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Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir

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00:00:00 Les visiteurs du soir sont en train de s'asseoir.
00:00:05 L'émission commencera juste après le rappel des titres.
00:00:08 La manifestation de l'action française prévue demain matin à Paris pourra avoir lieu.
00:00:17 Elle se tiendra devant la statue de Jeanne d'Arc dans le premier arrondissement.
00:00:20 La justice a suspendu l'interdiction prononcée par la préfecture de police après une instruction
00:00:25 du ministère de l'Intérieur visant plusieurs manifestations d'extrême droite.
00:00:30 Le mouvement royaliste a déjà pu tenir un colloque cet après-midi.
00:00:33 Fusillade près de la frontière luxembourgeoise.
00:00:37 Au moins cinq blessés, dont trois graves, sont à déplorer.
00:00:40 Un homme cagoulé, attiré depuis un véhicule avant de prendre la fuite.
00:00:44 Quatre victimes se trouvent à Villerupe en Meurthe et Moselle et une en Moselle.
00:00:49 La fusillade pourrait être liée à un trafic de stupéfiants.
00:00:52 L'enquête a été confiée au service régional de la police judiciaire de Metz.
00:00:58 Et puis après sa visite à Rome aujourd'hui, Volodymyr Zelensky se rendra en Allemagne demain.
00:01:04 Un déplacement alors que le gouvernement allemand a annoncé de nouvelles livraisons d'armes à Kiev
00:01:09 pour une valeur de 2,7 milliards d'euros.
00:01:12 Le président ukrainien doit se voir décerner le prix Charlemagne.
00:01:15 Distinction récompensant un engagement marquant en faveur de l'entente en Europe.
00:01:21 - Alors là, moi le problème, c'est que j'ai du monde à définir.
00:01:25 [Générique]
00:01:35 - Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir.
00:01:38 On est samedi, il est 22h.
00:01:40 L'heure de se poser des questions sur le populisme et l'antipopulisme.
00:01:44 Par exemple, lequel des deux est une menace pour la démocratie, le populisme ou l'antipopulisme ?
00:01:50 Antoine Chollet est docteur en sciences politiques.
00:01:53 Il publie "L'antipopulisme ou la nouvelle haine de la démocratie".
00:01:57 Barbara Stiegler est philosophe, professeure à l'université de Bordeaux.
00:02:01 Elle est l'auteur d'"Il faut s'adapter" sur un nouvel impératif politique et de "De la démocratie en pandémie".
00:02:08 Olivier Dard est professeur d'histoire à la Sorbonne.
00:02:11 Il est l'auteur d'une biographie de Charles Maurras, "Le nationalisme intégral" qui vient juste d'être réédité.
00:02:17 Il a dirigé la rédaction du "Dictionnaire du populisme".
00:02:20 Enfin, Bertrand Joly est l'auteur d'"Aux origines du populisme, une histoire du boulangisme" 1886-1891.
00:02:29 Enfin, François Bousquet sera avec nous par Skype dès 22h20.
00:02:33 C'est rédacteur en chef d'Eléments, le magazine de la Nouvelle Droite.
00:02:36 Et c'est l'auteur de "Courage, manuel de guérilla culturel" et de "Biopolitique du coronavirus, télétravail, famille, patrie".
00:02:44 Mais d'abord, un anniversaire. Il y a 100 ans, le premier feu rouge faisait son apparition en France, à Paris,
00:02:50 à l'angle du boulevard Sébastopol et du boulevard Saint-Denis.
00:02:54 Aujourd'hui, il y en a de plus en plus. Rien qu'à Paris, on en compte plus de 130 000.
00:02:58 Et certains voudraient bien en supprimer, comme on l'a fait à Bordeaux, où vous habitez, Barbara Stiegler,
00:03:04 ou à Abbeville, où il n'y en a plus du tout depuis 2018.
00:03:07 Alors Mathieu Fleneau est avec nous. Bonsoir, Mathieu.
00:03:12 Vous enseignez... Vous êtes historien, historien des mobilités. Vous enseignez à Sciences Po et à la Sorbonne.
00:03:18 Votre dernier livre s'intitule "En tout sens". C'est une histoire des équipements de la route,
00:03:23 où vous revenez notamment sur l'histoire du feu rouge. Au départ, en 1923, l'installation du premier feu rouge,
00:03:29 qui n'était pas encore tricolore, ça ne viendra que dans les années 30, ça répondait à quelle nécessité ?
00:03:36 À une nécessité absolue de sécuriser les chaussées. L'enjeu était aussi de donner à chacun une place sur le réseau
00:03:46 et dans des rues qui étaient perçues comme étant, évidemment, accidentogènes.
00:03:51 C'est un point quand même important parce que le feu rouge, finalement, est assez contemporain du code de la route qui date de 1922.
00:03:57 Donc, il s'agit de faire respecter les règles et en s'équipant d'artefacts comme ça, d'équipements de la route, d'équipements de la rue,
00:04:04 on impose aujourd'hui une conduite qui dépasse la conduite morale puisque cela devient une nécessité légale.
00:04:11 Et donc, ça va remplacer au fur et à mesure l'agent de la circulation qui trônait au milieu du carrefour ?
00:04:18 Alors, pas tout à fait. Et là, vous soulevez un point tout à fait important, c'est-à-dire que l'agent de circulation
00:04:23 qui contribue considérablement à humaniser les chaussées, qui rend la ville aussi plus agréable et dont les aménités lui doivent beaucoup,
00:04:31 eh bien, cet agent de circulation qui n'est pas là que pour réprimer, qui est là aussi pour rassurer, pour évidemment renseigner,
00:04:38 eh bien, il a un rôle sur les chaussées parisiennes. Et ce n'est pas évidemment une histoire aussi linéaire que l'on pourrait le penser,
00:04:45 c'est-à-dire qu'il n'y a pas de mécanisation au fait que l'on change et que l'on transforme le réseau.
00:04:52 Il est important de penser, évidemment, que les grandes métropoles sont les premières à avoir adopté ce type de signaux,
00:04:59 mais c'est devenu une forme d'universalisme. Et l'automobilisme, de ce point de vue-là, et vous venez d'évoquer des hommes et des femmes
00:05:07 qui gèrent la circulation, était un humanisme et était un universalisme.
00:05:12 Donc les feux ont été installés pour éviter les accidents, pour éviter les embouteillages au carrefour, au fond pour fluidifier la circulation.
00:05:20 Oui, tout à fait. Pour cette part très importante de la ville, qui était une ville productive,
00:05:27 dont effectivement l'abondance de la circulation témoignait de l'abondance de la richesse, en quelque sorte.
00:05:34 Et vous avez là une concomitance des modernités entre l'adaptation à une circulation de plus en plus intense, de plus en plus diverse également.
00:05:41 Et là, on recroiserait des problématiques contemporaines liées à l'hétérogénéité des modes.
00:05:46 Et naturellement, il s'est agi avec une vision surplombante, avec un pouvoir également de police et de contrainte, de faire respecter cela.
00:05:56 Le feu rouge, au même titre que bien d'autres équipements de la rue, certains on ne les voit même plus,
00:06:01 mais naturellement le marquage au sol et vous avez là des nécessités qui sont inscrites dans les peintures de couleurs différentes.
00:06:09 Parfois, il y aurait une circulation internationale des innovations de ce point de vue-là à pister plus encore.
00:06:15 Je l'ai fait pour la France. C'est une industrie.
00:06:18 L'industrie des équipements de la route et de la rue est une industrie non délocalisable,
00:06:22 puisque évidemment, il s'agit de répondre à des besoins très situés. Donc, vous avez là quelque chose qui, moi, m'a touché dans la rédaction de ce livre,
00:06:30 parce que vous mesurez à quel point c'est pétri d'intelligence et les endroits où l'on a placé les feux, où l'on a équipé les chaussées,
00:06:39 cela répondait à des logiques qui étaient des logiques véritablement pensées et très organisées.
00:06:45 – Mais Mathieu Folono, 100 ans après l'installation du premier feu rouge à Paris, en France, mais il se trouve qu'il était à Paris,
00:06:53 à quoi ils servent aujourd'hui ? Je l'ai dit, ils sont de plus en plus nombreux. Quelle est leur vocation ?
00:07:00 – Mais leur vocation est exactement la même qu'au début, c'est-à-dire qu'ils rappellent évidemment la nécessité de s'arrêter pour ne pas avoir de collision.
00:07:09 Mais là encore, techniquement, le feu a évidemment beaucoup évolué, c'est-à-dire que l'on parle du premier,
00:07:15 le premier régulateur de carrefour qui était rouge, effectivement, qui était associé à une sonnerie, ce point-là est aussi important.
00:07:21 Et 10 ans après, l'on voit arriver des systèmes qui ont été inventés aux États-Unis, qui vont vers le tricolore, qui vont inventer le orange,
00:07:29 qui vont aussi inventer des séquences tout à fait particulières. Et puis l'on voit apparaître des répétiteurs piétons pour les usagers les plus fragiles
00:07:37 qui visent à les informer, alors qu'ils sont toujours sur le trottoir, de leur propre droit.
00:07:43 Moi je vois derrière le feu rouge, et ça peut faire sourire évidemment certains de vos invités qui vont traiter de sujets beaucoup plus sensibles politiquement,
00:07:50 mais j'y vois évidemment un embryon tout simplement de civilisation, un embryon de polissage des conduites,
00:07:57 un embryon de coordination des conduites des uns et des autres.
00:08:01 Et donc un embryon de démocratie également, parce que chacun, quelle que soit sa puissance sur la chaussée, se trouve à égalité.
00:08:08 C'est pour ça que le code de la route que j'évoquais tout à l'heure, c'est finalement le code civil de notre quotidien.
00:08:14 Mais alors je le disais, une ville comme Bordeaux où vit Barbara Stiegler a supprimé plusieurs dizaines de feux rouges ces cinq dernières années.
00:08:22 Il n'y a pas plus d'accidents et il y a moins de pollution, puisque ça évite aux automobilistes de s'arrêter pour repartir.
00:08:29 Abbeville ne compte plus aucun feu rouge depuis 2018. La circulation est, paraît-il, plus fluide et il y a moins d'embouteillage.
00:08:38 On parle de plus en plus d'en supprimer. Qu'est-ce que vous en pensez, vous ?
00:08:44 On en parle dans les centres-villes, dans les hypercentres, effectivement. Il y a des motivations que vous venez d'évoquer.
00:08:50 Ce sont des modèles très souvent importés des Pays-Bas où il y avait des traditions de "traffic calming", comme on dit,
00:08:57 mais pas en langlais, mais en anglais pour le coup, où il s'agit effectivement de fluidifier et d'intégrer la contrainte plus encore.
00:09:05 Je dirais qu'en certains endroits, pourquoi pas, bien évidemment, à partir du moment où les piétons sont très présents,
00:09:10 à partir du moment où il y a une coexistence qui est souhaitée. Mais attention, il ne faut pas déréguler pour autant les fonctionnements de la ville.
00:09:19 On l'a constaté, il y a eu une votation à Paris sur les trottinettes. C'est bien également que les comportements à risque peuvent renaître.
00:09:27 Et les prétendues "circulations douces", entre guillemets, méritent de ce point de vue-là d'être relativisés et également encadrés et mis en perspective.
00:09:35 C'est ce que comprend bien évidemment la délégation à la sécurité routière actuelle, qui vise à encadrer de plus en plus ce type de mobilité douce,
00:09:42 car il s'agit encore une fois de créer un moment de civilisation et de civilité également sur les chaussées.
00:09:48 – Mais justement, puisque vous évoquez les cyclistes, les "circulations douces", les vélos à Paris ne sont pas tenus de respecter les feux.
00:09:57 En tout cas, c'est l'impression qu'on a, puisqu'on les voit systématiquement les brûler.
00:10:02 Et comme je le disais, il y en a énormément, il y en a plus de 130 000.
00:10:05 On a l'impression qu'il y en a certains qui ne sont pas plus utiles du tout et qui en fait seraient là uniquement pour créer des embouteillages,
00:10:13 au fond, au détriment des automobilistes et des motocyclistes, puisqu'on le sait, c'est le but de la mairie de Paris,
00:10:20 c'est de décourager les automobilistes de prendre leur voiture.
00:10:23 – Oui, mais il y a une indiscutable volonté, assez populiste effectivement, de dénoncer ce type de politique.
00:10:32 Je pense que là, il y a un point qui est à relever, parce que les cyclistes, parfois, ont le tournadroit qui est autorisé.
00:10:39 Et ceci en cas de possibilité de traversée. Mais les comportements incivils que vous venez de signaler,
00:10:47 je les constate tout autant, c'est une question d'intégration de la norme.
00:10:51 Et là, tous les modes sont à prendre en considération.
00:10:55 Et le mode le plus fréquent, c'est-à-dire la marche, mérite beaucoup plus d'attention.
00:11:01 Et c'est précisément les usagers piétons qui sont les plus nombreux à être victimes d'accidents.
00:11:06 Et c'est encore là que doit porter l'effort de civilisation.
00:11:09 Donc il faut faire intégrer, mais comme on a réussi à le faire par les automobilistes,
00:11:14 aux cyclistes et aux utilisateurs de mobilité individuelle, des contraintes.
00:11:19 C'est tout un enjeu, c'est quelque chose de très sérieux.
00:11:22 Et même si on a tendance à en sourire, on peut quand même considérer que depuis un siècle,
00:11:27 les Feux Rouges ont fait leur preuve, que ce type de contrainte a une existence légitime en ville.
00:11:35 – Une des raisons pour lesquelles il y en a de plus en plus,
00:11:38 c'est que les couloirs de bus et de taxis ont des feux qui leur sont dédiés,
00:11:42 notamment pour tourner à droite, les tramways aussi étant prioritaires.
00:11:47 Et comme, paraît-il, ils ont du mal à freiner,
00:11:49 en fait quand on construit une ligne de tramway,
00:11:51 on est obligé de mettre beaucoup de Feux Rouges en plus, vous le confirmez ?
00:11:55 – Ce point-là de la sécurisation en site propre des transports capacitaires,
00:12:01 parce que l'enjeu quand même, il ne faut pas le perdre de vue,
00:12:03 c'est très clairement la possibilité de donner à de plus en plus de personnes
00:12:10 la capacité d'entrer en ville.
00:12:12 Et là, il faut assurer la coexistence des circulations.
00:12:15 Et donc vous venez d'évoquer des modes qui sont des modes capacitaires
00:12:18 et qu'il s'agirait véritablement de remettre aussi à la mode, si j'ose dire,
00:12:22 et de refinancer justement.
00:12:23 C'est-à-dire que les tramways, les autobus de surface,
00:12:28 ont un rôle à jouer que l'actualité tente à minorer,
00:12:33 c'est-à-dire que finalement les grands oubliés des politiques vélo
00:12:37 qui ont leur mérite, mais ce sont les réseaux de surface de transports publics,
00:12:41 or ces transports publics ont leur pleine place,
00:12:44 leur pleine légitimité dans la ville parce qu'ils sont capacitaires
00:12:47 et aussi parce qu'ils sont robustes,
00:12:49 c'est-à-dire qu'ils fonctionnent que ce soit les intempéries.
00:12:51 Et ça c'est un point aussi à prendre en considération
00:12:53 lorsque l'on réfléchit aux aménagements des mobilités urbaines.
00:12:57 – Mathieu Fleneau, pour l'instant aucune grande ville au monde
00:13:01 n'a réussi jusqu'à présent à se passer de feux de signalisation,
00:13:04 à part en cas de panne, évidemment.
00:13:07 Je citais Abbeville tout à l'heure,
00:13:08 mais ce n'est pas une ville si grande que ça, eux ils s'en sont pas.
00:13:11 Mais par exemple une ville comme Genève a supprimé les feux rouges
00:13:14 le soir et le dimanche, ça devient des feux clignotants à ce moment-là.
00:13:19 – Oui mais enfin ils existent toujours,
00:13:20 ils sont clignotants pour signaler les intersections dangereuses.
00:13:23 – Bien sûr.
00:13:24 – Donc on peut imaginer de multiples ajustements,
00:13:27 et c'est cela la richesse de ce sujet,
00:13:29 c'est que précisément l'inventivité, le type du concours Lépine
00:13:33 dont le réseau parisien était le théâtre,
00:13:35 et bien l'inventivité est infinie.
00:13:38 Mais attention, encore une fois le juge de paix c'est la sécurité routière,
00:13:42 le juge de paix c'est aussi le capacitaire.
00:13:44 J'y insiste parce qu'une ville qui ne serait dédiée qu'aux usages minoritaires
00:13:49 ou aux usages finalement annexes,
00:13:55 eh bien perdrait probablement un rang dans l'activité et dans la productivité.
00:14:00 Donc on peut rêver d'une ville touristifiée en centre-ville,
00:14:04 bien évidemment, et c'est déjà le cas pour une bonne part de nos hypercentres
00:14:09 comme à Paris, mais ce n'est probablement pas un modèle exportable,
00:14:13 ne serait-ce que dans une première couronne ou une deuxième couronne.
00:14:16 – Barbara Stickler, vous habitez Bordeaux,
00:14:18 vous avez remarqué qu'on supprime des feux à Bordeaux ?
00:14:21 – Non.
00:14:22 – Vous n'avez pas remarqué ?
00:14:22 – Pas du tout.
00:14:24 – Et les feux, ça ne vous déroge pas ?
00:14:27 – C'est drôle parce que c'est un exemple que j'ai beaucoup pris
00:14:31 en faculté de médecine, parce que j'enseigne en faculté de médecine,
00:14:35 et c'est un exemple que j'ai pris sur la question du consentement.
00:14:38 Pourquoi est-ce que je m'arrête au feu ?
00:14:40 Est-ce que je m'arrête, donc je me consens à m'arrêter, sur quel mobile ?
00:14:45 Est-ce que c'est parce que je pense que c'est bien de s'arrêter au feu rouge ?
00:14:48 Ou est-ce que c'est parce que j'ai peur d'avoir une amende ?
00:14:51 Ou est-ce que c'est parce que j'ai peur d'avoir un accident ?
00:14:53 Ou est-ce que c'est par automatisme ?
00:14:55 Et donc c'est pour illustrer la question du consentement,
00:14:58 éclairé ou pas, ou libre ou pas, du patient.
00:15:01 – A priori, on peut penser qu'on consens à s'arrêter au feu rouge,
00:15:05 parce qu'effectivement, pour toutes les raisons que vous avez dites.
00:15:07 – Alors non, parce que quand on est cycliste, il fait froid,
00:15:10 qu'il fait nuit et qu'il n'y a personne, ça devient une vraie question.
00:15:14 Il y a du vent, il n'y a personne, le feu est rouge,
00:15:17 vous êtes censé vous arrêter, est-ce que je m'arrête ?
00:15:20 Je ne sais pas, pourquoi je m'arrête ? Pour quelles raisons ?
00:15:23 Est-ce que c'est parce que c'est mal de faire ça d'un point de vue républicain ?
00:15:28 Est-ce que c'est parce que si ça se trouve, il y a un flic qui est caché derrière ?
00:15:32 Vous voyez, c'est une vraie question.
00:15:33 Donc on peut y passer trois quarts d'heure.
00:15:35 – Mathieu Fleneau, vous avez une réponse à la vraie question
00:15:38 que pose Barbara Stiegler et j'en ajoute une autre.
00:15:42 Qui décide, j'imagine, on sait qu'il y a un PC à Paris,
00:15:46 souterrain me semble-t-il, où on règle la circulation,
00:15:49 est-ce qu'on change la durée des feux rouges en fonction des embouteillages
00:15:54 par exemple pour que les gens n'attendent pas trop ?
00:15:57 – Tout à fait, et les plans de charge des carrefours parisiens
00:16:01 sont réglés très scientifiquement, on peut organiser la congestion,
00:16:06 on peut effectivement organiser la fluidité également
00:16:09 pour des grands événements, pour des passages de convois,
00:16:11 il y a là des éléments et ce que vient de dire Barbara Stiegler
00:16:16 est tout à fait intéressant parce que précisément,
00:16:18 la fabrique du consentement et la fabrique de la chose publique,
00:16:21 de la république routière, elle est essentielle
00:16:23 et moi j'y accorde beaucoup d'importance,
00:16:25 j'ai écrit d'autres ouvrages précisément sur la civilisation routière,
00:16:30 ce que cela implique comme participation de chacun à cette élaboration
00:16:34 qui est complexe, qui exige beaucoup d'esprit de finesse,
00:16:37 beaucoup de consentement bien évidemment,
00:16:39 mais aussi beaucoup d'intelligence
00:16:41 et on parle beaucoup des routes intelligentes,
00:16:43 elles existent depuis un siècle et même plus,
00:16:45 c'est-à-dire qu'il y a des sédimentations qui témoignent d'usage négocié,
00:16:52 accepté et acceptable et c'est là naturellement
00:16:56 qu'à chaque fois la puissance publique a à trancher
00:16:59 et vous me demandiez qui décide des feux rouges,
00:17:01 globalement à Paris c'est toujours le préfet de police
00:17:04 puisque le préfet de police a des pouvoirs de sécurité
00:17:07 et de ce point de vue-là c'est tout à fait important,
00:17:09 à la fin des fins c'est le nombre d'accidents
00:17:12 et je rappellerai qu'avant le premier feu rouge,
00:17:14 il y avait ce que l'on appelait le carrefour des écrasés à Paris
00:17:17 qui date d'avant l'automobile,
00:17:19 le carrefour des écrasés à Paris,
00:17:20 on a décidé de l'équiper précisément,
00:17:23 c'était sur les grands boulevards,
00:17:24 de l'équiper précisément pour lutter contre l'insécurité.
00:17:28 Et au fond c'est le premier robot le feu,
00:17:31 c'est le premier robot et on lui obéit
00:17:34 et on accepte d'y obéir,
00:17:35 un mot Olivier Dard sur les feux rouges en général,
00:17:39 qu'est-ce que ça vous inspire ?
00:17:41 Pas plus que ça,
00:17:42 à un moment j'aime bien le vélo
00:17:43 mais je m'inquiète quand même un peu
00:17:45 de la réaction de certains cyclistes
00:17:47 et il ne fait pas forcément ni froid ni nuit,
00:17:49 mais la question des piétons est quand même parfois un peu problématique.
00:17:53 C'est-à-dire ?
00:17:54 Notamment, vous voyez moi j'habite sur un boulevard
00:17:57 qui est extrêmement large et on a beaucoup de cyclistes
00:17:59 parce qu'il y a de l'embouteillage qui roule sur les trottoirs
00:18:02 et pendant que d'autres sont en trottinette
00:18:05 et que des mères de famille sont avec leurs enfants,
00:18:07 donc il y a des jours ça peut poser problème.
00:18:11 Antoine Chollet ?
00:18:12 La question du consentement est intéressante
00:18:15 notamment pour les feux piétons
00:18:16 et ça dépend beaucoup des pays.
00:18:17 Quand vous allez en Allemagne,
00:18:18 si vous êtes un piéton et qu'il n'y a aucune voiture à l'horizon,
00:18:20 vous arrêtez, vous attendez que le feu passe au vert,
00:18:23 ce qui n'est évidemment pas du tout le cas
00:18:24 ni à Paris, ni ailleurs en France, ni même en Suisse,
00:18:27 en tout cas en Suisse francophone,
00:18:29 ou dans le sud de l'Europe.
00:18:30 Et je veux vous faire remarquer qu'à Naples,
00:18:32 les voitures ne s'arrêtent pas aux feux rouges.
00:18:34 Maintenant elles s'arrêtent,
00:18:36 il y a eu un basculement culturel.
00:18:37 Ça a changé.
00:18:38 Oui, c'est depuis qu'ils sont rentrés dans l'Europe.
00:18:41 L'anthropologue James Scott avait fait toute une analyse
00:18:43 sur cette question du respect du feu rouge,
00:18:45 et en particulier pourquoi est-ce que je respecte
00:18:47 d'attendre le feu rouge piéton,
00:18:49 et en particulier face aux enfants,
00:18:51 aux enfants qui sont à côté et qui pourraient voir
00:18:53 quand certains s'arrangent le droit de passer au feu rouge.
00:18:57 Bertrand Joly ?
00:18:58 Le problème du consentement est en effet un vrai problème.
00:19:00 Il suffit de se mettre aujourd'hui à un carport parisien,
00:19:03 on l'avait tous,
00:19:04 regardez, il n'y a pas que les vélos qui brûlent les feux rouges.
00:19:08 Et aussi les mobilettes,
00:19:10 maintenant les autos,
00:19:12 ça se voit de manière assez fréquente.
00:19:15 Un dernier mot Mathieu Flonaut ?
00:19:19 Écoutez, on est là devant un sujet qui d'apparence peut-être dérisoire,
00:19:23 mais qui en réalité dit beaucoup du degré d'apaisement d'une société.
00:19:27 Et naturellement cela explique aussi que parfois la route
00:19:30 soit l'objet de débordements.
00:19:32 Des gilets jaunes aux bonnets rouges,
00:19:33 évidemment on est sur le même sujet.
00:19:36 Je remercie Mathieu Flonaut,
00:19:38 je renvoie à la lecture de votre livre "En tout sens".
00:19:41 On fait une pause et on s'intéresse ensuite au populisme
00:19:45 et plus exactement à l'antipopulisme.
00:19:48 Les visiteurs du soir, c'est de 22h à minuit.
00:19:56 A 23h30, Clément Petraud nous rejoindra.
00:19:59 Il vient de publier "Une maison sinon rien".
00:20:01 Il pense que l'avenir de la France est pavillonnaire.
00:20:04 Mais d'abord, venons-en au sujet principal de cette émission,
00:20:08 le populisme ou l'antipopulisme, selon de quel côté on se place.
00:20:12 Antoine Chollet, vous êtes l'auteur de "L'antipopulisme
00:20:15 ou la nouvelle haine de la démocratie"
00:20:18 qui vient de sortir en librairie et qui prend la question à rebrousse-poil.
00:20:21 En effet, pour vous, ce n'est pas le populisme
00:20:23 qui est une menace pour la démocratie, comme on l'entend dire souvent,
00:20:26 mais l'antipopulisme.
00:20:28 La preuve, je vous cite,
00:20:29 "On projette sur les figures ou les partis dits populistes
00:20:33 des caractéristiques qui en réalité appartiennent en propre à la démocratie
00:20:37 qu'ils sont censés menacer."
00:20:39 Exemple, l'appel au peuple, la démagogie, le culte du chef,
00:20:45 tout ça, c'est ce qui caractérise la démocratie pour vous.
00:20:48 Non, alors, pas tout à fait.
00:20:50 Et pour préciser les choses immédiatement,
00:20:52 c'est que la plupart des mouvements,
00:20:55 le parti qualifié de populiste par mes collègues politologues,
00:20:59 mais aussi par les médias, à mon sens, ne sont pas populistes
00:21:02 et ne correspondent pas du tout au sens que, historiquement,
00:21:05 le terme avait jusqu'aux années 80-90, en tout cas en français.
00:21:11 Donc, ce que je repère, c'est que si on s'intéresse à ces discours antipopulistes
00:21:15 et à des discours les plus fréquents sur la question du populisme,
00:21:18 on voit en effet apparaître un peu à bas bruit, d'une certaine manière,
00:21:22 toute une série d'arguments qui, en réalité,
00:21:24 sont des attaques contre la démocratie,
00:21:26 l'attaque contre la participation, par exemple,
00:21:28 l'idée qu'un bon régime fonctionnerait avec une participation limitée
00:21:31 du peuple ou d'une partie du peuple,
00:21:34 des attaques contre l'égalité aussi,
00:21:35 sinon, quand même, on ne peut pas tous s'occuper de questions politiques,
00:21:38 et aussi une attaque contre l'idée qu'il est possible
00:21:41 de réformer les institutions, de transformer…
00:21:44 On évoquera tout ça, on a le temps, on en parlera.
00:21:47 Donc voilà, quelques-uns des thèmes,
00:21:49 et donc c'est la raison pour laquelle, à mon avis,
00:21:50 il y a une cohérence de l'antipopulisme
00:21:53 et qu'il faudrait remplacer le sens majoritaire
00:21:56 ou dominant aujourd'hui du terme de populisme
00:21:58 par son sens historique, retrouver son sens historique
00:22:01 qui désignait en réalité des mouvements de démocratisation,
00:22:04 le cas le plus exemplaire étant le populisme nord-américain
00:22:07 de la fin du XIXe siècle.
00:22:09 Mais pour vous, et c'est le sens de ce livre,
00:22:11 le véritable objectif des antipopulistes,
00:22:14 c'est d'attaquer les principes de la démocratie, au fond.
00:22:17 Alors, certains ne le font peut-être pas consciemment,
00:22:19 ça je ne suis pas dans leur, disons, intimité politique,
00:22:24 mais je pense que c'est l'effet que cela a.
00:22:26 Et en particulier sur la question du référendum, par exemple,
00:22:28 vous voyez que de très nombreuses attaques
00:22:31 contre les mouvements populistes ciblent le fait
00:22:33 que le référendum serait un instrument de démagogie,
00:22:36 un instrument qui conduirait au pire, aux pires catastrophes,
00:22:39 alors que le référendum, je suis bien placé
00:22:41 pour le savoir comme Suisse,
00:22:44 est un instrument de démocratisation
00:22:46 et a été mis en place, que ce soit en Suisse
00:22:48 ou aux États-Unis, par des mouvements de démocratisation,
00:22:50 des mouvements progressistes, des mouvements qui cherchaient
00:22:52 à démocratiser la démocratie.
00:22:55 Mais pour nous, le référendum, dans l'histoire française,
00:22:58 c'est le plébiscite, c'est Napoléon III.
00:23:00 Alors évidemment, c'est...
00:23:01 Tout dépend de qui le déclenche.
00:23:03 Si les citoyens et les citoyennes peuvent déclencher le référendum,
00:23:06 il change de sens.
00:23:07 Olivier Dard, est-ce que vous êtes d'accord avec ça,
00:23:10 cette assertion selon laquelle, en fait,
00:23:13 les antipopulistes attaquent la démocratie
00:23:17 quand ils attaquent le populisme ?
00:23:18 Je suis surtout d'accord avec deux choses.
00:23:21 La première, c'est ce qui a été dit au départ,
00:23:23 c'est-à-dire qu'au fond, l'antipopulisme
00:23:25 est une espèce de catégorie générique et facile.
00:23:28 Pour parler comme des politistes, un label infamant
00:23:31 que l'on place sur un certain nombre de mouvements
00:23:35 que l'on n'aime pas.
00:23:36 Et j'ajouterai à tous les arguments qui ont été avancés,
00:23:40 aussi le registre d'un discours pathologique.
00:23:43 Quand le président de la République parlait de la lèpre populiste,
00:23:46 on va quand même assez loin dans le rejet
00:23:49 et dans, finalement, la définition ou l'appréhension d'un ennemi.
00:23:54 J'ajouterai par ailleurs que ce qui me paraît très important
00:23:57 dans la question du populisme,
00:23:58 c'est d'abord de repartir effectivement
00:24:01 de ce qu'il est historiquement.
00:24:02 Donc, il a été question effectivement
00:24:04 de l'exemple nord-américain.
00:24:06 On pourrait aussi parler des Russes.
00:24:08 Il faut bien sûr parler de l'Amérique latine.
00:24:10 C'est véritablement le terrain, me semble-t-il,
00:24:13 essentiel du populisme.
00:24:15 Et soyons clairs, jusqu'aux années 1980,
00:24:19 le terme de populisme en Europe était relativement peu employé.
00:24:23 On l'employait dans un langage savant
00:24:25 pour justement désigner des mouvements précis ou des régimes
00:24:28 comme ceux de Péronne en Argentine ou de Vargas au Brésil
00:24:31 ou de Cardenas au Mexique.
00:24:33 Mais on n'utilisait pas ce terme,
00:24:34 qui est ensuite entré dans notre vocabulaire,
00:24:38 alors pour de bonnes et surtout de mauvaises raisons.
00:24:42 Et je suis très content qu'on en débatte ici
00:24:45 parce que, encore une fois, le populisme, d'ailleurs,
00:24:48 qui à mon avis se conjuque plutôt au pluriel qu'au singulier,
00:24:52 doit être compris dans un contexte particulier,
00:24:55 selon des sociétés bien déterminées.
00:24:58 Et pour reprendre, et je terminerai là-dessus
00:25:00 sur ce qui a été dit,
00:25:02 effectivement, on parlait du référendum.
00:25:04 Il y a une véritable caricature en France
00:25:07 et dans certains pays d'ailleurs d'Europe occidentale,
00:25:10 de référendum, que ce soit des référendums de révocation
00:25:14 ou des référendums d'initiative populaire,
00:25:16 en ayant l'air de considérer que ce sont des choses affreuses,
00:25:19 nouvelles, etc.,
00:25:20 quand on sait que dans un certain nombre d'États américains,
00:25:22 et vous parliez aussi de la Suisse,
00:25:23 ce sont des procédures politiques
00:25:27 qui remontent à des décennies, pour ne pas dire plus.
00:25:31 On fait le rappel des titres avec Isabelle Piboulot
00:25:34 et ensuite je donnerai la parole à Barbara Stiegler
00:25:36 et à Bertrand Joly.
00:25:39 Le projet de loi France Travail
00:25:44 prévoit des sanctions pour les bénéficiaires du RSA.
00:25:47 Elles viseront tout individu qui ne se conformerait pas
00:25:50 au parcours d'accompagnement au retour vers l'emploi.
00:25:53 La Première ministre l'a confirmé
00:25:55 lors de son déplacement à La Réunion.
00:25:57 Elisabeth Borne achève ce soir sa première visite en Outre-mer,
00:26:00 un an après sa nomination à Matignon.
00:26:03 Engouement présent pour la deuxième phase de vente
00:26:06 des billets pour les JO de Paris.
00:26:08 En 48 heures, plus d'un million de nouveaux tickets ont été vendus,
00:26:12 la demande étant largement supérieure à l'offre.
00:26:15 Cette deuxième phase de vente est consacrée aux billets à l'unité
00:26:19 et a vu 4 millions de personnes s'y inscrire
00:26:22 pour 1,5 million de billets disponibles.
00:26:25 Et puis à un peu plus d'un an des JO de Paris,
00:26:28 bonne nouvelle pour Teddy Riner, sacré et champion du monde
00:26:31 des plus de 100 kg à Doha.
00:26:33 Un onzième titre mondial pour le judoka de 34 ans.
00:26:36 Le français a battu en prolongation le russe Inal Tassov
00:26:40 qui est concouru sous drapeau neutre.
00:26:42 Teddy Riner apporte ainsi à la France un deuxième titre
00:26:46 dans cette édition des Mondiaux et au total une septième médaille.
00:26:49 Barbara Stiegler, qu'en pensez-vous ?
00:26:55 Est-ce que quand Antoine Chollet écrit que le véritable objectif
00:27:01 des antipopulistes c'est d'attaquer les principes de la démocratie,
00:27:06 le populisme étant caractérisé par les antipopulistes
00:27:11 comme on caractérise en réalité la démocratie ?
00:27:14 Alors je suis assez d'accord avec ce qui a été dit,
00:27:17 c'est-à-dire l'idée de l'abelle infamant.
00:27:21 Moi je ne crois pas avoir écrit le moindre article sur le populisme,
00:27:26 c'est un terme que j'utilise très peu.
00:27:28 Et quand je l'utilise c'est avec un peu de distance ironique,
00:27:31 alors même que je sais que c'est une notion savante,
00:27:33 ça a été rappelé ici.
00:27:34 Et d'ailleurs c'est une notion structurante à gauche,
00:27:37 et en particulier dans les mouvements dont je me sens tout à fait proche.
00:27:40 Ernesto Laclau par exemple, l'argentin,
00:27:43 l'argentin c'est bien ça,
00:27:45 a eu avec Chantal Mouffe, la belge,
00:27:48 un rôle fondamental pour la gauche dite radicale encore aujourd'hui.
00:27:54 Pour créer un populisme de gauche.
00:27:55 Voilà, le fameux populisme de gauche.
00:27:59 On peut parler de ça plus tard,
00:28:01 à un moment on aura peut-être le temps, c'est pas le sujet.
00:28:03 Je ne me suis pas emparée,
00:28:06 je n'ai pas eu l'entrée que vous avez eue.
00:28:08 La mienne c'était plutôt la démocratie,
00:28:11 et ça reste la démocratie elle-même,
00:28:12 c'est-à-dire démos, kratos, peuple,
00:28:15 enfin vraiment voilà,
00:28:17 ce concept quand même vient effectivement des Amériques,
00:28:20 du nord et du sud.
00:28:22 Et donc c'est un peu compliqué pour moi.
00:28:24 Alors par contre, ma réaction, un peu épidermique,
00:28:27 dès que j'entends parler de populisme,
00:28:28 immédiatement un feu rouge s'allume dans mon esprit,
00:28:31 et je me dis "attention,
00:28:32 il semblerait que nous ayons affaire à quelqu'un
00:28:34 qui n'a pas très envie d'une véritable démocratie,
00:28:38 et qui a un peu peur du peuple".
00:28:40 Quand même en gros souvent,
00:28:41 dès qu'on parle de populisme,
00:28:42 alors désolé pour le monsieur qui était là avant,
00:28:44 et qui était passionnant sur les feux rouges,
00:28:46 mais immédiatement on a cette stigmatisation.
00:28:49 C'est vrai qu'il a employé le mot populisme.
00:28:51 Parce que c'est devenu vraiment,
00:28:53 ça sature le vocabulaire courant.
00:28:55 Moi très souvent je trouve que c'est une catégorie très fragile,
00:28:58 très idéologique,
00:28:59 et si j'étais méchante,
00:29:01 je dirais que ça ressemble pas mal au complotisme.
00:29:04 Bertrand Joly ?
00:29:05 Alors moi je suis le méchant peut-être de notre tableau,
00:29:08 car non, je ne pense pas qu'attaquer le populisme
00:29:11 soit attaquer la démocratie,
00:29:13 pour diverses raisons.
00:29:14 D'abord, il est vrai en effet que les deux termes
00:29:17 sont à prendre au pluriel.
00:29:18 Et que le populisme,
00:29:20 vous parliez du populisme américain dans les années 1990,
00:29:23 était un mouvement tout à fait normal de lutte
00:29:25 contre la corruption des élites municipales aux États-Unis,
00:29:27 ce qui était en effet un problème absolument énorme.
00:29:30 Mais je pense qu'il était vrai ici
00:29:32 qu'il y a parfois un certain dédain,
00:29:36 disons, sans hitère, orléaniste un peu,
00:29:38 pour le peuple.
00:29:39 C'est vrai cela.
00:29:40 Mais il n'empêche que le populisme,
00:29:42 ce n'est pas que l'appel au peuple.
00:29:44 Et encore le mot appel au peuple
00:29:45 sonne bizarrement dans l'histoire de France.
00:29:47 On sait ce que ça évoque pour ceux
00:29:49 qui ont étudié la période du Second Empire.
00:29:51 Mais le populisme c'est aussi autre chose.
00:29:54 Ce n'est pas donc une sorte de volonté
00:29:56 de restituer au peuple sa place,
00:29:59 sa voix, son pouvoir de décision.
00:30:01 Car c'est dans une démocratie,
00:30:02 c'est lui qui doit décider.
00:30:03 Je pense que le populisme a aussi dans son moteur
00:30:07 d'autres forces qui sont beaucoup plus inquiétantes.
00:30:11 Par exemple, on n'en parle pas beaucoup,
00:30:13 mais il y a dans le populisme une sorte de revanche,
00:30:16 même de vengeance parfois.
00:30:18 Dans cette lutte contre les petits,
00:30:21 opprimés contre les gros.
00:30:22 Regardez les sons de culottes pendant la Révolution française,
00:30:26 cette dictature qu'ils imposent dans le Paris de 1794.
00:30:30 C'est du populisme pur.
00:30:31 Ce n'est pas un modèle qu'on a envie de revoir.
00:30:34 Le populisme, on le retrouve dans d'autres circonstances
00:30:38 de l'histoire de France.
00:30:39 Le boulimpartisme est quand même une forme de populisme.
00:30:41 Par conséquent, je pense que le populisme,
00:30:47 si c'était en effet une sorte de promotion du peuple,
00:30:50 on serait tous populistes dans cette exception-là.
00:30:53 Ce n'est pas tout à fait le cas.
00:30:54 Et j'ai un dernier mot.
00:30:55 On parle de peuple, je veux savoir ce qu'on entend par là,
00:30:58 dans la mesure où le peuple apparemment,
00:31:00 certains en font partie et d'autres pas.
00:31:02 Il y a les réprouvés et les élus.
00:31:05 Qui fixe la barre ? Où se situe-t-elle ?
00:31:08 Ça me paraît un peu dangereux de commencer à entrer.
00:31:10 On parle de peuple de gauche, je ne sais pas ce que ça veut dire.
00:31:12 Donc il y a un peuple de droite apparemment.
00:31:14 Qui sont-ils ? Je ne les vois pas.
00:31:17 Peut-être va-t-on me répondre.
00:31:19 - On va voir.
00:31:20 François Bousquet doit être avec nous.
00:31:23 Je le salue.
00:31:24 S'il est arrivé, le voilà.
00:31:26 - Oui, oui, je suis là.
00:31:27 - Peut-être voulez-vous répondre à Bertrand Joly ?
00:31:30 Ou en tout cas à la question que je posais.
00:31:34 - Oui, oui.
00:31:35 Bertrand Joly, dans un deuxième temps,
00:31:37 la première, moi je rejoins les positions de la plupart de vos invités,
00:31:41 c'est que ce qui brouille notre perception du phénomène populiste,
00:31:44 c'est de fait l'antipopulisme des élites.
00:31:47 C'est cette phobie du peuple.
00:31:49 J'ai toujours en tête les mots de Comte Bendit
00:31:52 lors de Brexit en 2015 ou 2016.
00:31:54 Il y en a marre du peuple.
00:31:56 C'est-à-dire que tous les qualificatifs qui permettent de définir le populisme
00:32:00 sont des qualificatifs dépréciatifs, dévalorisants.
00:32:04 Il y a une forme de condescendance et de mépris, je trouve, de la science politique.
00:32:08 Dès lors qu'on approche de ce continent populiste,
00:32:10 on n'approche d'ailleurs pas sans précaution sanitaire.
00:32:12 Olivier Dard l'a rappelé,
00:32:14 on a une tendance à qualifier de manière épidémiologique, presque médicale,
00:32:18 la lèpre populiste.
00:32:20 On pourrait donner d'autres termes,
00:32:22 le péril populiste, le cordon sanitaire.
00:32:25 C'est-à-dire que dès lors qu'on parle du populisme,
00:32:27 qualifier, c'est disqualifier.
00:32:28 Donc c'est problématique.
00:32:30 Je pense que les deux mots, populisme et démocratie,
00:32:32 sont plutôt synonymes, pas vraiment tenibles.
00:32:35 Mais de fait, se posent plusieurs problèmes avec le populisme.
00:32:37 C'est la question de la définition, c'est la question du contenu.
00:32:40 On a parlé de populisme au pluriel.
00:32:42 On ne peut faire qu'une phénoménologie du populisme.
00:32:43 Il y a un populisme de droite, de gauche, libéral, antilibéral,
00:32:47 post-industriel, sud-américain, nord-américain.
00:32:50 En réalité, ça ressemble un peu à un inventaire à l'après-vers, le populisme.
00:32:53 Donc c'est quel contenu on met derrière le populisme,
00:32:55 une fois qu'on s'est accordé là-dessus ?
00:32:57 Je crois qu'il y a une convergence entre la forme de démocratie et de populisme.
00:33:01 Soit quoi, on insiste aujourd'hui, ça a été dit,
00:33:04 on a un démos sans kratos, un kratos sans démos,
00:33:06 un peuple sans pouvoir et un pouvoir sans peuple.
00:33:09 Soit quoi, on insiste, je trouve plutôt, c'est au divorce
00:33:12 de la démocratie constitutionnelle, de la démocratie libérale,
00:33:15 parlementaire, historique, qui est là depuis 250 ans,
00:33:18 et du peuple, et de la démocratie.
00:33:20 Donc on a en gros des libéraux qui sont de moins en moins démocrates
00:33:23 et des démocrates qui sont de moins en moins libéraux.
00:33:25 Antoine Chollet, vous écrivez également dans votre livre
00:33:28 "Tout se passe comme si les partis dits populistes
00:33:31 révélaient le fonctionnement réel de la politique électorale,
00:33:34 tout en surgissant comme un nouvel acteur dérangeant ce fonctionnement".
00:33:39 Oui, ça c'est quelque chose qui fait référence aux analyses,
00:33:43 notamment de la science politique.
00:33:44 Quand on dit par exemple que les dits populistes,
00:33:48 Trump, Bolsonaro, Orban, etc.,
00:33:51 feraient des promesses dans les campagnes qui ne peuvent pas tenir,
00:33:54 mentiraient, auraient des pratiques un peu à distance de la légalité républicaine,
00:34:00 on décrit quelque chose qui est le fait d'à peu près tous les partis politiques.
00:34:04 Et ce qui est intéressant, c'est qu'on les qualifie de populistes
00:34:07 à partir du moment où ils deviennent menaçants en termes électoraux.
00:34:10 C'est-à-dire un tout petit parti qui fait 0,5% des voix,
00:34:13 personne ne le qualifiera de populiste.
00:34:16 En revanche, quand ça commence à faire 20, 30, 40%,
00:34:18 voire gagner les élections comme dans le cas de Trump ou de Bolsonaro,
00:34:21 là le qualificatif est utilisé.
00:34:23 Je précise aussi une autre chose,
00:34:24 c'est que pour moi, la plupart des mouvements leaders,
00:34:27 comme je l'ai dit tout à l'heure,
00:34:28 que l'on qualifie de populistes ne le sont pas.
00:34:30 Et je pense qu'il y a un danger à les qualifier comme tels
00:34:32 et à ne pas les appeler par leur nom.
00:34:34 Dans le cas de Bolsonaro, dans le cas d'Orban, dans le cas de Trump,
00:34:37 c'est de la droite radicale, c'est de l'extrême droite,
00:34:39 c'est aussi des mouvements fascisants pour une partie d'entre eux,
00:34:42 notamment Bolsonaro.
00:34:44 Je pense qu'il faut retrouver un vocabulaire politique
00:34:46 qui est déjà fixé, dont on a des définitions tout à fait opératoires,
00:34:50 plutôt que d'utiliser ce terme de populisme qui embrouille complètement
00:34:53 et qui minimise la menace de l'extrême droite, par exemple,
00:34:58 mais qui en même temps minimise aussi une autre menace,
00:35:00 qui sont les attaques contre la démocratie
00:35:03 de la part des partis et des partis en place.
00:35:05 Et j'ajoute une dernière chose sur le populisme latino-américain,
00:35:07 c'est que, contrairement à Ernesto Laclau et Chantal Mouffe,
00:35:11 je n'utiliserai pas ce terme qualificatif de populisme
00:35:15 pour parler des phénomènes qu'il qualifie comme tels,
00:35:17 mais plutôt d'un vieux terme qui est le césarisme, tout simplement.
00:35:20 C'est-à-dire l'idée qu'il doit y avoir un leader, une personne,
00:35:23 qui va représenter ou incarner le peuple,
00:35:26 qui va parler pour lui, par exemple,
00:35:28 et qui va se dresser contre la bourgeoisie, par exemple.
00:35:31 C'était le cas du péronisme en Argentine,
00:35:34 donc c'est une autre tradition politique,
00:35:35 mais qui me semble très distante du populisme nord-américain,
00:35:39 qui lui est de facture purement démocratique.
00:35:41 Et d'ailleurs, Ernesto Laclau n'aimait pas trop le populisme nord-américain
00:35:44 parce qu'il n'y avait pas de leader dedans.
00:35:45 Mais ce que vous dites aussi dans votre livre,
00:35:49 toujours sur le processus électoral et pourquoi on disqualifie les populistes,
00:35:53 vous dites qu'au fond, les antipopulistes voudraient des élections
00:35:56 aussi peu compétitives et aussi prévisibles que possible.
00:36:01 En gros, ils réfutent aux autres qu'ils qualifient de populistes
00:36:05 le droit de participer à l'élection, tout simplement.
00:36:06 Oui, finalement, c'est un petit peu ce qui peut apparaître.
00:36:11 Il faut des élections qui n'amènent aucune incertitude.
00:36:15 Je suis un lecteur de Clube de Fort.
00:36:16 Et aucun changement de société.
00:36:17 Et en tout cas, aucune réforme radicale.
00:36:20 Un parti qui proposerait de mettre en place des référendums,
00:36:23 de mettre en place des révocations d'élus,
00:36:25 serait immédiatement considéré comme dangereux,
00:36:29 supposément contre la démocratie.
00:36:31 J'essaye de montrer dans le livre que c'est en réalité une attaque
00:36:33 contre l'ordre établi plus que contre la démocratie.
00:36:36 Bertrand Joly, vous répondez quoi à ça ?
00:36:38 Le référendum, je suis tout à fait favorable.
00:36:42 Les Républicains, longtemps, s'en sont méfiés pour des raisons historiques.
00:36:45 C'est une bonne idée.
00:36:46 Et c'est ce qui a permis, notamment en 1958, au gaullisme,
00:36:49 d'imposer grâce au référendum, de briser la résistance
00:36:53 de ce qu'il faut bien appeler un corporatisme des parlementaires.
00:36:55 Oui, le référendum n'est pas une mauvaise chose.
00:36:57 Et peut-être même, on n'en a pas assez en France.
00:37:00 Et moi, je suis tout à fait favorable au référendum d'initiative populaire.
00:37:03 Mais quand Antoine Chollet dit que les antipopulistes
00:37:06 voudraient des élections aussi peu compétitives
00:37:08 et aussi prévisibles que possible,
00:37:10 c'est-à-dire en gros, qui surtout ne changent rien.
00:37:13 Je suis un petit peu sceptique de l'histoire électorale de la France.
00:37:17 Il y a eu des élections, en effet, qui n'ont pas changé grand-chose.
00:37:19 Il y en a eu beaucoup qui ont apporté des changements décisifs.
00:37:23 En 1936, en 1980, encore qu'on peut en discuter.
00:37:27 Mais il y a quand même des moments où la majorité s'inverse
00:37:30 et une équipe nouvelle arrive au pouvoir.
00:37:32 C'est sûr.
00:37:32 Le populisme, il n'est quand ?
00:37:34 Enfin, vous me pardonnerez de rester un peu dans l'hexagone,
00:37:37 qui est ce que je connais le mieux.
00:37:39 Il n'est quand ?
00:37:39 C'est quand il y a une, disons-le, une défaillance du pouvoir.
00:37:44 Quand les Français sont mécontents de la façon dont ils sont gouvernés.
00:37:48 À tort ou à raison, en général, souvent à raison, dans la plupart des cas.
00:37:51 Et la réponse, c'est de dire,
00:37:54 une réponse qui est quand même assez sollicitée et encouragée
00:37:57 par quelques meneurs, c'est de dire
00:37:59 "Eh bien, le pouvoir en place n'écoute pas, ne méprise le peuple.
00:38:03 C'est une vieille tactique qu'il a de choix de t'employer."
00:38:07 L'opposition, par définition, elle dit "je parle du peuple
00:38:10 et le peuple est mécontent."
00:38:11 Est-ce que ça prouve pour autant que ça donne le droit
00:38:15 de sombrer dans des attaques ?
00:38:17 On a parlé d'attaques contre le peuple,
00:38:19 on a oublié des attaques contre le pouvoir.
00:38:22 J'ai étudié beaucoup dans mon livre les attaques contre Jules Ferry,
00:38:25 qui pourtant est un personnage qui paraît bien peu méchant et inquiétant.
00:38:30 On n'imagine pas la haine et hystérique,
00:38:33 d'autres y étaient l'objet.
00:38:34 Aujourd'hui, c'est le panthéon républicain, Jules Ferry.
00:38:36 Tout le monde est pour Jules Ferry.
00:38:38 On oublie que l'extrême gauche et la droite se sont déchaînés
00:38:41 contre l'homme qui était l'homme de l'école laïque,
00:38:45 l'homme de la colonisation, l'homme de la famine à Paris
00:38:49 pendant le siège de 1970, etc.
00:38:52 Le populisme vit sur la haine aussi et il l'alimente, il en a besoin.
00:38:57 Il faut se cristalliser sur un nom, sur un symbole fort
00:39:01 pour réunir un faisceau de forces qui sont en effet en général
00:39:05 les parts de la société.
00:39:07 Olivier Dard.
00:39:08 Oui, alors beaucoup de choses à dire,
00:39:12 mais je voudrais rebondir à la fois sur ce qui a été dit
00:39:15 par Antoine Cholet et Bertrand Joly.
00:39:17 D'abord, peut-être pour souligner l'importance du lien
00:39:20 entre le développement du populisme et crise.
00:39:24 Ça, ça me paraît absolument fondamental.
00:39:26 Et avoir aussi à l'esprit que la crise peut être aussi
00:39:30 une crise de la représentation.
00:39:31 Parce que quand on parle de démocratie,
00:39:33 il faut voir justement de quelle démocratie on parle.
00:39:35 Et la démocratie en crise, c'est bien la démocratie
00:39:38 représentative aujourd'hui.
00:39:39 C'est bien de cela dont il est question.
00:39:41 Alors, problème de crise, problème de représentation
00:39:45 qui varie évidemment selon les lieux et les temporalités.
00:39:49 Et là, je ne vous suivrai pas du tout quand vous parlez
00:39:52 à propos du péronisme, du césarisme.
00:39:54 C'est une réalité extérieure complètement plaquée.
00:39:58 C'est bien en Argentine qu'on parle de populisme,
00:40:01 on parle de justicialisme.
00:40:02 Pourquoi ?
00:40:03 Parce que le péronisme résout deux questions,
00:40:06 au moins pour un temps.
00:40:07 Un, la question de l'intégration des masses
00:40:12 que la démocratie libérale a su faire en Europe occidentale
00:40:14 avant 1914 et que l'Amérique latine n'a pas su faire
00:40:17 et que le régime péroniste va mettre en œuvre
00:40:19 avec effectivement toute une célébrité de réforme,
00:40:21 le vote des femmes en 1947, etc.
00:40:23 Et puis, deuxième élément qui est très important,
00:40:26 et ça, ça distingue effectivement à mon sens du césarisme,
00:40:29 c'est la capacité qu'ont ces régimes à justement mobiliser les masses,
00:40:34 les mettre en mouvement dans un jeu d'ailleurs constant de va-et-vient,
00:40:37 qui bien sûr est un jeu autour de la figure du chef,
00:40:40 mais un chef parfois très compliqué,
00:40:42 parce qu'en Argentine, c'est carrément un populisme à deux,
00:40:45 entre Juan Perón et Evar.
00:40:47 - C'est sa femme ? - Oui, oui.
00:40:48 - C'est elle qui fait voter les femmes.
00:40:50 - Il y a quand même des configurations très particulières
00:40:52 et de ce point de vue, je crois que j'aime bien effectivement
00:40:57 les parallèles historiques, ça fait partie du métier,
00:41:00 mais je crois qu'il faut effectivement faire attention
00:41:02 à ne pas jouer trop avec les territoires et les temporalités.
00:41:06 Et respecter d'ailleurs, dans le cas latino-américain,
00:41:08 ce qu'un politologue comme Gino Germani avait très bien montré,
00:41:11 c'est-à-dire l'importance, la singularité de ce continent américain.
00:41:15 Alors par contre, pour Bolsonaro, je suis entièrement d'accord,
00:41:17 Bolsonaro n'est pas un populiste.
00:41:19 Le populisme au Brésil, c'est Vargas,
00:41:21 Bolsonaro s'est hérité de la dictature militaire de 1964.
00:41:24 On est loin effectivement du populisme.
00:41:29 - Ah bah Stiegler !
00:41:30 - Oui, ça me confirme dans mes préventions sur cette notion
00:41:33 que j'ai depuis toujours, c'est-à-dire que moi,
00:41:34 bon écoutez, ça représente ma génération.
00:41:39 Les choses pour moi se sont structurées autour de 2005.
00:41:41 Je racontais ça tout à l'heure, je sors de l'Assemblée nationale,
00:41:44 on a eu un colloque extraordinaire tout à l'heure sur le temps libéré,
00:41:47 qui est évidemment aussi un temps citoyen.
00:41:49 Et ensuite, on a eu de très longues discussions avec les députés, etc.
00:41:53 Et donc, l'idée, c'est que, comment dire,
00:41:59 à partir de 2005 arrive ce fameux référendum
00:42:05 sur un projet de traité constitutionnel.
00:42:08 C'est une date fondamentale pour comprendre la notion de populisme,
00:42:12 d'antipopulisme ou d'antipropopulisme,
00:42:15 parce que tout se stristalise autour de ça.
00:42:18 Moi, comme beaucoup, je suis issue de ceux qui ont considéré
00:42:21 que ce moment était un moment politique extraordinaire
00:42:24 et où on s'est tous mis à se passionner
00:42:26 pour des choses qu'on ne connaissait absolument pas.
00:42:27 Certes, on ne les connaissait pas,
00:42:30 on ne connaissait pas le droit constitutionnel nécessairement,
00:42:32 on ne connaissait pas nécessairement tous les enjeux économiques
00:42:35 qui étaient autour du projet de l'Union européenne nécessairement.
00:42:38 Et des gens se sont mis à se passionner pour cela.
00:42:40 Beaucoup ont dit des bêtises, certes,
00:42:42 mais bon, dans la vie, quand on est à l'école et qu'on essaie d'apprendre
00:42:44 et qu'on fait plein d'erreurs, ça fait partie.
00:42:47 Mais pour autant, ce n'est pas parce qu'on fait des erreurs
00:42:49 de temps en temps qu'on est idiot et qu'on doit être...
00:42:51 C'est un peu comme les discussions qu'il y a eues sur l'épidémiologie des vaccins.
00:42:54 Dès qu'on prenait quelqu'un...
00:42:57 Dès qu'on prenait sur le fait d'avoir fait une faute
00:42:59 sur cette nouvelle chose qu'il découvrait,
00:43:01 alors tu es un abruti, rentre chez toi,
00:43:03 c'est la chose des médecins, tais-toi.
00:43:05 Alors, moi, je ne suis pas d'accord avec ça.
00:43:07 Je suis enseignante, apprendre, c'est aussi tâtonner.
00:43:11 Et donc là, on a eu pendant des mois un peuple,
00:43:15 le peuple français qui existe,
00:43:17 qui s'est mis à se passionner un peu partout,
00:43:19 dans les cafés, les librairies, les bibliothèques, etc.
00:43:21 sur ces questions très difficiles.
00:43:23 Et ce peuple, il a tranché, il a tranché nettement.
00:43:26 Ça a divisé les familles, comme le vaccin, enfin, moins pire, mais quand même.
00:43:29 Il y avait des pros, vous vous souvenez ?
00:43:31 Il y avait ceux qui étaient pour le oui, ceux qui étaient pour le non.
00:43:33 Il y avait un oui de gauche et un non de gauche et un oui de droite.
00:43:37 C'était compliqué, il y avait vraiment...
00:43:39 Alors, on n'était pas à la folie pure du vaccin,
00:43:42 on était quasiment au bord de la guerre civile.
00:43:44 - Et vous exagérez pas non plus. - Métaphoriquement, je veux dire.
00:43:46 Il y a quand même des gens qui se sont séparés, je rappelle.
00:43:49 Il y a des couples qui se sont séparés à cause de ça.
00:43:53 Il y a des familles qui ont explosé.
00:43:54 Moi, je connais des gens qui m'ont dit
00:43:56 "je ne peux plus voir ma sœur alors que je l'adorais".
00:43:58 Enfin bon, quand même, on est dans un délire
00:43:59 qui a été évidemment organisé par le pouvoir.
00:44:01 Mais si on revient à 2005, oui,
00:44:04 ce qui s'est passé, c'est qu'on a eu un peuple
00:44:07 qui s'est documenté, etc. qui a choisi.
00:44:10 Les gens qui ont perdu le référendum n'étaient pas contents.
00:44:12 Bon, c'est normal. Très bien.
00:44:14 Qu'est-ce qui s'est produit après ?
00:44:15 Un déchaînement des éditorialistes,
00:44:18 y compris de "gauche" entre guillemets,
00:44:19 qui nous ont expliqué que ce peuple n'existait pas d'ailleurs
00:44:22 et que c'était des masses manipulées,
00:44:24 complètement aveuglées par la haine de l'Europe,
00:44:28 des nationalistes.
00:44:30 On était déjà dans le complotisme en fait.
00:44:33 Et donc, il y avait des meneurs.
00:44:35 Alors évidemment, ces meneurs étaient très méchants.
00:44:37 C'était certainement Jean-Marie Le Pen et je ne sais plus qui.
00:44:39 Je ne me souviens plus du casting.
00:44:41 Il y avait peut-être déjà Mélenchon qui était en...
00:44:43 Ah oui, forcément !
00:44:44 Et puis ensuite, il y a le parti de gauche qui est arrivé, tout ça.
00:44:46 Bon, ça suffit ce scénario, au bout d'un moment.
00:44:48 Qu'est-ce qui se passe avec tout ça ?
00:44:49 Mais on ne parle pas de la démocratie.
00:44:50 Moi, j'aimerais bien qu'on réponde aux questions
00:44:52 qui ont été posées tout à l'heure par nous tous.
00:44:55 Le démo, est-il une fiction ?
00:44:58 Le démo, est-il une réalité ?
00:44:59 Y a-t-il, par exemple, quand on regarde la France,
00:45:02 y a-t-il des gens qui font partie du peuple et d'autres non ?
00:45:05 Bruno Le Maire racontait l'autre jour,
00:45:07 puis j'arrête mon mal au goret,
00:45:08 mais l'autre jour, Bruno Le Maire m'a fascinée.
00:45:11 Il disait "mais je connais le peuple".
00:45:13 Alors, la journaliste, je dis "mais ah bon ?"
00:45:16 Oui, je suis élue, je vois régulièrement des gens du peuple.
00:45:19 Alors, Bruno Le Maire ignore qu'il fait partie du peuple.
00:45:21 C'est incroyable !
00:45:22 C'est quelqu'un de le peuple français.
00:45:25 Il y a tout le monde dans le peuple français,
00:45:26 y compris Bruno Le Maire, mais visiblement, il ne l'a pas réalisé.
00:45:29 Donc pour lui, le peuple, c'est les gens d'en bas.
00:45:31 Et puis, il y a ceux qui gouvernent le peuple,
00:45:33 c'est-à-dire les gens comme lui.
00:45:34 Mais c'est pas ça, le démos.
00:45:38 François Bousquet voulait intervenir.
00:45:40 Oui, oui, sur le 2005,
00:45:42 qui est un moment central dans cette crise de la représentation
00:45:46 qu'évoquait Olivier Dard.
00:45:49 En réalité, on voit deux blocs émerger.
00:45:51 Un bloc élitaire, qu'on parlait comme Sainte-Marie,
00:45:53 et un bloc populaire.
00:45:54 C'est ce que Christophe Herlache avait appelé il y a 30 ans de cela,
00:45:57 déjà, la révolte des élites.
00:45:59 On avait la révolte des masses dans les années 30.
00:46:01 Ortega y a c'est là, désormais, on a la révolte des élites.
00:46:04 Le peuple est dédié, il est dédié par voie parlementaire.
00:46:07 Donc on est vraiment au cœur d'une crise de la représentation.
00:46:09 Qu'est-ce que c'est que le populisme ?
00:46:10 Si on doit donner un contenu positif au populisme,
00:46:13 c'est une demande du peuple à être écouté, à être entendu.
00:46:17 La voix du peuple a été confisquée, il veut la retrouver.
00:46:20 De fait, le peuple, enfin, le peuple, on en parlera,
00:46:22 parce qu'il y a un problème de définition,
00:46:24 mais le peuple des populistes, en tout cas,
00:46:26 entre par effraction toujours dans l'actualité médiatique.
00:46:30 C'est le non au référendum de 2005,
00:46:32 c'est le 21 avril 2002,
00:46:34 c'est l'enterrement de Junialidé.
00:46:36 Donc c'est la protestation du peuple qui veut se faire entendre,
00:46:39 parce qu'il n'est pas entendu.
00:46:40 Donc c'est une demande, en réalité,
00:46:41 le populisme, si on le prend pour ce qu'il est,
00:46:44 c'est une demande d'hyper-démocratie.
00:46:46 C'est une demande de démocratie peut-être référendaire,
00:46:49 mais en réalité c'est une critique des formes de démocratie
00:46:52 qui se font les nôtres depuis 250 ans,
00:46:53 des démocraties représentatives,
00:46:55 de plus en plus confisquées par les pouvoirs juridictionnels.
00:46:58 Je pense au Conseil constitutionnel,
00:47:00 je pense à la Cour européenne des droits de l'homme,
00:47:02 au Conseil d'État, c'est-à-dire au pouvoir du juge,
00:47:05 qui se substitue de plus en plus au pouvoir souverain du peuple.
00:47:08 Antoine Chollet, c'est aussi ce que vous écrivez quand vous dites
00:47:11 "l'antipopulisme, c'est la méfiance envers le peuple,
00:47:14 la haine de la démocratie qui n'ose pas dire son nom".
00:47:17 Oui, il y a quelque chose de la terreur de l'intervention des masses
00:47:23 ou de l'intervention des gens ordinaires sur la scène politique.
00:47:27 Ça, c'est quelque chose que Jacques Rancière a beaucoup développé
00:47:30 dans ses multiples livres.
00:47:32 Si je cite Jacques Rancière, c'est aussi pour répondre
00:47:34 à la question de la définition du peuple,
00:47:36 parce que c'est une question qui est vraiment importante
00:47:38 et qu'il ne faut pas éluder.
00:47:41 Rancière et d'autres auteurs ont montré que dans toutes les langues
00:47:45 européennes, en tout cas, le peuple a toujours un double sens.
00:47:47 C'est à la fois le démo, c'est-à-dire l'ensemble de la population
00:47:50 ou de la collectivité politique,
00:47:51 et aussi une partie de cette collectivité,
00:47:53 c'est-à-dire la plèbe, le petit peuple, les classes populaires,
00:47:57 comme on les appelle parfois.
00:47:59 Et je pense qu'une version, enfin une appréhension démocratique
00:48:02 de la chose est de maintenir ce double sens du peuple.
00:48:05 Le fait de rabattre l'un sur l'autre nous fait forcément perdre
00:48:08 quelque chose.
00:48:09 - Donc, Bruno Le Maire, quand il dit "je connais le peuple",
00:48:12 il fait allusion à la deuxième signification ?
00:48:14 - Il sépare complètement, mais pour lui, l'ensemble de la collectivité,
00:48:17 ce n'est pas le peuple.
00:48:18 Donc là, c'est une appréhension élitiste, appelons-la comme cela.
00:48:22 Mais l'idée de dire qu'il n'y a que la collectivité politique
00:48:25 et qu'il n'y a pas de fraction à l'intérieur de cette collectivité
00:48:27 politique, c'est une fiction libérale, d'une certaine manière.
00:48:30 C'est-à-dire que tous les individus sont parfaitement à égalité
00:48:32 les uns avec les autres, ce qui n'est sociologiquement pas le cas.
00:48:35 Et donc, il faut tenir cette ambiguïté et en se souvenant
00:48:39 aussi toujours qu'il y a des personnes un peu à l'extérieur
00:48:41 de la collectivité politique, les étrangers, par exemple,
00:48:45 ceux qui n'ont pas le droit de vote, les enfants,
00:48:48 dans certains pays, les prisonniers, par exemple,
00:48:50 ou des personnes qui ont été mises sous tutelle ou sous curatelle.
00:48:54 Et ce sont des personnes auxquelles il faut penser
00:48:56 lorsqu'on parle du peuple.
00:48:57 Et je pense que c'est un problème à ouvrir.
00:48:59 Et la démocratie est toujours confrontée à une définition
00:49:01 compliquée du peuple.
00:49:03 Et sur ce point-là, je serais très réticent à l'idée
00:49:06 qu'un populisme de gauche ou démocratique permettrait
00:49:10 de résoudre le problème.
00:49:11 Si on pense avoir résolu le problème du peuple,
00:49:13 c'est qu'on n'a rien compris à la démocratie, d'une certaine manière.
00:49:15 Barbara Stiegler ?
00:49:16 Oui, je voudrais répondre à ça.
00:49:20 Au moment où Bruno Le Maire dit "mais je connais le peuple
00:49:25 puisque je suis un élu", qu'est-ce qu'il fait ?
00:49:27 Il structure au maximum une dichotomie.
00:49:29 J'entends, vous avez parfaitement raison sur la dualité,
00:49:31 elle est très importante, il faut la maintenir,
00:49:33 on est bien d'accord.
00:49:34 Mais là, c'est autre chose.
00:49:35 C'est-à-dire qu'il structure, il fige une dualité entre les élus.
00:49:40 Qui a le kratos, ça ne peut être que les élus,
00:49:42 c'est-à-dire surtout pas le démos.
00:49:44 Donc cette manière de parler du peuple,
00:49:45 là, c'est pas une appréhension sociale qu'il fait.
00:49:48 C'est pas "je reconnais qu'il y a une stratification sociale".
00:49:51 C'est vraiment l'impossibilité de la démocratie
00:49:54 qui est innocée tranquillement par cette formule
00:49:56 "je connais le peuple, je l'ai déjà rencontré
00:49:58 quand je vais sur les marchés".
00:49:59 Et vous pouvez donc bien comprendre que ce n'est pas possible
00:50:02 que ce soit lui qui gouverne, ça ne peut être que nous.
00:50:04 Et donc c'est la négation de l'idée que qui a le kratos,
00:50:08 c'est le démos, qui est quand même l'idée démocratique.
00:50:11 C'est ce que disent à Sieyès, il faut des citoyens passifs.
00:50:13 Exactement.
00:50:14 Alors justement Bertrand Joly, Antoine Chelet, écrit dans son livre
00:50:18 l'un des traits constants de la rhétorique antipopuliste,
00:50:22 c'est d'instaurer le clivage entre un centre modéré et raisonnable,
00:50:26 consensuel, et des extrêmes incohérents et dangereux.
00:50:30 C'est la formule actuelle de ce qu'on appelle le macronisme,
00:50:33 c'est-à-dire ce qu'on appelait autrefois la conjonction des centres,
00:50:37 qui a pour effet mécanique de faire monter les extrêmes.
00:50:41 Parce qu'il n'y a plus deux parties, gauche-droite,
00:50:43 c'est trois parties en fait.
00:50:44 Et donc c'est quand le centre siphonne la gauche modérée
00:50:48 et la droite modérée, et le résultat,
00:50:50 c'est qu'il n'y a plus d'alternative réellement crédible.
00:50:53 C'est un système démocratique très bancal,
00:50:56 et moi je suis plutôt un admirateur du régime actuel tel qu'il fonctionne,
00:50:59 donc je ne vais pas le défendre.
00:51:01 Mais il n'empêche que ça fait deux siècles plus qu'on se bat
00:51:05 sur ce qu'est la démocratie et sur son côté représentatif.
00:51:08 Parce qu'il n'est pas possible de faire autrement,
00:51:10 que c'est regrettable peut-être,
00:51:13 mais on est obligé à un moment donné de déléguer son pouvoir
00:51:16 à quelqu'un qui va vous représenter et parler en votre nom.
00:51:19 Parce qu'on n'a pas le temps ou on ne sait pas faire.
00:51:21 Et c'est cela la démocratie.
00:51:23 Et il y a dans cette espèce d'apologie,
00:51:26 une sorte de spontanéité populaire avec beaucoup de guillemets autour,
00:51:30 une sorte de remise en cause de processus de décision démocratique
00:51:35 où la loi est votée dans des formes légales prises,
00:51:38 avec des débats, avec bien sûr des compromis,
00:51:41 c'est inévitable dans une démocratie,
00:51:42 avec aussi des retours, des reculs, des négociations.
00:51:46 L'appel au prépublic, c'est quand même un côté,
00:51:49 une sorte de volonté d'aller vite et de balayer
00:51:52 toutes ces phrases d'avocats, tous ces discours de dorateurs
00:51:56 et de faire que le peuple impose sa loi tout de suite.
00:52:00 L'histoire a montré que cette pratique-là
00:52:03 donne des résultats extrêmement inquiétants.
00:52:05 - Olivier Dard, vous avez le chalet.
00:52:08 - Je voudrais revenir à la question de la définition du peuple
00:52:10 pour rajouter un troisième élément.
00:52:12 Parce que j'entends bien qu'il y a l'aplepse,
00:52:14 qu'il y a le démos, il y a aussi,
00:52:17 et là chez les populistes évidemment plus marqués à droite,
00:52:19 il y a la question de l'ethnos.
00:52:20 C'est-à-dire que quand on parle du peuple de France,
00:52:23 du peuple français, etc., etc.,
00:52:25 c'est bien ceux qui sont d'ici, eux et nous.
00:52:30 Et à cet égard, ce qui est très frappant
00:52:32 dans l'histoire du populisme effectivement,
00:52:35 c'est qu'il y a déjà autour de la notion de peuple
00:52:38 une polysémie qui rend les choses évidemment très compliquées.
00:52:41 Pour rester sur le cas français,
00:52:44 si vous lisez, je vais prendre deux figures emblématiques,
00:52:48 Fils du peuple de Maurice Thoréz,
00:52:51 - À l'époque secrétaire général du Parti communiste français.
00:52:54 - La grande figure du Parti communiste.
00:52:56 Et si vous lisez l'autobiographie, entre guillemets,
00:52:59 de Pierre Poujade dans les années 50,
00:53:02 les uns et les autres parlent du peuple,
00:53:04 mais en réalité ils ne parlent pas du même.
00:53:06 - C'est la même chose avec la liberté.
00:53:09 Quand les gens parlent de la liberté,
00:53:11 ils ne parlent pas de la même non plus.
00:53:12 - Oui, mais là, c'est important parce qu'on a retrouvé ça aussi
00:53:15 par rapport à la question des gilets jaunes.
00:53:17 De quel peuple parle-t-on quand on parle des gilets jaunes ?
00:53:22 Et de ce point de vue, là encore, selon les temporalités,
00:53:25 selon les lieux, etc., il y a un élément très important
00:53:29 à prendre en considération.
00:53:31 Et dans la question du populisme,
00:53:32 je pense qu'il y a certes, si on reste dans un registre,
00:53:36 disons, social, économique et social,
00:53:39 il y a bien entendu, on parlait d'ancien,
00:53:42 il y a un instant, toute la dimension populaire,
00:53:44 mais ce qui pose aujourd'hui peut-être aussi problème,
00:53:47 c'est le décrochage des classes moyennes.
00:53:49 Ça, ça me paraît absolument essentiel.
00:53:53 La question des classes moyennes,
00:53:54 la question de la France dite périphérique,
00:53:57 et de ce point de vue, si on veut faire des parallèles,
00:53:59 alors avec les limites du genre, mais quand même,
00:54:01 il y a entre l'époque que nous vivons
00:54:04 et un certain nombre d'éléments que l'on peut retrouver,
00:54:07 notamment dans la France et dans l'Europe de l'entre-deux-guerres,
00:54:10 quelque chose, à mon avis, d'important à prendre en compte,
00:54:13 des comparaisons utiles pour bien comprendre
00:54:15 que la question de l'avenir des classes moyennes
00:54:18 dans nos sociétés est, à mon avis,
00:54:20 un des enjeux très importants qui nourrit effectivement
00:54:23 une montée du populisme parce qu'il se nourrit aussi
00:54:27 d'un rejet des élites et du sentiment
00:54:29 de ne plus être considéré et de ne plus pouvoir progresser
00:54:33 dans l'hierarchie sociale.
00:54:34 De ce point de vue, je crois qu'il y a quelque chose
00:54:36 d'absolument essentiel dans le populisme.
00:54:38 Il y a le rapport aux élites et pas seulement
00:54:40 quand on rejette ces dernières, mais au fond,
00:54:42 toute la question de ce qu'on appelle imparfaitement,
00:54:44 d'ailleurs, la censure sociale est un élément,
00:54:46 me semble-t-il.
00:54:47 - Attends, je te dis, il reste juste une minute.
00:54:49 - Pour revenir sur les médiations,
00:54:51 la démocratie directe, elle est très institutionnalisée.
00:54:54 Dimanche passé, j'étais une "Landsgemeinde" en Suisse,
00:54:57 c'est-à-dire où tous les citoyens s'assemblent.
00:54:59 C'est extrêmement institutionnalisé.
00:55:00 Ce n'est pas juste le peuple qui, tout à coup,
00:55:02 prend des décisions un peu dans tous les sens.
00:55:04 Le référendum, c'est la même chose.
00:55:06 Il y a toute une armature institutionnelle autour
00:55:08 qui permet de ne pas prendre n'importe quel type de décision,
00:55:11 n'importe quand, n'importe comment.
00:55:12 Et donc, je ne pense pas que la distinction
00:55:14 soit à faire entre ces deux choses,
00:55:17 mais en rappelant qu'il peut y avoir une intervention
00:55:20 de l'ensemble de la collectivité politique,
00:55:22 en particulier quand les représentants, les délégués,
00:55:24 prennent des décisions qui ne nous conviennent pas.
00:55:26 Quand on élit quelqu'un pour 5 ans, pour 7 ans, pour 10 ans,
00:55:29 on n'est pas forcément d'accord avec l'intégralité de son programme.
00:55:32 On va laisser Isabelle Piboulot faire le rappel des titres
00:55:36 et puis on continue ce débat.
00:55:38 Et on va s'intéresser notamment à un certain nombre de manifestations
00:55:41 qui ont été interdites.
00:55:44 Est-ce que le droit de manifester se réduit en France ?
00:55:47 Comme, je pense, une bonne partie des Français,
00:55:49 d'ailleurs, dans un sondage de l'Opinion paru il y a une quinzaine de jours.
00:55:54 Mais d'abord, le rappel des titres.
00:55:55 Les académies de Créteil, Versailles et de Guyane
00:56:01 sont en manque d'enseignants.
00:56:03 Près d'un millier de postes ne seront pas pourvus à la rentrée dans le primaire.
00:56:07 C'est ce que déplore le syndicat SNUPFSU
00:56:10 au lendemain de la publication des résultats d'admissibilité au concours.
00:56:14 L'an dernier, plus de 4 000 postes n'avaient pas été pourvus
00:56:17 dans le primaire et le secondaire.
00:56:20 Entre Israël et Gaza, une trêve est entrée en vigueur ce soir.
00:56:24 Après 5 jours de guerre ayant fait au moins 35 morts,
00:56:27 l'Égypte a obtenu l'accord des partis sur le principe
00:56:31 d'un cessez-le-feu à 19h.
00:56:33 Plusieurs roquettes ont tout de même été tirées,
00:56:35 suivies de frappes israéliennes avant un retour au calme.
00:56:39 Et puis enfin, 35e journée de Ligue 1, au Parc des Princes,
00:56:42 le PSG a écrasé Ajax 5-0.
00:56:46 Gabriel Noury s'ouvre la marque, suivi par Achraf Hakimi.
00:56:49 Kylian Mbappé inscrit un doublé en seconde période,
00:56:52 avant un but contre son camp de Mohamed Youssouf.
00:56:55 Carton rouge en fin de rencontre pour Hakimi.
00:56:57 Puis Mangani, si les Corses sont relégués en Ligue 2,
00:57:00 les Parisiens, eux, sont sereins et se rapprochent
00:57:03 d'un 11e titre de champion de France.
00:57:05 Bienvenue, si vous nous rejoignez maintenant,
00:57:12 les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit.
00:57:14 À 23h30, Clément Petraud nous rejoindra.
00:57:18 Il publie "Une maison sinon rien".
00:57:20 Il pense que l'avenir de la France est pavillonnaire.
00:57:23 Il va nous dire pourquoi.
00:57:24 Mais pour l'instant, on continue sur l'antipopulisme
00:57:26 avec Antoine Chollet, docteur en sciences politiques,
00:57:29 professeur à l'Université de Lausanne.
00:57:31 Vous publiez "L'antipopulisme ou la nouvelle haine de la démocratie".
00:57:35 Barbara Stiegler est avec nous.
00:57:37 Vous êtes philosophe, professeure à l'Université de Bordeaux.
00:57:40 Vous êtes l'auteur d'"Il faut s'adapter"
00:57:42 sur un nouvel interprétatif politique
00:57:44 et de la démocratie en pandémie.
00:57:48 Olivier Dard, vous êtes professeur d'histoire à la Sorbonne.
00:57:50 Votre biographie de Charles Maurras,
00:57:52 "Le nationalisme intégral" vient juste d'être réédité.
00:57:55 Et l'on vous doit le dictionnaire du populisme.
00:57:59 Bertrand Joly, vous avez longtemps enseigné l'histoire
00:58:01 à l'Université de Nantes.
00:58:02 Vous êtes l'auteur d'"Aux origines du populisme,
00:58:07 une histoire du boulangisme 1886-1891".
00:58:11 Et François Bousquet, vous êtes le rédacteur en chef d'Eléments,
00:58:15 le magazine de la Nouvelle Droite.
00:58:16 Vous êtes l'auteur de "Courage, manuel de guérilla culturel
00:58:20 et de biopolitique du coronavirus, télétravail famille patrie".
00:58:25 Tiens, justement, François Bousquet,
00:58:26 suite à la manifestation d'un groupuscule d'ultra-droite
00:58:29 dans Paris le 6 mai dernier,
00:58:31 le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin,
00:58:33 avait annoncé l'interdiction, a priori,
00:58:34 de toutes les manifestations d'extrême-droite ou d'ultra-droite.
00:58:38 Résultat, cinq événements ont été interdits ce week-end.
00:58:42 Des hommages à Jeanne d'Arc, la marche des Fiertés françaises
00:58:45 et un colloque des royalistes de l'Action française
00:58:48 intitulé "La France en danger".
00:58:49 Cette interdiction-là est d'ores et déjà été suspendue
00:58:52 par les tribunaux administratifs,
00:58:54 ainsi qu'une des cérémonies d'hommage à Jeanne d'Arc.
00:58:57 Qu'est-ce que ça vous inspire, François Bousquet ?
00:59:01 De l'ironie à l'encontre, à l'égard de notre ministre de l'Intérieur,
00:59:05 Gérald Darmanin, puisque c'est lui qui a fait pression
00:59:08 sur les préfets pour qu'il y ait interdiction de manifestation.
00:59:11 Les tribunaux administratifs ont évidemment retoqué ces interdictions.
00:59:14 Dans le cas de l'Action française, c'est assez amusant,
00:59:16 puisque, pour rappel, Gérald Darmanin s'était dit proche
00:59:19 de Charles Maurras, fut un temps.
00:59:21 À l'époque, il devait être assistant de Christian Van Est,
00:59:24 qui est un gaulliste social qui n'est pas très éloigné
00:59:26 des positions du Maurracisme.
00:59:28 On est très très loin du néofascisme.
00:59:30 Donc le colloque s'est tenu.
00:59:31 Ce que ça m'inspire, c'est qu'on est au cœur de notre sujet.
00:59:33 C'est que, de plus en plus, cette démocratie dite,
00:59:36 ce qu'on appelle la démocratie constitutionnelle, libérale,
00:59:39 est de plus en plus, de moins en moins libérale,
00:59:41 de plus en plus liberticide.
00:59:42 On est confronté à une forme de libéralisme autoritaire.
00:59:45 Et on est au cœur du sujet parce qu'il y a vraiment un divorce désormais
00:59:48 entre cette élite qui est de plus en plus,
00:59:52 qui restreint les libertés publiques,
00:59:53 dont celle de manifester, dont celle de se réunir,
00:59:56 de faire des colloques.
00:59:56 Je redis, c'est l'Action française, c'est une école de pensée.
00:59:59 Pour ceux d'entre eux, des testateurs qui l'ignorent,
01:00:02 qui a nourri l'entre-deux-guerres,
01:00:03 qui a produit un nombre de grands écrivains assez conséquents,
01:00:06 je ne vois pas en quoi on devrait interdire un tel mouvement.
01:00:10 C'est aberrant.
01:00:11 Donc les tribunaux administratifs ont fait leur travail.
01:00:14 Olivier Dard ?
01:00:15 Oui, je ne suis pas surpris de la décision du tribunal administratif.
01:00:21 Le défilé pour Jeanne d'Arc est une affaire qui remonte à près d'un siècle.
01:00:25 Bon, voilà, je pense qu'on est là-dedans,
01:00:28 on est dans une série d'opérations politiques de la part du gouvernement.
01:00:32 Moi, ce qui m'intéresse peut-être davantage,
01:00:35 par rapport à ces questions d'interdiction,
01:00:38 c'est de souligner quand même à la fois les problèmes que pose aujourd'hui
01:00:44 la question des manifestations en France.
01:00:47 Il y en a à la fois de plus en plus, de plus en plus violentes,
01:00:50 mais en même temps, ça veut dire qu'on est finalement incapable
01:00:54 de passer par d'autres voies, c'est un premier problème.
01:00:57 Et deuxième élément très important et très inquiétant d'ailleurs,
01:01:01 c'est la difficulté pour les responsables politiques
01:01:04 et notamment pour le principal d'entre eux, à pouvoir circuler.
01:01:08 Quand on voit la façon dont...
01:01:10 Vous faites allusion aux casserolades, aux coétés aussi,
01:01:14 qu'on a voulu interdire de la même manière.
01:01:16 Et à la cérémonie du 8 mai, si vous voulez.
01:01:19 C'est quand même tout à fait impressionnant.
01:01:22 Et à cet égard, je pense qu'on peut être effectivement inquiet
01:01:27 du divorce entre gouvernants, gouvernés et...
01:01:32 - Et ça justifie pour vous les interdictions ou les...
01:01:35 - Je pense que ça ne changera strictement rien.
01:01:37 D'ailleurs, la preuve, elle était...
01:01:40 La justice administrative a considéré qu'elle n'était pas fondée.
01:01:44 Voilà, donc si vous voulez, je pense qu'au contraire,
01:01:46 ça alimente peut-être encore davantage
01:01:49 le sentiment de mécontentement, d'incompréhension, etc.
01:01:53 Et à cet égard, je pense que c'est une situation
01:01:55 qui est quand même inquiétante pour la question des libertés publiques
01:01:59 et encore une fois, pour ce lien absolument indispensable
01:02:03 quand même entre gouvernants et gouvernés.
01:02:04 Enfin, il faut quand même bien que dans ce pays,
01:02:07 il y ait à la fois des moyens d'expression de toute force, de toute forme,
01:02:11 ou alors je ne sais pas bien vers quoi nous allons.
01:02:14 C'est un peu ce qui m'inquiète.
01:02:16 - Damara Stiegler.
01:02:17 - Oui, alors je crois qu'il faut reprendre les choses dans l'ordre.
01:02:19 Dans un premier temps, on a un gouvernement effectivement
01:02:22 qui est autoritaire depuis toujours en réalité,
01:02:24 puisque c'est ce que je raconte dans "Il faut s'adapter",
01:02:27 ce nouveau libéralisme qui naît entre la Première et la Deuxième Guerre mondiale.
01:02:30 C'est un nouveau libéralisme qui considère très clairement
01:02:33 qu'il n'y a pas de peuple, ça n'existe pas.
01:02:37 Il n'y a qu'une masse et cette masse, elle est apathique,
01:02:40 elle ne comprend rien, elle est inadaptée
01:02:42 et elle va dans la mauvaise direction.
01:02:43 Donc il faut fabriquer le consentement des masses
01:02:49 et de préférence de manière douce.
01:02:51 Et le problème, c'est qu'on arrive à un moment ensuite,
01:02:53 à la fin du XXe siècle et surtout au début du XXIe,
01:02:57 où ce consentement à ce nouveau libéralisme ne marche plus.
01:03:00 C'était 2005 par exemple, ce moment-là.
01:03:03 Et on a donc petit à petit, l'autoritarisme apparaît de plus en plus clair
01:03:06 et on passe de la fabrication médiatique à la matraque.
01:03:10 Le premier temps, c'est l'interdiction des casseroles,
01:03:15 c'est l'interdiction des casserolades.
01:03:16 C'est ça qui se passe dans un premier temps.
01:03:18 Et on arrive donc à pousser, je dis "on" parce que je participe
01:03:21 à ces casserolades avec une joie que vous ne pouvez pas imaginer,
01:03:24 on en est à J15 dans l'interville du jeu que Macron a défié le peuple
01:03:31 en disant qu'il nous donnait 100 jours et on se retrouverait au 14 juillet,
01:03:35 parce qu'il est drôle aussi dans sa manière de provoquer tout le monde.
01:03:39 Au bout d'un moment, on se retrouverait dans la cour de récréation,
01:03:40 donc nous jouons nous aussi et nous lui répondons "allons-y, rendez-vous
01:03:45 au 14 juillet".
01:03:46 Et en attendant, il y a un jeu qui s'appelle "Interville Macron Challenge",
01:03:50 regardez sur Twitter, c'est très drôle.
01:03:52 Et je ne sais pas qui est en ce moment numéro un,
01:03:53 mais je ne sais pas si c'est Paris ou Lyon.
01:03:55 Bon bref, moi je participe à ça, c'est très amusant, très créatif.
01:03:58 Et là, on est en train de basculer dans un carnaval,
01:04:00 donc c'est absolument génial.
01:04:02 Finalement, c'est une très longue histoire que tout le monde connaît
01:04:04 quand on a un peu de culture historique, de la manifestation,
01:04:07 les charivaries, etc.
01:04:08 Oui, bien sûr.
01:04:09 Alors les casserolades ont poussé, ces casserolades contemporaines
01:04:13 ont poussé notre ami Gérald Darmanin à la faute,
01:04:18 enfin bref, la Macronie en réalité, à la faute,
01:04:21 puisqu'ils se sont mis à essayer d'insterdir des dispositifs sonores portatifs,
01:04:24 ce qui fait hurler de rire le monde entier.
01:04:27 Et donc, ils font cela, donc c'est extrêmement drôle.
01:04:30 On va essayer de rire parce qu'il y a un moment où,
01:04:32 oui, on pourrait se déplorer et se dire "c'est les fascistes
01:04:34 qui vont prendre le pouvoir".
01:04:35 Puis on peut aussi se dire que l'avenir est ouvert
01:04:38 et qu'on est dans un moment où des possibles s'ouvrent à nouveau
01:04:41 et on ne sait pas qui mène le jeu et on ne sait pas qui l'emportera.
01:04:43 C'est angoissant, je l'avoue, mais c'est mieux que d'avoir tout qui est figé.
01:04:48 Donc, on a ça et là, on a le GUD, je crois, Rue d'Assas,
01:04:53 les images sont déflagratrices, là aussi le monde entier est effaré,
01:04:56 on interdit les casseroles, on laisse passer des néonazis en plein milieu de...
01:05:01 C'est la fameuse manifestation du Simé,
01:05:04 mais qui s'était passée tous les ans depuis des décennies.
01:05:07 C'est ça, parce qu'en fait, ils ont le droit, plus ou moins.
01:05:09 Peut-être que les images étaient moins frappantes les années précédentes.
01:05:13 Parce que quand vous advertisez des casseroles
01:05:14 et que vous permettez ensuite à des gens entièrement masqués
01:05:18 de partir avec des signes évoquant vraiment...
01:05:23 On va revoir les images, enfin on a quelques images pour suivre.
01:05:25 Ils ont été désignés comme, évidemment, les fameux "deux poids, deux mesures",
01:05:29 c'était tellement terrifiant qu'ils se sont mis à tout interdire.
01:05:32 Et donc, évidemment, vous avez raison,
01:05:34 les tribunaux administratifs ne peuvent que casser.
01:05:36 Ils sont poussés à la faute de tous les côtés, ils font n'importe quoi.
01:05:40 Donc à partir de là, qu'est-ce que vous voulez que...
01:05:42 Oui, là, il y a une contestation populaire de tous côtés,
01:05:47 avec des côtés qui peuvent nous réjouir, des côtés qui peuvent nous inquiéter,
01:05:49 mais on est dans un moment de crise démocratique profonde, oui.
01:05:53 – Mais est-ce qu'on est dans un moment de réduction des libertés individuelles,
01:05:57 comme le pensent 64% des Français dans un sondage paru dans l'Opinion ?
01:06:03 Est-ce que... Bertrand Joly ?
01:06:06 – Non, je ne pense pas, mais vous attendiez à ma réponse.
01:06:11 Le droit de manifester est un droit très compliqué,
01:06:14 et surtout c'est un droit récent, ce qu'on oublie.
01:06:17 Il ne figure pas dans la Déclaration des droits de l'homme de 1989.
01:06:20 Le premier texte, si je me trompe, qui en fait étale,
01:06:24 le premier texte juridique, ce n'est même pas une loi,
01:06:25 c'est un décret d'ailleurs de 1935, donc très tardivement.
01:06:29 Et c'est vrai que les pouvoirs publics ont toujours été très réticents
01:06:32 face aux droits de manifestation.
01:06:34 Aujourd'hui, il est entré dans la législation et dans les mœurs et je suis…
01:06:39 – Il est protégé par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'homme.
01:06:43 – Je suis d'accord avec les autres orateurs,
01:06:46 interdire ne sert à rien dans ce cas-là, c'est un coup d'épée dans l'eau.
01:06:49 Je ne comprends pas très bien pourquoi on multiplie ces interdictions
01:06:51 qui en effet sont cassées le plus souvent et ne servent à rien.
01:06:55 Mais les manifestations, c'est dans les gènes du pouvoir,
01:07:00 les manifestations sont toujours douteuses, suspectes.
01:07:03 J'ai l'impression qu'il y a un gène acquis.
01:07:06 La manifestation toute simple et toute bête qui se produit le 29 février 1948
01:07:11 devant le ministère des Affaires étrangères, qui est pacifique,
01:07:15 eh bien elle met le régime par terre.
01:07:17 Et donc je pense que tous les régimes se méfient beaucoup
01:07:19 de ce rassemblement populaire qui peut toujours déraper,
01:07:22 à tort dans 99,9% des cas, c'est évident.
01:07:26 Mais ça explique les déréticences qui aujourd'hui en effet
01:07:30 paraissent sans doute assez vaines et surtout inutiles.
01:07:34 – Vous voulez rajouter quelque chose François Blusquet ?
01:07:37 – Oui, oui, le pouvoir quand même a eu peur,
01:07:41 le pouvoir macronien à deux, trois reprises a eu peur.
01:07:43 Il y a eu une répression, alors on parlait de la manifestation d'Ugud
01:07:46 pour l'anniversaire, la commémoration de la mort de Sébastien Mélezieu.
01:07:50 On peut parler d'autres manifestations, des Black Blocs par exemple,
01:07:53 dans les manifs contre la réforme des retraites,
01:07:57 au passage où le soulèvement de la terre à Saint-Sauline
01:08:00 qui n'a toujours pas été dissous.
01:08:02 Mais la vraie crainte, la vraie hantise du pouvoir, c'est les gilets jaunes.
01:08:06 Les gilets jaunes c'est 10 000 arrestations.
01:08:08 Quand le pouvoir veut cogner, veut matraquer, il matraque.
01:08:11 Non seulement il a éborgné, mais c'est 300 à 400 condamnations.
01:08:16 Donc quand le pouvoir a peur, et Macron a eu peur à plusieurs reprises,
01:08:19 le deuxième acte des gilets jaunes avec l'épisode de l'hélicoptère
01:08:22 dans le Jardin de l'Elysée.
01:08:23 Rappelez-vous également la fuite au Puy-en-Velay,
01:08:26 la fuite à Varennes au Puy-en-Velay.
01:08:28 Donc le pouvoir a vraiment peur du peuple.
01:08:31 On a beaucoup parlé de la comparaison avec le Second Empire,
01:08:34 qui en réalité est un régime illibéral, pas populiste, mais qu'importe.
01:08:37 La comparaison aujourd'hui entre la Macronie,
01:08:39 et c'est surtout la monarchie de Louis-Philippe.
01:08:42 C'est surtout ça.
01:08:44 Sous Louis-Philippe, il y avait des casserolades.
01:08:45 Pierre Aiguizot, les ministres de Louis-Philippe,
01:08:48 étaient poursuivis par les Français avec des casseroles déjà.
01:08:52 Et les manifestations à l'époque, c'était des banquiers.
01:08:54 On interdisait les banquiers.
01:08:55 Mais à la fin, il y a un dérapage policier.
01:08:57 Et le dérapage policier, il y a un enchaînement
01:08:59 qui fait qu'on aboutit à la Révolution de 48.
01:09:02 Donc là, il y a des points de comparaison assez étonnants
01:09:04 entre cette république macronienne, banquière, autoritaire,
01:09:08 et le régime de Louis-Philippe, qui était le régime des banquiers,
01:09:10 déjà de la Haute Banque, il suffit de relire Marx,
01:09:13 la lutte des classes en France.
01:09:14 Vous verrez, les points de comparaison sont très nombreux.
01:09:17 Donc on est confronté à un pouvoir qui a peur.
01:09:19 Mais il n'a pas peur des black box, comme il n'a pas peur du GUD.
01:09:21 Parce que c'est marginal.
01:09:22 Les black box, c'est 1000 personnes.
01:09:23 Le GUD, c'est 500 personnes.
01:09:25 En revanche, il a peur du peuple.
01:09:26 Là, oui, pour le coup.
01:09:28 Alors, Antoine Chollet, revenons à votre livre.
01:09:31 Vous écrivez "La rhétorique antipopuliste".
01:09:34 Admet que certains problèmes dénoncés par le mouvement populiste
01:09:39 sont réels et qu'il faudrait s'en occuper.
01:09:41 Mais seulement en acceptant les contraintes des institutions
01:09:44 et en confiant leur résolution au pouvoir en place.
01:09:47 Ceux-là même qui n'ont pas réussi à les résoudre par le passé.
01:09:51 Ce serait ça, en fait, cette espèce de cercle vicieux.
01:09:54 Oui, ça, c'est un thème qu'on trouve chez Richard Hofstadter, par exemple.
01:09:59 L'historien américain qui a été l'un des premiers à faire un usage
01:10:02 très extensif du terme de populisme dans les années 50.
01:10:05 Il, d'ailleurs, s'inspire de ces néolibéraux des années 20 et 30,
01:10:08 notamment Walter Lippmann, qui, lui, pensait en effet que le peuple n'existait pas.
01:10:12 Et je pense que Hofstadter est à peu près sur la même ligne.
01:10:15 Toute envie de réforme trop, qui excéderait la mesure,
01:10:20 est par essence dangereuse.
01:10:22 Et sur ce point-là, il faut vraiment rouvrir l'imaginaire démocratique.
01:10:25 Les régimes dans lesquels nous vivons aujourd'hui,
01:10:27 qui ne sont pas des régimes fascistes, qui ne sont pas des régimes autoritaires,
01:10:32 qui sont des régimes des oligarchies libérales, peut-être,
01:10:35 ou des états de droit oligarchiques, comme les appelaient Castoriadis,
01:10:38 doivent être et peuvent être améliorés, et peuvent être démocratisés, surtout,
01:10:42 en partant d'une situation qui est déjà partiellement démocratique,
01:10:44 et en particulier par la sédimentation de toutes les luttes dont on a parlé,
01:10:48 dans le cas de la France, depuis 1789 jusqu'au gilet jaune, peut-être,
01:10:53 en passant par la Commune, en passant par 48, en passant par 36,
01:10:57 en passant par 68 sans doute aussi.
01:10:59 Et cette volonté de démocratisation doit prendre des formes multiples.
01:11:03 Alors, ça peut être le référendum, ça peut être les révocations,
01:11:06 ça peut être une démocratie continue, c'est-à-dire une intervention
01:11:10 beaucoup plus fréquente du peuple, au sens de Demos, dans les affaires politiques.
01:11:15 Et sur la question des retraites, alors c'est amusant,
01:11:17 parce qu'en Suisse, il y a un référendum qui vient d'être lancé
01:11:19 contre une réforme des retraites.
01:11:21 Si le débat s'était fait, dans le cas de la France, de manière posée,
01:11:26 en opposant les arguments des uns et des autres, et puis ensuite,
01:11:28 avec un vote final, que Macron aurait sans doute perdu,
01:11:32 eh bien, le panorama politique change complètement.
01:11:35 C'est-à-dire que c'est aussi, on lance une réforme en sachant que,
01:11:38 finalement, ce sera un référendum à la fin qui va troncher.
01:11:40 Et donc, vous êtes obligé de faire des concessions, d'aller voir les autres,
01:11:44 d'avoir une majorité beaucoup plus large à l'Assemblée nationale.
01:11:46 Eh bien, là, on ne sait même pas s'il y en avait une,
01:11:48 puisque c'est en 49-3 qu'a clos le débat.
01:11:51 Mais vous devez avoir plus que 50 %,
01:11:53 enfin, dans un régime qui connaît des référendums fréquents,
01:11:56 il faut plutôt avoir 60-70 % du Parlement,
01:11:59 avec plusieurs parties de votre côté, pour pouvoir gagner.
01:12:02 – Et ce que vous dites dans votre livre, c'est qu'en fond,
01:12:05 quel que soit le sujet agité par les mouvements dits populistes,
01:12:10 que ce soit la réforme des retraites, que ce soit l'écologie à Seine-Solide,
01:12:15 l'accaparement de l'eau ou le fait qu'on va manquer d'eau, etc.
01:12:20 À chaque fois, la rhétorique anti-populiste, c'est de dire,
01:12:22 ok, ces problèmes-là existent, mais attention, on va les résoudre, nous, pas vous.
01:12:28 – Voilà, faites-nous confiance et on voit bien le succès de la résolution.
01:12:32 Sur la question de l'écologie aussi, c'est un autre exemple.
01:12:34 – Oui, c'est pareil, face aux mouvements écologistes dits radicaux,
01:12:39 le pouvoir dit, laissez-nous nous en occuper, on résoudra le problème, nous,
01:12:42 même si jusqu'à présent, on n'a jamais réussi à le résoudre.
01:12:45 – On va s'adapter, et donc c'est la raison pour laquelle
01:12:46 il faut absolument qu'il y ait une intervention populaire,
01:12:48 parce que sur certains sujets, sans intervention populaire radicale,
01:12:52 et parfois un peu violente, ça peut arriver, les pouvoirs ne bougent pas,
01:12:56 c'est tout à fait évident.
01:12:58 – Olivier Dard ?
01:12:59 – Oui, ce qui est effectivement, on le voit bien dans la façon dont s'est opérée,
01:13:05 ou a tenté de s'opérer, la sortie de crise des gilets jaunes,
01:13:07 avec le grand débat national, etc., où toutes les conventions dites citoyennes,
01:13:13 on voit bien qu'il y a une recherche de la part, effectivement,
01:13:16 des gouvernants de ce type de solution.
01:13:18 Mais je crois que si on regarde les choses avec un peu de recul historique,
01:13:24 et qu'on revient à la question que nous abordions tout à l'heure
01:13:27 sur l'état de la démocratie dans nos sociétés, et en particulier en France,
01:13:32 ce qui est aussi frappant depuis un certain nombre d'années,
01:13:35 c'est à mon sens deux choses, d'abord l'effondrement des partis politiques,
01:13:40 c'est quand même un élément très important,
01:13:42 quant à la façon dont un certain nombre de forces politiques,
01:13:46 et en particulier les partis de gouvernement,
01:13:47 étaient en mesure de rallier à eux des catégories sociales,
01:13:52 de faire des propositions, etc., etc.
01:13:54 On constate une véritable atonie, pour ne pas dire plus,
01:13:58 de ces partis de gouvernement.
01:13:59 C'est un élément, à mon avis, tout à fait inquiétant,
01:14:02 premier élément très important.
01:14:04 Et deuxième chose, on parlait tout à l'heure des travaux de Sainte-Marie
01:14:10 sur le bloc populaire, le bloc élitaire,
01:14:12 il y a aussi, et de Julie aussi, sur la France périphérique,
01:14:15 il y a aussi toute cette image que montre très bien Jérôme Fourquet,
01:14:19 avec l'archipel français, c'est-à-dire au fond,
01:14:22 la difficulté de plus en plus importante pour les gouvernements,
01:14:26 et ceux quels qu'ils soient,
01:14:27 d'arriver à parler à un peuple français collectif.
01:14:31 Et à cet égard, les fractures qui minent cette société,
01:14:36 me semble-t-il, sont telles que c'est effectivement extrêmement compliqué
01:14:42 d'arriver à trouver par quel biais, finalement,
01:14:46 on pourrait transformer, réformer ce pays,
01:14:53 sachant qu'effectivement, et là, la question des retraites a été intéressante,
01:14:57 avec le rôle des syndicats,
01:14:59 qui ont retrouvé, pour combien de temps on verra,
01:15:02 un peu d'aura dans le pays,
01:15:06 mais le rapport de nos autorités, de nos gouvernants
01:15:10 aux corps intermédiaires, par exemple,
01:15:13 est quelque chose de tout à fait, à mon sens, inquiétant.
01:15:16 – Et Olivier Dard, quand on parle de l'archipel français,
01:15:20 et j'en ai parlé avec Jérôme Fourquet, ce que je vais vous dire,
01:15:22 je lui ai dit déjà, au fond,
01:15:25 comme si c'était quelque chose de tout à fait nouveau.
01:15:27 C'est vrai qu'on a connu, pendant les Trente Glorieuses,
01:15:30 on va dire, tout à coup, une grande massification.
01:15:33 On regardait tous le même programme à la télévision,
01:15:35 le film du dimanche soir, les grandes vacances,
01:15:38 les grands ensembles, etc.
01:15:40 Mais si on prend l'entre-deux-guerres, avant la guerre,
01:15:43 la France était plus divisée qu'elle ne l'est aujourd'hui,
01:15:46 dans le sens où, simplement, j'entends la différence,
01:15:49 que vous naissiez homme ou femme,
01:15:51 votre vie n'était pas du tout la même,
01:15:52 que vous soyez à la campagne ou à la ville,
01:15:54 un bourgeois ou un ouvrier,
01:15:55 on ne parlait pas la même langue avant 1914,
01:15:58 dans les tranchées, les Français apprennent à parler français,
01:16:00 sinon ils ne parlent tous pas toi.
01:16:02 Donc de dire qu'aujourd'hui c'est l'archipel français,
01:16:04 j'ai l'impression qu'en 1904,
01:16:06 c'était beaucoup plus l'archipel français qu'aujourd'hui, non ?
01:16:09 – Sauf que, bien sûr, vous avez raison,
01:16:10 on peut parler de Braudel, de l'identité de la France…
01:16:13 – Oui d'accord, sauf qu'en 1914,
01:16:15 il y a un civisme partagé qui se traduit avec la mobilisation en guerre,
01:16:20 donc je ne sais pas si nous aurions…
01:16:22 – C'est… – C'est équivalent.
01:16:24 – Venez dans les casserolades, vous allez voir.
01:16:26 – Oui, non, non, non, mais voilà.
01:16:28 – On n'est pas, c'est pas les tranchées, mais bon…
01:16:29 – Non, non, non, mais voilà, donc si vous voulez,
01:16:33 je pense qu'il y a un rapport au collectif
01:16:34 qui s'est quand même transformé, avec d'ailleurs,
01:16:37 effectivement, on parlait tout à l'heure de la question du néolibéralisme,
01:16:39 alors je ne suis pas certain que ça date à ce point-là des années 30,
01:16:43 je connais très bien le colloque Lippmann, etc.
01:16:45 ça bouge beaucoup avec le rapport aux anglo-saxons au marché,
01:16:50 notamment à partir des années 60, même du côté des libéraux français,
01:16:53 et surtout dans les années 80, mais effectivement, avec l'Union européenne,
01:16:57 on voit très bien dans les années 80, à partir de la Tunisie, etc.,
01:17:01 comment effectivement, ce libéralisme rime avec le marché,
01:17:03 on est à ce moment-là très très loin d'une France gaullienne
01:17:07 et du modèle économique qui n'était pas un modèle néolibéral à l'époque du Général.
01:17:10 - C'était pas les années 30, c'était juste pour l'élaboration...
01:17:13 - Oui, oui, j'ai bien compris.
01:17:14 - L'arrivée au pouvoir, c'est les années 70-80, bien sûr.
01:17:17 - Dernière question que je voulais aborder, Antoine Chollet,
01:17:20 que j'ai prise directement de votre livre,
01:17:23 vous dites "ce que l'on reproche au populisme,
01:17:26 enfin ce que le discours antipopuliste reproche au populisme,
01:17:30 c'est un égalitarisme menaçant".
01:17:32 Qu'est-ce que vous entendez par là ?
01:17:34 - Bon, ça c'est une phrase que Isaiah Berlin avait utilisée
01:17:38 dans un fameux colloque de 1967 en disant
01:17:40 ce qu'il reconnaissait dans tous les mouvements populistes,
01:17:43 mais pas au sens où on l'entend aujourd'hui,
01:17:44 c'est un égalitarisme passionné.
01:17:46 Et je pense que chez les partis politiques en place,
01:17:51 l'égalitarisme leur fait peur, tout simplement.
01:17:54 L'idée de dire...
01:17:55 - Donc le populisme serait illégalitaire
01:17:57 et c'est ça qui ferait peur aux antipopulistes ?
01:17:59 - Non, les antipopulistes pensent qu'il y a des demandes d'égalisation,
01:18:03 notamment on l'a vu pendant les Gilets jaunes,
01:18:04 enfin l'idée que tout le monde pourrait s'emparer des affaires politiques,
01:18:08 l'idée que la démocratie repose sur l'égalité,
01:18:11 l'égalité des capacités politiques.
01:18:13 On revient à Jacques Rancière qui le disait de manière très claire,
01:18:16 et que l'égalité c'est quelque chose sur laquelle on ne transige pas.
01:18:19 Et il y a un autre point important sur la question de l'égalité,
01:18:22 c'est qu'elle ne s'arrête jamais.
01:18:24 Et c'est bien l'angoisse de certaines personnes de se dire,
01:18:28 à partir du moment où vous affirmez l'égalité,
01:18:30 alors on s'arrête où ?
01:18:31 Eh bien on prend toujours les mêmes exemples,
01:18:33 les bébés sont à égalité, les animaux, je ne sais pas qui encore.
01:18:37 Et c'est un argument qu'on retrouve déjà dans la Grèce ancienne,
01:18:40 Platon le dit, même les chevaux ne nous laissent plus passer
01:18:43 dans la cité démocratique athénienne.
01:18:46 Là il y a quelque chose qui est vraiment très intéressant
01:18:48 sur la dimension générative de la démocratie.
01:18:51 Une démocratie ce n'est pas seulement un régime,
01:18:53 c'est toujours une démocratisation.
01:18:54 Et évidemment pour les personnes qui détiennent le pouvoir,
01:18:57 une démocratisation ça signifie d'une certaine manière
01:19:00 une réduction de leur pouvoir,
01:19:01 parce que ça signifie qu'il va falloir le partager.
01:19:03 - D'Atrojoli ?
01:19:07 - Je suis d'accord sur le fait qu'il y a une crise majeure
01:19:12 dans notre société, notamment une crise de la représentation,
01:19:15 une crise des corps intermédiaires,
01:19:17 incontestablement qui n'arrivent plus à jouer leur rôle de relais.
01:19:19 Ils n'ont jamais été très forts en France,
01:19:21 c'est une des faiblesses de notre pays,
01:19:24 et donc ils prennent de plein fouet une crise
01:19:27 qui est beaucoup plus globale bien sûr.
01:19:29 Mais je pense qu'on pourrait ajouter quand même
01:19:31 une crise du civisme.
01:19:33 Être un homme libre dans une démocratie,
01:19:36 c'est avoir des devoirs aussi,
01:19:38 c'est avoir des droits mais aussi des devoirs.
01:19:39 On parle toujours de droits,
01:19:40 mais je n'entends parler que de droits,
01:19:42 jamais des devoirs que chacun de nous a,
01:19:45 des devoirs tout simples, tout bêtes,
01:19:46 par exemple porter secours à quelqu'un qui est en difficulté,
01:19:49 c'est un devoir qui s'impose à chacun d'entre nous.
01:19:52 Payer ses impôts honnêtement, etc.
01:19:55 Participer aux élections, on le dit,
01:19:58 se plaindre d'un déficit de démocratie
01:19:59 quand on ne va pas voter,
01:20:00 je trouve ça quand même un peu contradictoire.
01:20:02 Je sais bien que voter ne résout pas tous les problèmes
01:20:05 et qu'il y a une crise en effet du fait électoral,
01:20:07 que le système électoral actuellement n'est pas bon
01:20:09 et qu'il aurait besoin d'être corrigé,
01:20:11 c'est incontestable.
01:20:12 Mais n'empêche qu'il faut quand même
01:20:13 faire son devoir de citoyen.
01:20:15 Quand on ne le fait pas,
01:20:16 on s'interdit quand même de protester
01:20:18 dans beaucoup de domaines.
01:20:20 – Ah bah Stigler ?
01:20:22 – Faut que je réponde à…
01:20:22 – Non, non, non.
01:20:23 [Rires]
01:20:25 – Je réponds ?
01:20:27 D'accord.
01:20:28 Alors moi par exemple quand je me rends
01:20:31 sur ces places, ces casserolades,
01:20:35 quand je dis qu'avec les autres,
01:20:37 je dis qu'il faut qu'on soit entendus,
01:20:39 enfin ce n'est pas possible,
01:20:40 on ne peut pas continuer à avoir un pouvoir
01:20:42 comme ça qui est en roue libre
01:20:44 et qui est de manière de plus en plus violente.
01:20:46 Non seulement là nous impose cette réforme
01:20:48 qui est vécue comme on nous prend
01:20:50 deux ans de notre propre vie,
01:20:52 bon je ne vais pas reprendre les commentaires
01:20:54 que tout le monde a compris,
01:20:55 mais derrière c'est l'idée,
01:20:56 à partir de maintenant nous allons
01:20:57 sans cesse gouverner par ordonnance.
01:21:00 Jusqu'à quand ?
01:21:01 Pendant quatre ans comme ça,
01:21:02 à coup de tric, ce n'est pas possible.
01:21:03 Donc moi quand je vais,
01:21:05 quand je participe à ce mouvement,
01:21:07 ce qui est le cas depuis le début,
01:21:09 je le fais par devoir.
01:21:11 Je ne le fais pas pour mes droits,
01:21:13 à la limite, ce n'est pas la question.
01:21:16 Je le fais par devoir,
01:21:17 je considère que c'est quelque chose de civique.
01:21:19 C'est pour moi incroyable,
01:21:22 au moment où il se passe de telles choses
01:21:23 que beaucoup de gens ne s'y intéressent pas
01:21:26 et passent leur temps à aller faire des courses
01:21:27 dans la rue Sainte-Catherine de Bordeaux
01:21:29 et se disent "ah bon, il se passe quelque chose en France ?"
01:21:31 Alors oui, ils ont le droit d'aller acheter des vêtements,
01:21:34 ils ont le droit de consommer tant mieux,
01:21:35 mais moi je m'estime plus du côté du civisme
01:21:38 quand on est dans un tel moment politique aujourd'hui.
01:21:41 Et aujourd'hui ce qui se passe, moi, me réjouit.
01:21:44 Je suis comme tout le monde,
01:21:45 comme vous tous certainement, très inquiète.
01:21:47 Comme tout le monde, je le dis,
01:21:49 on nous annonce, moi depuis que je suis citoyenne,
01:21:52 on m'annonce qu'on va vers la catastrophe
01:21:54 et qu'à la fin c'est l'extrême droite
01:21:56 qui va arriver.
01:21:57 On voit des comportements qui ressemblent
01:21:58 beaucoup déjà à l'extrême droite,
01:21:59 au pouvoir quand même,
01:22:01 avec des gens qui sont mis à pied,
01:22:02 avec une brutalité absolument sans nom,
01:22:04 un déchaînement de violence,
01:22:05 des garde à vue plus qu'abusives.
01:22:08 On a quand même, je le rappelle,
01:22:10 tous ces organismes qui sont en alerte sur la France
01:22:12 et qui disent "la France est en pleine dérive".
01:22:14 Donc on a cela d'un côté,
01:22:16 mais de l'autre, qu'est-ce qui se passe ?
01:22:17 Aujourd'hui pour la première fois,
01:22:18 je suis dans un pays qui se demande
01:22:19 qu'est-ce que c'est que la démocratie ?
01:22:22 Et c'est magnifique, depuis les Gilets jaunes,
01:22:23 on se pose cette question.
01:22:24 C'est formidable,
01:22:25 parce qu'avant, ce n'était pas le cas du tout.
01:22:27 Moi, j'ai grandi dans un pays
01:22:28 dans lequel la démocratie, c'était très simple,
01:22:30 c'était le marché,
01:22:31 c'était d'avoir le droit d'aller faire son marché,
01:22:33 c'était d'avoir le droit de voter
01:22:35 pour que des représentants nous expliquent
01:22:36 comment il fallait faire.
01:22:37 Moi, ça ne m'a jamais plu,
01:22:38 cette vision de la démocratie.
01:22:39 Je n'ai jamais considéré que c'était la démocratie.
01:22:41 C'est le gouvernement représentatif
01:22:42 qui a été théorisé, effectivement,
01:22:44 par Sieyès, etc.
01:22:45 et auquel vous semblez fortement attaché,
01:22:47 ce que je ne conteste pas.
01:22:48 Vous avez le droit, c'est peut-être un excellent...
01:22:51 Mais essayons la démocratie.
01:22:52 La démocratie, ce n'est pas ça.
01:22:54 C'est l'inverse.
01:22:55 C'est un peuple qui gouverne.
01:22:56 Alors, ce n'est pas un peuple qui gouverne
01:22:58 en ayant la tête de César
01:23:02 ou la tête de Mélenchon
01:23:03 ou la tête de Le Pen
01:23:03 ou la tête de Macron.
01:23:05 La démocratie, c'est un ensemble de manières de vivre.
01:23:09 Donc, Astoriadis a très bien documenté ça.
01:23:11 C'est un régime de vie,
01:23:12 c'est des habitudes,
01:23:14 c'est toute une manière de vivre
01:23:15 dans laquelle il est, en fait, effectivement,
01:23:17 plus civique, parfois,
01:23:19 de manifester, de s'assembler,
01:23:21 d'élaborer ensemble du sens collectif
01:23:23 que d'aller faire ses petits achats
01:23:24 tranquillement à côté.
01:23:25 Et ce que je trouve scandaleux,
01:23:26 c'est que les médias, y compris cette chaîne,
01:23:28 n'hésitent pas à présenter, je le dis,
01:23:31 les gens qui font des casserolades
01:23:33 comme des gens qui ne sont pas civiques,
01:23:35 qui sont à la limite de la délinquance,
01:23:37 des terroristes.
01:23:38 Alors, des terroristes, comment ?
01:23:39 Des éco-terroristes,
01:23:40 quand on veut défendre la question de l'eau.
01:23:41 Écoutez, là, vous avez le droit,
01:23:43 vous pouvez les défendre, donc vous voyez bien que...
01:23:44 Je les défends, je les défends.
01:23:46 J'ai le droit, très bien.
01:23:48 Mais je veux dire qu'il y a un moment,
01:23:49 le civisme, réfléchissant à ce que c'est
01:23:52 d'être civique, c'est se soucier
01:23:55 véritablement de ce que c'est que le bien commun
01:23:58 ensemble et donc de s'engager politiquement,
01:24:00 en fait, donc de s'engager dans la rue
01:24:02 s'il le faut.
01:24:04 Un dernier mot sur ce sujet,
01:24:05 François Bousquet ?
01:24:08 Le civisme, oui, il est central.
01:24:09 Il n'y a pas de crise du civisme.
01:24:10 Il y a une crise de la représentation,
01:24:12 il y a une crise de la démocratie.
01:24:13 Pourquoi les gens iraient-ils voter
01:24:14 si leur vote n'est pas reconnu ?
01:24:16 Donc, c'est normal qu'on ait un tiers
01:24:17 de votes protestataires et un tiers
01:24:18 d'abstention.
01:24:20 On a évoqué le cas du référendum de 2005.
01:24:22 Mais il faut revenir aux révolutions de 1767
01:24:25 et ce qui est 1989 en France et aux Etats-Unis.
01:24:27 C'est qu'on a mis sur pied
01:24:28 des formes de démocratie limitées,
01:24:30 de démocratie substitutive
01:24:32 par la représentation, en l'occurrence.
01:24:34 On est au cœur ici du libéralisme.
01:24:36 Le libéralisme chez Tocqueville,
01:24:37 chez Constant, chez John Suermil,
01:24:39 c'est pas n'importe qui.
01:24:40 C'est la hantise du fait majoritaire.
01:24:42 C'est la peur que la majorité
01:24:44 débouche un pouvoir absolutiste.
01:24:46 Donc, on a tout fait pour contraindre,
01:24:47 pour limiter cette parole majoritaire.
01:24:50 Et on a commencé en 1989 quand on a transformé
01:24:52 la souveraineté populaire
01:24:55 en souveraineté nationale.
01:24:56 Donc, on a désarmé
01:24:58 le vote démocratique du peuple.
01:25:01 - François de...
01:25:04 Olivier Dard, pardon, une minute.
01:25:07 - Oui, écoutez, je ne vais pas revenir.
01:25:10 Je voudrais peut-être revenir quand même
01:25:11 sur la question de l'antipopulisme
01:25:13 parce que c'était quand même
01:25:14 le sujet du jour.
01:25:17 Pour dire à mon sens que
01:25:21 ce qui est quand même frappant,
01:25:22 c'est que cet antipopulisme
01:25:25 des élites, si vous voulez,
01:25:27 n'a pas empêché au moins jusqu'à ce jour
01:25:30 les populistes de progresser.
01:25:32 Je pense que simplement les populistes,
01:25:33 quelles que soient leurs obédiences,
01:25:35 auraient quand même quelque chose à faire.
01:25:37 C'est d'essayer d'arriver à sortir
01:25:39 d'une logique souvent trop protestataire
01:25:41 pour arriver à formaliser
01:25:44 un certain nombre de propositions,
01:25:45 davantage parce qu'au Parlement européen,
01:25:47 c'est là où il se retrouve en grande difficulté
01:25:49 face à un bloc central.
01:25:51 - On va laisser Isabelle Piboulot
01:25:53 nous faire un rappel des titres
01:25:55 et Clément Pétro va venir nous rejoindre
01:25:59 et on va s'intéresser à l'avenir,
01:26:02 pour lui, la France pavillonnaire.
01:26:05 - La manifestation de l'action française
01:26:10 prévue demain matin à Paris aura bien lieu.
01:26:13 Elle se tiendra devant la statue de Jeanne d'Arc
01:26:15 dans le premier arrondissement.
01:26:17 La justice a suspendu l'interdiction
01:26:19 prononcée par la préfecture de police
01:26:21 après une instruction du ministère de l'Intérieur
01:26:24 visant plusieurs manifestations d'extrême droite.
01:26:27 Le mouvement royaliste a déjà pu tenir
01:26:29 un colloque cet après-midi.
01:26:32 Il n'y a pas du tout de pause
01:26:33 dans l'ambition climatique de la France.
01:26:35 La Première ministre l'assure
01:26:37 après des déclarations controversées
01:26:39 d'Emmanuel Macron,
01:26:40 appelant à cesser de produire
01:26:42 de nouvelles normes environnementales
01:26:43 en Europe.
01:26:44 Elisabeth Borne a réaffirmé son soutien
01:26:47 au pacte vert avec l'objectif d'atteindre
01:26:49 la neutralité carbone en 2050.
01:26:52 Et puis, à la veille d'un scrutin
01:26:54 décisif pour la Turquie,
01:26:56 Recep Tayyip Erdogan a mobilisé ses partisans.
01:26:59 Ils se sont réunis autour d'une prière
01:27:01 à Istanbul sur le parvis de la mosquée Sainte-Sophie.
01:27:04 64 millions d'électeurs sont appelés
01:27:06 aux urnes demain pour les élections
01:27:08 présidentielles et législatives.
01:27:10 Les sondages annoncent des résultats serrés.
01:27:13 Un balotage serait une première
01:27:15 pour le président actuel.
01:27:16 La France compte à l'heure actuelle
01:27:21 environ 16 millions de maisons individuelles.
01:27:24 C'est 10 millions de plus qu'en 1968.
01:27:27 En 50 ans, la maison est passée de 40%
01:27:30 à 56% du parc de logement.
01:27:33 68% de la population française
01:27:35 vit en maison individuelle.
01:27:37 La surface moyenne y est de 114 mètres carrés
01:27:41 contre seulement 65 mètres carrés
01:27:43 dans les appartements.
01:27:44 Clément Pétro, bonsoir.
01:27:46 Vous êtes rédacteur en chef
01:27:47 des pages Société du Point
01:27:49 et vous publiez "Une maison sinon rien"
01:27:51 chez Stock.
01:27:52 L'avenir est au pavillon, dites-vous.
01:27:54 C'est ce que semblent confirmer les chiffres,
01:27:56 en effet, mais c'est également le contraire
01:27:58 de ce que pensent les élites parisiennes,
01:28:00 dites-vous, pour qui le modèle pavillonnaire
01:28:03 est écologiquement insoutenable
01:28:05 et politiquement dangereux,
01:28:07 comme on l'a vu avec la révolte
01:28:09 des Nuits Gilets Jaunes.
01:28:11 Alors ?
01:28:12 Alors, oui, il y a une contradiction.
01:28:14 Il y a une contradiction entre,
01:28:16 on va dire, les aspirations populaires
01:28:18 qui sont évidemment tournées vers la maison.
01:28:20 Elles le sont d'autant plus
01:28:21 que la ville a subi quand même
01:28:23 quelques crises.
01:28:23 On l'a vu avec les canicules,
01:28:26 avec le terrorisme,
01:28:27 avec les manifestations.
01:28:29 On voit que la ville est quand même
01:28:30 en crise assez régulièrement
01:28:31 et avec les prix qui flambent.
01:28:33 Et on voit que le mode de vie,
01:28:35 en tout cas avec un extérieur,
01:28:36 en maison, avec, on va dire,
01:28:39 un lieu où on peut aussi se protéger
01:28:41 de l'extérieur, de l'intimité,
01:28:42 développer une famille,
01:28:44 rencontre un vrai succès.
01:28:45 Donc, il y a une aspiration populaire
01:28:47 extrêmement forte sur le pavillonnaire.
01:28:50 Mais on voit bien que les politiques
01:28:51 publiques aujourd'hui sont en train
01:28:53 de resserrer un petit peu la vis.
01:28:55 Mais la maison reste l'objet
01:28:58 de toutes les convoitises en France.
01:29:00 C'est typiquement dans notre culture.
01:29:02 Mais en dépit de tout ce qu'elle peut
01:29:04 entraîner, c'est-à-dire une dépendance
01:29:07 quand même accrue à la voiture,
01:29:08 vous le racontez dans votre livre,
01:29:09 vous-même avez fait le choix de la maison
01:29:12 en 2019, je crois.
01:29:13 Vous vous êtes rendu compte qu'on ne peut
01:29:14 pas se passer de voiture,
01:29:15 ce n'est pas possible.
01:29:16 Vous avez dû en reprendre une.
01:29:17 Non, mais le modèle est vraiment...
01:29:19 Si on veut effectivement affronter
01:29:21 le changement de modèle écologique
01:29:23 et se préparer pour l'avenir,
01:29:24 effectivement, le modèle est en crise.
01:29:27 Et on voit bien qu'on est totalement
01:29:28 dépendant de la voiture.
01:29:29 On est dépendant de la voiture,
01:29:30 vous reconnaissez qu'il y a une
01:29:31 mobilité professionnelle qui est entravée.
01:29:34 De la même manière, il y a une
01:29:35 désertification des centres bourgs.
01:29:37 Qu'est-ce que vous appelez les centres
01:29:38 bourgs ?
01:29:39 Les centres bourgs, alors,
01:29:40 tout dépend de la taille.
01:29:41 En fait, un pavillon qui est dans
01:29:43 la banlieue d'une métropole n'a pas
01:29:45 grand-chose à voir avec un pavillon
01:29:47 qui est dans du rural distendu,
01:29:50 par exemple, et loin d'une métropole.
01:29:52 Donc, les centres bourgs, c'est plutôt
01:29:54 des structures de petites villes ou
01:29:56 villages qui sont dans du rural et qui,
01:29:59 pour le coup, ont été les premiers
01:30:01 à souffrir, notamment le commerce
01:30:03 a énormément souffert.
01:30:04 Les services publics aussi ?
01:30:06 Tout se tient, en fait.
01:30:07 C'est-à-dire que vous avez le commerce,
01:30:09 les services publics et l'habitat.
01:30:11 Et en fait, quand l'édifice commence
01:30:13 à s'effriter par un bout, tout vient
01:30:16 avec derrière.
01:30:16 Et donc, vous avez des services
01:30:18 publics qui, par exemple, vont se
01:30:19 regrouper dans des communautés de
01:30:20 communes et qui vont sortir, se mettre
01:30:22 sur des zones industrielles.
01:30:23 Le commerce va souffrir.
01:30:24 On va sortir du centre-ville.
01:30:25 Le centre-ville va se désertifier.
01:30:27 Les gens ne vont plus vouloir y
01:30:27 habiter et on se retrouve avec des
01:30:28 centres-villes un peu fantomatiques
01:30:30 ou les centres bourgs un peu fantomatiques.
01:30:31 Mais en dépit de tout cela,
01:30:32 vous dites que le modèle pavillonnaire
01:30:36 sera adoré demain par tous ceux
01:30:38 qui, aujourd'hui, le méprisent.
01:30:40 Disons qu'aujourd'hui, il est quand même...
01:30:41 Il correspond, il coche beaucoup de
01:30:42 cases sur les attentes de l'époque.
01:30:45 Un besoin d'extérieur, des mètres
01:30:46 carrés supplémentaires pas trop chers,
01:30:50 l'intimité.
01:30:51 Il y a quand même énormément de notions,
01:30:53 d'arguments qui lui sont plutôt
01:30:55 favorables. Après, effectivement,
01:30:57 culturellement, il n'est pas aimé.
01:30:58 Mais on apprend à aimer ce qu'on a
01:31:00 désesté, c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
01:31:01 les pavillons qui s'arrachent 400 000
01:31:03 euros dans la banlieue parisienne
01:31:05 des années 1920, qu'on trouve assez
01:31:06 sympathiques avec leur petite marquise
01:31:08 en bois, etc., étaient qualifiés de
01:31:11 lèpre pavillonnaire dans les années
01:31:12 1920. Il faut quand même comprendre
01:31:14 que le regard peut aussi changer avec
01:31:16 le temps.
01:31:17 Oui, parce qu'en plus, là, vous parlez
01:31:18 de la France pavillonnaire, mais au
01:31:19 fond, c'est la France des maisons
01:31:21 individuelles, tout simplement.
01:31:22 Et les maisons individuelles, il y en
01:31:23 a de toutes sortes. Il y en a pour des
01:31:24 gens très, très riches. Il y en a pour
01:31:26 des gens moins riches.
01:31:27 Et il y a de tout.
01:31:28 Oui, mais il y a quand même l'idée
01:31:31 en France très ancrée et qui a été
01:31:34 travaillée depuis la moitié du
01:31:36 19e siècle, que l'habitat populaire
01:31:38 est un habitat de maison dont on est
01:31:40 propriétaire.
01:31:41 Donc, c'est vraiment deux notions qui
01:31:42 sont extrêmement importantes, ce qui
01:31:44 explique aussi la passion
01:31:48 compulsive et obsessionnelle de nos
01:31:49 concitoyens sur ces questions-là.
01:31:51 C'est-à-dire qu'on
01:31:53 a l'idée, on a le sentiment qu'on peut
01:31:55 s'élever socialement
01:31:57 par un pavillon dont on est
01:31:58 propriétaire et que l'on finance par
01:32:00 son travail.
01:32:01 Donc, ça, c'est quelque chose qui est
01:32:02 extrêmement présent dans l'esprit
01:32:04 français et qui,
01:32:06 aujourd'hui, est un peu remis en cause
01:32:07 par la fin du modèle.
01:32:08 Et c'est ça qui est intéressant.
01:32:10 C'est-à-dire qu'on voit que
01:32:12 le pavillon est en train de
01:32:15 se désolidariser de la classe
01:32:16 moyenne. En fait, on a construit des
01:32:18 classes moyennes sur le pavillonnage.
01:32:19 Et aujourd'hui, est-ce qu'on va être
01:32:21 capable de construire des classes
01:32:22 moyennes sans pavillon, sans maison ?
01:32:24 C'est une vraie réflexion à mener.
01:32:26 En même temps, vous dites, c'est le
01:32:27 vrai luxe de demain.
01:32:28 Il est là.
01:32:29 Je ne parle pas du pavillon en soi,
01:32:31 dans la maison individuelle, quelle
01:32:32 qu'elle soit.
01:32:34 La nature, le calme, l'intimité,
01:32:37 la sécurité, la liberté de
01:32:39 mouvement.
01:32:40 Voilà tout ce qui a fait qu'un
01:32:42 certain nombre d'habitants des
01:32:43 grandes villes ont vu les grandes
01:32:45 villes depuis quelque temps et
01:32:46 notamment depuis le Covid pour,
01:32:49 comme vous l'avez fait, vous, pour
01:32:50 acheter une maison.
01:32:51 Pour vous, ça, c'est l'avenir et ce
01:32:56 sera le vrai luxe demain.
01:32:58 Et en plus, vous dites que vivre
01:33:01 dans une maison, ça change votre
01:33:02 vision du monde.
01:33:03 Pourquoi ?
01:33:04 Ça change le rapport à l'extérieur,
01:33:09 au voisinage, à l'intimité.
01:33:10 C'est quelque chose d'extrêmement,
01:33:12 d'extrêmement fort.
01:33:13 Vous n'avez pas le même rapport,
01:33:15 par exemple, au passage dans la rue
01:33:18 quand vous êtes dans un appartement
01:33:19 que quand vous êtes dans une maison.
01:33:20 Vous voyez qu'on a quand même un
01:33:21 sport national en France qui est de
01:33:22 se planquer derrière des haies ou
01:33:24 derrière des palissades et
01:33:27 pour se soustraire du regard de
01:33:28 l'autre. C'est une activité.
01:33:29 Vous voulez dire qu'on se cache derrière ?
01:33:31 Oui, on se cache. Même s'il n'y a
01:33:32 personne qui passe, on se cache.
01:33:33 C'est la différence avec les
01:33:35 maisons américaines dont on voit la
01:33:36 pelouse arriver jusqu'au trottoir.
01:33:38 En France, on a des haies du tuyau et
01:33:39 des rideaux et des doubles rideaux
01:33:40 pour vraiment être sûr qu'on ne
01:33:42 voit pas.
01:33:43 Ça, c'est une pratique culturelle
01:33:45 qui est extrêmement forte et
01:33:46 extrêmement ancrée, que vous ne
01:33:47 trouvez pas aux Pays-Bas, que vous
01:33:48 ne trouvez pas aux Etats-Unis, que
01:33:49 vous ne trouvez peut-être pas en
01:33:50 Suisse, je ne sais pas.
01:33:51 On va demander.
01:33:52 Ou encore pire en Suisse.
01:33:53 Mais donc,
01:33:56 il y a quand même un...
01:33:57 La maison, c'est aussi une manière de
01:33:58 se retirer du monde.
01:33:59 Pas forcément de manière négative,
01:34:01 mais il y a une forme de repli
01:34:03 sur soi pour pouvoir vivre sa vie
01:34:05 à l'abri des regards.
01:34:06 Mais en même temps, on a
01:34:08 un autre rapport avec ses voisins.
01:34:10 On a un autre rapport avec l'amitié,
01:34:12 dites-vous.
01:34:14 Donc, ce n'est pas non plus un repli
01:34:15 où on ne veut plus voir personne.
01:34:16 Pas du tout.
01:34:17 Non, pas du tout.
01:34:17 Non, mais l'idée de repli, elle
01:34:19 existe dans certaines
01:34:22 zones. Disons qu'il y a une considération
01:34:23 par exemple politique.
01:34:24 On a tendance à considérer que le
01:34:25 pavillonnaire va générer du vote
01:34:27 populiste. On l'a vu.
01:34:29 Électoralement, je n'ai pas besoin de
01:34:30 critiquer comment ça marche.
01:34:31 Ça, c'est la rhétorique anti-populiste.
01:34:32 Voilà.
01:34:33 Sans jamais
01:34:35 imaginer, par exemple, que
01:34:38 le fait de se retirer du monde n'est
01:34:40 pas uniquement quelque chose qu'on
01:34:41 veut subir, que l'on va subir, mais
01:34:43 aussi que l'on peut choisir.
01:34:44 C'est-à-dire qu'il y a aussi une
01:34:45 volonté de se mettre à l'abri d'un
01:34:47 monde qu'on peut avoir du mal à
01:34:48 comprendre, avec lequel on est en
01:34:49 désaccord, qui ne nous intéresse
01:34:51 pas. Et ça, c'est quelque chose
01:34:52 qu'on retrouve beaucoup dans
01:34:54 l'esprit pavillonnaire aujourd'hui.
01:34:57 Mais ça change le rapport aux
01:34:58 distances, par exemple.
01:34:59 Vous dites, alors, j'imagine,
01:35:01 c'est parce qu'on passe plus de
01:35:02 temps en voiture.
01:35:04 Vous avez un mode de vie qui est
01:35:05 forcément axé autour des
01:35:06 déplacements, puisque par nature,
01:35:09 tout n'est quasiment accessible
01:35:10 qu'en voiture.
01:35:11 Et donc, vous avez la
01:35:13 nécessité d'avoir un, deux, trois
01:35:15 véhicules.
01:35:17 Et puis, vous avez aussi...
01:35:19 Quand vous êtes une famille
01:35:20 nombreuse.
01:35:20 Une famille nombreuse, mais à un
01:35:21 moment, vous avez besoin...
01:35:23 Je donne un chiffre que vous
01:35:24 donnez dans votre livre.
01:35:25 Les Français font les plus longues
01:35:26 navettes entre leur domicile et
01:35:28 leur travail.
01:35:29 83 minutes par jour.
01:35:30 Ça, c'est lié à notre envie
01:35:32 d'avoir une maison.
01:35:33 Exactement.
01:35:33 Exactement.
01:35:34 Et c'est lié aussi au fait que
01:35:36 les classes populaires ont choisi
01:35:38 de s'éloigner des centres-villes
01:35:40 et des métropoles pour pouvoir
01:35:42 avoir une maison.
01:35:43 Et ça, c'est quelque chose qui
01:35:45 se mesure quotidiennement.
01:35:49 Barbara Stiegler.
01:35:50 Oui, alors, je ne suis pas du tout
01:35:52 spécialiste de cette question,
01:35:54 mais c'est le jeu de...
01:35:56 Est-ce que vraiment les classes
01:35:58 populaires ont choisi...
01:36:00 Si vous voulez...
01:36:03 À partir du moment où il n'est
01:36:04 plus possible de louer des
01:36:06 surfaces décentes dans les
01:36:08 villes, je ne parle même pas des
01:36:10 centres-villes, mais où ça devient
01:36:12 absolument des prix prohibitifs,
01:36:14 c'est-à-dire que vous ne pouvez
01:36:14 tout simplement pas vous loger.
01:36:16 L'exemple de Bordeaux.
01:36:17 Bordeaux était une ville très
01:36:19 populaire au sens...
01:36:21 Dans l'autre sens du terme
01:36:22 "le peuple", pas "des mostres".
01:36:24 Très populaire, une ville très
01:36:25 populaire, donc en centre-ville,
01:36:27 une très belle ville du XVIIIe
01:36:28 siècle, où toute la moitié,
01:36:30 il y a une moitié qui est très
01:36:30 riche, brutilante, et puis il y a
01:36:32 une autre moitié qui est
01:36:33 populaire, où il y a toute une
01:36:35 vie depuis des années.
01:36:36 Ça se passe très bien,
01:36:37 d'ailleurs.
01:36:37 Évidemment, il y a, comme dans
01:36:39 toute ville, des difficultés,
01:36:40 mais c'était plutôt réussi,
01:36:43 on va dire.
01:36:44 Et puis, il y a eu un phénomène
01:36:46 de parisianisation, je ne sais
01:36:47 pas comment ça s'appelle.
01:36:49 De métropolisation.
01:36:49 De métropolisation, plutôt, oui.
01:36:51 Et on dit souvent que Bordeaux
01:36:52 est un petit Paris.
01:36:54 Et en fait, de manière très
01:36:56 brutale, toutes ces classes
01:36:59 populaires ont été chassées.
01:37:02 Et en fait, c'est une des
01:37:03 raisons pour lesquelles...
01:37:04 Donc, ces pavillons, ce sont...
01:37:07 Alors évidemment, ça correspond
01:37:09 à une demande sociale.
01:37:10 Au bout d'un moment, quand vous
01:37:10 n'avez pas le choix, vous vous
01:37:11 inventez un autre monde.
01:37:12 Bon, voilà.
01:37:14 Voilà.
01:37:14 Non, mais je veux dire, les gens
01:37:15 ne naissent pas avec une envie
01:37:17 de maison.
01:37:19 Non, mais ni avec une envie de
01:37:21 vivre en immeuble.
01:37:21 Je veux dire que c'est des
01:37:22 constructions sociales...
01:37:23 Bah, culturelles.
01:37:24 Qui viennent pas des...
01:37:25 Non, mais on peut choisir,
01:37:27 comme le raconte Clément
01:37:29 Petreau dans son livre, on peut
01:37:30 choisir justement la maison,
01:37:33 parce que c'est plus de surface.
01:37:34 Je l'ai dit, c'est 114 mètres
01:37:36 carrés, c'est le double quasiment
01:37:38 de ce qu'on aurait en...
01:37:38 Si les gens qui, ensuite, sont
01:37:39 devenus des Gilets jaunes et ont
01:37:41 déferlé sur Bordeaux, très en
01:37:42 colère, sont allés chercher...
01:37:45 C'est que, tout simplement, ils
01:37:46 ne pouvaient plus vivre en ville.
01:37:46 Donc, ils sont partis pour des
01:37:47 raisons économiques.
01:37:49 Ensuite, ils ont été chassés.
01:37:50 Il y a eu tous ces problèmes de
01:37:51 voiture. Ensuite, on leur explique
01:37:52 les 80 km/h, le contrôle
01:37:54 technique, la taxe, bien sûr,
01:37:55 carbone. Et qu'est-ce qui se
01:37:57 passe ? Il se passe que cette
01:37:59 ville, qui était, par ailleurs,
01:38:00 pourtant très tranquille, devient
01:38:01 une des deuxièmes, peut-être
01:38:02 deuxième ville Gilets jaunes de
01:38:04 France. Et Alain Juppé, je le
01:38:06 rappelle, a été...
01:38:07 Lui, qui était encensé comme un
01:38:09 excellent maire partout sur les
01:38:10 plateaux, a été, pour la
01:38:11 première fois pendant la crise
01:38:12 des Gilets jaunes, sans cesse
01:38:13 montré du doigt.
01:38:14 Mais finalement, il a fait
01:38:15 quelque chose. Il a fait un petit
01:38:16 pari avec tous les problèmes de
01:38:17 Paris. Il était très mortifié.
01:38:18 Et d'ailleurs, il est parti.
01:38:19 Maintenant, il est au Conseil
01:38:20 constitutionnel. Il a carrément
01:38:22 abandonné les bordelets. Il est
01:38:23 parti. Il a pris le...
01:38:24 – C'est d'ailleurs ce qu'évoque
01:38:26 Barbara Stigler. C'est le sujet du
01:38:28 dernier livre de Christophe
01:38:29 Guillemy.
01:38:29 – Oui, bien sûr.
01:38:30 – Oui, voilà.
01:38:31 – C'est juste, quand vous dites...
01:38:33 Moi, à un moment, j'ai acheté une
01:38:34 maison, puis j'ai dû revenir en
01:38:35 ville. Enfin, peu importe, ça n'a
01:38:36 aucun intérêt. Mais quand je suis
01:38:37 partie chercher la maison, c'est
01:38:38 parce que je ne pouvais pas
01:38:39 acheter ou louer à Paris.
01:38:42 – Oui, alors, je pense qu'il y a
01:38:43 deux phénomènes dans ce que vous
01:38:44 décrivez. Il y a, d'une part, la
01:38:45 métropolisation de la France qui
01:38:47 est un phénomène, même de tous
01:38:48 les pays européens. On voit que
01:38:49 les villes, les grandes villes,
01:38:50 sont devenues effectivement des
01:38:52 petits Paris, c'est-à-dire qu'elles
01:38:53 sont extrêmement reliées au reste
01:38:55 du monde par des aéroports, des
01:38:56 lignes à grande vitesse. Il y a
01:38:57 une offre culturelle majeure.
01:38:59 On voit qu'il y a une espèce de
01:39:00 gentrification des villes qui est
01:39:01 très, très forte. Et dans un même
01:39:03 temps, il y a un avènement du
01:39:05 pavillon de la maison. On a 70%
01:39:07 de la population en maison
01:39:08 aujourd'hui. Donc, c'est quand
01:39:09 même un modèle très largement
01:39:10 majoritaire, même si les villes
01:39:11 nous font oublier, nous font
01:39:13 croire que le modèle
01:39:14 d'appartement est de centre-ville
01:39:15 majoritaire. Mais en fait, ça ne
01:39:17 l'est pas du tout.
01:39:17 Moi, je suis d'accord. C'est juste
01:39:18 une idée que ça viendrait d'un
01:39:20 désir. Ça vient du projet de
01:39:21 dysfonctionnement.
01:39:22 Il y a aussi le désir quand même
01:39:23 de surface, de plusieurs chambres,
01:39:25 de jardin, de bâture.
01:39:28 J'entends ce que vous dites.
01:39:29 Vous pouvez l'avoir en ville, ça ?
01:39:30 Oui.
01:39:31 Vous avez aujourd'hui des
01:39:32 résidences qui sont...
01:39:34 Toute l'architecture écologique
01:39:36 est fondée là-dessus. Alors là,
01:39:37 à Bordeaux aussi, il y a beaucoup
01:39:38 de...
01:39:39 Oui, mais à quel prix ?
01:39:40 Enfin là, pour le coup...
01:39:41 Non, mais il y a toutes sortes.
01:39:42 Et puis, ce n'est pas la même
01:39:43 chose celui de 5 étages que
01:39:44 Mouin-le-Caussé.
01:39:45 Il y a dans le monde entier des
01:39:46 expérimentations en architecture,
01:39:48 des architectures les plus
01:39:49 innovantes, qu'elles soient
01:39:50 écologiques, qu'elles permettent
01:39:51 justement qu'on ne soit pas
01:39:52 enfermé dans des tours en béton.
01:39:54 Il y a quand même des choses qui
01:39:55 peuvent se jouer dans de nouvelles
01:39:56 formes de vie urbaine.
01:39:58 Ce n'est pas nécessairement
01:39:59 l'enfer qu'on a connu avant.
01:40:01 Et ça a à voir aussi avec le type
01:40:03 de propriété, parce que si c'est
01:40:04 une propriété coopérative, par
01:40:06 exemple, il y a des grandes
01:40:07 expériences, notamment en
01:40:08 Allemagne et dans d'autres pays,
01:40:10 ça change tout.
01:40:11 Mais plus généralement, c'est
01:40:12 intéressant parce que ça rappelle
01:40:13 que l'urbanisme, l'architecture
01:40:15 et l'aménagement du territoire
01:40:16 sont non seulement, évidemment,
01:40:17 des questions politiques, mais
01:40:18 des questions en lien avec la
01:40:19 démocratie.
01:40:20 Et on a deux figures, deux
01:40:22 modèles.
01:40:23 On a un modèle jeffersonien
01:40:24 américain où, effectivement,
01:40:25 chacun est chez soi avec son
01:40:27 petit jardin, son arme à feu,
01:40:28 éventuellement, pour défendre
01:40:29 son pain de terre.
01:40:30 Et ensuite, on se met en commun
01:40:31 à quelques moments quand il faut
01:40:33 régler des affaires communes.
01:40:34 Et puis, il y a une autre
01:40:35 tradition qui est plutôt une
01:40:36 tradition européenne où la
01:40:38 démocratie, elle, naît en ville,
01:40:39 tout simplement.
01:40:40 Elle naît dans des habitats
01:40:41 collectifs où on est les uns sur
01:40:42 les autres, pas en se tapant
01:40:43 dessus, mais où il y a une
01:40:44 hétérogénéité qui est
01:40:46 effectivement avec une certaine
01:40:48 condensation.
01:40:49 Là, dans ce que vous venez de
01:40:50 dire, ça montre que la France,
01:40:52 en tout cas, est peut-être en
01:40:53 train de passer d'un modèle à
01:40:54 un autre.
01:40:55 - J'ajouterais à ce que vous
01:40:56 dites, pour dire un mot de la
01:40:58 France, le fait que dans toute
01:41:01 cette montée, effectivement,
01:41:04 qu'on a pu observer des
01:41:05 déclinements du populisme, il y a
01:41:06 aussi, et c'est concomitant,
01:41:08 tout ça, l'effondrement d'un
01:41:11 certain nombre de politiques
01:41:12 publiques d'aménagement du
01:41:13 territoire.
01:41:14 Je sais qu'on a refait des
01:41:16 choses sur la planification,
01:41:17 mais on est quand même très,
01:41:18 très loin de ce que ça avait pu
01:41:19 être.
01:41:20 Et deuxième élément, reposer,
01:41:22 repenser la question de notre
01:41:24 rapport à la décentralisation.
01:41:25 Parce que quand on regarde
01:41:27 aujourd'hui quand même, vous
01:41:29 parliez des services publics,
01:41:31 ce que sont devenus dans un
01:41:32 certain nombre de territoires
01:41:33 les services publics, vous avez
01:41:35 un certain nombre de
01:41:36 territoires dans lesquels les
01:41:37 familles ne peuvent plus vivre.
01:41:39 Disons-le très clairement,
01:41:40 quand vous n'avez plus d'école,
01:41:41 quand vous n'avez plus de...
01:41:42 Voilà, on en est là.
01:41:44 C'était quelque chose
01:41:45 effectivement qui...
01:41:47 - Alors Clément Petrous, si
01:41:48 l'avenir est au pavillon...
01:41:50 - Moi je crois pas.
01:41:51 - Non mais il faut aussi,
01:41:52 effectivement, il faut réfléchir
01:41:53 à la forme de ville qui va avec
01:41:54 dans ce que vous dites, et
01:41:55 c'est effectivement intéressant.
01:41:57 Ça me fait penser à une note de
01:41:58 la Fondation Jean Jaurès qui est
01:41:59 sortie au mois d'octobre, je
01:42:01 crois, ou novembre, sur les
01:42:03 sous-préfectures, et on voit que
01:42:04 les sous-préfectures, en fait,
01:42:05 le bascule.
01:42:06 C'est-à-dire qu'il y a des
01:42:07 sous-préfectures qui votaient
01:42:08 PS en 2012, En Marche en 2017,
01:42:09 et qui ont voté RN en 2022,
01:42:10 et il y en a, je crois, une
01:42:11 vingtaine, et il y a vraiment
01:42:12 un modèle de bascule.
01:42:13 Et dans ce modèle de bascule,
01:42:14 on voit que la petite fonction
01:42:15 publique est effectivement
01:42:16 assez importante, à la fois
01:42:17 dans l'électorat, et puis
01:42:18 l'effondrement des services
01:42:19 publics contribue aussi à la
01:42:20 montée du vote RN de manière
01:42:21 très nette.
01:42:22 - Est-ce que François Bousquet
01:42:23 est toujours avec nous ?
01:42:24 Ah non, il nous a quittés.
01:42:25 Alors, je le salue, je le remercie
01:42:26 d'avoir été là.
01:42:27 Vous dites, Clément Pétrow,
01:42:28 qu'il y a quand même, à ce
01:42:29 modèle pagillonnaire, qui
01:42:30 effectivement répond à beaucoup
01:42:31 de fantasmes français, il y a
01:42:32 quand même des talons d'Achille.
01:42:33 Il y a la plus grande dépendance
01:42:34 aux déplacements individuels,
01:42:35 vous l'avez dit, et il y a
01:42:36 aussi la dépendance aux
01:42:37 déplacements individuels,
01:42:38 et c'est un modèle qui est
01:42:39 très important.
01:42:40 Et je pense que, en fait,
01:42:41 c'est un modèle qui est très
01:42:42 important, parce que, en fait,
01:42:43 il y a des talons d'Achille
01:42:44 qui sont très importants,
01:42:45 parce qu'ils sont très
01:42:46 importants, parce que, en fait,
01:42:47 il y a des talons d'Achille qui
01:42:48 sont très importants, parce que
01:42:49 il y a des talons d'Achille qui
01:42:50 sont très importants, parce que
01:42:51 il y a des talons d'Achille qui
01:42:52 sont très importants, parce que
01:42:53 il y a des talons d'Achille qui
01:42:54 sont très importants, parce que
01:42:55 il y a des talons d'Achille qui
01:42:56 sont très importants, parce que
01:42:57 il y a des talons d'Achille qui
01:42:58 sont très importants, parce que
01:42:59 il y a des talons d'Achille qui
01:43:00 sont très importants, parce que
01:43:01 il y a des talons d'Achille qui
01:43:02 sont très importants, parce que
01:43:03 il y a des talons d'Achille qui
01:43:04 sont très importants, parce que
01:43:05 il y a des talons d'Achille qui
01:43:28 sont très importants, parce que
01:43:29 il y a des talons d'Achille qui
01:43:30 sont très importants, parce que
01:43:31 il y a des talons d'Achille qui
01:43:32 sont très importants, parce que
01:43:33 il y a des talons d'Achille qui
01:43:34 sont très importants, parce que
01:43:35 il y a des talons d'Achille qui
01:43:36 sont très importants, parce que
01:43:37 il y a des talons d'Achille qui
01:43:38 sont très importants, parce que
01:43:39 il y a des talons d'Achille qui
01:43:40 sont très importants, parce que
01:43:41 il y a des talons d'Achille qui
01:43:42 sont très importants, parce que
01:43:43 il y a des talons d'Achille qui
01:43:44 sont très importants, parce que
01:43:45 il y a des talons d'Achille qui
01:43:46 sont très importants, parce que
01:43:47 il y a des talons d'Achille qui
01:43:48 sont très importants, parce que
01:43:49 il y a des talons d'Achille qui
01:43:50 sont très importants, parce que
01:43:51 il y a des talons d'Achille qui
01:43:52 sont très importants, parce que
01:43:53 il y a des talons d'Achille qui
01:44:16 sont très importants, parce que
01:44:17 il y a des talons d'Achille qui
01:44:18 sont très importants, parce que
01:44:19 il y a des talons d'Achille qui
01:44:20 sont très importants, parce que
01:44:21 il y a des talons d'Achille qui
01:44:22 sont très importants, parce que
01:44:23 il y a des talons d'Achille qui
01:44:24 sont très importants, parce que
01:44:25 il y a des talons d'Achille qui
01:44:26 sont très importants, parce que
01:44:27 il y a des talons d'Achille qui
01:44:28 sont très importants, parce que
01:44:29 il y a des talons d'Achille qui
01:44:30 sont très importants, parce que
01:44:31 il y a des talons d'Achille qui
01:44:32 sont très importants, parce que
01:44:33 il y a des talons d'Achille qui
01:44:34 sont très importants, parce que
01:44:35 il y a des talons d'Achille qui
01:44:36 sont très importants, parce que
01:44:37 il y a des talons d'Achille qui
01:44:38 sont très importants, parce que
01:44:39 il y a des talons d'Achille qui
01:44:40 sont très importants, parce que
01:44:41 il y a des talons d'Achille qui
01:45:05 sont très importants, parce que
01:45:06 il y a des talons d'Achille qui
01:45:07 sont très importants, parce que
01:45:08 il y a des talons d'Achille qui
01:45:09 sont très importants, parce que
01:45:10 il y a des talons d'Achille qui
01:45:11 sont très importants, parce que
01:45:12 il y a des talons d'Achille qui
01:45:13 sont très importants, parce que
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