Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir
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00:00:00 Ils sont déjà quatre assis autour de moi. Ils sont en train d'éteindre leur téléphone, les visiteurs du soir.
00:00:08 C'est juste après le rappel des titres par Isabelle Piboulot.
00:00:12 (Générique)
00:00:14 Volodymyr Zelensky a atterri à Paris ce soir, accueilli par la Première ministre et la chef de la diplomatie.
00:00:21 Le président ukrainien a ensuite rejoint Emmanuel Macron pour un dîner de travail à l'Élysée,
00:00:26 l'occasion de réaffirmer le soutien indéfectible de la France et de l'Europe.
00:00:31 Les deux chefs d'État doivent évoquer les besoins urgents de l'Ukraine sur les plans militaires et humanitaires.
00:00:37 Et en amont de cette rencontre, Emmanuel Macron s'est exprimé dans le journal L'Opinion.
00:00:42 La Russie a d'ores et déjà perdu géopolitiquement.
00:00:45 Elle ne doit pas gagner la guerre militaire, a déclaré le président français.
00:00:50 Et d'ajouter que c'est à nous de voir comment aider les Ukrainiens dans leur contre-offensive,
00:00:54 comment préparer la question des garanties de sécurité des négociations qu'il y aura immanquablement.
00:01:00 Dans le reste de l'actualité, à Paris, près de 500 personnes ont rendu hommage à Jeanne d'Arc ce matin.
00:01:06 Une manifestation à l'appel du mouvement royaliste L'Action française,
00:01:10 scandant parmi les slogans "Abas la République", une attaque inacceptable dénoncée par le ministre de l'Intérieur.
00:01:17 L'extrême droite a encore montré son visage nauséabond, a réagi Gérald Darmanin sur Twitter.
00:01:23 *Générique*
00:01:38 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir. C'est la fin de la semaine, il est 22h.
00:01:43 On peut se dire des choses qu'on n'entend pas ailleurs, sur l'État, sur les impôts, les enfants,
00:01:48 ou sur ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde. C'est le titre du nouveau livre de Jean-François Chemin.
00:01:54 Il sera parmi nous à 23h30. D'ici là, avec Agnès Verdier-Molligny, la directrice de la fondation IFRAP,
00:02:00 on va se demander où va notre argent. "Nous sommes le pays le plus taxé de la zone euro", dit-elle,
00:02:05 "et pourtant nos services publics sont à l'agonie". Benjamin Brice, l'auteur de "La sobriété gagnante",
00:02:10 "Pouvoir d'achat, écologie, déficit, comment sortir de l'impasse" est présent également.
00:02:15 Et à 23h, on recevra Frédéric Spinirni qui publie un manifeste, "Vous voulez sauver la planète ? Faites des gosses !"
00:02:23 Antoine Bueno ne sera sans doute pas d'accord. C'est l'auteur de "Permis de procréer"
00:02:28 et de "L'effondrement du monde n'aura probablement pas lieu". Et on commence tout de suite cette émission
00:02:33 où il va beaucoup être question de l'État, avec Édouard Jourdain, l'auteur de "Géopolitique de l'anarchisme"
00:02:39 qui vient de faire paraître aux presses universitaires de France "Le sauvage et le politique".
00:02:44 C'est avec "La découverte de l'Amérique" que l'on a fait la connaissance du "sauvage"
00:02:49 qui vivait dans une société sans État. Cela nous a permis à l'époque de regarder différemment nos institutions.
00:02:55 Mais le sauvage a-t-il encore quelque chose à nous apprendre sur le plan politique, à nous les hommes d'aujourd'hui ?
00:03:01 Alors oui, tout à fait. Je pense sur plusieurs points. Il y a un point strictement politique, un point économique et un point écologique.
00:03:11 Le point politique, ce qui est très intéressant, c'est que dans ces sociétés "sauvages", qui sont en fait des sociétés sans État,
00:03:19 il y a l'idée que ce qui est fondamental, c'est de contrôler le pouvoir un maximum de manière à éviter l'arbitraire.
00:03:27 Il y a beaucoup de questions...
00:03:28 Donc il n'y a pas d'État, mais il y a un pouvoir ?
00:03:30 Il y a du pouvoir. Toutes les sociétés sont faites de relations de pouvoir, bien évidemment.
00:03:34 Ce qu'ils vont faire, c'est essayer de faire en sorte de ce que l'anthropologue Pierre Clastres dit "conjurer l'État",
00:03:42 c'est-à-dire l'émergence de cette autorité extérieure à la société.
00:03:46 Donc eux, ils ont un chef, ce qu'on appelle la "chefferie", mais ce chef n'a aucun pouvoir de coercition, de commandement.
00:03:53 On parle beaucoup de guerre en ce moment, ce n'est pas quelqu'un qui peut aller dire à tout le monde "Allez, on y va, on part en guerre, etc."
00:04:00 Il faut un assentiment total, unanime, de la société, sinon ils risquent de se faire tuer.
00:04:05 Mais la société, vous parlez d'une tribu de 40 personnes, j'imagine, non ?
00:04:08 Non, en réalité, ça peut être des tribus qui peuvent être plus ou moins vastes, alors 100, 150 personnes, 200...
00:04:16 On reviendra peut-être sur la question de l'échelle, mais en effet, très souvent, ça peut être des groupes aux alentours de 120 personnes.
00:04:22 C'est le célèbre nombre de Donbass, qui est le nombre le plus adéquat pour qu'il puisse toujours y avoir des relations de face à face, des coopérations, etc.
00:04:33 Tout le monde se connaît ?
00:04:34 Tout le monde se connaît, mais il peut y avoir aussi des sociétés où il va y avoir une fédération de petits groupes,
00:04:41 comme on peut avoir au sud-sud-soudan avec les Nuer, les Dinka, etc., qui sont plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d'individus.
00:04:50 Simplement, ils sont organisés de manière fédérée, afin qu'on n'ait pas une grosse masse, en effet, qui empêche tout débat, toute coopération.
00:04:59 Mais Edouard Jourdain, il y a un chef, vous l'avez dit, il n'a pas de pouvoir coercitif, mais il y a quand même un chef.
00:05:05 Il y a aussi un grand sorcier, un chaman, il y a un pouvoir sacré, il y a de la magie.
00:05:12 Tout ça, ça ne fait pas un État ou un embryon d'État ?
00:05:16 Non. Alors, ça peut être des éléments qui vont permettre à terme la constitution d'un État.
00:05:22 Justement aussi, mon livre, c'est un petit peu une enquête sur la généalogie de l'émergence de cet État, comment ça se fait à un moment qu'il puisse émerger.
00:05:30 Alors, chez les chamanes, par exemple, on a des sociétés, là encore ça varie, où les chamanes ont plus ou moins de pouvoir.
00:05:37 C'est-à-dire qu'à un moment, il y a certaines sociétés où les chamanes ne sont simplement que les intermédiaires, les intercesseurs entre les esprits et les individus,
00:05:48 et son rôle se réduit à cela. Et puis, il y en a d'autres où il va monopoliser un petit peu plus le pouvoir de l'imaginaire.
00:05:55 Et alors là, commence à se profiler celui qui sera à terme un prophète, plus tard un prêtre,
00:06:02 qui va pouvoir être lié par la suite à un pouvoir politique qui va se créer aussi.
00:06:07 Donc, vous parliez de sacré. Dans le cadre de la chefferie, par exemple, on n'est pas encore dans le profil du chef sacré, du souverain sacré,
00:06:23 dans la mesure où ce qui va compter, avant tout, c'est la loi des ancêtres, la loi des dieux, auxquelles le chef est complètement soumis.
00:06:31 En réalité, son seul rôle, c'est simplement de la rappeler.
00:06:34 Quand le chef devient sacré, ça devient un petit peu plus différent déjà.
00:06:38 C'est-à-dire qu'il devient extraordinaire déjà par rapport à ses pairs, mais lui-même est toujours en fait enserré par tout un tas de normes qui fait qu'il est sacré.
00:06:49 Et en réalité, sa marge de manœuvre est très réduite. On va le retrouver attaché sur une chaise dans les forêts ou enfermé dans une tour, etc.
00:06:58 Pour éviter précisément que son pouvoir ne s'exerce trop de manière arbitraire.
00:07:04 Donc, ça va être une sorte de point de référence, mais c'est à peu près tout.
00:07:08 Il n'y a pas plus de pouvoir que la reine d'Angleterre, par exemple, qui a quand même plus de pouvoir que ses chefs.
00:07:14 Néanmoins, vous dites qu'il ne peut pas entraîner sa tribu dans la guerre. Néanmoins, il y a des guerres.
00:07:19 Il y a aussi de la violence. Il y a des sacrifices humains. Ça vient d'où ?
00:07:24 Complètement. Et ça, c'est de manière plus ou moins unanime.
00:07:31 Après, il y a des relations encore de pouvoir au sein de ces sociétés, des inégalités entre les hommes et les femmes, surtout entre les jeunes et les vieux.
00:07:41 Il y a l'ancêtre qui va toujours avoir un petit peu plus de pouvoir que les autres de par son expérience, etc.
00:07:48 Et en effet, ces sociétés-là ne sont pas des sociétés complètement pacifiques, comme on peut la voir dans un imaginaire du Bon Sauvage, etc.
00:07:56 Ce qu'avait Rousseau, justement, après avoir entendu les récits sur ce "sauvage".
00:08:01 Au contraire, ce sont des sociétés qui font beaucoup la guerre, pour plusieurs raisons.
00:08:06 Une des raisons, c'est pour, notamment, paradoxalement, résoudre des conflits.
00:08:14 On se fait la guerre pour résoudre des conflits. Donc, il y a une dimension de justice dans la guerre,
00:08:19 qui va être liée à des territoires, qui va être liée aussi aux femmes, aux échanges entre les femmes, etc.
00:08:25 Donc, il y a un territoire.
00:08:26 Donc, il y a des territoires.
00:08:28 Donc, il y a des frontières, presque.
00:08:29 Donc, il y a des formes de frontières, qui ne sont pas délimitées comme celles des États,
00:08:34 mais il y a en effet un rapport au territoire qui est très important.
00:08:38 Même si ces sociétés-là, parfois, peuvent être nomades.
00:08:42 Mais y compris quand on est nomade, en réalité, on a un rapport au territoire qui est très important.
00:08:48 Alors, Deleuze parlait de lignes de fuite, etc.
00:08:52 Mais ils habitent, à proprement parler, leur territoire.
00:08:56 Donc, ça, en effet, c'est un élément fondamental.
00:08:59 Est-ce qu'il y a une agriculture ?
00:09:00 Parce que, nous, c'est avec l'agriculture qu'on fait tout démarrer.
00:09:03 C'est un moment où on sédentarise.
00:09:05 On a vite vente l'agriculture et l'élevage.
00:09:07 Donc, la propriété privée, le pouvoir, le chef, les inégalités, etc.
00:09:12 Et la guerre.
00:09:13 Alors, là aussi, il faut un petit peu nuancer les choses.
00:09:17 C'est-à-dire qu'en effet, avec la naissance de l'agriculture, le néolithique,
00:09:21 on passe progressivement de ces sociétés de chasseurs-cueilleurs sans État
00:09:26 à la constitution d'États ou d'Empires, progressivement.
00:09:30 Cela dit, ça ne veut pas dire qu'auparavant, dans ces sociétés de chasseurs-cueilleurs,
00:09:36 il n'y avait pas de guerre, je l'évoquais, ou même de propriété.
00:09:41 Mais il faut s'entendre sur quelle forme aussi de propriété.
00:09:44 Donc, là aussi, contre l'idée d'une forme de communisme primitif
00:09:48 qu'on peut avoir dans un marxisme un petit peu vulgaire,
00:09:50 il y a des formes de propriété, en tout cas au sens de possession.
00:09:55 Alors, du coup, il y a différentes formes.
00:09:58 Il y a la possession de biens, par exemple des outils, des armes,
00:10:03 qui sont des possessions individuelles que les individus ne vont pas prêter
00:10:07 ou ne pas partager particulièrement.
00:10:09 Mais l'usage de ces outils ou de ces armes est toujours soumis à l'intérêt général.
00:10:15 Et ça, c'est très important.
00:10:16 C'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas l'utiliser pour leur intérêt propre exclusivement.
00:10:21 Donc, là aussi, la communauté, ou en tout cas la société,
00:10:24 va toujours veiller à bien réguler l'usage des choses
00:10:28 afin que ça n'aille pas à l'encontre de l'intérêt de la communauté dans son ensemble.
00:10:33 Vous dites à chaque fois la communauté.
00:10:34 Est-ce que ça veut dire qu'il y a déjà une forme de démocratie ?
00:10:38 Alors, là aussi, tout dépend de ce qu'on entend par démocratie.
00:10:43 Et là, il y a plusieurs débats aussi là-dessus.
00:10:45 Si on entend par démocratie l'idée qu'on est en présence d'une communauté, en effet,
00:10:51 qui va délibérer et prendre des décisions collectives,
00:10:55 en effet, là, on est dans des formes de démocratie.
00:10:59 Cela dit, il y a aussi un poids des traditions, du religieux, des normes religieuses, etc.,
00:11:08 qui sont très importantes et ça, qui ne peuvent pas être remises en question.
00:11:12 Donc, il y a un rapport, notamment à la loi,
00:11:17 qui ne va pas être le même que dans les démocraties modernes, par exemple,
00:11:21 où on peut remettre en cause la loi, certaines institutions, etc.
00:11:26 Ici, il y a une forme de, paradoxalement, de conservatisme.
00:11:30 Et d'ailleurs, dans la plupart de ces sociétés-là, il y a la peur du nouveau,
00:11:35 de ce qui émerge, précisément.
00:11:37 Donc, on va essayer de conjurer l'émergence de ce nouveau.
00:11:44 Cela dit, et d'ailleurs, c'est lié avec le conservatisme,
00:11:48 on va toujours rechercher des formes de consensus ou d'unanimité.
00:11:52 Alors que dans les démocraties, y compris démocratie grecque,
00:11:55 on va consacrer le principe de majorité et de minorité, par exemple.
00:11:58 Mais pour eux, c'est inconcevable. Il faut que ce soit la communauté,
00:12:01 dans son ensemble, qui accepte, par exemple, d'entrer en guerre.
00:12:04 Donc, là, il y a des éléments intéressants.
00:12:07 Cela dit, il faut toujours aussi prendre, faire attention au fait que
00:12:14 la recherche de l'unanimité ou du consensus ne se fasse pas au détriment
00:12:20 du mouvement, de la contradiction, etc.
00:12:25 Parce que, du coup, on peut très vite être dans des formes de conservatisme,
00:12:28 aussi, dans la mesure où il va y avoir des individus qui vont vite faire
00:12:31 des blocages, etc. Donc, ça peut aussi entraîner des formes de conservatisme.
00:12:37 Agnès Verdier-Molligny meurt d'envie de vous demander s'il y avait des impôts.
00:12:40 Est-ce qu'on payait des impôts ?
00:12:44 Alors, l'impôt, il va émerger avec l'État, aussi, en réalité.
00:12:50 Mais il y a des formes de redistribution.
00:12:53 Et, en fait, ce n'est que ça. Parce qu'il n'y a pas d'échange marchand.
00:12:57 Il peut y en avoir à la marge.
00:13:00 Il n'y a pas d'argent, il n'y a pas de monnaie.
00:13:02 Alors, il n'y a pas d'argent. Il y a de la monnaie, au sens de la monnaie
00:13:08 de stock, mais pas de la monnaie marchandise.
00:13:11 La monnaie marchandise, ça va être principalement entre des sociétés.
00:13:15 Chose que Marcel Mauss, notamment, a bien vue avec le don de contre-don, etc.
00:13:19 Mais au sein de ces sociétés-là, il y a au mieux la monnaie de stock.
00:13:25 On va comptabiliser ce qui a été chassé, récolté, etc.
00:13:29 Mais qui va être mis en commun. Et à partir de là, il va y avoir
00:13:33 une redistribution en fonction, d'une part, des besoins.
00:13:38 C'est plus le communisme que les impôts, quand même.
00:13:40 C'est plus une forme de communisme, mais qui ne passe pas par de l'État.
00:13:45 Qui passe directement par la société où on s'est entendu,
00:13:48 de manière tacite ou implicite, alors qu'elle est liée aussi
00:13:53 à des formes de tradition, etc.
00:13:57 Mais il va y avoir une redistribution qui est acceptée par tous.
00:14:02 - Mais il y a une forme d'égalité dans ces sociétés-là.
00:14:06 Et pourtant, il y a des esclaves.
00:14:08 - Oui. Alors, ça aussi, c'est un point qui, parfois, a été un petit peu
00:14:13 oublié par des philosophes ou même certains anthropologues, etc.
00:14:18 Pierre Clastres, dont je parlais, par exemple,
00:14:20 qui est un grand anthropologue français, c'est un point dont il ne parle jamais.
00:14:24 Et en effet, il y a de l'esclavage dans ces sociétés,
00:14:28 à la mesure où le rapport à l'autre aussi va être très différent
00:14:33 d'une autre, par exemple, moderne, où on va avoir un rapport
00:14:37 notamment à l'universel et à la notion d'humanité.
00:14:41 - Quand vous parlez de l'autre, c'est l'étranger,
00:14:43 c'est celui qui appartient à une autre tribu.
00:14:45 - Exactement. Donc, de manière assez facile, pour eux,
00:14:52 c'est l'idée que l'autre, l'étranger pur, qui va faire partie d'une autre société,
00:14:59 peut devenir un esclave, dans la mesure où, d'une certaine manière,
00:15:03 c'est presque pas un humain, ça va être une chose aussi.
00:15:07 Et beaucoup d'anthropologues, d'économistes, etc. se demandent même
00:15:12 si la propriété, au sens propriété absolue, exclusive,
00:15:18 telle que nous, on va pouvoir la consacrer dans la modernité,
00:15:21 à la part aussi de ce statut de l'esclave, qui est cette chose
00:15:26 qu'on peut utiliser avec un arbitraire plein et entier
00:15:32 de la part d'un propriétaire, alors qu'il soit individuel
00:15:35 ou de la communauté, dans le cadre de ces sociétés sans état.
00:15:40 Donc, c'est en effet un point...
00:15:42 - Parmi les femmes, il y a des sorcières.
00:15:44 Est-ce que ça leur donne du pouvoir, ou au contraire,
00:15:46 c'est juste une manière de s'en débarrasser ou de les mettre sur le bûcher ?
00:15:51 - Non, alors, moi, quand j'ai réalisé ce travail, j'ai été très surpris.
00:15:57 Moi, dans mon imaginaire, j'avais la sorcière qui est brûlée
00:16:00 sur le bûcher au Moyen-Âge, avec l'Inquisition, etc.
00:16:05 En réalité, pas du tout. La sorcière, elle, elle commence à être persécutée
00:16:10 au début de la modernité, avec l'émergence, précisément,
00:16:13 de l'état moderne. Alors, pourquoi ?
00:16:17 Il y a deux, trois raisons principales.
00:16:20 Un, c'était quelqu'un qui participait à la régulation des naissances.
00:16:24 Là, ça rejoint le sujet qu'on aura après.
00:16:27 Et ça, ça embête l'État, parce que, petit à petit,
00:16:30 c'est lui qui va vouloir aussi réguler, etc., et qui veut des enfants.
00:16:34 D'autre part, c'est une personne qui a énormément de connaissances,
00:16:40 un petit peu le médecin de l'époque, la scientifique, etc.
00:16:44 Donc, ça aussi, ça embête l'État, parce qu'il veut encore monopoliser
00:16:47 le savoir, ou en tout cas le contrôler avec ses écoles, etc.
00:16:52 Et d'autre part, elle participe à l'économie qu'on appelle
00:16:55 l'économie des communs, qui est cette...
00:16:59 Les communs qui sont ces territoires partagés, ouverts à tous,
00:17:04 où on peut... Les paysans pouvaient aller glaner leurs moyens de subsistance, etc.
00:17:09 - Ce sur quoi on recommence à réfléchir aujourd'hui, les communs,
00:17:12 notamment depuis le Covid.
00:17:13 - Exactement, une notion qui devient une notion économique, à mon avis,
00:17:16 et politique très importante, sur laquelle j'ai d'ailleurs un petit peu travaillé.
00:17:22 Et du coup, cette sorcière, elle s'inscrit dans cette économie des communs.
00:17:26 Et ça aussi, ça embête l'État, parce qu'il veut clôturer les communs.
00:17:31 Donc, il n'y a pas que les propriétaires, j'allais dire, capitalistes,
00:17:35 modernes, qui vont vouloir les clôturer, il y a aussi l'État.
00:17:40 Dans la mesure, notamment, ou dans les communs, il y a la production de droits,
00:17:44 de normes. Et ça aussi, évidemment, ça embête l'État, parce qu'il veut
00:17:48 monopoliser le droit et les normes.
00:17:50 - Les normes, c'est sûr. Très vite, Antoine.
00:17:53 - Est-ce que, finalement, la modernité, ce n'est pas l'ensauvagement du monde ?
00:17:56 C'est passionnant, mais en vous entendant, j'avais l'impression que vous parliez
00:17:59 de notre société, de notre monde. Est-ce que ce n'est pas nous, les sauvages ?
00:18:04 - Je pense qu'en fait, on en est loin. Et là, il ne faut pas calquer...
00:18:09 Il faut faire attention de ne pas calquer les choses. Dans la mesure, déjà,
00:18:12 ou dans notre monde, par exemple, il y a eu un développement de l'individualisme,
00:18:18 de l'État droit, qui est inconcevable dans ces sociétés sans État.
00:18:21 Donc, ça, il faut vraiment aussi en prendre compte. Et puis, d'autre part,
00:18:26 sur nos sociétés qui sont ultra hiérarchisées, étatisées, avec un capitalisme,
00:18:36 ce qu'on appelle aussi le néolibéralisme aujourd'hui, qui s'est énormément développé,
00:18:40 en termes notamment de droit de la propriété. On en est très, très loin.
00:18:45 - Donc, il ne faut pas rêver. - Il y a des aspects, mais on en est quand même très loin.
00:18:48 - Voilà. Le sauvage et le politique, c'est le nouveau livre d'Edouard Jourdain.
00:18:54 On fait une pause. On se retrouve tout de suite après. Et là, on va parler vraiment d'État.
00:18:59 C'est du dur, du sérieux. C'est les impôts.
00:19:02 Les visiteurs du soir, c'est de 22h à minuit. On continue de s'intéresser à l'État.
00:19:11 Après l'État sauvage avec Edouard Jourdain, voici l'État taxateur avec Agnès Verdier-Mollinier
00:19:17 qui sort Où va notre argent ? La France, dites-vous, est le pays le plus dépensier
00:19:22 de la zone euro, le plus taxé. Et pourtant, tous nos services publics s'effondrent les uns après les autres.
00:19:28 2022 a été l'année où les Français, les entreprises françaises ont payé le plus d'impôts
00:19:32 depuis les années 90. Vous parlez d'overdose fiscale.
00:19:36 - Ah oui, on y est clairement. C'est assez incroyable d'ailleurs ce qui se passe.
00:19:40 On n'arrête pas de nous parler de baisse d'impôts ces dernières années.
00:19:43 Et on n'a jamais payé autant. On est à 45,3% de taux de prélèvement obligatoire.
00:19:48 Alors ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les chiffres annexés au budget de cette année 2023
00:19:53 qui le montrent et qui refont la série. - Sous François Hollande, c'était moins de 45% ?
00:19:58 - Ah bah oui. On avait atteint 45,1% en 2017, mais là on est au-dessus.
00:20:05 Mais c'est pourquoi, c'est parce qu'il y a eu l'inflation aussi.
00:20:07 Et l'inflation, par exemple, ce qui est assez incroyable, c'est qu'on nous a dit
00:20:12 prélèvement à la source, sur l'impôt sur le revenu, ça va être formidable
00:20:15 parce qu'on va tout changer en temps réel. Sauf qu'on a tout changé en fonction
00:20:19 des revenus des Français en temps réel, mais pas en fonction finalement
00:20:23 des circonstances économiques du moment. Donc on a revalorisé le barème
00:20:28 de l'impôt sur le revenu que de 1,5% d'inflation en 2022, alors qu'on a eu
00:20:34 presque 6% d'inflation. C'est quand même rigolo. C'est-à-dire qu'on vous prend
00:20:37 en temps réel sur vos revenus de l'année, même s'ils ont beaucoup augmenté,
00:20:40 mais alors on vous calcule l'inflation en dessous de ce qu'elle était.
00:20:43 Ça va y est, il peut nous le rendre.
00:20:45 Ça fait 3 ou 4 milliards, peut-être plus, d'impôt sur le revenu payé en trop
00:20:49 par nos compatriotes. Et d'ailleurs on le voit dans les questions...
00:20:52 Il va nous le rendre. L'État va nous le rendre.
00:20:54 Il va nous le rendre... On ne peut pas dire ça exactement comme ça.
00:20:58 D'une certaine manière, toute la dépense publique, on nous le dit tout le temps,
00:21:01 c'est pour vous, l'État dépense pour les Français, l'État dépense
00:21:05 pour les entreprises françaises, etc. Mais finalement, quand on se penche
00:21:08 sur comment ça se passe, et c'est ce que je dis dans mon livre,
00:21:11 on ne sait pas la qualité. On met de l'argent, on met des milliards,
00:21:15 1 500 milliards par an, mais à la fin, on n'a pas le droit de savoir
00:21:20 si tel hôpital est meilleur que tel autre, si telle école...
00:21:24 On n'a plus le droit de classer les hôpitaux.
00:21:26 On n'a plus le droit. C'est ça. Donc on est dans la transparence,
00:21:30 on est dans l'ouverture de la donnée publique, on est dans "en avoir
00:21:33 pour mes impôts", là c'est la nouvelle campagne de Bercy,
00:21:37 mais alors, depuis cette année, l'ACNIL a décidé qu'on n'avait plus
00:21:41 le droit de classer les hôpitaux et les cliniques.
00:21:43 Ça fait combien ? 20 ans que Le Point et d'autres faisaient des classements
00:21:48 entre les hôpitaux et les cliniques grâce à des données publiques,
00:21:51 celles hospitalières, informatiques, qu'on appelle le PMSI.
00:21:55 Mais alors maintenant, juste pour dire que l'ACNIL nous dit
00:21:58 "non, on ne peut pas classer parce que ça risquerait d'influencer
00:22:02 sur le choix de l'hôpital ou de la clinique", mais on rêve !
00:22:05 C'était un peu le but !
00:22:07 Non mais on rêve en fait ! Donc on n'a pas le droit de savoir
00:22:09 si ma petite grand-mère, si elle se fait opérer de la hanche,
00:22:12 est-ce qu'elle sera mieux à tel ou tel endroit, ou si on a une opération
00:22:16 de la cataracte à faire, quel est le meilleur endroit.
00:22:18 Non mais c'est quelque chose qui est extrêmement grave,
00:22:21 parce qu'on ne peut pas être le pays qui dépense le plus,
00:22:24 qui taxe le plus, et alors on dit aux Français "circulez, braves gens,
00:22:28 il n'y a pas besoin de se poser de questions", c'est complètement contraire
00:22:31 à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
00:22:34 Oui mais vous dites vous-même que face à Bercy, on n'est pas du tout protégé,
00:22:38 même le Conseil constitutionnel ne fait pas son travail d'après vous.
00:22:42 Non, parce qu'en fait il a mis un maximum d'impôts, mais que pour les gens
00:22:45 qui payent l'impôt sur la fortune immobilière.
00:22:47 Alors ça ne représente quand même pas énormément de personnes en France,
00:22:50 et donc là c'est 75% maximum d'impôts, et encore ça ne compte pas tous les impôts.
00:22:55 Mais alors pour les autres c'est combien le maximum ? On ne sait pas.
00:22:58 Alors ça peut monter très très haut, et puis finalement on se dit
00:23:02 quand on regarde les chiffres, il y a 10% qui gagnent le plus en France,
00:23:06 et encore on rentre dans les 10% à 3 400 euros par mois,
00:23:11 donc bon, ce n'est pas non plus énorme, mais c'est eux qui payent 50%
00:23:15 de la recette d'impôts sur le revenu, et sur tous les impôts directs,
00:23:18 c'est 70% même, et sur tous les impôts directs c'est 50%.
00:23:22 Ça veut dire qu'en gros il y a une pression fiscale qui s'abat en permanence
00:23:25 toujours sur les mêmes, et en même temps on nous dit
00:23:28 "ah là là, il y en a des riches qui ne payent pas assez", etc.
00:23:30 Alors qu'il y a eu des taxes exceptionnelles créées mais jamais supprimées,
00:23:33 la taxe sur les hauts revenus à 3 et 4%, elle n'est pas supprimée,
00:23:38 elle est toujours là, elle a été créée en 2012 pour financer la crise de 2008,
00:23:41 on a toujours cette taxe exceptionnelle.
00:23:44 Et donc on rajoute toujours des taxes, mais on n'en enlève jamais,
00:23:47 et chaque fois qu'on annonce des baisses d'impôts, en fait,
00:23:49 on voit que d'un autre côté ça monte.
00:23:51 C'est un peu un jeu de bonnetaux, mais c'est normal d'une certaine manière,
00:23:54 parce que de l'autre côté, la dépense ne baisse jamais.
00:23:57 Donc comment imaginer qu'il y ait vraiment un reflux de l'impôt,
00:24:00 si en face on ne sait pas où va l'argent, on ne sait pas comment il est dépensé,
00:24:04 on ne connaît pas la qualité, et le Parlement ne fait pas son travail non plus
00:24:07 d'évaluation des politiques publiques.
00:24:09 Nous atterrons à Diès-Verdier-Molligny, on écoute le rappel des titres,
00:24:12 et après on ouvre le débat.
00:24:15 Emmanuel Macron réunira demain à Versailles plus de 200 investisseurs étrangers.
00:24:23 La 6e édition du sommet "Choose France", il sera organisé.
00:24:26 L'hexagone attire les investisseurs internationaux.
00:24:29 28 investissements directs étrangers seront annoncés,
00:24:33 d'un montant record de 13 milliards d'euros.
00:24:36 Des projets qui doivent permettre la création de 8000 emplois.
00:24:39 La mémoire d'Armand Soldin, honoré dans le stade René des portraits,
00:24:44 accompagné d'applaudissements avant le coup d'envoi du match Rennes-3 cet après-midi.
00:24:49 Le journaliste de l'agence France Presse, mort cette semaine dans l'est de l'Ukraine,
00:24:53 avait grandi à Rennes. Passionné de foot, il avait porté les couleurs rouge et noir entre 2006 et 2008.
00:25:00 Âgé de 32 ans, Armand Soldin a été tué mardi lors d'une attaque de roquette.
00:25:06 Retour au calme dans la bande de Gaza et en Israël.
00:25:09 Des points de passage ont rouvert partiellement.
00:25:12 Leur ouverture complète s'effectuera après de nouvelles évaluations de la situation.
00:25:17 Un cessez-le-feu est entré en vigueur hier soir, sous la médiation de l'Egypte.
00:25:21 Une trêve après 5 jours d'hostilité ayant fait 35 morts.
00:25:26 Agnès Verdier-Mollinier, dans "Où va notre argent ?"
00:25:33 Vous vous indignez à la fois parce que les riches français sont les plus taxés d'Europe,
00:25:39 les ultra-riches aussi, mais en plus parce que les riches, comme vous le disiez,
00:25:43 ce qu'on appelle les riches, c'est à partir de 3 300 euros par mois dans les 10 %.
00:25:49 Non seulement ils sont les plus taxés d'Europe, mais en plus ils paient l'impôt sur le revenu.
00:25:55 56 % des Français ne le paient pas, l'impôt sur le revenu.
00:25:59 Mais en plus, ils payent plus cher les crèches, ils payent plus cher la cantine à l'école,
00:26:04 ils payent plus cher les centres aérés. En fait, ils payent deux fois.
00:26:08 Oui, c'est sur le conservatoire, sur la cantine de leurs enfants,
00:26:12 sur le temps de garderie après la classe.
00:26:15 Et on peut se poser la question, et sur les places en crèche aussi, vous avez raison,
00:26:19 mais parfois c'est 50 fois plus cher.
00:26:22 Et le problème, c'est qu'il y a une loi de 1998 qui dit que oui,
00:26:26 on a le droit de tarifer les services publics facultatifs locaux.
00:26:31 C'est sous Lionel Jospin que ça a été voté.
00:26:34 C'est ça, Lionel Jospin, absolument.
00:26:36 Et ces tarifs peuvent être plus importants pour ceux qui gagnent plus,
00:26:40 et qui payent déjà plus d'impôts, mais ils ne doivent pas être supérieurs
00:26:44 au coût de revient du service en question.
00:26:46 Il y a des mairies qui ont réussi à surtarifer en organisant,
00:26:50 par exemple sur le temps de cantine, des activités ludiques,
00:26:54 mais qu'ils font payer à ceux qui payent déjà de l'impôt pour financer déjà l'éducation.
00:26:58 Et notamment, je pense à la ville de Lyon, qui a un coût de revient autour de 3 euros
00:27:02 le repas à la cantine, mais qui arrive à tarifer jusqu'à 7 euros pour les plus riches.
00:27:07 Et à un moment, on se dit "mais on est où ? C'est quoi ce pays ?"
00:27:11 Finalement, ceux qui payent le plus d'impôts, on leur dit "toi, le coût de la cantine,
00:27:15 ça va être plus cher que ce qu'on paye vraiment pour le repas,
00:27:18 parce que finalement on va organiser une activité ludique pour gonfler le prix."
00:27:22 Et finalement, personne ne se révolte.
00:27:25 Mais, personne ne se révolte, ce n'est pas tout à fait ça.
00:27:28 On n'en parle pas, mais à bas bruit, les gens partent du public pour aller dans le privé.
00:27:32 Et alors, toute cette histoire de mixité qu'on nous resserre en ce moment,
00:27:35 finalement, elle est déjà extrêmement...
00:27:39 Il y a un gros coup de canive dans le contrat, parce qu'on se dit
00:27:42 "ceux qui peuvent aller dans le privé pour un prix qui est moins cher,
00:27:46 et avec une meilleure qualité de service à la fin, pourquoi s'en priver ?"
00:27:50 Et à la fin, on voit que tout ce qui est allé dans le sens de plus de solidarité,
00:27:55 va dans le sens de moins de mixité, moins de solidarité.
00:27:58 Et donc, tout est comme ça dans notre système.
00:28:00 Et on peut se poser la question "jusqu'où va aller le consentement à l'impôt
00:28:04 de ceux qui portent sur leurs épaules, que ce soit les entreprises ou les ménages,
00:28:08 ce système français qui est si lourd et qui finalement est si ingrat ?"
00:28:11 On va parler des entreprises, mais Antoine Benot voulait intervenir.
00:28:14 C'était juste pour clarifier, en fait, où va-t-elle cette critique
00:28:19 bougeadiste du système fiscal ? J'imagine que vous avez des choses
00:28:23 à préconiser en réponse à ça.
00:28:25 Bien sûr, mais d'abord, 1, c'est absolument pas bougeadiste.
00:28:28 Non, mais c'est le cri du contribuable.
00:28:30 Non, vous voyez, c'est l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
00:28:33 Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants
00:28:36 la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement
00:28:40 et d'en suivre l'emploi.
00:28:42 D'accord, mais est-ce que...
00:28:43 Là, c'est 1789.
00:28:45 Je pose une question juste hyper technique.
00:28:47 Est-ce qu'il y a des indicateurs ? C'est une question technique, j'en sais rien.
00:28:50 Ce n'est pas du tout mon domaine.
00:28:52 Qui permettent de connaître l'efficience, par exemple, de l'impôt et de la dépense publique
00:28:56 et avoir une sorte de comparatif international dans les pays développés ?
00:29:00 Je ne sais pas, des choses comme ça.
00:29:02 Justement, les pays qui nous entourent, eux, font des comparaisons
00:29:05 et incitent justement des fondations, des associations.
00:29:09 Je pense par exemple à la Suisse, qui donne tous ses indicateurs hospitaliers
00:29:12 pour pouvoir faire des palmarès des hôpitaux.
00:29:14 D'accord, mais est-ce qu'on a des indicateurs internationaux ?
00:29:16 C'est-à-dire, est-ce qu'on peut dire que l'argent français est plus mal dépensé ?
00:29:20 Il y a des classements internationaux qui montrent que, par exemple,
00:29:22 sur l'hôpital, on a perdu des places, que sur la justice, on a perdu des places,
00:29:25 que sur l'éducation, on a perdu des places.
00:29:27 Je donne tous ces classements dans le livre et je montre que, sur ça,
00:29:30 à certaines fois, sur les dix dernières années, on a perdu une dizaine de places
00:29:33 dans les classements internationaux, alors qu'on est parmi ceux qui dépensent le plus.
00:29:36 Donc, on peut faire mieux, en fait.
00:29:37 On montre aussi, dans les chiffres au CDE qui sont très intéressants,
00:29:40 sur la satisfaction des citoyens et finalement de ceux qui utilisent ces services publics,
00:29:45 qu'on est plus mauvais que tous les autres.
00:29:47 Ah oui ?
00:29:48 Mais oui, parce que…
00:29:49 Tous les autres.
00:29:50 Non, mais en éducation, par exemple, on est satisfait autour de 71 %,
00:29:54 alors que la moyenne, c'est 85 % en Europe, vous voyez ?
00:29:57 Mais c'est vrai que c'est difficile, parce que finalement, nous, à la Fondation IFRAP,
00:30:01 je dirige une fondation qui évalue les politiques publiques.
00:30:04 Ça fait des années qu'on travaille sur les bilans sociaux, par exemple,
00:30:07 des collectivités locales.
00:30:09 Vous pensez que depuis la loi de 2019, qui réforme la fonction publique,
00:30:12 la transformation de la fonction publique, avec obligation de publier ces bilans sociaux,
00:30:16 on a accès en deux clics aux bilans sociaux de toutes les organisations publiques
00:30:22 qui sont soumises à cette obligation.
00:30:24 Mais pas du tout.
00:30:25 Pas du tout.
00:30:26 Vous voyez, on a demandé à 70 plus grandes villes de France,
00:30:30 qui sont quand même bien outillées, pour faire leurs bilans sociaux tous les deux ans,
00:30:34 comme c'est l'obligation légale.
00:30:36 Et bien, depuis août 2022, on n'en a que 30 qui nous ont répondu.
00:30:40 Et une partie des grandes villes nous ont dit qu'ils ne nous donneraient pas ces bilans sociaux.
00:30:44 Alors pourquoi ils ne les donnent pas ?
00:30:46 Parce que dans ces bilans sociaux, on voit l'absentéisme des personnels publics.
00:30:49 Et comme il est extrêmement élevé en France,
00:30:51 et que ça s'est aggravé en plus depuis la crise du Covid,
00:30:54 et bien forcément, il y a plein de villes qui n'ont pas envie d'être dans des palmarès sur ce sujet.
00:30:59 Mais vous voyez, il y a plein de pays où il y a une transparence sur ce genre de questions,
00:31:03 et où nous, quand on demande des documents qui sont transmissibles obligatoirement,
00:31:08 normalement la commission d'accès aux documents administratifs qui a été créée par la loi de 78,
00:31:12 nous le dit.
00:31:13 On a le droit de demander ça.
00:31:15 Quand on demande les comptes de la Nouvelle-Ena, de l'INSP,
00:31:18 on les a demandés en décembre,
00:31:20 la CADA a dit "Oui, vous avez le droit de demander ces comptes".
00:31:23 On n'a toujours pas les comptes.
00:31:25 Pourtant, vous dites dans votre livre que la Nouvelle-Ena,
00:31:27 qui s'appelle je ne sais plus comment,
00:31:29 - l'INSP - coûte combien de pour...
00:31:31 - 21% plus cher. - 21% plus cher, pourquoi ?
00:31:33 Parce qu'ils ont augmenté les crédits, mais ils ne nous disent pas exactement comment.
00:31:36 - Oui, voilà, pourquoi ? - Comment ils les utilisent.
00:31:38 Alors Benjamin Brice, vous l'interrogez.
00:31:40 Ce que vous voulez dire, du contrôle sur la dépense.
00:31:42 Non mais attends, du contrôle sur la dépense, c'est ce que je disais tout à l'heure,
00:31:44 le Parlement, c'est l'article 24 de la Constitution.
00:31:46 Son rôle, ce n'est pas que de légiférer,
00:31:48 ou de débattre dans l'hémicycle,
00:31:50 ou de s'envoyer des anathèmes,
00:31:52 parce que ce n'est pas pour ça qu'on envoie des représentants au Palais Bourbon.
00:31:56 On les envoie au Palais Bourbon pour exercer un contrôle sur l'exécutif,
00:32:00 et évaluer comment utiliser l'argent.
00:32:02 - Tout ça, c'est une fiction, on sait que c'est une fiction.
00:32:04 - Oui, mais pourquoi ? Attendez, attendez.
00:32:06 - Si je peux me permettre d'entrer dans le débat.
00:32:08 - Juste pour terminer là-dessus. Dans les autres pays,
00:32:10 grande démocratie, que ce soit en Suède, que ce soit aux États-Unis,
00:32:12 que ce soit au Royaume-Uni, et ça aussi, je le dis dans le livre,
00:32:15 il y a des organes d'audit qui sont placés auprès du Parlement,
00:32:18 qui aident le Parlement à évaluer.
00:32:20 Et il y a des vrais rapports avec des chiffrages d'économie qu'on peut réaliser.
00:32:24 Et même l'organe d'audit britannique, qui s'appelle le NAO,
00:32:27 a fait un rapport sur la Cour des Comptes, à la demande de la Cour des Comptes,
00:32:30 où on peut lire, noir sur blanc, que eux-mêmes,
00:32:33 ils ne comprennent pas le fonctionnement de la Cour des Comptes,
00:32:36 et qu'ils disent que finalement, c'est tellement aux antipodes
00:32:39 de leur propre fonctionnement qu'ils ont du mal à préconiser des choses
00:32:42 pour améliorer la leur.
00:32:44 - Alors Benjamin Boiss.
00:32:45 - Donc il y a énormément de choses dans beaucoup de directions.
00:32:49 Je veux dire, on ne peut pas tout reprendre,
00:32:51 mais juste pour préciser deux choses, juste pour remettre en perspective.
00:32:54 L'impôt sur le revenu qui est payé par, disons, 40% des contribuables.
00:32:58 - 44%.
00:32:59 - 44%. C'est 3 points de PIB.
00:33:01 Donc je veux dire, par rapport à l'ensemble des impôts, c'est à peu près rien.
00:33:05 C'est-à-dire que si on prend quelqu'un au SMIC,
00:33:07 aujourd'hui le SMIC a autour de 1300 euros net.
00:33:09 Quelqu'un au SMIC a payé l'équivalent de 165 euros de CSG et CRDS auparavant.
00:33:15 Il va payer 200 euros de TVA à peu près.
00:33:17 Il va payer à peu près 100 euros liés au logement,
00:33:20 les charges diverses, poubelle, taxes concières, etc.
00:33:23 Il va payer encore quelque chose comme 100 euros pour les taxes sur le carburant
00:33:28 et au titre de l'impôt sur le revenu.
00:33:32 Donc la personne qui est au SMIC est très taxée.
00:33:36 Si en plus de ça elle fume, c'est 250 euros de taxes par mois.
00:33:41 - Si en plus elle joue à la France avec des jeux...
00:33:43 - Oui, il ne faut pas...
00:33:45 Enfin, le système d'impôts en France n'est pas particulièrement progressif.
00:33:49 Voilà, c'est ce que je veux dire.
00:33:50 C'est-à-dire que les personnes en bas de l'échelle sociale payent énormément de taxes.
00:33:54 - C'est important.
00:33:55 - C'est-à-dire que l'ensemble du corps social en France paye beaucoup de taxes.
00:33:59 Et je crois que si... Enfin, voilà, c'est juste pour préciser cette chose.
00:34:03 Et la deuxième chose, si vous me laissez juste là-dessus.
00:34:07 La crèche, effectivement, selon le conseil familial, on paye plus ou moins.
00:34:10 Le repas à la cantine coûte 5 ou 6 euros au lieu de coûter 1 ou 2 euros.
00:34:15 Mais par exemple, il y a beaucoup de choses sur lesquelles la redistribution se fait à l'envers.
00:34:20 C'est-à-dire que si on prend les chiffres, par exemple, du livre de Thomas Piketty sur capital et idéologie,
00:34:26 vous pouvez être en désaccord avec ses orientations politiques,
00:34:30 mais les chiffres sont tout à fait fiables.
00:34:33 Ce que paye la collectivité pour un enfant des classes supérieures, des 10 % du haut,
00:34:40 c'est 200 à 300 000 euros sur toute sa scolarité.
00:34:43 Pour quelqu'un des 10 % du bas, c'est 65 000 euros.
00:34:46 C'est-à-dire que derrière, le fait de faire des grandes écoles,
00:34:49 le fait d'être scolarisé dans les bons établissements, des bons quartiers, etc.,
00:34:53 a un coût supérieur pour la société.
00:34:55 Et ça, je veux dire, les classes supérieures en profitent beaucoup plus que les classes populaires.
00:34:59 Donc, il faut quand même regarder dans les deux sens pour essayer d'avoir quelque chose de relativement,
00:35:04 disons, modéré ou balancé sur là où on en est.
00:35:09 Si je peux répondre sur l'impôt, d'abord.
00:35:12 Vous avez l'air de dire, que je dirais dans le livre, que tout le monde ne paie pas beaucoup d'impôts en France.
00:35:17 Au contraire, je dis...
00:35:18 Non, non, c'était juste parce que là, c'est ce qui était passé.
00:35:20 Ensuite, vous avez parlé de l'impôt sur le revenu.
00:35:23 Moi, je vous ai parlé aussi de la totalité des impôts directs,
00:35:26 qui représentent à peu près 250 milliards de recettes, ce qui n'est pas négligeable
00:35:29 par rapport à l'ensemble des recettes en impôts qui sont autour de 1 200 milliards d'euros par an.
00:35:36 Donc, 250 milliards d'impôts directs pesant sur les ménages, c'est quand même pas rien.
00:35:39 Et là, les 10 % qui gagnent le plus, ils payent la moitié du coût fiscal.
00:35:46 Ils payent la moitié des recettes qui sont générées par ces 10 %.
00:35:50 Donc, il ne faut pas penser qu'il n'y a que l'impôt sur le revenu qui est payé en grande partie.
00:35:55 En termes d'impôt pour la proposition progressive, c'est l'impôt sur le revenu.
00:35:59 En grande partie, parler au revenu.
00:36:01 Ensuite, la question que vous avez soulevée par rapport au fait que finalement,
00:36:05 certains utiliseraient à leur avantage, ça coûterait plus cher, etc.
00:36:10 Moi, je veux bien que sur ces questions d'éducation, on ait un débat.
00:36:13 Mais je note aussi...
00:36:15 C'était juste pour donner un contrepoint par rapport au cas de la crèche, de la cantine.
00:36:19 Je note aussi dans le livre que le privé sous contrat coûte moins cher,
00:36:23 tous les ans par élève et par an.
00:36:25 3000 euros de moins, y compris la part payée par les parents,
00:36:29 3000 euros de moins par élève de lycée, par élève et par an.
00:36:33 Et c'est pareil.
00:36:34 Mais là, les chiffres de Thomas Piketty prennent tout en compte.
00:36:36 Il n'y a pas de problème là-dessus.
00:36:38 Revenons sur le cœur du débat.
00:36:40 Le cœur du débat, c'est...
00:36:41 Si, si, parce que la question de la qualité et de ce qu'on met dans le système est fondamentale.
00:36:45 Moi, ça fait des années que je demande des comptes par établissement scolaire
00:36:50 sur l'ensemble du territoire, pour pouvoir vraiment comparer
00:36:53 ce qu'on met par élève et par an, par établissement scolaire.
00:36:56 Vous savez ce que m'a répondu la rue de Grenelle ?
00:36:58 Qu'il ne faisait pas de statistiques sur la masse salariale
00:37:00 qui est dépensée par établissement sur l'ensemble du territoire.
00:37:03 On ne peut pas avoir ces chiffres.
00:37:05 Pour revenir à la thèse générale, je veux dire...
00:37:07 Non, mais c'est le point intéressant.
00:37:08 La réalité, c'est qu'on a des écoles privées
00:37:10 qui sont de meilleure qualité en termes d'enseignement,
00:37:13 avec des meilleurs résultats à la fin des élèves,
00:37:15 et qui coûtent moins cher sur l'ensemble des financeurs,
00:37:18 et donc moins cher aux contribuables.
00:37:19 Je ne vais pas pouvoir répondre à tous les points,
00:37:21 donc je vais me permettre de revenir sur la thèse générale.
00:37:23 Oui, mais s'il vous plaît.
00:37:24 J'essaie de répondre à vos points.
00:37:25 C'est-à-dire que la thèse générale, et qui est intéressante,
00:37:27 c'est comment ça se fait qu'on paye tant d'impôts,
00:37:29 comment ça se fait qu'il y ait tant de dépenses publiques
00:37:31 qui augmentent, alors que la qualité des services publics diminue.
00:37:35 Quelle est la réponse ?
00:37:36 Alors, justement...
00:37:37 Attendez, laissez-moi répondre, et ensuite on verra.
00:37:41 Mais la question intéressante, c'est de comprendre
00:37:43 qu'est-ce qu'il y a derrière cette dépense publique.
00:37:45 Cette dépense publique, c'est une très grande majorité
00:37:47 de prestations et de transferts, et une partie de cette dépense publique,
00:37:51 environ un tiers, ce sont les dépenses de fonctionnement.
00:37:54 Quand on passe des services publics qui se dégradent,
00:37:56 il faut regarder les dépenses de fonctionnement.
00:37:58 Regarder les retraites, ça n'a aucun sens
00:38:00 quand on regarde les services publics qui se dégradent.
00:38:02 Les services publics qui se dégradent, ce sont les dépenses de fonctionnement.
00:38:05 Les dépenses de fonctionnement pèsent en 2022 18 points de PIB.
00:38:09 On est très loin de l'ensemble des dépenses publiques.
00:38:12 Au milieu des années 1990, on était à 19,2 points de PIB
00:38:16 pour ces dépenses de fonctionnement.
00:38:18 En 2019, on est descendu jusqu'à 19,6 avec toutes les politiques d'austérité.
00:38:22 Et on est un tout petit peu remonté dans les dernières années
00:38:25 avec le Covid qui a obligé à remettre de l'argent dans l'hôpital public.
00:38:29 À côté de ça, de ces dépenses de fonctionnement
00:38:32 qui ont plutôt tendance à baisser légèrement depuis 25 ans,
00:38:35 à côté de ça, on a des besoins qui augmentent.
00:38:37 Pourquoi ? La population vieillit, c'est plus de dépenses dans l'hôpital public,
00:38:41 donc plus de dépenses publiques de fonctionnement.
00:38:44 C'est plus d'élèves qu'on amène au niveau du bac et dans les études du supérieur,
00:38:48 donc plus de besoins dans l'enseignement.
00:38:50 C'est plus de besoins militaires parce qu'en plus d'avoir des équipes,
00:38:54 de continuer à essayer d'avoir des équipements de pointe,
00:38:56 il y a les drones, l'intelligence artificielle, etc.
00:38:59 C'est plus de besoins dans la justice parce que les dossiers se complexifient.
00:39:05 Les dossiers se complexifient et la population carcérale
00:39:10 augmente plus vite que la population générale.
00:39:12 Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'on a des besoins de services publics
00:39:15 qui augmentent en masse et à côté de ça, des dépenses de fonctionnement
00:39:21 qui ont plutôt tendance à diminuer.
00:39:23 Juste pour finir, ce qui a augmenté, ce sont les transferts.
00:39:26 Ce sont les prestations et les transferts.
00:39:28 Les retraites, la sécurité sociale, les aides aux médages.
00:39:31 Si on ne prend pas ça en compte, on fausse le débat.
00:39:33 Les dépenses publiques augmentent peut-être, mais pas les dépenses de fonctionnement.
00:39:36 Les dépenses de protection sociale sont les plus élevées du monde en France.
00:39:40 Oui, mais là, je parle des dépenses de fonctionnement.
00:39:42 800 milliards de dépenses de protection sociale.
00:39:44 Excusez-moi, mais là, ce n'est pas le débat.
00:39:46 Attendez, vous venez d'en parler.
00:39:47 Effectivement, il y a un problème sur le sujet.
00:39:49 Votre titre porte sur les services publics.
00:39:52 C'est ça la question.
00:39:53 Je parle aussi de la question des aides sociales.
00:39:55 J'ai un chapitre entier sur ce sujet.
00:39:57 Mais si vous voulez parler du fonctionnement,
00:39:59 effectivement, la France s'endette pour fonctionner depuis les années 80-90.
00:40:04 Et pourquoi ?
00:40:05 Parce qu'on a oublié qu'il fallait s'endetter pour investir exclusivement.
00:40:10 C'est ce qu'on fait dans beaucoup de pays du nord de l'Europe,
00:40:13 qui privilégient l'endettement pour l'investissement.
00:40:16 C'est d'ailleurs ce qu'on fait dans les collectivités locales.
00:40:18 Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que quand on investit dans la recherche,
00:40:22 dans l'éducation supérieure ou dans l'enseignement,
00:40:24 c'est de l'investissement, même si ce sont des dépenses de fonctionnement.
00:40:28 On s'est endetté beaucoup plus pour fonctionner que pour investir.
00:40:31 Mais si vous voulez regarder la question…
00:40:33 Non, on s'est endetté pour des prestations et transferts, sans doute,
00:40:36 mais on ne s'est pas endetté pour fonctionner.
00:40:38 Les dépenses de fonctionnement baissent dans le PNP depuis 25 ans.
00:40:41 Et on ne devrait pas, je le dis dans le livre,
00:40:42 il y a beaucoup de pays qui n'acceptent pas de s'endetter pour payer les retraites,
00:40:46 pour payer le chômage, pour payer l'assurance maladie.
00:40:49 Mais ce que je veux dire, c'est que vous ne répondez pas à la question
00:40:52 qui est de dire peut-être que le problème de la dégradation des services publics
00:40:57 est lié tout simplement au fait que nous mettions moins d'argent qu'il y a 25 ans.
00:41:02 Vous parlez des dépenses de fonctionnement.
00:41:05 Moi, je regarde les dépenses de coûts de production des services publics
00:41:09 en comparaison entre les différents pays de l'OCDE.
00:41:11 Ce sont des chiffres OCDE.
00:41:13 On est entre 80 et 70 milliards d'euros de coûts supplémentaires
00:41:16 par rapport aux autres pays.
00:41:17 C'est vrai, vous avez raison.
00:41:19 On dépense beaucoup plus que les autres pays.
00:41:21 Pourquoi ? Parce qu'on a empilé l'État, l'État déconcentré,
00:41:24 les métropoles, les régions, les départements, les intercommunalités,
00:41:28 les communes, les caisses sociales.
00:41:30 Tout le monde s'occupe de tout.
00:41:32 Le département s'occupe du RSA, la CAF s'occupe du RSA,
00:41:35 Pôle emploi s'occupe normalement un peu d'accompagner les personnes au RSA,
00:41:38 mais pas trop, il n'y en a que 40% qui sont inscrits à Pôle emploi.
00:41:41 L'État, l'État finance une partie du RSA pour certains départements,
00:41:45 par exemple la Seine-Saint-Denis ou quelques autres départements d'Outre-mer.
00:41:48 Et puis à côté, la prime d'activité, elle est versée par l'État.
00:41:52 Mais là, vous parlez de prestations et de transferts en permanence,
00:41:55 que ce soit le RSA, la prime d'activité, il n'y a pas de problème là-dessus.
00:41:58 Je parle du coût de production de nos services publics.
00:42:01 Alors comparons les dépenses de fonctionnement de manière internationale.
00:42:04 Les coûts de production de nos services publics sont beaucoup plus chers.
00:42:07 Pourquoi ? Parce qu'on a empilé l'OCDE.
00:42:11 Alors je vous réponds, il y a un rapport de France...
00:42:14 C'est 70 milliards de plus par an, ça vous suit ou pas ?
00:42:17 Mais parce que vous comparez des choses qui sont incomparables.
00:42:19 Je vous donne un exemple.
00:42:21 Les hôpitaux allemands sont considérés, les masses salariales,
00:42:24 comme une masse salariale privée.
00:42:25 Si vous comparez ça, effectivement, notre masse salariale est supérieure
00:42:28 parce que leur masse salariale est privée.
00:42:30 Mais il n'empêche que ce sont des remboursements faits par l'État,
00:42:32 ce sont des prestations en nature, donc c'est juste incomparable.
00:42:36 Si vous voulez comparer, ce qu'a fait France Stratégie.
00:42:40 France Stratégie, comment ils ont fait pour comparer en 2017 ?
00:42:43 Ils ont réintégré les prestations en nature des différents pays européens
00:42:47 pour avoir une base de comparaison qui ne soit pas biaisée.
00:42:49 Quand ils font ça, on s'aperçoit que les dépenses de fonctionnement en France
00:42:53 sont légèrement supérieures à l'Allemagne et au Royaume-Uni,
00:42:57 sont au niveau de la Suède et sont inférieures à la Belgique,
00:43:00 aux Pays-Bas et au Danemark.
00:43:02 Les dépenses de fonctionnement, je le redis, en France,
00:43:04 sont à un niveau qui est tout à fait dans la moyenne.
00:43:07 Et en plus de ça...
00:43:08 Mais c'est pour ça que ça ne marche pas.
00:43:10 Et si vous regardez les données de l'OCDE,
00:43:14 l'évolution des dépenses de fonctionnement entre 2010 et 2021,
00:43:18 donc dans la dernière période,
00:43:19 elles baissent en part de PIB en France de 0,5 point,
00:43:23 elles baissent en Italie seulement de 0,3 point,
00:43:25 elles augmentent en Allemagne et en Espagne.
00:43:28 Est-ce que je peux répondre sur l'hôpital notamment ?
00:43:31 Vous avez parlé de l'hôpital en Allemagne, c'est un très bon exemple.
00:43:34 Vous voyez, quand on regarde la dépense hospitalière
00:43:36 entre la France et l'Allemagne,
00:43:37 finalement, on a en Allemagne 15 milliards de moins de dépenses hospitalières
00:43:42 et finalement, ils sont plutôt meilleurs que nous sur ce sujet.
00:43:46 Pourquoi ? Parce que c'est géré au niveau du Land,
00:43:48 c'est géré au niveau local, parce qu'il y a de la concurrence,
00:43:51 parce qu'il y a des landers qui décident de faire gérer des hôpitaux
00:43:56 justement par des opérateurs privés,
00:43:58 parce qu'ils ont mis plus d'argent dans la médecine de ville,
00:44:00 parce qu'il y a moins de personnes qui arrivent directement aux urgences
00:44:02 pour engorger les urgences avec des coûts de séjour pour une journée
00:44:06 ou avec la nuit qui sont entre 2000 et 3000 euros,
00:44:09 qui finalement sont beaucoup plus chers.
00:44:11 Donc ça passe beaucoup plus par la médecine de ville.
00:44:13 En Allemagne, il y a des réseaux de soins avec des assureurs
00:44:16 et on n'est pas du tout dans la même organisation.
00:44:19 Ils n'ont pas le statut public des personnels hospitaliers,
00:44:21 ils ont beaucoup moins de personnel technique et administratif dans leurs hôpitaux
00:44:26 et finalement, à la fin, ça fonctionne mieux, ils sont mieux classés que nous.
00:44:30 Donc peut-être que ce sujet de l'hôpital,
00:44:32 moi je suis ravie que vous l'ayez mis sur la table,
00:44:34 parce que justement, on peut s'en inspirer.
00:44:36 Gérer au niveau local la question, la question italienne.
00:44:39 Vous ne répondez jamais à la question fondamentale.
00:44:41 C'est-à-dire que, prendre exemple sur l'Allemagne...
00:44:43 Vous êtes parti avec un postulat de départ.
00:44:45 Mais ce n'est pas un postulat de départ.
00:44:47 Je n'ai même pas regardé ce qu'il y a dans le livre, je suis désolée de le dire.
00:44:49 Mais bien sûr, vous parlez des dépenses de fonctionnement,
00:44:51 mais vous ne regardez jamais cette évolution des dépenses de fonctionnement.
00:44:53 Je parle des coûts de production des services publics
00:44:55 qui sont 70 milliards d'euros plus chers par an.
00:44:58 Vous revenez à ce que vous avez dit tout à l'heure.
00:45:01 Je vous donne juste un fait qui est un fait massif.
00:45:03 Vous revenez aussi à ce que vous dites depuis tout à l'heure
00:45:05 et je ne trouve pas que ce soit tellement probant.
00:45:07 On est le pays qui dépense le plus, on est le pays où se délivrent les services...
00:45:09 Non, nous ne sommes pas le pays qui dépense le plus, je suis désolé.
00:45:12 Avec 58% de dépenses publiques par an.
00:45:15 Les dépenses publiques, on ne parle pas des services publics.
00:45:17 Je vous parle des services publics.
00:45:19 Je résume.
00:45:21 Non, non, mais attendez, ça va.
00:45:23 Dans les dépenses publiques, il y a à la fois...
00:45:25 Il y a les prestations et les transferts, les dépenses de fonctionnement.
00:45:27 Il y a à la fois les dépenses qu'on appelle de fonctionnement,
00:45:30 où on paye les fonctionnaires, où on paye les loyers,
00:45:32 où on paye les bâtiments, où il y a les investissements pour l'hôpital, etc.
00:45:35 Et puis il y a les transferts, c'est-à-dire tout l'argent qui va en réalité vers le privé
00:45:39 via les retraites, la sécurité sociale et les aides aux ménages et aux entreprises.
00:45:44 D'après ce que vous dites, Benjamin Brice, c'est ça qui a augmenté démesurément
00:45:48 et pas seulement depuis 25 ans, depuis Valéry jusqu'à Despin.
00:45:51 Ça, ça a augmenté, mais la part dans la richesse nationale de l'argent consacré aux services publics,
00:45:56 d'après ce que vous dites, a baissé.
00:45:58 Et comment est-ce que ça s'est traduit ?
00:46:00 Ça s'est traduit par une baisse de la rémunération des enseignants, par exemple, par rapport au SMIC.
00:46:04 Au début des années 80, c'était plus de deux fois le SMIC.
00:46:06 Aujourd'hui, c'est 1,2 fois le SMIC.
00:46:08 Ça s'est traduit par le fait qu'il y ait des fermetures de services publics,
00:46:12 400 maternités dans les 25 dernières années, 10 000 écoles dans les 25 dernières années.
00:46:16 Ça s'est traduit par le fait que l'emploi public, dans l'emploi total, a diminué dans les dernières années,
00:46:21 qu'on le veuille ou non, en valeur absolue, non, mais dans l'emploi public.
00:46:24 Attends, je m'attends que les choses sont claires.
00:46:27 Et juste un dernier chiffre, parce que je pense que c'est important de l'avoir en tête.
00:46:32 Les dépenses qu'on met par étudiant à l'université en France, dans les dix dernières années,
00:46:37 ont diminué de 1 200 euros.
00:46:39 On met 1 200 euros de moins à l'université aujourd'hui qu'il y a dix ans.
00:46:43 Est-ce que ça nous a permis de gagner en efficacité ? Je ne crois pas.
00:46:46 Et je crois que si vous parlez à n'importe quel universitaire, au contraire,
00:46:49 tout le monde vous dira que ce discours de dire "nous dépensons trop"
00:46:52 nous met dans le mur, dans les classements internationaux, vous avez tout à fait raison là-dessus,
00:46:56 et dans la projection dans l'avenir.
00:46:58 Nous dépensons mal et nous gaspillons. Nous ne voulons pas regarder où va l'argent.
00:47:03 La réalité c'est qu'effectivement, on a une masse salariale publique qui nous coûte beaucoup plus cher qu'ailleurs.
00:47:08 Non, je suis désolé, ce n'est pas vrai.
00:47:11 C'est de l'ordre de 40 milliards de plus par an.
00:47:13 Mais parce que vous ne comparez pas ce qui est re-comparable.
00:47:16 Mais bien sûr que si.
00:47:17 Je vous rappelle juste le rapport de l'Europe.
00:47:20 Attendez, quand vous regardez, vous n'êtes pas obligé de regarder par rapport aux autres pays,
00:47:24 nous on est en train de faire une comparaison entre les différents départements.
00:47:26 C'est super intéressant.
00:47:28 Quand on voit que sur ceux qui finalement pour 100 000 habitants ont moins d'agents publics que les autres,
00:47:35 au global, sur l'ensemble des trois fonctions publiques,
00:47:38 c'est passionnant parce que si on mettait à l'étiage de ces départements-là,
00:47:42 on baisserait de environ 400 à 500 000 emplois, le nombre d'emplois publics.
00:47:47 Et le problème, c'est la productivité qu'on a en face de l'argent qu'on met dans la machine publique.
00:47:52 Et quand nous on fait des travaux sur l'ensemble de nos services publics,
00:47:55 qu'on regarde justement les personnels publics, le niveau de travail,
00:47:59 on l'a montré pendant des années, on montrait qu'il ne faisait pas les 35 heures.
00:48:02 On était en dessous des 1 607 heures qui était pourtant la loi appliquée à tout le monde.
00:48:06 Et il y avait des collectivités qui étaient à 1 553, 1 568 etc.
00:48:11 Donc là, depuis la loi de 2019, normalement tout le monde s'est mis aux 35 heures.
00:48:15 Mais on a un énorme problème d'absentéisme.
00:48:17 Il y a certaines villes sur lesquelles on est à 30, 40 jours, 50 jours d'absence par agent et par an en moyenne.
00:48:22 Comment vous voulez faire tourner des services publics avec des personnels qui ne sont pas sur le terrain ?
00:48:27 Et c'est un problème qu'on n'a pas que dans les collectivités locales, qu'on a aussi dans les caisses sociales.
00:48:31 On a fait ce travail sur les caisses primaires d'assurance maladie.
00:48:34 On est arrivé jusqu'à 65 jours d'absence par agent et par an en moyenne.
00:48:38 Est-ce que c'est normal ? Non. Est-ce que d'autres pays fonctionnent comme ça ? Non.
00:48:42 Est-ce qu'on peut avoir une qualité de service public en face,
00:48:44 quand finalement on n'a pas de motivation des personnels qui est à l'eau ?
00:48:49 Comment vous voulez motiver des personnels alors qu'on les paye moins ?
00:48:53 L'éducation nationale, on met un point de PIB aujourd'hui qu'il y a 25 ans.
00:48:59 C'est-à-dire qu'on a un discours de dire un point de moins de PIB.
00:49:02 On était à 7,7, on est à 6,7.
00:49:06 Ce sont les chiffres du ministère de l'Éducation nationale.
00:49:09 Ça veut dire qu'on mise sur l'économie de la connaissance, la projection, il faut se former, la montée en gamme, etc.
00:49:16 On met un point de PIB en moins. Ça se traduit comment ?
00:49:19 Par le salaire des professeurs qui décroche.
00:49:22 Comment est-ce que vous voulez réussir à quelque chose comme ça ?
00:49:25 Si vous voulez faire des comparaisons internationales.
00:49:27 J'ai des propositions dans mon livre si vous voulez qu'on en parle.
00:49:31 Les enseignants en France ont plus d'heures d'enseignement que les enseignants italiens.
00:49:36 Ils ont plus d'élèves par classe que les enseignements italiens pour à peu près le même salaire.
00:49:40 Si on compare avec l'Allemagne, ils sont payés deux fois moins qu'en Allemagne
00:49:43 et ils ont plus d'élèves dans chaque classe et plus d'heures d'enseignement.
00:49:47 Vous pouvez me laisser répondre ?
00:49:50 Vous envoyez des critiques, moi j'aime bien donner des réponses.
00:49:53 Sur l'enseignement en Allemagne, c'est très intéressant.
00:49:56 Ce qui coûte plus cher en France, ce sont les pensions des enseignants du public qui sont très chères.
00:50:02 Par rapport notamment aux pensions des enseignants allemands.
00:50:05 Nous, on paye mal en activité mais on surpaye au moment de la retraite.
00:50:09 On le voit très bien quand on compare les retraites d'enseignants du privé sous contrat en France,
00:50:14 on n'a pas besoin d'aller chercher très loin,
00:50:16 versus des enseignants du public.
00:50:18 Pourquoi ? Parce que ce ne sont pas les mêmes retraites.
00:50:20 Il y a une retraite d'un côté qui est statutaire, c'est un régime spécial.
00:50:23 D'ailleurs, on n'y touche pas malheureusement avec la réforme qui a été votée.
00:50:27 De l'autre côté, ils sont considérés comme des contrats actuels
00:50:30 et donc ils ont des pensions qui sont assimilées à celles du droit privé.
00:50:34 Donc le problème, c'est qu'on va surpayer,
00:50:37 et ça on le voit très bien dans les écarts de tarifs entre l'enseignement privé et l'enseignement public.
00:50:42 On surpaye, c'est un tiers de l'écart de coût.
00:50:44 On surpaye la pension.
00:50:46 Et l'autre élément, vous avez dit qu'ils sont mieux payés en Allemagne.
00:50:49 Nous, on a fait tout le décompte des professeurs de lycées publics publics entre la France et l'Allemagne.
00:50:54 C'est 78 000 euros en moyenne par professeur en France par an, en comptant les pensions,
00:51:00 et 76 000 euros en Allemagne.
00:51:02 C'est plus cher pour le système français, y compris la part pension.
00:51:05 Et l'autre élément, c'est très intéressant...
00:51:07 Les pensions ne sont pas des dépenses de fonctionnement.
00:51:09 Ce sont des prestations.
00:51:11 Vous nous ramenez à chaque fois à ça.
00:51:13 On est d'accord que les prestations et les transferts ont augmenté, il n'y a pas de problème.
00:51:16 Le problème, ce sont les dépenses de fonctionnement.
00:51:18 Et c'est ça qui est critique.
00:51:20 Quand vous regardez la dépense d'un personnel que vous avez en emploi,
00:51:24 vous regardez aussi la cotisation employeur qui est liée à la retraite,
00:51:28 parce qu'on parle de super brut, on parle de la totalité du coût.
00:51:32 Et quand l'État cotise pour les pensions de ses agents, y compris les enseignants,
00:51:37 il cotise très cher, c'est 75 % le taux de cotisation pour la retraite.
00:51:42 Qu'est-ce que vous proposez ? Vous proposez de baisser la retraite des enseignants ?
00:51:45 Ce que je propose, c'est d'aligner les pensions publiques sur les pensions privées,
00:51:50 parce qu'il n'y a pas de raison que pour le même travail entre une infirmière qui travaille dans le privé...
00:51:55 C'est comme ça que vous allez reconstruire l'école ?
00:51:58 Et ensuite, je propose quoi ? Je propose qu'on puisse rémunérer en fonction de l'implication de la personne.
00:52:04 Parce que ce qui fait beaucoup de mal...
00:52:06 Est-ce qu'en échange, on va baisser le nombre d'élèves par classe ?
00:52:08 Ce qui fait beaucoup de mal à l'Éducation nationale, comme à l'hôpital,
00:52:12 et ça vous ne pourrez pas dire le contraire,
00:52:14 c'est le fait qu'on considère tous les personnels de la même manière, quel que soit leur engagement.
00:52:20 Parce que vous savez qu'un directeur d'hôpital, il ne peut pas faire varier les primes de ses agents.
00:52:24 Est-ce que vous pensez qu'il faut baisser le nombre d'élèves par classe ?
00:52:27 C'est pareil pour un chef d'établissement d'enseignement.
00:52:30 Il ne peut pas décider de mieux rémunérer, de booster la carrière d'un de ses enseignants, même s'il est extraordinaire.
00:52:36 Tout ça, c'est un discours qu'on entend depuis des décennies,
00:52:38 qui a permis de baisser les dépenses de fonctionnement,
00:52:41 mais on voit bien que le résultat n'est pas au rendez-vous. Pourquoi ?
00:52:44 Parce que ça n'a pas été fait.
00:52:46 Le statut public qu'on a en France, il a été modifié à un moment, ces dernières années ?
00:52:51 Pour reconnaître l'individu, les mérites de l'individu, les mérites de l'infirmière qui travaille énormément,
00:52:56 les mérites du professeur qui va se décarcasser énormément ?
00:53:00 Ça fait trois gouvernements qu'on ne parle que de primes et on gèle le point d'avis.
00:53:03 Alors, attendez, justement, je vais vous répondre.
00:53:05 Les primes, elles ne sont pas décidées en fonction de l'individu, quasiment pas.
00:53:08 De manière extrêmement fine, ça va être quoi ? 2, 3, 4 % qui va être décidé en fonction de l'individu.
00:53:14 Tout le reste, c'est lié au grade, c'est lié à l'ancienneté, etc.
00:53:18 Donc, si on fait des primes qui sont vraiment liées à la performance, à l'implication de l'agent, ça changera tout.
00:53:25 Mais on peut croire au miracle, on peut croire au miracle, il n'y a pas de souci.
00:53:28 Peut-être qu'effectivement, en mettant des primes, tout d'un coup, les professeurs vont mieux travailler avec moins de moyens.
00:53:33 Mais pas tout d'un coup.
00:53:34 On peut y croire.
00:53:35 Si les chefs d'établissement sont restitués.
00:53:36 Mais je crois qu'il n'y a pas d'argent magique, en quelque sorte.
00:53:38 Il n'y a pas d'économie magique et tout d'un coup, en mettant moins d'argent et en leur disant
00:53:42 « Attendez, au mérite, vous allez être plus ou moins rémunérés », tout d'un coup, nous allons rétablir nos services publics.
00:53:47 Je crois que le fait massif et le fait qu'il faut juste regarder en face, c'est que nous baissons notre investissement
00:53:52 dans les services publics depuis 25 ans et qu'il y a un moment, il va falloir se poser la question
00:53:57 « Est-ce que l'on veut continuer à avoir un déclassement international, que ce soit pour l'hôpital, je suis d'accord,
00:54:02 que ce soit pour l'enseignement, je suis d'accord, que ce soit pour l'armée, je suis d'accord, je suis d'accord,
00:54:06 pour tous les services publics ? »
00:54:08 Mais il y a un moment, il va falloir qu'on accepte de mettre les moyens.
00:54:11 Et accepter les moyens, ça va augmenter les dépenses de fonctionnement.
00:54:14 Il reste 40 secondes. Qu'est-ce que vous proposez ? Qu'on baisse les transferts pour remettre de l'argent
00:54:18 dans le service public ou qu'on augmente les impôts ?
00:54:20 Si on prend tout mon livre, c'est un, miser sur des emplois de qualité, parce qu'aujourd'hui, la baisse du chômage,
00:54:28 c'est en fait des emplois qui ne sont pas de qualité et qui ne permettent pas de réduire tous les transferts liés au RSA, etc.
00:54:34 Et la deuxième chose, c'est le déficit commercial.
00:54:37 On doit baisser les cotisations sur les hauts niveaux de salaire, parce que ce que font les Allemands très bien,
00:54:44 c'est qu'ils ont des niveaux de cotisation qui baissent en fonction de l'augmentation du salaire.
00:54:49 Pourquoi ? Parce que finalement, ça incite à employer dans l'industrie, à employer des très qualifiés.
00:54:53 On ne va pas réussir à mettre plus d'argent en baissant les impôts.
00:54:57 Une dernière chose. On a 4 500 médecins qui ont quitté la France alors qu'ils sont en âge d'exercer.
00:55:03 Il nous manque 10 000 médecins. Vous croyez qu'ils sont partis parce que le statut de l'hôpital public est génial,
00:55:08 parce que l'organisation de l'hôpital public est formidable ?
00:55:10 Non, mais de moins en moins d'argent.
00:55:12 Non, ils sont partis parce qu'ils ne sont pas reconnus pour leur valeur.
00:55:14 Non, parce qu'on met de moins en moins d'argent dans l'hôpital public.
00:55:16 Non, mais c'est faux.
00:55:18 On vous interrompt, on ne vous réconciliera pas ce soir.
00:55:20 Je revois la lecture du livre d'Agnès Vervier-Mellinier.
00:55:24 On aura des meilleurs qualités.
00:55:25 Où va notre argent ? Je vous remercie, Agnès, parce que vous nous quittez maintenant.
00:55:28 Merci aussi, Édouard Jourdain.
00:55:30 Le rappel des titres, Isabelle Piboulot, on se retrouve tout de suite après.
00:55:34 Merci.
00:55:35 Le Covid-19 de retour en poste dès demain.
00:55:42 Le gouvernement a publié un décret.
00:55:44 L'obligation vaccinale est levée.
00:55:46 Les soignants avaient été suspendus de leur fonction en août 2021.
00:55:50 Ils pourront désormais réintégrer leur poste ou un équivalent.
00:55:54 Les hôpitaux et autres établissements de soins ont eu deux semaines pour préparer leur retour.
00:55:59 A Paris, près de 500 personnes ont rendu hommage à Jeanne d'Arc ce matin.
00:56:04 Une manifestation à l'appel du mouvement royaliste L'Action française.
00:56:08 Scandant parmi les slogans "Abas la République".
00:56:11 Une attaque inacceptable dénoncée par le ministre de l'Intérieur.
00:56:15 L'extrême droite a encore montré son visage nauséabond, a réagi Gérald Darmanin sur Twitter.
00:56:21 Et puis dernier match de la 35e journée de Ligue 1.
00:56:25 Au stade Vélodrome, l'OM s'est imposé 3-1 face à Angers qui avait ouvert le score à la 28e minute.
00:56:31 Grâce à Abdallah Sima, les Marseillais sont rapidement revenus au score.
00:56:35 Avec des buts signés Alexis Sanchez, Dimitri Payet et Jordan Veretout sur pénalty.
00:56:40 Troisième au classement, les Fosseens reviennent ainsi à deux points de lance.
00:56:45 Bienvenue, si vous nous rejoignez maintenant les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit.
00:56:52 Jean-François Chemin nous a rejoint. Vous venez de publier ses idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde.
00:56:57 Vous nous raconterez à 23h30 à quel point le chrétianisme a été révolutionnaire.
00:57:02 Mais tout de suite, les enfants. Faut-il encore faire des enfants alors que le climat se dérègle et que l'on nous prédit l'apocalypse ?
00:57:09 Frédéric Spinirni, vous êtes philosophe d'origine, de formation plus exactement.
00:57:16 Et vous êtes directeur des affaires médicales du CHU de Tours.
00:57:20 Heureusement que vous n'étiez pas là juste avant, il y a quelques minutes.
00:57:23 Ça aurait relancé le débat.
00:57:25 Et vous sortez un manifeste, vous voulez sauver la planète.
00:57:29 Faites des gosses, co-écrit avec Nathaliel Wallenhorst, qui va à l'encontre de ce qu'Antoine Bueno,
00:57:35 ici présent, l'auteur de L'effondrement du monde, n'aura probablement pas lieu,
00:57:39 imaginait il y a quelques années dans un livre provocateur, l'instauration d'un permis de procréer, justement pour sauver la planète.
00:57:47 Benjamin Brice, docteur en sciences politiques, l'auteur de La sobriété gagnante,
00:57:51 Pouvoir d'achat, écologie, déficit, comment sortir de l'impasse,
00:57:55 est lui aussi avec nous depuis le début de l'émission.
00:57:57 Et puisqu'il va être question de faire ou de ne pas faire des enfants,
00:58:00 j'ai invité la philosophe Marianne Durano à nous rejoindre.
00:58:03 On lui doit en effet mon corps ne vous appartient pas et nous limite pour une écologie intégrale,
00:58:10 avec Gautier Besse et Axel Nargard-Rochvam, je ne sais pas si je l'ai bien prononcé.
00:58:15 Bonsoir Marianne, vous préparez justement un livre sur le sens de l'engendrement en temps de crise écologique.
00:58:22 Alors ouvrons le débat, dans votre manifeste Frédéric, vous dites que faire moins d'enfants ne rendrait pas le monde plus viable, pourquoi ?
00:58:31 Alors pour deux régions, alors déjà il fallait que je réponde à Antoine Bueno d'un point de vue purement démographique,
00:58:38 puisque a priori faire moins d'enfants ne sauvera pas la planète,
00:58:44 donc c'était déjà pour répondre d'un point de vue écologique et puis d'un point de vue philosophique.
00:58:48 La naissance a une place particulière dans nos sociétés,
00:58:51 donc moi je voulais mettre en avant que la naissance c'était aussi le modèle de civilisation qui avait été construit par nos ancêtres,
00:59:00 et que pour préparer un avenir, il faut bien le préparer pour quelqu'un, et ce sont les enfants.
00:59:04 Sinon finalement pourquoi se battre ?
00:59:08 Marianne, de votre côté, quelle est votre position à vous ?
00:59:14 Il me semble que la question elle est double, d'abord faut-il protéger la planète de nos enfants,
00:59:21 et deuxièmement faut-il protéger nos enfants de la planète, donc il faudra clarifier ça.
00:59:28 Et pour commencer j'aimerais soulever un paradoxe qui consisterait à vouloir défendre le vivant
00:59:35 en refusant précisément ce qui fait de nous des êtres vivants,
00:59:39 c'est-à-dire notre capacité à donner la vie et à effectivement transmettre cette vie qu'on essaie de protéger.
00:59:47 Antoine Benot ?
00:59:49 Oui, il faut que je dise quoi alors ?
00:59:50 Non mais je sais pas, vous dites ce que vous voulez, mais faire moins d'enfants,
00:59:54 il est très clair, faire moins d'enfants c'est pas ça qui rendra le monde plus viable,
00:59:59 vous vous disiez exactement la même chose.
01:00:01 Non mais ce qu'il y a de bien en tout cas dans ce débat c'est qu'on a un provocateur face à un provocateur.
01:00:05 Là-dessus Frédéric je pense qu'on va être d'accord.
01:00:08 Il n'y a qu'un homme en trop sur la planète, c'est vous M. Benot.
01:00:11 Voilà exactement, j'espère que vous n'avez pas d'enfants, et moi je suis en contradiction puisque j'en ai deux.
01:00:15 Bref, je reviens sur cette provocation contre provocation,
01:00:18 moi le titre de mon livre c'est "Permis de procréer" et je l'avoue et je l'assume,
01:00:22 c'est une pure provocation parce que bien entendu il ne peut en aucun cas être question de créer un véritable permis de procréer,
01:00:29 c'est-à-dire d'empêcher à quelqu'un d'avoir un enfant parce que sinon on retombe dans les erments de la politique chinoise de l'enfant unique,
01:00:35 et c'est absolument abominable, donc soyons très clairs.
01:00:38 Moi ce que je dis en revanche, et j'ai eu une impression depuis des années que je sillonne les plateaux sur la question démographique,
01:00:44 de devoir démontrer que l'eau mouille, que le soleil peut chauffer,
01:00:47 c'est-à-dire de démontrer une évidence, c'est qu'il y a un lien entre notre nombre et l'état de la planète,
01:00:53 c'est-à-dire notre nombre et l'empreinte écologique,
01:00:56 c'est-à-dire que ce que instinctivement un enfant d'à peu près 5 à 7 ans peut comprendre,
01:01:01 c'est-à-dire plus on est nombreux, plus forcément on a de besoins,
01:01:05 plus on exerce de pression sur les ressources naturelles, plus on pollue,
01:01:08 l'enfant de 7 ans il le comprend, mais maintenant dans le débat public on ne le comprend plus,
01:01:12 et donc il faut le démontrer, alors allons-y, démontrons l'évidence.
01:01:16 Réponse, Frédéric ?
01:01:18 Alors, Antoine Boineau est un homme de consensus,
01:01:20 on est tous d'accord qu'effectivement la présence humaine a un impact sur la planète,
01:01:25 ça nous paraît tous évident, maintenant il y a eu des chiffres,
01:01:29 parce qu'au bout d'un moment effectivement, on va parler concret,
01:01:32 mais peut-être pas autant chiffre que dans votre débat précédent,
01:01:35 à un moment donné la place de l'enfant est intervenue à côté de la réduction des transports en avion,
01:01:41 de la rénovation des logements anciens, etc.
01:01:46 Et en vérité, il y a eu des études qui ont été contestées,
01:01:51 notamment dans l'essai d'Emmanuel Pond sur l'empreinte carbone de l'enfant,
01:01:56 je le savais Antoine, là j'attaquais fort, les 60 tonnes c'est pas possible !
01:02:02 Deux cabotins face à face !
01:02:04 Non mais au-delà de ça, que tout le monde comprenne,
01:02:06 il y a eu un moment ce chiffre qui a été médiatisé de 60 tonnes équivalent CO2 par enfant,
01:02:12 alors que la moyenne de la consommation pour un français c'est 10 tonnes par an.
01:02:16 Je crois qu'on avait calculé tous les enfants que nos enfants allaient faire ensuite.
01:02:20 C'est vrai que ça c'est un peu absurde.
01:02:22 C'était un peu absurde, et c'est dans votre essai sur le permis de procréer,
01:02:25 donc du coup je me permets de dire que depuis le permis de procréer on peut changer.
01:02:29 J'ai l'impression, pour faire avancer, parce qu'il y a beaucoup de choses dans votre livre,
01:02:32 c'est qu'en fait il y a l'idée, au-delà de savoir s'il faut nous empêcher de faire des enfants,
01:02:38 ou au contraire il faudrait nous encourager à en faire,
01:02:40 ce que vous dites vous c'est que nos enfants sont mieux que nous, au fond,
01:02:43 et que leurs enfants seront encore mieux.
01:02:45 Le problème au fond c'est nous.
01:02:47 Et vous dites qu'en fait en faisant des enfants on va fabriquer des écolos
01:02:52 qui feront bien plus attention que nous, à la limite le problème c'est nous.
01:02:55 C'est par nous qu'il faudrait éliminer, ou à tout le moins il faudrait nous remplacer
01:03:00 par des enfants bien plus avertis écologiquement.
01:03:04 Et donc il faut en faire parce que c'est ça le but.
01:03:07 C'est peut-être ça finalement le vrai grand remplacement,
01:03:09 c'est qu'on soit enfin remplacés par des gens vertueux.
01:03:11 Alors là où vous avez raison, c'est que dans l'essai l'accent est mis sur notre style de vie finalement,
01:03:19 et non pas forcément le fait de choisir ou non d'avoir des enfants,
01:03:23 qui relève d'ailleurs d'un choix personnel, sauf si on est tous d'accord.
01:03:26 Nous ce qu'on met en avant c'est que, là aussi on est d'accord,
01:03:32 il y a dans le débat public un petit tabou sur la démographie pour des raisons historiques.
01:03:37 C'est vrai qu'on parle plus facilement de limiter le nombre de voyages en avion
01:03:42 que de peser sur la démographie.
01:03:45 Mais il y a quand même dans la sphère médiatique un récit sur soit le regret d'avoir eu des enfants,
01:03:51 soit le renoncement à avoir des enfants.
01:03:54 C'est ce qu'on entend beaucoup aujourd'hui, et notamment dans les jeunes générations,
01:03:57 ils disent pourquoi faire des enfants alors que ça va être l'effondrement.
01:04:00 Bien sûr, mais ce qu'on montre dans le livre c'est que, bon,
01:04:03 des menaces ancestrales il y en a eu beaucoup quand même,
01:04:06 il y a eu les grandes guerres, il y a eu la bombe atomique,
01:04:08 bon a priori les gens ont continué à faire des enfants quand même,
01:04:11 donc on ne serait pas non plus si originaux de penser que l'effondrement va arriver rapidement,
01:04:17 ce qui est certainement une crainte d'Antoine Bueno,
01:04:19 et que faire des enfants finalement allait prendre trop de temps.
01:04:22 - Tu n'as pas lu mon livre d'après !
01:04:24 - Oui bien sûr, excusez-moi, mais ce qui est très intéressant c'est quand même
01:04:27 de mettre l'accent sur l'enseignement et l'éducation à l'anthropocène
01:04:32 pour que nos enfants puissent avoir des styles de vie différents
01:04:35 que ceux qui ont produit les menaces qu'on voit arriver.
01:04:38 - Tu me plais déjà Frédéric, mais pour moi c'est du blabla.
01:04:41 - Je donnerai la parole à Marianne, mais malheureusement pour l'instant on l'a perdue.
01:04:45 - Alors je voudrais juste sortir deux secondes de la caricature
01:04:49 pour donner quelques petits chiffres, quelques ordres de grandeur.
01:04:51 L'ONU fait des projections sur l'avenir de la démographie.
01:04:56 Pour l'instant, les projections moyennes, quand je dis pour l'instant,
01:05:00 c'est depuis 1950, donc ça fait plus de 70 ans que les projections moyennes
01:05:04 de l'ONU se réalisent. Donc là, on passerait la barre des 10 milliards,
01:05:09 là aujourd'hui on est 8 milliards, et donc autour de 2050 on passerait
01:05:12 la barre des 10 milliards, ça veut dire qu'il y a plus 25% de personnes en plus
01:05:17 en 2050 et on arriverait, on tutoierait les 11 milliards en 2100
01:05:21 selon les projections moyennes. Il y a aussi selon l'ONU des projections
01:05:24 basses et des projections hautes, et alors il y a des gens qui sont
01:05:27 très intelligents qui nous disent "cette fois-ci c'est différent,
01:05:30 la projection basse va se réaliser dans tous les cas de figure".
01:05:33 Même si c'est la projection basse qui se réalise, on arrive à peu près
01:05:36 à 10 milliards et ça décroît dans la projection, le scénario basse,
01:05:39 ça décroît entre 2050 et 2064. Ça veut dire que de toute façon,
01:05:43 globalement, la population mondiale, ça monte, quoi qu'il arrive, de 25%.
01:05:49 Sans prendre en compte le développement, ça veut dire qu'il faut 25% en plus
01:05:54 de tout, 25% en plus de nourriture, 25% en plus d'eau, 25% en plus d'énergie,
01:06:02 etc., sans prendre en compte le développement. Évidemment, si on prend
01:06:05 en compte le développement, c'est beaucoup plus. Alors, face à cette question-là,
01:06:08 et là je sors du cabotinage et pour sortir de l'hélicature, ce que je dis, moi,
01:06:12 c'est que nous devons évidemment mener une transition et que cette transition,
01:06:16 en quelque sorte, c'est une boîte à outils. Dans cette boîte à outils,
01:06:19 il y a plein d'outils et comme c'est un énorme défi à mener, il faut à valeur
01:06:23 tous les utiliser, il y a plein d'outils qu'on peut utiliser. L'outil économique,
01:06:27 c'est évidemment colossal. Alors, dans l'outil économique, il y a la transition
01:06:31 énergétique, la transition agricole, la transition vers la circularité,
01:06:34 la sombriété, l'efficacité, voilà, l'adaptation et la démographie.
01:06:40 On ne peut pas faire l'impasse. Et sur la démographie, évidemment,
01:06:44 la question se pose extrêmement différemment quand on est dans un pays
01:06:47 du Nord et quand on est dans un pays du Sud. Schématiquement, et je termine
01:06:50 là-dessus, dans les pays du Nord, c'est plus une question de mentalité
01:06:53 et d'abandon de politiques natalistes qui sont en totale contradiction,
01:06:58 puisqu'on ne maîtrise pas notre trajectoire de décarbonation et globalement
01:07:03 notre rééquilibrage d'empreintes écologiques, puisqu'on ne la maîtrise pas.
01:07:07 C'est-à-dire qu'il faut sortir de ces politiques natalistes qui sont
01:07:11 en totale contradiction avec nos engagements environnementaux et
01:07:14 comprendre qu'avoir un enfant, c'est aussi une question environnementale.
01:07:17 Ça ne veut pas dire de ne plus faire d'enfants du tout. D'ailleurs, moi,
01:07:19 j'en ai des enfants. Je suis en partie en contradiction.
01:07:21 Et dans les pays du Sud, ça veut dire mettre en adéquation les droits
01:07:24 de la planète avec les droits des femmes, parce que dans les pays où il y a
01:07:26 une très forte dynamique du taux de fécondité, encore beaucoup de naissances,
01:07:32 on peut scolariser les petites filles partout dans le monde. Il y a un énorme
01:07:35 effet de levier entre le niveau d'instruction et le taux de fécondité.
01:07:42 Et faire accéder au planning familial, c'est-à-dire à des moyens de
01:07:45 contraception, toutes les femmes qui le souhaitent. Et ça, ça permettrait
01:07:49 d'accélérer fortement la transition démographique.
01:07:51 Marianne Durano est de retour.
01:07:53 Oui, moi, ce qui m'étonne, c'est que finalement, cette question
01:07:58 de la surpopulation et de la démographie est une question qui obsède
01:08:02 des pays riches, qui 1) pourraient commencer d'abord par revoir leur mode
01:08:09 de vie avant d'interroger la question de la surpopulation, et qui 2) vont
01:08:14 avoir dans les années qui viennent un gros problème de renouvellement
01:08:17 des générations, et avec une transition démographique qui va accentuer
01:08:21 la part de la population âgée dans la population. Et donc, j'aimerais
01:08:27 quand même m'interroger sur cette obsession des pays riches pour la
01:08:32 démographie qui pourrait, à mon sens, cacher un refus finalement de revoir
01:08:37 vraiment drastiquement nos modes de vie. Et pour donner un chiffre,
01:08:41 par exemple, selon l'ONG Oxfam, les 1% les plus riches de la planète
01:08:45 consomment autant de ressources que les 50% les plus pauvres.
01:08:49 Pour donner d'autres chiffres, les 10% les plus riches de la planète,
01:08:54 dont une bonne partie des Français font partie, consomment plus de ressources
01:08:58 toujours selon l'ONG Oxfam, que les 90% restants. Donc en fait, effectivement,
01:09:03 comme le dit très bien M. Bueno, la question c'est clairement celle du
01:09:06 développement et d'abord celle de notre consommation. Donc je me demande
01:09:13 si cette insistance sur la démographie n'est pas un symptôme d'une société
01:09:19 consumériste qui refuse de mourir et de se remettre en question,
01:09:23 et qui préfère accuser la population qui a un concept abstrait
01:09:28 plutôt que d'accuser un mode de production et de consommation
01:09:31 qui nous est encore trop nécessaire et confortable.
01:09:35 Benjamin Brice, la sobriété gagnante dont vous êtes devenu champion,
01:09:40 qu'est-ce qu'elle dit, elle ?
01:09:41 Moi, effectivement, j'ai l'impression que la question de démographie
01:09:46 risque de détourner un peu de la question de la consommation.
01:09:48 C'est-à-dire que, enfin, c'est ce qu'on a dit tout à l'heure,
01:09:51 nos pays européens vont être bientôt en déclin démographique.
01:09:55 La France, qui a le taux de fécondité le plus élevé, a un taux de fécondité
01:09:58 qui est passé en dessous de 1,9, je ne sais plus exactement,
01:10:01 1,8 ou quelque chose comme ça. La Chine a un taux de fécondité
01:10:04 qui doit être de 1,3 après le Covid. Les grands pays, disons, très émetteurs,
01:10:09 ont des taux de fécondité qui sont très faibles.
01:10:11 Donc quand on parle de démographie, en gros, on arrive toujours
01:10:14 à parler en fait de l'Afrique, des pays africains,
01:10:17 et c'est là qu'on se tourne directement. C'est la manière dont Eric Zemmour,
01:10:20 pardon, a repris ce débat, et à chaque fois, c'est les autres, le problème, etc.
01:10:24 Ce qu'il faut essayer de voir plutôt, c'est que le problème principal écologique
01:10:28 est un problème de niveau de consommation. Si on prend les années 2010, par exemple,
01:10:32 c'était dans un des rapports du GIEC, dans les années 2010,
01:10:35 l'énorme explosion de l'empreinte de la Chine vient 12 fois plus
01:10:40 de l'expansion du PIB chinois que de la démographie chinoise,
01:10:45 l'inertie de la démographie chinoise. Et donc, ce qu'il faudrait plutôt
01:10:49 se poser comme question, disons, nous Européens, nous Français, etc.
01:10:52 Nous Européens, la moyenne, par exemple, de consommation de l'empreinte matière
01:10:57 de notre consommation, c'est à peu près 22 tonnes de matière.
01:11:00 La biomasse, des métaux, des combustibles fossiles, etc.
01:11:03 Si on prend une personne en Afrique, c'est plutôt autour de 4 tonnes.
01:11:07 Il faut se rendre compte que, nous, notre niveau de consommation
01:11:10 est totalement insoutenable à l'échelle de la planète.
01:11:12 Et c'est là-dessus qu'il faut qu'on joue, c'est-à-dire baisser notre niveau
01:11:16 de consommation et donc baisser notre empreinte matérielle,
01:11:19 notre empreinte carbone, etc. pour permettre aux autres pays
01:11:23 d'arriver à quelque chose de soutenable à l'échelle de la planète.
01:11:25 Frédéric Spignani, c'est un peu ce que vous dites.
01:11:29 Vous dites que l'augmentation de la population mondiale n'est pas
01:11:31 la cause première, ni même la cause principale du dérèglement climatique
01:11:35 et de l'effondrement des écosystèmes.
01:11:38 Et j'ai l'impression qu'en fait, vous vous dites, si on ne fait plus d'enfants,
01:11:42 on n'aura pas de raison d'améliorer notre situation.
01:11:45 Au fond, si on a fini par résoudre le problème que vous soulevez,
01:11:48 ce sera pour nos enfants.
01:11:50 Et c'est pour ça qu'il faut en faire, parce que sinon,
01:11:52 après nous, on va être le déluge.
01:11:54 Oui, c'est ça. En fait, l'objet de l'essai, c'était de sortir finalement
01:11:58 de trois catégories. En fait, c'est une récupération de la pensée
01:12:02 sur la démographie. Il y a les identitaires qui veulent parler
01:12:05 du grand remplacement, il y a les économistes qui veulent parler
01:12:08 des retraites finalement, de la productivité.
01:12:11 Et puis, vous avez encore les écologistes qui veulent insérer les enfants
01:12:15 dans cette boîte à outils dont parlait Antoine, pour dire,
01:12:20 mais si, franchement, c'est la meilleure solution,
01:12:22 il faut arrêter d'en faire.
01:12:23 Nous, on veut replacer, encore une fois, ce qu'est la naissance
01:12:27 pour les êtres humains. Ce n'est pas encore une fois que de la reproduction
01:12:30 biologique, c'est aussi tout ce qui est symbolique, le fait de rentrer
01:12:33 dans une communauté et donc forcément de penser nos conditions
01:12:36 d'accueil et d'hospitalité.
01:12:38 Moi, je me dis, mais on pourrait faire de la science-fiction,
01:12:41 je suis sûr que c'est ton truc Antoine.
01:12:43 À un moment donné, on peut très bien imaginer une science-fiction
01:12:45 où on aura réglé tous les problèmes et on n'aura pas nos enfants
01:12:49 pour nous dire merci. C'est juste ça. On pourrait avoir une planète
01:12:54 parfaitement saine et plus d'humains sur Terre.
01:12:57 Certes, mais encore une fois, pour reprendre Anna Arendt,
01:13:00 on a un monde qui est proprement habitable pour l'homme
01:13:03 et c'était ça qu'on voulait mettre en avant.
01:13:05 Évidemment, on parle des enfants, mais on parle de ce qui est
01:13:08 véritablement un comportement adulte derrière et c'était tout l'enjeu
01:13:11 de l'essai.
01:13:13 Je vais vraiment couper court au débat. Personne ne dit qu'il ne faut
01:13:19 pas faire d'enfants. Ce n'est pas le sujet.
01:13:23 Deux points importants.
01:13:25 Je mets à bémol, vous avez dans la jeune génération,
01:13:27 beaucoup de gens qui se disent...
01:13:28 Mais c'est des choix, c'est les gink, c'est Green Inclination,
01:13:31 no kids. C'est des gens qui se disent personnellement,
01:13:33 et moi je suis d'accord avec Frédéric,
01:13:35 il se disent "moi je ne le sens pas, j'ai des tas de raisons".
01:13:40 Et en gros c'est là-dessus, c'est contre ça qu'ils s'élèvent.
01:13:43 La question, encore une fois, c'est très différent au nord et au sud.
01:13:46 Je suis d'accord, on ne peut pas mettre des systèmes pour faire
01:13:48 moins d'enfants au nord. Ça n'a aucun sens puisque le taux
01:13:51 de fécondité est déjà extrêmement bas.
01:13:52 Donc on en vient à dire au sud "faites moins d'enfants".
01:13:56 Non, j'y viens. Il faut arrêter les politiques natalistes qui sont...
01:13:59 On ne peut pas, autrement dit, à la fois être le héros de l'accord de Paris
01:14:03 et faire des allocations universelles.
01:14:06 Ça n'a absolument aucun sens parce que comme on ne maîtrise pas
01:14:10 notre mode de vie, qu'on soit clair, notre empreinte environnementale,
01:14:15 c'est notre mode de vie multipliée par notre nombre.
01:14:18 Si le mode de vie c'était un levier qu'on pouvait actionner facilement,
01:14:22 je suis d'accord avec toi d'ailleurs, c'est le nerf de la guerre,
01:14:24 la production, la consommation, c'est-à-dire l'économie.
01:14:26 Sauf que c'est hyper dur à changer.
01:14:28 Et donc ça va prendre beaucoup de temps et on ne maîtrise pas ça.
01:14:31 Donc on est obligé d'avoir aussi un oeil sur cet autre paramètre
01:14:34 de l'équation qui est la démographie.
01:14:37 Mais ça paraît plus facile.
01:14:38 Je termine mon raisonnement.
01:14:39 Alors, pour le sud, ce n'est pas une injonction du nord en fait.
01:14:43 Ce n'est pas une injonction des occidentaux du tout.
01:14:45 C'est-à-dire qu'il y a plus de 60, précisément il y a 72% des pays
01:14:50 où le taux de fécondité est le plus fort qui mènent des politiques
01:14:53 des natalistes. Ils sont débiles ? Non.
01:14:55 Ils savent très bien qu'il y a un problème.
01:14:56 La question c'est, est-ce que le nord peut arrêter de mettre en place
01:14:59 ces politiques natalistes qui sont en totale contradiction
01:15:01 et financer avec le pognon qu'on dégage des politiques d'éducation
01:15:06 des filles dans le sud et de planning familial, d'accès à la contraception
01:15:09 pour freiner la dynamique démographique dans ces pays-là.
01:15:12 C'est aussi une question d'adaptation au réchauffement climatique.
01:15:15 C'est dans les pays où la dynamique démographique est la plus forte
01:15:18 que le réchauffement climatique va frapper le plus fort
01:15:20 et où la catastrophe humanitaire sera la plus importante.
01:15:22 Marianne Durano.
01:15:24 Oui, je voulais juste rebondir sur deux points
01:15:28 au propos d'Antoine Bueno.
01:15:30 Premièrement, ça m'étonne beaucoup qu'on estime plus facile
01:15:33 de changer le taux de natalité, le taux de fécondité d'un pays
01:15:36 plutôt que de modifier sa consommation.
01:15:39 C'est-à-dire qu'on voit bien qu'on n'arrive même pas à interdire
01:15:42 les pubs pour les SUV à la télévision.
01:15:44 Et on estime qu'on va être capable de maîtriser la natalité.
01:15:48 Donc je ne comprends pas comment Monsieur Bueno peut dire
01:15:51 qu'il est plus facile.
01:15:52 Je peux dire à Marianne ?
01:15:54 Je dis ce que je veux dire.
01:15:57 Comment est-ce qu'il serait plus facile d'agir sur l'intimité conjugale
01:16:01 des personnes, sur ce qu'ils font au lit, sur les filles,
01:16:04 si ça incite les femmes, prennent ou non un moyen de contraception,
01:16:06 alors qu'on n'est pas capable de gérer les produits
01:16:09 qui sont mis sur les rayons de nos supermarchés,
01:16:11 notre alimentation, des choses aussi superficielles que nos loisirs.
01:16:14 Et on prétendrait agir sur quelque chose d'aussi essentiel
01:16:17 que la fécondité.
01:16:18 Donc ça, ça m'étonne.
01:16:19 Et juste sur la question de "personne ne prétend qu'il ne faut plus faire d'enfant",
01:16:23 alors oui, j'évoquais les Gings, effectivement,
01:16:26 mais ça me faisait penser à une discussion que j'avais eue
01:16:30 avec un représentant de l'Association française de transhumanisme
01:16:33 à qui j'avais posé cette question.
01:16:36 "Est-ce que vous préférez vivre dans un monde de vieux immortels
01:16:40 privés d'enfants, ou bien vivre dans un monde
01:16:43 où on continue à mourir mais où il y a encore des enfants ?"
01:16:47 Et au cours de la discussion, ce monsieur avait vraiment réfléchi
01:16:51 et avait fini par me répondre "je préfère qu'on ne fasse plus du tout d'enfants".
01:16:55 Et c'est quand même des discours qu'on retrouve
01:16:58 dans des parties de la société aussi différentes
01:17:01 que des transhumanistes ou des Gings,
01:17:04 et qu'il vaut la peine de regarder en face,
01:17:07 et que ce n'est pas négligeable à mon avis.
01:17:09 Je rappelle que si cette question se pose effectivement,
01:17:11 c'est si dans le cas où on deviendrait immortel,
01:17:13 comme l'espèrent les transhumanistes,
01:17:15 où là effectivement on risquerait de nous interdire de faire des enfants,
01:17:18 parce que là on viendrait vraiment trop nombreux.
01:17:21 Je voulais y répondre rapidement parce qu'elle pose une vraie question.
01:17:24 - Oui, elle pose une vraie question.
01:17:25 Je voudrais quand même juste rappeler que l'humanité pour l'instant
01:17:27 ne fait pas partie des espèces en voie d'extinction.
01:17:29 C'est-à-dire qu'on est 10 milliards,
01:17:31 alors que des baleines il n'y en a plus des masses,
01:17:33 qu'on peut compter sur le doigt de la main les jaguars blancs, etc.
01:17:35 Donc ça va, on a encore un bel horizon.
01:17:37 - Non mais quand elle dit "vous voulez influencer la natalité
01:17:41 alors qu'on n'est même pas capable d'interdire des pubs"
01:17:44 alors je suis tenté de répondre "oui et non".
01:17:47 C'est-à-dire que je suis d'accord et je ne suis pas d'accord.
01:17:49 Je suis d'accord parce qu'elle a raison, c'est pas facile,
01:17:51 mais donc il faut tout mettre en œuvre en même temps.
01:17:53 C'est-à-dire les mesures économiques,
01:17:55 moi je prône évidemment la transition,
01:17:58 toutes les transitions énergétiques, agricoles, industrielles,
01:18:02 vers la circularité, etc.
01:18:04 Mais il faut aussi s'intéresser à ça.
01:18:06 Alors oui, c'est très difficile parce qu'elle a raison,
01:18:08 on se heurte à des murs culturels.
01:18:11 - Et à des envies aussi.
01:18:13 - Non, il y a 162 millions de femmes dans le monde
01:18:16 qui déclarent avoir besoin d'une contraception
01:18:18 et ne pas y avoir accès.
01:18:20 Bon, il y a 80 millions d'humains en plus chaque année sur Terre.
01:18:24 Il y a 50 millions de naissances non désirées chaque année sur Terre.
01:18:29 Rien qu'avec ce paramètre-là, on pourrait quasiment effacer
01:18:32 l'augmentation de la population mondiale par an.
01:18:34 - Oui, alors moi je voudrais pousser la provocation un peu plus loin
01:18:40 parce que je trouve que les provocateurs ne vont pas assez loin.
01:18:43 L'enjeu pour moi, c'était aussi de montrer qu'à partir du moment
01:18:47 où on rajoute l'humain dans la fameuse boîte à outils,
01:18:50 c'est-à-dire dans les dispositifs qui sont à notre main
01:18:53 pour pouvoir réduire l'empreinte humaine sur Terre,
01:18:58 pourquoi les enfants, pourquoi pas les plus âgés,
01:19:04 dont les dépenses de santé évidemment,
01:19:06 sont les plus élevées dans leurs six derniers mois,
01:19:09 pourquoi pas les populations les plus polluantes,
01:19:12 pourquoi on viserait les enfants ?
01:19:14 - Je ne comprends pas, on vise des gens qui n'existent pas encore.
01:19:18 - Oui, c'est exactement ce que j'allais dire, je m'en doutais,
01:19:20 parce que je sais très bien qu'Antoine ne va pas rendre
01:19:22 ses enfants à la nature.
01:19:23 - Ben non !
01:19:24 - Mais finalement, quel est notre orgueil de se dire
01:19:27 "on va se passer des enfants qui ne sont pas encore là" ?
01:19:29 - Mais c'est l'inverse ! Quel est l'hubris de se dire
01:19:32 "on fait sans compter" ?
01:19:33 On parlait avec notre camarade de sobriété.
01:19:36 La démographie est l'un des aspects de la sobriété.
01:19:39 Il n'y a aucun plan de transition écologique
01:19:42 qui est digne de ce nom, qui ne prenne en compte
01:19:44 aujourd'hui la sobriété.
01:19:45 La sobriété, elle a plusieurs visages, elle a plusieurs aspects.
01:19:48 On parle de sobriété en termes de production et de consommation,
01:19:51 on parle de sobriété territoriale, c'est par exemple
01:19:55 la loi du zéro artificialisation nette en France,
01:19:58 quand on essaye de limiter notre emprise territoriale au sol,
01:20:02 et le troisième visage de la sobriété, c'est la démographie.
01:20:05 Ce n'est pas arrêter de faire des enfants,
01:20:07 mais c'est juste savoir que ça aussi, c'est un élément à prendre en compte.
01:20:10 Et au lieu d'avoir par exemple quatre enfants,
01:20:12 peut-être en avoir un ou deux.
01:20:14 Mais deux, c'est déjà trop, parce qu'on renouvelle les générations
01:20:16 dans un monde où on consomme quasiment deux planètes par an.
01:20:19 - Alors, Marianne Durano ?
01:20:21 - Je pense que le problème réside précisément
01:20:24 dans l'appréhension démographique du sujet.
01:20:28 C'est-à-dire que moi, voir un être humain comme un outil
01:20:31 dans une boîte, c'est-à-dire comme un instrument,
01:20:35 un moyen au service de politique de transition,
01:20:37 et non pas une fin en soi, moralement, ça me pose problème.
01:20:41 Et le vocabulaire comme "il faut savoir compter avant d'agir",
01:20:46 "il faut penser au nombre qu'on est",
01:20:48 pour moi, c'est une réduction effectivement de la personne
01:20:52 à une variable d'ajustement dans un graphique.
01:20:56 Et je ne comprends pas pourquoi, dans notre société,
01:20:59 on prétend compter les enfants alors qu'encore une fois,
01:21:02 on est incapable de compter ce qu'on consomme,
01:21:06 de compter nos ressources, de disposer intelligemment
01:21:09 et avec économie les biens qui nous sont donnés.
01:21:13 Et donc, c'est justement cette instrumentalisation de l'humain,
01:21:17 qui est vue comme un moyen et non comme une fin,
01:21:19 qui me pose question.
01:21:20 Et dans ce cas-là, je pense qu'effectivement,
01:21:24 on ouvre la porte à des politiques vraiment tout à fait suspectes
01:21:28 où on va commencer à compter la valeur d'un humain
01:21:32 qui effectivement vaudrait plus qu'un autre.
01:21:34 Tout est envisageable à partir de là.
01:21:37 - J'ai l'impression que si vous avez écrit ce manifeste intitulé
01:21:40 "Si vous voulez sauver la planète, faites des gosses",
01:21:42 c'est aussi parce que vous ne voulez pas de la politique du renoncement.
01:21:46 Et elle plane au-dessus de nous, la politique du renoncement.
01:21:49 C'est-à-dire se dire "Bon, tout est foutu,
01:21:52 de toute façon, tout va s'effondrer,
01:21:53 ne faisons plus d'enfants parce que ça va être horrible".
01:21:56 Et au fin, vous dites que la politique du renoncement,
01:21:58 elle favorise l'apocalypse.
01:22:00 - Mais vous avez entièrement raison.
01:22:02 En fait, ce qu'on a souhaité avec Nathalie Vanhoenhorst,
01:22:06 c'était de trouver un autre récit.
01:22:09 Pour moi, maintenant, il y a l'effondrement,
01:22:11 qui est un récit effectivement sur l'état de la planète.
01:22:14 Et puis, il y a eu, mais de longue date, la décadence,
01:22:17 qui est un récit sur finalement l'état moral de notre civilisation.
01:22:21 Et là où vous avez raison, c'est que déjà,
01:22:23 on ne sait pas ce que ça peut produire comme type de comportement.
01:22:26 On peut effectivement multiplier notre consommation
01:22:28 en pensant que c'est effectivement la dernière génération,
01:22:30 donc profitons-en.
01:22:32 Et encore une fois, moi, je souhaitais remettre en avant quelque chose,
01:22:37 c'est assez naïf finalement, mais de très optimiste.
01:22:40 C'est-à-dire, non, en vérité, il y a déjà eu, encore une fois,
01:22:44 de grandes menaces au-dessus de nos têtes pendant des siècles.
01:22:48 Celle-là, bien sûr, là aussi, on est d'accord,
01:22:51 elle est très importante et il faut s'y attaquer urgemment.
01:22:55 Mais renoncer aux enfants, c'est renoncer à notre humanité.
01:22:59 - Mais il parlait de ses enfants, aux enfants,
01:23:02 qui aujourd'hui ne voudraient plus avoir d'enfants.
01:23:04 - Soyons hyper clairs, la naissance d'un Américain aujourd'hui
01:23:07 est une bien plus mauvaise nouvelle pour la planète,
01:23:10 compte tenu du mode de vie que celle d'inigériens.
01:23:14 Le problème, c'est qu'on ne sait pas ce que vont devenir
01:23:17 les émissions carbone des États-Unis.
01:23:19 On ne maîtrise pas cette trajectoire-là.
01:23:21 Et inversement, les dits "nigériens",
01:23:23 ils vont accéder au développement et pour l'instant,
01:23:25 ils ont l'air pas mal carbonés, leur développement.
01:23:27 Donc c'est une bombe à carbone, pour ne parler que du carbone,
01:23:29 à retardement. Autre paramètre, là, on est dans une trajectoire
01:23:33 qui nous mène à 2 à 3 degrés d'augmentation des températures.
01:23:36 Ça veut dire quoi, concrètement ?
01:23:38 Ça veut dire qu'il y a 20% de la bande tropicale mondiale
01:23:41 qui va devenir invivable, physiquement invivable.
01:23:45 Il fera juste trop chaud pour survivre dans ces zones-là.
01:23:48 Au moins quelques mois par an.
01:23:50 Et selon les dynamiques démographiques actuelles,
01:23:53 ça va concerner 3,5 milliards de personnes.
01:23:55 C'est une catastrophe.
01:23:56 Donc en fait, pour ne pas qu'il y ait des milliards de morts,
01:23:58 il vaut mieux peut-être mettre un peu la pédale de frein.
01:24:00 Mais il faut changer le modèle de consommation, Antoine.
01:24:02 On est d'accord.
01:24:03 On est d'accord.
01:24:04 Ce n'est pas simple, mais on est d'accord.
01:24:05 Mais le risque, quand même, justement,
01:24:07 c'est d'associer démographie à sobriété,
01:24:09 c'est de brouiller complètement le message sur la sobriété,
01:24:12 qui devrait être quand même, notre niveau de consommation
01:24:14 n'est pas soutenable à l'échelle de la planète.
01:24:16 Il faut réduire notre consommation matérielle.
01:24:18 Et ce que j'essaie de montrer dans notre livre,
01:24:20 c'est que ce n'est pas une perte, même du point de vue économique,
01:24:23 en tout cas pour la France,
01:24:24 mais ça risque de brouiller le message
01:24:26 et rajouter l'aspect démographique,
01:24:28 qui forcément hérisse beaucoup de gens,
01:24:30 on le voit, ça hérisse les gens,
01:24:32 risque de faire oublier que le point central,
01:24:34 c'est de réduire la consommation matérielle.
01:24:36 Quand j'ai un enfant, je consomme plus.
01:24:37 C'est indissociable.
01:24:39 Peut-être, mais ça détourne le débat.
01:24:41 On voit sur d'autres débats la question démographique,
01:24:43 qui je crois, à mon avis, va nous faire prendre du retard
01:24:45 sur les actes.
01:24:47 - On vous interrompt, parce que c'est fini.
01:24:49 - Quel hommage.
01:24:51 - Ça ne finira jamais.
01:24:52 Mais maintenant, on va s'intéresser à ces idées chrétiennes
01:24:55 qui ont bouleversé le monde, elles aussi.
01:24:57 Peut-être qu'on va y revenir, d'ailleurs.
01:24:59 Mais d'abord, c'est le rappel des titres, Isabelle Piboulot.
01:25:03 - Après l'Italie et l'Allemagne,
01:25:08 Vélodi Mirzélenski a atterri à Paris en début de soirée,
01:25:11 accueilli par la Première ministre et la chef de la diplomatie,
01:25:14 le président ukrainien a ensuite rejoint Emmanuel Macron
01:25:17 pour un dîner de travail à l'Elysée.
01:25:19 Les deux chefs d'État ont notamment évoqué les besoins urgents
01:25:23 de l'Ukraine sur les plans militaires et humanitaires.
01:25:26 Emmanuel Macron réunira demain à Versailles
01:25:29 plus de 200 investisseurs étrangers.
01:25:31 La sixième édition du sommet Choose France y sera organisée.
01:25:35 L'hexagone attire les investisseurs internationaux.
01:25:38 28 investissements directs étrangers seront annoncés,
01:25:42 d'un montant record de 13 milliards d'euros.
01:25:45 Des projets qui doivent permettre la création de 8000 emplois.
01:25:49 Et puis la Turquie, suspendue au résultat du dépouillement
01:25:52 de l'élection présidentielle.
01:25:54 Un second tour inédit se profile.
01:25:57 Candidat à sa réélection, Recep Tayyip Erdogan,
01:26:00 pourrait ne pas obtenir la majorité de 50% des voix.
01:26:03 Un scrutin périlleux donc pour celui qui règne depuis 20 ans.
01:26:06 Les chiffres définitifs n'ont pas encore été communiqués.
01:26:09 S'il devait avoir lieu, le second tour de l'élection présidentielle
01:26:13 se tiendrait le 28 mai prochain.
01:26:15 - Jean-François Chemin, vous êtes docteur en histoire
01:26:21 et vous publiez "Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde"
01:26:24 de chez Artej, un livre dans lequel vous listez
01:26:27 tout ce que nous devons au christianisme, à commencer par l'Europe.
01:26:30 L'Europe au départ, c'est la chrétienté.
01:26:32 C'est comme ça qu'on l'appelle au Moyen-Âge.
01:26:34 - Alors effectivement, déjà ce que je voudrais dire,
01:26:36 c'est que le mot "Europe" dans son sens moderne
01:26:39 est apparu sous la plume d'un moine, Saint-Colomban,
01:26:42 dans deux lettres qu'il a écrites au pape.
01:26:45 Et pour lui, l'Europe, c'était l'espace soumis à l'autorité spirituelle du pape.
01:26:50 Donc dans son sens moderne, l'Europe prend une dimension
01:26:54 à la fois politique et religieuse.
01:26:56 Et puis à l'époque de Charlemagne, la chrétienté,
01:26:58 c'est l'empire carolingien, qui correspond aussi à l'Europe.
01:27:01 Donc les deux termes vont rester synonymes assez longtemps.
01:27:05 - Vous dites qu'on doit au christianisme
01:27:07 la séparation des sphères politique et religieuse.
01:27:09 C'est le propre de la chrétienté occidentale, dites-vous.
01:27:12 Pourtant, l'Église a été longtemps associée au pouvoir.
01:27:16 Et il a fallu, chez nous, la loi de 1905,
01:27:19 pour séparer l'Église et l'État.
01:27:22 Et on l'a vu en Angleterre avec le couronnement de Charles III,
01:27:25 il est toujours le chef de l'Église anglicane.
01:27:27 - Alors, il serait difficile de répondre de manière très brève à cette question,
01:27:31 parce que c'est une question qui s'est développée
01:27:33 sur finalement toute l'histoire du christianisme.
01:27:36 Déjà dans l'Évangile, il y a cette parole du Christ,
01:27:38 "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu,
01:27:41 et mon royaume n'est pas de ce monde."
01:27:43 L'idée a été développée par saint Augustin au moment de l'effondrement de Rome,
01:27:47 puisque les contemporains faisaient reproche au christianisme,
01:27:51 de dire "Regardez, à partir du moment où l'Empire romain
01:27:54 se convertit au christianisme, c'est le moment où il s'effondre."
01:27:56 Et saint Augustin a donc expliqué la chose,
01:27:59 en disant "Il faut distinguer la cité des hommes de la cité de Dieu,
01:28:03 ce sont deux cités auxquelles le chrétien doit collaborer toutes les deux,
01:28:08 mais elles sont distinctes, elles ne doivent pas se confondre."
01:28:12 Et effectivement, pendant des siècles, dans la chrétienté occidentale,
01:28:16 donc soumise à l'autorité du pape, il y a eu une coopération âpre
01:28:22 entre l'Église et l'État, alors pendant très longtemps
01:28:26 c'était le Saint-Empire romain germanique,
01:28:28 ça a été les États nationaux, alors avec des prétentions impériales
01:28:32 et royales à la supériorité de l'État sur l'Église,
01:28:35 mais aussi des prétentions pontificales,
01:28:37 notamment au XIIIème siècle, la supériorité de l'Église sur l'État.
01:28:40 Tout ça s'est terminé progressivement par une montée en puissance des États,
01:28:47 et notamment en France, vous parliez de laïcité,
01:28:49 mais la laïcité n'a pas mis fin à la mainmise de l'Église sur l'État,
01:28:53 mais à la mainmise de l'État sur l'Église,
01:28:55 ce qui avait organisé le Concordat de 1801.
01:28:59 Et d'ailleurs je précise que la séparation de l'Église et de l'État
01:29:02 était bien plus une demande des catholiques,
01:29:04 de l'Église catholique depuis les années 1820,
01:29:07 que de l'État lui-même.
01:29:09 Donc c'est bel et bien le propre du christianisme d'Occident,
01:29:13 sachant que dans le christianisme d'Orient,
01:29:15 c'est-à-dire en fait ce qui va donner le monde orthodoxe,
01:29:18 on a conservé le modèle byzantin, qui était donc le modèle romain,
01:29:23 de césaropapisme, c'est-à-dire une Église étroitement soumise à l'État,
01:29:28 et c'est finalement ce qui a donné le modèle des tsars,
01:29:32 et un modèle qui ne favorise ni la liberté ni la démocratie,
01:29:35 on le voit en Russie aujourd'hui.
01:29:37 – La liberté, c'est le christianisme qui nous l'a apporté,
01:29:40 dites-vous, ce n'est pas la République ?
01:29:42 – La République est un avatar, je vais choquer peut-être,
01:29:45 ou provoquer, mais la République pour moi est un avatar du christianisme.
01:29:48 Elle ne s'inscrit pas véritablement en rupture par rapport à l'histoire antérieure,
01:29:54 mais elle est un aboutissement en fait d'une évolution qui s'est faite avant elle,
01:30:02 on a eu différentes étapes de montée en puissance de l'État
01:30:06 en France par rapport à l'Église, avec le gallicanisme, l'absolutisme,
01:30:12 et pour moi la République en fait est une sorte de fusion nucléaire
01:30:18 entre l'Église catholique et l'État.
01:30:20 – Mais alors pourquoi, enfin si j'ai une petite idée,
01:30:22 parce que j'ai lu votre livre, mais je vous pose la question
01:30:24 pour tous ceux qui ne l'ont pas lu,
01:30:25 pourquoi le christianisme, c'est à lui qu'on lui doit la liberté pour vous ?
01:30:28 – Tout simplement parce que le Christ est véritablement venu
01:30:34 nous apporter ce message de liberté, alors ce n'est pas un message politique,
01:30:39 il ne s'agit pas de dire voilà, le Christ est venu faire une révolution,
01:30:43 il a brandi un drapeau, il a fait un mai 68, et du jour au lendemain,
01:30:47 on s'est retrouvé libre, ce qui est très intéressant,
01:30:49 c'est de voir que l'Église a avancé dans sa lecture des Écritures,
01:30:56 sans doute sous l'action de l'Esprit-Saint, et que c'est petit à petit
01:31:00 qu'on a pris conscience d'un certain nombre de choses qui ont libéré,
01:31:04 alors je prends dans mon livre l'exemple des esclaves,
01:31:07 ou l'exemple des femmes, à l'époque du Christ,
01:31:10 l'esclavage était une évidence pour tout le monde,
01:31:13 c'était une évidence pour tout le monde, même d'une certaine manière
01:31:16 pour Saint Paul qui disait "esclaves, soyez soumis à vos maîtres",
01:31:20 mais n'empêche que le christianisme en proclamant l'égale dignité de tous,
01:31:26 quelles que soient leurs conditions sociales, quels que soient leurs genres, etc.,
01:31:31 a eu ce côté totalement révolutionnaire, c'est-à-dire que petit à petit,
01:31:36 on s'est mis à libérer ces esclaves tout naturellement,
01:31:41 quand on était un maître chrétien, parce qu'on a considéré que
01:31:45 c'était des êtres humains comme nous, puis on s'est retrouvé,
01:31:48 on ne sait pas quand, mais il y a un moment donné en Occident,
01:31:51 les historiens ne sont pas d'accord sur le moment,
01:31:53 mais où il n'y a quasiment plus d'esclaves en Europe,
01:31:56 et c'est une exception, parce que dans les continents voisins,
01:32:00 dans les civilisations voisines, il y avait des esclaves,
01:32:03 et ça semblait encore une évidence.
01:32:05 Alors paradoxalement, l'esclavage a ressurgi à la fin de la Renaissance,
01:32:11 je pense avec la redécouverte des auteurs grecs et latins,
01:32:14 parce que par exemple pour Aristote, Aristote justifiait philosophiquement
01:32:18 l'esclavage en disant qu'il y a des gens qui sont faits pour être maîtres
01:32:21 et d'autres qui sont faits pour être esclaves,
01:32:23 Cicéron considérait que l'esclavage faisait partie du droit naturel,
01:32:27 et donc en redécouvrant ces auteurs dans un contexte où on avait découvert l'Amérique
01:32:31 et on avait besoin de main d'œuvre, etc.,
01:32:33 on a recréé un esclavage qui avait disparu d'Occident.
01:32:38 L'Église, les papes successifs l'ont condamné,
01:32:43 mais de manière un peu… ils ont tâtonné, ça n'a pas été très clair,
01:32:47 l'Église évolue très lentement, mais finalement le résultat de tout ça,
01:32:52 c'est qu'on a fini… alors c'est la République certes qui a aboli l'esclavage en 1848,
01:32:57 mais l'évolution, l'incitation, le mouvement a été initié lentement,
01:33:04 mais sûrement par l'Église.
01:33:06 – Pour rester sur la liberté, vous écrivez Jean-François Chemin
01:33:11 qu'une dictature de bigots fanatiques comme celle de Savarole, au fond,
01:33:16 c'est contraire au christianisme.
01:33:18 – Oui, parce qu'en fait, alors j'en reviens aussi à Saint-Augustin.
01:33:22 Saint-Augustin a eu un débat avec un moine de son époque qui s'appelait Pélage
01:33:26 et qui affirmait que chacun peut faire son salut à la force du poignet.
01:33:30 "Si je décide d'être un saint, alors je serai un saint",
01:33:33 ce à quoi Saint-Augustin a répondu non,
01:33:35 l'homme est marqué par le péché originel, par la faute d'Adam
01:33:39 et donc il ne peut être sauvé que par la grâce divine.
01:33:42 Donc c'est très orgueilleux et vain de prétendre faire son salut par soi-même.
01:33:48 Comme disait Saint-Paul, "je ne fais pas le bien que je voudrais faire
01:33:52 et je fais le mal que je ne voudrais pas faire".
01:33:55 Alors l'idée de Savonarole et d'autres, c'est-à-dire de gens qu'on va appeler des pélagianismes,
01:33:59 des pélagianistes, c'est qu'on peut arriver à la perfection morale absolue
01:34:04 si la coercition publique est suffisante.
01:34:08 Et effectivement, Savonarole était plein de bonnes intentions,
01:34:11 mais c'était l'enfer des bonnes intentions.
01:34:13 Il a instauré un système de dictature terrible
01:34:16 et il a fini par être excommunié, chassé et brûlé.
01:34:21 Mais je crois que ça reste une tentation, y compris de notre République,
01:34:24 qui est pélagianiste un petit peu quand même, sans le savoir,
01:34:27 qui consiste à dire "nous pouvons tous être des gens parfaitement vertueux,
01:34:31 lutter contre nos phobies, aimer toutes les catégories de personnes,
01:34:35 accueillir, ne pas juger les autres".
01:34:38 Il y a vraiment un côté pélagianiste, mais avec cette idée qu'on y arrivera si on est puni.
01:34:43 Or, Saint-Augustin démontre qu'on en aura beau faire, on n'y arrivera pas.
01:34:48 Donc je pense qu'il faut avoir conscience de ça
01:34:51 et ça induit une certaine indulgence, une certaine miséricorde
01:34:55 pour les faiblesses des gens, qui à mon avis nous échappent un petit peu en ce moment.
01:34:59 – Donc pas de fanatisme au fond ?
01:35:01 – Pas de fanatisme et pas trop d'intransigence.
01:35:04 – Vous avez dit "le péché originel commis par Adam",
01:35:06 je crois que c'était Ève qui avait commis le péché original,
01:35:09 et d'ailleurs vous décrivez dans votre livre que si la femme est l'égale de l'homme,
01:35:14 c'est aussi grâce au christianisme.
01:35:16 Je vais vous dire, dans la Bible, c'est pas vraiment ça,
01:35:19 mais notamment parce qu'il y a Ève, parce qu'il y a le péché original,
01:35:22 parce qu'il a enlevé une côte d'un homme pour en faire une femme,
01:35:26 enfin vous connaissez tout ce qu'on dit là-dessus.
01:35:28 – Oui mais on se fixe là-dessus, pour ceux qui liront mon livre,
01:35:31 je cite de longs extraits des échanges épistolaires entre Héloïse et Abélard,
01:35:37 où de manière très fine, Abélard met en évidence
01:35:42 l'importance du rôle des femmes dans l'Ancien Testament
01:35:46 comme dans le Nouveau Testament, alors certes elles ne sont pas au premier plan,
01:35:50 mais elles ont toujours une place éminente.
01:35:53 Jésus-Christ est né d'une femme, au pied de la croix il y avait des femmes,
01:35:57 à la sortie du tombeau pour constater que Jésus-Christ n'y était plus,
01:36:01 il y avait encore des femmes, donc toujours des femmes,
01:36:03 alors certes évidemment elles ne sont pas au premier plan,
01:36:06 elles ne sont pas parmi les douze disciples, etc.
01:36:09 mais on les retrouve toujours, et cet échange épistolaire
01:36:12 entre Héloïse et Abélard, de ce point de vue-là,
01:36:14 je l'ai pas mal développé, est très éclairant et très fin.
01:36:17 – Et certains, dont Emmanuel Todd d'ailleurs,
01:36:19 disent qu'au fond les femmes ont eu moins à souffrir du patriarcat,
01:36:23 ce qu'on appelle aujourd'hui le patriarcat,
01:36:25 dans les pays catholiques que dans les pays protestants ou orthodoxes.
01:36:29 – Tout simplement parce que déjà le patriarcat ce n'est pas catholique, c'est romain.
01:36:32 À Rome, le pater familias avait tous les droits,
01:36:36 et la femme était considérée comme une enfant ou une esclave,
01:36:39 donc quelque part le christianisme, petit à petit là encore,
01:36:43 a libéré la femme du patriarcat, et il n'est ressurgi qu'à la fin du Moyen-Âge,
01:36:47 avec la redécouverte du droit romain,
01:36:49 le tout enterriné ensuite par Napoléon, le code civil, etc.
01:36:52 – Vous auriez aimé entendre Marianne Durano sur ce sujet,
01:36:55 vous êtes toujours là Marianne ?
01:36:57 – Oui, sur les femmes et l'Église catholique.
01:37:01 – Oui, et tout ce qui vient d'être dit d'ailleurs.
01:37:04 – Deux choses rapidement, effectivement, la foi chrétienne,
01:37:09 c'est quand même une foi de l'incarnation,
01:37:13 qui estime que Dieu lui-même a besoin de naître du corps d'une femme
01:37:18 pour pouvoir opérer son œuvre de rédemption,
01:37:21 donc par là c'est une glorification du corps de la femme,
01:37:25 Marie étant la créature parfaite, le modèle de l'humanité à venir,
01:37:30 donc c'est quand même intéressant.
01:37:32 Et puis en parlant de Marie d'ailleurs,
01:37:34 et de la portée politique du christianisme,
01:37:37 j'avais envie de citer le Magnificat,
01:37:40 où il est dit que "Dieu renverse les puissants de leur trône,
01:37:44 il relève les humbles, il comble ceux de bien,
01:37:46 les affamés renvoient les riches, les mains vides".
01:37:49 Donc il y a une portée révolutionnaire et une subversion très profonde
01:37:55 portée par le christianisme,
01:37:57 qu'il s'agit de redécouvrir aujourd'hui, on en a besoin.
01:38:02 – Vous dites oui, Antoine Benaud ?
01:38:04 – Moi je veux vraiment lire votre livre,
01:38:06 je ne suis absolument pas convaincu.
01:38:08 [Rires]
01:38:09 Mais justement je pense qu'il faut vraiment rentrer dans le livre,
01:38:11 parce que j'ai l'impression qu'on fait une relecture là
01:38:15 de 2000 ans de christianisme à l'aune de ce qu'il faut être aujourd'hui.
01:38:19 Alors aujourd'hui évidemment il faut être un démocrate,
01:38:21 il faut aimer la liberté, il faut être féministe,
01:38:23 il faut être anti-esclavagiste, pardon,
01:38:26 mais l'Église elle s'est accommodée de tout ça
01:38:28 pendant des siècles et des siècles et ça fonctionnait très bien.
01:38:31 D'ailleurs on pourrait à mon avis citer autant de grands-pères de l'Église
01:38:34 qui disent qu'il faut des esclaves, qui disent que les femmes doivent être au fourneau, etc.
01:38:38 Bon, comme si l'aboutissement de notre société actuelle
01:38:42 avait été travaillé par toute cette maturation,
01:38:46 il a quand même fallu 2000 ans,
01:38:48 cette maturation du message de Christ,
01:38:50 franchement, moi en tout cas je ne suis pas client.
01:38:52 – Eh bien c'est exactement ça et vous avez parfaitement résumé mon livre.
01:38:55 [Rires]
01:38:57 – Mais à priori vous ne l'avez pas encore convaincu.
01:39:00 – Non mais il faut lire.
01:39:01 – Parce qu'il lira le bouquin et il se marre.
01:39:03 – La démocratie, ce ne serait pas tant à la Grèce antique,
01:39:06 parce que même la démocratie, pour Jean-François Chemin,
01:39:09 on la doit aux idées chrétiennes.
01:39:13 Et néanmoins en France par exemple,
01:39:16 les régions catholiques étaient aussi les moins républicaines.
01:39:21 Les régions les plus catholiques étaient les moins républicaines,
01:39:23 jusqu'au début du XXème siècle.
01:39:26 – Alors je vais juste dire un mot d'abord par rapport à la réaction de M. Benoût,
01:39:29 il est clair qu'il y a sur les sujets que je traite là,
01:39:31 tel DOXA, que ma réflexion va contre toutes les idées reçues
01:39:36 et que donc je pense que ça mérite effectivement d'aller y voir de plus près,
01:39:40 parce que toutes ces idées qui semblent aujourd'hui évidentes,
01:39:44 et comme je le disais tout à l'heure, elles ont mis 2000 ans à mûrir,
01:39:48 mais elles ne sortent pas de rien, ce n'est pas la génération spontanée.
01:39:51 Deuxièmement la démocratie, on nous cite effectivement le modèle athénien,
01:39:55 et éventuellement le modèle romain.
01:39:57 Alors à Athènes la démocratie a été une petite parenthèse dans l'histoire athénienne,
01:40:04 au Vème siècle, et puis dès le IVème siècle elle avait très largement disparu.
01:40:10 Quant à Rome, c'était une république qui n'avait rien de démocratique,
01:40:15 mais qui mariait, on parlait d'un régime mixte,
01:40:17 qui mariait les trois régimes, la monarchie, la démocratie et l'aristocratie.
01:40:22 Alors je maintiens que la pratique concrète de la démocratie,
01:40:29 c'est dans l'Église qu'elle s'est perpétuée.
01:40:33 Alors tout d'abord avec l'élection des évêques, au Vème siècle par exemple,
01:40:38 on voit avec l'élection de Saint-Martin ou d'autres,
01:40:40 les évêques étaient élus par les fidèles, mais au lieu de protester, "renseignez-vous"
01:40:46 "je n'ai pas de compétence dans le domaine de la démographie,
01:40:52 "laissez-moi répéter que les évêques étaient élus à la fin de l'Antiquité".
01:40:59 Comme le pape d'ailleurs, en tant qu'évêque de Rome.
01:41:02 Il a été décidé en 1059 que le pape serait élu.
01:41:06 Après que les empereurs germaniques aient pris l'habitude de nommer les évêques,
01:41:10 il a été décidé à nouveau par le concordat de Vormes en 1122 que les évêques seraient élus.
01:41:17 Et dans les monastères, on élisait les abbés.
01:41:20 Alors on élisait les abbés par la pratique d'abord de ce qu'on appelle la "sagnior pars",
01:41:25 donc c'était les moines les plus anciens qui élisaient les abbés.
01:41:28 Mais avec les ordres mendiants, dominicains et franciscains,
01:41:32 on s'est mis à pratiquer la "major pars", c'est-à-dire l'élection à la majorité.
01:41:37 Donc effectivement, il y a peut-être des modèles théoriques, historiques, anciens avec la Grèce et Rome.
01:41:45 Il n'empêche que la pratique de la démocratie, c'est dans l'Église qu'elle s'est effectuée.
01:41:51 Je voudrais juste dire un mot sur la Révolution française et ses suites.
01:41:55 Il y a eu effectivement au XIXe siècle, suite à la Révolution française,
01:42:01 une forte réaction de l'Église, en tout cas d'une partie de l'Église,
01:42:08 je dis bien d'une partie parce qu'il y avait des catholiques modernistes
01:42:11 comme Lamenay, Lacordaire, Montalembert qui étaient des démocrates.
01:42:15 Donc effectivement, c'était par réaction.
01:42:17 Mais la Révolution française, elle a été faite par qui sinon ?
01:42:20 Par des curés ? L'abbé Sieyès ?
01:42:22 – Non mais… – T'as l'erreur.
01:42:24 [Rires]
01:42:25 Fouché !
01:42:26 – Non mais Fouché…
01:42:27 – Attendez, attendez, Fouché je ne savais pas.
01:42:31 – Fouché c'était un oratorien.
01:42:34 – Ah oui c'est vrai.
01:42:35 – 50%…
01:42:36 – C'est quand même le mitrailleur de Lyon.
01:42:38 – Non mais vous prenez ce qui vous arrange.
01:42:39 – 50% des prêtres ont prêté serment de fidélité à la Constitution.
01:42:42 – Attendez, on ne peut pas dire que l'Église n'ait pas fait bon ménage
01:42:45 pendant 2000 ans avec la monarchie, la Croix et le Goupillon.
01:42:48 C'était un ordre social qui était fondé sur l'Église catholique.
01:42:51 – Mais l'Église n'est pas là pour faire la Révolution,
01:42:53 quand c'était une monarchie, elle était monarchiste.
01:42:55 – Ça fait 2000 ans, la République elle date de quand ?
01:42:58 Ça a fait 2000 ans de monarchie et 100 ans de République enfin.
01:43:02 – Benjamin Brice avait un mot à dire.
01:43:04 – Moi je salue disons la volonté iconoclaste etc.
01:43:08 mais j'ai peur que ça amène parfois quand même à des excès, c'est-à-dire que…
01:43:12 – Attendez j'en ai d'autres.
01:43:14 – Oui mais quand on parle de la traite esclavagiste,
01:43:18 c'est parce qu'il y aurait eu les auteurs grecs et latins qui auraient surgi.
01:43:22 J'aimerais bien voir effectivement ce que les esclavagistes lisaient
01:43:26 mais en général ils étaient chrétiens ça c'est sûr,
01:43:28 je ne suis pas sûr qu'ils lisaient les auteurs grecs et latins.
01:43:30 Et en revanche quand on parle de la Révolution française, la démocratie etc.
01:43:33 là ce n'est plus les auteurs grecs et latins
01:43:35 alors que je veux dire les Montesquieu, des Rousseau etc.
01:43:38 les avaient lus et s'y intéressaient beaucoup plus qu'à la Bible.
01:43:41 Et là non c'est disons l'élection des évêques 1500 ans auparavant
01:43:46 qui serait responsable de ça.
01:43:48 Je pense qu'il y a un moment, je salue le geste
01:43:51 mais je crois qu'il y a quand même un risque de disons avoir une thèse
01:43:55 et de prendre tous les éléments qui aillent dans ce sens-là
01:43:58 et de risquer de manquer d'autres éléments.
01:44:00 – Alors réponse de Jean-François Chemin ?
01:44:02 – Moi je crois que ce n'est pas parce que des chrétiens ont pratiqué l'esclavage
01:44:05 que l'Église en est responsable.
01:44:07 – Oui ? Mais alors pourquoi les grecs et les romains en seraient responsables ?
01:44:09 – Mais inversement !
01:44:10 – Non mais attendez, je pense que là effectivement
01:44:15 la pratique de l'esclavage relève certainement de cette notion de péché
01:44:20 que porte l'homme en lui.
01:44:21 Simplement ce que je veux que vous compreniez c'est que
01:44:24 l'esclavage n'est considéré à l'évidence comme un péché
01:44:28 que parce que le christianisme a considéré que c'était un péché.
01:44:31 Pour les anciens ça ne pose aucun problème moral.
01:44:35 Si ça pose un problème moral pour nous c'est bien parce que quelqu'un…
01:44:38 – Pour les marchands anglais, français, pour l'Amérique…
01:44:42 – Les États-Unis au sud ça ne pose pas de problème.
01:44:45 – Vous n'avez pas bien compris ce que dit Jean-François Chemin.
01:44:48 Il dit si à un moment… – Mais c'est faux.
01:44:51 – Attendez, vous me répondrez.
01:44:52 Mais si vous dites, s'il y a la compassion à l'égard de celui qui est tombé en esclavage
01:44:56 ou de celle qui est tombée en esclavage, s'il y a la charité, s'il y a l'égalité
01:45:00 et si on peut reconnaître en un esclave notre égal,
01:45:04 c'est parce que c'est dans le message du Christ et que ça n'était pas là avant.
01:45:07 C'est bien ce que j'ai compris.
01:45:08 – Il y a une controverse de Valladolid, on considère que certains êtres humains sont humains,
01:45:12 les eaux ne sont pas humains et que donc on peut les réorganiser…
01:45:15 – Je vais relancer la controverse de Valladolid.
01:45:17 Celui qui défend cette thèse était mis à l'index,
01:45:20 alors que celui qui lui répond ne l'était pas.
01:45:25 – Oui, c'est quand même deux chrétiens qui se…
01:45:27 – Non mais j'ai… – Attendez, je vous arrête parce que…
01:45:29 – C'est bien comme dans les reuns.
01:45:30 – Pardon, j'ai dit une bêtise ?
01:45:32 – Non, non, mais il y a deux chrétiens sauf que ce qui est extraordinaire
01:45:35 c'est qu'on prend les arguments de Sepulveda comme les arguments de l'Église
01:45:38 alors que son livre était mis à l'index.
01:45:40 – Voilà, c'est ça.
01:45:41 – Et que donc les arguments de l'Église, c'est les arguments inverses.
01:45:43 – Juste, encore une fois, il y a Frédéric qui va intervenir, il y a Marianne aussi
01:45:47 et il nous reste trois minutes, juste parce que c'est le plus beau pour moi dans ce que vous dites.
01:45:51 Vous dites qu'au fond, même la science, l'enseignement, mais surtout la science
01:45:56 sont encouragées en Europe pendant des siècles par le christianisme
01:46:00 et là je me suis dit, il y va fort parce que Giordano Bruno, Copernic, Galilée
01:46:04 doivent se retourner dans leur tombe.
01:46:06 – Alors il faudrait que j'ai plus de…
01:46:07 – Oui, mais juste un tout petit…
01:46:09 – Je ne dis pas que l'Église les a encouragées, je dis qu'elle l'a permis,
01:46:12 c'est-à-dire que je montre que la possibilité de la science,
01:46:16 elle résulte du fait que 1) le christianisme a désacralisé la nature,
01:46:21 2) à un moment donné, donc au 11ème-12ème siècle,
01:46:27 la théologie est devenue une science théorique qui s'est séparée
01:46:33 donc de la science humaine, enfin voilà, ce qui a donné en fait
01:46:41 la possibilité à la science de se développer indépendamment de la théologie.
01:46:45 Le fait que la théologie se soit séparée pour devenir une discipline
01:46:48 purement spéculative a laissé la possibilité, ce qui n'empêche pas
01:46:52 effectivement que l'Église étant prisonnière des connaissances de son temps,
01:46:55 à différents moments a condamné les progrès scientifiques,
01:46:58 sauf que dès Saint-Augustin, on savait que les écritures
01:47:04 doivent être certainement prises au pied de la lettre pour ce qui concerne
01:47:07 les questions de la foi, mais certainement pas pour ce qui concerne les questions annexes.
01:47:11 – Alors Frédéric Spiviani, très vite.
01:47:13 – Oui, j'avais une curiosité parce qu'on a parlé démocratie,
01:47:15 on a parlé révolution française, est-ce que les premiers chrétiens
01:47:18 nous ont légué le communisme ?
01:47:20 – Alors ça c'est une… les premiers chrétiens mettaient leur bien en commun,
01:47:26 le christianisme c'est pas une idéologie politique,
01:47:31 c'est une pratique qui est fondée sur l'amour,
01:47:34 donc oui les premiers chrétiens ont mis leur bien en commun,
01:47:37 les premiers chrétiens n'ont jamais inventé et imposé un système politique.
01:47:43 – Marianne Durano, il nous reste une minute, est-ce que vous les voulez ?
01:47:46 – Moi je ne suis pas historienne, ce que je recherche c'est,
01:47:53 en tant que philosophe, la portée des mots qu'on lit
01:47:58 et qui peuvent encore résonner aujourd'hui,
01:48:01 donc je me laisse interroger par ce que dit Jean-François Chemin
01:48:07 et je ne suis pas capable de trancher sur des questions historiques aussi ponctuelles.
01:48:13 – Merci beaucoup, merci d'avoir participé à cette émission,
01:48:18 je vous remercie de nous avoir suivis,
01:48:20 je vous donne rendez-vous au prochain numéro, ce sera samedi prochain à 22h.
01:48:25 Je vous souhaite à tous une très bonne nuit.
01:48:28 Merci à tous !