Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir
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00:00:00 Les visiteurs du soir sont déjà là, en tout cas trois d'entre eux.
00:00:05 Ça commence juste après le rappel des titres d'Isabelle Piboulot.
00:00:09 Pour défendre la réforme contestée des retraites, Emmanuel Macron reconnaît qu'il aurait dû
00:00:17 se mouiller davantage.
00:00:19 C'est ce qu'il a déclaré lors d'un échange avec des lecteurs du Parisien, un entretien
00:00:23 quasiment un an jour pour jour après sa réélection.
00:00:27 Le chef de l'État, qui a réaffirmé sa confiance envers Elisabeth Borne, compte se réengager
00:00:32 dans le débat public en ces temps difficiles.
00:00:35 Nouveau coup de pouce de la France à l'Ukraine.
00:00:38 Le gouvernement compte fournir des bateaux, des autobus et des rails de chemin de fer.
00:00:43 Le ministre délégué au transport Clément Bone appelle les entreprises françaises à
00:00:47 être au rendez-vous dès maintenant.
00:00:49 Pour l'heure, le coût de la reconstruction de l'Ukraine est estimé à 383 milliards
00:00:55 d'euros, dont 83 milliards rien que pour les transports.
00:00:59 Et puis au Soudan, plusieurs pays évacuent leurs ressortissants et leurs diplomates.
00:01:05 Parmi eux, la France, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou encore la Suède.
00:01:10 D'après Paris, deux avions avec une centaine de personnes à leur bord chacun ont quitté
00:01:15 Khartoum pour rejoindre Djibouti.
00:01:17 Depuis le 15 avril, les combats entre armées et paramilitaires font rage au Soudan avec
00:01:23 plus de 420 morts et 3 700 blessés.
00:01:26 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir.
00:01:43 Nous sommes dimanche, il est 22h, c'est la toute fin de semaine et Etienne Klein est
00:01:48 avec nous jusqu'à minuit, physicien, philosophe des sciences.
00:01:52 Nous allons pouvoir grâce à lui prendre de la hauteur et considérer les choses dans
00:01:55 leur ensemble plutôt que nous concentrer sur les détails.
00:01:59 Ça nous permettra d'affiner nos opinions.
00:02:01 Par exemple, la police et la gendarmerie sont confrontés à des départs massifs, nous
00:02:05 dit un rapport de la Cour des comptes, un phénomène qui ne cesse de s'amplifier depuis
00:02:09 2020 alors qu'elles ont déjà du mal à recruter.
00:02:12 Pour nous aider à comprendre le problème, Jacques Demaillard et Mathieu Zagrodski, qui
00:02:17 travaillent depuis longtemps sur le sujet, viennent de publier "Police et société en
00:02:22 France".
00:02:23 On va voir ce qu'ils en pensent.
00:02:24 À 23h, on s'interrogera avec Guillaume Labez et Marc Perelman sur la polémique lancée
00:02:29 par le CIO qui voudrait bien réintégrer les athlètes russes et biélorusses aux Jeux
00:02:34 olympiques de Paris 2024 sous bannière neutre.
00:02:37 Tout le monde n'est pas d'accord, évidemment, surtout pas les ukrainiens.
00:02:40 Et à 23h30, on fera le point sur la course à l'espace avec François Poulet, Gilles
00:02:45 Davidovics et Michel Chevalet alors que la fusée Starship d'Elon Musk a explosé au
00:02:50 bout de 4 minutes de vol et que la sonde européenne Joules est partie, elle avec succès, pour
00:02:56 les lunes de Jupiter à 630 millions de kilomètres de la Terre.
00:03:00 Etienne Klein, commençons tout de suite avec vous.
00:03:03 Vous publiez un livre intitulé "Court-circuit" chez Gallimard.
00:03:06 Qu'est-ce que vous appelez un court-circuit ? Quelque chose qui fait des étincelles,
00:03:10 forcément ?
00:03:11 C'est possible.
00:03:12 C'est de prendre deux notions qu'on n'a pas l'habitude d'associer, deux verbes,
00:03:16 deux concepts par exemple, de les rapprocher et voir ce qui se passe.
00:03:20 Alors vous le faites notamment avec les Rolling Stones et Albert Einstein.
00:03:22 Oui, alors ça, c'est pas le chapitre le plus sérieux du livre.
00:03:26 Non mais c'est un des plus parlants.
00:03:27 En fait, en adolescent, j'avais deux photos d'Einstein affichées au mur et des photos
00:03:31 des Rolling Stones.
00:03:32 Et puis en fait, il y a des connexions qu'on peut voir à condition de les chercher, évidemment.
00:03:37 Par exemple, Einstein, ça veut dire une pierre en allemand.
00:03:40 Rolling Stones, ça veut dire des pierres en anglais, donc on passe du singulier au
00:03:45 pluriel.
00:03:46 Et puis il y a la langue.
00:03:48 Einstein a tiré la langue le jour de son anniversaire pour ses 71 ans.
00:03:51 Et ça a été une photo qui est devenue iconique et qui le résume plus que son oeuvre d'une
00:03:57 certaine façon.
00:03:58 Et puis les Stones, quand ils ont publié leur album "Sticky Fingers" avant leur première
00:04:03 grande tournée internationale, ont cherché à avoir un logo qui les identifie et ils
00:04:08 ont contacté le directeur de la Royal School of Art de Londres, qui leur a proposé un
00:04:15 étudiant qui s'appelle John Pash, qui a rendu visite à Mick Jagger.
00:04:18 Mick Jagger lui a montré la photo de la déesse Kali qui tire la langue et il a proposé
00:04:23 cette langue.
00:04:24 Et je crois qu'il a été en payé 25 dollars, je crois.
00:04:26 Oui, mais après, je pense que les droits ont suivi.
00:04:28 Et est-ce qu'il avait conscience de la langue d'Einstein ?
00:04:32 Quand on cherche un peu, on voit aussi que Einstein a donné son dernier grand discours,
00:04:37 sa dernière grande conférence en Europe, à Londres, en octobre 1933, avant de quitter
00:04:42 l'Europe pour toujours, pour les États-Unis.
00:04:44 Et il a fait cette conférence en anglais dans le Royal Albert Hall, grande salle de
00:04:49 conférence à Londres.
00:04:50 Et les Stones y ont donné l'un de leurs premiers concerts londoniens, 30 ans plus tard, en
00:04:55 1963.
00:04:56 Ils avaient 19 ans.
00:04:57 Et sur l'affiche qui annonce le concert, on voit leurs photos, mais aussi leur définition,
00:05:04 si on peut dire.
00:05:05 Et Keith Richard est présenté comme un guitariste de 19 ans qui rêve d'avoir une péniche
00:05:12 sur la tamise, ce qui n'est pas très rock'n'roll.
00:05:14 Après, il y a l'histoire quantique sur laquelle on reviendra plus tard.
00:05:18 Mais il y a quelque chose qui est intéressant aussi.
00:05:19 Vous dites que les Rolling Stones, finalement, n'ont jamais réussi à se séparer, au sens
00:05:24 où à chaque fois qu'ils ont essayé de faire un album solo, c'était nul.
00:05:27 Le tout est plus que la somme de ses parties.
00:05:29 Et ça, c'est très intéressant.
00:05:30 D'ailleurs, quand Einstein, il n'aimait pas ça, lui.
00:05:33 La mécanique quantique propose des situations qu'on appelle l'intrigation quantique,
00:05:37 dans lequel le tout est plus que la somme de ses parties.
00:05:39 Il n'aimait pas ça.
00:05:40 Il a publié un article en 1935, qui est l'un des articles les plus cités de l'histoire
00:05:44 de la physique.
00:05:45 Et ça a été l'occasion d'un débat très long sur la bonne interprétation de la mécanique
00:05:48 quantique et qui a abouti à des expériences qui ont tranché la question, ce qui a valu
00:05:52 à Einstein cette année d'avoir le prix Nobel de physique en 2022.
00:05:55 Mais les Stones, en effet, quand il y a des membres qui partent ou qui meurent, ça arrive,
00:06:00 ça reste les Stones.
00:06:01 - Vous parlez dans votre livre, vous dites qu'il y a plusieurs intelligences, mais qu'elles
00:06:06 sont rarement commensurables les unes aux autres.
00:06:09 Qu'est-ce que vous entendez par là ?
00:06:10 - Moi, je fais partie d'une génération dans laquelle, à l'école, on laissait penser
00:06:16 de façon implicite qu'être intelligent destinait à être soit un intellectuel, soit un scientifique.
00:06:22 Et puis, si on n'était pas intelligent selon les critères de l'école, on était un manuel.
00:06:25 Et mon frère aîné, qui est mort l'an dernier, a été victime de cette vision très simpliste
00:06:33 de ce qu'est l'intelligence.
00:06:34 Il faut avoir une vision spectrale de l'intelligence.
00:06:38 Un manuel est très intelligent, il n'y a pas de mare intelligente sans un esprit qui
00:06:44 la pilote.
00:06:45 Les guides de haute montagne ont une forme d'intelligence extrêmement subtile, je les
00:06:49 connais bien.
00:06:50 Et puis, d'autres formes de métiers manuels réclament de l'intelligence.
00:06:53 Et je pense que dès lors qu'on distingue différentes sortes de choses, on dit que
00:06:58 A n'est pas la même chose que B, notre esprit pose immédiatement la question "Est-ce que
00:07:04 A est mieux que B ?" Dès qu'on voit une distinction, on cherche à en inférer une
00:07:10 hiérarchie.
00:07:11 Et ça, c'est quand même quelque chose d'assez ravageur, comme s'il fallait classer dans
00:07:15 un ordre, selon une sorte de relation d'ordre, les différents types d'intelligence.
00:07:20 En fait, non, il n'y en a qu'une qui se déploie selon un spectre continu qu'on ne
00:07:25 peut pas résumer à un seul point.
00:07:27 Vous dites aussi dans ce livre, Etienne Klein, que nous n'avons jamais été aussi soumis
00:07:32 dans l'histoire à un tel tsunami de savoirs et d'informations.
00:07:37 Est-ce que vous pensez que tout communique ? Qu'il y a des passerelles entre tout ?
00:07:41 Non.
00:07:42 Par contre, dans les mêmes canaux de communication circulent en même temps des connaissances,
00:07:47 des critiques ou autres, des croyances, des commentaires, beaucoup de commentaires.
00:07:51 Le temps qu'on passe à commenter l'information est plus long que le temps de l'information
00:07:54 elle-même.
00:07:55 Des préjugés, des avis, des fake news.
00:07:59 Et notre cerveau n'a pas le temps et n'est pas agréé pour faire la distinction entre
00:08:03 ces choses.
00:08:04 De sorte que les statuts de ces éléments qui sont très différents se contaminent.
00:08:09 Quand on vous présente une connaissance, vous pourriez objecter qu'il s'agit en fait
00:08:13 de la croyance d'une communauté particulière.
00:08:15 Ou bien si moi je vous présente une croyance, je pourrais me défendre en disant que c'est
00:08:21 en fait une vraie connaissance qui est injustement méprisée par les sachants.
00:08:24 De sorte que ça crée une confusion générale.
00:08:26 Il n'y a pas de faits.
00:08:27 En réalité, il n'y a que des discours sur les faits.
00:08:29 Il y a des faits évidemment, mais il y a aussi beaucoup de commentaires sur les faits.
00:08:33 Et on a un spectre de propositions pour ce qui est de leur interprétation qui est tellement
00:08:36 vaste que chacun peut choisir de déclarer vrai l'idée qu'il aime, tout en déclarant
00:08:42 aimer la vérité.
00:08:43 Quand je dis qu'il n'y a pas de faits, c'est qu'au fond un fait qui serait détaché
00:08:47 de tout discours serait totalement incompréhensible.
00:08:50 Tout dépend de ce qu'on appelle un fait.
00:08:52 En physique par exemple, il n'y a pas de faits bruts.
00:08:54 Il y a toujours une théorie qui sert à l'interprétation du fait.
00:08:58 Quand vous mesurez la distance entre la Terre et une galaxie, on en parlera peut-être
00:09:01 tout à l'heure, selon que vous considérez que l'espace est euclidien, plat, sans courbure,
00:09:07 ou selon qu'il est courbé selon la théorie d'Einstein, l'interprétation où vous
00:09:10 ferez des données ne sera pas la même.
00:09:12 Donc, on a envie de se dire, mais est la vérité dans tout ça ?
00:09:15 La théorie d'Einstein est plus vraie que celle de Newton.
00:09:18 Aujourd'hui ?
00:09:19 Elle a résisté à un siècle de prises de données différentes.
00:09:23 Je ne dis pas qu'elle est vraie, je dis qu'elle a quand même à son actif un certain
00:09:27 de succès, notamment dans les prédictions qu'elle permet de faire, qui font qu'on
00:09:31 ne peut pas la considérer comme une simple hypothèse.
00:09:33 Mais comment savoir ce qui est vrai ? On a l'impression qu'aujourd'hui c'est
00:09:36 devenu la question centrale.
00:09:37 C'est la question que tout le monde se pose.
00:09:39 Moi je pense que c'est l'inverse.
00:09:40 J'ai l'impression que la vérité n'a plus beaucoup d'importance.
00:09:42 Pourquoi ?
00:09:43 Parce que toutes les thèses cohabitent, et donc on n'a pas le moyen de faire une
00:09:48 enquête pour savoir laquelle est vraie par rapport aux autres.
00:09:51 Et on a tendance à considérer qu'on peut choisir la vérité un peu comme on le veut.
00:09:57 Et j'en veux pour preuve qu'on peut mentir sans en payer le discrédit symbolique.
00:10:02 Trump, par exemple, a beaucoup menti sans que ça lui coûte grand-chose du point de
00:10:07 vue électoral.
00:10:08 Mais la physique a sa vérité, qui n'est pas la vérité philosophique ?
00:10:14 Vous avez souvent écrit là-dessus.
00:10:15 Alors, je n'ai pas dit exactement ça.
00:10:17 J'ai dit que quand on cherche la cohérence intellectuelle et qu'on voit qu'il y a
00:10:23 des mots qui sont communs au vocabulaire des philosophes et au vocabulaire des
00:10:26 physiciens...
00:10:27 Qui ne signifient pas la même chose.
00:10:28 Par exemple le mot "temps".
00:10:29 Les physiciens parlent du temps.
00:10:30 Les philosophes parlent du temps depuis presque l'aube de la philosophie.
00:10:34 Les physiciens c'est plutôt depuis Galilée, depuis Newton, depuis qu'on a
00:10:37 thématisé le temps.
00:10:38 Il y a une première question qui se pose, qui est quand un physicien parle du temps,
00:10:43 est-ce qu'il parle de la même chose qu'un philosophe ?
00:10:45 Si la réponse est non, pourquoi c'est le même mot ?
00:10:49 Si la réponse est oui, il parle de la même chose, deuxième question, est-ce qu'ils
00:10:53 en disent les mêmes choses de cette même chose ?
00:10:56 Et là, il est clair que non.
00:10:58 D'abord, tous les philosophes ne sont pas d'accord entre eux.
00:11:00 Les physiciens, il y a plusieurs théories qui ont chacune un statut particulier pour
00:11:04 le temps, et donc moi qui m'intéresse autant, à qui je dois accorder du crédit,
00:11:08 selon quels critères ?
00:11:09 Et c'est là que la discussion devient intéressante.
00:11:12 Et pour le coup, il y a un court circuit qui est réclamé par la cohérence intellectuelle.
00:11:17 Si vous faites comme si chacun pouvait dire ce qu'il veut sur le temps, le temps devient
00:11:22 un concept complètement inintéressant qui n'est que le reflet des discours qu'on
00:11:27 porte sur lui, sans qu'il y ait une réalité qui lui corresponde.
00:11:31 Donc la réalité existe ?
00:11:33 Moi je pense que si on est scientifique, c'est qu'on pense à tort ou à raison
00:11:38 qu'il existe un en dehors de l'esprit.
00:11:41 C'est-à-dire que si nos discours ne renvoient qu'à notre cerveau, autant faire de la psychologie.
00:11:46 Oui, et à notre propre perception.
00:11:48 En fait, il y a un réel qui peut dire non à ce que nous pensons, qui peut contredire
00:11:54 les projections que nous portons sur lui.
00:11:56 On est soumis également à un tsunami d'innovation technologique, dont le dernier avatar, on
00:12:02 l'a vu, c'est l'intelligence artificielle, tout à coup elle nous saute aux yeux, on
00:12:05 est tous là à la regarder, ou au moins à essayer de la regarder dans les yeux, et
00:12:08 ce n'est pas facile.
00:12:10 Est-ce que l'homme en sort grandi, ou au contraire plus petit que jamais ?
00:12:15 Moi je dirais, excusez-moi pour l'ambivalence, ni l'un ni l'autre.
00:12:20 C'est-à-dire que le mot intelligence dans l'intelligence artificielle, c'est un
00:12:25 mot anglais, c'est l'intelligence au sens anglais du terme, c'est-à-dire gestion
00:12:29 des données, traitement de l'information, intelligence service.
00:12:32 Le mot intelligence en français c'est autre chose, c'est évidemment la gestion des
00:12:36 données, mais c'est aussi la pensée critique, c'est aussi la capacité à poser des questions
00:12:41 contre-factuelles, qu'est-ce qui se passerait si ? Et c'est aussi la capacité à dire
00:12:45 ce par quoi on est intelligent.
00:12:47 Si on émet un avis, on est capable de l'argumenter, de le justifier, et c'est par cela qu'on
00:12:52 montre qu'on est intelligent.
00:12:54 L'IA, l'intelligence artificielle, ne fait pas ça, elle donne des avis sans dire comment
00:12:58 elle les a obtenus, sans pouvoir les justifier.
00:13:01 Et donc la question est, est-ce qu'on lui fait confiance ou non ? Et moi je pense que
00:13:04 pour l'instant, l'intelligence humaine a une sacrée longueur d'avance.
00:13:09 J'en veux pour preuve que la physique contemporaine, celle qui est née avec Galilée Newton, est
00:13:15 une physique qui est née sans données.
00:13:17 Très peu de données.
00:13:18 Quand Einstein, pardon Einstein, non, quand Galilée dit "tous les corps tombent à la
00:13:22 même vitesse dans le vide", il n'a pas de données.
00:13:25 Parce qu'à l'époque on ne sait pas faire le vide, et la plupart des doctes pensent
00:13:28 que le vide n'existe pas.
00:13:29 Donc il trouve la bonne loi de la chute des corps, tous les corps tombent à la même
00:13:34 vitesse dans le vide, sans avoir de données pour le démontrer.
00:13:37 Et aujourd'hui, on peut faire le vide et on vérifie que Galilée a raison.
00:13:41 Et si aujourd'hui on avait toutes les données qu'on a, sans avoir par exemple les équations
00:13:46 d'Einstein pour la gravitation, et qu'on demande aux données, avec des algorithmes
00:13:51 qui les analyseraient, de retrouver les équations d'Einstein, elles ne pourraient pas.
00:13:56 Pour l'instant, l'intelligence humaine fait mieux que l'intelligence artificielle.
00:14:01 Je ne dis pas que ça va durer.
00:14:03 Oublions l'intelligence artificielle, la technologie, ce tsunami technologique qu'on vit depuis
00:14:07 un certain temps, alors on pourrait le comparer, d'ailleurs nos ancêtres nés 100 ans avant
00:14:13 nous, ils ont eu l'avion, le sous-marin, l'automobile, la moto, la psychanalyse, ils
00:14:20 en ont eu aussi.
00:14:21 Nous, c'est plus petit, c'est moins voyant, mais il y a quand même là aussi un tsunami.
00:14:27 Vous avez l'impression que ça nous grandit ou qu'en contraire on est plus petit que jamais ?
00:14:31 En tout cas, ça pose des questions inédites, parce que l'idée de progrès est tombée
00:14:34 en 18 ans, et ce qu'on a compris c'est que la science produit des connaissances, mais
00:14:39 elle produit aussi de l'incertitude.
00:14:41 Mais c'est une incertitude d'un type très spécial.
00:14:44 La science ne nous dit pas ce qu'on doit faire, des applications qu'elle rend possible.
00:14:49 La science vous dit comment faire un réacteur nucléaire si vous le souhaitez, des OGM,
00:14:53 la 5G, mais elle ne vous dit pas si vous devez le faire.
00:14:57 C'est à vous de décider à partir de vos valeurs.
00:14:59 Avant, l'idée de progrès permettait de tromper tout ce qu'on pouvait au motif que la science
00:15:04 et la technologie sont le moteur de l'idée de progrès.
00:15:06 Donc si la science rend une chose possible, on doit l'explorer.
00:15:10 On est revenu de cela et on a énormément de mal à décider de ce qu'on veut, puisqu'on
00:15:15 n'a plus de principe régulateur qui permettrait d'éclairer nos décisions.
00:15:19 On essaie de faire des débats publics, mais en général ça se passe mal, c'est souvent
00:15:22 des fiascos, parce qu'on ne sait pas dire quelle est la part qui revient à la parole
00:15:27 des experts, quelle est la part qui revient à la discussion publique, quelle est la part
00:15:31 qui revient à la décision politique, et donc ça crée beaucoup de confusion.
00:15:35 Vous dites dans votre livre, Étienne Klein, plus un objet technologique est complexe,
00:15:40 notre smartphone par exemple, plus son usage tend à se simplifier.
00:15:45 Est-ce que ça veut dire que c'est nous qui le possédons ce smartphone ou c'est lui
00:15:49 qui nous possède ?
00:15:50 C'est plutôt lui qui nous possède.
00:15:52 Quand les philosophes des Lumières ont voulu écrire l'encyclopédie de D'Alembert
00:15:56 et d'Hydrault à la fin du 18ème siècle, ils ont illustré tous les articles par des
00:16:00 planches, des dessins, des illustrations, qui montraient comment fonctionnaient les
00:16:04 objets techniques de l'époque.
00:16:06 Leur pari c'était que la technique, en devenant familière dans la vie quotidienne
00:16:11 du peuple, comme ils disaient, sera vectrice de pédagogie scientifique.
00:16:16 Si on utilise des objets techniques, on comprendra implicitement les principes scientifiques
00:16:22 qui les ont rendus possibles.
00:16:24 Donc la technologie, la technique, nous apprendra la science.
00:16:28 Ça a peut-être été vrai à certaines époques, mais c'est faux aujourd'hui, puisque
00:16:32 un téléphone portable c'est l'objet le plus complexe qui existe compte tenu de sa taille
00:16:36 qui est faible, petite, et personne ne sait comment ça marche.
00:16:39 Ce qui n'empêche pas de le faire fonctionner correctement.
00:16:42 Mais si j'envoie un message en tapant sur mon écran avec mon doigt, comment ça se
00:16:47 passe le contact ? Comment les lettres apparaissent ? Quand j'appuie sur "envoyer", par
00:16:52 où passe le message que j'envoie à un correspondant en Australie ? Par un satellite ?
00:16:56 Par des fibres optiques ? On n'a pas besoin de le savoir pour être habile à utiliser
00:17:00 toutes les applications du téléphone.
00:17:03 Et donc, en effet, plus une technologie est complexe, plus il est difficile de la distinguer
00:17:09 de la magie.
00:17:11 La pensée algorithmique, c'est quoi ? En quoi est-ce qu'elle est différente de la pensée ?
00:17:16 Disons que la pensée algorithmique, elle est purement logique.
00:17:20 Or la pensée, c'est aussi la dimension contre-factuelle.
00:17:24 C'est-à-dire de poser des questions du type "qu'est-ce qui se passerait si on fait
00:17:29 un pas de côté, on trouve un moyen de faire en sorte que le monde décoincide de ce qu'il
00:17:34 nous montre ?"
00:17:35 L'intelligence artificielle peut le faire, ça.
00:17:37 Elle a commencé.
00:17:38 Chet J.P.T. a commencé, ça.
00:17:40 Non, Chet J.P.T. ne dit que les choses qui ont déjà été dites.
00:17:43 Oui, mais il vous dit si les Romains n'avaient pas perdu le pouvoir à Rome, comment ce serait ?
00:17:50 Il le dit, ça ?
00:17:51 Oui, il y a même un livre qui va sortir dans très peu de temps.
00:17:54 Je l'inviterai ici pour qu'il nous dise comment il a fait.
00:17:56 Il a de la compétence, mais peut-être qu'il le dit, Chet J.P.T., parce que les humains l'ont déjà dit.
00:18:02 Sans doute.
00:18:03 Voilà, ils ne l'inventent pas.
00:18:04 Peut-être, peut-être.
00:18:05 Et quand Einstein se pose la question, par exemple, "qu'est-ce que je ressentirais si je tombais en chute libre ?"
00:18:11 Évidemment, il ne fait pas l'expérience.
00:18:13 Tomber en chute libre, ça veut dire tomber dans le vide.
00:18:15 Et Einstein comprend que s'il tombe dans le vide, et s'il prend un objet, par exemple
00:18:20 ses lunettes, qui n'ont pas la même masse que lui, et qu'il lâche l'objet, l'objet
00:18:24 va tomber à la même vitesse que lui, puisque tous les objets tombent à la même vitesse
00:18:28 dans le vide, comme l'a dit Galilée.
00:18:29 Donc il verra que la lunette ne tombe plus.
00:18:32 Le fait de subir la gravitation annule en apparence la gravitation.
00:18:36 Et bien ça, c'est une expérience de pensée, comme on dit, que l'intelligence artificielle
00:18:41 ne peut pas réaliser pour l'instant.
00:18:43 Vous parliez des données tout à l'heure, et par rapport aux découvertes d'Einstein,
00:18:47 les big data, justement, est-ce qu'elles ne risquent pas de mettre la science à l'épreuve ?
00:18:52 Puisque à certains point de loi ont été découvertes sans données.
00:18:56 Alors justement, il y a...
00:18:57 Très peu de données.
00:18:58 Le fait qu'on en ait énormément.
00:18:59 Dans les grandes écoles, il y a une querelle des anciens et des modernes.
00:19:03 Il y a les vieux comme moi qui disent, il faut apprendre aux étudiants les théories
00:19:07 physiques, parce que les théories physiques en disent plus sur le réel que les données.
00:19:12 Et d'autres qui disent, non, il faut renseigner la programmation, l'algorithmique, les langages
00:19:17 de programmation, puisque bientôt l'intelligence artificielle avec le big data va nous en dire
00:19:22 plus sur le monde par les données numériques qu'ils nous livrent que les théories physiques.
00:19:28 Pour l'instant, je pense que les vieux ont raison.
00:19:31 C'est-à-dire que les théories physiques, elles agissent comme des troïes ontologiques.
00:19:36 C'est-à-dire que si vous les prenez au sérieux, elles permettent de prédire l'existence
00:19:40 d'objets qu'on n'a jamais vus et qu'on finit par détecter parce que les théories
00:19:44 les prédisent.
00:19:45 Les exemples sont innombrables.
00:19:46 Il y a eu le neutrino, particules, le boson 2X, les quarks, les bosons intermédiaires,
00:19:52 les ondes gravitationnelles, les trous noirs, dont celui qui est au centre de notre galaxie,
00:19:57 un trou noir supermassif dont on a eu une image il y a quelques mois.
00:20:00 Et donc, pour l'instant, les théories physiques augmentent le champ des données et nous permettent
00:20:07 d'avoir des données qu'on ne pourrait pas avoir sans que les théories nous disent qu'elles existent.
00:20:12 - À propos de trous noirs, vous avez un chapitre dans votre livre où vous expliquez que les
00:20:16 physiciens brodent du noir en ce moment.
00:20:19 C'est quoi tout ce noir ?
00:20:20 - Mais parce que quand vous avez une théorie physique dans laquelle vous avez confiance,
00:20:24 parce qu'elle a été soumise à toutes sortes de thèses qui l'ont validée en partie,
00:20:28 c'est le cas de la réalité générale d'Einstein, la théorie de la gravitation.
00:20:31 Et puis vous faites des mesures, des observations de la dynamique des galaxies.
00:20:35 Et vous voyez que la dynamique des galaxies est exactement comme la théorie d'Einstein
00:20:40 le prévoit, sauf que, pour expliquer ce qu'on voit, il faut imaginer qu'il y a 10 fois plus
00:20:44 de matière qui agit gravitationnellement sur les galaxies que celle qu'on voit.
00:20:49 Vous dites...
00:20:51 - C'est de la matière noire.
00:20:52 - Il doit y avoir de la matière qui n'émet pas de lumière, mais qui agit gravitationnellement.
00:20:56 On l'appelle la matière noire. De quoi est-elle faite ?
00:20:59 Pendant longtemps, on a pensé que c'est de la matière ordinaire, mais froide,
00:21:01 qui n'émet pas de lumière. Et puis aujourd'hui, on sait que si cette matière existe,
00:21:04 elle est de nature différente de celle qu'on connaît.
00:21:07 De quoi ? C'est toute la question.
00:21:10 Il y a aussi des gens qui disent que peut-être que c'est la théorie d'Einstein qui est fausse.
00:21:14 Et donc quand vous avez une contradiction entre des observations, des mesures et une théorie,
00:21:19 il y a deux solutions. Soit la solution ontologique, vous dites qu'il y a quelque chose
00:21:23 dans l'univers qu'on n'a jamais vu, qui, s'il existe, rétablit l'accord.
00:21:28 Et puis il y a des cas où il faut changer la loi pour tenir compte d'observations
00:21:32 qu'on ne peut pas expliquer autrement.
00:21:35 - C'est le fameux cas où on peut dire que c'est l'exception qui met la règle à l'épreuve.
00:21:39 - Exactement.
00:21:40 - Au lieu de dire que c'est l'exception qui confirme la règle, comme le dit le langage populaire.
00:21:43 - Vous avez raison, mais souvent, quand il y a une contradiction entre les faits et la théorie,
00:21:46 on dit que c'est que la théorie est fausse.
00:21:49 Maintenant, on sait peut-être que les faits sont incomplets.
00:21:51 - Oui, pourquoi pas. Surtout quand il s'agit d'Einstein.
00:21:53 C'est fou, c'est comme vous aimez Einstein, toujours.
00:21:55 - Bah oui.
00:21:56 - Puisque vous aviez déjà son poster dans votre chambre.
00:21:58 - Oui, je suis fidèle en amour.
00:22:00 - Et pourquoi aimez-vous Einstein ?
00:22:02 Est-ce que c'est le plus facile, c'est le plus cliché de tous les physiciens ?
00:22:06 - Parce qu'il est accessible, Einstein.
00:22:08 Il a des idées extrêmement simples, mais il va jusqu'au bout.
00:22:13 À la fin de sa vie, il a donné une interview, un entretien,
00:22:17 à celui qui allait devenir son premier biographe,
00:22:21 qui lui demande d'où vient que vous êtes le premier à avoir trouvé la théorie de la relativité.
00:22:26 Et il n'a pas du tout invoqué son génie.
00:22:29 Il a invoqué son retard mental.
00:22:31 Il a dit "moi je l'ai été le premier parce que je me suis posé des questions d'enfant avec un cerveau d'adulte".
00:22:37 - C'est une bonne définition du genre.
00:22:39 - Les histoires d'espace à 7 ans, on les a réglées à un enfant de 7 ans,
00:22:42 il sait que l'espace se mesure avec une règle et la durée avec une montre.
00:22:46 Une fois qu'on a compris ça, l'affaire est réglée.
00:22:48 Einstein, lui, s'est posé ces questions à l'adolescence.
00:22:51 - Vous restez avec nous pendant toute cette émission, jusqu'à minuit, Etienne Klein.
00:22:55 Mais avant de continuer et de nous intéresser à la police, une pause.
00:23:00 - La police a du mal à recruter et en plus elle doit faire face à une vague de démissions sans précédent.
00:23:12 On va s'intéresser à ce problème soulevé par la Cour des comptes avec Jacques Demayar et Mathieu Zagrodski.
00:23:18 Mais d'abord, le rappel des titres, Isabelle Piboulot.
00:23:25 - La fin de l'inflation n'est pas pour tout de suite. Concernant les prix des produits alimentaires,
00:23:30 la situation restera difficile jusqu'à la fin de l'été, prévient Emmanuel Macron dans Le Parisien.
00:23:36 Les prix de l'alimentation ont grimpé de près de 16% en mars, près de 15% en février.
00:23:43 Face à ces envolées, le chef de l'Etat a plaidé pour que le travail paye mieux,
00:23:48 renvoyant la balle aux employeurs et au dialogue social.
00:23:52 Le bouclier tarifaire sur l'électricité ne sera pas prolongé pour les entreprises,
00:23:57 du moins pas pour l'instant, a déclaré le ministre délégué à l'industrie.
00:24:01 Selon Roland Lescure, l'électricité et le gaz ont beaucoup baissé,
00:24:05 les entreprises n'ont donc pas besoin d'aide. La situation sera tout de même réexaminée à l'automne.
00:24:11 Et puis le logement subit un choc d'une violence folle, c'est ce qu'affirme la présidente de Nextcity dans le JDD.
00:24:19 Plus de 4 millions de personnes sont mal logées en France.
00:24:23 Selon le patron du Medef, la crise du logement devrait être la grande cause nationale de ces prochaines années pour Emmanuel Macron.
00:24:30 Le gouvernement présentera des propositions pour répondre à cette crise le 9 mai prochain.
00:24:36 C'est un rapport de la Cour des comptes qui le dit.
00:24:41 Police et gendarmerie sont confrontées à des départs massifs, un phénomène qui s'amplifie depuis 2020,
00:24:46 alors qu'elles ont déjà du mal à recruter.
00:24:48 Pour comprendre le problème, nous avons invité Jacques Demaillard, professeur de sciences politiques à l'université de Versailles-Saint-Quentin.
00:24:56 Vous dirigez le Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales.
00:25:01 Et vous avez co-dirigé la rédaction du livre "Police et société en France" qui vient de sortir aux presses de Sciences Po.
00:25:08 Mathieu Zogrodski, vous avez contribué à ce livre, collectif de près de 400 pages.
00:25:13 Vous êtes vous aussi chercheur en sciences politiques.
00:25:16 Vous êtes l'auteur de "Que fait la police ? Le rôle du policier dans la société", séparé aux éditions de l'Aube,
00:25:21 et le co-auteur de "Vie ma vie de flic" aux éditions Hugo Publishing.
00:25:25 C'était signé Juliette Alpha, qui elle, est policière.
00:25:29 Alors une question préalable avant de revenir sur les conclusions du rapport de la Cour des comptes.
00:25:35 La société française est plus que jamais divisée entre ceux qui sont pour la police et ceux qui sont contre la police.
00:25:41 Est-ce que ça rend plus difficile votre travail de chercheur ?
00:25:45 Disons que cette division, c'est vrai qu'elle est très forte dans le sens où vous avez plusieurs vérités qui cohabitent par rapport à ce qu'on disait tout à l'heure.
00:25:55 Il y a des collègues qui ont fait des études avec des focus group, c'est-à-dire qu'ils montrent la même vidéo et ils font réagir ces focus group.
00:26:05 Donc il y a un groupe d'étudiants, un groupe de policiers, un groupe de jeunes non scolarisés.
00:26:12 En fait, ils montrent bien que les images ne sont pas vues de la même façon.
00:26:16 Et ça nous dit quelque chose des images que l'on voit actuellement sur les réseaux sociaux autour des violences policières, violences des policiers ou violences contre les policiers.
00:26:25 Donc cette dimension-là, elle est particulièrement prégnante.
00:26:29 Nous, dans notre travail, je ne dirais pas qu'elle l'affecte.
00:26:32 En revanche, quand on a comme nous la volonté de mieux comprendre les choses, de la peindre pas en noir et blanc, mais en gris clair ou gris foncé,
00:26:42 ou de faire des propositions de réforme, ce n'est pas le contexte le plus favorable parce que la polarisation est très forte.
00:26:49 Je note cependant qu'il y a toute une série de points où ça a un peu évolué.
00:26:53 Je vois sur les questions des violences policières, par exemple, il y a un an, la question a été posée, je crois que c'est par l'IPSOS.
00:27:02 C'était à peu près 45% des répondants qui considéraient que c'était une réalité. Maintenant, c'est devenu 55%.
00:27:09 Donc vous voyez, à la fois, effectivement, il y a une polarisation forte, mais il y a aussi des évolutions dans l'opinion.
00:27:16 Donc ce rapport de la Cour des comptes, il explique ce record de démission dans la police et dans la gendarmerie
00:27:25 par la concurrence avec les polices municipales qui attirent de plus en plus policiers et gendarmes. Vous savez pourquoi ?
00:27:32 Il peut y avoir plusieurs raisons à ça. Disons que la problématique de la police et de la gendarmerie, c'est que ce sont des forces nationales.
00:27:39 Enfin, la police nationale et la gendarmerie nationale, ce sont des forces nationales.
00:27:42 Donc vous pouvez être affecté un peu partout sur le territoire, y compris dans des endroits où vous ne souhaitez absolument pas travailler.
00:27:49 Tandis que les polices municipales, c'est du recrutement, je dirais, local. C'est-à-dire qu'une fois que vous choisissez d'aller dans telle ou telle police municipale,
00:27:56 vous y restez avec, en plus, des propositions salariales qui peuvent différer, des responsabilités qui peuvent différer, des doctrines d'emploi qui peuvent également différer.
00:28:07 Il y a certaines polices municipales qui sont attractives parce qu'elles offrent un meilleur matériel ou un armement de meilleure qualité qu'une autre.
00:28:14 Mais en même temps, on n'a pas de pouvoir d'enquête quand on est dans la police.
00:28:17 C'est vrai que c'est un petit peu le paradoxe. Disons qu'il y a quelques années, le mouvement était plutôt de quitter la police municipale pour essayer de rejoindre les forces nationales.
00:28:26 C'est plus prestigieux. Comme vous dites, vous avez des pouvoirs judiciaires que vous n'avez pas en police municipale.
00:28:30 Mais peut-être que la balance est en train de s'inverser aussi par rapport aux conditions de travail des forces nationales.
00:28:37 Le pouvoir judiciaire, c'est une ressource, mais c'est aussi une contrainte. On en parlera peut-être tout à l'heure.
00:28:44 Mais on voit qu'il y a une charge très importante sur les enquêteurs, sur les gens qui font de la police judiciaire.
00:28:50 Ce qui est valorisant, c'est aussi bureaucratiser. C'est aussi une charge de travail, un stress qui n'est pas nécessairement valorisé pour les policiers et les gendarmes.
00:29:00 Mais en même temps, c'est une police qui est enceinsée, celle-là, la police judiciaire.
00:29:04 Même en France, on est divisé entre les pour et les contre.
00:29:08 Tout à fait. Mais vous avez plusieurs types de police judiciaire.
00:29:11 C'est-à-dire que quand on pense police judiciaire, on pense à l'enquêteur prestigieux, on pense au commissaire Maigret et on pense à la police judiciaire au sens de l'institution direction centrale de la police judiciaire.
00:29:23 Ça, ce n'est qu'une partie. C'est la partie la plus faible en nombre d'affaires et même en nombre d'agents, d'officiers de police judiciaire, d'agents qui font des enquêtes.
00:29:31 La majeure partie des enquêtes, c'est d'abord et avant tout du travail difficile sur la masse des affaires qui font le quotidien, les violences intrafamiliales, les violences sexuelles,
00:29:43 qui se traduisent par une accumulation d'affaires. Souvent, vous avez des enquêteurs avec plus de 200 affaires, donc des portefeuilles considérables qui sont difficiles à traiter.
00:29:53 Finalement, ce qui finit par primer, c'est de clôturer l'affaire plutôt que de la résoudre.
00:29:59 C'est vrai qu'aux yeux du grand public, la police judiciaire jouit d'un certain prestige. Déjà parce qu'institutionnellement en France, elle a toujours été un petit peu privilégiée par rapport à la sécurité publique.
00:30:10 Là, je parle encore une fois des grandes brigades de police judiciaire. C'est la distinction que vient de faire Jacques.
00:30:14 C'est que vous avez les grandes brigades type brigades criminelles, brigades de répression du banditisme.
00:30:18 Ça a toujours été valorisé par l'État. Ça a aussi été beaucoup valorisé par l'industrie du divertissement, ce qui a joué dans les perceptions.
00:30:24 Et moi, je me souviens que quand j'ai commencé à travailler dans la police, c'était au milieu des années 2000, vous aviez toute une génération de brigadiers, brigadiers chefs, de policiers un petit peu plus anciens qui ont été marqués très négativement.
00:30:34 Alors en sécurité, je parle de gens en sécurité publique, donc personnes en uniforme qui travaillent en police secours, par exemple, qui ont été marqués très négativement par le film Pino simple flic, parce qu'il tournait les policiers du coup.
00:30:44 Avec Gérard Julliot.
00:30:45 Avec Gérard Julliot, qui est une comédie qui tourne en ridicule les policiers de voie publique en uniforme par opposition à toute une flopée de films avec Alain Delon, avec Jean-Pierre Belmondo, avec le flic de PJ, enquêteur.
00:30:57 Alors dans ce sens-là, le gendarme de Saint-Tropez a dû faire du tort à beaucoup de gendarmes.
00:31:01 C'est déjà beaucoup plus ancien, le gendarme de Saint-Tropez.
00:31:05 Vous n'avez pas eu forcément ceux qui en ont été victimes. Vous, quand je vous dis ce que vient d'annoncer la Cour des comptes, quelle explication trouvez-vous au fait qu'il y ait cette vague de démission, après qu'il y ait eu, après les attentats, on sait que la police et la gendarmerie ont attiré beaucoup de monde.
00:31:23 Beaucoup de monde qui a eu envie de s'engager. Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui, mis à part l'explication concernant la police municipale qui serait plus attractive, est-ce qu'il y en a d'autres à vos yeux ?
00:31:34 Alors, on n'a que des pistes. Un élément intéressant du rapport de la Cour des comptes, c'est que ces départs se font alors qu'il y a eu un travail important sur la dimension salariale.
00:31:45 Donc on peut faire l'hypothèse que la dimension, notamment des rémunérations, n'est pas cruciale.
00:31:52 Donc ça renvoie à d'autres questions, qui sont des questions plus complexes, plus qualitatives.
00:31:57 Moi, je verrais deux pistes. La première, c'est l'expérience des missions, entre quelqu'un qui entre dans la police en voulant sauver le monde et qui fait l'expérience au quotidien de toutes les difficultés du travail policier.
00:32:11 Donc ça, c'est un élément important, avec le stress qui l'accompagne, avec souvent le sentiment d'être mal aimé.
00:32:17 On a fait des enquêtes où, en fait, on voit que les policiers se perçoivent comme étant beaucoup plus mal aimés qu'ils ne le sont en réalité.
00:32:24 Donc cette dimension, l'expérience subjective, est importante.
00:32:28 Elle se croise sans doute avec une dimension plus interne à l'institution.
00:32:31 Quand vous rentrez en école de police, vous rentrez dans un cadre qui est très hiérarchisé, très vertical.
00:32:37 Et ce n'est pas nécessairement ce qui est attendu par les jeunes qui entrent.
00:32:43 Ce sont des pistes, mais cette dimension des relations internes avec une aspiration à beaucoup plus d'horizontalité peut peut-être expliquer le fait qu'on ait des déceptions
00:32:53 sur les premiers mois, premières années d'expérience du métier.
00:32:57 On peut se demander aussi pourquoi les policiers qui sont des héros de fiction ne sont pas des héros dans la réalité.
00:33:04 Et j'imagine que quand on entre dans la police, ça doit être un choc, parce qu'on y entre justement parce qu'on a des images de héros de fiction.
00:33:12 Oui.
00:33:13 Mathieu.
00:33:14 J'y vais. C'est vrai, il y a aussi un autre pan de l'industrie télévisuelle qui a renforcé cette image.
00:33:24 Ce sont tous les reportages et tous les documentaires en immersion au sein de la BAC, au sein de l'Hôtel Humilité,
00:33:29 où on fait un condensé de six mois de travail d'enquête, d'ailleurs, où on montre des policiers qui résolvent des problèmes, qui résolvent des enquêtes, interpellent des gens.
00:33:37 Le quotidien, quand vous le suivez, comme on le fait avec Jacques depuis des années, c'est-à-dire qu'on accompagne des équipages de police ou de gendarmerie sur le terrain,
00:33:44 on va en immersion, vous vous rendez compte qu'en réalité, souvent, les policiers et les gendarmes n'ont pas de solution à proposer aux gens.
00:33:49 Ils appellent, il y a eu un vol à l'arraché, ou il y a eu une agression, ou il y a eu une dégradation.
00:33:55 Puis en fait, les policiers ne vont pas pouvoir interpeller tout de suite la personne, vont vous dire "allez porter plainte au commissariat"
00:34:01 et vous avez un requérant ou une requérante déçue par la réponse qui a été apportée.
00:34:06 Et en réalité, c'est un décalage pour le public et c'est un décalage pour les agents eux-mêmes,
00:34:11 qui souvent se retrouvent démunis, incapables de fournir une solution, malgré eux, aux personnes qui les sollicitent.
00:34:18 Le problème des violences policières, vous l'évoquiez tout à l'heure, Jacques Demaillard, alors c'est niais par les uns, c'est exacerbé pour les autres.
00:34:26 Est-ce que ça joue dans le désamour que peuvent avoir les policiers pour leur propre fonction ?
00:34:33 Oui, ça joue de façon importante parce qu'en fait, tout à l'heure je parlais des policiers qui se vivent comme étant les mal-aimés.
00:34:41 Cette dimension-là, elle est particulièrement forte avec chez eux, du fait de leur activité, ils ont besoin de se serrer les coudes.
00:34:49 Donc vous êtes dans des univers avec une solidarité collective extrêmement forte.
00:34:55 Vous avez besoin de pouvoir compter sur votre collègue.
00:34:58 Ce qui fait que vous avez une socialisation et des filtres de perception.
00:35:02 Souvent les policiers voient les images qui circulent comme des atteintes à la profession dans son ensemble.
00:35:09 Et donc cette dimension-là est perçue très négativement, ce qui fait que le « nous, eux »,
00:35:15 nous les policiers de base qui faisons un travail difficile, eux, les médias qui ne comprennent pas, etc.
00:35:21 est structurant dans ces univers professionnels.
00:35:25 Donc à partir de là, la logique du cercle vicieux est particulièrement prégnante.
00:35:31 C'est-à-dire le cercle vicieux, j'anticipe une menace et je me comporte en fonction de cette menace.
00:35:36 Donc je pense que les gens ne m'aiment pas et donc je me comporte en fonction.
00:35:39 Et donc l'un des enjeux forts, on a parlé des escalades récemment autour des questions de maintien de l'ordre,
00:35:45 mais ça se pose aussi dans la sécurité du quotidien, c'est comment est-ce que vous arrivez à mettre en place des cercles vertueux
00:35:49 où le policier noue une relation coopérative avec le public et trouve intérêt à son métier au quotidien ?
00:35:57 Non, je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je pense qu'il y a quelque chose aussi qui relève d'un point soulevé par Etienne Klein tout à l'heure,
00:36:05 c'est également l'apparition des nouvelles technologies qui ont exacerbé chez les policiers ce sentiment d'être en permanence sous surveillance.
00:36:13 Je fais allusion notamment au fait d'être filmé systématiquement en intervention,
00:36:17 qui est un gros point de ressentiment qui ressort chez les agents de voie publique.
00:36:21 Et on l'entend, moi personnellement je l'ai déjà entendu dès l'école de police,
00:36:25 chez des jeunes qui ont fait leur premier stage.
00:36:27 Quand vous êtes en école de police, au bout de six mois, vous allez passer quelques semaines en immersion sur le terrain,
00:36:32 dans un commissariat, dans un service de voie publique, et ils reviennent en disant "c'est insupportable,
00:36:36 on est tout le temps suspecté de faire quelque chose de mal parce qu'on est filmé et on balance sur les réseaux sociaux
00:36:41 nos interventions sans donner le contexte". Et ça, ça a contribué à renforcer ce clivage.
00:36:48 Quelque chose à ajouter Etienne Klein ?
00:36:50 Les flics, si j'ose dire, se sentent fliqués.
00:36:53 C'est tout à fait ça.
00:36:55 Vous parliez de démission en parlant de policiers qui sont dans la police nationale et qui vont vers les polices municipales,
00:37:00 ça c'est pas vraiment une démission parce qu'on reste dans le corps de la police.
00:37:03 Est-ce qu'il y a des démissions où les policiers cessent d'être policiers pour faire autre chose ?
00:37:09 Oui, la part des policiers nationaux et des gendarmes qui vont en police municipale n'est pas la part principale.
00:37:19 Pour les polices municipales, c'est une source de recrutement très favorable parce qu'ils n'ont pas besoin de les former en définitive.
00:37:27 Donc pour une police municipale, c'est des recrutements très utiles,
00:37:32 ce qui pose un problème d'ailleurs pour les polices municipales,
00:37:35 est-ce qu'elles doivent ressembler nécessairement à la police nationale et à la gendarmerie ?
00:37:40 Or, en recrutant des policiers et des gendarmes, vous avez cette inclination
00:37:44 qui est une inclination qui peut conduire à avoir un modèle professionnel
00:37:49 mais qui n'est pas nécessairement fondé sur un ancrage local, une forme de proximité relationnelle avec le public.
00:37:55 Il y a aussi ceux qui partent vers la sécurité privée,
00:37:58 et puis il y a ceux qui partent pour faire complètement autre chose, j'imagine.
00:38:01 Restons sur cette idée du contrôle, parce qu'est-ce qu'il y a un problème de contrôle ?
00:38:06 Les policiers, quand on en parle avec eux, ils trouvent qu'ils sont hyper contrôlés.
00:38:09 Et au contraire, et d'ailleurs c'est la même chose dans les films et séries,
00:38:14 on voit des policiers hyper contrôlés constamment, à qui on met des bâtons dans les roues
00:38:19 pour les empêcher quasiment, en tout cas c'est comme ça dans la fiction, les empêchant de faire leur travail.
00:38:24 Et en même temps, d'un autre côté, les contrôles internes sont suspects,
00:38:30 parce qu'on dit "attendez, c'est des contrôles internes, ils ne contrôlent pas vraiment parce qu'ils se contrôlent entre eux".
00:38:35 Alors, quel est le rapport du policier au contrôle, à l'idée même du contrôle ?
00:38:43 Le policier se vit comme étant très contrôlé.
00:38:46 Ça c'est évident, et effectivement c'était mentionné par Matthieu Zagrodski,
00:38:51 mais ce rôle des outils vidéo l'accentue.
00:38:56 Il a le sentiment d'être contrôlé par sa hiérarchie également.
00:39:00 En même temps, le travail policier, des décennies d'enquêtes, de sociologie du travail policier l'ont montré,
00:39:07 dispose d'une autonomie au quotidien qui est considérable.
00:39:10 Parce qu'en fait, c'est lui qui priorise ses tâches, qui choisit ses cibles,
00:39:15 qui sélectionne ce qu'il a envie de faire de façon privilégiée.
00:39:18 Alors évidemment, il y a un contrôle organisationnel,
00:39:20 mais cette autonomie au travail est particulièrement forte chez les policiers.
00:39:24 Et ce n'est pas toujours facile, en termes de contrôle,
00:39:28 de savoir ce qui a été fait exactement.
00:39:30 Quand vous avez une affaire qui suscite une enquête de l'IGPN ou de l'IGGN,
00:39:36 l'Inspection Générale de la Police Nationale est l'équivalent pour la gendarmerie,
00:39:39 ce n'est pas toujours facile de savoir exactement ce qui s'est passé dans la scène sur laquelle il y a enquête.
00:39:44 Donc, cette autonomie du policier, elle naît aussi de cet indécidable.
00:39:49 Ce que je dirais, c'est que les inspections font leur travail,
00:39:54 c'est souvent des enquêteurs aguerris de police judiciaire qui font le travail sérieusement.
00:39:58 Mais ce qu'ont montré les enquêtes dans tous les pays occidentaux,
00:40:01 c'est que c'est très important d'avoir des instances de contrôle externe.
00:40:04 Or, en France, on en a, le défenseur des droits en est une,
00:40:08 avec un pôle d'enquêteurs qui peut être saisi,
00:40:12 mais qui dispose de moyens extrêmement limités.
00:40:15 On a un collègue qui a fait une étude comparée internationale
00:40:17 et qui montre que, vu le nombre de saisines,
00:40:20 vu le nombre de dossiers traités par le défenseur des droits,
00:40:23 les moyens sont extrêmement faibles.
00:40:25 Or, la nécessité de diversifier les compétences,
00:40:28 c'est important d'avoir des policiers qui enquêtent sur des policiers,
00:40:31 parce qu'ils connaissent le métier de policier, mais c'est insuffisant.
00:40:33 Il faut avoir une diversité des compétences pour enquêter véritablement
00:40:36 sur de potentielles défiances de la part des policiers.
00:40:40 – Et les policiers seraient d'accord avec ça ?
00:40:41 Ou au contraire, ils se méfient de ceux qui ne connaissent pas le métier de policier ?
00:40:45 – Ils se méfient allègrement.
00:40:47 On vient de terminer une enquête pour le défenseur des droits avec des collègues.
00:40:51 Ce qui apparaît de façon nette, c'est que les inspections générales
00:40:56 de la police nationale et de la gendarmerie nationale
00:40:58 sont considérées comme plus efficaces, connaissant mieux le travail policier,
00:41:04 que les enquêteurs du défenseur des droits.
00:41:06 Mais à partir de là, ça c'est la situation aujourd'hui.
00:41:08 Mais vous avez quand même un travail très important à faire en formation,
00:41:12 en gestion des agents pour leur faire comprendre tout l'intérêt qu'ils ont
00:41:17 à avoir également des sources de contrôle externe.
00:41:20 Parce que si vous n'êtes contrôlé qu'en interne,
00:41:22 la relation de défiance peut s'alimenter mutuellement.
00:41:25 En définitive, l'enquête est jouée d'avance.
00:41:28 Donc voilà, il y a quand même tout un travail en formation et en gestion,
00:41:32 en instruction, en management du quotidien pour le faire comprendre.
00:41:36 – Pour rester encore un instant sur les violences,
00:41:38 enfin ce qu'on appelle les violences policières,
00:41:40 ce qui sont très larges, ça consiste aussi,
00:41:42 c'est à chaque fois qu'un policier tire sur quelqu'un.
00:41:45 Les policiers justifient tout ça par l'augmentation de la violence en général.
00:41:51 Et par l'augmentation des risques qu'ils prennent pour pouvoir faire leur métier.
00:41:57 Là aussi, comment c'est vécu ?
00:42:00 – Je pense que sur tous les entretiens qu'on a pu faire,
00:42:04 Mathieu et moi, depuis quelques années,
00:42:08 il a été très rare qu'un policier ne nous ait pas dit
00:42:12 "l'autorité est défiée de plus en plus, la violence augmente".
00:42:18 Et vous avez un décalage entre la façon dont eux, ils vivent la situation,
00:42:22 parce qu'ils l'expérimentent au quotidien,
00:42:24 et ce que nous qui faisons des enquêtes,
00:42:26 et ce que nos collègues font comme enquêtes,
00:42:28 qui montrent une réalité assez différente.
00:42:30 C'est-à-dire qu'entre la violence telle qu'elle est perçue par les policiers,
00:42:34 et ce qu'on peut mesurer, il y a un écart qui est considérable.
00:42:36 On ne peut pas mesurer d'augmentation de la violence.
00:42:38 En France, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de violence,
00:42:40 mais on ne mesure pas tendanciellement une augmentation de la violence.
00:42:43 Donc de ce point de vue-là, il y a quand même chez les policiers
00:42:48 un décalage important, et un bon exemple, c'est les refus d'obtempérer.
00:42:54 Vous avez vu que ça avait été une problématique
00:42:56 qui est sortie ces dernières années, avec un nombre de tirs mortels
00:42:59 de la part des policiers qui a augmenté.
00:43:01 Alors, ce que souligne le ministère de l'Intérieur,
00:43:04 c'est que les refus d'obtempérer ont augmenté.
00:43:06 Souvent en voiture.
00:43:08 La voiture est considérée à ce moment-là presque comme une arme
00:43:11 dirigée contre le policier.
00:43:13 Les collègues ont bien montré que ce qu'il faut regarder,
00:43:16 c'est les refus d'obtempérer graves, qui mettent en danger.
00:43:19 Et ce qu'ils mettent en évidence, c'est que sur la période 2016-2020,
00:43:22 vous avez une augmentation des refus d'obtempérer graves
00:43:26 par rapport à 2012-2016, de 35%, ce n'est pas négligeable,
00:43:30 mais le nombre de tirs mortels a, lui, été multiplié par 5.
00:43:33 Donc il y a un moment où vous voyez, il y a quand même ce besoin
00:43:36 de prendre un peu de recul, parce qu'en fait,
00:43:39 on peut avoir cette tendance-là, de penser que la société
00:43:42 est de plus en plus violente, qui peut conduire à une augmentation
00:43:45 extrêmement importante des tirs mortels, qui ont quand même
00:43:47 des conséquences sur les vies des individus considérables.
00:43:49 Il y a aussi un peu de justif... enfin, de l'expliquer,
00:43:51 pas de le justifier, mais de l'expliquer par le fait
00:43:53 qu'ils anticipent un risque grandissant.
00:43:55 Et en anticipant un risque grandissant, forcément, on réagit
00:43:59 de façon qui peut sembler parfois disproportionnée.
00:44:03 Voilà. D'où l'importance des politiques internes des institutions,
00:44:08 c'est-à-dire que les polices américaines ont considérablement
00:44:13 réduit le nombre de morts au début des années 80.
00:44:17 Vous avez beaucoup plus de décès mortels dus à des tirs policiers
00:44:20 aux États-Unis que dans n'importe quel pays d'Europe.
00:44:22 Mais ça a baissé dans les années 80, parce que vous avez
00:44:24 des grands départements de police, à New York par exemple,
00:44:27 qui ont concilié... avant même que le droit change,
00:44:30 qui ont commencé à dire "ben non, on n'a plus le droit de tirer
00:44:32 sur un suspect en fuite". Et en fait, ça a des effets
00:44:35 sur les policiers, parce qu'en fait, ils changent leur pratique,
00:44:37 vous avez des dispositifs de formation qui les accompagnent.
00:44:39 Donc, voilà, il ne faut pas laisser les policiers seuls
00:44:43 face à la violence à laquelle ils font face,
00:44:46 à la violence que eux peuvent utiliser.
00:44:48 – Mais la méfiance aujourd'hui à l'égard de l'État est telle
00:44:52 que l'État lui-même est soupçonné de ménager la police.
00:44:55 Car en cas de révolte, l'État devra compter sur la police,
00:44:59 ce sera la police qui le défendra.
00:45:01 Et on l'a bien vu au moment des Gilets jaunes.
00:45:03 Et que à ce moment-là, tout à coup, tout le monde se met
00:45:06 à suspecter l'État de ne pas vouloir contrarier la police.
00:45:11 Quand vous posez la question aux policiers,
00:45:12 ils n'ont jamais cette impression-là.
00:45:14 Mais par ailleurs, ça n'empêche pas un certain nombre de gens
00:45:16 de la voir. Mathieu ?
00:45:18 – C'est vrai, évidemment, que le pouvoir politique,
00:45:22 il ne faut pas oublier que la police est aussi un instrument du politique.
00:45:25 Le pouvoir politique ne peut pas perdre le soutien de la police.
00:45:28 On a vu par exemple que des protestations policières
00:45:32 ont pu avoir raison de ministres de l'intérieur.
00:45:34 L'exemple le plus récent, c'est en 2020, il y a l'affaire George Floyd,
00:45:38 il y a Christophe Castaner qui fait une série de déclarations
00:45:41 sur le fait qu'on réprimerait les soupçons avérés de racisme.
00:45:45 C'est une notion qui juridiquement n'existe pas.
00:45:47 Et vous avez tout de suite des protestations devant les commissariats
00:45:51 avec des policiers qui jettent leur menottes par terre,
00:45:53 qui font des grèves du zèle, qui n'émettent pas de PV.
00:45:57 Et on a quand même constamment, depuis des années, des décennies,
00:46:01 des ministres de l'intérieur qui sont très protecteurs
00:46:04 dans leur discours des forces de l'ordre.
00:46:07 Et j'ai presque envie de dire, alors ça remonte à plus longtemps que ça,
00:46:10 mais il y a eu une sorte de péché originel commis par Charles Pascua
00:46:13 quand il dit "je suis le premier flic de France".
00:46:15 Or le ministre de l'intérieur n'est pas le premier flic de France.
00:46:17 Le ministre de l'intérieur est un responsable politique
00:46:19 qui est l'émanation d'un gouvernement issu d'une majorité politique,
00:46:23 mais il n'a pas à se poser en fait en chef d'une corporation,
00:46:28 à laquelle d'ailleurs il n'appartient pas.
00:46:30 Mais vous remarquerez que ça rend populaire aussi en France.
00:46:33 Les hommes politiques qui ont été ministres de l'intérieur
00:46:35 ou qui sont ministres de l'intérieur sont généralement plus populaires.
00:46:38 Je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui, je n'ai pas regardé,
00:46:40 mais c'est souvent une manière d'acquérir de la popularité.
00:46:44 Oui, évidemment, parce que c'est un ministère régalien,
00:46:46 c'est un ministère qui permet de vous...
00:46:48 La défense aussi, vous n'êtes pas plus populaire.
00:46:50 Oui, mais...
00:46:51 Le ministère de l'intérieur c'est spécial, justement,
00:46:53 sans doute parce qu'un jour on pense que vous êtes le premier flic de France
00:46:57 et ça rend sympathique, ce qui est bizarre dans un pays qui par ailleurs
00:47:00 est si divisé sur la question de la police.
00:47:03 Oui, tout à fait, mais le ministère de l'intérieur gère le quotidien.
00:47:06 Vous faisiez la comparaison avec le ministère de la défense,
00:47:08 le ministère de la défense au fond, au quotidien, on n'y est pas confronté,
00:47:11 on n'est pas, à part sur Vigipirate ou Sentinelle,
00:47:14 on n'est pas véritablement confronté aux agents de l'armée.
00:47:17 La police, la gendarmerie, c'est une activité quotidienne
00:47:20 qui a une interférence dans nos vies.
00:47:22 Est-ce qu'il y a un modèle français de la police ?
00:47:26 Alors, c'est toujours difficile de parler de modèle,
00:47:29 ça renvoie aussi à ce que disait Etienne Klein tout à l'heure sur la théorie,
00:47:34 parce qu'en fait, un modèle, ça reviendrait en quelque sorte
00:47:40 essentialiser des caractéristiques qui distingueraient
00:47:44 la façon dont on fait la police en France d'autres pays.
00:47:47 Or, en France, vous avez toute une série de contradictions.
00:47:50 Déjà, l'organisation de la gendarmerie, les instructions données en interne
00:47:56 à la gendarmerie, le rapport au territoire des gendarmes
00:47:59 n'est pas le même qu'en police nationale.
00:48:01 Au sein de la police nationale, vous avez toute une série de différences.
00:48:04 Également, en fonction des unités, les cultures professionnelles
00:48:07 ne sont pas les mêmes, le rapport au contrôle n'est pas le même.
00:48:12 Donc, il faut quand même souligner la diversité.
00:48:15 Souvent, on oppose un modèle anglais qui serait la police du peuple
00:48:19 et un modèle français qui serait la police du roi.
00:48:23 On dit souvent aussi que la police anglaise, on insiste sur le fait
00:48:25 qu'elle n'est pas armée.
00:48:27 Et c'est là que, effectivement, les modèles ont quand même leur importance.
00:48:30 Parce que, c'est pas parce que les situations nationales sont contrastées
00:48:35 que les caractéristiques dominantes ne continuent pas d'exister.
00:48:40 En Angleterre, vous avez 10% des policiers qui sont armés,
00:48:44 là où en France, c'est la quasi-totalité.
00:48:46 En Angleterre, vous avez des orientations autour de ce qui s'appelle la police
00:48:50 par le consentement, où la qualité de la relation, l'usage minimal de la force
00:48:54 sont de véritables priorités.
00:48:56 Où la transparence est un élément, la mesure de la confiance
00:48:59 est également un élément à partir desquels on pense les politiques policières.
00:49:05 Et de ce point de vue-là, ça fait une différence.
00:49:07 - Et de quoi la population du pays, enfin de l'Angleterre,
00:49:10 en l'occurrence de la Grande-Bretagne, a confiance dans sa police ?
00:49:13 - Voilà. On mesure pour... - Ce qu'on ne fait pas nous.
00:49:16 - Voilà. On mesure pour évaluer la performance policière,
00:49:20 ou la qualité du travail policier, la confiance,
00:49:24 la satisfaction des usagers dans le travail policier.
00:49:27 Donc, de ce point de vue-là, en France, on peut dire que vous avez
00:49:30 traditionnellement une police qui s'est construite, adossée à l'État,
00:49:34 et qui doit aujourd'hui faire face à des demandes nouvelles
00:49:38 de tranquillité publique dans les territoires,
00:49:40 de coopération avec la société civile, d'utilisation minimale de la force.
00:49:44 Et donc, il faut que cette police, elle arrive à revoir sa matrice historique
00:49:48 dans une situation sociale qui a considérablement changé.
00:49:53 - Et il y a une demande que j'ajouterais à ce que vient de dire Jacques,
00:49:55 et c'est aussi la demande de transparence et de communication.
00:49:58 On en revient toujours aux réseaux sociaux, aux nouvelles technologies.
00:50:01 On est dans une ère où on peut directement interpeller l'autorité publique,
00:50:06 ou la police nationale, ou tel ou tel ministre, via les réseaux sociaux.
00:50:10 On a un accès à l'information qu'on n'a jamais eu.
00:50:13 Alors, je ne me souviens plus de la multiplication de la quantité de données
00:50:18 disponible au cours des 20 ou 30 dernières années.
00:50:21 C'est quelque chose d'absolument faramineux.
00:50:24 Donc, on a accès à l'information, on a accès à un certain nombre d'outils de contrôle.
00:50:28 Donc, on demande aux forces de l'ordre de s'aligner avec notre époque
00:50:32 et de communiquer, d'être plus transparent.
00:50:35 Et sur ce point, il y a encore une forme de retard qui est due à cette structure
00:50:39 très verticale, très centralisée, très nationale de nos forces de sécurité intérieure.
00:50:43 - On parlait de police judiciaire tout à l'heure.
00:50:45 La réforme de la police judiciaire annoncée par Gérald Darmanin,
00:50:48 elle rencontre pour l'instant, semblerait-il, une grande hostilité dans les rangs de la police.
00:50:54 Pourquoi ?
00:50:56 - Elle part d'une idée qui est... Il faut rappeler le point de départ.
00:51:00 C'est-à-dire que vous avez...
00:51:01 - Très vite, parce qu'il nous reste deux minutes.
00:51:03 - Je vais... En résumé.
00:51:05 Vous avez 17 000 enquêteurs de police judiciaire qui font du petit judiciaire
00:51:09 et qui ont énormément de dossiers de retard.
00:51:11 Et vous avez une élite police judiciaire, 4 000,
00:51:15 qui, elle, fait du travail qualitatif très apprécié par les magistrats.
00:51:19 Donc, l'idée a été de favoriser une forme d'harmonisation
00:51:23 pour que les seconds viennent au secours des premiers.
00:51:26 Sauf que la stratégie employée était une stratégie employée verticale,
00:51:32 avec une logique d'imposition qui a suscité beaucoup d'opposition,
00:51:36 non seulement en interne, de la part des enquêteurs,
00:51:39 qui ne voient pas très bien les enquêteurs de police judiciaire,
00:51:42 dans quelle situation ils vont se retrouver.
00:51:44 Ils ont peur d'être dans une hiérarchie étroite, mais aussi des magistrats,
00:51:48 parce que les magistrats se disent
00:51:49 « moi j'ai quand même un travail de qualité fait par des enquêteurs chevronnés
00:51:53 que je risque de perdre avec cette réforme. »
00:51:55 C'est-à-dire que la mauvaise enquête risque de chasser la bonne.
00:52:00 J'ajoute un point, pour simplifier le principe de cette réforme,
00:52:05 c'est d'avoir au niveau départemental un chef qui dirige la sécurité publique,
00:52:09 la PJ, le maintien de l'ordre, le renseignement.
00:52:11 Or, on est dans une profession, je parle de la police nationale plus que de la gendarmerie,
00:52:14 où on est ultra spécialisé, et où vous avez des identités professionnelles extrêmement fortes.
00:52:18 C'est-à-dire que l'enquêteur qui travaille en civil considère qu'il ne fait pas tout à fait le même métier
00:52:23 que l'agent de police secours qui est en uniforme au quotidien, au contact de la population.
00:52:28 Et le fait de mettre tous ces gens qui ont des identités professionnelles propres
00:52:31 sous un même chef est vu quelque part comme une remise en question
00:52:38 de leur identité et de leurs compétences.
00:52:40 Un mot ?
00:52:42 Un problème assez classique du lien entre les particularismes et le général.
00:52:47 Et on n'a pas parlé des guerres des polices, etc.
00:52:52 Du maintien de l'ordre.
00:52:53 Voilà, du maintien de l'ordre. Tout ça est traité dans votre livre.
00:52:56 Je vous remercie tous les deux d'avoir participé à cette émission.
00:52:59 On va faire un rappel des titres avec Isabelle Piboulot.
00:53:03 Et puis on se retrouve juste après. Etienne Klein reste avec nous.
00:53:07 On va s'intéresser à la réintégration qu'a l'air de vouloir le CIO des athlètes russes et biélorusses
00:53:15 dans les grandes compétitions sportives, y compris aux Jeux olympiques de Paris.
00:53:19 Dans Le Parisien, Emmanuel Macron a abordé le sujet de l'immigration.
00:53:26 Le chef de l'État souhaite que la future loi soit efficace et juste, présentée en un seul texte.
00:53:32 Selon lui, les procédures actuelles ne fonctionnent plus, elles sont beaucoup trop longues.
00:53:37 Nous devons être plus exigeants en matière d'intégration,
00:53:40 défendre une laïcité à la française, a-t-il déclaré.
00:53:44 Au Soudan, plusieurs pays évacuent leurs ressortissants et leurs diplomates.
00:53:48 Parmi eux, la France, l'Allemagne, les États-Unis ou encore le Royaume-Uni.
00:53:53 Deux avions militaires français transportant 200 personnes de différentes nationalités ont atterri à Djibouti.
00:53:59 Depuis le 15 avril, deux généraux s'affrontent pour prendre le pouvoir au Soudan.
00:54:04 Plus de 420 morts et 3 700 blessés sont à déplorer.
00:54:09 Et puis en clôture de la 32e journée de Ligue 1, Marseille s'est imposé 2-1 sur le terrain de l'Olympique lyonnais.
00:54:16 Ouverture du score par Sengiz Ünder en fin de première période.
00:54:20 Alexandre Lacazette égalise à la 68e minute.
00:54:23 Mais les Fosseyens l'emportent grâce à un but contre Sancan de Malou Boustod dans le temps additionnel.
00:54:29 Derrière le PSG, l'OM reprend donc sa deuxième place au classement, Lance est troisième.
00:54:36 [Musique]
00:54:41 Bienvenue, si vous nous rejoignez maintenant.
00:54:44 Etienne Klein est avec nous depuis le début de l'émission et publie "Court-Circuit" chez Gallimard.
00:54:49 Je vous présente les visiteurs du soir qui viennent de nous rejoindre.
00:54:52 François Poulet est astronome à l'Institut d'Astrophysique Spatiale.
00:54:57 Et Gilles Davidovic, c'est vice-président de la Société Astronomique de France.
00:55:02 Michel Chevalier va nous rejoindre à 23h30.
00:55:05 On fera le point sur la course à l'espace alors que la fusée Starship d'Elon Musk a explosé au bout de 4 minutes de vol.
00:55:12 Et que la sonde européenne de Jouyce est partie, elle avec succès, pour les lunes de Jupiter à 630 millions de kilomètres de la Terre.
00:55:19 Mais d'abord le CIO, le Comité International Olympique, voudrait bien réintégrer les athlètes russes et biélorusses aux Jeux Olympiques de Paris.
00:55:27 Et ce qui crée la polémique.
00:55:29 Guillaume Labbé, vous êtes président d'une agence de communication.
00:55:32 Vous avez publié dans Le Monde une tribune intitulée "Autorisons la réintroduction des athlètes russes et biélorusses, mais sous d'autres couleurs".
00:55:40 Marc Perelman, vous êtes architecte, professeur d'esthétique à l'Université de Danterre.
00:55:45 Vous avez beaucoup écrit sur les grandes messes du sport-spectacle.
00:55:48 Votre dernier livre, c'est 2024.
00:55:51 Les Jeux Olympiques n'ont pas eu lieu aux éditions du Détour.
00:55:54 Alors la question que pose le président du CIO, Thomas Bach, en fait, c'est "Est-ce que les athlètes doivent pâtir des décisions prises par les dirigeants de leur pays ?"
00:56:05 Qu'est-ce que vous en pensez, vous, Guillaume Labbé ?
00:56:08 C'est un vrai sujet.
00:56:09 Et d'ailleurs, plus généralement, est-ce que les civils doivent assumer ou pâtir des décisions des dirigeants politiques ?
00:56:16 Eh bien évidemment, on pense aux Ukrainiens qui souffrent des décisions acceptées par les Russes, qui choisissent de voter pour Vladimir Poutine,
00:56:26 qui, à ce que j'entends, n'ont pas créé de révolte vis-à-vis du régime.
00:56:32 Et donc, il est normal qu'à un certain moment, en effet, les Russes puissent avoir des déconvenues.
00:56:37 Et donc, les athlètes qui souhaitent aller aux Jeux olympiques à Paris, qu'on s'interroge notamment en tant que Français,
00:56:45 et donc payeurs de 9 milliards d'euros pour payer le monde...
00:56:50 Mais pas décideurs.
00:56:52 Mais pas décideurs.
00:56:53 Vous savez, ce n'est pas les pays, même pas le pays d'accueil, qui décident qui viendra aux Jeux olympiques ou pas.
00:56:58 Ce qui pose un énorme problème, notamment parce que...
00:57:00 C'est le temps de se réveiller, ça ne date pas d'hier.
00:57:03 Et quand on voit que ces 9 milliards vont être payés par la France, donc par les contribuables français,
00:57:08 il faut sans doute se réveiller.
00:57:10 Et c'était l'objectif de cette tribune, c'était de dire à tout le monde qu'il faut avoir une opinion
00:57:15 et ne pas acheter une espèce de scénario écrit d'avance,
00:57:18 où on dit que finalement, les pauvres athlètes russes doivent avoir le droit d'aller concourir à Paris,
00:57:25 que finalement, ce n'est absolument pas de leur faute ce que fait leur gouvernement.
00:57:29 C'est évidemment un marché dupe sur lequel il faut ouvrir les yeux.
00:57:33 Marc Perelman ?
00:57:35 Écoutez, la décision finale, ce sera le CIO.
00:57:39 C'est le seul qui décide in filé, comme on dit.
00:57:44 Après, c'est vrai que le CIO, dans cette affaire, a une position que je qualifierais de plus que pusyanime,
00:57:51 c'est-à-dire lâche.
00:57:53 D'ailleurs, ils sont maltraités par les Ukrainiens en particulier,
00:57:57 qui les accusent d'hypocrisie, voire plus, de co-responsabilité de crime de guerre,
00:58:02 tout simplement par rapport au fait que le CIO ne décide rien, de fait, pour l'instant.
00:58:09 Rien n'est vraiment décidé par rapport à la situation de guerre en Europe.
00:58:17 Il faut quand même savoir que l'Europe est en guerre,
00:58:20 que la France est directement impliquée dans la guerre par le fait des ventes d'armes, tout simplement,
00:58:25 et que doit-on accueillir des athlètes russes, biélorusses,
00:58:30 dont on sait pour la plupart que ce sont souvent des soldats d'État, des athlètes soldats d'État.
00:58:37 Ça peut faire quand même curieux.
00:58:39 Et je comprends de ce point de vue-là le gouvernement ukrainien,
00:58:43 qui est particulièrement révolté par la présence de ces athlètes.
00:58:49 Pour l'instant, le CIO a une position, comme je le dis, plutôt lâche.
00:58:53 C'est-à-dire qu'il ne prend pas position.
00:58:54 Il laisse pour l'instant faire les choses,
00:58:56 c'est-à-dire qu'il laisse en ce moment faire ce qu'on appelle les qualifications,
00:58:59 ce qui permet aux athlètes, tout simplement, de pouvoir participer.
00:59:02 Il faut faire un certain nombre de performances qui vous permettent d'accéder aux Jeux olympiques.
00:59:07 Il laisse pour l'instant courir, mais il y a quand même de grands débats.
00:59:11 Par exemple, la Fédération internationale de basket a décidé qu'il n'y aurait pas de Russes.
00:59:16 La Fédération des scrims a dit oui.
00:59:19 Mais ce qu'ils ont dit, c'est "laissons les fédérations".
00:59:21 Mais on voit bien qu'il laisse aussi débattre, au fond.
00:59:24 Il a envie de...
00:59:26 Et moi, j'ai l'impression, purement personnel,
00:59:28 mais j'ai l'impression qu'au fond, ils n'ont pas du tout l'intention, le CIO,
00:59:32 de réintégrer les Russes ou les Biélorusses.
00:59:34 Mais simplement, il laisse la porte ouverte.
00:59:36 Ne serait-ce que parce que Thomas Bach, le président du CIO, le disait lui-même,
00:59:41 priver les athlètes russes et biélorusses de compétition olympique,
00:59:44 en raison de leur passeport, c'est une atteinte au droit humain,
00:59:47 c'est de la discrimination.
00:59:49 Et en fait, en disant "moi, je suis prêt à rouvrir",
00:59:53 il empêche, au fond, toute contestation à son égard.
00:59:57 C'est la logique du CIO.
00:59:58 Le CIO, l'Olympisme, les Jeux olympiques, les Olympiades, le mouvement olympique.
01:00:03 Plus généralement, le mouvement olympique est un...
01:00:05 Comment dire ?
01:00:06 Est un vaste mouvement qui se situe au-dessus, au-delà des nations.
01:00:10 D'ailleurs, dans la charte olympique, vous n'avez pas le mot "nation".
01:00:14 Le mot "nation"...
01:00:15 - Et "pays", ça n'existe pas. - "Pays", ça n'existe pas.
01:00:16 - C'est les athlètes qui existent. - C'est les athlètes.
01:00:18 Mais c'est évidemment tout à fait contradictoire avec ce qui se passe réellement,
01:00:21 puisque les athlètes défilent derrière leur délégation,
01:00:24 derrière leur drapeau national.
01:00:26 Quand il y a une victoire, c'est l'hymne national.
01:00:29 Il y a un tableau officieux, évidemment, des médailles.
01:00:32 Le meilleur pays au tableau, des médailles d'or, etc.
01:00:37 C'est aussi contradictoire avec la charte.
01:00:39 Mais le CEO dans cette affaire a une position, c'est vrai, je répète,
01:00:42 plutôt lâche dans cette affaire, c'est-à-dire qu'il laisse pour l'instant faire
01:00:45 en espérant que l'Ukraine ne soit pas suivie dans son appel au boycott.
01:00:51 C'est ça, moi, qui m'intéresse.
01:00:53 C'est le fait que l'Ukraine ait dit
01:00:56 s'il y a des athlètes russes et biélorusses, y compris sous bannière dite neutre,
01:01:02 et ils disent d'ailleurs, les Ukrainiens disent, il n'y a pas de neutralité,
01:01:05 venez voir chez nous ce qui se passe,
01:01:07 eh bien dans ce cas-là, nous ne participerons pas.
01:01:10 Nous, nous appellerons au boycott,
01:01:11 donc ils feront en sorte que leurs propres athlètes n'y aillent pas.
01:01:13 Et ils sont pour l'instant suivis par la Norvège, le Danemark et la Pologne.
01:01:18 Alors on verra si le mouvement, ce que j'espère, vous l'aurez compris,
01:01:20 si le mouvement se poursuit.
01:01:22 Dans la Grèce antique, Guillaume,
01:01:24 les athlètes bénéficiaient d'un sauf-conduit pour se rendre aux Jeux olympiques.
01:01:28 On n'est pas sûr qu'il y ait eu la 13e olympique telle qu'on la connaît aujourd'hui
01:01:32 et ait existé à l'époque.
01:01:33 En revanche, on sait qu'ils avaient un sauf-conduit.
01:01:36 On pourrait imaginer ça aussi aujourd'hui en disant,
01:01:38 puisque comme le dit Marc Perelman, les États, les pays n'existent pas,
01:01:42 au regard de la charte olympique, ce sont les athlètes qui existent et uniquement eux.
01:01:45 Et ils sont sélectionnés par les comités olympiques.
01:01:48 Ce n'est pas le pays qui décide qui va y aller, c'est le comité olympique.
01:01:51 Donc on pourrait très bien imaginer des sauf-conduits
01:01:54 et on oublierait qui est russe, qui est ukrainien, qui est français.
01:01:57 Vous ne le voulez pas ça ?
01:01:58 Si, c'est un monde un peu hippie, qui est sympathique.
01:02:02 Et c'est vrai qu'on pourrait tout à fait imaginer
01:02:04 que ce sont des performances individuelles, des victoires individuelles.
01:02:07 On est rarement dans des sports collectifs dans les Jeux olympiques.
01:02:10 Donc pourquoi pas ?
01:02:11 Maintenant la réalité, c'est qu'on a des délégations qui défilent derrière leur drapeau.
01:02:15 Le porte-drapeau est toujours un choix assez politique aussi
01:02:18 et de communication important pour chacune des délégations.
01:02:21 Ce sont les hymnes des pays que l'on voit.
01:02:24 C'est les classements par pays.
01:02:26 On regarde à chaque fois les ministres des sports qui vont,
01:02:29 quand c'est à l'étranger, expliquer qu'on a eu tant de médailles, que l'objectif...
01:02:32 C'est d'ailleurs ridicule, il faudrait tempérer ça par la population.
01:02:35 Parce que comparer le nombre de médailles entre la Chine et la France,
01:02:39 60 millions d'habitants, 1,3 milliard, ça n'a aucun sens.
01:02:43 C'est pour ça qu'en réalité tout ça c'est très, en effet, un peu hypocrite.
01:02:47 Parce que c'est réellement une compétition de pays,
01:02:49 qui est une émulation qui est plutôt sympathique dans l'absolu,
01:02:52 comme une coupe de monde de football ou autre.
01:02:54 Sauf que là, dans la situation dans laquelle nous sommes,
01:02:57 nous avons un Etat qui massacre, qui martyrise un de ses voisins
01:03:00 face à l'indignation du monde, mais ça continue chaque jour.
01:03:03 Et ce sujet des athlètes russes et biélorusses,
01:03:06 est-ce qu'ils pourront ou non aller à Paris,
01:03:09 ça va être un sujet qui sera diplomatique.
01:03:11 Et donc d'ores et déjà, si dans les prochaines semaines, les prochains mois,
01:03:14 on apprend que le CIO autorise un pavillon neutre,
01:03:18 qui sera en fait, le nom ne s'appellera pas l'équipe russe,
01:03:21 ça s'appellera les athlètes de Russie.
01:03:24 Donc c'est une blague incroyable.
01:03:26 Il n'y aura pas les trois couleurs du drapeau russe, mais tout sera russe.
01:03:29 Donc moi, la proposition que j'avais, c'était en effet,
01:03:32 il peut y avoir une forme de sauf-conduit, et l'individu, l'athlète en lui-même,
01:03:35 dès lors qu'il n'est pas interdit, qu'il n'a pas de sanctions internationales,
01:03:38 il devrait pouvoir faire son travail.
01:03:41 Et donc les deux possibilités qu'on pouvait avoir,
01:03:43 et c'était au départ les Polonais qui étaient assez révoltés,
01:03:46 puisque eux savent évidemment de quoi sont capables leurs voisins,
01:03:50 avaient proposé que, par exemple, eux-mêmes puissent accueillir
01:03:54 une équipe de dissidents russes au sein de leur équipe.
01:03:57 Ou alors, on pouvait même aussi imaginer, un peu comme il y a eu
01:04:00 les forces françaises libres à l'époque de l'occupation allemande en France,
01:04:06 on pourrait aussi imaginer qu'il y ait une forme d'équipe de russes dissidents
01:04:09 qui pourrait être acceptée par le CIO.
01:04:11 Voilà qui est peut-être plus original qu'essayer de continuer à faire
01:04:14 cette espèce d'histoire, de boniment qui laisse penser
01:04:20 que finalement ce ne sera pas réellement une équipe russe,
01:04:22 ce sera une équipe d'athlètes venant de Russie.
01:04:24 Dans votre tribune, voudriez-vous que les athlètes russes,
01:04:28 qui ne viendraient pas sous leur propre dappôt, on a bien connu,
01:04:33 signent en plus un document attestant qu'ils ne soutiennent pas
01:04:36 l'invasion de l'Ukraine et qu'ils ne sont pas employés par l'armée russe
01:04:39 ou un organe de sécurité russe ?
01:04:41 C'est ce que les organisateurs polonais des épreuves qualificatives
01:04:45 d'escrime pour les Jeux olympiques de 2024 ont exigé des escrimeurs russes,
01:04:51 puisque la fédération d'escrime avait accepté le retour des Russes,
01:04:55 mais les Polonais ont mis ces conditions, les mêmes que les vôtres au fond,
01:05:00 et la Russie a refusé, estimant qu'il s'agissait d'une épreuve sportive
01:05:05 et pas d'une épreuve politique.
01:05:07 Est-ce qu'on peut décemment demander à des gens,
01:05:10 sachant qu'en plus il risque des représailles chez eux,
01:05:14 mais aussi de prendre des positions politiques ?
01:05:18 Ça va s'arrêter où ? On va demander aux Américains
01:05:21 s'ils condamnent l'attaque du Capitole ?
01:05:24 On va demander à chaque pays, aux Chinois,
01:05:28 s'ils condamnent la répression des Ouïghours ?
01:05:33 Ça s'arrêtera où ?
01:05:35 Personnellement, je ne suis pas contre certaines de ces idées-là,
01:05:40 mais la grande différence, tout de même,
01:05:42 c'est qu'on est face à une invasion d'un pays souverain,
01:05:45 il y a eu au moins 150 000 morts dans ce conflit,
01:05:49 il y a des sanctions internationales en cours,
01:05:52 toutes les règles du droit international sont bafouées chaque jour.
01:05:57 On est dans un tel état d'escalade qu'on n'a pas connu depuis des décennies
01:06:03 qu'il ne semble pas envisageable,
01:06:06 en tout cas c'est ce qu'avait dit la maire de Paris,
01:06:09 celle qui a un peu lancé ce débat-là,
01:06:11 en disant "en tant que maire de Paris,
01:06:13 je ne souhaite pas qu'on ait un drapeau russe
01:06:16 qui vienne défiler fièrement lors de ces Jeux Olympiques".
01:06:19 Je crois quand même que c'est vraiment sur cette question-là qu'il faut se poser.
01:06:22 Est-ce que, collectivement, on est prêt à finalement être complice
01:06:27 d'une forme d'opération de propagande du régime russe
01:06:30 qui sera probablement encore en guerre là ?
01:06:33 Si en fait ça devient le monde normal
01:06:36 et que les citoyens russes voient à la télé que finalement
01:06:39 ils gagnent des médailles, que tout va bien,
01:06:41 que les gens qui sont acclamés,
01:06:43 à quel moment est-ce qu'ils vont réaliser ça aussi ?
01:06:45 Je crois que c'est aussi l'occasion pour passer un message à cette population
01:06:48 qui est complètement endormie,
01:06:50 dont on dit qu'elle n'est pas si unanime derrière Vladimir Poutine,
01:06:53 qu'ils le voient aussi.
01:06:55 C'est important que ce soit concret,
01:06:58 et les sanctions pour les oligarques, d'accord,
01:07:00 mais à un moment aussi ça va peut-être réveiller les consciences en Russie.
01:07:03 Marc Perelman, c'est un cas unique,
01:07:05 parce que d'habitude on a des pays qui boycottent
01:07:08 les Jeux Olympiques des autres.
01:07:10 Là, un pays qui se fait sortir des Jeux Olympiques,
01:07:14 ce n'est pas arrivé si souvent que ça,
01:07:16 à part les vaincus de la Seconde Guerre mondiale,
01:07:18 qu'on a exclus après.
01:07:20 Ce n'est pas si propre que ça.
01:07:23 L'histoire même des Jeux Olympiques,
01:07:25 il y a celle qui est racontée évidemment par le CIO,
01:07:28 qui est très idyllique, magnifique,
01:07:31 mais il y a la vraie histoire des Jeux Olympiques,
01:07:33 celle à laquelle j'essaie de contribuer,
01:07:35 qui montre quand même que le CIO,
01:07:37 c'est la géométrie variable, les décisions.
01:07:39 D'abord, il n'y a pas de Jeux Olympiques pendant la guerre,
01:07:43 en 1916, en 1940 et en 1944.
01:07:47 Et l'Allemagne, après la Première Guerre mondiale,
01:07:51 ne revient même pas à Paris en 1924,
01:07:53 mais revient en 1928.
01:07:55 - Ni les vaincus en 1928.
01:07:57 - Oui, mais les pays qui étaient alliés à l'Allemagne
01:08:00 peuvent revenir.
01:08:02 Pareil, après la Seconde Guerre mondiale,
01:08:04 l'Allemagne revient très tard, je crois que c'était en 1948,
01:08:08 et le Japon refuse de venir.
01:08:12 Il y a beaucoup d'éléments qui font que,
01:08:16 quand il y a guerre, quand il y a conflit,
01:08:19 il y a des pays qui ne sont pas invités par le CIO,
01:08:22 d'autres qui refusent d'envoyer leur délégation.
01:08:25 On n'en parle jamais trop, mais par exemple,
01:08:27 si on s'intéresse vraiment au moment de la guerre,
01:08:29 Première et Deuxième Guerre mondiale,
01:08:31 on voit que les pays qui ont été considérés
01:08:33 comme agresseurs à juste titre sont exclus,
01:08:36 certains réintégrés, certains plus tôt,
01:08:39 certains plus tard, etc.
01:08:41 C'est ça qui est intéressant.
01:08:43 Ce qui est surtout intéressant, c'est l'histoire des boycotts.
01:08:46 C'est ça qui est intéressant,
01:08:48 et c'est ça qui fait vraiment peur au CIO.
01:08:51 Dès qu'il y a un boycott, le système olympique s'écroule.
01:08:57 Pourquoi ?
01:08:58 Parce qu'à partir du moment où vous n'avez pas
01:09:00 des nations qui sont là, et donc des concurrents,
01:09:03 l'enthousiasme, l'intérêt pour les prouesses,
01:09:06 les compétitions, que sais-je encore, s'effondre.
01:09:09 C'est vrai que quand il n'y avait pas les États-Unis à Moscou
01:09:11 et quand il n'y avait pas les soviétiques à Los Angeles...
01:09:15 Là, on ne sait pas trop ce qui va se passer.
01:09:17 Pour l'instant, il y a de quoi être un peu inquiet
01:09:20 avec ce qui se passe en Ukraine et en Russie.
01:09:23 Il y a de quoi être inquiet aussi avec ce qui se passe à Taïwan.
01:09:26 Je ne sais pas si, par exemple, la Chine décide
01:09:31 de récupérer sa 25e province. Qu'est-ce qui va se passer ?
01:09:35 Le CIO a une position très simple là-dessus.
01:09:38 Les pays seront exclus à partir du moment
01:09:42 où ils ne respectent pas la trêve olympique.
01:09:44 Mais pour le CIO, la trêve olympique, c'est quelque chose de très précis.
01:09:47 La trêve olympique, c'est une semaine avant le début
01:09:51 des Jeux olympiques et c'est une semaine après
01:09:53 la fin des Jeux paralympiques.
01:09:55 On peut se demander, d'ailleurs, si Vladimir Poutine
01:09:59 n'a pas fait… Quand il a attendu la fin des Jeux olympiques de Pékin
01:10:02 pour envahir l'Ukraine, mais ça tombait encore
01:10:06 dans la trêve olympique et d'où l'exclusion des Russes des Jeux.
01:10:10 Exactement.
01:10:11 Mais parce qu'il ne savait peut-être pas qu'il fallait attendre
01:10:14 la fin des Jeux paralympiques.
01:10:16 Il avait demandé, on le sait par les Américains,
01:10:18 Xi Jinping avait demandé à ce qu'il retarde,
01:10:21 son collègue retarde un peu l'entrée des chars.
01:10:25 Mais ça a été fait, il l'a fait quand même pendant la trêve.
01:10:28 C'est-à-dire que ça a été fait trois jours après la fin
01:10:30 des Jeux paralympiques, d'où l'exclusion.
01:10:32 Et le CIO a produit d'ailleurs un communiqué extrêmement précis
01:10:35 en disant que c'est sans précédent.
01:10:38 Effectivement, c'était sans précédent.
01:10:40 Parce que par exemple, pour les Jeux de Sochi,
01:10:42 même histoire, ils envahissent la Crimée,
01:10:45 ils l'envahissent pendant la trêve olympique.
01:10:47 Mais là, le CIO ne dit rien.
01:10:48 Pourquoi il ne dit rien ? Est-ce qu'il considérait
01:10:50 que la Crimée faisait partie déjà de la Russie ou pas ?
01:10:52 Je ne sais pas.
01:10:53 Mais vous voyez, il faut vraiment analyser de manière très précise
01:10:56 et connaître de manière très précise,
01:10:58 vous voyez, quels sont les critères, disons, de décision.
01:11:01 Parce que c'est une décision assez terrible.
01:11:04 C'est pour ça que je me demande si ça n'est pas assez unique
01:11:07 qu'un pays soit comme ça, tout enflé, exclu.
01:11:10 En l'occurrence, c'est unique.
01:11:12 Et on est confronté à quelque chose d'assez inédit,
01:11:14 d'où les questions qui se posent.
01:11:16 Vous y avez réfléchi, Etienne Coeur ?
01:11:18 Je ne vous demande pas forcément...
01:11:19 Je suis actuellement, je ne suis pas spécialiste.
01:11:21 Mon opinion n'a pas beaucoup d'importance,
01:11:22 mais je comprends parfaitement la position ukrainienne.
01:11:25 Et je la soutiens.
01:11:26 Je ne vois pas très bien comment des athlètes ukrainiens
01:11:28 pourraient accepter, au nom de l'universalité du sport,
01:11:33 de défier des athlètes dont le pays a envahi le leur.
01:11:37 Ça me paraît absurde.
01:11:39 Ça fait court-circuit.
01:11:40 Donc la position du CIO qui consiste à dire
01:11:43 "Oui, on aimerait bien les réintégrer sous bannière neutre, etc."
01:11:47 vous semble une hypocrisie, par la même occasion.
01:11:49 Ils n'ont pas du tout l'intention que ça se produise.
01:11:52 Je ne sais pas quelle est leur intention,
01:11:53 mais en tout cas, ça me paraît hypocrite.
01:11:55 C'est dur d'envisager, à l'heure des réseaux sociaux,
01:12:01 que quelqu'un croit un instant que c'est une bannière neutre.
01:12:05 Pourquoi ? Parce qu'on sait que le régime russe
01:12:07 est très fort pour donner de la visibilité extrême
01:12:10 à des choses qui sont vraies ou parfois inventées
01:12:12 sur les réseaux sociaux.
01:12:13 Et donc, on peut bien imaginer qu'il y aura
01:12:15 un tonnerre de visibilité sur les réseaux sociaux
01:12:17 dès lors qu'il y aura ces fameux neutres qui sont là.
01:12:20 Je vous rappelle que l'année dernière, à Wimbledon,
01:12:23 où les joueurs de tennis russes et biolorusses étaient interdits,
01:12:29 Elena Rybenko a remporté la compétition.
01:12:35 Elle est russe, elle est née à Moscou,
01:12:37 mais elle s'était fait naturaliser kazakh trois ans avant.
01:12:41 Voilà, personne n'est dupe.
01:12:44 On sait bien que c'est une russe qui a remporté,
01:12:46 mais l'hypocrisie fait que les apparences sont sauves.
01:12:49 Un peu comme quand Céline Dion a remporté l'Eurovision
01:12:53 sous les couleurs de la Suisse.
01:12:55 Tout le monde sait que Céline Dion n'est pas suisse.
01:12:57 On sait qu'elle est canadienne,
01:12:59 mais elle a quand même remporté l'Eurovision.
01:13:01 De toute façon, c'est politique.
01:13:03 Et c'est vrai que moi, je suis assez atterré
01:13:05 de voir que Martin Furka dit que les athlètes russes
01:13:07 n'ont pas à souffrir des idiocies de leurs dirigeants,
01:13:10 comme si c'était une bêtise, une petite bêtise.
01:13:12 Tony Estanguet, qui est finalement notre représentant
01:13:16 dans toute cette organisation,
01:13:18 il dit que les athlètes russes n'ont pas à subir
01:13:21 des décisions à cause de choses qui ne les concernent pas.
01:13:26 Ce terme de ne pas concerner, on est au cœur du sujet.
01:13:29 Est-ce que oui ou non, des Russes ou des Biélorusses
01:13:32 peuvent se sentir étrangers à ce qui se passe ?
01:13:35 Est-ce que des Ukrainiens peuvent se sentir étrangers à ce qui se passe ?
01:13:38 C'est là où nous, en tant que Français,
01:13:40 on ne peut pas non plus considérer que c'est le sujet du CIO.
01:13:43 On a eu quand même le mondial au Qatar
01:13:46 qui a posé question à une grande partie de l'opinion publique.
01:13:50 Le moins en moins, au fur et à mesure,
01:13:52 la compétition avait commencé.
01:13:54 On le savait bien, c'est la magie du sport.
01:13:57 Mais c'est vrai qu'il y a quand même un problème
01:14:00 sur la gouvernance de ces énormes événements sportifs
01:14:03 qui ne sont pas juste des événements sportifs,
01:14:05 mais des événements politiques planétaires,
01:14:07 avec, on a souvent l'impression,
01:14:09 des dirigeants qui sont des notables,
01:14:11 qui ont l'air d'avoir toutes sortes d'intérêts
01:14:13 qui ne sont pas forcément les intérêts de l'ONU,
01:14:15 mais les intérêts de la paix globale.
01:14:17 Alors que le sport est censé...
01:14:19 - Les intérêts, c'est vraiment les intérêts des sponsors,
01:14:22 principalement.
01:14:23 Vous savez, le CIO s'entoure de 14 sponsors,
01:14:26 avec de nouveaux sponsors.
01:14:28 Ils en excluent d'autres.
01:14:29 Par exemple, McDonald's a été exclu.
01:14:31 Mais les nouveaux sponsors, c'est, par exemple, Alibaba.
01:14:34 L'Internet chinois, c'est Airbnb.
01:14:37 Donc, il va être très lié, évidemment,
01:14:39 à ce qui va se passer dans la capitale française.
01:14:42 On nous annonce déjà qu'Airbnb a pris pratiquement en possession,
01:14:46 déjà un an avant, des appartements
01:14:49 qui vont être libérés par les Parisiens,
01:14:51 qui vont fuir, ça va être l'exode,
01:14:53 qui vont fuir Paris et qui vont pouvoir mettre
01:14:56 leur logement, comme propriétaire, d'ailleurs,
01:14:59 ou comme locataire, à peu près 1 000 à 1 500 euros la nuit.
01:15:03 Donc, ça va faire monter un petit peu les prix.
01:15:05 Ça va encore, une nouvelle fois, bouleverser, disons,
01:15:08 ce qu'il en est de notre pauvre Paris actuel.
01:15:11 Mais on voit que c'est vraiment une affaire financière
01:15:13 absolument considérable.
01:15:15 Alors, on nous annonce des chiffres.
01:15:18 C'était au départ 6 milliards d'euros.
01:15:21 C'est vite monté à 7, 8.
01:15:23 J'ai retrouvé, d'ailleurs, dans un débat à l'Assemblée nationale
01:15:27 que l'État, parce que je rappelle quand même
01:15:29 que normalement, c'est une ville haute qui accueille.
01:15:32 C'est pas un État, c'est une ville haute, en l'occurrence Paris.
01:15:34 J'ai vu quand même qu'à l'Assemblée nationale,
01:15:36 l'État avait quand même décidé de rajouter 3 milliards,
01:15:39 au cas où, remboursables jusqu'en 2027.
01:15:43 Donc, à mon avis, c'est encore une fois des Jeux olympiques
01:15:46 qui vont coûter une fortune pour un héritage nul.
01:15:50 Parce qu'il ne faut pas se faire d'illusions.
01:15:53 Le tourisme olympique, on l'a vu avec les Jeux de Londres,
01:15:56 par exemple, en 2012, le tourisme olympique
01:15:59 remplace le tourisme des gens qui viennent visiter la ville,
01:16:03 visiter les musées, etc.
01:16:05 C'est souvent un tourisme plutôt paupérisé.
01:16:07 - Les Jeux olympiques de Londres ont été bénéficiaires,
01:16:09 sur un plan pas strictement économique, non ?
01:16:12 - Non, non. Alors là, j'ai étudié ça de près.
01:16:15 L'hôtellerie, c'était une catastrophe.
01:16:18 - Restons sur cet aspect un peu inédit des Jeux olympiques
01:16:23 qui nous est posé aujourd'hui, avec l'exclusion ou la réintégration,
01:16:27 des athlètes russes et biélorusses.
01:16:30 François Boullée, quelque chose à dire ?
01:16:33 Quand vous n'êtes pas dans l'espace, ça vous...
01:16:35 - Justement, on peut peut-être prendre un peu de hauteur
01:16:37 et partir dans l'espace.
01:16:39 Ces répercussions de la guerre d'Ukraine,
01:16:41 elles ont des répercussions au niveau de l'exploration spatiale
01:16:44 et de la collaboration internationale entre les Russes
01:16:46 et le reste du monde,
01:16:48 essentiellement les États-Unis et l'Europe.
01:16:51 Mais il faut quand même rappeler,
01:16:52 j'espère que la situation va s'améliorer,
01:16:54 mais il faut rappeler que, par exemple, dans les années 60-70,
01:16:56 on connaissait tous la guerre froide,
01:16:58 et il y avait, l'espace restait un lieu de communication
01:17:01 entre les peuples, en tout cas entre les États,
01:17:03 même au plus fort de la crise.
01:17:05 Donc j'espère que l'espace pourra donner un exemple
01:17:08 et de continuer de montrer l'exemple,
01:17:10 c'est-à-dire de montrer qu'on peut coopérer
01:17:12 au-delà des frontières,
01:17:14 tout en sachant qu'effectivement,
01:17:15 la situation est quand même assez inédite,
01:17:16 parce que la répercussion de la guerre est énorme.
01:17:18 Les Russes se sont retirés, par exemple,
01:17:20 du centre spatial de Guyane, donc de Kourou.
01:17:23 Il y a très peu de coopération,
01:17:25 toutes les coopérations, même scientifiques,
01:17:27 qui étaient pour nous la base,
01:17:29 en tant que scientifiques, c'est la base,
01:17:30 la coopération internationale,
01:17:31 même cette coopération-là, c'est arrêté.
01:17:33 On peut difficilement communiquer
01:17:35 avec nos collègues russes, scientifiques,
01:17:37 qui étaient des amis, proches.
01:17:40 - Mais parce qu'on ne veut plus communiquer avec eux,
01:17:42 ou parce que ce sont eux qui ne veulent plus répondre ?
01:17:44 - C'est vrai que ce sont les Russes
01:17:45 qui se sont retirés du centre spatial,
01:17:47 c'est plutôt cette manière-là.
01:17:48 Pareil, il y avait un programme qui s'appelle ExoMars,
01:17:50 qui était pour explorer la planète Mars
01:17:54 avec un petit rover.
01:17:55 Il y avait une forte contribution russe,
01:17:56 ils ont retiré leur contribution,
01:17:57 donc là on se retrouve un peu nus.
01:17:59 Il faut qu'on remonte une nouvelle collaboration
01:18:01 avec d'autres pays, notamment les Etats-Unis.
01:18:04 - Et la Chine ?
01:18:06 - La Chine, c'est pareil, ça a aussi un impact
01:18:09 sur nos collaborations avec la Chine.
01:18:11 Ça me dépasse complètement,
01:18:13 mais en tant que scientifique,
01:18:14 nous on essaie de conserver des liens,
01:18:15 on essaie d'avoir des collaborations.
01:18:17 J'ai des collègues, par exemple,
01:18:18 qui sont en Chine ce week-end
01:18:20 pour essayer de nouer des collaborations scientifiques,
01:18:22 je parle, mais dans le spatial, effectivement,
01:18:25 ce n'est pas nous qui choisissons,
01:18:27 on a évidemment des agences spatiales qui sont au-dessus de nous,
01:18:29 et au-dessus de ces agences spatiales,
01:18:31 il y a l'État français, en l'occurrence pour le CNES,
01:18:34 et c'est eux qui décident,
01:18:35 c'est eux qui vont donner le goût pour collaborer ou pas,
01:18:39 et de manière plus importante.
01:18:42 - Gilles Davidowitz, sur cette question.
01:18:46 - Écoutez, le fondateur de la Société Astronomique de France
01:18:49 était un pacifiste, et son épouse aussi.
01:18:52 Ils ont milité il y a plus de 100 ans déjà pour la paix,
01:18:57 et c'est vrai que vous n'avez pas prononcé le mot,
01:19:01 mais il y a une forme de cynisme épouvantable quand même,
01:19:04 pendant que les gens meurent, en fait,
01:19:08 russes comme ukrainiens, parce que les russes meurent aussi,
01:19:11 alors ils ne meurent pas en Russie, ils meurent en Ukraine,
01:19:13 mais ils meurent quand même.
01:19:15 Voilà, il y a une forme de cynisme qui est assez détestable.
01:19:19 On est dans une époque extraordinaire,
01:19:22 où la technologie et la science n'ont jamais été autant partagées
01:19:25 ou aussi avancées, et finalement, on n'en tire pas les leçons,
01:19:28 et c'est assez inquiétant.
01:19:32 - Guillaume Labe ?
01:19:34 - Non, mais il faut...
01:19:36 Ce que j'espère simplement, c'est que les Français
01:19:39 s'emparent de ce sujet, que le débat puisse avoir lieu,
01:19:43 et qu'on ne se satisfasse pas d'explications un peu vaseuses,
01:19:48 un peu faibles.
01:19:50 Je pense qu'on est dans une époque où chacun peut vérifier
01:19:53 les informations, débattre, analyser, et que ce qui est en train
01:19:57 de se dessiner, c'est cette espèce de fausse mesure,
01:20:00 et cette non-décision, que ce soit démasqué,
01:20:04 et que ce ne soit pas pris comme argent comptant.
01:20:06 On a parlé de boycott, mais il y a aujourd'hui,
01:20:08 beaucoup de pays baltes qui disent qu'ils vont boycotter
01:20:10 les JO de Paris, si les russes reviennent,
01:20:13 et l'Ukraine par définition.
01:20:15 - La France ne peut pas boycotter les JO de Paris.
01:20:18 - En tout cas, la maire de Paris a dit qu'elle serait
01:20:21 très ferme sur le sujet.
01:20:23 - La maire de Paris n'a aucun pouvoir sur les JO de Paris.
01:20:26 - C'est vrai.
01:20:27 - Mais le président de la République...
01:20:29 - Elle n'en a pas beaucoup.
01:20:30 - Elle en a très peu.
01:20:31 Elle a signé un contrat.
01:20:32 - Voilà.
01:20:33 - Elle a signé le contrat avec Thomas Bach,
01:20:35 et d'ailleurs aussi un troisième larron à l'époque,
01:20:37 Denis Massé-Glia, qui était à l'époque le président
01:20:40 du Comité national olympique et sportif français.
01:20:42 Elle en signa trois.
01:20:43 C'est un contrat, il faut le lire.
01:20:44 Moi, je l'ai lu attentivement.
01:20:46 Le CIO se paye la part du lion.
01:20:49 C'est léonin, comme on dit.
01:20:51 Et là-dessus, Mme Hidalgo, elle ne peut rien.
01:20:54 Elle ne décide de rien.
01:20:56 C'est tout pour le CIO, rien pour Paris.
01:20:58 Et on lui demande surtout qu'elle accepte que les édifices
01:21:02 soient pris en otage, c'est-à-dire qu'il va y avoir
01:21:05 des bannières olympiques qui vont recouvrir
01:21:07 les bâtiments publics.
01:21:08 Ça, je m'étonne beaucoup que les politiques ne s'intéressent
01:21:12 pas à cette question-là.
01:21:13 C'est quand même tout à fait étonnant qu'un organisme privé,
01:21:16 le CIO, il ne faut quand même pas oublier,
01:21:18 c'est un organisme privé, cise à Lausanne,
01:21:20 ça fait rire certains, eh bien, voilà,
01:21:25 prennent en otage nos bâtiments, obligent Paris à,
01:21:29 j'ai lu le décret, à privatiser 185 rues boulevard-avenue,
01:21:34 ce qui vont devenir des voies olympiques.
01:21:36 Et on va se retrouver à l'époque du 18e siècle.
01:21:39 Il va y avoir les édiles olympiques qui vont pouvoir
01:21:41 être dédiées en délégence pendant le petit peuple.
01:21:43 Y compris sur le périphérique.
01:21:44 Y compris sur une voie du périphérique.
01:21:45 Donc, il y a quand même quelque chose d'assez...
01:21:47 Et c'est drôle parce que tout le monde se plaint,
01:21:49 pense que c'est Anne Hidalgo qui en a pris la décision,
01:21:52 alors que non, c'était le CIO.
01:21:54 Elle a accepté, d'ailleurs, tout à départ,
01:21:56 Mme Hidalgo était contre les Jeux olympiques.
01:21:59 Elle s'est retournée très rapidement sous la pression,
01:22:03 dit-on, de Hollande.
01:22:04 Et ensuite, elle a commencé à trouver ça merveilleux.
01:22:07 Mais peut-être que pour elle, elle imagine que c'est un tremplin,
01:22:12 nouveau tremplin, pourquoi pas.
01:22:14 Elle sera peut-être réélu maire,
01:22:15 elle va peut-être se présenter à la présidence.
01:22:17 Mais elle imagine ça.
01:22:18 Parce que pour les politiques, c'est ça.
01:22:19 Les Jeux olympiques, c'est aussi un tremplin important.
01:22:22 En tout cas, d'autorité.
01:22:23 Un dernier mot sur les Jeux olympiques ?
01:22:25 Ah non, non, non.
01:22:27 Vous pensez que vous les attendiez fébrilement,
01:22:28 en sportif comme vous êtes ?
01:22:29 Non, mais je viens...
01:22:30 Marathonien.
01:22:31 Vous avez dit sur Airbnb, pour les locataires...
01:22:34 Je rappelle que la flamme olympique est allée dans l'espace.
01:22:37 Pardon ?
01:22:38 La flamme olympique est allée dans l'espace.
01:22:41 Pour y faire quoi ?
01:22:43 Parce qu'elle part d'Athènes et elle va jusqu'au pays,
01:22:47 enfin, à la ville haute.
01:22:48 Et là, pour les Jeux, c'était les Jeux, je ne sais plus,
01:22:50 de Pékin ou de Sochi, je ne me souviens plus laquelle.
01:22:53 Elle est allée dans l'espace.
01:22:54 On l'a emmenée dans l'espace, dans une station.
01:22:57 Ça n'a pas dû lui faire de mal.
01:23:00 Ça n'a pas été heinte.
01:23:02 Ça va être le rappel des titres, Isabelle Piboulot.
01:23:05 Et puis, on s'intéresse ensuite à la conquête de l'espace.
01:23:09 Isabelle.
01:23:11 Pour défendre la réforme, contester des retraites,
01:23:16 Emmanuel Macron reconnaît qu'il aurait dû se mouiller davantage.
01:23:20 C'est ce qu'il a déclaré lors d'un échange avec des lecteurs du Parisien.
01:23:23 Le chef de l'État, qui a réaffirmé sa confiance envers Elisabeth Borne,
01:23:27 compte se réengager dans le débat public en ces temps difficiles.
01:23:32 Les incivilités se multiplient dans le centre hospitalier d'Avignon.
01:23:36 Les insultes et les agressions physiques ou verbales sont devenues récurrentes.
01:23:40 Caméras de surveillance, patrouilles de policiers,
01:23:43 la sécurité a été renforcée.
01:23:46 Mais les syndicats réclament une hausse des effectifs du personnel soignant.
01:23:50 Ils déplorent un manque de moyens pour soigner correctement les patients.
01:23:55 Nouvel épisode de tensions entre Moscou et Washington.
01:23:58 Les journalistes russes ne pourront pas suivre Sergeï Lavrov à l'ONU.
01:24:02 Le chef de la diplomatie russe sera présent à New York demain et mardi.
01:24:07 Mais les États-Unis ont refusé de délivrer des visas aux journalistes.
01:24:11 Sergeï Lavrov prévient.
01:24:13 « Nous n'oublierons pas, nous ne pardonnerons pas cette décision lâche de Washington ».
01:24:22 La fusée Starship qui doit ramener les Américains sur la Lune en 2025
01:24:26 a explosé jeudi, 4 minutes après son lancement.
01:24:29 Ce sont les ingénieurs de SpaceX qui ont appuyé sur le bouton d'autodestruction.
01:24:34 Une semaine auparavant, on assistait au grand retour.
01:24:37 Réussi celui-là de l'Europe et de la France dans la conquête spatiale
01:24:41 avec le lancement par une fusée Ariane 5 de la sonde Joules
01:24:45 vers Jupiter et ses trois lunes glaciaires, Europe, Calisto et Ganymède
01:24:50 à 630 millions de kilomètres d'ici.
01:24:53 Elle devrait arriver en orbite de Ganymède en 2034.
01:24:57 C'est la première fois que les Européens s'aventurent aussi loin, tout seuls, dans l'espace.
01:25:02 François Poulet, vous êtes astronome à l'Institut d'astrophysique spatiale
01:25:07 et le responsable scientifique du spectromètre MAGIS
01:25:11 qui a été embarqué sur la sonde.
01:25:14 Gilles Davidovits, vous êtes géographe de formation spécialisée
01:25:18 des surfaces planétaires, ancien membre de Mars Society.
01:25:22 Vous êtes vice-président de la Société Astronomique de France
01:25:25 et vous avez participé à la coordination du livre "Au plus près de la planète Mars".
01:25:29 Michel Chevallet, enfin, vous êtes journaliste scientifique, fort connu dans notre pays,
01:25:34 longtemps sur TF1, vous êtes aujourd'hui sur CNews.
01:25:37 L'explosion de Starship n'a pas eu l'air de traumatiser Elon Musk, le patron de SpaceX.
01:25:43 Pourquoi, à votre avis ?
01:25:45 Gilles Davidovits ?
01:25:46 Écoutez, Elon Musk, c'est un ingénieur qui réfléchit à long terme.
01:25:54 Donc, il travaille, il faut essayer un peu de se mettre à sa place en fait.
01:25:59 Donc, il travaille comme un ingénieur informaticien.
01:26:01 C'est-à-dire qu'il code, il teste au fil de son code.
01:26:06 Il n'attend pas la fin du projet pour tester.
01:26:08 C'est exactement ce qu'il a fait là.
01:26:10 Et par ailleurs, en fait, il a une vision à long terme, très structurante, très structurée,
01:26:17 qui est exactement la même transposée avec ce qu'il a fait dans l'automobile avec Tesla.
01:26:22 Il veut faire la même chose avec SpaceX, c'est-à-dire finalement transformer cette industrie
01:26:28 de façon à ce qu'elle soit rentable et productrice à la chaîne.
01:26:35 Voilà, et donc, c'est ce qu'il est en train de faire.
01:26:38 Il fabrique un moteur.
01:26:40 Ce n'est pas grave pour lui si ça…
01:26:42 Non, alors évidemment, c'est un…
01:26:43 C'est de l'argent public, vous allez me dire.
01:26:44 Alors, c'est aussi beaucoup d'argent à lui quand même.
01:26:46 Oui, oui.
01:26:47 Mais non, ce n'est pas très grave parce que d'abord, il est sud-africain.
01:26:50 N'oubliez pas qu'il gagne ou il apprend.
01:26:53 Il ne perd pas.
01:26:54 Quand on pense qu'il perd, il apprend.
01:26:57 C'est précisément ce qui s'est passé là.
01:27:00 Finalement, il a quand même réussi un décollage d'une fusée hors norme avec 33 moteurs au départ.
01:27:06 Alors, tous ne l'ont pas fonctionné.
01:27:08 On en reparlera avec Michel.
01:27:09 Tous n'ont pas fonctionné, mais c'est remarquable.
01:27:11 Rien que l'assemblage de cette fusée et ce décollage jusqu'à 40 km d'altitude est déjà une prouesse en soi.
01:27:18 Michel Chevalier, une prouesse pour vous ?
01:27:20 Voilà, je prolonge ce que dit mon ami.
01:27:22 Il faut bien comprendre ce qui s'est passé.
01:27:25 On ne comprenait pas.
01:27:26 On ne comprenait pas.
01:27:27 On lui a tout de même…
01:27:28 Tout lui réussit.
01:27:29 Et c'est vrai qu'il avait besoin d'une méga fusée, on y reviendra.
01:27:32 Il n'y a pas que la Lune, attention.
01:27:33 Il y a surtout les constellations de satellites.
01:27:35 Il avait besoin, il a besoin de cette fusée.
01:27:38 Et qu'est-ce qui s'est passé ?
01:27:40 En fait, ce n'est pas le lanceur qui était en cause.
01:27:42 Finalement, elle a bien fonctionné.
01:27:44 C'est la table de lancement qui n'était pas au point, qui n'était pas finie.
01:27:50 Mais il fallait, il y avait une urgence.
01:27:52 Il fallait y aller.
01:27:53 Il fallait y aller.
01:27:54 C'est-à-dire, je m'expliquerai rapidement.
01:27:55 Les 33 moteurs se sont allumés.
01:27:57 Moi, je l'ai fait en direct sur CNIOS.
01:27:59 Et à un moment, on n'a pas compris.
01:28:01 On a vu, la couleur de la flamme n'était pas la couleur de l'allumage.
01:28:05 Je me suis dit, il y a un problème.
01:28:07 En fait, il y a trois moteurs qui n'ont pas démarré.
01:28:11 On n'a pas compris.
01:28:13 Au bout de 10 secondes, elles se soulèvent.
01:28:15 Et là, dans le nuage de poussière qui n'avait pas prévu,
01:28:19 il y a des plaques de béton qui se mettent à virevolter autour du lanceur.
01:28:23 Mais ça va très vite.
01:28:24 Ça va très vite.
01:28:25 Vous allez voir la suite.
01:28:26 Et qu'est-ce qui s'est passé ?
01:28:27 Il s'est passé, là on le voit, il faudrait faire des arrêts images.
01:28:30 Et je l'ai fait.
01:28:31 Il s'est passé que les 33 moteurs, 7000 tonnes de poussée,
01:28:37 à des luches de feu,
01:28:39 a quasiment arraché le substrat en béton
01:28:43 sur lequel reposait la table de lancement.
01:28:46 Et donc, des morceaux de béton,
01:28:48 il y a des morceaux qui sont montés à près de 100 mètres de hauteur,
01:28:50 c'est-à-dire plus haut que, presque aussi haut que ça,
01:28:53 ont tapé et ont bousillé trois moteurs dès le décollage.
01:28:57 Et en plus, ont coupé les canalisations hydrauliques
01:29:00 parce que les moteurs bougent avec des vérins hydrauliques.
01:29:02 Et les ont arrachés.
01:29:03 Et c'est ceux-là qui ont brûlé et qui ont donné la couleur orange.
01:29:05 À 31 secondes, à nouveau un moteur pète.
01:29:08 À une minute et dix secondes, un troisième moteur.
01:29:10 Bref, à la fin, sur 33 moteurs, il y en avait 8 qui ne fonctionnaient pas.
01:29:15 Elle ne pouvait pas accomplir sa mission.
01:29:18 Et au bout de trois minutes, quand on a eu les images,
01:29:21 où là elle aurait dû satelliser son véhicule spatial,
01:29:24 la peau fusée au lieu d'être à 80 km et à peu près 10 000 à l'heure,
01:29:29 elle n'était qu'à 40 km, oui, 39 km et seulement 1600 à l'heure.
01:29:35 Donc moins de concorde.
01:29:36 Donc ça aurait été fini pour elle.
01:29:38 Est-ce que ça remet en cause le retour des Américains prévus sur la Lune en 2025 ?
01:29:45 Alors, pour Artemis II, non, a priori.
01:29:48 Mais effectivement, on peut se poser la question pour Artemis III.
01:29:51 Il est raisonnable de penser maintenant, étant donné le cahier des charges de la NASA,
01:29:55 très strict, que ça repousse probablement à 2027-2028 au minimum.
01:30:02 On n'est pas sur la Lune.
01:30:03 Lui, il dit, j'ai vu ses déclarations, il n'est pas l'âme artiste,
01:30:08 il dit bon, ben écoutez, on va rétablir la table,
01:30:10 on va bosser jour et nuit, parce qu'il mobilise,
01:30:14 on va réparer la table dans deux, trois mois.
01:30:17 Bon, je met un petit bout de, disons, six mois.
01:30:19 Et l'autre fusée est déjà prête.
01:30:21 C'est la septième, c'est des numéros 7, le lanceur,
01:30:24 et le véhicule spatial, c'est le numéro 25.
01:30:27 Vous vous rendez compte du nombre d'essais qu'il fait ?
01:30:29 Il les essaye, ça ne marche pas, on les découpe,
01:30:31 il y a un stock de pièces détachées effrayants.
01:30:34 Mais c'est ça, c'est lui.
01:30:35 Il a une idée, on le développe, on essaye, ça marche.
01:30:38 On prend, ça ne marche pas, on jette.
01:30:40 – Etienne Klein ?
01:30:42 – Oui, moi j'ai vu les images comme vous,
01:30:44 mais revenu en mémoire, ce ver de Victor Hugo,
01:30:47 attend l'ascension suprême de la chute.
01:30:50 [Rires]
01:30:52 – Oui, on peut dire ça, comme ça, effectivement.
01:30:54 Alors, les Européens, en ce moment-là, préfèrent Jupiter.
01:30:58 Qu'est-ce qu'on va faire sur Jupiter ?
01:31:00 Pourquoi Jupiter nous intéresse, François Poulet ?
01:31:03 – Jupiter, c'est une planète du système solaire externe,
01:31:06 donc c'est difficile d'y aller,
01:31:07 et on connaît finalement peu de choses de cette planète.
01:31:10 Même s'il y a plusieurs missions qui ont déjà été explorées,
01:31:13 ou en tout cas qui ont fait des survols du système Jovien.
01:31:17 Et ce qui nous intéresse plus particulièrement,
01:31:19 avec la mission de Juice, c'est d'explorer de manière attentive
01:31:22 les surfaces et la structure interne des satellites glacés.
01:31:25 – On voit le départ de la fusée Ariane 5 qui emmenait Juice
01:31:29 une semaine avant l'accident de Starship.
01:31:32 – Exactement.
01:31:33 Et donc l'objectif, c'est d'essayer d'explorer les lunes glacées.
01:31:37 On sait qu'en fait, on a un océan liquide sous la calotte de glace,
01:31:42 et donc ce haut liquide fait penser évidemment des conditions d'habitabilité,
01:31:46 c'est-à-dire éventuellement essayer de voir comment la chimie complexe
01:31:50 a pu se mettre en place pour éventuellement détecter des traces de vie.
01:31:54 Évidemment on n'en est pas là, c'est pas l'objectif principal de la mission,
01:31:57 mais c'est essayer vraiment de mieux caractériser ces objets,
01:31:59 et essayer de définir au maximum quelles sont les conditions d'habitabilité
01:32:04 actuellement, mais aussi dans le passé.
01:32:06 – Et alors quand on est le grand public de Rochefouille-Parti,
01:32:09 on se dit "bon c'est sûr on n'a pas les moyens des Américains,
01:32:13 probablement pas des Chinois non plus".
01:32:15 Tout le monde est excité à l'idée de retourner sur la lune,
01:32:18 voire de partir sur Mars, nous on a l'impression qu'on part sur Jupiter
01:32:22 dans notre coin, et attention c'est 630 millions de kilomètres à parcourir,
01:32:28 donc on n'est pas là-bas avant 2034.
01:32:30 Mais on a l'impression qu'on n'est pas dans la course.
01:32:34 – Je ne suis pas complètement d'accord justement, le fait d'être…
01:32:36 – Et quand même, la preuve !
01:32:38 – C'est une mission très ambitieuse, la mission de Jules,
01:32:40 c'est quand même une mission qui a 1,6 milliard d'euros,
01:32:43 ce n'est pas une petite mission, il n'y en a pas eu beaucoup
01:32:46 dans l'histoire de l'Homme.
01:32:48 – Et c'est la première fois qu'on va si loin tout seul !
01:32:50 – En Europe c'est ça, c'est la première fois, on était déjà allé
01:32:53 dans le système de Saturne, mais on avait utilisé le véhicule de la NASA.
01:32:56 – Mais pourquoi ça ne nous intéresse pas les vols habités,
01:32:58 pourquoi ça ne nous intéresse pas la lune ?
01:33:00 – Je dirais que l'exploration spatiale de la lune et de Mars,
01:33:03 surtout de la lune actuellement, telle qu'elle est vue par les Américains
01:33:05 et par les Chinois, c'est sûr qu'on n'est pas dans la course
01:33:07 puisque c'est vraiment une exploration à la fois stratégique,
01:33:10 avec des enjeux qui dépassent clairement…
01:33:12 – Militaire vous vouliez dire ?
01:33:14 – Militaire éventuellement, mais surtout, derrière le spatial,
01:33:17 effectivement vous avez toujours une composante militaire,
01:33:19 mais je dirais que c'est un enjeu stratégique, c'est de retourner sur la lune,
01:33:22 c'est essayer d'exploiter certaines ressources de la lune,
01:33:25 préparer ensuite le vol vers Mars, même si le lien entre les deux
01:33:29 n'est pas si facile que ça, et donc ça demande des moyens énormes.
01:33:33 Donc nous, l'Europe spatiale en tout cas, n'a pas souhaité développer
01:33:38 ce qu'on appelle la composante volabité du spatial,
01:33:41 donc ça veut dire volabité, ça veut dire amener des hommes sur la lune ou sur Mars,
01:33:45 en tout cas sur la lune dans un premier temps.
01:33:46 – On préfère les robots nous ?
01:33:47 – On préfère l'exploration robotique, ça a des avantages,
01:33:50 il y a beaucoup de réflexions qui se font sur la comparaison
01:33:53 de l'exploration spatiale robotique et humaine,
01:33:55 utiliser des robots ça a des gros avantages en termes de sécurité,
01:33:59 – Ils ne se plaignent pas.
01:34:00 – Ils ne se plaignent pas, en termes de sécurité,
01:34:02 ils n'ont pas besoin de ressources, beaucoup moins qu'un homme,
01:34:04 donc c'est d'une certaine manière plus facile d'explorer,
01:34:06 en tout cas de toute façon pour aller dans l'espace lointain,
01:34:09 c'est impossible, l'homme n'a pas sa place en fait pour l'instant.
01:34:12 – Même sur Mars on peut se poser la question, on va se la poser d'ailleurs.
01:34:15 – Exactement, on peut se la poser, on se la pose depuis longtemps d'ailleurs,
01:34:19 ça fait 20 ans qu'on parle de l'homme sur Mars,
01:34:21 même là on a actuellement une mission qui s'appelle Perseverance,
01:34:24 un petit rover qui est en train de collecter des échantillons sur la surface de Mars,
01:34:28 et là on essaie de monter en place,
01:34:30 d'ailleurs pour le coup l'Agence Spatiale Européenne l'ESA
01:34:33 et l'Agence Spatiale Française en tant que laboratoire aussi,
01:34:37 ont fait partie de cette mission, ça s'appelle le retour d'échantillons,
01:34:40 et même cette mission-là, retourner quelques échantillons,
01:34:43 ces échantillons qui font à peu près 10 cm de long sur 3 cm de diamètre,
01:34:48 on en a une vingtaine, la mission de collecter des échantillons,
01:34:52 de les ramener sur Terre, c'est une mission qui est complexe,
01:34:55 donc de là à amener tout le matériel et l'homme sur Mars,
01:34:58 c'est sûr que ça reste de la science-fiction.
01:35:00 - Michel Chevalier, c'est Elon Musk qui n'arrête pas de nous parler de Mars,
01:35:04 pensez-vous qu'il pense vraiment qu'il va pouvoir y aller ?
01:35:07 - Non mais il s'imagine que ça va être une colonisation,
01:35:10 il dit qu'il faut qu'on quitte notre planète Terre,
01:35:14 pour différentes raisons, on va être trop nombreux, c'est condamné,
01:35:17 on va être invivable et on va les coloniser, c'est joli !
01:35:20 - Jacques Lezos le disait déjà quand il avait 18 ans.
01:35:23 - Attendez, entre nous, il faut être un peu sérieux,
01:35:26 vous savez combien coûte un lancement de la fusée
01:35:29 qui remplace la Saturn V américaine, la SLS ?
01:35:32 Un lancement c'est 2 milliards de dollars,
01:35:35 et on va nous faire croire qu'on va aller sur la Lune
01:35:38 pour ramener des matériaux et les ramener sur Terre
01:35:42 quand on sait la difficulté, parce que c'est le poids, c'est l'ennemi ?
01:35:45 C'est réaliste !
01:35:48 - Étienne Klein ?
01:35:50 - Non mais moi j'ai le partage du scepticisme de mes collègues,
01:35:53 je pense qu'en fait on est terriens avant d'être humains,
01:35:56 c'est-à-dire que si on allait sur Mars, c'est possible,
01:35:59 mais on quitterait complètement notre façon d'être humain,
01:36:02 la gravité n'est pas la même, on doit voyager 6 mois dans des conditions très spéciales,
01:36:07 on arrive, il n'y a personne pour nous attendre,
01:36:11 il faut attendre un an ou un an et demi avant de retourner,
01:36:15 et quand on revient, on va y aller.
01:36:18 - Et surtout ils auront volé, ils auront vogué en apesanteur
01:36:22 pendant 6 mois, il faut qu'ils soient en forme,
01:36:25 la phase d'atterrissage est délicate, prêt à reprendre les commandes en manuel,
01:36:29 mais les gars ne sont pas opérationnels !
01:36:32 - Et c'est le moment où ils sont complètement en apesanteur,
01:36:35 c'est le moment où il faudra qu'ils bricolent une station
01:36:38 qui sera arrivée par une autre fusée avant,
01:36:41 et ce sera le moment de se mettre au bricolage. Difficile !
01:36:44 - Les astronautes s'entraînent pour ça,
01:36:47 on a maintenant des astronautes qui ont plusieurs centaines de jours
01:36:51 dans la Station Spatiale Internationale,
01:36:54 on connaît de mieux en mieux la physiologie humaine,
01:36:57 effectivement le vide spatial est un milieu hostile,
01:37:00 à l'intérieur comme à l'extérieur de la station ou d'une capsule,
01:37:04 donc Michel Chevalet a parfaitement raison,
01:37:07 ce n'est pas très réaliste aujourd'hui,
01:37:10 et puis objectivement ça n'a peut-être pas beaucoup d'intérêt scientifique
01:37:13 d'envoyer des êtres humains aussi bien sur la Lune que sur Mars,
01:37:16 parce que les robots coûtent beaucoup moins cher,
01:37:19 mais en fait ils sont plus efficaces, ça il l'a dit,
01:37:22 mais ils sont beaucoup moins chers que les êtres humains,
01:37:25 parce qu'il faut sécuriser, recréer une militaire autour des astronautes,
01:37:30 et là on n'a pas les budgets,
01:37:33 parce que c'est peut-être entre 500 milliards et 1000 milliards
01:37:37 pour envoyer une expédition sur Mars, ça n'a pas de sens.
01:37:40 - Et alors les Chinois eux en sont où ?
01:37:43 - Ils sont en train de grandir de plus en plus,
01:37:46 ils ont posé un rover justement sur Mars l'année dernière,
01:37:49 on n'en a pas beaucoup parlé, mais ça a été un succès dès le premier atterrissage,
01:37:52 donc c'est assez remarquable,
01:37:55 c'est sûr que là il y a le vrai compétiteur des Etats-Unis,
01:37:58 la NASA c'est les Chinois, c'est pas l'Europe.
01:38:01 Nous on essaie de participer autant que possible à l'exploration spatiale
01:38:05 avec nos moyens, mais je pense qu'on a des succès,
01:38:08 on n'a pas du tout les mêmes moyens que l'agence spatiale américaine,
01:38:14 les Chinois eux ils le placent sur un enjeu nationaliste,
01:38:17 ils voient la conquête spatiale comme quelque chose de nationaliste,
01:38:20 de poser vraiment leur drapeau sur les différents...
01:38:23 - Mais c'est pas le cas des autres !
01:38:26 - Oui, je suis peut-être un peu naïf, je suis d'accord avec vous,
01:38:29 c'est peut-être oui, vous avez un peu raison,
01:38:32 mais je dirais que c'est peut-être, par exemple le fait de retourner,
01:38:35 que les Américains retournent sur la Lune, c'est plus que remettre son drapeau sur la Lune,
01:38:39 ils l'ont déjà fait, c'est vraiment là, ils le voient comme un...
01:38:42 ils essaient de le voir de manière pérenne,
01:38:45 d'essayer de s'installer de manière pérenne éventuellement,
01:38:48 mais surtout ils le voient comme un tremplin pour développer leurs services spatiaux,
01:38:52 enfin les services de la conquête spatiale,
01:38:54 en mélangeant de l'argent étatique provenant du budget américain,
01:38:58 mais aussi provenant d'acteurs privés.
01:39:01 Donc on voit que là c'est une nouvelle manière, un nouvel écosystème
01:39:03 qui est en train de se mettre en place au niveau des Etats-Unis,
01:39:06 qui est vraiment différent de celui qu'il peut y avoir aux Etats-Unis,
01:39:09 en Chine, puisque c'est surtout mis en place par l'Etat chinois.
01:39:13 - Je voudrais vous apporter un autre éclairage tout de même,
01:39:16 dans la conquête de l'espace, la Lune ça fait rêver,
01:39:20 surtout quand il y a des hommes, on voit bien nous journalistes,
01:39:23 quand il faut traiter l'information, et qu'on dit tiens il y a un robot qui vient de se poser
01:39:26 sur la Lune sur Mars, la rédaction dit "Oh ben il y en a déjà, on refait, on a un mâle inouï à vendre".
01:39:33 Là, la fusée était nouvelle, il n'y avait personne à bord,
01:39:36 le Mars est mort, mais dès qu'il y a un homme, évidemment, il y a une émotion.
01:39:40 - Et demain, le jour où il y aura une femme.
01:39:42 - Non, il y a un autre chapitre, un autre volet en ce moment sur le spatial que l'on voit,
01:39:46 c'est la remilitarisation de l'espace.
01:39:49 Ouh là là là là, c'est énorme en train de se passer.
01:39:52 Il y a une course terrible relancée par les Russes, évidemment, les Américains et les Chinois.
01:39:58 Donc il faut vachement suivre ce truc.
01:40:01 - Et alors il y a aussi les zones dont on ne parle jamais,
01:40:03 en tout cas pas contre les gens sérieux, c'est les extraterrestres.
01:40:06 Or, je vous rappelle qu'autrefois, quand on est né,
01:40:10 on disait que la probabilité qu'il y ait des extraterrestres était ridicule.
01:40:14 Aujourd'hui c'est complètement inversé.
01:40:16 Avec la découverte des zones planètes, milliards de galaxies,
01:40:22 on se dit "Ce serait quand même dingue qu'il y ait zéro, qu'il n'y ait que nous".
01:40:26 - Pourquoi pas ?
01:40:27 - Vous le pensez ?
01:40:28 - J'ai vu la directrice du CETI, Nathalie Cameron,
01:40:34 que j'ai reçue à la radio sur Europe 1, qui vous dit "ben oui, il y a quand même des problèmes".
01:40:38 - Vous n'avez pas reçu Jean-Pierre Bivouin qui dit l'inverse.
01:40:41 Le fait qu'il y ait de plus en plus d'exoplanètes qui soient connus
01:40:44 n'est pas la preuve que la probabilité qu'il y ait de la vie extraterrestre augmente proportionnellement.
01:40:48 - Je sais pas, je vous pose la question, vous êtes meilleur en maths.
01:40:50 - Je ne connais rien, mais j'ai lu le livre de Jean-Pierre Bivouin
01:40:52 qui explique que l'histoire de la Terre, elle est tellement contingente,
01:40:56 tellement particulière, qu'elle a pu développer dans son atmosphère par exemple,
01:41:00 dans sa structure, une singularité telle qu'on ne la retrouve pas ailleurs.
01:41:04 C'est pas une preuve, je ne suis pas en train de dire que j'ai le seul dans l'univers.
01:41:09 - Les maths ne sont pas en faveur des extraterrestres finalement.
01:41:12 - Et puis les critères d'habitabilité sont quand même très restreints,
01:41:16 l'eau liquide, solide, il y a aussi le rayonnement cosmique, il y a aussi toutes sortes de...
01:41:20 - La contingence, le maître mot.
01:41:22 - Oui, vous...
01:41:24 - Je connais très bien Nathalie, j'ai beaucoup de respect pour elle,
01:41:27 elle est très positive en fait, et finalement, c'est un peu comme pour les religions,
01:41:33 on y croit ou on n'y croit pas, chacun a son opinion,
01:41:36 il y a des scientifiques qui croient à la vie extraterrestre partout.
01:41:40 Bon, Nathalie est très positive, en parlant même d'une douzaine de civilisations
01:41:44 technologiquement avancées dans notre galaxie.
01:41:47 Bon, pour l'instant, la réalité factuelle, c'est qu'on n'a aucune trace,
01:41:52 ni de près ni de loin, d'une quelconque autre forme de vie que la nôtre sur cette planète.
01:41:59 Donc ça, pour l'instant, c'est une évidence scientifique.
01:42:03 - Si on raisonne en termes de probabilité, évidemment,
01:42:08 eh bien loin d'être nul, vu le nombre de milliards de galaxies, etc.
01:42:13 - Oui, on ne sait pas comment calculer ces probabilités.
01:42:16 - C'est ça le grand truc.
01:42:18 - D'accord. Mais l'autre donnée, c'est de se dire,
01:42:21 est-ce que la planète Terre et la vie sur la Terre, c'est un phénomène singulier,
01:42:26 un ratage, qui nous a fort bien réussi, c'est merveilleux,
01:42:30 ou bien est-ce que les mêmes causes engendreront les mêmes effets,
01:42:34 dans les mêmes conditions, la vie sous forme très variée,
01:42:38 quel est le point commun entre une bactérie et un dinosaure, c'est ce qu'on dit,
01:42:42 et pourtant, ça vit. Le virus, c'est à la limite entre du non-vivant et vivant.
01:42:46 Et ça vit, on l'a vu avec le Covid.
01:42:48 Et donc, est-ce que les mêmes conditions amèneraient inéluctablement,
01:42:52 on en est là actuellement, d'où l'intérêt d'aller de s'occuper de ce qui se passe.
01:42:57 - Justement, Jupiter, dans les conditions éventuelles.
01:42:59 - Les gens venaient à Jupiter, mais ce n'est pas du tout les mêmes conditions.
01:43:02 - Non, c'est pas du tout, mais justement...
01:43:03 - Mais c'est toujours la vie qu'on cherche.
01:43:04 - C'est ça, le fait d'explorer d'autres planètes comme Mars
01:43:07 ou comme les satellites glacés de Jupiter, justement, c'est pour retrouver,
01:43:09 essayer de comprendre. Par exemple, pourquoi on ne connaît pas l'origine de la vie sur Terre ?
01:43:13 C'est parce que la Terre, finalement, la surface, c'est une surface très récente.
01:43:16 Il y a eu la technologie des plaques qui ont complètement remodelé, en fait,
01:43:19 la surface de la Terre, et donc on a perdu, en fait,
01:43:22 les traces très anciennes de plusieurs milliards d'années sur Terre.
01:43:25 Donc, comment on fait pour essayer de comprendre quelle était la vie,
01:43:28 enfin, comment la vie a pu éventuellement émerger sur Terre ?
01:43:31 On va voir sur Mars, parce que Mars a conservé, en fait,
01:43:33 ces conditions-là de plusieurs milliards d'années.
01:43:35 Et le fait d'aller sur les satellites de Jupiter, c'est justement, là,
01:43:39 c'est d'autres conditions, c'est de l'eau qui est souterraine,
01:43:42 qu'à l'eau de glacer, mais qui peut être en contact, en fait,
01:43:44 avec des sources d'énergie. Donc là, on a eau, on revient aux conditions d'habitabilité,
01:43:47 c'est-à-dire on a de l'eau, on a des sources d'énergie,
01:43:49 on est protégé des radiations cosmiques, il y a éventuellement un écosystème
01:43:54 qui a pu engendrer, donc c'est pour ça qu'on s'intéresse à ces lunes.
01:43:57 - Un dernier mot ?
01:43:59 - Non, moi, j'ai hâte d'être en 20...
01:44:02 - 31. En fait, c'est 2031.
01:44:03 - Ah oui, j'ai dit 2034.
01:44:05 - Non, on arrive en 2031, quand même.
01:44:06 - Ah, et on se met en orbite autour de Ganymède.
01:44:09 - C'est ça, en fait, on passe trois ans et demi dans le système de Jupiter
01:44:11 pour se mettre ensuite, en décembre 2034, autour de Ganymède.
01:44:14 - Et le temps de communication, c'est combien ?
01:44:15 - Là, ça sera demi-heure, deux heures.
01:44:18 - Deux heures entre le robot et nous.
01:44:21 - Oui, c'est ça.
01:44:22 - Ça va.
01:44:23 - Pour les émissions en direct, ça va être compliqué.
01:44:26 - Ah non, je suis sûr que Michel Chevalier sera en direct.
01:44:29 - Je serai encore là.
01:44:30 - Eh oui, bien sûr. Il n'y a aucun problème.
01:44:32 - Je vous remercie, tous les six, d'avoir participé à cette émission.
01:44:35 Je vous remercie de nous avoir suivis.
01:44:37 Et je vous donne rendez-vous, évidemment, samedi prochain
01:44:40 pour un nouveau numéro des Visiteurs du Soir.
01:44:43 Je vous souhaite une très bonne nuit.
01:44:45 Sous-titrage Société Radio-Canada
01:44:47 [SILENCE]