouvez juste appuyer sur un bouton et vous ne savez pas
00:35:39 ce qui se passe. Là encore, c'est dans les mains des plateformes.
00:35:42 Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il y a un seul organisme qui peut réguler les réseaux sociaux, un seul. C'est le Congrès américain. Il y a une loi qui date de 1989,
00:35:51 la fameuse section 230. Aujourd'hui, il n'y a pas... On a essayé à plusieurs reprises, de nombreux sénateurs ont essayé. Pour l'instant, ça n'a pas marché,
00:36:02 tant que la clé de la régulation des réseaux sociaux, elle passe par le Congrès. Tant que le Congrès ne bougera pas, malheureusement, nous, on essaiera de dire
00:36:12 il faut que la loi française soit appliquée, mais la loi qui est appliquée sur ces réseaux et la loi américaine avec le premier amendement, avec toutes les...
00:36:19 Et quand je dis les États, ça commence par eux, mais c'est pas tant une régulation que d'exiger une transparence et des moyens. La transparence, racontez-nous
00:36:28 la réalité de vos algorithmes. Et le deuxième, c'est donner des moyens aux États. — C'est beaucoup demandé. C'est comme si vous disiez... Je sais pas, moi.
00:36:34 Du coup, le temps où la presse... — La formule de Coca-Cola. — La formule de Coca-Cola. — La formule de Coca-Cola. Le temps où la presse, où la télévision
00:36:40 était le média dominant, si vous aviez demandé à un tel ou à tel c'est quoi votre secret de fabrication... Vous avez demandé à TF1 il y a 20 ans
00:36:51 pourquoi vous faites toujours de si bonnes audiences. Vous croyez qu'ils seraient venus vous le raconter ? Non.
00:36:56 — Là, ce sont les secrets de fabrication d'un autre temps. Là, la réalité, c'est que vu l'ampleur du phénomène et vu la réalité du nombre de personnes
00:37:04 qui sont dessus, la transparence ne doit pas empêcher l'innovation, ne doit pas empêcher le fait que vous...
00:37:10 — Est-ce que vous surestimez pas les algorithmes ? Moi, je crois qu'ils sont complètement idiots. — Non, ils sont pas idiots. Ils sont...
00:37:17 — Ils sont pas très malins, franchement. — Ils sont différents selon les plateformes. Et ils ont une réalité qui est ça vous pousse des informations
00:37:22 qui créent des bulles, en fait, dans lesquelles vous êtes enfermés, qui vont faire que votre contenu ne sera pas forcément vu alors qu'il aurait pu l'être,
00:37:32 mais vous avez été mis de côté. Enfin, simplement expliquer ces éléments-là, bien sûr, ça va pas tout résoudre. Mais il y a une réalité qui est,
00:37:39 par la transparence au moins sur les algorithmes et par quelques moyens qui permettraient de modérer ou en tout cas de comprendre
00:37:45 comment les choses se passent, il est évident que ce serait beaucoup moins le far West. — Eric Thieme ? — Oui. Alors l'autre problème,
00:37:52 effectivement, c'est qu'il y a une croyance notamment de Mark Zuckerberg et des grands patrons des réseaux sociaux que seule la technologie
00:37:57 peut régler le problème, notamment de la modération. Là où il faudrait, semble-t-il, jusqu'à 3 millions de personnes pour modérer une plateforme
00:38:04 qui en fait 3 milliards, c'est quasiment Facebook, en fait, on décide que ce sont des logiciels, des algorithmes qui vont faire le travail.
00:38:11 Alors quand ça marche pas, on dit « Attention, ne vous inquiétez pas, la prochaine version sera meilleure ». Entre-temps, on a eu des problèmes
00:38:17 au Sri Lanka, en Birmanie, dans quasiment 80 pays. On a même arrêté, coupé l'Internet dans plusieurs pays à cause de problèmes de ce type.
00:38:24 Et donc on a cette idée que non seulement on va gérer des milliards de gens, mais en réduisant les coûts. Et il suffit de voir d'ailleurs
00:38:32 Elon Musk, qui a quasiment fait disparaître 70% du personnel de Twitter. On n'avait plus personne pour la modération en France.
00:38:39 Enfin on se retrouve dans des situations qui sont parfois un peu hubriques.
00:38:42 — Quel est votre avis à vous, Cécile Chabot, qui avez tant à vous plaindre des réseaux sociaux en ce qui concerne vos élèves qui passent trop de temps et...
00:38:49 — Bah c'est surtout qu'ils se font beaucoup de mal. Ils se font beaucoup de mal, les réseaux sociaux.
00:38:53 — Non, vous disiez la même chose de la télévision quand j'étais petit, par exemple. Parce que dans ma génération, on lisait pas tellement beaucoup
00:38:58 non plus, à part des bandes dessinées. On regardait la télé. — Non mais c'est le cyberharcèlement, vous pensez.
00:39:03 — Voilà. Je pense au cyberharcèlement. Vous savez... — C'est le principal, d'ailleurs, contre quoi veut s'attaquer le ministre de la Transition numérique.
00:39:10 — De notre temps, un gamin qui se faisait embêter dans la cour rentrait chez lui et avait une espèce de parenthèse où... Bon, bah il avait
00:39:18 la boule au ventre pour repartir à l'école le lendemain. Mais au moins, il était chez lui et il était tranquille. Bon. Là, un enfant qui se fait harceler
00:39:27 rentre chez lui et ça continue. Et c'est H24. Et ça conduit à des situations absolument dramatiques.
00:39:35 — Mais on parle toujours du cas des enfants qui seraient horribles parce qu'ils s'harcèlent entre eux. Les adultes se harcèlent entre eux aussi.
00:39:41 Il y a un certain nombre de gens ce soir qui vont rentrer chez eux. Et s'ils regardent Twitter, ils vont se sentir harcelés.
00:39:48 — C'est-à-dire que les enfants, on a le devoir de les protéger. Voilà. Maintenant, les adultes, j'en suis bien désolée pour eux, mais...
00:39:57 — Mais je peux te dire pareil que le harcèlement est humain, quoi. On a toujours harcelé dans la mesure de nos moyens.
00:40:02 — On a toujours harcelé. Mais enfin on peut quand même essayer de faire en sorte que les choses aillent mieux, de protéger.
00:40:09 Moi, je vois un cas de harcèlement au collège. Je fais tout ce que je peux pour essayer de voir si je peux gérer, si je peux...
00:40:16 Enfin c'est quand même notre rôle d'adulte. — Non, non, tout à fait. Mais je veux dire que la télévision...
00:40:20 Pas tellement en France mais aux États-Unis, la télévision a servi à harceler un certain nombre de gens. On les a harcelés réellement.
00:40:27 Certains ont fini par se suicider. La presse a servi à harceler un certain nombre de gens. On a eu des ministres qui se sont suicidés.
00:40:35 Une femme a assassiné le directeur du Figaro en 1914 parce qu'il harcelait son mari qui était ministre. Elle l'a tué.
00:40:46 — Et elle a été acquittée. — Et elle a été acquittée. — Mais on ne répondait pas.
00:40:50 — Je veux dire par là que les réseaux sociaux, évidemment, permettent de harceler, puisque la poste permet de harceler,
00:40:55 les stylos permettent de harceler. Tout permet de harceler. On aime harceler. — Oui. Mais je ne sais pas...
00:41:02 Je pense que vous réalisez pas le nombre de cas de harcèlement... — Si, si. Par ailleurs, si.
00:41:07 — ...qu'il peut y avoir dans un collège et même en élémentaire. Mais c'est absolument... Enfin moi, j'aimerais bien...
00:41:15 Je lance un petit coup de gueule, un petit cri d'alarme. J'aimerais bien que les parents s'intéressent davantage à ce que font leurs enfants
00:41:22 sur les téléphones, parce que c'est vraiment, vraiment très inquiétant. Et il y a des enfants qui sont dans des conditions de souffrance.
00:41:30 Alors après, on dit « Ouais, l'école voit rien, les profs voient rien, on est devant 30 gamins ». On voit pas toujours, c'est vrai.
00:41:36 On voit pas toujours. Mais justement, je pense que les parents pourraient davantage s'inquiéter de ce que font leurs enfants,
00:41:43 parce qu'il y a vraiment des situations catastrophiques. Et plus d'une, et plus d'une par jour.
00:41:47 — Et c'est vrai qu'on a tendance à le remarquer quand l'enfant est harcelé, moins quand l'enfant harcèle. — Oui, absolument.
00:41:54 — Et si je peux juste rebondir là-dessus, c'est peut-être aussi une des raisons du succès de TikTok. C'est que justement, TikTok,
00:42:01 au lieu de vous mettre dans un modèle où vous vous comparez en permanence à vos amis, en fait, c'est ce qu'on appelle du micro-entertainment.
00:42:08 Donc on suit des gens qu'on ne connaît pas forcément. Et donc une partie du succès de TikTok s'explique par le fait que des gens ont voulu
00:42:14 échapper à cette bulle, justement, où ils étaient harcelés, pour aller s'évader vers autre chose, des vidéos courtes, drôles.
00:42:21 — Il y a aussi du harcèlement sur TikTok. — Oui, oui, bien sûr. — Et puis il y a plus de violences que... — Et de la moquerie.
00:42:27 — Oui. Il est presque pire, quoi. — Oui, non, non. — Juste une réaction d'économiste. Normalement, quand vous êtes dans une situation
00:42:34 où, effectivement, vous n'êtes pas content de ce qui se passe, en général, vous devez faire jouer la concurrence.
00:42:39 C'est intéressant, au départ, sur les réseaux sociaux. C'est que tout le monde s'est dit en fait non, la concurrence peut pas jouer,
00:42:43 parce que les gens ont intérêt à être sur des vecteurs qui sont de plus en plus larges possibles. Si vous avez un réseau social
00:42:49 qui regroupe 15 personnes, il n'y a que 15 personnes qui vous connaissent. Si vous êtes sur un réseau social où il y a 8 milliards...
00:42:55 Les 8 milliards d'habitants de la planète, 8 milliards de gens, potentiellement. Sauf qu'il est en train de se passer ce qu'on appelle
00:43:01 en économie un effet de club. C'est-à-dire un certain nombre de gens disent « Moi, je ne veux pas être dans le même réseau que...
00:43:07 Voilà, je veux être dans un club ». Et donc, en théorie des gens, on appelait ça un effet de club. Et moi, ce que je trouve intéressant,
00:43:12 c'est à quel moment ça va véritablement se manifester. Vous parliez de TikTok et de gens qui vont dire « Sur ce réseau social,
00:43:18 pour y être, il faut avoir telle et telle caractéristique, il faut appartenir à tel groupe social, il faut appartenir à tel ou... »
00:43:26 - C'est le principe des réseaux sociaux. - Ça va même beaucoup plus loin. Le réseau social comme Facebook, on le connecte à d'autres
00:43:32 applications. Par exemple, pour louer un vélo, on passe par son compte Facebook, on a tous ses amis sur Facebook. Ce qui fait qu'en fait,
00:43:39 si on parle de Facebook, on perd sa vie au sens propre et figuré. C'est-à-dire qu'on n'a plus toutes ces facilités. Donc, il y a un vrai sujet
00:43:45 que la Commission européenne a essayé de tacler avec le règlement sur les données, ce qu'on appelle la portabilité des données.
00:43:50 C'est-à-dire que je pourrais, en théorie, partir d'un réseau A avec toutes mes données, tous mes réseaux, pour aller dans un deuxième réseau.
00:43:57 Mais dans la pratique, ça ne se fait pas. Et donc, depuis 15 ans, on est bloqué sur Facebook, sur Instagram parce que c'est aussi l'endroit
00:44:03 où on protège son nom, sa marque. On est même obligé parfois de s'inscrire sur des réseaux, même si on n'y va pas, juste pour être sûr
00:44:09 que son nom a bien été réservé. — Alors c'est marrant parce que, quand bien même je voulais que ça se passe autrement, on voit bien
00:44:16 que dès qu'on parle des réseaux sociaux, on parle essentiellement des dérives, notamment du harcèlement en ligne.
00:44:22 — Moi, je sais de ne pas parler de... — Et au fond, on se conduit exactement comme les politiques, qui ne voient que ça.
00:44:28 Que ça arrange bien de ne voir que ça, parce que comme ça, ils ont de bonnes raisons de vouloir le contrôler, le juguler, le censurer,
00:44:35 alors que vous le dites, c'est l'opinion publique. Et au fond, c'est un reflet de la société. Je parle de l'ensemble des réseaux sociaux
00:44:42 et pas seulement des trois, toujours les mêmes dont on parle. Et c'est un reflet de la société, un reflet déformé, bien entendu,
00:44:48 comme la presse, comme la télévision, comme tout. Mais c'est un reflet de la société dans son ensemble. Et au fond, on n'avait jamais vu ça,
00:44:57 parce que la télévision, c'était jamais que le reflet des journalistes ou de ceux qui faisaient de la télévision. Là, c'est le reflet de tout le monde.
00:45:04 Ce qui est incroyable, c'est qu'effectivement, vous pouvez même parler directement au président de la République, l'interpeller.
00:45:10 Il y a une réalité d'un sentiment de pouvoir qui est énorme. Et j'essaie en tout cas de ne pas voir que le négatif. Il y a évidemment du négatif.
00:45:18 Le point le plus noir pour moi, c'est les sujets de cyberharcèlement, parce que comme vous le dites, justement, c'est dans notre nature humaine.
00:45:24 Donc on nous donne un moyen pour harceler. Et donc là, c'est compliqué. Et il y a des moyens qui ont été largement développés, des numéros, etc.
00:45:32 Mais vous l'avez très rapidement évoqué tout à l'heure. Mais aujourd'hui, par exemple, si un enfant est harcelé sur Facebook,
00:45:38 que ce harcèlement passe par un faux profil et vous voulez démontrer et contacter Facebook pour dire le profil, la question n'est pas celui de mon enfant.
00:45:48 On lui fait faire des choses horribles. On lui fait dire des choses horribles et il est en train d'en souffrir.
00:45:53 Eh bien, je souhaite bon courage pour arriver à contacter Facebook pour faire en sorte que ce profil s'arrête.
00:45:59 Vous pouvez y arriver, mais c'est long, c'est très compliqué. Ils ne sont pas en France, vous allez le joindre à Dublin.
00:46:04 La personne va vous demander... Bref, c'est très compliqué. Donc c'est pour vous dire que je ne veux pas parler que du mauvais côté,
00:46:09 mais ça demande une attention spécifique sur ce sujet.
00:46:14 Je parle du mauvais côté parce que, travaillant avec des enfants, eux n'ont pas la maîtrise.
00:46:22 Nous, on a une maîtrise qui est effectivement aléatoire et qui n'est pas exceptionnelle. Mais enfin, eux ne maîtrisent pas du tout.
00:46:28 - Je reviens à votre question de "est-ce que c'est un phénomène incroyable ?"
00:46:32 Oui, c'est un phénomène incroyable, vraiment incroyable quand même.
00:46:35 Le nombre de personnes qui sont dessus et la réalité de s'exprimer.
00:46:38 Et du coup, il faudrait qu'on en tienne compte dans la réalité de notre éducation.
00:46:41 Et ça rejoint votre sujet, c'est qu'en fait, plutôt que dire "il faut apprendre à coder", très bien, c'est sans doute admissible.
00:46:47 Mais le vrai sujet, c'est par exemple, quand on était aux primaires, on apprenait à se servir du dictionnaire.
00:46:53 Aujourd'hui, le dictionnaire, c'est un truc un peu exotique.
00:46:55 - Oui, mais ça, il y a des cours d'apprentissage du numérique, mais ça prend du temps sur les cours de français.
00:47:01 - Mais en fait, le fameux dictionnaire, en fait, aujourd'hui, un enfant, il va faire quoi ?
00:47:06 Il va aller sur le web et il peut aller sur Wikipédia.
00:47:09 Il est interdit à l'école d'utiliser Wikipédia.
00:47:12 On lui dit "ah non, vous n'avez pas le droit". Sauf qu'en fait, il va le faire.
00:47:15 Alors qu'on pourrait très bien se dire "je vais t'apprendre à te servir intelligemment de Wikipédia".
00:47:20 C'est-à-dire, comment est-ce qu'on source ? C'est quoi une source ? Comment ça fonctionne ?
00:47:23 Et du coup, faire en sorte que dès le début...
00:47:26 - À Sciences Po, ils ont interdit de se servir de ChatGPT.
00:47:29 - Oui, mais la réalité, c'est que...
00:47:31 - Comme les enfants, on ne peut pas le prendre sur Wikipédia.
00:47:33 - Il y a plein de choses qui sont étonnantes, mais en tout cas, le vrai sujet,
00:47:37 c'est comment je pose une bonne question à cet outil incroyable.
00:47:40 Et bien donc, là encore, c'est un sujet...
00:47:42 - Oui, c'est-à-dire éduquer...
00:47:44 - Mais il n'y a pas que les enfants, parce que quand on regarde, notamment, ce qui s'est passé aux États-Unis,
00:47:49 je pense que la jeune génération est plutôt bien éduquée à la question de la manipulation.
00:47:54 Ils connaissent tous les codes, ils ont à peu près compris.
00:47:57 Je ne parle pas, évidemment, des très jeunes, mais des adolescents.
00:48:00 Mais quand on regarde les personnes plus âgées, qui sont arrivées aussi sur les réseaux assez tard,
00:48:05 et il y a eu plusieurs études aux États-Unis qui ont montré que c'était aussi une population assez fragile
00:48:11 sur les questions de manipulation, de connexion.
00:48:14 Donc, en fait, il faut faire attention.
00:48:16 Il faut protéger les très jeunes.
00:48:19 Les très jeunes sont nativement nés avec ces technologies.
00:48:22 - Mais ils ne comprennent pas forcément ce que vous dites.
00:48:24 - Absolument, mais ça s'étend beaucoup plus largement à l'ensemble de la population.
00:48:29 - C'est juste que vous parlez de l'éducation et des enfants, parce que ça concerne tout le monde, la réalité.
00:48:34 - Je trouve quand même assez drôle qu'on trouve qu'on n'a jamais été autant manipulés que par les réseaux sociaux,
00:48:42 parce qu'il me semble qu'au contraire, les réseaux sociaux, c'est beaucoup plus difficile de manipuler les foules
00:48:48 que la télévision, par exemple, qui est l'outil idéal.
00:48:50 Regardez les Chinois.
00:48:53 C'est extrêmement facile de manipuler les gens.
00:48:56 Vous avez le monopole de la télévision. C'est bon.
00:48:59 La presse, c'était un très bon moyen de manipuler les gens aussi, sauf qu'il y avait plusieurs journaux.
00:49:05 Mais les réseaux sociaux, vous avez tellement d'émetteurs.
00:49:07 Vous manipulez qui ? Vous manipulez quoi ?
00:49:10 Vous manipulez des réseaux commerciaux éventuellement.
00:49:12 Mais je ne crois pas qu'on puisse manipuler plus facilement la génération des réseaux sociaux
00:49:17 que la génération de la télévision, de la radio ou de la presse écrite.
00:49:20 - Le sujet, c'est que vous avez beaucoup de données, vous avez beaucoup d'informations.
00:49:23 Donc c'est compliqué de faire le tri.
00:49:25 Et que du coup, on revient aux fameux algorithmes qui font que souvent, vous êtes exposés toujours au même type de messages.
00:49:30 Donc ça va vous conforter dans une forme de...
00:49:31 - Vous vous faites manipuler par votre voisin, je veux dire, mais pas par les réseaux sociaux.
00:49:34 - Mais ce n'est pas les réseaux sociaux en soi.
00:49:36 - C'est votre voisin qui vous manipule comme vous, vous manipulez votre voisin aussi.
00:49:39 - La seule chose, c'est pour ça que je disais que c'est vraiment important qu'on puisse choisir la réalité du mode de fonctionnement de l'algorithme.
00:49:45 En tout cas, savoir où est-ce que vous êtes en train de mettre les pieds.
00:49:47 Parce que peut-être que vous, ça vous intéresse de ne voir que des gens qui pensent comme vous.
00:49:51 Et très bien, vous avez le droit.
00:49:53 Mais peut-être que vous avez aussi envie d'avoir une confrontation avec d'autres.
00:49:56 Et donc, ce n'est pas les réseaux sociaux qui vous manipulent.
00:49:58 Ce sont bien les autres et leur opinion.
00:50:00 Les réseaux sociaux sont juste un vecteur que nous ne maîtrisons pas toujours dans la réalité de ce qui nous est proposé
00:50:05 sur l'ensemble du volume des informations qui se trouvent sur ces fameux réseaux.
00:50:09 - Jean-Marc, Robert, j'ai l'impression qu'on est manipulés par les réseaux sociaux.
00:50:12 C'est leur valorisation boursière qui ressemble totalement à la bourse liante par rapport à ce que c'est en réalité.
00:50:19 - Oui, absolument. C'est l'immatériel. On a du mal à mesurer.
00:50:24 Et normalement, la valeur d'une action, la valeur d'une capitalisation boursière, c'est ce que ça va rapporter dans le futur.
00:50:29 Et on a quand même du mal, d'autant plus qu'il y a eu des échecs, Second Life, le métavers et tout ça,
00:50:35 dont on a du mal à voir exactement quel est le public et quelle est la demande.
00:50:38 En revanche, il y a quand même des choses qui apparaissent dans cet effet de club.
00:50:42 Il y a des métiers qui vont être remis en question.
00:50:45 Le critique, par exemple, dont on lisait les papiers...
00:50:49 - Ça y est, c'est fini.
00:50:50 - Il est fini. Et donc, à partir de ce moment-là, il y a des gens qui vont créer des blocs
00:50:55 qu'on va pouvoir rémunérer de citoyens qui vont effectivement être dans ce club.
00:51:01 Il y aura une adhésion au club.
00:51:03 - Mais pour ça, les réseaux sociaux ont été particulièrement...
00:51:06 - Voilà, des influenceurs.
00:51:07 - Les réseaux sociaux ont été particulièrement disruptifs, comme on dit,
00:51:12 puisqu'effectivement, on a vu tout à coup des gens faire le métier d'influenceurs
00:51:18 qui étaient jusque-là réservés à des gens très connus.
00:51:21 - Non seulement ils leur ont pris leur métier, parce qu'eux aussi sont capables de faire vendre n'importe quoi,
00:51:26 mais en plus, ils ont fabriqué eux-mêmes leur propre célébrité.
00:51:29 Ce qui est extraordinaire, ils ont grillé tout le système.
00:51:31 - Complètement, complètement.
00:51:32 - Alors ça reste assez...
00:51:34 Ça peut passer pour le lumpenproletariat de la société du spectacle,
00:51:38 mais néanmoins, ça a fait ses preuves.
00:51:40 Ça existe.
00:51:41 Et au fond, de porter un T-shirt parce que je l'ai vu sur Zidane
00:51:45 ou parce que je l'ai vu sur Sylvester Stallone ou sur un rappeur,
00:51:50 ou porter un T-shirt parce qu'il m'a été recommandé par Nabila,
00:51:53 je ne vois pas où est la différence.
00:51:55 On est manipulé dans ces cas-là.
00:51:57 - Oui, on a été manipulé par la publicité, on a été manipulé par les influenceurs.
00:52:00 L'enjeu, c'est quand on passe de la manipulation de l'influenceur
00:52:04 à l'entrée vers les médecines parallèles,
00:52:07 vers où on remet en cause le savoir d'un certain nombre de gens
00:52:10 et où on dit, en fait, moi j'ai découvert sur les réseaux sociaux
00:52:13 quelqu'un qui est très sérieux et qui est capable de résoudre le problème que mon médecin...
00:52:18 - Et donc, pour l'instant, tous ces gens-là sont protégés,
00:52:20 il y a une pratique illégale de la médecine,
00:52:22 il y a une pratique illégale d'un certain nombre de choses.
00:52:24 Pour l'instant, les réseaux sociaux, à mon avis, enfin je parle souvent de mon nom,
00:52:27 on arrive à contourner tout ça.
00:52:29 - Oui, mais parce que c'est vrai que la médecine, ça bloque un peu.
00:52:31 Parce qu'en plus, tout le monde a des idées sur la médecine.
00:52:33 Mais regardez les économistes.
00:52:35 C'est pas parce qu'on a un diplôme qui nous permet d'enseigner l'économie
00:52:38 qu'on a une faculté extra-lucide à prévoir l'avenir,
00:52:43 ni même à comprendre ce qui se passe autour de nous.
00:52:45 Vous êtes bien d'accord ?
00:52:46 - Je suis bien d'accord, d'ailleurs.
00:52:48 - Sinon, vous joueriez en bourse et vous seriez milliardaire,
00:52:50 si vous compreniez l'économie.
00:52:52 - Oui, exactement, exactement.
00:52:54 Et comme je disais à mes étudiants, effectivement,
00:52:56 si véritablement, en termes de finances, j'avais les clés,
00:52:59 tout ce que je vais vous apprendre, si j'avais les clés, je serais pas là.
00:53:02 Je peux vous le dire.
00:53:04 J'aurais fait fortune et je serais pas là.
00:53:06 - Là, tout à coup, sur les réseaux sociaux,
00:53:08 il y a des gens qui ont des théories économiques,
00:53:10 qui vous disent ce qui va, ce qui va pas,
00:53:12 tout simplement parce qu'aujourd'hui, tout le monde a des diplômes.
00:53:14 Il y a 50 ans, il y avait 18% de la population
00:53:16 qui faisait des études supérieures.
00:53:18 Quand un ministre disait quelque chose, on écoutait.
00:53:20 Ou un journaliste.
00:53:22 Mais aujourd'hui, tout le monde est capable de se rendre compte
00:53:24 que le ministre et le journaliste en savent pas tellement plus que nous.
00:53:26 - Oui, oui. Et donc, l'enjeu derrière tout ça,
00:53:28 c'est effectivement, d'abord, la protection.
00:53:30 Protectionniste, on va mettre en place des pratiques illégales d'eux.
00:53:33 Donc, pratique illégale de la médecine et, pourquoi pas,
00:53:35 pratique illégale de l'économie.
00:53:37 - Ministère de la vérité.
00:53:39 - Voilà, voilà. Le ministère de la vérité.
00:53:41 - On en rêve, le ministère de la vérité qui viendrait dire
00:53:43 "C'est pas vrai, c'est pas vrai".
00:53:45 - Ou alors, après, vous avez effectivement la sélection des gens.
00:53:47 Et donc, en général, c'est les pairs qui vous sélectionnent.
00:53:49 C'est les gens qui évaluent ce que vous savez.
00:53:51 - Oui, pairs, P-A-I-R-S.
00:53:53 - P-A-I-R-S. Donc, effectivement.
00:53:55 Et donc, un des enjeux, c'est effectivement la capacité
00:53:57 à faire émerger des clubs et des cercles de clairs
00:53:59 qui vont être les pairs des futurs influenceurs
00:54:03 au sens le plus positif et le plus scientifique du terme.
00:54:05 - C'est ça que j'appelle l'intelligence collective.
00:54:07 C'est-à-dire qu'il y a un moment donné
00:54:09 où il va falloir faire confiance aux gens pour déterminer
00:54:11 non pas ce qui est vrai ou faux,
00:54:13 mais ce qui est vérifié ou pas vérifié,
00:54:15 ou ce qui a un sens, ou ce qui est modifié.
00:54:17 - Voilà. Celui qui développe un message,
00:54:19 c'est un message qui est à la fois scientifique,
00:54:21 cohérent et utilisable.
00:54:25 - Un dernier mot, Cécile Chabot, vous allez nous quitter.
00:54:27 Un message d'espoir pour l'enquêteur, pour la lecture.
00:54:31 - Je suis ravie de faire mon métier.
00:54:35 Je suis ravie de partir lundi.
00:54:37 J'ai hâte de les voir et de leur dispenser un message.
00:54:40 Un message de savoir et d'intelligence collective.
00:54:44 - Je vous remercie d'être passée parmi nous.
00:54:48 Ça va être le rappel des titres.
00:54:50 Isabelle Piboulot.
00:54:52 Ensuite, on s'intéresse à l'argent des étrangers qui vient en France.
00:54:56 On est tout contents parce qu'on est la destination
00:54:58 numéro un des investissements étrangers en Europe.
00:55:00 C'est la France.
00:55:02 Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle,
00:55:04 va nous expliquer Jean-Marc Daniel.
00:55:06 Mais d'abord, le rappel des titres.
00:55:09 - A Hiroshima, la présence de Volodymyr Zelensky au G7 japonais
00:55:13 est une initiative française qui peut changer la donne pour Kiev.
00:55:17 Ce sont les mots d'Emmanuel Macron.
00:55:19 Le président ukrainien a enchaîné les rencontres
00:55:22 avec des chefs d'État et de gouvernement
00:55:24 afin notamment de persuader les grandes puissances émergentes
00:55:27 de hausser le ton envers Moscou.
00:55:29 Dans le nord-est de l'Italie, plus de 36 000 personnes
00:55:33 ont été déplacées à la suite des inondations.
00:55:36 La région d'Emilie-Romagne est dévastée par les crues
00:55:39 et les glissements de terrain.
00:55:41 Depuis mercredi, les violentes intempéries ont fait au moins 14 morts.
00:55:45 Les autorités régionales ont prolongé jusqu'à demain
00:55:48 l'alerte rouge météo.
00:55:50 Et puis un mot de rugby, direction Dublin.
00:55:53 La Rochelle a créé l'exploit au terme d'une immense finale
00:55:56 en s'offrant le Leinster 27 à 26.
00:55:59 La Rochelle conserve ainsi son titre en Champions Cup.
00:56:02 Le club français s'a créé l'année dernière à Marseille
00:56:05 contre cette même équipe,
00:56:07 a remonté à un déficit de trois essais,
00:56:10 inscrit par les Irlandais dans les douze premières minutes du match.
00:56:13 Bienvenue, si vous nous rejoignez maintenant,
00:56:18 les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit.
00:56:20 Véronique Reys-Soult, la présidente de Backbone Consulting,
00:56:24 qui vient de publier "L'ultime pouvoir",
00:56:26 "La vérité sur l'impact des réseaux sociaux"
00:56:28 et Tarek Krim, le fondateur de Neb Vibes ou de Jolly Cloud,
00:56:32 ancien vice-président du Conseil du numérique,
00:56:35 sont avec nous depuis le début de l'émission,
00:56:37 ainsi que l'économiste Jean-Marc Daniel,
00:56:39 à qui l'on doit une histoire mondiale...
00:56:43 - De l'économie mondiale.
00:56:45 - Mondiale, à chaque fois, il y en a un.
00:56:47 - C'est l'économie qui est mondiale et pas l'histoire.
00:56:49 - Sarah Guillaume vient de nous rejoindre.
00:56:52 Vous êtes économiste à l'OFCE et l'auteur de
00:56:54 "La souveraineté économique à l'épreuve de la mondialisation".
00:56:58 Dans une demi-heure, on s'intéressera avec
00:57:00 Philippe Biwik et Sophie Janté
00:57:02 aux dangers que nous fait courir l'étalement urbain.
00:57:04 55% de la population mondiale vit aujourd'hui dans des villes.
00:57:08 Ça pourrait monter à 68% d'ici 2050, selon l'ONU.
00:57:12 En France, c'est déjà plus de 80%.
00:57:15 Mais d'abord, revenons sur le chiffre de la semaine.
00:57:18 Les 13 milliards d'investissements dans notre pays,
00:57:20 annoncés par Emmanuel Macron à l'issue du sommet
00:57:23 "Tous France" qui avait lieu à Versailles,
00:57:25 avec plus de 200 patrons d'entreprises internationales,
00:57:28 ces 13 milliards, preuve de l'attractivité de la France,
00:57:32 dont nous nous réjouissons tous,
00:57:34 nous ont été présentés comme un pas important
00:57:36 dans la voie de la réindustrialisation.
00:57:38 Or, vous, Jean-Marc Daniel,
00:57:40 vous dites que ce n'est pas forcément une bonne nouvelle.
00:57:44 La France, dites-vous, n'est plus propriétaire d'elle-même.
00:57:47 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ça ?
00:57:49 – Oui, en effet, ce qui se passe en ce moment
00:57:51 et ce qui se passe depuis un certain temps,
00:57:52 grosso modo depuis le début du siècle,
00:57:55 c'est que la France est au-dessus de ses moyens.
00:57:57 C'est-à-dire qu'elle a un niveau de revenu
00:57:59 et normalement, une des lois de l'économie basique,
00:58:02 même dans les principes d'économie résumés par l'économiste américain Mancus,
00:58:06 c'est le principe numéro 8,
00:58:07 le revenu doit être égal à la production.
00:58:09 Et donc, comme le revenu est supérieur à la production,
00:58:11 et bien, concrètement, à un moment donné,
00:58:14 on achète beaucoup à l'étranger
00:58:16 pour compenser cette différence entre notre revenu et la production.
00:58:19 Donc, on importe.
00:58:20 Et donc, avec ces importations, on donne de l'argent à l'étranger.
00:58:25 Et que fait l'étranger en échange ?
00:58:27 Eh bien, il vient nous acheter.
00:58:29 Grosso modo, pour avoir notre consommation au quotidien,
00:58:31 on vend notre immobilier.
00:58:33 Au début du siècle, 1% de l'immobilier français
00:58:36 était détenu par des étrangers.
00:58:37 Aujourd'hui, c'est 2%.
00:58:39 On vend la bourse.
00:58:40 Au début du siècle, 20% de la bourse
00:58:42 était détenue par des étrangers.
00:58:43 Aujourd'hui, c'est 40% qui est détenu de la bourse.
00:58:46 – Pardon, si on vend des maisons sur la côte d'Azur
00:58:48 ou des appartements à Venifoche,
00:58:50 ils restent quand même là, les appartements à Venifoche ?
00:58:53 – Ils restent là, sauf qu'en général, les gens qui les achètent,
00:58:55 c'est pour percevoir des loyers.
00:58:57 Et donc, dans un premier temps, ils nous apportent de l'argent,
00:58:59 puisqu'effectivement, ils nous apportent le produit de la vente.
00:59:03 Et puis après, d'année en année, à Venifoche,
00:59:05 tous les ans, il faut payer les loyers.
00:59:07 Et tous les ans, le paiement de ces loyers repart à l'étranger.
00:59:10 Sur la bourse, le premier, un des tout premiers,
00:59:12 et même à certains moments, c'est le premier investisseur,
00:59:15 c'est le fonds souverain norvégien.
00:59:17 Cet argent, effectivement, les dividendes qui sont versés,
00:59:20 dont on nous dit qu'effectivement, qu'est-ce qu'ils deviennent ?
00:59:22 Ben, ils deviennent des retraites des Norvégiens.
00:59:24 Et donc, concrètement, au fur et à mesure que ce mécanisme se met en place,
00:59:29 les Français vont avoir à payer, la génération qui est là,
00:59:32 qui est en train de monter, elle va avoir à payer nos retraites,
00:59:35 et puis la retraite des Norvégiens, la retraite des Californiens,
00:59:37 la retraite des Japonais.
00:59:39 Et donc, je dis, on peut jouer ce jeu-là, qui consiste à se vendre,
00:59:43 quand, effectivement, on a une démographie qui permet ça.
00:59:46 C'est-à-dire, s'il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de Français
00:59:48 qui s'annoncent, ils pourraient payer à la fois la retraite des vieux Français,
00:59:51 parce qu'ils seraient beaucoup moins nombreux, et la retraite des Norvégiens.
00:59:53 Et ils auraient eu, pendant un certain moment,
00:59:55 l'apport de revenus des Norvégiens en question.
00:59:57 Je dis non.
00:59:59 Et je dis, et la situation s'aggrave, pour conclure,
01:00:03 lorsque, donc, au début du siècle, ce que nous détenions à l'étranger,
01:00:07 comparé à ce que détenaient les étrangers en France,
01:00:09 c'était à peu près équivalent.
01:00:11 Aujourd'hui, les étrangers détiennent en France,
01:00:13 pour 800 milliards d'euros de plus que ce que nous détenons à l'étranger.
01:00:18 Et donc, tous les ans, ces 800 milliards sont rémunérés
01:00:22 par les Français pour les étrangers, et cette rémunération s'en va.
01:00:25 Pour l'instant, comme les entreprises françaises ont été très efficaces,
01:00:29 ce n'est pas trop douloureux.
01:00:31 Et puis, on le voit de temps en temps, on nous dit bien,
01:00:34 écoutez, Total gagne beaucoup d'argent à l'étranger,
01:00:36 puisqu'il ne gagne rien en France.
01:00:38 Bon, donc, on a des entreprises françaises qui sont relativement efficaces.
01:00:40 Mais au fur et à mesure que le processus s'accumule,
01:00:43 on va effectivement vers l'étranglement progressif de nos revenus.
01:00:47 Je donnerai la parole après ça à Guillaume,
01:00:49 mais pour qu'on comprenne bien.
01:00:50 Chaque fois qu'une entreprise, vous dites, on vend les revenus des générations futures.
01:00:54 Exactement.
01:00:55 Et chaque fois qu'une entreprise française s'implante à l'étranger,
01:00:59 en Chine, en Inde ou au Maroc, ce qu'on appelle les fameuses délocalisations,
01:01:06 elles privent les enfants chinois, indiens ou marocains des revenus de leur futur.
01:01:10 Mais en même temps, elles donnent aussi du travail à leurs parents.
01:01:13 Oui, oui, ça compense, ça compense.
01:01:16 Et c'est pareil en France.
01:01:17 Oui, oui, j'entends bien.
01:01:18 Et c'est pour ça que sur le plan démographique,
01:01:20 la situation n'est pas la même d'un pays à l'autre.
01:01:23 Grosso modo, quand vous êtes un pays où il va y avoir de moins en moins d'emplois,
01:01:28 de moins en moins de population susceptible de travailler
01:01:30 et de plus en plus de gens qui sont des gens à la retraite, des gens âgés,
01:01:34 vous avez intérêt, effectivement, à avoir placé à l'étranger
01:01:38 aux endroits où il y a des jeunes susceptibles de travailler.
01:01:40 Vous prenez le cas du Japon.
01:01:41 Le Japon, vous avez grosso modo un tiers de la population qui a plus de 60 ans.
01:01:47 Vous regardez le Japon, il a énormément de revenus qui sont liés à ses placements.
01:01:52 C'est-à-dire que le Japon vit des placements des entreprises japonaises en Indonésie, en Chine.
01:01:59 Là où il y a des jeunes pour travailler.
01:02:00 Là où il y a des jeunes pour travailler.
01:02:01 Et donc je dis, dans la situation actuelle, il n'y a pas de mystère.
01:02:05 Vu notre démographique, ou bien notre retraite sera payée par des gens
01:02:09 qui travaillent dans des usines à Bidjan ou à Mumbai, ou bien il n'y aura pas de retraite.
01:02:14 Sarah Guillou, est-ce que vous partagez cette vision assez pessimiste de Jean-Marc Damiel
01:02:19 quant à la France destination numéro un des investissements étrangers ?
01:02:24 En fait, ça faudrait dire que c'est parce qu'on est des couillons et qu'on se laisse…
01:02:29 Oui, c'est ça. Vous pouvez résumer ça dans ces termes-là.
01:02:32 On est des couillons, on se laisse acheter et en plus on se lèche à acheter les revenus de nos enfants.
01:02:38 Moi, je vois les choses un tout petit peu différemment.
01:02:41 En effet, je pense que c'est 13 milliards, là, c'est des promesses pour le moment.
01:02:45 Oui, bien sûr, en plus.
01:02:46 Ce que l'on cotise, ce n'est pas un rachat d'actifs, c'est des investissements dans les capacités de production.
01:02:52 Ils vont créer des usines.
01:02:54 Soit on ouvre des usines, soit on ouvre des lignes de production, soit on fait des extensions de capacités de production.
01:03:00 Donc il y a un apport de capital, mais ce n'est pas simplement du capital financier,
01:03:03 c'est du capital aussi avec de la technologie, avec du savoir-faire.
01:03:07 Donc, a priori, l'investisseur, s'il investit, c'est qu'il en attend une certaine rentabilité.
01:03:13 Ses investissements vont être créateurs d'emplois, créateurs de revenus, créateurs de demandes
01:03:17 qui vont s'adresser aux sous-traitants, qui vont s'adresser au commerce.
01:03:21 Donc, a priori, c'est bon pour la croissance.
01:03:23 Donc, sur le plan économique, ces investissements, ils sont créateurs à court et à moyen terme,
01:03:30 évidemment, d'un potentiel de production en France et de croissance.
01:03:35 A long terme, il est évident que si les sièges de ces actionnaires,
01:03:38 enfin de ces investisseurs, si les sièges sont à l'étranger,
01:03:41 il pourrait effectivement y avoir un versement de revenus, de dividendes.
01:03:44 Mais ça voudrait dire que les investissements ont été rentables
01:03:47 et qu'ils ont suscité des revenus du capital.
01:03:50 Et avant d'avoir suscité des revenus du capital,
01:03:53 ils auront aussi créé de l'emploi et des revenus en France.
01:03:57 Jean-Marc Daniel.
01:03:58 Oui, oui, je réponds à ça, effectivement.
01:04:00 Elle reconnaît quand même qu'effectivement, les dividendes vont partir.
01:04:04 À la fin, ils vont repartir.
01:04:05 La vraie question que pose la situation actuelle de l'économie française,
01:04:08 c'est pourquoi ces investissements, ce ne sont pas des entreprises françaises qui le font.
01:04:12 Pourquoi est-ce qu'on manque d'épargne ?
01:04:14 Pourquoi est-ce qu'on manque de capitaux pour créer ces entreprises ?
01:04:16 Parce que quand on va au Maroc ou quand on va en Inde
01:04:22 ou quand les Japonais sont allés en Chine,
01:04:24 pourquoi est-ce que les Chinois ont accepté les investissements des Japonais ?
01:04:28 C'est parce que les Japonais leur apportaient un certain savoir-faire.
01:04:31 Et donc là aussi, les mouvements de capitaux ont plutôt tendance à aller des pays,
01:04:34 ce qu'on appelle à la frontière technologique,
01:04:36 les pays qui sont les plus développés, vers les pays qui sont en retard sur le plan technologique.
01:04:40 Et vous l'aviez dit, effectivement, normalement,
01:04:42 un investissement étranger, ça vous apporte de la technologie.
01:04:45 Or, la France, a priori, elle est plutôt en situation d'être dans les pays à la frontière technologique.
01:04:51 Nous avons les meilleurs ingénieurs, nous dit-on, parmi les meilleurs ingénieurs du monde.
01:04:56 Sauf qu'ils partent en Californie.
01:04:58 La question que l'on doit se poser, c'est pourquoi on cherche systématiquement
01:05:01 à être attractif pour Taïwan et les investisseurs étrangers,
01:05:05 et pourquoi on ne veut pas être attractif pour nos ingénieurs, nos entreprises et notre épargne.
01:05:10 Et une des raisons, c'est parce qu'on en manque d'épargne.
01:05:14 Et pourquoi on manque d'épargne ? Et je finis là mon raisonnement,
01:05:17 parce que notre épargne, on nous dit qu'on est très épargnant.
01:05:19 Vous et moi, nous sommes épargnants.
01:05:21 Et qu'est-ce qu'elle devient, notre épargne ? De l'assurance vie.
01:05:24 Et ça finance quoi, l'assurance vie ? Le fonctionnement de l'État.
01:05:27 Et donc, on est, outre le fait qu'on sacrifie la génération d'après,
01:05:31 notre situation actuelle, cette besoin d'épargne et d'appel de capitaux étrangers,
01:05:36 traduit le fait que nous ne sommes pas assez attractifs vis-à-vis de nos propres compétences,
01:05:41 et en plus, nous gaspillons notre épargne en finançant le déficit budgétaire.
01:05:46 - Madame Aguillou ?
01:05:47 - Deux éléments de contradiction.
01:05:50 D'abord, l'ensemble des investissements directs à l'étranger dans le monde,
01:05:53 ils se font surtout entre les pays riches,
01:05:55 donc les pays qui sont à la frontière technologique,
01:05:57 et ils se font entre eux.
01:05:59 Un des plus grands investisseurs en Europe, c'est les États-Unis.
01:06:02 Donc première chose.
01:06:04 Et seconde chose, ici, on a du capital qui s'investit dans des capacités de production
01:06:11 qu'on ne maîtrise pas.
01:06:13 Donc effectivement, on peut avoir besoin d'investisseurs
01:06:16 qui vont apporter du savoir-faire qu'on n'a pas.
01:06:18 Ça ne veut pas dire qu'on a perdu tout notre savoir-faire.
01:06:21 - Donc effectivement, sur le plan des batteries...
01:06:24 - C'est le cas que j'allais vous soumettre.
01:06:26 Le chinois XTC, qui doit construire avec le français Orano
01:06:30 une usine de composants et de recyclage de batteries
01:06:34 pour 1,5 milliard d'euros.
01:06:37 Alors, dans votre raisonnement, il faudrait qu'Orano, le français, le fasse seul.
01:06:43 Mais est-ce que c'est possible ?
01:06:45 Est-ce qu'il trouverait les capitaux uniquement français ?
01:06:48 Et surtout, est-ce qu'il aurait la technologie pour le faire ?
01:06:51 Côté batteries, les chinois ont beaucoup de choses à nous apprendre.
01:06:54 - Surtout, si je peux permettre,
01:06:56 quand on voit des investisseurs français aller investir en Chine,
01:06:59 on dit "Ah, mais il y a transfert de technologie, on va perdre notre technologie".
01:07:03 Donc là, on a des investisseurs taïwanais, japonais, coréens ou chinois
01:07:08 qui viennent investir.
01:07:09 A priori, on ne devrait pas être si bête que ça
01:07:11 pour aussi s'accaparer une partie de leur savoir-faire et de leur technologie.
01:07:15 Donc il y a une inversion, vous voyez, un raisonnement parallèle
01:07:19 qu'il faut être capable aussi de tenir sur le transfert de technologie.
01:07:23 - Pendant le Covid, on a été à peu près incapables quand même
01:07:25 d'imiter les gens de Singapour et de Taïwan
01:07:28 qui, eux, n'ont jamais eu besoin de confiner.
01:07:31 - Ah oui, alors là, c'est le transfert en termes d'innovation organisationnelle.
01:07:36 Mais ça, ça fait appel aussi à la culture
01:07:39 et à d'autres éléments qui sont moins strictement économiques.
01:07:42 - Mais je vous ai interrompu et après, Tariq Krim.
01:07:44 - Oui, oui, non, non, mais là où je rejoins ce que vous venez de dire,
01:07:47 c'est qu'effectivement, lorsqu'on va en Chine,
01:07:49 ils vont nous prendre notre technologie et après ?
01:07:52 L'enjeu dans tout ça, c'est à la fin des fins,
01:07:54 c'est qu'il y ait des endroits où on produise.
01:07:56 Les Chinois, ils ne vont pas tout produire.
01:07:58 Et donc, à un moment donné, chaque pays va se spécialiser
01:08:01 dans ce qu'on appelle les avantages comparatifs.
01:08:03 Moi, je pense que l'intérêt du monde, c'est qu'on laisse circuler les hommes,
01:08:07 qu'on laisse circuler les capitaux et qu'on laisse circuler les marchandises.
01:08:10 Mais qu'on les laisse circuler, qu'on ne s'empêle pas,
01:08:12 qu'on ne passe pas son temps à dire "ah mais vous, je vais vous financer pour que vous veniez,
01:08:15 et puis vous, je vais vous interdire de sortir,
01:08:17 et puis vous, je vais vous interdire de venir parce que vous êtes,
01:08:20 vous n'avez pas la bonne couleur de peau".
01:08:22 Je veux qu'on laisse circuler les gens.
01:08:23 Je dis simplement que l'État français, à l'heure actuelle,
01:08:26 il perturbe ce mécanisme parce qu'il détruit notre épargne
01:08:29 en étant systématiquement en déficit,
01:08:31 parce qu'il n'est pas capable de garder les gens qui sont capables d'imiter,
01:08:36 parce que pour imiter les Taïwanais, il faut qu'il y ait des gens qui comprennent
01:08:39 s'ils sont partis en Californie pour travailler pour les Californiens,
01:08:42 personne ne pourra imiter et comprendre ce que font les Taïwanais.
01:08:45 Et je dis, il faut effectivement faire en sorte que, concrètement,
01:08:49 on raisonne en se disant que dans 10, 15 ou 20 ans,
01:08:53 il n'y aura plus assez de manœuvres pour payer l'ensemble de l'État social.
01:08:57 Justement, c'était mardi dernier, Emmanuel Macron a déclaré
01:09:01 "Nous allons faire comme les Chinois, défendre notre souveraineté nationale
01:09:05 et produire ce dont nous avons besoin en Europe".
01:09:08 Mais on ne pourra jamais rapatrier toutes les productions en Europe.
01:09:12 On n'aura jamais assez de manœuvres.
01:09:14 Et non, et puis on n'a surtout pas intérêt à tout rapatrier en Europe.
01:09:17 Vous preniez le part du Covid, il y a eu ces images absolument invraisemblables
01:09:21 où on voyait des gens qui, au pied des avions, se disputaient pour avoir des masques.
01:09:25 Des masques qui arrivaient effectivement de Chine.
01:09:27 Le véritable problème, c'est qu'on a dit "on va faire des usines de masques".
01:09:31 On a créé, on a subventionné en France des usines pour fabriquer des masques.
01:09:35 Bon, mais elles ont toutes fermées depuis parce qu'on n'a plus besoin de masques.
01:09:38 Le véritable enjeu dans tout ça, c'est de se poser la question de savoir
01:09:41 pourquoi au niveau mondial apparaissent certains lieux qui sont en situation de monopole.
01:09:46 Et pour contrer le monopole, ça ne veut pas dire qu'il faille produire chez nous,
01:09:49 ça veut dire qu'il faille produire ailleurs que dans l'endroit où est le monopole.
01:09:53 Je cite encore une fois le cas de l'Inde, je pense que le véritable concurrent naturel de la Chine
01:09:59 sur les types de produits que fait la Chine en ce moment, c'est plus naturellement l'Inde ou le Vietnam
01:10:03 que Dunkerque ou le Massif central.
01:10:06 - Paris crime !
01:10:08 - Oui, plusieurs points. Tout d'abord, on parlait tout à l'heure des retraités norvégiens,
01:10:13 on peut aussi rajouter les retraités américains.
01:10:16 Vous parliez de l'avenue Foch, de la Côte d'Azur, mais on pourrait parler...
01:10:19 - Ou de l'avenue Montaigne.
01:10:21 - L'avenue Montaigne qui nourrit les dentistes californiens.
01:10:24 - Bien sûr, mais on a la même chose dans le numérique parce que finalement, d'une certaine manière,
01:10:29 ce qu'on voit sur les start-up industriels, le renouveau de l'industrie, c'est aussi une distraction
01:10:33 pour montrer à quel point, dans le domaine numérique, non seulement on a laissé des entreprises
01:10:39 entrer sur le territoire pour intégrer notre économie, parce qu'il faut savoir que peut-être 20-30%
01:10:46 de notre économie passe dans ce qu'on appelle les GAFAM, Google, Apple, Microsoft, Amazon.
01:10:52 - Sans les outils de la Silicon Valley ou chinois sinon, il faut s'arrêter chez nous.
01:10:58 - Sauf que ce qui est intéressant, c'est que non seulement on utilise ces outils, on dépense,
01:11:02 cet argent est défiscalisé, donc en fait on n'envoie jamais la couleur, et puis surtout,
01:11:07 on forme une génération entière d'ingénieurs pour aller renforcer les bataillons des prochaines équipes.
01:11:13 On avait le cloud, maintenant c'est l'intelligence artificielle, on est toujours sur la même logique.
01:11:16 J'avais fait il y a 10 ans une étude pour le gouvernement où je l'ai montré que la plupart
01:11:20 des ingénieurs étaient partis construire les LinkedIn, Facebook, Google et autres.
01:11:25 Et donc on est en fait dans une situation assez bizarre où, parce qu'on n'a jamais voulu investir
01:11:30 dans le logiciel, dans le savoir-faire technique, construire des alternatives,
01:11:34 on a en fait laissé, on a considéré que cette bataille était...
01:11:37 - C'est aussi vrai dans l'industrie pharmaceutique, on est le seul pays du conseil de sécurité
01:11:42 qui n'a pas été capable de produire un vaccin contre le Covid, mais il y a deux Français
01:11:47 qui sont à la tête des deux plus grandes entreprises pour fabriquer le leur.
01:11:50 - Bien sûr, et la question c'est pourquoi ils sont partis ?
01:11:52 - Ils sont partis ! Et quand ils expliquent pourquoi ils sont partis, ils expliquent pour deux raisons.
01:11:56 - Parce qu'on investit moins dans les médicaments ici qu'ailleurs aux Etats-Unis.
01:11:59 - Non, ils sont partis parce qu'ils voulaient payer moins d'impôts et ils sont partis parce que
01:12:02 pour créer une entreprise en France, c'est encore plus compliqué que créer une entreprise
01:12:05 aux Etats-Unis ou en Allemagne. Vous regardez, il y a un classement que fait la Banque mondiale
01:12:10 sur la facilité avec laquelle on crée des entreprises. Alors ça va de 0 à 100,
01:12:16 l'indicateur, il y a un calcul et tout ça. Aux Etats-Unis et en Allemagne, c'est 85.
01:12:20 En France, c'est 77. Et on est, avec ce classement, par rapport à l'Italie et au Royaume-Uni,
01:12:26 on est également en dessous de l'Italie et du Royaume-Uni. Donc, au lieu de chercher
01:12:31 à faire venir les gens de Taïwan, encore une fois, je maintiens, faisant en sorte
01:12:35 qu'il soit beaucoup plus facile de créer en France avec des capitaux français
01:12:38 et des ingénieurs français, des entreprises françaises.
01:12:41 On ne sait pas faire. En fait, je l'ai vécu durant parce que j'ai monté plusieurs startups
01:12:46 en France. Dès qu'on veut faire des produits technologiques ambitieux, on est tout de suite
01:12:51 bloqué. On est face à des gens qui ne comprennent pas. Et donc, quand on ne comprend pas,
01:12:55 on ne fait rien. Ce qu'on veut en France, c'est des copies des boîtes américaines
01:12:59 sur les marchés locaux. On a dépensé 23 milliards, je crois que la BPI a dépensé
01:13:04 23 milliards dans les startups. On se pose souvent la question d'ailleurs à quoi a servi
01:13:08 cet argent, parce que d'une certaine manière, on n'a pas de véritable retour.
01:13:12 C'est quand même une partie très, très privilégiée de la France qui a bénéficié
01:13:16 de cet argent. Les startups, c'est surtout un peu la fice à Papa Nation. C'est vraiment
01:13:20 un petit groupe de gens qui monopolient cet argent. Et d'une certaine manière,
01:13:24 on n'a jamais été capable d'exporter. Quand on regarde le déficit du commerce extérieur,
01:13:28 une partie de ce déficit peut s'expliquer aussi par le fait qu'on ne vend pas de logiciel,
01:13:33 on ne vend pas de... Quand on achète du Google...
01:13:35 - Et vous, vous vous souciez-vous parce qu'il n'en a pas toujours été ainsi.
01:13:38 - Non. - Notre bombe atomique, on ne l'a pas copiée
01:13:40 sur les Américains. On est les seuls à l'avoir fabriquée tout seuls.
01:13:43 - Absolument. - Il y a un siècle, on était numéro 1,
01:13:45 enfin un peu plus d'un siècle, numéro 1 dans toutes les technologies de pointe.
01:13:49 - Il ne nous a pas échappé que les... - Sur le Général de Gaulle, on a commencé
01:13:53 à être leader sur Internet. On était leader sur les recherches nucléaires
01:13:57 avant la Seconde Guerre mondiale. - Absolument.
01:13:59 - À chaque fois, on a vraiment su dépasser. - Mais il ne nous a pas échappé que les...
01:14:02 - Les fonctionnaires que l'on a aujourd'hui ne sont plus du tout...
01:14:04 Ce n'est plus la même génération. Avant, on avait des gens qui avaient...
01:14:06 - Avant, on se faisait dépasser au bout d'un moment.
01:14:08 - On avait une vision industrielle sur le long terme.
01:14:10 On savait aussi mobiliser l'effort. Aujourd'hui, on a une partie du politique
01:14:14 qui nous explique, et les ministres d'ailleurs eux-mêmes nous le disent,
01:14:18 le retard est impossible. On a pris trop de retard, on ne peut pas faire...
01:14:21 Alors que toutes les technologies, il faut toujours rappeler l'Internet,
01:14:23 le MP3, enfin toutes les technologies qui construisent l'Internet
01:14:26 ont été inventées en Europe et récupérées par les Chinois et par les États-Unis.
01:14:31 Et donc on a un vrai problème aujourd'hui de façon de penser.
01:14:34 On est persuadé, on est une sorte de... j'allais dire victime de la colonisation...
01:14:38 On est une sorte de colonisation numérique. C'est un peu le problème du colonisé
01:14:42 qui pense que ce que font les États-Unis, c'est toujours mieux.
01:14:45 D'ailleurs, il faut qu'on copie Tchad GPT, il faut qu'on copie...
01:14:48 Prenez n'importe quelle innovation américaine.
01:14:50 Et en même temps, on se retrouve dans une situation assez complexe
01:14:52 parce qu'on parlait tout à l'heure de la Chine.
01:14:54 Mais aujourd'hui, ce que font les États-Unis est très intéressant.
01:14:56 C'est que... Bon déjà, la Chine est dans une situation qui est très complexe
01:14:59 puisqu'ils ont besoin des puces pour fabriquer des produits.
01:15:02 Et que Biden vient d'interdire quasiment du jour au lendemain l'accès à ces puces,
01:15:06 l'accès aux Américains qui vont travailler dans ces domaines.
01:15:09 Et surtout, ce qu'ils essayent de faire depuis quelques années,
01:15:12 c'est de les empêcher de vendre des produits à forte valeur ajoutée.
01:15:15 Ça a commencé avec la 5G, vous vous rappelez, Huawei banni dans tous les pays.
01:15:19 Ça continue avec TikTok. TikTok, c'était 15 milliards, je crois,
01:15:23 14 milliards de dollars de chiffre d'affaires.
01:15:25 On veut le bannir aussi de tous les pays.
01:15:27 Alors, il y a plein d'autres raisons, mais il y a aussi cet aspect économique essentiel.
01:15:30 Et la troisième chose, c'est les voitures électriques.
01:15:33 Et on voit qu'aux États-Unis, effectivement, on a mis toute une sorte de barrière
01:15:36 pour empêcher la Chine d'aller vraiment à l'assaut du marché américain.
01:15:41 Et nous, en fait, en Europe, on est un peu les dindons de la farce.
01:15:44 On n'a pas véritablement de vision. On est pris entre deux...
01:15:47 On a carrément interdit les voitures thermiques à la vente à partir de...
01:15:50 Ce qui est indispensable.
01:15:51 Je voudrais quand même rebondir sur ce qu'on dit,
01:15:54 parce que je ne suis pas du tout d'accord avec cette approche.
01:15:56 Je crois que ce n'est pas un problème de ministre.
01:15:58 Je crois que ce n'est pas un problème de volonté politique.
01:16:00 Le pays qui a le plus d'avoir extérieur net rapporté à son PIB de très, très loin, c'est l'Allemagne.
01:16:05 Quel est le pays qui a le moins d'avoir extérieur net,
01:16:07 qui est le plus dépendant, qui est le plus détenu par un autre pays ?
01:16:10 Ce sont les États-Unis.
01:16:11 Et donc, je pense qu'à la surface de la planète,
01:16:13 il y a des pays détenteurs et des pays détenus.
01:16:15 Et les pays détenus sont les pays qui ne travaillent pas assez par rapport au niveau de vie.
01:16:19 C'est nous.
01:16:20 Et c'est nous.
01:16:21 Et donc, ce n'est pas un problème, effectivement, de tel ou tel ministre
01:16:23 qui ne comprend pas comment les institutions de Maxwell organisent l'idée d'électricité.
01:16:27 Je pense que c'est un problème, effectivement, où on ne travaille pas assez
01:16:30 par rapport à nos exigences en termes de niveau de vie.
01:16:32 D'ailleurs, il y a un prix Nobel, Paul Krugman,
01:16:34 qui compare en l'évolution de la France et de la Californie
01:16:38 entre la première élection d'Emmanuel Macron et sa deuxième élection.
01:16:42 Et il a dit, entre-temps, la Californie a pris entre 10 et 15 % de plus.
01:16:46 On avait le même PIB, la Californie et la France, en 2017.
01:16:48 Et maintenant, la Californie a un PIB qui fait 10 à 15 % de plus.
01:16:52 Que la France.
01:16:53 Que la France.
01:16:54 Et il dit que la différence entre les deux, c'est qu'en Californie,
01:16:56 alors qu'ils ont la chance d'avoir le soleil, la mer et tout ça,
01:16:58 ils n'arrêtent pas de travailler.
01:16:59 En France, ils ont au moins ce qu'il appelle le sens de l'économie du musée.
01:17:04 Il faut visiter les musées.
01:17:05 Et un certain nombre de gens lui ont dit, vous ne connaissez pas la France.
01:17:08 Parce que la campagne électorale de M. Macron ne se fait pas sur
01:17:12 augmenter l'heure d'ouverture des musées.
01:17:14 Elle se fait augmenter notre pouvoir d'achat.
01:17:16 Et donc, je pense qu'effectivement, la France ne travaille pas
01:17:20 à hauteur du pouvoir d'achat qu'elle attend.
01:17:22 Et donc, il faut absolument qu'elle augmente sa capacité,
01:17:25 sa quantité de travail.
01:17:26 Le vrai problème, ce n'est pas les ministres, c'est les 35 heures.
01:17:29 Je pense que le véritable enjeu...
01:17:31 On est dans la même situation qu'en 82-83 en termes de rapport
01:17:34 avec notre commerce extérieur.
01:17:36 C'est-à-dire qu'on est dans une situation qui, en 82-83, avait réclamé la rigueur.
01:17:41 Cette rigueur, à l'heure actuelle, on essaie d'y échapper,
01:17:45 mais on y échappe en préparant la ruine de la génération future.
01:17:49 - Sarah Guillaume ?
01:17:50 - Alors, pire chose, je crois qu'il y a un problème de capital risque en France.
01:17:53 Et c'est ce qui explique peut-être qu'on n'a pas assez de start-up
01:17:56 qu'on peut voir ailleurs.
01:17:57 Donc, on a un problème de financement et d'amorçage,
01:18:01 de capital amorçage pour des entreprises type Moderna
01:18:05 ou des entreprises qui auraient besoin qu'on croit en elles.
01:18:08 Mais on a quand même des champions dans la vaccination,
01:18:11 tels que Sanofi.
01:18:13 Et effectivement, il n'a pas fait de vaccin contre la Covid,
01:18:17 mais il est extrêmement, aujourd'hui, il a un marché énorme en termes de vaccin.
01:18:22 Donc, c'est important aussi de ne pas oublier qu'on a nos quelques champions
01:18:26 et ce n'est pas parce qu'on a eu un problème,
01:18:28 en tout cas, on n'était pas présent sur ce vaccin,
01:18:30 qu'on a un désavantage comparatif en termes de pharmaceutique.
01:18:35 Et puis, dernière chose, sur la crise de la Covid, et là, je vous rejoins,
01:18:41 le problème, c'était un problème d'obstacles et d'intervention du politique
01:18:46 sur les marchés, qui a créé tous ces goulets d'étranglement sur les marchés.
01:18:51 C'est parce que, tout d'un coup, le politique a voulu se mêler du marché
01:18:55 de manière à ce que...
01:18:57 On était dans une situation qui exigeait que le politique intervienne.
01:19:00 Ce n'était pas forcément illégitime, mais c'est l'intervention des Chinois
01:19:05 qui dit "Ah, je bloque les exportations", et tout d'un coup, on s'aperçoit
01:19:08 que c'est... Donc, le politique décide de réguler les marchés
01:19:12 et donc, effectivement, ça a créé beaucoup d'absence d'approvisionnement
01:19:18 et de pénurie. Donc, on est bien dans la situation où on a quand même
01:19:24 un changement de paradigme, où les États considèrent qu'ils ont à intervenir
01:19:29 et que la géopolitique est déterminée par la maîtrise technologique.
01:19:33 - Vous voulez intervenir, Bernice Ressoult ?
01:19:36 - À propos des champions que l'on a, oui, on a effectivement des champions
01:19:40 en vaccins, par exemple, sur la vaccination animale,
01:19:43 on a des champions français incroyables, mais en règle générale,
01:19:46 ce sont des champions qui se développent seuls et qui ont des difficultés
01:19:50 de financement énormes. Alors, on prenait l'exemple sur les start-up
01:19:53 qui sont rarement amorcées en France, mais c'est compliqué.
01:19:57 Le système de financement en France, il est compliqué pour les entreprises.
01:20:00 Vous citiez le chiffre de 77 pour la création d'entreprises,
01:20:03 un parcours du compétent en France de créer une entreprise,
01:20:06 et de se faire financer, c'est très compliqué.
01:20:09 Donc oui, l'une des raisons aussi pour lesquelles les uns et les autres
01:20:12 vont à l'étranger, les talents vont à l'étranger, c'est aussi pour ces raisons.
01:20:15 - Je reviens juste sur les 13 milliards que nous promettent les patrons
01:20:22 d'un certain nombre de grandes entreprises internationales
01:20:25 qui nous promettent d'investir en France.
01:20:28 On ne peut pas faire n'importe quoi dans ce domaine.
01:20:32 Il y a des règles européennes, la balance des paiements, ça compte.
01:20:35 Si on est détenu et fort peu détenteur à l'étranger,
01:20:40 comme ça a l'air d'être le cas de la France, du Portugal ou de la Grèce,
01:20:44 on est dans ce club-là.
01:20:46 - On est dans le club des gens qui sont détenus par rapport aux détenteurs.
01:20:49 - Est-ce qu'il n'y a pas un écart ?
01:20:51 - Parce que dans les règles européennes, tout le monde parle de Maastricht,
01:20:53 alors que Maastricht s'est passé.
01:20:55 - On parle surtout des 3% de la dette.
01:20:57 - On parle des 3% et des 60%, alors qu'il y a toute une batterie d'indicateurs,
01:21:00 quelquefois assez difficiles à mobiliser,
01:21:02 qu'est-ce que c'est le déficit structurel et tout ça,
01:21:04 il y a un indicateur simple qu'on appelle l'avoir extérieur net,
01:21:07 ce que j'aime la différence, et dans les normes européennes,
01:21:10 il faut qu'il soit inférieur, s'il est négatif, à 30% du PIB.
01:21:13 - C'est là où on est ?
01:21:15 - C'est là où on est, et entre 30 et 35%, on est en phase d'alerte,
01:21:18 donc on est entre 30 et 35%, et au-delà de 35%,
01:21:21 on doit présenter à l'Europe un plan de redressement de nos comptes extérieurs.
01:21:25 Alors vous savez que vis-à-vis de l'Europe, nous, nous avons une règle
01:21:29 qui a été énoncée par Jacques Chirac, de toute façon, on s'en fout,
01:21:32 l'Europe ne va pas nous envoyer les chars, ils n'en ont pas,
01:21:35 donc on est tranquille, sauf que, pourquoi est-ce que,
01:21:39 malgré cette détérioration, puisque je dis que le problème,
01:21:42 c'est que le pays vit au-dessus de ses moyens, travaille passé,
01:21:45 on est en 82-83, pourquoi est-ce qu'on n'est pas en 82-83
01:21:48 dans les résultats concrets de notre vie quotidienne,
01:21:50 pourquoi est-ce qu'on continue à s'endetter,
01:21:52 pourquoi est-ce qu'on n'est pas obligé de serrer la vis
01:21:54 comme on l'a fait en 82-83, violemment,
01:21:57 je rappelle qu'on a repris en pouvoir d'achat en 83
01:21:59 plus que ce qu'on avait donné en 81.
01:22:01 Donc la population s'est paupérisée en 83,
01:22:04 parce qu'il y a quelqu'un qui perd notre place,
01:22:07 c'est-à-dire que, concrètement, notre déficit extérieur,
01:22:11 il faut aller chercher les Taïwanais pour nous apporter des dollars,
01:22:15 parce qu'en arrivant, ils nous apportent des dollars,
01:22:17 et puis il y a une réserve de dollars incroyable qui s'appelle l'Allemagne,
01:22:20 et elle n'arrête pas d'exporter, et donc les exportations allemandes,
01:22:24 ça alimente la caisse commune qu'on appelle la zone euro,
01:22:28 et donc un des enjeux, effectivement, c'est de persuader les Allemands
01:22:32 de continuer à exporter, à travailler,
01:22:35 pour que nous, on continue à vendre l'avenue Montaigne,
01:22:40 on continue à vendre nos territoires, nos entreprises,
01:22:43 pour garder les 35 heures.
01:22:45 Oui, à quoi Sarah, tout à l'heure, disait,
01:22:49 en l'occurrence, dans les 13 milliards, ça ne consiste pas à vendre,
01:22:54 ça consiste à attirer de l'argent qui va investir,
01:22:57 et donc, il y a une richesse.
01:22:59 Je suis tout à fait d'accord, là, sur les 13 milliards,
01:23:01 l'usine qui sort de rien, la seule vraie question, encore une fois,
01:23:05 c'est pourquoi, ce n'est pas des capitaux français qui l'ont ?
01:23:07 Et l'autre question, c'est de savoir s'ils ne vont pas rapatrier trop vite
01:23:11 l'argent qu'ils gagneront ici.
01:23:13 C'était un peu le problème de Mittal, par exemple.
01:23:15 Absolument.
01:23:16 Sachant que sur les autres...
01:23:18 On a réinvité quand même, là, il était là.
01:23:20 Oui, il était là. Je vous rappelle quand même qu'il y a 5-6 ans,
01:23:23 M. Montebourg disait "M. Mittal n'est pas bienvenu en France".
01:23:26 Pourquoi ? Parce que M. Mittal rapatriait effectivement
01:23:29 ses dividendes en Inde.
01:23:32 Il gagnait de l'argent dans la sidérurgie en France,
01:23:34 et l'argent, paf, repartait en Inde.
01:23:36 Et donc, M. Montebourg avait raison, là.
01:23:38 C'est-à-dire que les ouvriers français travaillaient
01:23:40 pour payer les dividendes des Indiens.
01:23:42 Et donc, il disait "il n'est pas bienvenu".
01:23:44 Là, il est de nouveau bienvenu,
01:23:47 et je pense qu'il n'a pas l'intention de changer d'attitude.
01:23:50 Il va continuer à renvoyer l'argent en Inde.
01:23:53 Et, dernière remarque, on dit "oui, il faut exporter".
01:23:56 Vous savez que le secteur qui est le plus exportateur dans ce pays,
01:23:59 c'est la banque. Vous savez, je n'ai qu'un ennemi, c'est la finance.
01:24:02 Mais quand vous regardez nos comptes extérieurs,
01:24:04 quel est le secteur qui exporte le plus,
01:24:06 qui se développe le plus à l'étranger,
01:24:08 et qui rapatrie ensuite le plus de revenus en France ?
01:24:11 Donc, qui fait ce que vous reprochez aux étrangers de faire.
01:24:14 Et que nous devrions faire, nous, puisque quand nous...
01:24:17 Ce sont les banques.
01:24:19 Est-ce qu'il y a quelqu'un dans ce pays qui dit du bien des banques ?
01:24:22 Ah, je n'ai qu'un ennemi, c'est la finance.
01:24:25 C'est le slogan.
01:24:26 Et donc, je pense que derrière tout ça,
01:24:28 il y a beaucoup d'esbrouves, de mythologies.
01:24:30 Alors qu'il y a, je maintiens, deux problèmes essentiels.
01:24:34 Il faut qu'on travaille plus si on veut garder notre revenu.
01:24:37 Il faut que nous soyons attractifs vis-à-vis de nous-mêmes,
01:24:39 si nous voulons préparer notre avenir.
01:24:41 Sarah Guillaume ?
01:24:43 Alors, juste avant les dividendes,
01:24:45 il y aura quand même des emplois, des salaires, des revenus,
01:24:48 éventuellement de nouveaux investissements,
01:24:51 mais on ne distribue pas tout ce qu'on gagne.
01:24:53 Donc, les entreprises, elles ont quand même pour objectif
01:24:57 de grandir, de croître,
01:24:59 et donc pas forcément que de distribuer les dividendes.
01:25:01 Donc, avant les dividendes, c'est-à-dire la sortie des revenus,
01:25:05 alors sachant qu'on a quand même pas mal de revenus qui reviennent aussi en France,
01:25:08 de toutes nos entreprises qu'on a, justement, à qui on reproche,
01:25:12 nos gros groupes multinationaux à qui on reproche d'avoir délocalisé...
01:25:16 Alors que moi, je les félicite.
01:25:19 Si vous avez bien compris, moi, je les félicite d'avoir délocalisé.
01:25:22 Oui, mais alors, elles ramènent des revenus.
01:25:25 Et oui, absolument, c'est pour ça que c'est important.
01:25:27 Il y a une certaine compétence en ingénierie financière,
01:25:30 mais qui est rarement effectivement mise en avant en France,
01:25:32 c'est le cas comme au Royaume-Uni,
01:25:34 ça reste les deux grands pays d'Europe,
01:25:36 mais c'est le cas aussi en Allemagne.
01:25:38 Donc, c'est vrai que ce sont des secteurs assez importants.
01:25:40 Les banques françaises sont des grands groupes à travers le monde.
01:25:44 On va faire le rappel des titres,
01:25:47 ou plutôt c'est Isabelle Piboulot qui va faire le rappel des titres,
01:25:50 et puis on va s'intéresser à l'étalement urbain.
01:25:53 Philippe Biwiks et Sophie Janté nous rejoignent
01:25:56 juste pendant le rappel des titres.
01:25:59 Dans l'Est de l'Ukraine, le patron de Wagner revendique la capture de Barmout,
01:26:06 dans sa totalité.
01:26:08 Le groupe paramilitaire russe envisage de se retirer de la ville
01:26:11 à partir du 25 mai pour laisser la défense à l'armée russe.
01:26:15 Une annonce alors que Volodymyr Zelensky se trouve au sommet du G7 au Japon
01:26:19 pour accentuer la pression internationale sur Moscou.
01:26:22 Côté ukrainien, la situation est jugée et critique,
01:26:25 mais Kiev affirme encore se battre.
01:26:28 En France, si vous prenez la route en ce week-end de pont de l'Ascension,
01:26:32 la circulation sera extrêmement difficile demain.
01:26:35 Bison Futé annonce un trafic national noir
01:26:38 dans le sens des départs et des retours.
01:26:41 Et puis c'est l'événement de ce samedi au Festival de Cannes.
01:26:44 Trois monstres du cinéma ovationnés sur le tapis rouge.
01:26:48 Martin Scorsese, Leonardo DiCaprio et Robert de Niro.
01:26:51 Pour la présentation de Killers of the Flower Moon,
01:26:54 le réalisateur de 80 ans a réuni pour la première fois ses acteurs fétiches
01:26:59 un casting 5 étoiles pour un film de 3h30 hors compétition.
01:27:06 - Philippe Biwiks nous a rejoints.
01:27:08 Vous êtes ingénieur, vous dirigez aujourd'hui l'AREP,
01:27:11 une agence d'architecture, d'urbanisme et d'ingénierie.
01:27:14 Sophie Janté, vous êtes architecte et urbaniste
01:27:17 et vous publiez tous les deux avec Clémence de Selva
01:27:20 La ville stationnaire, comment mettre fin à l'étalement urbain.
01:27:24 Alors je rappelle la situation.
01:27:26 55% de la population mondiale vit aujourd'hui dans des villes.
01:27:29 Ça pourrait monter à 68% d'ici 2050, selon l'ONU.
01:27:33 En France, on est déjà à plus de 80% de la population qui vit dans les villes
01:27:38 et l'on continue d'artificialiser de la surface.
01:27:42 Pourquoi est-ce qu'on construit autant en France ?
01:27:45 La population, dites-vous dans votre livre,
01:27:48 augmente moins que le nombre de nouveaux logements.
01:27:51 - Oui, alors ça c'est la question un peu incroyable.
01:27:54 On a effectivement à peu près,
01:27:57 allez, 150 à 180 000 personnes en plus sur le territoire chaque année.
01:28:01 C'est une croissance démographique très légère, de l'ordre de 0,3%.
01:28:05 Et effectivement, on met en chantier à peu près 350 000 logements chaque année.
01:28:09 Enfin, le stock augmente chaque année.
01:28:11 Donc à chaque fois qu'il y a une personne de plus sur le territoire,
01:28:14 on a deux logements qui sont mis en chantier.
01:28:16 Et malgré ça, on n'arrête pas, tous les opérateurs, les promoteurs immobiliers,
01:28:20 les acteurs du logement, n'arrêtent pas de dire qu'il y a des situations de mal logement
01:28:24 et qu'au contraire, il faudrait presque en construire 500 000
01:28:27 et provoquer peut-être ce qu'on appelle un choc de l'offre pour faire baisser le prix.
01:28:30 – Il y a quand même une réaction objective à cette augmentation du nombre de logements.
01:28:35 Vous le dites, par exemple, aujourd'hui, la famille moyenne ne comprend plus que deux personnes,
01:28:42 un peu plus de deux personnes.
01:28:43 Donc il y a des familles recomposées, il y a plus de familles monoparentales,
01:28:48 plus de célibataires.
01:28:49 Il y a quoi d'autre comme raison qu'il faut qu'on continue de construire ce figenté ?
01:28:53 – On construit aussi des résidents secondaires.
01:28:56 – Oui, ah oui, ça, on en veut.
01:28:58 – De 50 000 logements par an, donc sur les 350 000.
01:29:02 Et puis dans les logements qu'on construit, le neuf, en fait,
01:29:06 il y a un effet de… ça crée de la vacance en fait.
01:29:10 Donc on vide aussi quand on crée les 350 000 logements ou 250 000 logements,
01:29:15 on vide 50 000 logements ailleurs.
01:29:17 Donc ça, c'est aussi le phénomène de la métropolisation.
01:29:19 – Donc il y a beaucoup de logements vacants en fait.
01:29:21 – Donc il y a beaucoup de logements, il y a 3 millions de logements vacants.
01:29:24 Après sur ces 3 millions de logements vacants,
01:29:26 effectivement, il y en a qui sont pour 2 millions des logements
01:29:29 qui vont être reloués, qui sont en attente de travaux, de succession, de relocation.
01:29:35 Mais il y a 1 million de logements structurels vacants depuis 2 ans
01:29:40 qui pourraient être réinvestis mais qui sont souvent dans des endroits
01:29:43 où il n'y a pas grand monde qui…
01:29:45 – Voilà, donc on préfère continuer de construire.
01:29:47 Alors quel est le problème ? L'étalement urbain, on a bien compris,
01:29:50 il y a des villes de plus en plus grandes, on appelle ça des mégalopoles maintenant.
01:29:54 Qu'est-ce que ça nous pose comme problème ?
01:29:56 L'artificialisation des sols d'abord ?
01:29:58 – Alors il y a effectivement le fait que…
01:30:01 Alors il y a encore des débats sur les chiffres exacts.
01:30:04 Il y a un observatoire qui se met en place mais on va dire pour simplifier
01:30:07 que depuis 1980, 1982, on a les premières statistiques du ministère de l'Agriculture.
01:30:12 On a artificialisé selon les années entre 2 et 4 fois plus rapidement le territoire
01:30:17 que l'augmentation de la population.
01:30:19 Donc aujourd'hui c'est encore de l'ordre de 20 000 à 30 000 hectares par an.
01:30:22 – L'artificialisation, avant on appelait ça la bétonisation.
01:30:25 – Oui alors…
01:30:26 – C'est dès qu'on fait un trottoir, une route, un immeuble…
01:30:29 – Alors c'est même un petit peu plus complexe que ça,
01:30:31 parce que ça c'est l'imperméabilisation mais on peut aussi artificialiser
01:30:34 sans imperméabiliser, par exemple un golf ou un rond-point
01:30:37 ou un jardin aujourd'hui dans la définition d'artificialisation,
01:30:40 ce sont des zones entropisées qui ont été…
01:30:43 dont le milieu a été modifié par l'homme, alors on pourrait dire le champ de maïs,
01:30:46 ça peut être bien moins de biodiversité que le jardin.
01:30:50 – Mais on ne compte pas parce qu'en fait on oppose l'artificialisation
01:30:53 à ce qui reste de nature sauvage ou de propre à l'agriculture, bien entendu l'élevage.
01:31:00 – La première chose c'est que c'est insoutenable,
01:31:03 c'est-à-dire que si on poursuivait ce rythme-là pour des siècles et des siècles,
01:31:07 alors en gros selon les chiffres, entre 4 à 8 siècles,
01:31:11 il faudrait 4 à 8 siècles pour couvrir à peu près tout le territoire,
01:31:14 effectivement de rond-point, de boîtes à chaussures, logistique,
01:31:17 de data center, d'infrastructures et puis de zones pavillonnaires.
01:31:20 Donc il y a un moment où de toute manière ça va devoir s'arrêter.
01:31:23 – Si c'est que dans 8 siècles…
01:31:25 – Alors que dans 8 siècles, oui c'est vrai,
01:31:27 enfin s'ils avaient raisonné comme ça il y a 8 siècles, on serait quand même bien embêtés,
01:31:30 donc ce n'est pas inintéressant parfois de réintroduire un petit peu de long terme.
01:31:33 Et puis surtout ce qui se passe c'est que,
01:31:35 effectivement c'est essentiellement de la déprise agricole,
01:31:37 aujourd'hui on a eu une histoire depuis les années 70
01:31:41 où les rendements agricoles ont augmenté,
01:31:43 où la productivité agricole a augmenté,
01:31:45 on n'a pas finalement de perdre des hectares agricoles,
01:31:47 ce n'est pas très très grave jusqu'à présent,
01:31:49 parce que finalement on a toujours su produire de plus en plus sur chaque hectare.
01:31:53 Sauf que ça c'est peut-être en train de changer avec le changement climatique,
01:31:56 avec la sécheresse, avec les bio-invasions, avec les maladies,
01:32:00 avec le fait qu'on n'est pas du tout sûr de réussir à maintenir cette courbe de rendement.
01:32:04 Et donc finalement chaque hectare agricole qui devient autre chose,
01:32:08 et bien ça entame peut-être la résilience alimentaire des générations futures.
01:32:12 Donc Marc disait déjà qu'ils allaient avoir des problèmes peut-être pour consommer ou produire.
01:32:17 Et pour recevoir de la retraite.
01:32:19 Les villes en tant que telles, quels problèmes elles posent ?
01:32:22 Pendant si longtemps on a trouvé que la ville c'était l'avenir,
01:32:25 c'était la modernité, c'est dans les villes qu'il y a du travail aujourd'hui.
01:32:28 Alors c'est quoi le problème ?
01:32:30 Après les villes elles consomment beaucoup de matériaux,
01:32:34 elles consomment beaucoup d'énergie dans leurs fabriques et dans leur fonctionnement.
01:32:38 Et puis comme on l'a vu, elles ont tendance depuis, vous l'avez dit au départ,
01:32:42 donc c'est 55% de la population qui vit en ville depuis...
01:32:46 Ah oui, elles s'agrandissent constamment.
01:32:48 Elles s'agrandissent constamment, même si on les densifie,
01:32:51 on vante la densification des villes, c'est-à-dire de les faire grandir en hauteur pour éviter de les étaler.
01:32:57 Ce qu'on constate c'est qu'on les densifie effectivement, mais on les étale à la fois,
01:33:01 parce que si on met plus de population dans la ville, on aura besoin d'une station d'épuration,
01:33:05 on aura besoin de data center, et donc du coup il y a des fonctions déportées de la ville
01:33:10 qui font qu'on artificialise autour de la ville.
01:33:13 Donc en fait, on a pu voir avec le Covid aussi les limites de cette concentration humaine.
01:33:18 Oui, il y en a, paraît-il, de plus en plus qui veulent les quitter les villes.
01:33:21 Il y en a beaucoup qui aimeraient bien rentrer, ça va se compenser assez vite.
01:33:24 Voilà, parce qu'elles sont aujourd'hui...
01:33:27 On a concentré les populations, donc elles sont congestionnées,
01:33:30 elles présentent quand même pas mal de dysfonctionnements.
01:33:34 Elles sont très congestionnées en matière d'automobile, donc ça pollue.
01:33:39 On consomme beaucoup, comme je l'ai dit, de ressources pour construire,
01:33:43 donc elles concentrent toutes ces ressources aussi.
01:33:45 On est 50%, le BTP consomme quand même 50% de l'acier, 25% de l'aluminium, les plastiques,
01:33:53 et puis il faut faire venir aussi la provision de gout.
01:33:56 Il y a tout son métabolisme de réseaux, de flux, faire venir toute cette matière,
01:34:00 toutes ces ressources, toute cette énergie.
01:34:02 Donc en fait, elles sont très productrices de gaz à effet de serre,
01:34:07 de consommation d'énergie et de pollution.
01:34:10 Mais en même temps, si je vous dis "bon ben ok, on laisse tomber les villes
01:34:14 et on va s'installer dans des maisons individuelles, dans des zones pavillonnaires
01:34:17 comme on fait beaucoup de nos concitoyens",
01:34:21 les écologistes leur disent "non non, ça c'est pas possible, c'est pas écologique non plus.
01:34:25 Qu'est-ce qu'il nous reste ? Si c'est pas les villes et si c'est pas les zones pavillonnaires,
01:34:29 vous voulez qu'on aille où ?
01:34:31 Ça c'est ce qu'on a essayé d'éviter dans le livre.
01:34:35 C'est bien.
01:34:36 De ne pas dire effectivement "il y a ce pavillonnaire onie repère un gilet jaune
01:34:40 et puis de l'autre côté il y aurait la métropole dense formidable".
01:34:43 Ce qu'on a dit, c'est que finalement dans la métropole dense où on est très écolo,
01:34:47 on se balade à vélo, on clique aussi sur Internet et à la fin,
01:34:50 il faut construire à l'écart de la métropole, bien loin où le foncier est moins cher,
01:34:54 des zones logistiques, des data centers pour fournir tout ça et alimenter la ville.
01:34:59 Nous ce qu'on dit c'est que la ville pourrait devenir stationnaire,
01:35:02 c'est un petit peu choquant de dire ça.
01:35:04 Stationnaire, ça veut dire qu'il faut qu'elle reste, que ça n'aille pas plus loin.
01:35:07 Passer presque à du zéro artificialisation tout court et pas du zéro artificialisation net,
01:35:12 comme le propose la loi de climat et résidence de 2021.
01:35:15 En fait l'idée c'est de dire c'est stationnaire au sens de John Stuart Mill,
01:35:19 cet économiste qu'on commence un peu à redécouvrir du 19e siècle,
01:35:23 qui disait à un moment finalement l'économie va cesser de croître.
01:35:27 Alors ils avaient chacun leur idée sur la raison,
01:35:30 mais c'était au 19e siècle qu'on pensait ça.
01:35:33 Et donc l'idée c'était de dire qu'on peut s'arrêter de croître,
01:35:36 mais ça n'empêche pas le progrès humain, ça n'empêche pas de progresser dans les arts,
01:35:39 dans la culture, dans les sciences.
01:35:42 Et nous on a projeté ça sur la ville en disant que la ville pourrait s'arrêter de croître,
01:35:45 mais ça ne veut pas dire la figer.
01:35:47 Ça veut dire qu'on a besoin de la transformer, de la réinvestir.
01:35:50 Donc on continuera de construire ?
01:35:52 Donc on peut continuer un peu à construire, c'est un peu la distinction
01:35:55 qu'on essaye de trouver entre ce qu'on appelle la densification douce
01:35:58 et la densification dure, je ne sais pas.
01:36:01 Donc dans un cas vous mettez des gros immeubles qui montent très très haut,
01:36:05 beaucoup de densité, très peu d'espace vert.
01:36:07 Et puis dans l'autre vous allez essayer de travailler peut-être le périurbain
01:36:10 qui est un tissu assez lâche, parce que finalement on l'a développé les villes
01:36:15 dans les années 70, 80, 90 où il n'y avait pas cette préoccupation.
01:36:18 Et finalement quand vous allez aujourd'hui dans une zone d'activité,
01:36:21 il y a de la place en fait pour faire de la réindustrialisation.
01:36:24 Il y a des manières de mutualiser les parkings.
01:36:27 Les bâtiments publics sont très mal utilisés, on pourrait les mutualiser,
01:36:31 faire ce qu'on appelle de la chronotopie, mélanger les fonctions,
01:36:34 faire des choses en journée, des choses le soir.
01:36:36 Et puis il y a les logements effectivement, où il y a le vacant,
01:36:39 mais il n'y a pas que le vacant, le 1 million de logements qu'on pourrait
01:36:42 aller chercher et qui correspond donc à quelques années de production
01:36:45 de logements, il y a aussi la sous-occupation, c'est-à-dire que
01:36:48 le phénomène de décohabitation dont on parlait tout à l'heure,
01:36:51 c'est qu'effectivement même en Allemagne par exemple, leur population
01:36:54 décroît et ils continuent aussi à construire et ils continuent
01:36:57 à artificialiser parce qu'effectivement on est de moins en moins nombreux
01:37:00 par logement. Et bien en fait comment est-ce qu'on pourrait imaginer
01:37:03 de faire de la recohabitation, donc de trouver des mécanismes
01:37:06 pour avoir finalement, aller chercher ces mètres carrés virtuels,
01:37:11 bien réels, en se disant mais on a 8 millions de logements
01:37:14 aujourd'hui sous-occupés littéralement dans la définition de l'INSEE.
01:37:17 Si on les remplissait à toque, on pourrait mettre 12 millions de personnes.
01:37:20 Alors on a aussi 1,5 million de logements sur-occupés,
01:37:23 donc il faudrait déduire ça évidemment. Et globalement, on a largement,
01:37:27 enfin on a un bâti existant exceptionnel.
01:37:30 Mais en gros, il faudrait complètement réaménager le territoire.
01:37:33 Oui. En fait, ce qu'on voit c'est qu'on a des réserves,
01:37:37 donc déjà il y a des réserves dans les villes, donc dans les métropoles,
01:37:40 on va dire dans les grandes villes, mais bon c'est là où il y a le plus
01:37:42 de demandes, donc c'est là où il y a le moins de réserves quand même.
01:37:45 Mais après, dans les villes moyennes, dans les petites villes,
01:37:49 dans les bourgs, effectivement, il y a beaucoup de logements vacants,
01:37:53 il y a beaucoup d'équipements qui ont été vidés, il n'y a plus d'emplois.
01:37:56 Donc en fait, c'est effectivement un appel à revoir l'échelle
01:38:02 de l'aménagement et de la politique d'aménagement du territoire.
01:38:07 Thomas ?
01:38:08 Oui, je voulais intervenir parce que j'ai lu ce livre,
01:38:10 j'ai même fait sa critique sur une autre chaîne,
01:38:14 et j'en ai dit du bien, et je maintiens ce bien.
01:38:17 Pas uniquement parce qu'il est question de John Stuart Mill,
01:38:19 qui est un des économistes, de façon intelligente d'ailleurs.
01:38:24 L'utilisation de John Stuart Mill était bien faite,
01:38:26 mais ce que je trouve intéressant dans le livre,
01:38:28 et c'est pour ça que j'invite les téléspectateurs à le lire,
01:38:31 c'est qu'on découvre l'espèce de maquis réglementaire,
01:38:34 l'espèce de frénésie dans laquelle on est,
01:38:37 il y a les ânes, les zones à artificialisation nette,
01:38:42 c'est absolument invraisemblable, et effectivement, en face de ça,
01:38:45 il y a une espèce de prolifération de professions autour de tout ça,
01:38:50 dont on voit en ce moment les conséquences.
01:38:52 C'est-à-dire que vous avez en ce moment les promoteurs
01:38:55 qui se précipitent à Bercy en disant
01:38:58 "il faut calmer la Banque de France sur l'évolution des taux d'intérêt
01:39:01 parce qu'on ne va pas arriver à tenir le programme de construction
01:39:05 de 350 000 à 500 000 logements".
01:39:08 C'est-à-dire qu'il y a un livre qui effectivement vous explique
01:39:11 intelligemment qu'on va dans le mur, et la profession continue,
01:39:14 et le livre s'appuie sur des textes...
01:39:16 - C'est normal, ils en vivent !
01:39:18 - Oui, oui, absolument, ça je comprends, mais le livre s'appuie sur des textes
01:39:20 qui ont été votés, et ils sont accueillis à bras ouverts à Bercy.
01:39:23 C'est-à-dire que les gens qui ont soumis le texte au Parlement
01:39:26 leur disent "mais vous avez raison, on va s'occuper de ça".
01:39:29 - Gros employeurs, le BTP, c'est normal !
01:39:32 - Et donc je crois qu'il y a derrière cette affaire
01:39:34 une espèce de nouveau schizophrénie publique
01:39:36 qui est particulièrement alarmante.
01:39:38 C'est pour ça qu'il faut lire le livre,
01:39:40 pour mesurer l'enjeu qu'il y a derrière tout ça.
01:39:42 - Justement, quand vous, dans votre livre, vous dites
01:39:44 "les métropoles doivent plus grandir, elles doivent essaimer".
01:39:48 C'est quoi "essaimer" ?
01:39:50 - L'idée c'est de dire qu'effectivement, on peut aller chercher
01:39:54 du logement vacant, on peut aller faire de la recohabitation.
01:39:58 Je prends quelques exemples, on pourrait dire dans un pavillon,
01:40:00 dans une maison individuelle, si c'était pour 4-5 personnes,
01:40:04 à un moment les grands-enfants sont partis faire des études
01:40:07 ou ont fondé leur foyer, vous pouvez accueillir un étudiant,
01:40:09 deux étudiants chez vous...
01:40:11 - C'est ça que vous entendez parler de "essayer" ?
01:40:13 - Non, non, non, c'est la recohabitation.
01:40:15 - C'est la recohabitation.
01:40:17 - C'est comme si l'innovation c'était refaire Paris 2,
01:40:19 un côté Paris, ou refaire les zones pavillonnaires,
01:40:22 dans la France périphérique.
01:40:24 - Je voulais juste dire qu'on pouvait aller chercher
01:40:26 un certain nombre de leviers, qui étaient des leviers presque sociaux,
01:40:29 plutôt que des leviers techniques, pour réinvestir
01:40:31 tous les logements sous-occupés qu'on a,
01:40:33 mais qu'à un moment, en zone tendue, en particulier
01:40:35 dans une métropole très dynamique, ça ne fonctionne pas.
01:40:37 Si vous allez vous promener en disant "on va s'occuper du vacant"
01:40:40 et que vous êtes sur Rennes, Poitiers, Nantes, Bordeaux,
01:40:43 et Biarritz ou Béryonne, ça ne marche pas.
01:40:46 Il y a une telle pression, la littoralisation de la population,
01:40:50 qui est un phénomène mondial d'ailleurs.
01:40:52 Les populations se rapprochent des côtes, c'est là aussi
01:40:54 où il y a des emplois, des ports, du dynamisme.
01:40:56 - Enfin, les riches se rapprochent des côtes.
01:40:58 - Oui, non, pas que, parce qu'il faut aussi les populations
01:41:01 pour les servir, de certaine manière.
01:41:03 Donc il y a les deux, ils ont plus de mal à se loger,
01:41:06 et ils sont plus périphériques.
01:41:08 L'idée c'est de dire qu'en fait, si on n'aide pas les métropoles
01:41:10 à calmer un peu le jeu sur leur attractivité naturelle,
01:41:13 l'attractivité qui est séculaire, je veux dire,
01:41:15 à Paris au XVIIe siècle, vous montez d'Auvergne
01:41:18 pour faire Port-Ordeau et de Bretagne pour faire Nourisse,
01:41:21 c'était comme ça que ça fonctionnait.
01:41:23 Donc on va chercher de l'emploi à la grande ville.
01:41:25 Si on n'est pas capable d'aider finalement à aller faire
01:41:28 de la désattractivité territoriale, au lieu de faire
01:41:31 de l'attractivité territoriale, en disant "non, on va aller
01:41:34 faire tomber la retaritorialisation, les emplois,
01:41:38 un certain nombre d'emplois publics en décentralisant
01:41:40 et en descendant sur des échelles de villes moyennes,
01:41:42 de petites villes, de bourgs, de villages,
01:41:44 eh bien en fait on va continuer à avoir cette espèce
01:41:46 de machine incroyable à créer du vacant,
01:41:48 et puis à effectivement émettre des gaz à effet de serre de partout.
01:41:51 Sarah Guilhou ?
01:41:52 Oui, pour faire un peu une relation avec notre débat précédent,
01:41:55 ce que vous dites me fait penser à plusieurs choses.
01:41:58 D'abord, la ville c'est aussi un concentré d'intelligence
01:42:01 et de connectivité entre les gens, et c'est aussi pour ça
01:42:04 que ça marche, et c'est parce qu'il y a la ville
01:42:07 et cette intensité de relation entre les gens
01:42:10 qu'il y a de la création de valeur.
01:42:12 Et si on doit se séparer de ça, on va avoir moins
01:42:15 de création de valeur.
01:42:17 Alors il y a toute la problématique du télétravail
01:42:19 qui se pose aujourd'hui, qui questionne,
01:42:21 qui n'est encore pas tranchée en termes de débat,
01:42:23 c'est quoi, est-ce que le télétravail va augmenter
01:42:25 la productivité, est-ce qu'il va le baisser, on ne sait pas.
01:42:27 Et puis autre chose aussi, c'est peut-être pas
01:42:29 une phénoménie réglementaire, mais c'est le problème
01:42:32 des arbitrages entre différentes injonctions politiques.
01:42:35 Si on veut du travail, il nous faut la ville,
01:42:37 si on veut des industries, il nous faut des friches
01:42:40 industrielles qu'on artificialise, ou en tout cas
01:42:43 qu'on remet en situation.
01:42:45 Et donc il y a un problème de hiérarchie,
01:42:47 alors qu'effectivement, si l'objectif ultime
01:42:50 et le premier objectif, c'est la réduction
01:42:52 des émissions de CO2 et donc le vivre ensemble demain,
01:42:55 peut-être qu'il faut abandonner l'industrialisation.
01:42:58 Donc vous voyez, c'est compliqué.
01:43:00 C'est sûr.
01:43:02 Cette question de l'échelle, évidemment,
01:43:04 il y a un niveau à partir duquel toutes ces synergies
01:43:08 intellectuelles et même peut-être capitalistiques
01:43:11 et autres se créent, bien entendu.
01:43:13 Mais la question, c'est à quelle échelle ça se termine.
01:43:16 On sent bien, est-ce qu'une ville de 2 millions d'habitants,
01:43:19 elle est deux fois plus efficace qu'une ville
01:43:21 d'un million d'habitants, à ce point de vue-là ?
01:43:23 Je ne pense pas. Dans le livre, on s'est mis à prendre
01:43:25 l'exemple de Weimar, qui a rayonné,
01:43:27 c'est l'endroit où le Baos s'est installé en 1920.
01:43:30 L'Ist était maître de chapelle.
01:43:32 Je crois que Bach s'y promenait aussi avec sa famille
01:43:35 pour faire chanter le week-end.
01:43:37 C'est une ville qui aujourd'hui fait moins de 100 000 habitants,
01:43:40 je crois que c'est 70 000 les chiffres exacts.
01:43:42 Vous regardez Cordouce, la plus grande ville d'Europe,
01:43:45 sous elle en Dallas du temps des souverains musulmans en Espagne.
01:43:49 Aujourd'hui, ils n'ont même pas d'aéroport.
01:43:52 Mais les villes s'arrêtent de croître ?
01:43:54 Dans notre idée, oui.
01:43:57 Les grandes villes, par contre, on a un capital ville,
01:44:01 par contre, commune, petite ville, moyenne ville,
01:44:05 dans lesquelles on peut remettre de l'emploi administratif,
01:44:09 dans lesquelles on peut remettre des universités, de la formation.
01:44:13 Il y a des métiers, par exemple, autour, on va avoir quand même
01:44:15 une grosse campagne de rénovation énergétique.
01:44:18 On a des enjeux très forts en matière d'énergie.
01:44:21 On doit réhabiliter beaucoup de logements,
01:44:22 et notamment des logements ou des équipements
01:44:24 qui sont dans des villages ou dans des villes moyennes.
01:44:26 Ça sera de l'emploi.
01:44:28 On veut être plus résilient sur un plan alimentaire.
01:44:31 C'est de l'agriculture, c'est aussi de l'emploi.
01:44:34 Il y a quand même de l'emploi qu'on peut retrouver dans des villes moyennes.
01:44:37 Tout n'a pas besoin d'être concentré, finalement, de l'artisanat,
01:44:40 de la fabrication, même de la réindustrialisation
01:44:43 sur des friches industrielles qui se retrouvent
01:44:45 dans des villes moyennes aujourd'hui.
01:44:47 On a quand même des potentiels de relocaliser de l'emploi
01:44:50 et de créer de l'emploi dans ces zones-là.
01:44:52 Et elles, ces villes-là, elles ont déjà un patrimoine bâti,
01:44:56 suffisant ou adapté à transformer, certes,
01:45:00 mais qui existe et du coup qu'on peut réinvestir,
01:45:04 ce qui soulagera, on peut le dire aussi,
01:45:06 les métropoles qui n'arrivent pas à répondre aux logements
01:45:09 et notamment aux logements d'une certaine classe de population
01:45:12 qui sont, elles, obligées d'aller vivre à 60 km des métropoles
01:45:15 en allant travailler tous les jours.
01:45:17 Il y a une relogation spatiale de ces classes-là
01:45:20 et de certains emplois aussi.
01:45:22 En fait, nous, on défend le principe qu'il faut d'abord aller chercher
01:45:26 toutes les réserves qu'on a dans les grandes villes
01:45:28 parce que les grandes villes, elles vont continuer,
01:45:30 effectivement, à accueillir des emplois,
01:45:32 des nouveaux emplois, à se transformer,
01:45:34 mais elles peuvent le faire déjà avec le patrimoine dont elles disposent
01:45:37 et puis peut-être avec un peu d'expansion quand même.
01:45:39 Mais après, il faut que ça aille également avec un essai-mâche,
01:45:44 comme on dit, des emplois et de l'activité économique
01:45:47 pour redynamiser ces villes moyennes et cette diagonale du vide
01:45:51 que tout le monde connaît, en fait, qui traverse la France.
01:45:53 – Mais je dis, c'est 58%, 54%, 58% aujourd'hui, 58.
01:46:00 Et on craint qu'en 2050, ce soit combien ?
01:46:03 – 75 ou… – Ah, même plus que ça.
01:46:06 Mais nous, c'est déjà plus de 80% de la population qui vit dans les villes,
01:46:11 donc qu'est-ce qu'on compte faire ?
01:46:12 Dire aux autres, non, non, vous non, vous restez à la campagne ?
01:46:17 – Non, c'est pas du tout le propos, en fait, d'abord…
01:46:19 – Non, non, bien sûr que c'est pas le vôtre, personnellement,
01:46:21 mais qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
01:46:23 Les empêcher de faire comme nous ?
01:46:25 – Non, non, d'abord, c'est un livre très franco-français, au départ,
01:46:29 c'est sur la situation française, voire éventuellement européenne,
01:46:31 il y a quelques pays qui ont les mêmes cas, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne,
01:46:36 c'est un peu moins vrai en Hollande, par exemple,
01:46:38 qui a construit des villes très denses par rapport à la Belgique, typiquement.
01:46:42 Donc, d'abord, on ne fait pas le procès de la grande ville chez nous,
01:46:45 c'est-à-dire que la ville de 2050, elle est déjà là,
01:46:48 90% de la ville de 2050, quoi qu'il arrive,
01:46:50 et quel que soit le rythme de production des promoteurs,
01:46:53 il y a 90% qui est déjà là.
01:46:54 Donc, on va faire avec ce qu'on a, grande, moyenne, petite ville.
01:46:57 Donc, l'idée n'est pas de dire, on va inventer la ville idéale de Platon,
01:47:00 qui était 5040 foyers…
01:47:02 – Ni la ville intelligente, ni la Smart City qui va sauver tout…
01:47:05 – Ça a eu beaucoup de succès, la ville intelligente.
01:47:07 Là, c'est en train de passer, c'est en train de passer de mode,
01:47:09 ça marche encore pas mal en Moyen-Orient, un peu en Asie,
01:47:11 mais alors en Europe, c'est plutôt la vidéosurveillance,
01:47:15 parce qu'effectivement, les cas d'usages environnementaux sont très limités.
01:47:21 Donc, nous, c'est plutôt de…
01:47:23 On est vraiment à chercher une solution pour une situation urbaine telle qu'elle est.
01:47:28 Maintenant, si on se met à l'échelle internationale,
01:47:31 effectivement, il y a déjà des dynamiques démographiques dans certains pays
01:47:34 qui font qu'on n'est pas à 0,3% de croissance démographique,
01:47:38 donc il y a forcément à accueillir une nouvelle population,
01:47:41 donc ça, il faudra bien le faire.
01:47:43 Après, effectivement, il y a quand même beaucoup de gens
01:47:45 qui sont chassés de leur agriculture vivrière,
01:47:50 de leur village, par la pression du système agricole international.
01:47:54 Enfin, voilà, c'était déjà des trucs qui existaient dans les années 60 ou 70
01:47:57 quand on parlait d'aide au développement,
01:47:59 et j'ai peur que la situation soit à peu près la même,
01:48:01 voire plus dramatique encore aujourd'hui.
01:48:03 Tous ces gens doivent effectivement rejoindre Lagos,
01:48:06 ou je ne sais pas quelle ville en Inde.
01:48:09 Ça peut être une question, mais effectivement,
01:48:11 on ne dit pas qu'il faut arrêter de construire partout,
01:48:13 on dit qu'il faut arrêter de construire chez nous.
01:48:15 Malgré ça, on pourra accueillir.
01:48:16 Mais il se trouve que Paris, c'est quand même un modèle,
01:48:18 parce que c'est à la fois une ville qui est quand même extrêmement respirable
01:48:22 et où il y a une des plus fortes densités du monde.
01:48:25 On est au niveau des plus grandes mégalopoles asiatiques
01:48:28 en termes de densité de population.
01:48:30 Donc c'est un prodige d'avoir réussi à faire ça
01:48:33 avec des immeubles de six étages.
01:48:35 Il y a très peu de tours à Paris.
01:48:37 C'est un prodige australien, avec d'ailleurs des logiques d'adaptabilité,
01:48:39 de réversibilité, comme disaient les architectes,
01:48:41 qui est tout à fait impressionnant,
01:48:42 parce que finalement, il y a des choses qui sont devenues des bureaux,
01:48:44 il y avait des activités aussi au 19e siècle.
01:48:46 Aujourd'hui, c'est plus difficile parce que c'est bruyant,
01:48:48 donc on ne pourrait pas remettre des ateliers
01:48:50 où les gens tapent sur la fonte.
01:48:52 Non, les gens ont perdu l'habitude.
01:48:53 C'est comme les pavés avec les chevaux.
01:48:55 Voilà, exactement.
01:48:56 Il y a peut-être des bureaux qui se retransforment peut-être,
01:48:58 en partie, en logeant avec maintenant un peu de terre.
01:49:00 Mais ce que je veux dire, c'est que pour une ville comme Paris,
01:49:02 qui reste à taille humaine, on va dire,
01:49:05 il y a combien aujourd'hui de Mexico,
01:49:07 qui était d'ailleurs, je crois, Mexico,
01:49:09 était déjà la plus grande ville du monde du temps des Aztèques.
01:49:11 C'est ce qu'on imagine.
01:49:12 Dans la définition de l'ONU, Paris est quand même dans le top 30, je crois.
01:49:15 C'est bien une mégapole.
01:49:16 Ah, top 10 ?
01:49:17 Top 10 de la densité de la population.
01:49:19 Non, mais la population, elle a reculé, oui.
01:49:22 Quantité de population dans les rues humaines.
01:49:24 Oui, alors c'est dans le top 30, je crois.
01:49:26 Si vous prenez le grand Paris, oui.
01:49:28 Mais non, ce que je veux dire, c'est que ça reste assez à taille humaine,
01:49:31 mais on voit bien qu'il y a un moment où ça devient dingue.
01:49:33 Quand vous allez à Mexico, même les habitants de Mexico trouvent ça dingue.
01:49:37 C'est des villes tellement tentaculaires.
01:49:41 De toute façon, j'ai l'impression que le phénomène doit s'arrêter
01:49:44 à un moment naturellement, non ?
01:49:45 Je pense qu'il s'arrêtera par déficit d'énergie, peut-être,
01:49:49 parce qu'il y a quand même effectivement cette...
01:49:52 Je pense qu'on dit que c'est une ville agréable à vivre, etc.
01:49:54 Oui, à condition qu'elle soit irriguée par un fonctionnement,
01:49:57 ce métabolisme que décrivait Sophie, qui est quand même nourri aujourd'hui...
01:50:02 Pour que ça reste vivable.
01:50:03 ...pour que ça reste vivable et qu'on puisse survivre
01:50:06 avec deux jours ou trois jours d'autonomie de nourriture,
01:50:09 et tout ça arrive de plus loin.
01:50:11 Et puis demain, il y a quand même un pari sur le fait que tout ça
01:50:14 puisse continuer à fonctionner avec le même niveau énergétique
01:50:18 ou un petit peu mieux, éventuellement si on a rénové quelques trucs.
01:50:21 Donc il y a quand même une question de résilience.
01:50:23 C'est un mot qui est très à la mode.
01:50:25 C'est déjà à la mode avant Covid.
01:50:26 Alors maintenant, depuis Covid, tout le monde est résilient,
01:50:28 tout le monde veut devenir résilient.
01:50:29 Et finalement, ce n'est plus les métropoles millionnaires qui sont visées,
01:50:32 c'est les métropoles résilientes, renaturées, et je ne sais pas quoi,
01:50:35 végétalisées.
01:50:36 Mais sauf que c'est quand même un challenge.
01:50:38 Et plus la ville sera grosse, plus quand même, il y a une question.
01:50:42 Paris a été une grande ville pendant très longtemps,
01:50:44 et a tenu parce qu'elle était irriguée par la Seine,
01:50:48 l'Aube, l'Yonne, etc., et on descendait de la nourriture,
01:50:52 du blé, du bois, à partir de toutes les terres à blé,
01:50:56 de toutes les forêts.
01:50:57 Et donc ça permettait à Paris d'avoir ce métabolisme
01:51:00 avec finalement peu d'énergie.
01:51:01 Donc on ne va pas revenir à ça a priori,
01:51:03 mais aujourd'hui, ça réclame beaucoup.
01:51:05 Donc je pense que, effectivement, continuer à faire grossir,
01:51:09 finalement, et faire le grand, grand Paris après le grand Paris,
01:51:12 c'est une question parce qu'on descend de plus en plus profond
01:51:16 dans les infrastructures.
01:51:17 Il faut de plus en plus de béton.
01:51:18 On a des métros à je ne sais pas combien, -30, -40 mètres.
01:51:22 Tout ça, ça consomme énormément d'énergie.
01:51:24 Le ciment, l'acier, ce sont les 3e pays ex-éco dans le monde
01:51:29 après les États-Unis et la Chine en émission de gaz à effet de serre.
01:51:32 Et voilà, on se nourrit de tout ça pour réussir à faire en sorte
01:51:34 que ces villes fonctionnent.
01:51:35 Et on ne s'en rend pas compte parce qu'on est en surface tranquillement.
01:51:38 Mais c'est une machine exceptionnellement intense en énergie.
01:51:42 On s'en rend compte en lisant votre livre "La ville stationnaire".
01:51:45 Je vous remercie tous les deux. Je vous remercie même tous les 6
01:51:47 d'avoir participé à cette émission.
01:51:49 Je vous remercie, vous, de nous avoir suivis.
01:51:52 Et je vous donne rendez-vous demain, 22h, pour un autre numéro
01:51:57 des visiteurs du soir. Je vous souhaite une très belle nuit.
01:52:00 merci à bientôt !