Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir
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00:00:00 Les quatre premiers visiteurs du soir sont déjà installés sur le plateau.
00:00:05 Ils seront huit en tout ce soir.
00:00:07 Mais d'abord, le rappel des titres Isabelle Piboulot.
00:00:11 Contre la réforme des retraites, demain, les syndicats veulent une démonstration massive
00:00:19 pour la fête du travail.
00:00:21 Et après douze journées de mobilisation, l'intersyndicale mise sur un raz-de-marée
00:00:25 dans les rues pour réclamer l'abrogation du texte, près de 300 rassemblements sont
00:00:30 prévus dans le pays.
00:00:31 A Paris, le cortège s'élancera à 14h, place de la République.
00:00:36 Pour les manifestations du 1er mai, l'utilisation de drones par les forces de l'ordre est contestée.
00:00:42 Des organisations ont obtenu en partie gain de cause devant le tribunal administratif de
00:00:47 Rouen.
00:00:48 L'arrêté du préfet de Seine-Maritime, qui avait autorisé les drones pour la mobilisation
00:00:53 au Havre, a été partiellement suspendu.
00:00:56 Deux autres requêtes seront examinées demain matin par le tribunal administratif de Bordeaux
00:01:01 et celui de Paris.
00:01:03 Et puis, dans le reste de l'actualité, Emmanuel Macron a redit son engagement à Volodymyr
00:01:08 Zelensky, à apporter toute l'aide nécessaire à l'Ukraine afin de rétablir sa souveraineté
00:01:13 et son intégrité territoriale.
00:01:16 Au cours d'un entretien téléphonique, les présidents ont fait état de la coordination
00:01:20 européenne en matière d'assistance militaire, alors que Kiev prépare une vaste contre-offensive
00:01:26 pour reprendre les territoires conquis par la Russie.
00:01:29 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir.
00:01:46 C'est la fin de la semaine, il est 22h, l'heure où les visiteurs du soir viennent
00:01:50 nous chuchoter à l'oreille.
00:01:52 Ils ne sont pas tous du même avis, vous allez voir, mais ils savent de quoi ils parlent
00:01:55 et ça va nous permettre de nous faire une opinion.
00:01:57 Servane Mouton est neurologue, elle publie "Humanité et numérique, les liaisons dangereuses",
00:02:03 elle veut nous alerter sur les risques pour notre santé physique et mentale que nous font
00:02:07 courir les écrans auxquels nous sommes de plus en plus accro.
00:02:10 Avec Thibault Guillouis, le haut commissaire à l'emploi du gouvernement d'Elisabeth
00:02:14 Borne, on va se demander si l'objectif annoncé par la Première ministre cette semaine d'atteindre
00:02:19 le plein emploi d'ici la fin du mandat d'Emmanuel Macron en 2027 est vraiment réalisable.
00:02:24 Ça fait quand même 45 ans que la France n'a pas connu le plein emploi et vous, vous
00:02:30 pensez vraiment qu'on peut faire ça d'ici 2027 ?
00:02:33 Écoutez, sur le premier quinquennat, en tout cas, on a mis fin au chômage de masse en
00:02:37 passant de 10 à quasiment 7 et là maintenant, l'objectif, c'est de passer de 7 à 5.
00:02:41 5% ce serait ça le plein emploi ?
00:02:44 Exactement.
00:02:45 Laurent Capelletti est professeur au CNAM, le Conservatoire des arts et métiers.
00:02:49 Il a lui aussi beaucoup réfléchi à la question de l'emploi.
00:02:51 Il n'est peut-être pas aussi optimiste, il va nous le dire tout à l'heure.
00:02:54 Et comme demain, c'est la fête du travail, on va s'interroger sur la fameuse valeur
00:02:58 travail avec laquelle les Français seraient fâchés.
00:03:01 Est-ce qu'on en a vraiment assez de travailler et comment ça se traduit ?
00:03:04 Corinne Maier, qui a fait un best-seller sur le sujet "Bonjour Paris" il y a une vingtaine
00:03:09 d'années, nous rejoindra à 23h.
00:03:11 Mais commençons par vous Frédéric Fara, vous êtes économiste, vous enseignez à
00:03:15 la Sorbonne, vous êtes l'auteur de "Fake State", l'impuissance organisée de l'État
00:03:20 en France aux éditions HVO.
00:03:21 Et dans une interview à l'hebdomadaire Marianne cette semaine, alors qu'une majorité
00:03:25 de ministres et de secrétaires d'État ont vu leur déplacement officiel perturbé par
00:03:29 des manifestants et que le renseignement territorial prévoit une journée historique pour le 1er
00:03:34 mai, demain à Paris notamment, avec 5 à 6 fois plus de monde que d'habitude, vous
00:03:39 vous expliquez que le gouvernement s'inquiète plus de la Commission européenne et des marchés
00:03:44 financiers que de l'opinion publique.
00:03:46 Pourquoi ?
00:03:47 Tout simplement pour plusieurs raisons.
00:03:49 Il y a un événement qui vient d'avoir lieu qui me donne un peu raison.
00:03:53 Là il y a eu la dégradation par l'agence de notation de la dette française.
00:03:58 Monsieur le maire était à Stockholm, il s'était empressé de dire à des ministres
00:04:02 européens que la France ferait tout ce qui était nécessaire pour faire passer des réformes
00:04:07 structurelles, il a dit structurantes, et il a dit que la France était capable de les
00:04:12 conduire, c'est-à-dire qu'il était capable de surmonter les oppositions qui étaient
00:04:15 massives dans le corps social.
00:04:17 Donc je crois qu'aujourd'hui, et ça n'a pas commencé avec ce gouvernement, ça a
00:04:22 commencé avant, il y a de plus en plus comme une espèce de cordon sanitaire, d'imperméabilisation
00:04:27 entre les gouvernements et l'opinion, et l'opinion peut se manifester de la manière
00:04:31 la plus démocratique qui soit, les syndicats, le pays peut être massivement contre.
00:04:36 Désormais les interlocuteurs majeurs, c'est ceux envers lesquels on a des engagements
00:04:40 financiers, c'est-à-dire les marchés financiers, parce qu'environ 50% de la dette publique
00:04:45 française est entre leurs mains, surtout des marchés financiers avec des investisseurs
00:04:49 étrangers, et la Commission européenne envers laquelle on a des engagements financiers qui
00:04:55 sont clairs, et d'autant plus qu'on attend de la Commission européenne des fonds dans
00:04:58 le cadre du plan de relance européen.
00:04:59 Donc je crois qu'aujourd'hui, il y a une situation démocratique préoccupante, c'est-à-dire
00:05:05 qu'une scène, comme on a pu le dire, une sécession des élites, une sécession un
00:05:09 peu des gouvernements, qui d'une certaine façon, il faut rassurer les marchés financiers,
00:05:13 plus eux et nos engagements financiers que la population.
00:05:19 Et ça n'a pas… Pour moi, il y a un moment de rupture, ça a été le CPE, le CPE ça
00:05:23 a été un des derniers moments où il a été possible d'infléchir les choses.
00:05:27 C'était sous Jacques Chirac.
00:05:29 Voilà.
00:05:30 Mais il y a eu avant d'autres épisodes qui étaient déjà inquiétants, qui étaient
00:05:34 la réforme Fillon, il y a eu des mobilisations, rien n'a fait, la réforme Wirth, la même
00:05:37 chose, il y a eu contre la loi El Khomri, alors c'est pas le même gouvernement bien
00:05:40 sûr, mais c'est la même logique qui s'est approfondie au fil du temps.
00:05:43 Et en plus, avec un étrange axiome qui guide les hommes politiques, et ça n'a pas attendu
00:05:47 le gouvernement actuel, plus on met les gens dans la rue, plus on est impopulaire et plus
00:05:51 on peut s'attribuer le brevet du bon réformateur, parce que plus les gens sont contre nous,
00:05:56 plus on pense qu'effectivement, on a raison et que c'est ça qui fait le réformateur,
00:06:00 c'est-à-dire son degré d'impopularité.
00:06:01 Et plus on le devient, plus on dit, voilà, on a fait face à la tempête et on a été
00:06:06 au-dessus.
00:06:07 Donc je crois qu'aujourd'hui, on est dans une situation où on est dans une logique
00:06:11 de dépossession des citoyens et que l'opinion des agences de notation devient plus importante
00:06:16 que l'opinion publique.
00:06:17 Vous êtes de ceux qui pensent que derrière la réforme des retraites, il y avait la Commission
00:06:20 européenne ?
00:06:21 Il y avait la Commission européenne, pas de manière directe au sens où elle dit qu'il
00:06:26 fallait la faire, mais je pense que par rapport aux engagements et ce que je viens de dire,
00:06:31 c'est évident, c'est-à-dire lorsque l'on est dans une trajectoire de réduction de
00:06:34 la dépense publique ou de sa progression, sachant que la plus grande part de la dépense
00:06:38 publique française est sociale, et dans le social c'est la maladie et la retraite,
00:06:42 évidemment c'est de ce côté-là que vont se faire les efforts.
00:06:44 Et regardez, stratégiquement c'est très intéressant, c'est-à-dire la France montre
00:06:49 aux autorités européennes qu'elle a été capable de conduire cette réforme au moment
00:06:52 même de la négociation des nouvelles règles budgétaires pour montrer qu'elle, elle veut
00:06:56 être un peu moins orthodoxe que l'Allemagne, mais pour montrer aussi pas de blanche, elle
00:07:00 a fait son effort.
00:07:01 Son effort c'est quoi ? C'est la réforme des retraites qui évidemment est encouragée
00:07:04 et souhaitée au titre des réformes structurelles par la Commission européenne.
00:07:07 Et c'est quoi les réformes structurelles ? Réformes du marché du travail, vers plus
00:07:10 de flexibilité évidemment, plus de concurrence sur les marchés des biens et services et
00:07:14 les autres, et réformes de la protection sociale.
00:07:17 Et si vous observez les réformes qui ont été conduites en Europe dans les années
00:07:20 90 jusqu'à nos jours, Italie, Allemagne, Angleterre, Portugal, Espagne, sur le marché
00:07:25 du travail, sur les retraites, avec les spécificités nationales, on est dans une convergence d'orientation
00:07:31 et de direction.
00:07:32 Donc voilà, donc je crois qu'aujourd'hui il y a quelque chose de préoccupant dans
00:07:37 la vie politique de notre pays, qui n'est pas simplement lié à cette majorité, même
00:07:40 avant, c'est l'histoire progressive d'une dépossession des citoyens, alors qu'on
00:07:44 voit des mobilisations sans précédent de la manière la plus démocratique du monde.
00:07:47 C'est une dépossession, on peut le voir aussi comme un gouvernement coincé entre
00:07:52 les marchés financiers, la Commission européenne et l'opinion publique, qui n'ont pas effectivement
00:07:58 forcément les mêmes intérêts.
00:07:59 Oui, je dirais coincé pas vraiment parce que dans le fond il y a une communauté de
00:08:04 vues en quelque sorte, entre par exemple, ça il faudrait l'observer, entre la Commission
00:08:12 européenne, Bercy, le gouvernement, c'est-à-dire qu'on pense que c'est ça le calendrier
00:08:17 des réformes qu'il faut faire, c'est-à-dire qu'il faut lutter contre les rigidités,
00:08:21 il faut réformer la protection sociale, et d'ailleurs quand on écoute le discours
00:08:25 de M.
00:08:26 Le Maire à Stockholm, il le dit lui-même, c'est-à-dire qu'effectivement c'est
00:08:29 la mutation du modèle social français dans des orientations qui sont celles qui sont
00:08:34 très largement partagées par les fonctionnaires européens, par la Commission européenne.
00:08:40 Donc je crois qu'effectivement il y a un hiatus entre des attentes sociales et un gouvernement,
00:08:48 celui-là et ceux d'avant, dans une direction que dans le fond la population ne veut pas,
00:08:53 c'est-à-dire plus de flexibilité sur le marché du travail, ce n'était pas ce que
00:08:57 souhaitait la population, ce que souhaite la population c'est une certaine sécurité
00:08:59 de l'emploi, ne souhaitait pas forcément de voir toutes ces réformes qui ont eu lieu
00:09:03 sur les retraites, et toutes les réformes qui ont été conduites, baladures à nos
00:09:06 jours, se sont traduites par des modes de calcul et des retraites beaucoup moins favorables.
00:09:11 Avant c'était sur 10 ans, maintenant c'est sur 25 ans.
00:09:13 La réforme baladure des retraites c'est 93, à l'époque c'est quand on passe
00:09:15 de 37 ans et demi à 40 ans de…
00:09:18 Voilà, et donc de 93 à 2023, sur un espace temporel de 30 ans, toutes les réformes se
00:09:22 sont traduites par le fait de travailler plus longtemps, des modes de calcul qui étaient
00:09:26 moins généreux, ça avait commencé également avec Philippe Séguin de 1987, avec la désindexation,
00:09:31 c'est-à-dire des retraites par rapport au salaire.
00:09:33 Donc il y a quelque chose qui est là depuis longtemps et maintenant qui se renforce par
00:09:38 le fait que les gouvernements décident, quoi qu'il en coûte, pour prendre une expression
00:09:44 très à la mode, de tenir, de s'arc-bouter et d'être dans de fausses concessions,
00:09:49 puisque Mme Bande quand elle appelle les syndicats, elle leur dit bon ben, on ne revient pas sur
00:09:53 l'histoire qu'on a dit de 64 ans, mais on va discuter de la pénibilité du reste,
00:09:56 alors que le cœur de l'affaire c'était l'allongement de la durée cotisation et
00:10:00 c'était les 64 ans.
00:10:01 Donc si vous voulez, aujourd'hui on est dans une situation que je trouve très préoccupante
00:10:05 parce que je pense que demain qu'il y a un autre gouvernement, qui ne sera peut-être
00:10:07 pas celui de Mme Borne, qui sera peut-être M. Macron, je crois que c'est une tendance
00:10:10 de fond qui va perdurer au-delà même des gouvernements qui par nature passent.
00:10:14 On a un représentant du gouvernement sur ce plateau, Thibaut Guilloui, vous partagez
00:10:19 ce point de vue ?
00:10:20 Pas vraiment à vrai dire.
00:10:22 D'abord j'ai passé une petite vingtaine d'années plutôt comme chef d'entreprise
00:10:27 ou à créer des associations d'insertion, donc je n'ai pas vraiment le curriculum
00:10:30 du technocrate à la base.
00:10:32 Maintenant ça fait cinq ans que je travaille sur ces questions d'inclusion et d'emploi
00:10:38 auprès des gouvernements d'Emmanuel Macron et ce n'est pas du tout ça en fait la réalité
00:10:43 que je constate.
00:10:44 Ce qui motive l'action, par exemple dans le domaine de l'emploi si on y revient,
00:10:50 c'est que quand on est arrivé il y a un petit peu plus de cinq ans, la principale
00:10:54 peur, l'angoisse d'avenir qui traversait quand même tous les Français, c'était
00:10:59 la peur du chômage.
00:11:00 Cette peur du chômage, en cinq ans, 1,7 million d'emplois créés, elle a reflué.
00:11:06 Est-ce que c'est une préoccupation des Français ? Oui.
00:11:08 Est-ce qu'on essaie d'y répondre ? Oui.
00:11:09 Est-ce qu'on fait tout bien ? Évidemment qu'il faut qu'on aille plus loin et c'est
00:11:13 aussi tout l'objet justement de cet objectif du plan d'emploi.
00:11:16 Mais c'est à partir des besoins concrets des gens qu'on construit les politiques
00:11:21 et qu'on prend des décisions.
00:11:22 On parlait d'Elisabeth Borne, la actuelle Première ministre, elle était ministre
00:11:27 du Travail.
00:11:28 Nous on a porté la politique "Un jeune, une solution".
00:11:31 Ça partait d'une réalité très concrète.
00:11:33 On sort du Covid, la crise la plus importante qu'on avait jamais connue.
00:11:40 On sait qu'après chaque crise, on l'a connue après 2008, c'est toujours les plus
00:11:44 précaires et les jeunes qui payent le plus lourd tribut à ces crises-là.
00:11:48 Mobilisation générale, "Un jeune, une solution", l'apprentissage, les aides au recrutement,
00:11:54 la mise en place du contrat d'engagement jeune pour les jeunes qui étaient les plus
00:11:57 en difficulté.
00:11:58 Et finalement, malgré cette situation et ces circonstances, on a baissé le chômage
00:12:02 des jeunes comme jamais.
00:12:04 On est revenu à une situation meilleure qu'il y a 40 ans.
00:12:07 C'est plutôt à partir de ces réalités concrètes et ces besoins des citoyens que
00:12:13 se conduit l'action du gouvernement.
00:12:14 Juste une réaction par rapport aux lois mises en œuvre.
00:12:17 Les études le montrent.
00:12:20 La réforme de l'assurance chômage va se traduire par une dégradation de la situation
00:12:25 des chômeurs.
00:12:26 Il y avait une étude qui avait été faite aussi dans cette direction.
00:12:30 Déjà que les chômeurs, majoritairement, ne sont pas indemnisés.
00:12:34 On va se retrouver avec une situation où les chômeurs vont être dans une situation
00:12:40 encore plus difficile que par le passé.
00:12:42 Est-ce que l'objectif est de mettre à disposition du marché du travail une main d'œuvre
00:12:46 en contrainte parce qu'elle se retrouve un peu bousculée du fait de ces nouvelles
00:12:51 règles d'indemnisation du chômage qui sont moins favorables aux travailleurs, qui se
00:12:57 retrouvent au chômage ?
00:12:58 C'est une réelle préoccupation avec cette idée qui est sous-tendue dans ce type de
00:13:03 réforme qu'en fait, si on est trop généreux en matière d'indemnisation du chômage,
00:13:11 les gens vont avoir une espèce de comportement rationnel qui va leur faire préférer le
00:13:14 loisir à l'activité.
00:13:15 Ce qui n'est pas toujours vérifié et loin de là.
00:13:18 Donc, si vous voulez, ça aussi, ça a été quelque chose sur lequel on peut discuter.
00:13:22 Les ordonnances Pénicaud ont fait aussi l'objet de contestations et ce n'était pas la seule
00:13:27 façon de répondre à la question de l'emploi.
00:13:29 On va demander son avis à l'Eurocapality.
00:13:31 Est-ce qu'à votre avis, toute la politique, une bonne partie de la politique économique
00:13:37 du gouvernement, est poussée par la Commission européenne et par les marchés financiers ?
00:13:41 Je ne crois pas.
00:13:43 Je trouve que c'est un argument plutôt politique pour dire, regardez, Macron est un afro-libéral,
00:13:48 il fait ça pour les marchés, etc.
00:13:50 Au fond, si on regarde en profondeur la situation, l'opinion publique et Emmanuel Macron sont
00:13:54 d'accord.
00:13:55 Le fond du sujet, c'est la retraite par répartition.
00:13:58 C'est le financement des services publics pour répondre aux besoins en santé, en sécurité,
00:14:03 etc.
00:14:04 Il y a un désaccord sur les moyens.
00:14:05 Emmanuel Macron dit que le moyen, c'est d'augmenter la durée de travail.
00:14:11 Pourquoi ? Parce que le travail, c'est le seul facteur actif de création de valeur.
00:14:14 L'erreur, si il y en a une, c'est plutôt un manque de négociation sur ce constat,
00:14:21 sur ce diagnostic.
00:14:22 Pourtant, on en a parlé.
00:14:24 Oui, mais quand on en a encore à dire, on nous vole deux ans de vie au travail, ça
00:14:31 veut dire que beaucoup n'ont pas compris que la clé du financement pérenne des services
00:14:36 publics, c'est pour ça qu'on a une dette.
00:14:37 Ils ne l'ont pas admis.
00:14:38 Ils l'ont peut-être très bien compris, mais ils ne l'ont pas admis.
00:14:40 Et le système par répartition demandait une solution.
00:14:44 Il y a trois solutions possibles.
00:14:46 On les connaît, ça a été dit et répété.
00:14:47 L'augmentation de la durée du travail ou l'augmentation des impôts ou la baisse des
00:14:52 pensions.
00:14:53 Emmanuel Macron a choisi une solution.
00:14:56 Moi, j'estime qu'il aurait fallu, il faut, et peut-être que les débats qui vont avoir
00:15:00 lieu là sur le travail, l'attractivité du travail vont servir de contrepartie à cet
00:15:05 effort qui est demandé.
00:15:06 Maintenant, le fond du problème, si on l'analyse, en réalité, les deux sont d'accord.
00:15:11 Les Français veulent préserver le système par répartition et l'offre de services publics.
00:15:17 Emmanuel Macron aussi.
00:15:19 Et le point intéressant, c'est que les marchés sont prêts à financer tout ça sous réserve,
00:15:25 qu'ils ne perçoivent pas un risque trop important, évidemment, sur le remboursement.
00:15:28 Deux remarques par rapport à ce qu'il vient de dire.
00:15:34 Il n'est pas vrai de dire que la seule solution, c'était d'allonger la durée d'activité
00:15:41 de deux ans supplémentaires.
00:15:42 D'autres économistes, d'autres études disaient qu'il y avait d'autres possibilités sans
00:15:47 agiter la peur des impôts comme l'espèce d'épouvantail, qu'on pouvait revenir sur
00:15:53 la question du levier des cotisations sans que ça plombe la compétitivité.
00:15:57 Oui, mais vous avez laissé entendre que c'était une solution qui était dangereuse ou qui
00:16:03 pouvait menacer.
00:16:04 Non, d'autres économistes, on les citait ici, disaient qu'il y avait d'autres possibilités.
00:16:10 Pour moi, ce qui me pose un problème, c'est de croire que l'option retenue par Emmanuel
00:16:14 Macron, c'est-à-dire de passer de 62 à 64 ans, était la seule raisonnable, la seule
00:16:18 défendable.
00:16:19 D'autres propositions ont été faites qui font qu'on pouvait faire autre chose que ça.
00:16:23 Et il y a eu tout au long, au moins à défaut que ça soit entendu par le gouvernement,
00:16:27 il y a eu sur les différents plateaux de télévision, dans la presse, d'autres voix
00:16:31 qui se sont élevées de manière la plus raisonnable, la plus sérieuse, pour montrer qu'il y avait
00:16:35 d'autres options par rapport à ce qu'il disait.
00:16:37 Sans compter que le corps lui-même, on dira ce qu'on voudra du corps, ne voulait bien
00:16:42 nous dire qu'on n'était pas dans une situation non plus dramatique pour faire vite.
00:16:46 Ça c'était un.
00:16:47 Et deuxièmement, par rapport à ce qu'il vient de dire, à condition effectivement
00:16:51 que les marchés financiers sentent qu'il n'y a pas un risque sur la dette française.
00:16:54 Donc on voit bien le rapport de force qui n'est pas le même.
00:16:57 Je vous interromps parce qu'il nous reste juste une minute Frédéric Farah.
00:17:01 On comprend les marchés financiers, ils ont prêté de l'argent, ils veulent qu'on
00:17:05 honore nos engagements.
00:17:07 En plus, on continue en emprunter, donc il faut les rassurer, c'est normal.
00:17:12 Mais la Commission européenne, on a l'impression quand on vous écoute qu'elle a une lubie.
00:17:16 Ce serait une lubie, qu'elle voudrait qu'on se désendette, mais c'est pas l'intérêt
00:17:21 de la Commission européenne d'opposer les gouvernements à leur opinion publique.
00:17:26 Sinon l'opinion publique risque de voter pour les partis qualifiés de populistes que
00:17:31 la Commission européenne ne chouchoute pas particulièrement puisqu'ils sont hostiles
00:17:35 à l'Europe et à la Commission européenne.
00:17:37 Donc oui, mais si vous voulez, pour moi, c'est ça l'étrange paradoxe.
00:17:41 Si on observe les recommandations européennes depuis plus d'une dizaine d'années, elles
00:17:49 vont aller dans un sens qui est inévitablement celui qui conduit à une austérité peut-être
00:17:55 relative, qui conduit à des réformes structurelles qui vont évidemment ne pas être acceptées
00:17:59 par la population.
00:18:00 Donc forcément, l'association à l'Union européenne va se faire.
00:18:03 Et d'ailleurs, c'est très intéressant ce que vous dites là, parce que dans le projet
00:18:07 de réforme des règles budgétaires, la Commission européenne veut introduire une souplesse
00:18:13 pour faire endosser à l'État un programme qui pourrait durer de 4 à 7 ans de rétablissement
00:18:18 de sa trajectoire de finances publiques, pour dire que c'est quelque chose qui a été
00:18:22 choisi dans le cadre national et qu'on ne va pas l'imputer à la Commission européenne.
00:18:26 Parce qu'on voit bien qu'il y a un lien inévitable entre les deux pour une raison
00:18:31 simple, c'est qu'à partir du moment que vous avez fait la monnaie unique, la monnaie
00:18:35 unique, ce n'est pas juste une monnaie unique, c'est des dispositifs budgétaires qui l'accompagnent.
00:18:38 Donc forcément, ça implique aux différents États d'aller dans une direction de réforme
00:18:44 qui est proche, pour ne pas dire identique.
00:18:46 On fait une pause et quand on se retrouve, on attaque l'objectif plein emploi 2027 du
00:18:54 gouvernement.
00:18:55 Stéphane Amayon nous a rejoint, il est économiste, il est professeur à l'INC Business School,
00:19:04 il a aussi beaucoup réfléchi à la question du chômage.
00:19:07 Alors, Elisabeth Borne a présenté cette semaine la feuille de route du gouvernement
00:19:11 pour les 100 prochains jours parmi les objectifs visés, le retour au plein emploi d'ici
00:19:17 la fin du quinquennat en 2027.
00:19:18 C'était une promesse d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle de l'année
00:19:22 dernière.
00:19:23 Sachant qu'on n'a pas connu le plein emploi en France depuis 1978, il était à l'époque
00:19:29 à 3,5%.
00:19:30 Est-ce qu'on peut y croire aujourd'hui ?
00:19:33 Thibault Guilhuis, est-ce que c'est faisable ?
00:19:36 Je rappelle que vous êtes le haut commissaire à l'emploi du gouvernement et que vous avez
00:19:41 rendu le mois dernier un rapport au ministre du Travail, Olivier Dussault, le rapport France
00:19:45 Travail, contenant 99 propositions.
00:19:48 Avec ces 99 propositions, on peut arriver au plein emploi dans 4 ans.
00:19:52 Ça ne va pas être les seules, c'est France Travail, c'est le service public de l'emploi
00:19:59 pour arriver au plein emploi.
00:20:00 Aujourd'hui, il faudrait faire baisser de 700 000 le nombre de chômeurs.
00:20:04 Si on intègre le halo du chômage, c'est même 1 300 000 emplois qu'on évalue pour
00:20:12 pouvoir atteindre cet objectif-là.
00:20:14 Ceux cinq dernières années, on en a fait 1 700 000.
00:20:17 Ça ne veut pas dire que ça va être simple.
00:20:19 En plus de ça, plus on se rapproche du plein emploi et plus l'enjeu de rencontre entre
00:20:26 les personnes et les emplois devient parfois un peu plus difficile.
00:20:31 On touche à des questions qui sont derrière l'emploi.
00:20:34 C'est certes une offre d'emploi, mais c'est aussi de la formation.
00:20:37 C'est aussi des questions de mobilité, parfois de garde d'enfants, de logement.
00:20:42 C'est ça l'enjeu.
00:20:44 C'est tout le sens de France Travail qui est le projet qui avait été annoncé par
00:20:48 le président de la République.
00:20:50 Finalement, on est quand même encore dans une situation paradoxale que les citoyens
00:20:53 comprennent parfois difficilement.
00:20:56 C'est qu'on a d'un côté de l'emploi, on n'a jamais connu autant de tensions sur
00:21:00 l'emploi, mais c'est quand même plutôt une bonne nouvelle.
00:21:02 Mais il n'y a pas une seule entreprise, de la plus petite à la plus grande, quels que
00:21:06 soient les territoires et j'ai envie de dire quasiment quels que soient les secteurs,
00:21:09 dont la principale difficulté, c'est de recruter.
00:21:11 Et de l'autre côté, même si effectivement le chômage a fortement reflué, on est quand
00:21:17 même encore à près de 7% de taux de chômage.
00:21:20 C'est quand même encore bien supérieur à certains de nos voisins européens et on
00:21:25 n'est pas encore au 5%, 4-5% qui sont l'objectif de plein emploi, le consensus là-dessus.
00:21:32 Et donc au milieu, qu'est-ce qu'on fait ? En fait, il y a énormément d'acteurs.
00:21:36 Il y a pour l'emploi, mais il y a tout un tas d'acteurs sur l'emploi.
00:21:39 Il y a des acteurs sur la formation.
00:21:41 Et puis, il y a ce que je disais sur ce qu'on appelle les freins périphériques à l'emploi.
00:21:45 Mais quand vous avez un problème de garde d'enfants, c'est ça qui peut vous bloquer
00:21:49 en fait sur ce retour à l'emploi.
00:21:51 Et donc tout ça, c'est énormément d'acteurs, énormément d'investissements qui sont faits
00:21:55 par le gouvernement bien sûr, mais aussi par les collectivités.
00:21:57 Mais il faut bien dire que ça devient un maquis un peu compliqué pour le demandeur
00:22:01 d'emploi comme pour le chef d'entreprise de s'y repérer dans tout ça.
00:22:04 Et donc tout l'enjeu de France Travail, c'est d'organiser un service de l'emploi qui apporte
00:22:09 la bonne solution au bon moment, aux bonnes personnes.
00:22:11 Et c'est à cela que les 99 propositions qu'on a écrites, c'est cette feuille de route là.
00:22:18 Faire équipe, organiser la coopération entre tous ces acteurs pour faire en sorte d'accompagner
00:22:23 mieux les chefs d'entreprise à recruter, d'accompagner mieux les demandeurs d'emploi
00:22:27 à résoudre leurs problèmes et à faire le parcours vers le retour au travail.
00:22:32 Stéphane Amaillon, on a juste une minute avant le rappel des titres, mais vous partagez
00:22:37 la conviction de Thibaut Guillouis, on peut y arriver ?
00:22:40 Je ne vais peut-être pas me lancer dans le détail de ce que j'avais envisagé de dire.
00:22:44 Vous aurez tout le temps après.
00:22:45 Ce sera en une minute, ce ne sera pas le cas.
00:22:48 Je vais faire un petit résumé.
00:22:50 Je veux dire d'abord que moi je ne suis pas opposé à l'allongement de la durée du travail,
00:23:00 au passage de l'âge de la retraite à 64 ans.
00:23:05 En revanche, et ça transparaîtra mieux à travers une analyse un peu plus précise,
00:23:12 j'ai des doutes sur le calendrier, sur la tenabilité du calendrier.
00:23:18 4 ans c'est court.
00:23:20 Le calendrier qui a été resserré.
00:23:22 On écoute le rappel des titres d'Isabelle Piboulot et on se lance dans le débat.
00:23:31 Parmi les changements du 1er mai, les prix du tabac vont augmenter en France métropolitaine.
00:23:36 Des hausses de 10 à 60 centimes pour la plupart des paquets de 20 cigarettes et de tabac à rouler.
00:23:43 Des augmentations conformément à la volonté du gouvernement de répercuter l'inflation sur le tabac.
00:23:48 Toutes les marques ne sont pas concernées.
00:23:50 La barre des 11 euros sera ainsi atteinte par de nouveaux paquets.
00:23:55 Malgré les désaccords sur la réforme des retraites,
00:23:57 la CFDT ira discuter avec la première ministre si elle est invitée à le faire.
00:24:03 C'est ce qu'assure Laurent Berger, invité du Grand Jury,
00:24:06 mais avec des préalables en termes de méthode et de sujet de fond.
00:24:10 Matignon a fait savoir vendredi qu'Elisabeth Borne
00:24:13 enverrait des invitations au syndicat la semaine prochaine pour tenter de renouer le dialogue.
00:24:19 Et puis au Soudan, la trêve globalement non respectée est prolongée pour 72 heures.
00:24:25 Elle a tout de même permis de maintenir les couloirs de passage sécurisés
00:24:29 pour l'évacuation d'étrangers et de poursuivre les négociations.
00:24:33 Face à une situation sans précédent,
00:24:35 l'ONU a décidé d'envoyer immédiatement dans la région son responsable pour les affaires humanitaires.
00:24:41 La guerre a fait au moins 530 morts et 4600 blessés.
00:24:45 Le taux de chômage, c'est vrai qu'il est le plus faible aujourd'hui depuis 2008, c'est 7,2%.
00:24:54 En 2008, c'était juste avant la crise des subprimes.
00:24:57 Ensuite, le chômage a augmenté.
00:24:59 Le plus haut que l'on ait atteint, c'est en 1997, 10,4%.
00:25:03 Et en 2015, 10,6%.
00:25:06 Alors 7,2%, c'est plutôt faible, mais c'est légèrement supérieur à la moyenne des pays de l'euro.
00:25:12 Donc vous y croyez, retour au plein emploi d'ici quatre ans, Laurent Capaletti ?
00:25:17 Alors oui, si en parallèle, il y a un choc d'attractivité du travail.
00:25:20 Parce que le principal problème, en fait, c'est d'attirer, de réattirer les gens au travail.
00:25:26 Comme on l'a dit, il y a des pénuries partout.
00:25:28 C'est lié à deux problèmes principaux, une adéquation de la formation avec l'emploi.
00:25:34 Et également, en fait, ce défaut d'attractivité de management qui font que les gens sont résistants.
00:25:40 Il y a aussi peut-être des secteurs qui recrutent qui ne sont pas très attirants par eux-mêmes.
00:25:44 Exactement.
00:25:45 Les gens n'ont pas envie de faire ces métiers-là.
00:25:46 Pour résumer, j'y crois, si.
00:25:48 Et en plus, c'est nécessaire par rapport à la décision qu'on a eue avant.
00:25:51 La meilleure façon de se désendetter, d'échapper à l'emprise des marchés financiers,
00:25:58 c'est de travailler pour créer la valeur nécessaire à notre, j'allais dire, auto-financement.
00:26:04 Avec Farah ?
00:26:05 Alors je suis sceptique, au-delà du calendrier.
00:26:09 C'est-à-dire que l'effort ne va pas simplement porter, comme il vient d'être dit,
00:26:13 sur créer plus d'emplois, répondre à la question du halo du chômage.
00:26:17 Il faut rajouter également le sous-emploi.
00:26:19 C'est-à-dire des gens qui travaillent et qui voudraient travailler davantage.
00:26:22 Et donc on pourrait à peu près chiffrer entre, si on additionnait le halo,
00:26:28 et plus le sous-emploi et plus la situation de chômage,
00:26:31 là on serait bien au-dessus des 7%.
00:26:33 Certains calculs évoquent 16%.
00:26:35 Donc effectivement, l'effort…
00:26:37 On pourrait être à 16% de chômeurs aujourd'hui.
00:26:39 C'est-à-dire que si vous additionnez…
00:26:41 Parce qu'en fait, quand vous prenez les 7%, de quoi on parle ?
00:26:44 On parle de la catégorie A du Pôle emploi,
00:26:47 qui correspond à l'équivalent de la manière dont l'INSEE,
00:26:51 reportée par le BIT évidemment, calcule les chômeurs.
00:26:53 – Le BIT c'est le Bureau international du travail.
00:26:55 – Donc voilà.
00:26:56 Donc selon cette catégorie-là, c'est-à-dire,
00:26:59 on est avec les chiffres que l'on donne,
00:27:00 c'est-à-dire des gens immédiatement disponibles,
00:27:02 qui ont travaillé 0h, qui font des démarches actives, etc.
00:27:05 Après, quand vous regardez les autres catégories du Pôle emploi,
00:27:08 B, C, etc., c'est des gens qui ont travaillé plus ou moins 78h dans le mois.
00:27:13 Donc c'est-à-dire que c'est des gens, 78h, si vous prenez 35h,
00:27:17 c'est deux semaines plus 8h, ça fait 78h.
00:27:20 – Donc eux, ils pourraient avoir envie de travailler plus.
00:27:22 – Ils pourraient avoir envie de travailler plus, etc.
00:27:23 Donc si vous voulez savoir l'effort qu'il faut faire
00:27:25 pour arriver à ce fameux Pôle emploi,
00:27:27 il faut tenir compte du halo du chômage,
00:27:29 c'est-à-dire ceux qui ne sont pas immédiatement disponibles
00:27:31 et qui ne cherchent pas,
00:27:32 le sous-emploi, c'est-à-dire ceux qui travaillent
00:27:33 mais qui voudraient travailler davantage,
00:27:34 et puis ceux qui sont effectivement en situation,
00:27:36 qui n'en ont pas d'emploi et qui sont immédiatement disponibles
00:27:38 et qui font des recherches actives, comme le dit le Pôle emploi.
00:27:41 Si vous additionnez tous ces gens-là, vous les mettez tous ensemble,
00:27:44 bon, après on peut discuter sur les chiffres,
00:27:47 on arrive à peu près à 16%.
00:27:49 Donc ça veut dire que dans le fond, si on s'en tient à catégorie A,
00:27:53 qui est l'équivalent INSEE, Bureau international du travail,
00:27:57 donc on est à 7.
00:27:58 Si vous ajoutez les autres catégories du Pôle emploi
00:28:03 plus le halo du chômage,
00:28:05 ben là on est avec une masse plus importante.
00:28:08 Donc là, qu'est-ce qu'on peut faire pour cela ?
00:28:10 C'est-à-dire faire en sorte qu'ils sortent du sous-emploi
00:28:13 et que le halo du chômage.
00:28:15 Et on retrouve ce que vous étiez en train de dire tout à l'heure,
00:28:17 c'est-à-dire qu'il y a certaines professions qui ont du mal à être recrutées
00:28:20 parce que les conditions de travail, les conditions de rémunération
00:28:23 sont problématiques, parce qu'il n'y a pas simplement l'idée
00:28:25 de trouver un emploi, mais un emploi qui vous préserve la pauvreté.
00:28:28 Je rappelle qu'en France, il y a environ 2 millions de travailleurs pauvres,
00:28:30 donc c'est-à-dire des gens qui ont un emploi,
00:28:31 et au lieu que le travail les protège de la pauvreté,
00:28:34 il les y conduit puisqu'ils se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté.
00:28:36 Donc il ne s'agit pas simplement de donner un emploi aux individus,
00:28:39 c'est la qualité de l'emploi, c'est-à-dire un emploi qui soit convenable,
00:28:43 c'est-à-dire qui permette de faire face,
00:28:45 d'autant plus à une situation dans laquelle, à mon avis,
00:28:48 on est placé pour longtemps, c'est-à-dire une inflation qui va rester,
00:28:51 à mon avis, relativement élevée dans le temps pour toutes sortes de raisons,
00:28:54 et de faire en sorte que certes, si on a un emploi,
00:28:56 mais avec un salaire où la fin du mois commence au 5 et pas au 20,
00:29:01 ça c'est un problème, et si en plus on sait quels sont les prix du logement,
00:29:06 en plus dans les grandes villes, on se dit d'accord j'ai un emploi,
00:29:11 mais s'il ne me permet pas d'accéder soit au logement,
00:29:14 soit de pouvoir assurer mon quotidien et peut-être aussi mes enfants.
00:29:18 Quand on regarde le budget loisir des personnes qui ont les revenus les plus faibles,
00:29:22 on voit bien qu'il n'est pas très important.
00:29:24 Donc l'emploi pour lui-même c'est formidable,
00:29:27 mais il faut aussi que ce soit un emploi stable,
00:29:29 et qu'on l'appelle un emploi typique,
00:29:30 c'est-à-dire qui permette une projection dans l'avenir,
00:29:32 et pas simplement se retrouver dans un quotidien de précarité.
00:29:36 – Thibaut Guillouis ?
00:29:37 – La qualité de l'emploi et la qualité du travail,
00:29:40 ça on est bien d'accord, et ça fait partie d'ailleurs des sujets
00:29:45 du pacte pour la vie au travail, où c'est quand même des discussions
00:29:47 entre les syndicats salariés et puis les entreprises
00:29:51 qui ont cette responsabilité première.
00:29:55 Maintenant, simplement, plus le chômage baisse,
00:29:58 et plus vous avez des leviers aussi pour pouvoir travailler
00:30:01 sur cette amélioration de la qualité au travail.
00:30:03 D'abord, pour revenir, là vous faisiez de la prospective,
00:30:06 alors en 2017 on faisait de la prospective,
00:30:08 mais maintenant on peut faire un retour sur image sur les 5 dernières années,
00:30:12 et là où certains disaient les lois de travail, les réformes structurantes
00:30:16 portées par le président Emmanuel Macron,
00:30:20 créeraient du sous-emploi, de la précarité,
00:30:23 force est de constater que c'est faux,
00:30:24 puisque la part de CDI a jamais été aussi importante,
00:30:27 elle a augmenté 5 fois plus vite que la part des CDD par exemple.
00:30:30 Quand vous avez des tensions très fortes,
00:30:32 par exemple dans l'hôtellerie-restauration,
00:30:34 vous l'avez tous suivi ces derniers mois, ces dernières années,
00:30:38 du coup il y a des négociations qui peuvent s'engager,
00:30:42 et là c'est +16% de rémunération qui s'est engagée là-dessus.
00:30:47 On voit bien aussi les restaurateurs ou les hôteliers
00:30:48 qui commencent à se remettre aussi un petit peu en cause,
00:30:50 à réfléchir à la journée, à la semaine de 4 jours, 5 jours,
00:30:55 de réorganiser un petit peu les temps dans le week-end,
00:30:58 d'éviter les coupures là-dessus.
00:30:59 Donc on a tout un chantier là-dessus,
00:31:01 mais plus on va vers le plein emploi,
00:31:03 plus on est dans une situation où le chômage est bas,
00:31:05 et plus ça sert aussi la qualité du travail,
00:31:08 et donc ça crée cet effet positif.
00:31:10 Maintenant ce qui est important,
00:31:11 et c'est tout le sens de France Travail,
00:31:15 c'est que vous avez quand même beaucoup de personnes aussi
00:31:16 qui se sont retrouvées sur le carreau pendant longtemps,
00:31:19 et donc il y a besoin d'accompagnement.
00:31:21 Et on a quand même abandonné pendant longtemps
00:31:24 l'idée d'accompagner vraiment de façon intensive
00:31:27 et de donner les meilleures chances à chacun
00:31:28 de pouvoir s'en sortir.
00:31:31 On a inventé le RMI avec le I de l'insertion,
00:31:33 mais qui n'a jamais vraiment existé.
00:31:34 En gros, un bénéficiaire du RSA aujourd'hui,
00:31:37 il a trois contacts par an, mails compris.
00:31:39 Comment voulez-vous qu'il s'en sorte,
00:31:40 alors que de temps en temps ça fait 3 ans, 4 ans, 5 ans, 10 ans,
00:31:43 qu'il a perdu confiance en lui, qu'il n'est pas au travail ?
00:31:46 Eh bien là, oui on investit,
00:31:48 nous on propose d'investir dans l'accompagnement intensif.
00:31:51 On l'a fait pour les jeunes,
00:31:52 le chômage est en train de très fortement diminuer
00:31:55 et on a l'intention de le faire
00:31:56 pour tous les demandeurs d'emploi de très longue durée.
00:31:58 Deuxième sujet, il ne faut pas oublier que derrière une entreprise,
00:32:01 c'est souvent le chef d'entreprise d'une petite entreprise,
00:32:03 d'une entreprise de moins de 10 salariés, de moins de 50,
00:32:05 il n'a pas forcément un DRH pour savoir comment recruter,
00:32:09 comment accompagner.
00:32:11 Ce qui fait que si vous accompagnez mieux,
00:32:13 et c'est l'investissement qu'on veut faire aussi sur France Travail,
00:32:16 c'est d'être le meilleur ami RH des entreprises,
00:32:19 parce qu'en fait, quand on va les voir pour leur demander
00:32:21 ce que vous avez envie de recruter,
00:32:22 figurez-vous que quand vous allez voir 100 entreprises,
00:32:24 au lieu de faire 138 emplois, ça en fait 148.
00:32:27 Donc c'est un bon investissement aussi de faire ça.
00:32:30 En un an, au bout d'un an, il y a 30% des CDI qui s'arrêtent.
00:32:35 C'est des échecs pour les personnes, pour l'entreprise,
00:32:38 et c'est un échec aussi pour l'emploi,
00:32:39 ce n'est pas bon pour l'emploi.
00:32:40 Donc si on investit sur l'accompagnement du chef d'entreprise
00:32:44 et du salarié pour que ça réussisse,
00:32:46 tout ça aussi c'est bon pour l'emploi.
00:32:47 C'est tout ça qu'on va retrouver dans France Travail,
00:32:49 c'est comment ensemble on va mieux améliorer le service de l'emploi
00:32:53 et ça crée de l'emploi, parce que vous réduisez les délais.
00:32:57 Vous, les 300 à 450 000 emplois non pourvus encore en 2022,
00:33:02 eh bien ceux-là, vous allez les réduire.
00:33:05 Et donc tout ça, mis bout à bout,
00:33:07 ça rend tout à fait possible d'aller au plein emploi.
00:33:12 Ça suppose un peu de coopération, et puis vous parlez de la formation,
00:33:15 c'est un élément absolument important,
00:33:16 et pourquoi l'emploi a été aussi dynamique sur les cinq dernières années,
00:33:21 c'est aussi, il ne faut pas oublier,
00:33:21 qu'on a investi dans le plan d'investissement, dans les compétences,
00:33:24 on n'a jamais investi autant dans la formation des demandeurs d'emploi.
00:33:27 Tout le monde disait, mais la formation, ce n'est quand même pas normal,
00:33:29 les demandeurs d'emploi n'y ont pas accès.
00:33:32 Là, on a multiplié par deux le nombre de formations
00:33:35 pour les demandeurs d'emploi.
00:33:36 On propose de maintenir l'effort,
00:33:39 de le cibler justement pour ceux qui en ont le plus besoin,
00:33:42 les personnes seniors, les personnes en situation de handicap,
00:33:44 les demandeurs d'emploi de longue durée,
00:33:46 parce que eux, l'effet sur l'emploi, c'est +10, +20, +30% de chances
00:33:52 de pouvoir retrouver un emploi, donc il faut maintenir l'effort.
00:33:55 Cette année, c'est quand même encore 2 milliards et demi qui est mis sur cela.
00:33:59 Stéphane Abaillon.
00:34:01 Oui, moi, j'ai une réflexion qui ressemble plus à celle d'un,
00:34:07 peut-être d'un bon élève, peut-être d'un mauvais élève.
00:34:10 J'ai listé les facteurs qui étaient susceptibles de faciliter
00:34:16 le retour à l'emploi et ceux qui étaient susceptibles
00:34:19 de freiner le retour à l'emploi.
00:34:21 Alors, il y a une chose quand même assez importante
00:34:24 que vous avez passée sous silence,
00:34:26 c'est que les perspectives macroéconomiques
00:34:28 sont relativement défavorables.
00:34:30 Dans la mesure où on a une inflation forte et face à la crainte
00:34:36 que l'inflation importée devienne une inflation endogène
00:34:40 par le biais de l'amorce d'une spirale prix-salaires,
00:34:45 les banques fédérales se sont lancées dans une hausse des taux planifiées
00:34:52 qui va se traduire par une baisse de l'investissement des entreprises,
00:34:55 par des difficultés d'accès au crédit pour les ménages,
00:34:59 ce qui veut dire qu'implicitement, les banques fédérales préfèrent
00:35:08 flirter avec la récession pour éviter la stagflation,
00:35:13 c'est-à-dire ne pas se retrouver dans une situation
00:35:16 dans laquelle on a une inflation forte sans croissance,
00:35:19 ce qui nous renvoie au milieu des années 70.
00:35:23 Donc ça, c'est quand même quelque chose...
00:35:25 - Ce qui n'est pas bon pour l'emploi.
00:35:26 - C'est quelque chose de lourd, on ne peut pas passer à côté,
00:35:29 parce que c'est un facteur dépressif sur l'activité.
00:35:34 Alors, on a aussi celle de formation,
00:35:39 enfin d'éducation qui a fait beaucoup de progrès, vous l'avez dit.
00:35:43 Malgré tout, on a encore 13% des 15-29 ans qu'on appelle les "nini",
00:35:52 parce qu'ils ne sont ni en emploi ni en études,
00:35:57 et ça représente quand même 1,5 million de jeunes,
00:36:02 et ils sont alimentés, ce stock est alimenté chaque année
00:36:06 par à peu près 100 000 jeunes qui sortent du système scolaire
00:36:13 en ne maîtrisant pas les bases de la lecture et de l'arithmétique.
00:36:19 Donc, il y a des progrès à faire quand même,
00:36:21 parce que le cumul des flux, ça finit par faire un stock compliqué.
00:36:27 Après, sur la formation, oui,
00:36:30 il y a énormément de choses qui ont été faites sur la formation,
00:36:34 mais moi, quand je regarde les dernières études de la Dares,
00:36:37 qui est le ministère du Travail,
00:36:39 je vois encore que, malgré les efforts, et je le reconnais,
00:36:45 la formation est fléchée sur ceux qui sont le mieux dotés,
00:36:51 c'est-à-dire les cadres et les professions intermédiaires,
00:36:53 au détriment des moins qualifiés,
00:36:55 et, paradoxe, elle a tendance à décliner avec l'âge des salariés
00:37:00 et avec une accélération après 55 ans.
00:37:03 Donc, il y a des progrès qui ont été faits,
00:37:06 mais il y a quand même des progrès à faire.
00:37:09 Après, je reviendrai peut-être sur un point positif.
00:37:12 – Je vais encore taper mon micro, c'est une habitude.
00:37:14 Laurent Capeletti ?
00:37:15 – Oui, alors, dans le rapport que j'avais fait
00:37:18 pour le Haut-Commissariat des Hauts-Plans l'an dernier,
00:37:20 ça allait complètement dans ces lignes-là,
00:37:22 sur la réindustrialisation durable.
00:37:24 Et ça rejoint complètement la problématique,
00:37:26 c'est-à-dire qu'en fait, en termes de perspective,
00:37:28 compte tenu des investissements faits, etc.,
00:37:31 il y a des besoins d'emploi.
00:37:34 Maintenant, la problématique, c'est comment les pourvoir ?
00:37:37 Alors, d'une part, par la formation,
00:37:39 d'autre part, c'est ce qui vient d'être dit,
00:37:41 là, je pense qu'il y a un consensus sur l'attractivité du travail
00:37:44 par la qualité des emplois.
00:37:46 Je vous rejoins sur le fait que, effectivement,
00:37:47 plus le chômage diminue et plus naturellement,
00:37:49 ça oblige les dirigeants à travailler sur les salaires,
00:37:53 les conditions de travail, etc.
00:37:55 Mais c'est un cercle vertueux,
00:37:57 c'est-à-dire que l'attractivité du travail
00:38:00 entraîne aussi le fait de vouloir travailler.
00:38:04 Donc, et c'est sur ce plan-là,
00:38:06 où en France, comparé aux pays qui sont en plein emploi,
00:38:10 parce qu'il faut quand même regarder nos voisins immédiats,
00:38:12 Allemagne, pays scandinaves en général, ils sont…
00:38:17 La Belgique y est presque.
00:38:18 Belgique y est presque.
00:38:19 Mais pourquoi ?
00:38:20 Parce qu'il y a 20 ans,
00:38:21 dans toutes les réformes qui ont été entreprises,
00:38:24 il y a eu aussi ces réformes, en fait,
00:38:26 au travers de négociations de proximité d'entreprises
00:38:29 sur lesquelles ils sont plus forts que nous,
00:38:30 il y a eu en fait des gros progrès sur la qualité du travail.
00:38:35 Mais il y a aussi, si tu peux me permettre,
00:38:38 et je vous rejoins complètement,
00:38:41 sur l'emploi industriel aussi.
00:38:44 On a perdu, on est maintenant à à peu près 10-11% d'emploi industriel,
00:38:50 là où on était à plus de 20 il y a encore 20 ans.
00:38:53 Et donc c'est pour ça que…
00:38:54 Mais par contre, réindustrialiser,
00:38:56 quand on a passé 30 ans, 40 ans à désindustrialiser le pays,
00:39:00 évidemment c'est tout un mouvement à engager sur l'éducation,
00:39:03 sur la formation, sur les installations là-dessus.
00:39:06 On peut se réjouir que quand même déjà depuis maintenant 2-3 ans,
00:39:08 il y a plus d'usines qui ouvrent que d'usines qui ferment.
00:39:12 Les effets emplois ne sont pas encore massifs,
00:39:14 mais n'empêche que là où on faisait de la destruction
00:39:17 chaque année d'emplois industriels,
00:39:18 maintenant en fait on a stoppé,
00:39:20 on a jugulé en fait cette perte
00:39:22 et même on commence à recréer des emplois industriels.
00:39:24 Donc ça c'est très important.
00:39:26 Mais aussi dans le domaine du numérique,
00:39:27 dans le domaine de la transition,
00:39:29 la planification écologique,
00:39:30 derrière la planification écologique pour la faire,
00:39:32 c'est aussi une question de compétences et d'emplois.
00:39:35 Sur les défis écologiques,
00:39:37 derrière c'est des compétences et de l'emploi.
00:39:39 Et donc tout ça c'est des métiers qui sont attractifs,
00:39:41 qui sont des métiers de demain,
00:39:42 mais ça renvoie à la question de la formation.
00:39:44 On en a parlé sur la formation des demandeurs d'emplois,
00:39:46 mais vous avez complètement raison.
00:39:47 Et pourquoi Emmanuel Macron,
00:39:49 il a annoncé aussi la réforme des lycées professionnels ?
00:39:52 C'est parce que effectivement,
00:39:53 sur l'immense majorité des jeunes
00:39:56 qui sortent en difficulté,
00:39:59 souvent sortent des lycées professionnels.
00:40:01 Et donc c'est la première fois qu'on va investir,
00:40:04 et ça va être annoncé là dans les modalités,
00:40:07 dans les jours qui viennent,
00:40:08 mais de façon assez massive sur le lycée professionnel.
00:40:11 On l'a fait sur l'apprentissage.
00:40:12 On a cassé un petit peu cette idée
00:40:15 que seul le diplôme et puis l'apprentissage théorique
00:40:17 comptent finalement.
00:40:19 L'apprentissage, maintenant ça bénéficie à tout le monde.
00:40:22 Je rappelle quand même plus de 800 000 apprentis.
00:40:24 On a démarré le quinquennat,
00:40:25 on était à moins de 300 000.
00:40:26 Et ça faisait quand même des années et des années
00:40:28 qu'on nous disait "développons l'apprentissage,
00:40:29 développons l'apprentissage" et qu'on n'y arrivait pas.
00:40:32 Donc du coup, effectivement,
00:40:34 il y a des progrès qui ont été faits dans le domaine,
00:40:36 mais si on considérait qu'on en avait fait suffisamment,
00:40:39 on ne se dirait pas qu'on a envie d'aller de 7 à 5 %.
00:40:43 Frédéric Fara, un peu de pessimisme ?
00:40:47 Oui, parce que là, c'est...
00:40:48 Non mais il ne faut pas croire que...
00:40:51 Vous tempérez.
00:40:53 Oui, alors je tempère, je vais jouer le pessimiste
00:40:56 et je suis prêt à assumer tous les mauvais rôles,
00:40:58 l'épouvantail, etc.
00:41:00 Donc je vais continuer,
00:41:01 parce qu'il n'y a aucune raison de m'arrêter.
00:41:04 Oui, alors quelques remarques sur ce qui vient d'être dit en vrai.
00:41:07 Alors l'histoire du RMI,
00:41:09 on a eu la version ensuite de RSA,
00:41:11 on a fabriqué un truc qui était un peu une usine à gaz,
00:41:14 qui était le RSA Activité,
00:41:16 qui n'était pas très clair dans son organisation.
00:41:19 Et aujourd'hui, ce qu'on oublie de dire sur le RSA,
00:41:21 c'est que c'est un vrai problème
00:41:23 qui est à la fois passionnant et problématique,
00:41:26 c'est la question du non-recours.
00:41:28 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, un des gros problèmes en France,
00:41:31 c'est le non-recours.
00:41:32 C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de gens qui auraient droit au RSA,
00:41:34 mais qui ne le demandent pas.
00:41:35 Beaucoup de gens qui pourraient avoir droit aux indemnités de chômage,
00:41:37 ne le demandent pas également.
00:41:39 Et qui fait que l'État,
00:41:41 que ce soit sur le RSA ou les indemnités de chômage,
00:41:43 fait des économies en tant que telles,
00:41:45 parce qu'il y a des gens qui pourraient avoir recours.
00:41:47 En fait, ils gagnent plus là qu'ils ne perdent par la fraude sociale ?
00:41:50 En quelque sorte, parce que soit c'est trop compliqué administrativement,
00:41:54 soit ils ne savent pas qui doit le faire.
00:41:56 Donc, ce qui fait qu'aujourd'hui,
00:41:57 c'est un vrai sujet de protection sociale,
00:42:00 c'est le non-recours.
00:42:02 Ça, c'est un vrai problème sur lequel ce gouvernement,
00:42:04 comme les précédents, planche.
00:42:06 C'est une vraie question.
00:42:07 Ça, c'est un.
00:42:08 Deuxièmement, par rapport à...
00:42:09 Agis, agis.
00:42:11 Agis, si vous voulez, etc.
00:42:13 Mais comme je suis pessimiste et que je ne voulais pas aller dans votre sens,
00:42:15 donc j'ai dit réfléchis.
00:42:18 Mais agis, je veux bien vous l'accorder.
00:42:21 Deuxièmement, sur la croissance.
00:42:23 Alors, c'est très intéressant sur cette question.
00:42:26 Parce que quand on observe la phase qui va de 2007 à 2022,
00:42:31 je veux dire en Europe,
00:42:33 la croissance est beaucoup moins dynamique que sur la phase précédente.
00:42:37 Pourtant, que voit-on ?
00:42:39 On ne peut pas dire que la machine à créer de l'emploi s'est arrêtée.
00:42:41 On a créé de l'emploi alors qu'on a vu une croissance depuis 2007
00:42:45 qui est plus faible que la période précédente.
00:42:48 Sur les 15 dernières années, en tendance, la croissance était plus faible.
00:42:51 Donc, qu'est-ce qui se passe ?
00:42:51 Et là, on retrouve le problème que vous disiez tout à l'heure.
00:42:54 C'est-à-dire que les emplois d'aujourd'hui
00:42:56 sont de moins en moins liés ou corrélés au cycle.
00:43:00 Parce qu'effectivement,
00:43:02 lorsqu'il y avait des variations de croissance,
00:43:04 quel était le secteur qui était le plus vite percuté ?
00:43:06 C'était l'industrie.
00:43:07 Alors, comme l'industrie, évidemment, c'est réduite,
00:43:10 donc on a moins senti les effets.
00:43:13 Sur l'intérim, sur le bâtiment, la construction de manière générale.
00:43:16 Donc aujourd'hui, on voit une part des emplois
00:43:19 qui se trouvent déconnectés du cycle économique
00:43:22 et une part des emplois qui ne sont pas liés à des emplois de croissance,
00:43:25 mais à des reproductions du système lui-même.
00:43:28 Et aujourd'hui, on voit se développer des quantités d'emplois de service
00:43:31 liés au phénomène de plateforme ou d'ubérisation
00:43:34 qui ne disparaissent pas avec les variations de la croissance,
00:43:36 mais qui sont des emplois peu porteurs, peu dynamiques.
00:43:39 Et ces emplois sont en plein développement.
00:43:41 Pas qu'en France, un peu partout en Europe.
00:43:44 Donc ce qui fait qu'il y a aussi cette ubérisation,
00:43:46 cette plateformisation, si on peut dire les choses comme ça,
00:43:48 aussi de l'emploi.
00:43:50 Donc ce qui fait que c'est aussi des emplois faiblement productifs par ailleurs.
00:43:55 Donc en tant que tel, la question, c'est qu'on voit ce décrochage
00:44:01 par rapport à la croissance, même si effectivement,
00:44:03 on est dans un environnement macroéconomique qui se dégrade,
00:44:06 puisque on voit bien la dernière note de conjoncture de l'INSEE,
00:44:10 la consommation est étale et l'investissement est en train de se tasser.
00:44:15 Donc c'est pour cela que de ce côté-là, effectivement,
00:44:18 les banquiers centraux sont en train de faire un drôle de pari
00:44:21 qu'à terme, ils préféraient peut-être moins d'emplois,
00:44:24 voire plus de chômage pour combattre l'inflation.
00:44:27 Et donc, et par rapport à ce qui a été dit sur
00:44:29 "plus on arrive au plein emploi, plus ça s'améliore",
00:44:31 ça s'appelle le rapport de force.
00:44:33 C'est-à-dire qu'effectivement, lorsqu'il y a beaucoup de gens
00:44:36 qui sont ce qu'on appelle l'armée de réserve,
00:44:37 on peut leur dire "je t'embauche à bas prix",
00:44:40 s'il y en a de moins en moins, on est obligé de négocier avec eux.
00:44:44 Laurent Capeletti ?
00:44:45 Juste trois points rapidement, donc sur les...
00:44:49 Moi, mes observations de gestion sur le terrain rejouent à la macroéconomie,
00:44:53 c'est-à-dire qu'effectivement, depuis dix ans, on appelle ça les coûts cachés.
00:44:57 Les défauts de qualité du management, de tradition du travail,
00:45:00 effectivement, rognent sur la croissance et la productivité.
00:45:03 Il y a une bonne étude de l'Institut Sapiens
00:45:06 qui l'a montré récemment également, rejoignons nos travaux.
00:45:09 Le deuxième point, c'est sur un de mes sujets de prédilection,
00:45:12 au CNAM, ça ne vous étonnera pas,
00:45:13 donc c'est sur la formation professionnelle.
00:45:16 C'est là où on a, malgré les efforts faits,
00:45:18 on a un immense effort à faire.
00:45:20 Encore ?
00:45:21 Oui, parce qu'en fait, le problème, c'est que ce sont les gens
00:45:24 qui sont les plus formés qui se forment
00:45:26 et ce sont encore les personnes qui auraient besoin le plus de formation,
00:45:29 justement, pour occuper des emplois productifs,
00:45:31 qui ne se forment toujours pas.
00:45:34 Là, il y a un sujet qui est un peu tabou.
00:45:36 Certains n'ont pas envie de se former pour X raisons.
00:45:41 Apprendre à apprendre, c'est compliqué.
00:45:43 Et dans certaines entreprises, on a les dirigeants
00:45:46 qui sont parfois réticents sur l'effort de formation,
00:45:49 ne se rendant pas compte de ce que ça rapporte.
00:45:51 Et puis surtout, quand on va se former, c'est la non-production, en fait.
00:45:55 Donc ça, c'est mes observations.
00:45:57 Donc il y a un effort à faire important encore sur ce sujet là.
00:46:01 Stéphane Amaillon ?
00:46:03 Oui, alors moi, je vais continuer à faire ma liste des plus et des moins
00:46:07 pour faire oeuvre de pédagogie, enfin tenter.
00:46:10 Alors, du côté des points qui pourraient être des facteurs positifs
00:46:21 dans la tentative de convergence vers un emploi durable,
00:46:30 enfin, le plein emploi,
00:46:32 on va dire que la réforme des retraites peut nous aider.
00:46:36 Peut nous aider à condition que... Alors pourquoi ?
00:46:38 Parce que la réforme des retraites, Macron a compressé le temps.
00:46:44 C'est-à-dire que sous la réforme Touraine en 2014,
00:46:48 l'augmentation de la durée de cotisation à 43 ans était active en 2035.
00:46:55 La réforme Macron a raccourci ce calendrier
00:46:59 et les 43 ans de cotisation pour avoir une retraite pleine
00:47:04 doivent être atteints en 2027.
00:47:08 Et il se trouve qu'en faisant un petit calcul
00:47:10 à partir des taux d'activité projetés par l'INSEE,
00:47:14 on s'aperçoit que ça voudrait dire...
00:47:20 Ça se traduirait par une augmentation de la population
00:47:23 des plus de 60 ans de pratiquement 40 % d'ici à 2007,
00:47:29 c'est-à-dire 4 ans, si je ne me trompe pas.
00:47:35 Est-ce que... Alors, si les taux d'activité augmentent
00:47:40 et que les taux d'emploi augmentent,
00:47:42 c'est-à-dire que ça ne se traduit pas par du chômage,
00:47:45 ça va se traduire par un surcroît de croissance économique.
00:47:49 En revanche, si les taux d'activité augmentent
00:47:52 mais que les taux d'emploi n'augmentent pas
00:47:54 et donc qu'on a du chômage,
00:47:58 l'effet sera beaucoup moins important sur la croissance.
00:48:02 Et moi, mon sentiment, c'est que les délais sont tellement courts
00:48:05 parce que le sujet du débat, c'est quand même l'horizon 2027.
00:48:10 Et absorber... Alors, j'ai regardé,
00:48:14 ça fait à peu près 800 000 personnes,
00:48:16 800 000 seniors de plus, en 4 ans,
00:48:20 sachant que les ressources humaines de nos entreprises
00:48:24 ne sont absolument pas habituées à gérer
00:48:26 les deuxièmes parties de carrières,
00:48:28 pour des raisons qui sont qu'on a mis les pré-retraites en 70...
00:48:32 Raymond Barr a mis les pré-retraites à 56 ans en 79.
00:48:37 Après, on a eu, au début des années 80,
00:48:40 le passage de la retraite de 65 à 60 ans,
00:48:43 ce qui fait qu'on avait six plus sur un salarié qui va partir...
00:48:48 – À l'époque, c'était justement pour réduire le chômage, d'ailleurs.
00:48:50 – Oui, mais ça n'a pas réduit le chômage,
00:48:53 mais surtout, ça a changé les anticipations.
00:48:55 Les chefs d'entreprise se sont dit qu'on ne va pas investir
00:48:57 sur quelqu'un qui va partir dans les quelques années.
00:49:00 Donc, voilà une opportunité.
00:49:03 – Vous avez pensé à tout ça ?
00:49:04 – Oui, on pense à beaucoup de choses,
00:49:07 mais vous savez, ensuite, il y a le concret.
00:49:10 Et le concret, c'est combien on crée...
00:49:12 Quelles sont les politiques qui vont nous permettre de créer des emplois ?
00:49:15 Par exemple, quand on investit dans France 2030,
00:49:17 France 2030, c'est ce programme de près de 30 milliards d'euros
00:49:21 pour faire l'hydrogène, pour passer à la voiture électrique,
00:49:24 pour investir dans toutes les filières de demain.
00:49:29 Ça, c'est du concret.
00:49:30 Vous prenez par exemple dans les Hauts-de-France,
00:49:33 il y a quelques jours, on lançait un programme électromob justement,
00:49:37 parce qu'avec les gigafactories, c'est 11 000 emplois quand même,
00:49:41 qui sont créés, 11 000 projets de recrutement d'ici 2025,
00:49:47 derrière un projet d'investissement comme celui-ci.
00:49:49 Mais à côté de l'investissement dans les usines, dans la R&D,
00:49:53 on investit justement dans la formation.
00:49:56 La formation soit pour faire de la transition professionnelle,
00:49:59 de la reconversion professionnelle,
00:50:00 et vous avez complètement raison de dire qu'il y a un vrai enjeu
00:50:03 de réarmer la formation pour les plus de 45 ans,
00:50:07 et les effets emplois en plus de ça sont beaucoup plus importants.
00:50:09 C'est typiquement une des propositions qu'on a sur France Travail.
00:50:13 Donc, investir dans la formation,
00:50:15 vraiment articuler avec les questions d'emploi.
00:50:17 Et aussi, simplifier les dispositifs.
00:50:20 Simplifier, simplifier, simplifier.
00:50:21 Parce qu'on vit dans un monde où les métiers bougent beaucoup plus,
00:50:25 les besoins ne s'anticipent...
00:50:26 C'est difficile de les anticiper à 10 ans,
00:50:28 de temps en temps il faut aussi pouvoir les adapter à 1, 2, 3 ans.
00:50:32 Et donc, c'est là où on investit dans des outils extrêmement pratiques.
00:50:37 Vous prenez par exemple la préparation opérationnelle à l'embauche.
00:50:40 Peu connaissent ça, mais c'est assez simple.
00:50:42 C'est avec une entreprise ou un ensemble d'entreprises sur un territoire,
00:50:47 elles énoncent leurs besoins,
00:50:48 et avec Pôle emploi et les acteurs de l'emploi,
00:50:51 on finance la formation du demandeur d'emploi,
00:50:54 mais c'est une formation qui est adaptée aux besoins de la filière,
00:50:57 aux besoins de l'entreprise là-dessus.
00:50:59 Et comme ça, on peut recréer des dynamiques.
00:51:02 Un deuxième sujet sur lequel le gouvernement pousse aussi très fort,
00:51:04 c'est la validation des acquis de l'expérience.
00:51:06 Et ça, la validation des acquis de l'expérience,
00:51:09 c'est un vrai atout pour les personnes qui sont en seconde partie de carrière.
00:51:13 - Un venté au CNAM.
00:51:15 - Écoutez, je vous souhaite bonne chance,
00:51:18 parce qu'après tout, à la fin, c'est les entreprises qui trancheront.
00:51:21 Quand les carnets de commandes sont pleins, on embauche.
00:51:24 En tout cas, on a envie d'embaucher.
00:51:25 Et si les carnets de commandes ne sont pas pleins,
00:51:27 de toute façon, on n'embauchera pas.
00:51:30 - C'est un des principes, mais il n'y a pas que ça.
00:51:31 Le service de l'emploi, ça contribue aussi à passer à l'acte
00:51:35 et à faire le choix de l'emploi par rapport à plein d'autres arbitres.
00:51:37 - Vous pouvez faciliter les choses.
00:51:39 - Exactement.
00:51:39 - Et pour remplir le carnet de commandes, il faut aussi qu'il y ait des salaires.
00:51:42 - Aussi.
00:51:43 Merci en tout cas d'être venu dans Les Visiteurs du Soir
00:51:46 pour nous expliquer tout ça.
00:51:47 Thibaut Guillouy, merci Stéphane Amaillon.
00:51:53 Juste après le rappel des titres, on va continuer de parler,
00:51:56 mais de travail cette fois, de la valeur travail.
00:51:59 Est-ce qu'elle a vraiment disparu ou est-ce qu'elle sera en passe de disparaître ?
00:52:03 Mais d'abord, le rappel des titres.
00:52:05 Isabelle Piboulot.
00:52:07 - Pour les manifestations du 1er mai,
00:52:12 l'utilisation de drones par les forces de l'ordre est contestée.
00:52:16 Des organisations ont obtenu en partie gain de cause
00:52:19 devant le tribunal administratif de Rouen.
00:52:22 L'arrêté du préfet de Seine-Maritime,
00:52:24 qui avait autorisé les drones pour la mobilisation au Havre,
00:52:28 a été partiellement suspendu.
00:52:30 Deux autres requêtes seront examinées demain matin
00:52:33 par le tribunal administratif de Bordeaux et celui de Paris.
00:52:37 Le chef du groupe militaire russe Wagner redoute la contre-offensive ukrainienne.
00:52:42 Selon lui, elle pourrait être une tragédie pour la Russie.
00:52:45 Ces hommes qui combattent notamment à Barmoutes manquent de munitions.
00:52:49 Dans la région, des soldats ukrainiens ont creusé de nombreuses tranchées.
00:52:54 Vendredi, Kiev a affirmé que ses préparatifs,
00:52:57 en vue d'une contre-offensive, touchaient à leur fin.
00:53:01 Et puis, 33e journée de Ligue 1,
00:53:03 l'OM a renversé Osser au stade Vélodrome.
00:53:06 Score final 2-1.
00:53:08 Huitième match sans défaite en championnat pour les Focéens.
00:53:11 Osser a ouvert la marque par Biramatouré à la 33e,
00:53:15 avant un retour en force de l'OM à la 75e.
00:53:18 But de Cengiz Ünder, puis d'Alexis Sanchez.
00:53:21 Deux minutes plus tard, l'Olympique de Marseille revient à 5 points du leader,
00:53:25 le PSG battu plutôt 3-1 par l'Orient.
00:53:29 Bienvenue.
00:53:33 Si vous nous rejoignez maintenant, les visiteurs du soir,
00:53:35 c'est 22h à minuit.
00:53:37 L'économiste Frédéric Farah est avec nous depuis le début de l'émission,
00:53:41 ainsi que Laurent Capeletti, qui est professeur au CNAM,
00:53:45 et la neurologue Servane Mouton.
00:53:46 Elle publie "Humanité et numérique, les liaisons dangereuses" à 23h30.
00:53:51 Elle nous dira pourquoi, d'après elle, les écrans mettent en danger
00:53:54 notre santé physique et mentale.
00:53:56 Pas seulement les enfants en bas d'âge.
00:53:58 On est tous concernés.
00:54:00 L'anthropologue Rafa Arfouche, membre du Conseil national du numérique,
00:54:04 nous rejoindra à ce moment-là pour participer au débat.
00:54:07 Mais demain, c'est la fête du travail, le 1er mai.
00:54:10 Or, plusieurs études affirment ces derniers temps
00:54:12 un déclin spectaculaire de la valeur travail dans notre pays.
00:54:16 Les Français seraient devenus paresseux, ils manqueraient de motivation.
00:54:19 Selon un sondage paru dans le Figaro il y a trois mois,
00:54:22 88% des Français voudraient que le travail soit davantage encouragé.
00:54:26 Alors, c'est quoi le problème avec le travail ?
00:54:28 Il y en a-t-il un vraiment ?
00:54:29 Ou bien c'est l'explication qu'on a trouvée pour expliquer
00:54:32 le refus de la réforme des retraites par les deux tiers de la population ?
00:54:36 Célia Joly, vous êtes prospectiviste à France Stratégie,
00:54:39 principalement sur les questions du travail.
00:54:42 Bienvenue sur ce plateau.
00:54:43 Et Corinne Meyer doit être avec nous à distance.
00:54:48 Vous êtes là Corinne, bonjour.
00:54:50 Il y a 20 ans, vous avez écrit un best-seller sur le sujet
00:54:53 "Bonjour Paresse", traduit en 25 langues,
00:54:56 qui vous avait valu à l'époque d'être renvoyée par votre employeur EDF.
00:55:01 Est-ce que vous avez l'impression que la valeur travail est aujourd'hui dépassée,
00:55:05 qu'elle appartient à l'ancien monde ?
00:55:09 Oui, enfin disons plus exactement, je pense qu'il y a une crise du travail.
00:55:12 Qui explique un certain nombre de remises en question,
00:55:15 et puis ces chiffres effectivement très inquiétants,
00:55:18 enfin en tout cas pour les employeurs,
00:55:20 qui montrent que beaucoup de gens aimeraient ne pas travailler,
00:55:23 travailler autrement,
00:55:25 et sont beaucoup moins concernés en fait par ce qu'on appelle la valeur travail.
00:55:29 C'est quelque chose dont je me méfie parce que personne n'a jamais su exactement de quoi il s'agissait.
00:55:34 Célia Joly, alors quand on dit que la valeur travail est en train de disparaître,
00:55:38 vous c'est votre métier de rendre compte de ces choses.
00:55:41 Qu'est-ce que vous constatez ?
00:55:44 Alors on constate à l'inverse que la valeur travail est très importante pour les Français.
00:55:48 Elle l'a toujours été, donc elle l'est sans doute un peu moins progressivement,
00:55:53 mais ça fait longtemps que la famille devance la valeur travail dans les enquêtes sur les valeurs européennes.
00:55:59 La famille c'est plus important que le travail.
00:56:01 C'est toujours été plus important que le travail.
00:56:03 En revanche, les Français accordent une grande importance au travail,
00:56:07 à la fois parce que ça rémunère,
00:56:09 mais aussi parce que c'est un vecteur d'épanouissement et de statut.
00:56:13 Mais ça c'est déclaratif.
00:56:14 Si vous venez me demander quelle importance j'accorde au travail,
00:56:17 il faut me dire "une énorme".
00:56:19 Et après, on a des phénomènes aujourd'hui, en particulier deux.
00:56:25 Un qui est un phénomène conjoncturel,
00:56:27 qui fait qu'on a un taux de chômage qui a beaucoup décru,
00:56:32 qui fait qu'on a des recruteurs qui cherchent des candidats.
00:56:37 On en a parlé là.
00:56:38 Et des candidats qui ont effectivement un peu plus de pouvoir dans les mains pour négocier,
00:56:44 donc qui peuvent démissionner pour aller chercher un poste mieux rémunéré
00:56:48 ou avec de meilleures conditions de travail,
00:56:51 puisque la question de la qualité du travail,
00:56:52 on y reviendra peut-être, mais elle est extrêmement importante.
00:56:56 Et on a…
00:56:58 Donc on est plus difficile.
00:57:00 On est plus difficile quand on peut l'être.
00:57:01 Quand on peut l'être.
00:57:02 Et a priori, les statistiques sont plutôt favorables au…
00:57:08 Sont plutôt favorables et en même temps avec des recruteurs
00:57:10 qui aussi ont eu moins l'habitude de ça,
00:57:13 puisque comme vous le savez, la France n'a pas caraclé en tête
00:57:17 des faibles taux de chômage en Europe, mais plutôt en haut.
00:57:20 Et qu'on est resté à 10% de chômage pendant très longtemps.
00:57:23 Donc avec aussi, oui, des recruteurs qui ont eu la belle vie d'une certaine manière,
00:57:29 en pouvant recruter assez facilement.
00:57:31 Aujourd'hui, c'est plus difficile, incontestablement.
00:57:34 Et c'est plus difficile aussi pour une raison plus structurette,
00:57:38 qui est celle que nous connaissons aujourd'hui d'un vieillissement de la population,
00:57:41 avec un nombre très important de personnes qui vont partir en retraite
00:57:47 dans les 10 années qui viennent.
00:57:49 Et ça, c'est considérable.
00:57:52 Et donc, on a aussi une volonté des entreprises de conserver,
00:57:55 d'avoir une rétention d'un main-d'œuvre pour les moments où on va en avoir vraiment besoin,
00:58:00 même si on n'a pas forcément le volume de travail nécessaire tout de suite maintenant.
00:58:05 Mais on sait qu'on va avoir des difficultés.
00:58:08 Laurent Cappelletti, il y a quand même un problème en France.
00:58:11 On n'a pas inventé tout ça.
00:58:13 Non, non, non, on a un sérieux problème,
00:58:16 notamment comparé aux pays européens comparables, voire même les pays anglo-saxons.
00:58:21 Alors, dans une étude que j'avais faite avec mes équipes de l'Institut de socioéconomie miséor
00:58:25 et l'Institut Sapiens, il y a 3-4 ans avant le Covid,
00:58:28 on avait évalué le coût annuel de l'absentisme au travail.
00:58:32 Et on était arrivé à plus de 100 milliards d'euros par an,
00:58:35 corroboré depuis par des études un peu plus macroéconomiques.
00:58:39 Et en fait, on s'était rendu compte que dans deux tiers des cas,
00:58:42 cet absentisme était lié à des défauts de management,
00:58:45 à des défauts de qualité de vie au travail,
00:58:47 appelons ça des défauts d'attractivité du travail.
00:58:50 Et c'est vrai que l'exigence des travailleurs au sens large,
00:58:57 faiblement qualifiés ou hautement qualifiés, a fortement augmenté.
00:59:01 Et par rapport à ça, on est resté globalement, il y a des exceptions,
00:59:06 mais on est resté globalement sur un mode de management alors soit inexistant,
00:59:12 on a des pans entiers d'économie, on a des dirigeants d'entreprises,
00:59:17 pharmaciens, notaires, etc., qui n'ont aucune formation sur le sujet,
00:59:24 alors que c'est un peu complexe quand même.
00:59:26 Et puis par ailleurs, un mode de management sans dire ou en disant
00:59:30 qu'il est resté très faillot-laut et laurier.
00:59:32 Donc pour vous, c'est la faute au patron ?
00:59:34 Par la procédure.
00:59:35 C'est une interaction en fait.
00:59:37 C'est-à-dire qu'on a d'un côté...
00:59:40 L'attractivité n'est pas naturelle.
00:59:42 Oui, sur la terre, c'est naturel.
00:59:44 Il y a une attractivité.
00:59:46 Mais naturellement, il faut attirer pour travailler.
00:59:49 Ça demande un effort, même si c'est un épanouissement quand c'est bien fait, etc.
00:59:53 Et petit à petit, alors peut-être aussi, on en reparlera peut-être,
00:59:58 c'est vrai que notre système social puissant a peut-être endormi un peu tout le monde.
01:00:05 C'est quand même très paradoxal de voir que dans des pays anglo-saxons,
01:00:08 quand on regarde dans le détail les situations de travail,
01:00:11 comme les amortisseurs sociaux sont moins importants,
01:00:13 le dirigeant, avec ses équipes, il est un peu obligé de négocier un peu mieux tout ça.
01:00:19 Donc il y a peut-être des facteurs de ce type-là.
01:00:22 C'est à discuter, c'est des hypothèses.
01:00:24 En tout cas, sur l'attractivité du travail, on a effectivement un sérieux problème.
01:00:29 Corinne Meyère, qu'est-ce que vous en pensez ?
01:00:33 Oui, je pense que c'est...
01:00:35 Enfin, effectivement, en tout cas dans les grandes structures qui sont les cibles,
01:00:40 en quelque sorte, quand j'écris sur le travail, je pense qu'il y a un problème énorme.
01:00:45 C'est-à-dire qu'en effet, on est supposé, enfin le salarié est supposé,
01:00:50 il est là pour gérer des processus de façon anonyme, somme toute,
01:00:54 et on essaie de lui faire croire qu'il doit être motivé.
01:00:57 Et on essaie de le faire avancer avec finalement assez peu de caractère.
01:01:00 Ça c'est le taylorisme.
01:01:01 Mais très peu de lui-même en fait, dans le fonctionnement d'ensemble.
01:01:05 Et ce qui vient un petit peu passer de la pommade,
01:01:09 c'est cette espèce de jargon omniprésent
01:01:11 qui est le propre en fait du management des grandes structures
01:01:16 et qui a débordé maintenant dans le domaine politique
01:01:19 et finalement partout dans le domaine de la formation, de l'éducation, de la culture.
01:01:23 Et je pense que cette espèce de langue de bois,
01:01:27 qui est finalement notre univers, une espèce de langue qui vient d'en haut,
01:01:31 démotive aussi bien les salariés que les citoyens à la fin.
01:01:35 Parce que ça se recoupe.
01:01:36 C'est-à-dire que quand les gens n'ont pas vraiment,
01:01:39 ne trouvent pas tellement de sens à leur travail,
01:01:42 et qu'en plus ils se sentent dépossédés sur le plan démocratique,
01:01:45 puisque je pense que c'est le sens de la mobilisation contre la loi sur les retraites,
01:01:51 ça donne des gens qui traînent des pieds, forcément.
01:01:54 Et donc en effet, si on veut faire travailler les gens,
01:01:57 déjà il y a un truc très simple, commençons par les augmenter.
01:02:01 Je pense qu'il faut commencer là en fait.
01:02:03 Donc augmentez-les, augmentez-nous.
01:02:08 – Frédéric Farah, vous êtes d'accord ?
01:02:10 – Oui, bien sûr que je suis d'accord.
01:02:11 Il faut les augmenter, c'est une évidence.
01:02:13 Je veux dire, la question des salaires est une question centrale.
01:02:16 On a passé quatre décennies à expliquer qu'il fallait contenir les salaires,
01:02:20 parce que sinon ça menaçait la compétitivité.
01:02:23 Et donc en plus on a fait passer la pilule aux gens,
01:02:25 parce que comme on a réussi à une époque à contenir la progression des prix,
01:02:27 on a dit bon, leurs salaires ne progressent pas très vite,
01:02:29 mais comme l'inflation à l'époque avait été contenue à partir,
01:02:33 on assiste à une décrue de la progression de l'inflation à partir de 1985-1986,
01:02:36 ça commence à diminuer et diminuer.
01:02:37 Dans les années 90, elles disparaissent presque carrément,
01:02:40 on est à la limite de la déflation.
01:02:41 On a effectivement fait passer cette pilule des salaires
01:02:45 qui n'en finissaient pas d'être modérés.
01:02:47 Et même tellement que Mario Draghi en 2017 s'adresse aux dirigeants européens
01:02:51 en disant que les salaires avaient atteint un niveau historiquement bas en Europe
01:02:53 et qu'il fallait faire un effort dans cette direction.
01:02:55 Mais par rapport à ce que vient d'être dit,
01:02:57 ça me fait penser à des lectures que j'ai pu faire dans le passé,
01:03:00 sur… effectivement on parlait du management,
01:03:03 je me souviens de cet excellent livre de Jean-Pierre Le Goff,
01:03:04 "La barbarie douce", je veux dire, sur le management,
01:03:08 comment dire, où il ne parlait non pas de langue de bois,
01:03:10 mais j'aimais beaucoup son expression "la langue de caoutchouc",
01:03:12 pour dire que c'était une langue un peu informe dans laquelle on se trouvait.
01:03:15 Et puis d'ailleurs, sur cette critique, elle est ancienne,
01:03:17 je veux dire, sur la critique au travail.
01:03:19 Parlons de lecture du passé,
01:03:21 cette excellente lecture de 99 de Boltanski et Cappello,
01:03:25 sur le nouvel esprit du capitalisme,
01:03:26 vous disiez, il y avait deux critiques,
01:03:27 il y avait la critique sociale et la critique artiste.
01:03:30 Donc la critique sociale, c'était effectivement la condition de travail,
01:03:33 bon, le taylorisme, on l'avait,
01:03:34 la demande d'autonomie, la demande de reconnaissance au travail.
01:03:38 Bon, quel est le chemin qui a été parcouru ?
01:03:40 Beaucoup de travaux ont été faits sur ça,
01:03:41 on parlait de psychologie, Vincent Goléjac, par exemple,
01:03:44 énormément de choses là-dessus.
01:03:45 Donc je crois que le problème,
01:03:47 ce n'est pas que les Français n'ont pas envie de travailler,
01:03:48 et ça m'amuse, je voulais faire une boutade tout à l'heure,
01:03:51 c'était l'économiste américaine Joanne Robinson,
01:03:53 quand à l'époque, on disait que le chômage était une affaire volontaire.
01:03:56 Alors elle disait, mais si c'était le cas,
01:03:57 alors devant la crise des années 1930,
01:03:59 il faut croire qu'il y a une épidémie de paresse
01:04:01 qui s'est abattue sur les États-Unis.
01:04:02 Elle avait dit, parce qu'effectivement,
01:04:04 si tous ces gens se retrouvent au chômage
01:04:07 parce qu'ils ne veulent pas travailler,
01:04:08 elles disent qu'il y a une épidémie de paresse
01:04:09 qui s'abat sur le monde américain, à ce stade.
01:04:12 Donc je crois qu'effectivement,
01:04:14 la valeur travail, c'est un concept bizarre.
01:04:15 Alors moi, la valeur travail, je vais vous dire une chose très rapidement,
01:04:19 en fait, elle s'enseigne en économie à un moment donné,
01:04:21 c'est-à-dire, lorsqu'on fait de l'histoire de la pensée économique
01:04:24 et qu'on s'intéresse à l'école classique,
01:04:26 eh bien, des gens comme Ricardo et Smith expliquaient qu'à l'époque,
01:04:28 là, d'un point de vue économique,
01:04:29 qu'est-ce qui explique la valeur des choses ?
01:04:31 Pourquoi un bien A est plus cher qu'un bien B ?
01:04:33 C'était ce qu'on appelait la valeur travail incorporée,
01:04:36 c'est-à-dire la quantité de travail qu'on mettait dedans,
01:04:38 avec effectivement direct et indirect,
01:04:40 plus le temps de transport,
01:04:41 ça, ça faisait que A valait plus que B.
01:04:44 Et quand j'enseigne ça à mes étudiants,
01:04:45 à l'histoire de la pensée économique,
01:04:47 là, la valeur de travail, je l'explique dans cette direction-là.
01:04:49 Parce qu'effectivement, comparer des biens,
01:04:51 ce qu'on appelle les prix relatifs, pourquoi A est plus cher ?
01:04:53 Aujourd'hui, vous savez bien que c'est autre chose.
01:04:54 Quand on parle de la valeur travail qui aurait juste un ruse,
01:04:56 c'est qu'on ne s'investit plus dans son travail,
01:04:58 on n'a plus l'amour du travail bien fait,
01:05:00 quel que soit ce travail d'ailleurs, etc.
01:05:03 Il y a trois phénomènes aujourd'hui qui affectent le travail,
01:05:05 entre autres là-dessus, dans la direction que vous dites,
01:05:07 que je ne sais pas moi qui les ai découverts,
01:05:09 on en parle partout, c'est le burn-out,
01:05:11 le bore-out et le quiet-kitting.
01:05:13 C'est-à-dire le fait qu'on s'ennuie,
01:05:16 on déprime et on en fait un minimum sans démissionner.
01:05:20 Mais ça, ça veut dire quoi ?
01:05:22 Ça veut dire évidemment que les Français ne sont pas allergiques au travail,
01:05:24 ils voudraient un travail qui a du sens,
01:05:26 qui est cette espèce d'obsession du sens qui est là,
01:05:28 mais depuis trois, quatre décennies.
01:05:30 Je veux dire, souvenez-vous même sur cette question de l'éthique au travail,
01:05:34 les vieux livres d'Ece Goyen dans les années 80, etc.
01:05:37 Je veux dire, c'est une thématique qui n'a eu cesse de revenir
01:05:40 et il y a eu le très beau débat dans les années 90,
01:05:42 je me souviens, avec quand même des protagonistes de qualité,
01:05:44 ceux qui avaient leur travail, Dominique Méda, Dominique Schnapper,
01:05:47 Robert Castel, qui ont été des débats essentiels sur cette question.
01:05:51 – Et le livre de Corinne Maier, c'est 2003, si je ne m'abuse,
01:05:55 donc c'est avant les "bullshit jobs" de David Graeber.
01:05:59 Vous aviez quasiment inventé la notion de "bullshit jobs",
01:06:04 même si vous n'utilisiez pas le terme.
01:06:07 – Oui, j'aurais dû effectivement trouver un terme en anglais,
01:06:10 je pense que j'aurais pu à ce moment-là estampiller,
01:06:13 puisque c'est le sujet de mon livre.
01:06:15 Donc je regrette un peu d'être moins versée que d'autres dans les anglicismes,
01:06:20 même si David Graeber était anglais, je crois, donc forcément…
01:06:24 – Oui, ça aide.
01:06:26 – … le talent de mettre le mot sur des phénomènes que tout le monde connaît
01:06:29 et que finalement on ne nomme pas avant eux.
01:06:32 Il y a "bullshit jobs", "quiet quitting", enfin ils sont assez doués,
01:06:36 mais quand ils s'en aperçoivent, ça prouve que c'est international en fait,
01:06:39 ce n'est pas uniquement la France où il y a des parisiens.
01:06:41 – C'est certain, Laurent Capaletti.
01:06:43 – Oui, alors on en est à citer en fait, à l'origine,
01:06:47 il y a mon directeur de thèse, Henri Saval,
01:06:49 qui a, en 1974, "Enrichir le travail humain",
01:06:52 préfacé par Jacques Delors, qui était très à la pointe sur le sujet,
01:06:56 notamment avec la nouvelle politique de Chablon-Delmas qu'il conseillait,
01:07:01 et sur la formation.
01:07:03 Juste une remarque, il y a effectivement, j'allais dire,
01:07:07 une mauvaise qualité de management qui n'est plus dégradée en France
01:07:10 que dans des pays comparables, notamment d'Europe du Nord.
01:07:14 On dit "télorien" ou "absence" carrément de management,
01:07:19 et ça nuit au management lui-même,
01:07:20 c'est-à-dire que du coup, on a des critiques acerbes,
01:07:23 le "managérialisme" en disant "mettons le management à la poubelle",
01:07:27 alors qu'il y a plein d'études sérieuses, d'observations,
01:07:30 notamment les miennes et celles de mes équipes,
01:07:32 où en fait, un bon management est tout à fait possible.
01:07:36 Alors effectivement, ça incorpore la rémunération,
01:07:39 les conditions de travail, le sens au travail,
01:07:41 il y a cinq, six variables clés,
01:07:43 mais qui demandent des négociations assez permanentes en fait.
01:07:46 C'est-à-dire, oui on augmente les salaires,
01:07:50 et c'est quoi la contrepartie en fait productive ?
01:07:53 Parce qu'effectivement, si on augmente les salaires plein pot
01:07:55 sans augmentation productive,
01:07:57 là on inspire l'inflationniste.
01:07:59 Donc le management c'est ça, c'est de la négociation régulière,
01:08:02 de proximité, autour de cinq, six valeurs,
01:08:05 et ça, il y a des exceptions bien entendu,
01:08:08 mais ça a propagé beaucoup plus largement en France.
01:08:11 - C'est lié, je lis,
01:08:14 le travail, il tient quand même une place de moins en moins importante
01:08:17 dans nos vies, aux Français et aux autres Occidentaux d'ailleurs.
01:08:22 On fait de plus longues études, on vit plus vieux,
01:08:26 la durée de la journée du travail a diminué depuis un siècle bien entendu.
01:08:34 C'est le sociologue Jean Viard qui calculait qu'on ne passe plus
01:08:37 que 10% de notre existence, tout compris, à travailler.
01:08:41 10% seulement, c'était bien plus nos ancêtres.
01:08:44 On est entrés dans la civilisation des loisirs.
01:08:47 Le problème, c'est que pour la financer, la civilisation des loisirs,
01:08:50 il faut continuer de travailler.
01:08:51 Mais parfois, on a beaucoup moins envie, il faut bien le reconnaître.
01:08:56 - Alors à chaque fois qu'on a limité la durée du travail en France,
01:09:01 on a augmenté la productivité.
01:09:03 Donc effectivement, on a compensé quand même très largement
01:09:07 cette baisse du temps de travail qui est très générale en Europe.
01:09:13 On n'est pas singulier en la matière.
01:09:17 Par ailleurs, on passe peut-être moins de temps au travail,
01:09:22 mais encore une fois, on y accorde une importance qui est considérable.
01:09:26 Et on y accorde une importance considérable parce que ça va faire
01:09:30 nos revenus de demain aussi.
01:09:32 On est bien d'accord, ce qu'on gagne aujourd'hui
01:09:34 dans notre système social tel qu'il est, c'est notre revenu de remplacement
01:09:40 quand nous ne pourrons plus travailler, y compris quand on a
01:09:44 une maladie professionnelle.
01:09:45 Il faut avoir travaillé pour avoir une maladie professionnelle
01:09:47 et pour être rémunéré comme tel.
01:09:51 Et puis, on y accorde une importance qui a trait aussi à la reconnaissance.
01:09:55 Donc, c'est la reconnaissance financière dont vous parliez,
01:09:58 mais c'est une reconnaissance symbolique et qui, sans doute en France,
01:10:01 est moins bonne qu'ailleurs.
01:10:03 Donc là, c'est les enquêtes sur les conditions de travail européennes
01:10:07 et elles sont moins bonnes ailleurs qu'en France sur tous ces aspects.
01:10:09 Donc, à la fois sur le côté bullshit job où c'est très procédural
01:10:14 et donc on perd le sens de ce qu'on fait puisqu'on remplit effectivement
01:10:19 des reporting qui donne un peu et avec une insistance budgétaire
01:10:25 qui est très forte, quelle que soit la nature de son travail.
01:10:30 Donc, c'est très important, mais aussi une moins bonne reconnaissance
01:10:35 de la pénibilité et en particulier de la pénibilité dans les métiers féminins,
01:10:40 parce que quand on lève des malades, qu'on est infirmier, aide-soignant
01:10:44 ou aide à domicile, on a à la fois une charge mentale très forte,
01:10:48 évidemment, mais on a aussi une charge physique et ces pénibilités physiques,
01:10:53 elles sont au moins bien reconnues dans des métiers de service,
01:10:57 d'une manière générale et des métiers qui ont été très longtemps
01:11:02 cantonnés dans la sphère domestique et qui sont moins bien reconnus
01:11:05 que des métiers industriels, par exemple, ou des métiers du bâtiment
01:11:08 qui sont des métiers exercés depuis, en tout cas dans la sphère économique,
01:11:14 depuis bien plus longtemps.
01:11:16 Et donc, on ne peut pas dire que le travail ait peu de sens dans nos vies
01:11:21 ou peu de place et ce n'est pas forcément la place seulement en termes d'horaire
01:11:25 qu'il faut considérer, je pense, dans cette thématique.
01:11:31 C'est vraiment, on a quelque chose où, et particulièrement en France,
01:11:36 je continue à le souligner, travailler c'est un statut.
01:11:41 C'est difficile d'être inactif en France, c'est difficile d'être chômeur
01:11:44 et peut-être plus qu'ailleurs.
01:11:45 Pourquoi ? Parce que c'est mal vu de ne pas travailler ?
01:11:47 On se considère soi-même mal ?
01:11:50 On se considère soi-même mal, bien sûr.
01:11:52 Frédéric Fara ?
01:11:54 Oui, d'ailleurs, c'est tout simplement,
01:11:56 une des premières questions qu'on pose à quelqu'un qu'on ne connaît pas,
01:11:58 c'est "que fais-tu ?".
01:11:59 Et donc "que fais-tu ?", c'est "que travailles-tu ?".
01:12:01 Oui, mais si vous dites "je ne fais rien", on vous envie.
01:12:04 Oui, enfin on vous envie plus ou moins selon votre situation.
01:12:07 On arrête de vous poser des questions.
01:12:09 On arrête de vous poser des questions, mais aussi, c'est vrai,
01:12:12 deux choses, sur la valeur travail, je vous évoquais tout à l'heure
01:12:15 les travailleurs pauvres.
01:12:16 Quand vous avez un emploi, mais qui vous place dans la situation
01:12:20 de pauvreté relative, c'est-à-dire d'un point de vue monétaire,
01:12:22 ça érode la valeur travail, parce que normalement,
01:12:24 le travail est censé vous protéger de la pauvreté, vous donner un statut.
01:12:27 Si le travail vous conduit à la pauvreté,
01:12:29 il faut savoir qu'une part importante des SDF ont un travail.
01:12:32 Je veux dire, bon, ça c'est important.
01:12:33 Deuxième chose, c'est vrai, le travail, dans sa valeur travail,
01:12:38 dans le sens que vous évoquez, a joué un rôle particulier après-guerre
01:12:42 dans ce que Robert Castel appelait la société salariale.
01:12:44 C'est-à-dire, on a fait reposer sur des gens,
01:12:48 enfin sur le travail, un ensemble de droits,
01:12:49 ce qu'on a appelé la propriété sociale.
01:12:51 C'est-à-dire la propriété des non-propriétaires.
01:12:54 Mais vous voyez, aujourd'hui, on assiste à une mutation
01:12:55 de la protection sociale, c'est-à-dire que de moins en moins,
01:12:58 elle devient assurancielle, elle devient de plus en plus assistentielle.
01:13:01 C'est-à-dire que, par exemple, c'est quoi l'assurance ?
01:13:04 C'est-à-dire qu'à travers des cotisations,
01:13:05 vous protégez contre des risques sociaux, maladie, chômage.
01:13:08 Aujourd'hui, vous voyez, on a supprimé la cotisation maladie
01:13:12 et chômage côté salarié, en disant que ça va redonner du pouvoir d'achat.
01:13:17 Mais vous voyez, ça érode.
01:13:19 Alors, évidemment, comment on va financer ça ?
01:13:21 Par la fiscalisation.
01:13:22 Parce que qu'est-ce qu'on observe ?
01:13:23 C'est-à-dire une érosion de la cotisation comme support de financement
01:13:26 de la protection sociale, même si ça reste majoritaire,
01:13:29 et une montée en charge de la fiscalisation.
01:13:31 Donc, on retire sur la base travaillée une dimension assurancielle,
01:13:35 même si elle est récupérée ailleurs, elle est financée autrement.
01:13:38 Donc, si vous voulez, la chose qui est importante,
01:13:41 c'est qu'il faut que le droit reste source,
01:13:44 c'est-à-dire que le travail reste source de droit.
01:13:46 Et le problème avec le développement de la plateformisation, de l'ubérisation,
01:13:50 il y a une érosion des droits qui avait été obtenue dans cette phase de l'histoire
01:13:55 qui était celle de la société salariale industrielle d'après-guerre.
01:13:58 Ça ne veut pas dire que le travail à l'époque...
01:13:59 Tu as regardé travailler chez Renaud dans les années 50,
01:14:01 ce n'est pas la folie et tout le monde ne trouve pas ça fantastique.
01:14:04 À la Snecma ou à Sochaux ou autre, dans ces années-là, ce n'est pas ça.
01:14:07 Mais on était dans une logique que Alain Lippiat appelait
01:14:11 la logique de l'escalier mécanique.
01:14:13 C'est-à-dire que c'est quoi l'escalier mécanique ?
01:14:15 Il y en a ceux qui sont en haut, ceux qui sont en bas, mais tout le monde monte.
01:14:18 Voilà, c'est ça la logique de l'escalier mécanique.
01:14:19 Et cette logique de l'escalier mécanique, elle est en train de s'interrompre.
01:14:23 Et aujourd'hui, le danger sous l'effet de la numérisation,
01:14:26 et on le voit bien avec tous les travailleurs de plateforme,
01:14:30 c'est de remettre en cause ces droits.
01:14:32 Et on voit bien le rôle de la justice pour rappeler que derrière
01:14:36 des travailleurs pseudo-indépendants, il y a un lien de subordination
01:14:38 qui existe vraiment.
01:14:40 Donc si vous voulez, en fait, ce qui avait été conquis péniblement
01:14:43 lors de la société salariale, mais qui n'enlevait rien à l'aliénation au travail
01:14:46 qui était très présente dans les usines, s'était compensé par une amélioration,
01:14:50 SMIC en 1950, SMIC en 1970, introduction de la présence syndicale
01:14:56 dans l'entreprise, qui a permis non pas de rendre l'aliénation plus sympathique,
01:15:00 mais de faire en sorte que le travail supportait les droits.
01:15:02 Dans cette ère nouvelle du travail, il faut à la fois donner du sens
01:15:05 et s'assurer que ça reste un support de droit et qu'on ne démonte-t-elle pas
01:15:08 les anciennes protections du passé.
01:15:11 Oui, juste trois choses.
01:15:12 Donc la première, c'est le travail.
01:15:14 C'est aussi fondamentalement, par définition, ce qui permet de répondre
01:15:17 aux besoins humains.
01:15:19 - Non, c'est l'argent qui permet de répondre aux besoins humains.
01:15:22 - Il faut les fabriquer, les produits, les services,
01:15:24 - Quand on veut obtenir de l'argent, il faut travailler.
01:15:27 - Et c'est ça qui monétarisé rapporte, crée de la valeur.
01:15:30 Donc il y a un hic, c'est-à-dire que oui, si on descend,
01:15:33 si on diminue nos besoins, on peut effectivement envisager
01:15:36 un rétrécissement du travail.
01:15:38 Mais le problème, c'est que les besoins humains, ils sont en expansion constante.
01:15:41 Donc ça, c'est un premier point.
01:15:42 Le deuxième point, c'est...
01:15:44 - Donc c'est ce que je disais, la civilisation des loisirs, ça coûte cher.
01:15:46 - Exactement. Donc je vous rejoins complètement là-dessus.
01:15:49 Et le deuxième point, c'est, compte tenu que c'est une question d'intérêt général,
01:15:53 cette attractivité du travail.
01:15:55 Bien sûr que ça dépend des managers, des dirigeants partout où ils sont,
01:16:00 y compris dans le public, parce qu'en termes d'attractivité du travail,
01:16:02 le secteur public est grandement à la peine.
01:16:06 Mais ça dépend aussi, justement, de l'État pour impulser.
01:16:08 Ça a été dit tout à l'heure.
01:16:09 Impulser, réunir les syndicats, les organisations de patrons, de salariés,
01:16:14 pour en fait, initier, aider, accompagner.
01:16:18 Parce que si on attend que tout ça se fasse naturellement,
01:16:20 moi, ma crainte, c'est qu'il faille beaucoup de générations.
01:16:24 - Corinne Meyère ?
01:16:27 - Oui, mais moi, il me semble qu'en fait, il faut regarder devant nous.
01:16:30 Qu'est-ce que... À mon avis, l'avenir est au moins...
01:16:33 C'est-à-dire que je pense qu'il y aura de moins en moins de gens
01:16:36 qui voudront rejoindre ces structures déshumanisantes
01:16:38 que sont les grandes structures, malheureusement privées comme publiques.
01:16:42 On constate aussi qu'il y a de plus en plus de gens qui veulent moins consommer.
01:16:48 Il y a aussi de plus en plus de gens qui ne veulent plus d'enfants.
01:16:51 Et donc, progressivement, je crois que l'avenir est au moins.
01:16:54 Et moins, c'est bien, finalement, parce qu'on consommera moins,
01:16:58 on produira moins et on sera moins nombreux.
01:17:01 Donc, effectivement, pour moi, la figure de l'utopie, c'est vers le moins.
01:17:04 Et c'est vers là qu'on doit aller.
01:17:05 C'est-à-dire, déjà, en commençant à s'interroger soi-même
01:17:08 sur ce qu'on peut faire en moins.
01:17:09 Mais comment on paiera nos retraites, dans la perspective que vous indiquez là ?
01:17:14 Si on est de moins en moins nombreux à travailler de moins en moins,
01:17:17 on va mal finir.
01:17:19 Alors là, il faut être très clair, je m'en fous, en fait.
01:17:21 Moi, ce qui compte, c'est de faire des choses qui ont du sens pour moi
01:17:25 et ne pas trop travailler.
01:17:27 Alors, si vous me parlez de grands équilibres macroéconomiques,
01:17:29 ça, c'est un moyen d'écraser les gens.
01:17:31 C'est de leur dire "Ah, qui va payer nos retraites ?
01:17:34 Comment on va vivre demain ? L'économie impose d'œuvres."
01:17:37 Je m'en fiche complètement de l'économie.
01:17:39 Moi, ce qui compte, c'est d'avoir une vie qui a un sens et qui soit vraie
01:17:41 après moi le déluge et après nous le déluge.
01:17:44 Et je constate qu'en fait, tous ceux qui visent le moins
01:17:48 et qui vivent aussi le moins,
01:17:50 sont finalement ceux qui sont porteurs d'avenir.
01:17:52 Parce qu'on ne va pas pouvoir continuer comme ça, en fait.
01:17:54 Produire beaucoup, consommer beaucoup, avoir beaucoup d'enfants.
01:17:57 Ce n'est plus possible.
01:17:58 Donc, allons ensemble vers le moins.
01:18:01 Par contre, je pense qu'il faudra aussi, à un moment,
01:18:03 s'asseoir autour d'une table et discuter ensemble de la société
01:18:06 que nous souhaitons.
01:18:07 Et je pense que là, il y a beaucoup de verroux
01:18:09 et je pense qu'il y a aussi beaucoup de choses,
01:18:11 en ce qui concerne le travail,
01:18:13 qui devraient nous appartenir, nous, gens ordinaires.
01:18:18 - Et Corinne Maillard, vous êtes assez représentative
01:18:21 d'une sorte de contestation par le retrait
01:18:23 dont parlait déjà Roland Barthes,
01:18:25 mais qu'on a vu beaucoup éclore dans les années 90.
01:18:28 Je me souviens du film "Un monde sans pitié",
01:18:30 le film d'Éric Rochon, dont Hyppolite Girardot était le héros,
01:18:33 qui était un film assez emblématique de cette époque,
01:18:35 était quelqu'un qui refusait de travailler,
01:18:37 qui se retirait comme ça,
01:18:39 et qui s'offichait totalement de l'intérêt général.
01:18:41 Au fond, vous êtes capable de vous retirer de la collectivité,
01:18:45 vous n'en avez plus la notion.
01:18:46 C'est souvent ce qu'on reproche, l'individualisme, au fond.
01:18:49 - Oui, mais en fait, l'intérêt général,
01:18:52 tel qu'il est défini aujourd'hui par ce qu'il faut bien appeler
01:18:54 nos élites, est un désintérêt général.
01:18:57 Et à ce moment-là, je pense qu'il nous revient
01:18:59 de repenser l'intérêt général de façon différente
01:19:02 et de façon, effectivement, vers le moins.
01:19:05 Alors ça, effectivement, pour moi, c'est une forme d'utopie,
01:19:07 mais je pense qu'il y a beaucoup de gens qui sont en train de se retirer.
01:19:10 En fait, on ne s'en aperçoit pas assez,
01:19:12 mais l'ambiance est au retrait général.
01:19:14 On rase les murs.
01:19:16 Donc, continuons comme ça, et puis un jour,
01:19:18 il va se passer des choses intéressantes,
01:19:20 et là, à ce moment-là, on pourra discuter collectivement
01:19:24 des organisations qui nous concernent
01:19:26 et nous réapproprier, en fait, des décisions qui nous concernent.
01:19:30 C'est bien joli. Il y en a beaucoup, comme Corinne Meyeur.
01:19:35 Vous n'avez pas l'air de les voir.
01:19:36 Ils ne le disent pas dans les déclarations, mais ils existent.
01:19:40 Je ne sais pas si... Sans doute, ils existent.
01:19:43 Il n'y a pas de souci.
01:19:45 Il y a simplement...
01:19:48 Je crois qu'on...
01:19:52 Comment ? On exagère un peu cette tendance.
01:19:54 C'est-à-dire que tout le monde a besoin d'un toit
01:19:58 pour se loger, pour dormir le soir,
01:20:02 d'avoir un repas par jour, d'être autonome quand on est jeune,
01:20:07 de sortir de chez ses parents, et ça, ça exige d'avoir un travail.
01:20:11 Et effectivement, quand on regarde les enquêtes
01:20:13 et qu'on regarde les enquêtes au fur et à mesure du temps,
01:20:16 ce qu'on dit à un moment, ce n'est pas forcément ce qu'on dit,
01:20:19 par exemple, quand on a un quelque fil à la pâte qui s'appelle "des enfants".
01:20:23 Oui, elle dit bien, Corinne Meyeur.
01:20:25 Voilà, ça devient plus compliqué.
01:20:29 Et donc, on voit bien que...
01:20:32 Et après, je peux partager l'ambition de faire moins,
01:20:38 en particulier par rapport aux changements climatiques,
01:20:40 mais faire moins par rapport au travail, ça va être compliqué.
01:20:45 Et après, je voudrais dire aussi que les gouvernements successifs
01:20:49 ont quand même subventionné le travail de manière énorme en France.
01:20:54 Donc, on n'a pas du tout quelque chose dont on se désinvestit,
01:21:00 y compris politiquement, je ne pense pas.
01:21:02 Donc, les allègements de charges sur les bas salaires,
01:21:06 ça a été quelque chose d'extrêmement important.
01:21:09 On a eu le CICE, le revenu d'activité avec la prime d'activité
01:21:14 qui permet d'avoir des petits salaires,
01:21:17 alors qui peut avoir plein de désagréments,
01:21:20 puisque effectivement, on passe du chômage à l'activité.
01:21:24 Et en plus, c'est très compliqué à comptabiliser,
01:21:28 mais c'est quand même une volonté de subventionner aussi le travail.
01:21:33 Et on peut s'interroger là, pour le coup, sur le fait que ce soit viable,
01:21:39 parce qu'on ne peut pas subventionner à la place des entreprises et des rémunérations.
01:21:47 Ce qui aussi ne fait pas les mêmes arbitrages
01:21:50 sur ce qu'on doit privilégier dans la société.
01:21:54 Merci Célia Jolie. Merci Corinne Meyer.
01:21:59 Je vous libère.
01:22:00 On va maintenant s'intéresser à l'humanité et le numérique,
01:22:06 ces liaisons dangereuses que Servan Mouton va dénoncer
01:22:13 dans un instant, juste après le rappel des titres par Isabelle Pivoulot.
01:22:17 Des retraites, demain, les syndicats veulent une démonstration massive
01:22:25 pour la fête du travail.
01:22:26 Et après 12 journées de mobilisation,
01:22:29 l'intersyndicale mise sur un raz-de-marée dans les rues
01:22:32 pour réclamer l'abrogation du texte.
01:22:35 Près de 300 rassemblements sont prévus dans le pays.
01:22:38 À Paris, le cortège s'élancera à 14h, place de la République.
01:22:42 La flamme olympique débarquera à Marseille le 8 mai 2024.
01:22:47 Le maire de la ville l'a confirmé sur Twitter.
01:22:49 Une grande fête populaire sera organisée sur le Vieux-Port
01:22:52 pour célébrer la plus grande compétition sportive du monde
01:22:55 et l'histoire millénaire de la fondation de la ville.
01:22:58 Le parcours complet de la flamme devrait être annoncé fin mai.
01:23:02 Elle traversera une soixantaine de territoires
01:23:05 avant d'arriver à Paris le 14 juillet.
01:23:08 Et puis en Turquie, Recep Tayyip Erdogan a tenu
01:23:11 son deuxième grand meeting à deux semaines d'un double scrutin.
01:23:15 Une immense foule, drapeau turc en main, s'est rassemblée à Ankara.
01:23:19 Le président turc a appelé ses partisans à frapper aux portes des indécis.
01:23:24 Les élections présidentielles et législatives se tiendront le 14 mai.
01:23:29 – Je parle en italien.
01:23:31 – Servane Mouton, vous êtes donc neurologue,
01:23:33 spécialisée en psychopathologie des apprentissages
01:23:36 et vous publiez "Humanité et numérique, les liaisons dangereuses",
01:23:40 un livre collectif auquel ont contribué des médecins et des scientifiques
01:23:44 qui veut nous alerter sur les risques pour notre santé physique et mentale
01:23:49 que nous font courir les écrans numériques.
01:23:51 Alors Rahaf Arfouche nous a rejoint par écran interposé justement.
01:23:57 Vous êtes là Rahaf ?
01:23:59 – Oui, bonsoir.
01:23:59 – Bonsoir, vous êtes anthropologue, professeur à Sciences Po,
01:24:03 membre du Conseil national du numérique, vous êtes l'auteur d'"Overbooker",
01:24:08 "Comment se libérer du culte de la productivité".
01:24:11 Vous allez pouvoir réagir à ce que nous dit Servane Mouton,
01:24:15 par exemple, l'exposition aux écrans, c'est mauvais pour le cerveau,
01:24:19 dites-vous, c'est mauvais pour le langage, c'est mauvais pour la communication,
01:24:23 c'est mauvais pour la mémoire et pas seulement chez les enfants en bas âge.
01:24:28 – Je vous remercie pour cette introduction,
01:24:32 je vous remercie de m'avoir accueilli aussi ce soir parce que je représente le livre,
01:24:36 mais en effet comme vous l'avez dit nous sommes 25 à avoir contribué
01:24:40 et nous l'avons fait dans l'unique but réellement d'informer
01:24:45 pour que dans un seul ouvrage soient réunis les informations sur les enjeux de santé,
01:24:50 les enjeux d'environnement et les enjeux sociétaux
01:24:54 de ces nouvelles technologies de l'information et de la communication,
01:24:57 on dira numérique, c'est plus rapide, parce qu'ils nous inquiètent en effet.
01:25:01 Donc on a convenu qu'on parlerait peu de l'environnement
01:25:04 parce qu'il m'avait expliqué que ça avait déjà été souvent abordé ici.
01:25:07 – Oui, on l'a abordé, mais en revanche cet impact sur le cerveau m'intrigue
01:25:13 parce qu'on est conscient de la plasticité du cerveau notamment chez les tout petits
01:25:18 et que de les laisser devant des écrans pour longtemps,
01:25:20 évidemment que ça va être mauvais pour l'apprentissage du langage,
01:25:23 pour la mémoire, pour tout, pour l'attention.
01:25:26 Mais chez les adolescents, chez les adultes eux-mêmes, il y a encore des effets ?
01:25:31 – Déjà, il y a quand même, prendre des petits trucs,
01:25:35 c'est que le cerveau mature jusqu'à 25 ans.
01:25:38 Donc voilà, le petit enfant oui, mais le jeune enfant aussi,
01:25:42 l'adolescent aussi, le jeune adulte aussi, a encore un cerveau qui mature.
01:25:46 Ensuite la plasticité cérébrale n'est pas absente,
01:25:49 elle perdure jusqu'à notre mort, mais elle est beaucoup moins importante.
01:25:52 Mais cette grande plasticité chez les plus jeunes
01:25:56 va de pair avec une plus grande vulnérabilité,
01:25:58 c'est-à-dire qu'ils vont être plus sensibles et plus vulnérables à des agressions.
01:26:05 Bien sûr, ça peut être une vraie agression,
01:26:07 mais ça peut être aussi un environnement qui n'est pas approprié
01:26:10 pour qu'ils se développent au mieux.
01:26:12 Et des études maintenant sont largement suffisantes, je pense,
01:26:16 pour qu'on puisse avancer des préconisations
01:26:18 qui ne correspondent pas à celles qui sont aujourd'hui diffusées en France,
01:26:22 et globalement ailleurs, mais en France notamment.
01:26:25 Il y a des choses sur lesquelles les gens sont à peu près d'accord,
01:26:28 c'est de dire que jusqu'à 2-3 ans, il ne faut pas exposer les enfants aux écrans,
01:26:32 ce n'est pas du tout ce qui est fait.
01:26:34 Une enquête récente qui a été discutée sur vos antennes,
01:26:37 montre qu'à 2 ans, les enfants passent en moyenne une heure par jour devant les écrans,
01:26:42 qu'à 3 ans et demi c'est une heure et demie,
01:26:44 à 4 ans et demi, 5 ans et demi, c'est à peu près pareil.
01:26:46 Donc voilà, on est totalement au-delà.
01:26:48 Et ce sont des études qui datent d'avant le confinement,
01:26:52 et pendant le confinement, les temps d'écran ont augmenté,
01:26:56 on n'a pas d'études vraiment robustes.
01:26:59 Ça a augmenté et peut-être que ça n'a pas baissé ?
01:27:01 Ça n'a probablement pas baissé.
01:27:02 Et cette plasticité est particulièrement importante pendant les premières années de vie,
01:27:08 et il y a une somme d'apprentissage qui est énorme,
01:27:12 notamment en particulier dans les sept premières années de vie.
01:27:15 Et il y a une autre notion qui est importante, c'est la notion de période critique,
01:27:21 c'est-à-dire qu'il y a des moments où le cerveau est prêt,
01:27:25 c'est génétiquement configuré pour chaque espèce,
01:27:27 il est prêt pour apprendre certaines choses.
01:27:29 Si vous loupez cette étape, vous rattrapperez pas.
01:27:32 C'est le cas de la légende de Tarzan.
01:27:34 Tarzan élevé par les singes n'aurait jamais pu acquérir le langage plus tard,
01:27:39 parce que c'était trop tard.
01:27:40 Voilà, c'est la caricature de cette période critique.
01:27:43 Mais ça peut se faire pour des choses plus fines.
01:27:47 Et bien sûr, ça ne se verra pas forcément de façon flagrante,
01:27:51 parce que l'enfant va apprendre,
01:27:53 mais ses performances seront moins bonnes
01:27:56 que s'il avait été dans les bonnes conditions au bon moment.
01:28:02 Et alors, peut-être que je vais dire des choses ce soir
01:28:05 qui vont mettre mal à l'aise certains parents,
01:28:08 ou qui vont peut-être se dire qu'ils n'ont pas bien fait avec leur enfant,
01:28:11 ou qu'ils font mal avec leur enfant.
01:28:13 Il faudrait qu'ils ne ferment pas leurs oreilles,
01:28:14 parce que parfois il y a une réaction de fermeture et de déni
01:28:17 en se disant "c'est trop difficile à entendre,
01:28:19 je préfère ne pas me remettre en question
01:28:20 parce que ce serait trop douloureux en fait".
01:28:22 Donc l'idée de ce bouquin et l'idée de nos propos,
01:28:25 ce n'est surtout pas de faire culpabiliser les gens,
01:28:27 parce que la culpabilité n'avoidra aucun progrès.
01:28:31 Et la culpabilité n'a pas sa place quand on n'est pas informé.
01:28:37 À partir du moment, par contre, où on a la bonne information,
01:28:40 alors on est responsable du choix que l'on va faire,
01:28:43 de changement éventuellement.
01:28:44 Donc la culpabilité, elle est là.
01:28:47 Et vous m'avez répondu sur les adolescents,
01:28:50 jusqu'à 25 ans, les adultes, les gens de notre âge,
01:28:54 ça continue d'avoir un impact sur notre cerveau,
01:28:58 sur notre mémoire, sur notre...
01:29:01 Il y a des études, ce n'est pas des petites études,
01:29:03 ce sont des études qui sont assez rigolotes,
01:29:05 je ne vais peut-être pas détailler,
01:29:06 mais qui montrent que chez des adultes,
01:29:08 la simple présence d'un téléphone portable à proximité,
01:29:11 même en mode silencieux,
01:29:13 perturbe nos capacités cognitives en termes de vitesse de traitement
01:29:16 des informations, d'attention, globalement.
01:29:19 Est-ce qu'on est obsédé par ça, en fait ?
01:29:21 Et on n'a pas forcément conscience de l'être.
01:29:22 C'est peut-être un peu comme si on luttait en permanence
01:29:26 contre cette envie d'aller regarder ce qui se passe.
01:29:28 Si vous laissiez un poste de télévision allumé dans une pièce,
01:29:34 forcément, vous avez les yeux qui sont tournés dessus,
01:29:36 même si ce qui s'y passe ne vous intéresse pas du tout.
01:29:38 Oui, mais là, même retourné,
01:29:42 silencieux, sans clé de notification.
01:29:44 Et c'est ce que je voulais dire par rapport aux normes,
01:29:49 aux recommandations qui sont avancées aujourd'hui.
01:29:53 Globalement, tout le monde est d'accord pour dire avant 2 ans.
01:29:56 Donc rien.
01:29:57 Ensuite, l'OMS a une formule qui est assez étonnante.
01:30:02 Elle dit, entre 2 et 5 ans, une heure par jour maximum,
01:30:06 mais moins, c'est mieux.
01:30:08 Je suis parent, je veux le mieux pour mon enfant.
01:30:12 On me dit une heure maximum, mais moins, c'est mieux.
01:30:15 Je ne choisis rien, puisqu'on ne me dit pas s'il y a un seuil
01:30:18 qui est mauvais, en l'occurrence.
01:30:21 Et après, je vous promets, je vous relâche, je reprends,
01:30:23 je passe le micro.
01:30:24 En l'occurrence, il y a deux études avec quand même,
01:30:27 je vais dire, milliers d'enfants qui ont suivi,
01:30:30 une au Canada et l'autre, je ne vais pas dire de bêtises,
01:30:34 elle doit être en Allemagne, des enfants de l'âge de 2 ans
01:30:37 à l'âge de 5 ans.
01:30:38 Et ceux qui étaient exposés à plus d'une demi-heure
01:30:41 de télévision par jour, ou plus d'une heure d'écran par jour,
01:30:44 avaient des performances cognitives qui étaient moins bonnes
01:30:48 aux examens successifs que celles qui étaient attendues
01:30:51 s'ils suivaient la courbe lors du premier examen.
01:30:54 Ce n'est pas beaucoup une demi-heure par jour.
01:30:55 Je vous rappelle qu'à 2 ans, c'est une heure par jour en moyenne
01:30:58 et au-delà, c'est une heure et demie, deux heures.
01:31:00 - Raph Arfouch, qu'est-ce que vous pensez de ce que nous dit
01:31:04 Servan Mouton ?
01:31:06 - Premièrement, félicitations sur votre livre.
01:31:09 Moi, je suis complètement d'accord avec l'usage des écrans
01:31:13 pour les petits.
01:31:15 Mais par contre, pour les adultes, je vois au niveau
01:31:19 comme une anthropologue numérique, une manque de conception
01:31:22 intentionnelle dans la façon dont ces outils peuvent être
01:31:25 utilisés à notre avantage.
01:31:27 Au lieu, nous sommes guidés par des fonctionnalités,
01:31:30 des algorithmes qui sont conçus par des entreprises
01:31:32 qui recherchent la rentabilité.
01:31:34 Mais quand nous utilisons ces outils avec une intentionnalité,
01:31:38 ils peuvent être extrêmement positifs.
01:31:41 Ils peuvent nous aider à apprendre, à faire des connexions,
01:31:44 des amitiés, des communautés.
01:31:46 Mais en fait, je ne pense pas qu'on peut séparer les avantages
01:31:50 et les désavantages parce que ces outils sont une extension
01:31:54 de nous-mêmes en tant qu'humains.
01:31:56 Donc, ça va combiner nos meilleurs et nos pires aspects
01:32:00 qui seront amplifiés à l'échelle mondiale.
01:32:02 Donc, tout ce que nous voyons développer dans le monde
01:32:04 technologique en intement est un reflet de nos valeurs
01:32:07 en tant que société.
01:32:08 Nous créons des pollutions industrielles parce que nous avons
01:32:11 des forces économiques qui ne donnent pas la priorité
01:32:13 à la planète.
01:32:14 Il y a l'existence de la pornographie misogyne parce que
01:32:17 nous vivons dans une société qui ne valorise pas,
01:32:19 qui ne protège pas toujours les femmes comme il faut.
01:32:21 Donc, pour moi, je pense que c'est essentiel de parler
01:32:24 des impacts sur le cerveau, oui, mais on ne peut pas minimiser
01:32:27 les bénéfices que ça peut aussi apporter aux gens pour se
01:32:31 connecter, pour améliorer leur vie, pour leur permettre
01:32:34 d'accéder à des opportunités économiques, pour pouvoir
01:32:37 avoir des liens de soutien, d'information, d'éducation,
01:32:41 mobilisation.
01:32:42 Donc, je pense que tout ça, on ne peut pas le jeter à côté
01:32:45 non plus.
01:32:46 De même, sur la santé mentale, Servan Mouton s'est abordée
01:32:51 évidemment dans votre livre.
01:32:53 On comprend que l'excès d'écrans incite au comportement
01:32:58 à risque, le tabac, l'alcool, les drogues, l'obésité,
01:33:02 la pornographie et les agressions sexuelles que vous associez
01:33:06 à la pornographie.
01:33:08 Mais tout ça, c'est l'isolement.
01:33:12 Est-ce que ça n'est pas l'isolement plutôt que l'écran ?
01:33:16 - Le problème, c'est que les écrans sont devenus omniprésents,
01:33:20 que les écrans sont devenus omniprésents dans nos vies privées
01:33:23 et dans nos vies professionnelles.
01:33:25 Aujourd'hui, l'âge d'acquisition, enfin, pas d'acquisition,
01:33:28 parce qu'on leur offre l'âge d'obtention, on va dire,
01:33:30 d'un premier téléphone, en France, l'âge moyen, c'est 9 ans.
01:33:33 Au collège, globalement, c'est pas 100%, mais ça fleure les 100%.
01:33:39 - Mais là, quand vous dites tabac, drogue, alcool,
01:33:42 vous ne parlez pas des enfants de 9 ans.
01:33:44 - Si, si, parce qu'aujourd'hui, nous ne sommes pas capables,
01:33:47 en tout cas, il n'y a pas de moyens qui nous permettent
01:33:50 de les protéger de l'exposition à des contenus inappropriés.
01:33:54 Quand vous voulez aller sur un site pornographique,
01:33:57 vous cliquez, il y a marqué "Avez-vous plus de 18 ans ?"
01:34:00 Oui. Et vous pouvez surfer sur le site pornographique.
01:34:03 Vous allez sur Instagram, sur Twitter, sur TikTok, etc.,
01:34:06 il va y avoir des influenceurs ou des partages de vidéos
01:34:09 où vont apparaître des e-cigarettes, où vont apparaître le tabac,
01:34:12 ou sur les séries Netflix, des choses comme ça, le tabac, l'alcool,
01:34:15 qui vont être placés dans des situations
01:34:17 qui sont plutôt soit valorisantes ou neutres, festives.
01:34:20 - Mais ça existait déjà avec le cinéma, avec la télévision,
01:34:23 avec la littérature ? - Bien sûr, bien sûr.
01:34:25 Pour le coup, il y a une littérature qui est très abonnante
01:34:28 entre le tabac, l'incitation au tabagisme par les films hollywoodiens,
01:34:31 qui ont été très réglementées, et du coup, ça a basculé sur Netflix,
01:34:36 sur ces mêmes plateformes.
01:34:38 Et il n'y a pas de régulation là-dessus.
01:34:40 Et la différence, c'est qu'auparavant, la télévision,
01:34:43 elle était généralement dans une pièce à vivre,
01:34:45 on y conseillait déjà, à ce moment-là, aux parents,
01:34:47 de mettre des télés dans la chambre des enfants,
01:34:49 même s'il y en avait certains qui le faisaient,
01:34:51 c'est toujours les mêmes consignes aujourd'hui,
01:34:53 on les met dans la pièce à vivre, donc on n'avait pas finalement,
01:34:55 enfin les enfants n'avaient pas aussi facilement accès
01:34:57 à des contenus qui ne leur étaient pas destinés,
01:34:59 qui étaient inappropriés, que c'est le cas aujourd'hui,
01:35:01 avec un smartphone.
01:35:03 Les proportions sont en fait...
01:35:05 Vous avez...
01:35:07 Les proportions d'enfants en primaire
01:35:10 qui ont été exposés à la pornographie aujourd'hui,
01:35:12 c'est 30 à 50 % selon les enquêtes.
01:35:14 En primaire, moins de 11 ans.
01:35:16 À la fin du collège, c'est 100 %, quasiment.
01:35:19 Ce n'était pas le cas avec la télévision.
01:35:21 Quand j'étais enfant, on disait la même chose
01:35:23 sur le fait que des enfants étaient exposés
01:35:25 à la nudité à l'époque.
01:35:27 La pornographie était quasiment inaccessible,
01:35:29 mais ils trouvaient qu'il y avait des magazines érotiques
01:35:31 où on voyait des femmes nues.
01:35:33 Et les gens étaient catastrophés.
01:35:35 Vous vous rendez compte ? Les petits garçons,
01:35:37 il a vu une femme nue. Est-ce que c'était si grave ?
01:35:39 Je ne sais pas. Je ne veux pas dire là que pour l'instant...
01:35:41 - Je ne sais pas pour la nudité.
01:35:43 Je sais que pour la pornographie, oui.
01:35:45 - Aujourd'hui, on s'inquiète de la pornographie
01:35:47 comme on s'inquiétait de la nudité.
01:35:49 - Je ne suis pas d'accord.
01:35:51 - Ce n'est pas la même chose.
01:35:53 - Est-ce qu'on est sûr des conséquences catastrophiques
01:35:55 qu'on y voit ?
01:35:57 - Parce que les pédopsychiatres les voient.
01:35:59 - Pardon d'assister et d'avoir l'air de débattre,
01:36:01 mais les pédopsychiatres voient des enfants
01:36:03 qui ont des problèmes.
01:36:05 Il y a aussi tous les enfants qui n'en ont pas.
01:36:07 - Non, parce que quand vous êtes...
01:36:09 C'est dommage que Louis Forgeat ne soit pas là
01:36:11 parce que c'est vraiment lui qui en parle le mieux.
01:36:13 Je suis neurologue et je ne suis pas pédopsychiatre.
01:36:15 Mais quand vous êtes un enfant ou un adolescent,
01:36:17 un enfant encore moins mûr pour ça,
01:36:19 mais en période de péripuberté,
01:36:21 et que vous êtes titillé par les hormones,
01:36:23 au niveau émotionnel, tout ça est très compliqué,
01:36:25 et qu'au lieu d'aller découvrir la sensualité,
01:36:27 la sexualité, la relation à l'autre,
01:36:29 à travers l'autre, à travers les relations
01:36:31 et les interactions avec l'autre,
01:36:33 qui vont être verbales, physiques,
01:36:35 tout ce que vous voulez,
01:36:37 mais qui vont être dans la vraie réalité,
01:36:39 quand on vous balance de la pornographie
01:36:41 qui va être le plus souvent violente,
01:36:43 avec des émulations fleur-la-femme,
01:36:45 avec des émulations de pornographie, etc.
01:36:47 C'est l'astuce que vous allez construire,
01:36:49 votre sexualité et votre relation à l'autre.
01:36:51 Alors oui, c'est dramatique,
01:36:53 et ça l'est beaucoup plus que de voir une femme nue,
01:36:55 à mon avis.
01:36:57 - Oui, sans aucun doute.
01:36:59 Mais peut-être qu'ils y voient aussi du catch.
01:37:01 - Là, je ne crois pas.
01:37:03 - J'aimerais le penser.
01:37:05 Rafa Fouch, pardon.
01:37:07 - Je suis d'accord au niveau,
01:37:09 encore avec les jeunes,
01:37:11 mais je pense que le problème,
01:37:13 c'est qu'on n'est pas en train de créer
01:37:15 une culture d'utilisation de ces outils
01:37:17 qui sont créés par les entreprises
01:37:19 qui ont des priorités économiques.
01:37:21 Donc le problème, c'est que nous,
01:37:23 on n'est pas en train de créer
01:37:25 la culture comme il faut
01:37:27 de comment apprendre aux jeunes
01:37:29 comment utiliser ces outils.
01:37:31 Quand j'étais prof,
01:37:33 quand j'enseignais mes étudiants,
01:37:35 ils sont des jeunes de 19,
01:37:37 entre 19 et 22 ans,
01:37:39 j'étais obligée d'ajouter un cours,
01:37:41 un cours dans mon cours,
01:37:43 en leur expliquant comment ils peuvent protéger
01:37:45 et garder leur focus et leur concentration
01:37:47 dans cette ère de notification sans arrêt.
01:37:49 Mais ce n'était pas de leur dire
01:37:51 n'utilise pas ces plateformes,
01:37:53 c'était de dire c'est vous
01:37:55 qui sont en contrôle
01:37:57 et si vous l'utilisez comme il faut,
01:37:59 c'est un outil qui est vraiment puissant,
01:38:01 qui peut vous aider,
01:38:03 qui peut vous améliorer votre éducation,
01:38:05 améliorer votre accès à l'information,
01:38:07 qui peut vous aider à construire
01:38:09 un réseau international,
01:38:11 faire des connexions avec des gens,
01:38:13 mais tout ça, ils doivent apprendre.
01:38:15 Et ce qu'on fait maintenant culturellement,
01:38:17 c'est qu'on laisse les plateformes gérer
01:38:19 les normes culturelles,
01:38:21 et ça je pense qu'on ne doit pas le faire,
01:38:23 parce que c'est nous qui doivons dire
01:38:25 voilà les règles sur lesquelles on va utiliser ces outils.
01:38:27 Mais sinon,
01:38:29 c'est comme l'exemple avec
01:38:31 la pornographie et les jeunes,
01:38:33 il y a des sites où en famille
01:38:35 vous pouvez bloquer l'accès à des sites,
01:38:37 il y a des apps que vous pouvez installer
01:38:39 sur le portable qui bloquent l'accès
01:38:41 à l'application qui limite le temps.
01:38:43 Donc on ne peut pas aussi dire que c'est juste la technologie.
01:38:45 Il y a une manque de formation
01:38:47 pour les parents, et aussi pour
01:38:49 les gens qui donnent
01:38:51 des avis sur ces trucs
01:38:53 sans vraiment qu'ils soient
01:38:55 membres des communautés numériques eux-mêmes.
01:38:57 Donc je pense que quand vous parlez
01:38:59 aux gens qui passent du temps
01:39:01 en train d'investir dans des communautés
01:39:03 qui sont en ligne, qui ont des
01:39:05 expériences assez positives,
01:39:07 cette expérience n'est aussi pas racontée
01:39:09 toujours dans des recherches
01:39:11 qui ne se ciblent que sur les aspects négatifs.
01:39:13 - Les effets,
01:39:15 il y aurait des effets
01:39:17 aussi sur notre sommeil,
01:39:19 y compris chez les adultes,
01:39:21 sur les maladies cardiovasculaires,
01:39:23 mais là aussi, ce n'est pas vraiment
01:39:25 les écrans, c'est quand même la sédentarité, non ?
01:39:27 - Bien sûr, c'est la...
01:39:29 Oui, alors
01:39:31 le sommeil ou la sédentarité d'abord ?
01:39:33 - C'est un gros pavé de santé.
01:39:35 Sur le sommeil,
01:39:37 il y a des rapports qui sortent
01:39:39 assez régulièrement, tous les deux ans à peu près,
01:39:41 d'un institut qui s'appelle l'Institut National de la Vigilance et du Sommeil.
01:39:43 Et dans l'un d'entre eux,
01:39:45 mais je vais m'élanger sur les dates, c'est 2016 ou 2020,
01:39:47 je ne sais plus, il y avait une petite phrase
01:39:49 qui dit "les écrans sont aujourd'hui
01:39:51 au centre des préoccupations des spécialistes
01:39:53 concernant les troubles du sommeil chez les Français
01:39:55 de tous les âges". - De tous les âges.
01:39:57 - Comme ça, les choses sont posées.
01:39:59 La dette chronique de sommeil
01:40:01 est...
01:40:03 Donc un manque chronique de sommeil
01:40:05 est quelque chose qui est devenu courant
01:40:07 chez les adultes, chez les enfants aussi.
01:40:09 Et donc une des principales causes
01:40:11 est l'utilisation des écrans.
01:40:13 On déconseille de les utiliser
01:40:15 dans l'heure qui précède l'endormissement.
01:40:17 On demande,
01:40:19 on préconise aussi,
01:40:21 on incite à les sortir de la chambre,
01:40:23 téléphone, ordinateur, tablette,
01:40:25 tout ça, il existe de la chambre,
01:40:27 pour les enfants, les ados, comme pour les adultes.
01:40:29 Mais évidemment, c'est pas fait,
01:40:31 mais c'est ce qu'il faudrait faire.
01:40:33 Et comme ça n'est pas fait,
01:40:35 ça se sol par une dette de sommeil.
01:40:37 Et ce qu'on ne dit pas, parce que la phrase d'après,
01:40:39 c'est que la dette chronique de sommeil
01:40:41 est à l'origine de, en tout cas contribue
01:40:43 à de multiples problèmes de santé.
01:40:45 Parce que le sommeil est un filier de notre santé.
01:40:47 C'est les maladies cardiovasculaires,
01:40:49 on les retrouve, ça favorise aussi
01:40:51 les maladies neurodégénératives, comme la maladie d'Alzheimer.
01:40:53 Ça favorise aussi
01:40:55 les troubles métaboliques, diabète,
01:40:57 hypertension, ça favorise
01:40:59 les troubles des apprentissages,
01:41:01 parce que quand on ne dort pas bien, on n'apprend pas bien,
01:41:03 les troubles attentionnels, les accidents.
01:41:05 Donc en fait,
01:41:07 voilà, et les écrans, c'est pas moi qui le dis,
01:41:09 c'est l'Institut d'assainissement de la Vigilance en Isommeil,
01:41:11 c'est la première... - Pardonnez-moi, je me fais la voie
01:41:13 cadudaire depuis tout à l'heure, mais...
01:41:15 On comprend bien,
01:41:17 ça va nous donner toutes les maladies.
01:41:19 Mais bon, c'est la vie qui nous donne toutes les maladies aussi.
01:41:21 J'ai l'impression qu'on prête aux écrans
01:41:23 tout ce qui nous fait peur
01:41:25 dans la vie.
01:41:27 - Non, ils amènent vraiment quelque chose.
01:41:29 - On les accuse de nous isoler,
01:41:31 mais on s'isole tout seul.
01:41:33 On leur reproche
01:41:35 tout ce qu'on peut reprocher à la sédentarisation,
01:41:37 en fait, à notre époque.
01:41:39 C'est plus notre époque
01:41:41 que l'on incrimine, que les écrans.
01:41:43 Je me demande, je vous pose la question.
01:41:45 - A mon avis, aujourd'hui, ce qu'on perd de vue, en tout cas,
01:41:47 c'est notre responsabilité en tant qu'adulte
01:41:49 à protéger les mineurs. Aujourd'hui, comme
01:41:51 me disait Madame,
01:41:53 c'est le modèle économique.
01:41:55 Je m'avance sur un terrain, pour moi, un peu miné,
01:41:57 mais le modèle économique sur lequel reposent
01:41:59 les plateformes de réseaux sociaux,
01:42:01 de jeux vidéo
01:42:03 et applications diverses, c'est
01:42:05 nous attirer en ligne le plus souvent possible
01:42:07 et nous y maintenir le plus longtemps possible
01:42:09 pour capter le plus possible de données de navigation,
01:42:11 les monnayer, nous vendre des publicités
01:42:13 ciblées, etc.
01:42:15 Et ça, c'est la manipulation, c'est la base
01:42:17 de l'économie de l'attention, on l'appelle comme ça, la neuroéconomie.
01:42:19 Et ils sont très forts,
01:42:21 ils emploient plein de psychologues,
01:42:23 ils savent très bien faire pour développer
01:42:25 des produits qui sont addictifs ou addictif-like.
01:42:27 Non, pas mais,
01:42:29 parce que c'est là-dessus
01:42:31 que repose le problème, c'est que notre attention
01:42:33 est manipulée à notre insu,
01:42:35 que nous ne protégeons pas les enfants de ça,
01:42:37 qu'ils sont plus vulnérables que les adultes
01:42:39 parce que leur cerveau n'est pas mature,
01:42:41 donc ils ont encore plus de mal
01:42:43 à résister à ces sollicitations
01:42:45 et qu'ils vont être...
01:42:47 à un moment où ils sont en train de se constituer
01:42:49 presque le capital santé pour leur vie,
01:42:51 notamment en termes de sommeil et de sédentarité,
01:42:53 ils vont devenir sédentaires.
01:42:55 C'est quasiment 50% des moins de 18 ans,
01:42:57 un autre rapport de l'ANSES,
01:42:59 qui sont considérés comme étant à risque sanitaire élevé
01:43:01 en termes de sédentarité et de diminution
01:43:03 de l'activité physique.
01:43:05 C'est énorme, 50% des moins de 18 ans, trop sédentaires.
01:43:07 - Dernier sujet,
01:43:09 vous en abordez énormément, mais je ne peux pas
01:43:11 ne pas aborder celui-là,
01:43:13 les rayonnements radio-fréquences des téléphones mobiles
01:43:15 qui augmenteraient les risques de cancer du cerveau.
01:43:17 C'est pas prouvé, ça, quand même.
01:43:19 - Alors... - Beaucoup de gens craignent,
01:43:21 on voit de plus en plus de gens qui parlent à leur téléphone
01:43:23 de loin, mais c'est pas prouvé.
01:43:25 - Alors, en 2011,
01:43:27 le Comité international de recherche
01:43:29 contre le cancer, le CIRC, a classé
01:43:31 ces rayonnements électromagnétiques
01:43:33 comme étant cancérigènes possibles.
01:43:35 Donc c'est pas totalement farfelu de craindre
01:43:37 le risque cancérigène. Depuis,
01:43:39 il y a eu deux études chez l'Animal
01:43:41 qui ont aussi montré un effet cancérigène.
01:43:45 C'est les Murins.
01:43:47 Ensuite,
01:43:49 c'est, alors,
01:43:51 les chapitres le diront mieux que moi, mais c'est ce qu'on appelle
01:43:53 des alertes dans des grandes affaires
01:43:55 de santé publique qu'il y a pu y avoir
01:43:57 dans les années précédentes, et dans le bouquin,
01:43:59 l'auteur David J. fait le parallèle
01:44:01 avec l'Amiante, on a toujours vu ça.
01:44:03 C'est-à-dire qu'il y a...
01:44:05 Je vais pas vous dire "oui, c'est cancérigène".
01:44:07 Voilà. En tout cas,
01:44:09 c'est cancérigène possible, et les études continuent.
01:44:11 Mais ça a été comme ça pour
01:44:13 les perturbateurs endocriniens, pour les pesticides,
01:44:15 pour l'amiante, pour le tabac, blablabla.
01:44:17 Il y a eu des études qui ont dit "Ah, il y a peut-être un problème".
01:44:19 Et puis,
01:44:21 on a laissé faire, et puis, 100 ans plus tard,
01:44:23 on dit "Le tabac, ça donne le cancer du poumon,
01:44:25 ça donne les maladies cardiovasculaires, etc."
01:44:27 Pour les radiations électromagnétiques, il y a des alertes
01:44:29 pour les cancers
01:44:31 de la tête, parce que c'est le plus proche,
01:44:33 et pour la fertilité masculine,
01:44:35 également. Voilà. C'est les deux choses
01:44:37 qui sont avancées.
01:44:39 Après, il y a quand même des petits trucs
01:44:41 qui sont pour le moins intriguants.
01:44:43 C'est que les compagnies de réassurance
01:44:45 comme la Lloyds et une autre
01:44:47 dont j'ai oublié le nom... - Sursurf.
01:44:49 - Oui, c'était dans... C'est bien celle-là.
01:44:51 On mit comme clause d'exclusion
01:44:53 de leurs contrats d'assurance
01:44:55 toute maladie qui pourrait découler
01:44:57 de l'exposition aux radiations électromagnétiques, par exemple.
01:45:01 - Ils sont malins, ces assureurs, quand même.
01:45:03 Un tout dernier mot, Rafa Fouch ?
01:45:05 - Je suis vraiment d'accord avec
01:45:09 le besoin d'être très ciblé
01:45:11 sur les impacts sur les cerveaux
01:45:13 de notre technologie, mais j'espère
01:45:15 qu'on va procéder avec une perspective
01:45:17 pour ne pas priver notre société
01:45:19 aussi des incroyables avantages
01:45:21 et de pouvoir
01:45:23 se connecter et puis de créer
01:45:25 des liens entre nous qui, je pense,
01:45:27 peuvent vraiment améliorer notre vie.
01:45:29 - Un dernier mot, juste ?
01:45:31 - Oui, très vite.
01:45:33 - Je ne rentre pas sur l'histoire de santé,
01:45:35 parce que... Mais dans le monde
01:45:37 des entreprises et d'organisations,
01:45:39 qui est le mien, effectivement,
01:45:41 tous les travaux montent qu'il faut
01:45:43 apprivoiser à la digitalisation.
01:45:45 Donc on est vraiment sur une question
01:45:47 de management, d'éducation. Spontanément,
01:45:49 ça peut effectivement provoquer
01:45:51 des gros dégâts.
01:45:53 - Je vous remercie tous les quatre
01:45:55 d'avoir participé à cette émission.
01:45:57 Merci aussi à Rafa Fouch et à tous ceux
01:45:59 qui étaient là au début de cette émission
01:46:01 et qui nous ont quittés.
01:46:03 Merci de nous avoir suivis.
01:46:05 On se retrouve pour le prochain numéro
01:46:07 des Visiteurs du Soir, samedi prochain,
01:46:09 à 22h. Passez une très belle nuit.
01:46:11 Merci.