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Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir

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00:00:00 - Bonsoir, c'est Frédéric Taddeï.
00:00:05 Depuis que les questions de cette émission me demandent tout le temps, est-ce que c'est
00:00:08 une émission d'actualité ? Oui et non.
00:00:10 C'est-à-dire que les événements, l'actualité, c'est l'écume des choses.
00:00:15 Et nous, c'est plutôt la mer qui est en dessous qui nous intéresse.
00:00:18 Et les visiteurs du soir, justement, c'est ceux qui viennent nous raconter la mer.
00:00:23 Je ne sais pas si je suis très clair.
00:00:25 Générique.
00:00:26 Générique.
00:00:32 Et les visiteurs ce soir sont Jean-Emmanuel Bibaud, médecin, chercheur, professeur à
00:00:45 l'université.
00:00:46 Il va nous raconter comment l'intelligence artificielle est en train de révolutionner
00:00:50 la médecine.
00:00:51 Laurent Alexandre, qui a été chirurgien dans une autre vie et qui a beaucoup écrit
00:00:55 sur l'avenir de la médecine et sur l'avenir de l'intelligence artificielle.
00:00:59 On va se demander également pourquoi tant de Français sont opposés à la réforme
00:01:04 des retraites.
00:01:05 Avec Michel Baffesoli, il n'est pas encore là, il sera avec nous en duplex.
00:01:08 C'est l'auteur de l'ère des sous-lèvements.
00:01:10 Et pourquoi tant de jeunes aussi sont opposés à la réforme des retraites.
00:01:14 Et ça, c'est Céline Marty qui a une réponse dans son livre "Travailler moins pour vivre
00:01:19 mieux".
00:01:20 Et puis on va revenir au temps où la France comptait 130 départements à Rome, Amsterdam,
00:01:26 Bruxelles, Barcelone, Hambourg, Mayence.
00:01:30 Toutes ces villes étaient des préfectures françaises.
00:01:33 C'était sous Napoléon, mais est-ce que tout ça faisait d'excellents Français ?
00:01:38 C'est ce que va nous dire Aurélien Lignereux, l'auteur de "L'Empire de la paix".
00:01:43 Et sur cet aspect peu connu de l'Empire napoléonien, l'historien Thierry Lenz, le directeur de
00:01:49 la fondation Napoléon, est également présent.
00:01:52 Et l'on commence avec une mathématicienne, c'est Clotilde Fermagnan.
00:01:57 Clotilde, vous êtes professeure de mathématiques à l'université Paris-Est de Créteil, affiliée
00:02:03 au laboratoire de recherche mathématique d'Angers.
00:02:05 La France manque cruellement d'ingénieurs.
00:02:08 Le patron de Thalès l'a encore dit ce matin dans une grande interview au JDD.
00:02:12 On manque d'ingénieurs et de scientifiques.
00:02:14 Vous qui êtes prof de maths, est-ce que vous avez une explication ?
00:02:17 Alors effectivement, on manque de scientifiques.
00:02:19 On a l'impression que notre pays connaît une certaine désaffection pour les sciences.
00:02:23 Et dans les métiers que vous citez, il y a les mathématiques qui sont en fond sous-jacentes.
00:02:29 C'est le tronc commun.
00:02:30 C'est le tronc commun.
00:02:31 Les mathématiques servent pour les autres sciences.
00:02:34 Et alors si on manque d'ingénieurs, c'est parce qu'en fait on manque de gens qui font
00:02:37 des mathématiques ?
00:02:38 Oui, oui, on manque de jeunes qui se dirigent vers ces filières scientifiques en général.
00:02:45 Et il y a une certaine inquiétude aussi qu'il y en ait moins qu'avant.
00:02:48 Donc voilà, c'est un petit peu le…
00:02:51 Vous en tant que prof, vous le constatez ?
00:02:53 En tant que prof, nos enfils sont pleins.
00:02:57 Ils ne sont pas forcément gros.
00:02:59 Quand il y a eu la réforme blancaire, elle avait provoqué une baisse drastique des heures
00:03:05 de mathématiques enseignées au lycée.
00:03:07 Je vous avais invité sur Europe 1 à ce moment-là, à l'époque, pour pousser un cri d'alarme.
00:03:12 Vous avez été entendu puisque la réforme a été ensuite corrigée.
00:03:16 Est-ce que l'enseignement des maths dans le secondaire est revenu à la normale ?
00:03:20 Alors revenu à la normale, on ne peut pas encore dire.
00:03:22 Non, c'est toujours moins qu'avant.
00:03:24 Disons qu'il y a eu une heure et demie de plus en maths essentiellement en seconde
00:03:28 ou en première, en première plutôt.
00:03:30 Au moment où ça se sépare en première, où les jeunes choisissent leur spécialité.
00:03:35 Donc c'est là où il y a une heure et demie de maths qui a été remise dans le tronc commun.
00:03:39 Ce n'est toujours pas énorme.
00:03:40 Donc il faudra faire le bilan dans un an.
00:03:43 On verra ce que ça donne.
00:03:45 On manque de professeurs de maths. Pourquoi ?
00:03:48 Alors on manque de professeurs de maths depuis...
00:03:51 En fait, c'est quelque chose qu'on arrive à bien identifier au niveau de l'université.
00:03:55 Il y a un moment où on a vu nos promotions de gens qui préparaient le CAPES fondre.
00:04:00 Et c'est le moment où il y a eu une réforme du CAPES qui s'appelle la masterisation.
00:04:05 C'est-à-dire qu'avant, on préparait sa licence, donc trois ans d'université.
00:04:09 Ensuite, on décidait, est-ce que je vais faire une maîtrise de maths,
00:04:12 et ensuite peut-être faire un DESS d'ingénierie,
00:04:14 ou est-ce que je vais directement préparer le CAPES et travailler et gagner ma vie ?
00:04:18 Et devenir prof.
00:04:19 Voilà, et gagner sa vie.
00:04:20 Aujourd'hui, à la fin de la licence, on se demande, je vais faire quel master je peux me diriger.
00:04:26 Et donc les jeunes ont beaucoup de propositions, dont l'enseignement,
00:04:30 mais aussi tous ces masters qui amènent vers des métiers d'ingénierie.
00:04:34 Vous voulez dire qu'avant, il fallait trois ans d'études pour être prof de maths.
00:04:38 Aujourd'hui, il en faut cinq, et quand on a fait cinq ans d'études en maths,
00:04:41 on peut prétendre à des emplois bien mieux rémunérés que prof de maths, c'est ça ?
00:04:45 On peut le voir comme ça.
00:04:46 Je dirais qu'au moment où ils se posent la question, les jeunes, ils ont plein de possibilités autres.
00:04:51 Et donc finalement, ceux qui vont vers l'enseignement, c'est les gens qui sont très motivés.
00:04:56 Le bon côté des choses, si on peut toujours voir le verre plein, le verre à moitié plein,
00:05:01 c'est qu'on a des jeunes qui se dirigent vers le professoral, qui veulent être enseignants.
00:05:07 Ils sont motivés, ils ont une certaine vocation.
00:05:10 Donc en fait, si on voulait de nouveau qu'il y ait beaucoup de professeurs de maths,
00:05:13 comme autrefois, il faudrait baisser un tout petit peu le nombre d'années d'études ?
00:05:18 C'est plus complexe, je pense, que une petite revalorisation aussi peut-être salariale,
00:05:24 ça pourrait être pas mal aussi.
00:05:26 Je dirais qu'entre quelqu'un qui a fait cinq ans d'études et qui devient enseignant de mathématiques,
00:05:32 et quelqu'un qui a fait cinq ans d'études et qui devient un data scientist,
00:05:35 c'est pas les mêmes salaires.
00:05:37 Donc c'est sûr qu'il y a un aspirateur du côté des enseignants.
00:05:40 Le roi Alexandre qui sourit.
00:05:42 Les gens ne se rendent même pas compte.
00:05:44 En France, au moment où nous parlons, là début 2023,
00:05:47 les très bons spécialistes des LLM, comme Chad Gpt,
00:05:51 ont à 30 ans un salaire annuel entre 1 et 3 millions d'euros.
00:05:56 1 à 3 millions d'euros.
00:05:58 Je parle des bons, des bons spécialistes de Chad Gpt et des autres LLM.
00:06:02 Donc effectivement, quand on voit comment on paye les professeurs de mathématiques au lance-pierre,
00:06:06 quand on peut être développeur en intelligence artificielle,
00:06:09 on ne va pas dans la fonction publique de l'éducation,
00:06:12 on va chez les géants du numérique faire des développements informatiques autour de l'IA.
00:06:16 Est-ce qu'il y a toujours moins de filles que de garçons dans les filières mathématiques et scientifiques en général ?
00:06:22 Ça, c'est un effet pervers de la réforme.
00:06:26 Maintenant, un jeune, à la fin de la seconde, il choisit ses matières principales,
00:06:30 il n'y a plus dans ses corridors où il y avait les aspirateurs à bons élèves,
00:06:34 qui étaient les classes économiques et sociales et puis scientifiques,
00:06:38 ils choisissent leurs matières. En fait, on a vu le nombre de filles décroître dans les blogs de maths.
00:06:43 C'est terrible, ça.
00:06:44 Alors oui, oui, mais je pense que c'est juste...
00:06:47 Je crois que j'ai deux choses à leur dire, là, si je peux, c'est le moment ou jamais.
00:06:50 C'est que premièrement, il y a un théorème d'existence.
00:06:53 Il existe des femmes qui font des mathématiques.
00:06:55 Il y en a, j'en rencontre, il y en a à tous les niveaux.
00:06:58 Il y en a des célèbres, il y en a des moins célèbres.
00:07:00 C'est aussi important de savoir qu'il y a des moins célèbres.
00:07:03 Et puis, la deuxième chose, c'est que faire des mathématiques,
00:07:06 ce n'est pas forcément s'enfermer dans une tour,
00:07:09 devenir une sorte d'asset des mathématiques,
00:07:13 vêtue d'une robe de burque qui fait des calculs interminables et abscons.
00:07:17 C'est aussi toucher, comme vous l'avez dit, à des thématiques qui sont importantes pour notre société.
00:07:23 Mais vous croyez que c'est ça qui les dissuade ?
00:07:25 On a souvent dit, mais c'est peut-être une vue de l'esprit,
00:07:28 que les filles, bien que très bonnes en maths, n'allaient pas dans les filières mathématiques
00:07:32 parce qu'on finissait par les convaincre que c'était un truc de garçons.
00:07:36 Oui, peut-être qu'on les convainc que c'est un truc de garçons,
00:07:39 mais je pense aussi qu'elles ne se rendent pas forcément compte
00:07:41 qu'en faisant des mathématiques, par exemple,
00:07:43 on peut apporter sa pierre à des sujets importants.
00:07:47 Je pensais au cancer, par exemple, pour lutter contre le cancer.
00:07:51 Aujourd'hui, on utilise des modèles mathématiques, des modèles de croissance de tumeurs.
00:07:54 Et on a besoin de personnes qui travaillent sur ces modèles,
00:07:57 qui les analysent, qui font des statistiques autour de ça.
00:08:00 Et donc, il y a des métiers qui ont fort retour, un fort impact sociétal.
00:08:05 Jean-Emmanuel Bibaud, qui est professeur de cancérologie.
00:08:08 Effectivement, nous, on collabore à beaucoup de laboratoires
00:08:10 qui font des mathématiques, qui font du machine learning.
00:08:13 Donc, effectivement, il y a des applications très concrètes de la science.
00:08:16 Et c'est vrai qu'on est assez loin parfois des clichés qu'on peut avoir,
00:08:19 des choses très abstraites. Et c'est bon de rappeler de temps en temps.
00:08:22 - Oui, mais à quoi ça sert les mathématiques exactement ?
00:08:25 Parce qu'une des raisons pour lesquelles, notamment du fait de la réforme blancaire,
00:08:29 on n'était plus obligé de faire des maths, plus personne ne voulait en faire,
00:08:31 c'est qu'on a l'impression qu'à la fois c'est très abstrait, c'est très compliqué.
00:08:35 Autrefois, c'était sélectif, mais maintenant, ça l'est moins.
00:08:38 Mais on a surtout l'impression que c'est inutile. Or, ça ne l'est pas.
00:08:41 - En fait, on en fait tous les jours, des mathématiques.
00:08:44 Quand vous dites, j'invite des amis à dîner,
00:08:47 et puis je commence à réfléchir comment je vais organiser mon après-midi
00:08:50 pour que tout soit prêt à l'heure, c'est une sorte de théorie des graphes.
00:08:53 Donc voilà, je dirais qu'on fait tous des mathématiques,
00:08:57 on en fait à un niveau plus ou moins important.
00:08:59 Ce qui est un petit peu terrible, c'est qu'aujourd'hui, on vit dans un monde très numérique.
00:09:03 Donc pour que les gens comprennent, appréhendent leur monde,
00:09:05 ils ont besoin d'une culture mathématique, en fait, pour comprendre.
00:09:09 Quand on leur donne des chiffres sur les pandémies, les statistiques,
00:09:13 quand ils vont négocier leurs prêts...
00:09:14 - Ah oui, ça, pour les pandémies, c'est sûr qu'on a manqué de maths.
00:09:16 - Même pour négocier son prêt à la banque, il vaut mieux comprendre.
00:09:20 Ou quand on vous propose une ristourne intéressante,
00:09:23 il vaut mieux comprendre les pourcentages pour pouvoir réagir à temps.
00:09:27 - Il y a une véritable école mathématique française,
00:09:30 au moins depuis René Descartes et Blaise Pascal.
00:09:33 On n'a jamais cessé de produire d'éminents mathématiciens.
00:09:38 On a d'ailleurs un grand nombre de médailles de Fields en mathématiques.
00:09:43 Du fait que le niveau général en mathématiques en France baisse,
00:09:48 du fait qu'il y a de moins en moins de professeurs,
00:09:50 du fait qu'il y a de moins en moins d'élèves,
00:09:52 du fait qu'il y a de moins en moins de filles,
00:09:54 est-ce que c'est menacé, ça ?
00:09:56 - Je dirais que c'est un petit peu faux.
00:09:59 J'aime bien la comparaison avec le sport.
00:10:01 On ne connaît pas beaucoup de pays qui gagnent des médailles d'or
00:10:06 sans avoir un réseau de clubs locaux,
00:10:09 sans avoir aussi la conviction parmi les gens
00:10:13 que c'est important de faire du sport,
00:10:15 qu'il faut avoir une activité physique, son petit niveau.
00:10:18 S'il n'y a pas ça, on n'a pas de grands sportifs.
00:10:20 C'est un petit peu pareil pour nous.
00:10:22 On a besoin que les gens se rendent compte
00:10:24 que les mathématiques sont quelque chose d'important,
00:10:26 que les dirigeants se rendent compte
00:10:27 que les mathématiques sont quelque chose d'important,
00:10:29 que la culture mathématique fait partie de la culture,
00:10:32 au même titre que la culture historique.
00:10:34 Et qu'on a besoin que le citoyen, il ait, il a citoyenne,
00:10:38 il a une certaine culture scientifique,
00:10:41 pas seulement mathématique d'ailleurs.
00:10:43 Ça, c'est le niveau, un petit peu le niveau de base.
00:10:46 Ensuite, on a besoin du niveau un peu professionnel,
00:10:49 quand on est des ingénieurs et puis des mathématiciens professionnels.
00:10:52 Après, ça arrive.
00:10:54 Mais il y a besoin de tous les niveaux pour construire la pyramide.
00:10:58 Donc en fait, c'est un petit peu illusoire de se dire
00:11:00 « Oh, ben tout va bien, on a eu une médaille Fields il y a deux ans,
00:11:03 ça va, on a encore notre classe à Louis le Grand, ça va,
00:11:06 on a encore l'école de l'univers supérieur, ça va ».
00:11:07 Il y a deux ans, il était iranien d'origine et depuis, il a changé, je crois.
00:11:11 Non, je pensais à Hugo du Minil Copain, il est français.
00:11:15 Il y en a eu un juste avant. Aurélien, vous voulez ?
00:11:17 Oui, à votre question « À quoi servent les mathématiques ? »,
00:11:19 Napoleon, vous aurez répondu « Les mathématiques, ça sert à faire la guerre ».
00:11:22 Il en a été l'exemple.
00:11:24 Et sous l'Empire, c'était plutôt l'inverse.
00:11:26 Une jeune génération d'opposants, après, se plaindra que sous l'Empire,
00:11:30 il y avait trop d'ingénieurs.
00:11:31 En fait, l'époque était aux militaires et aux ingénieurs,
00:11:34 et c'était une pensée décéchante.
00:11:36 D'ailleurs, pour faire l'artillerie, à l'époque, du temps de Napoléon,
00:11:39 ça n'existait pas, mais après, c'était tous des polytechniciens.
00:11:42 Ça existait, Polytechnique existait,
00:11:44 Polytechnique a été créée à la fin de la Révolution.
00:11:47 Oui, mais lui, il était général à l'époque.
00:11:50 Oui, oui, Napoléon a bénéficié des premières générations de polytechniciens.
00:11:55 Oui, mais donc, lui, c'était un artilleur,
00:11:56 ça voulait dire que c'était une sorte d'ingénieur pour l'époque.
00:11:58 Bien sûr.
00:11:59 Mais ce n'est pas que la conquête, quand il est parti en Égypte,
00:12:01 il est parti avec un bataillon de mathématiciens.
00:12:03 Il n'était pas mauvais en maths, il avait une bonne culture scientifique.
00:12:07 Il était d'ailleurs assez curieux.
00:12:09 Il était allé voir la pile par Volta au début du XIXe,
00:12:15 et puis il discutait beaucoup astronomie et mathématiques avec Laplace.
00:12:18 C'était un esprit très curieux et qui était plutôt doué en sciences.
00:12:22 Ça ne l'a pas empêché de rater le sous-marin.
00:12:25 Oui, mais là aussi, il n'a pas raté le sous-marin, parce que c'est une légende.
00:12:29 Il a effectivement demandé à ce qu'on l'étudie,
00:12:31 et puis ça ne fonctionnait pas.
00:12:32 Donc, bon, il ne l'a pas utilisé.
00:12:34 Mais il faisait par exemple des concours d'équation
00:12:36 avec le général Gourgaud à Saint-Hélène quand il s'ennuyait.
00:12:39 Donc, c'était quand même une activité assez saine.
00:12:41 Mais pour rebondir un peu sur ce que disait Madame,
00:12:44 je crois que c'est probablement là qu'on a un vrai projet.
00:12:50 C'est-à-dire, on cherche des projets sans arrêt,
00:12:53 mobilisateurs de la nation, etc.
00:12:55 La matière de l'éducation est évidemment celle qui devrait être prise en charge
00:13:00 comme une grande cause nationale, là, pour le coup.
00:13:03 On voit bien, c'est vrai pour les maths, c'est vrai pour la littérature,
00:13:07 c'est vrai pour les sciences, c'est vrai pour tout.
00:13:10 Il y a là quelque chose à redessiner.
00:13:12 La France a été longtemps un très, très grand pays scientifique,
00:13:16 jusqu'aux années 60.
00:13:18 Elle a donné des tas d'inventions, des tas de savants,
00:13:21 le nombre de prix Nobel, de médailles Fields est très nombreux.
00:13:25 On fait toujours un défilé polytechnique en tête du défilé du 14 juillet.
00:13:29 Et autour de tout ça, il n'y a pas un véritable projet.
00:13:32 Et c'est probablement, si notre ministre de l'Éducation cherche un projet,
00:13:36 et il y en a un très beau, c'est de relancer un petit peu
00:13:39 cette instruction publique qui est devenue une espèce de chose
00:13:44 où on met tout et pas forcément les choses qui sont utiles
00:13:47 pour réussir vraiment dans la vie.
00:13:49 - Mais là, c'est vraiment les maths qui sont en péril.
00:13:52 Vous avez cette impression dans votre génération, Céline Marty,
00:13:56 il y a une méfiance ou un désamour envers les maths ?
00:14:00 - Alors, je ne suis pas représentante d'une génération
00:14:02 ni d'un rapport au mathématiques.
00:14:04 Par contre, ce qu'on voit dans l'enseignement supérieur,
00:14:07 moi, je travaille actuellement à l'université pour ma thèse.
00:14:10 Et ce dont on se rend compte aussi, c'est qu'il y a des gens
00:14:14 qui font leur parcours universitaire en France et qui ensuite partent
00:14:17 parce qu'il n'y a pas de débouchés en France dans les carrières universitaires.
00:14:21 Au CNRS, c'est très compliqué.
00:14:23 Et donc, l'enjeu pour garder nos ingénieurs, c'est aussi
00:14:26 de mettre les moyens dans les structures de recherche.
00:14:30 Et notamment, il y a des enjeux de financement majeurs,
00:14:33 que ce soit au niveau universitaire et donc de l'enseignement supérieur,
00:14:36 comme au niveau de la recherche.
00:14:38 - Nous, en revanche, on est très bons pour faire des musées.
00:14:40 Et je crois qu'il y a un projet de maison des maths,
00:14:43 la maison Poincaré, en référence à Henri Poincaré, évidemment,
00:14:46 grand mathématicien du début du XXe siècle.
00:14:50 Aux États-Unis, en Allemagne, il y a des musées des maths, pas en France.
00:14:54 - Alors, en France, il y a une maison des mathématiques et de l'informatique,
00:14:57 à Lyon, il ne faut pas que je l'oublie, mes collègues lyonnais.
00:14:59 Mais effectivement, on va ouvrir à l'institution Henri Poincaré
00:15:02 la maison Poincaré, qui sera un espace de médiation,
00:15:06 de rencontre, en fait, entre recherche et grand public.
00:15:11 C'est-à-dire que la cible, c'est vraiment les jeunes à partir de la 4e.
00:15:17 - C'est à un moment où ils arrêtent de faire des maths.
00:15:19 - Voilà, au moment où il faut qu'ils fassent des maths.
00:15:21 C'est un projet qui est porté par le CNRS et Sorbonne Université.
00:15:24 - Mais qu'est-ce qu'on met dans une maison des mathématiques ?
00:15:27 - Alors, qu'est-ce qu'on met dans une maison des mathématiques,
00:15:29 c'est une très belle question.
00:15:31 - Qu'est-ce qui peut donner envie d'y aller ?
00:15:33 - Il y a des objets patrimoniaux aussi.
00:15:35 Pendant un moment, on s'est dit que c'était peut-être un musée,
00:15:37 mais il n'y a pas assez d'objets patrimoniaux pour être un musée.
00:15:42 C'est des très beaux objets en bois qui représentent des surfaces,
00:15:47 des courbes, surtout des courbes, ça fait des intersections de surface,
00:15:52 et qui sont à l'Institut Henri Poincaré actuellement.
00:15:55 Ensuite, ça, c'est un petit peu la partie muséale, c'est ce que je peux dire.
00:15:59 C'est un endroit où il y a un parcours pour les jeunes
00:16:03 avec différents niveaux de présentation des mathématiques,
00:16:07 présentation des parcours, des métiers des mathématiques,
00:16:10 présentation des mathématiques en interaction avec les autres sciences.
00:16:15 Et puis, il y a une petite cerise sur le gâteau
00:16:17 qui est un espace immersif, en fait,
00:16:19 une immersion dans le mouvement bronnien
00:16:21 par un procédé, comment ça s'appelle, réalité augmentée.
00:16:26 On va mettre un casque et puis on va découvrir ce que c'est que le mouvement bronnien.
00:16:31 - Qu'est-ce que vous mettriez dans un musée des mathématiques, vous Laurent-Alexandre ?
00:16:35 Pour faire venir les gens, j'entends.
00:16:38 - L'histoire des grands mathématiciens et l'histoire des gens puissants
00:16:42 qui étaient bons en mathématiques.
00:16:43 Napoléon en est un bon exemple de montrer que les mathématiques
00:16:47 sont quand même une voie royale pour accéder au pouvoir,
00:16:50 à toutes les formes de pouvoir.
00:16:52 - Vous savez qu'il y a des gens qui ne veulent pas le pouvoir.
00:16:55 - Tout le monde veut le pouvoir sous une forme ou sous une autre,
00:16:58 soit économique, soit financier, soit religieux.
00:17:00 Mais ce qui me paraît important aujourd'hui,
00:17:02 et moi je suis un grand défenseur des mathématiques,
00:17:04 c'est que dans le monde ultra complexe dans lequel on est en train de rentrer,
00:17:07 avec l'explosion de l'intelligence artificielle,
00:17:10 l'explosion des biotechnologies, de la génétique, etc.
00:17:13 Si les Français n'ont pas une culture mathématique de base
00:17:17 leur permettant de comprendre les sciences,
00:17:19 ils vont être complètement paumés.
00:17:20 On va avoir une génération de gens qui vont être paniqués.
00:17:23 On va avoir des gilets jaunes au carré,
00:17:25 des gens qui vont être paumés, qui vont être dans un monde
00:17:28 qu'ils ne comprendront pas, qui vont être dans un espèce de brouillard cognitif
00:17:32 où ils seront complètement aveuglés par la complexité scientifique du monde.
00:17:36 Donc il est fondamental que les Français de 2050
00:17:39 aient une culture scientifique.
00:17:40 Et il n'y a pas de culture scientifique sans culture mathématique.
00:17:44 Alors bien sûr ça demande un effort,
00:17:45 et ce n'est pas très à la mode aujourd'hui de demander aux gens de faire des efforts,
00:17:49 mais c'est sûr que la mathématiques c'est plus compliqué que la sociologie.
00:17:52 Mais c'est quand même plus important,
00:17:54 et c'est pour ça qu'il faut qu'on convainque la jeune génération
00:17:57 qu'il faut faire des mathématiques pour comprendre le monde de demain,
00:18:00 même si c'est un peu plus compliqué de faire des mathématiques
00:18:03 que des matières un peu plus fastoches.
00:18:05 On va maintenant parler des retraites.
00:18:07 Pourquoi il y a tant de Français qui sont opposés à une réforme des retraites ?
00:18:11 Michel Maffesoli vient de nous rejoindre.
00:18:14 Il a entendu le mot mathématiques, tout de suite il a bondi.
00:18:17 Le journal, on se retrouve juste après.
00:18:19 Deux tiers des Français, selon les sondages, sont opposés à la réforme des retraites
00:18:26 et une bonne partie d'entre eux acceptent l'idée qu'on bloque le pays
00:18:30 pour que le gouvernement change d'avis.
00:18:33 Alors j'aimerais bien avoir des explications
00:18:36 pourquoi autant de Français sont opposés à la réforme.
00:18:40 Je vais poser la question à Céline Marty,
00:18:43 mais d'abord à Michel Maffesoli qui nous a rejoint.
00:18:46 Michel Maffesoli est sociologue, c'est le théoricien de la post-modernité,
00:18:50 c'est l'auteur de "L'ère des soulèvements", "Du temps des peurs",
00:18:55 "La logique de l'assentiment".
00:18:58 Alors Michel Maffesoli, à votre avis,
00:19:01 pourquoi il y a tant de Français qui s'opposent aussi résolument à la réforme des retraites ?
00:19:07 Je crois qu'on est dans un moment, vous venez de citer mon livre "L'ère des soulèvements"
00:19:13 où il y a un tel désaccord entre le pouvoir institué
00:19:17 et ce que j'appelle pour ma part la puissance populaire,
00:19:20 que tout est bon pour faire des soulèvements.
00:19:23 Dans le sens simple du terme, ce que je fais ce n'est pas de la sociologie.
00:19:28 Moi j'étais pendant 34 ans professeur de sociologie à la Sorbonne,
00:19:32 mais je suis plus un renifleur social.
00:19:34 Mes chers collègues parfois me contestaient le titre de sociologue
00:19:37 parce que justement je n'étais pas très scientifique
00:19:40 et je ne mettais pas des mathématiques dans mes analyses.
00:19:42 Mais là en la matière, quand je dis prétexte,
00:19:45 comme cela fut le cas pour les Gilets jaunes, pour le convoi des libertés,
00:19:50 si je suis encore un peu plus paradoxal,
00:19:52 même dans les grands rassemblements musicaux juvéniles
00:19:55 où les gens se rassemblent pour se rassembler,
00:19:57 voilà, mon hypothèse, c'est que c'est être ensemble pour être ensemble.
00:20:02 Dans un moment où on a voulu sautement isoler les gens,
00:20:06 leur faire mettre des muselières et autres gestes barrières,
00:20:10 on est dans un moment, et je pense que cela va continuer,
00:20:14 où il y aura, je dis bien, une espèce de griserie,
00:20:18 de la liesse d'être ensemble.
00:20:20 Et donc actuellement, c'est ce thème des retraites qui est en cause.
00:20:25 Pour moi, si on prend un peu de hauteur,
00:20:28 je me souviens l'avoir dit dans une discussion avec un président précédent,
00:20:32 qui était Sarkozy, qui le premier a lancé cette idée de valeur-travail,
00:20:37 je lui ai expliqué d'une manière un peu ironique
00:20:40 qu'il était marxiste sans le savoir,
00:20:43 puisque c'est dans le capital de Mars qu'on trouve cette valeur-travail.
00:20:46 Et pour moi, c'est la contestation essentiellement de cette valeur-travail.
00:20:51 C'est-à-dire que dans le fond, de plus en plus les jeunes,
00:20:54 mais pas que, n'ont plus envie de perdre leur vie à la gagner.
00:20:58 Faire de sa vie une œuvre d'art,
00:21:00 quelque chose qui met l'accent sur d'autres éléments que la valeur-travail.
00:21:04 Et donc une des manifestations actuellement de cette contestation,
00:21:08 dans le sens simple du terme, et à mon avis très profond,
00:21:11 de la valeur-travail, c'est les retraites, bien sûr.
00:21:14 Pousser un peu plus loin l'âge de la retraite,
00:21:18 est une manière, je dirais, dans la marxisation des esprits actuellement dominante,
00:21:24 est une manière de faire du stacchanoïsme.
00:21:27 C'est-à-dire ce fameux mineur de l'Union soviétique
00:21:31 qu'il fallait battre les records de production.
00:21:35 Bien d'une certaine manière, même si on ne fait pas référence au capital de Mars,
00:21:40 même si on ne fait pas référence à Stachanow,
00:21:43 je crois qu'il y a là très profondément une critique,
00:21:46 je viens de dire encore une fois, premièrement pour ne pas se retrouver,
00:21:50 ne pas considérer que la vie s'épuise uniquement dans la production.
00:21:56 Et pour moi c'est un des éléments, puisque cher ami vous avez employé cette expression
00:22:01 qui n'est pas très connue en France, pour moi c'est un des éléments de la post-modernité.
00:22:05 La modernité a fait que le travail qui était une nécessité
00:22:09 est devenu une valeur.
00:22:11 Et là moi je pense que nous sommes en train de rentrer dans une autre époque,
00:22:15 avec difficulté, nous vivons dans une période un peu crépusculaire
00:22:19 où d'une certaine manière cette valeur travail ne va plus être quelque chose
00:22:23 à partir duquel je vais penser ma vie.
00:22:26 Et justement, on parlait de valeur travail, Laurent Alexandre ?
00:22:30 Non c'était Thierry Lens je crois qui en parlait.
00:22:32 Oui, moi je suis très attaché à la valeur travail.
00:22:34 Mais bon, je ne me suis pas trompé.
00:22:36 Et ce n'est pas moi qui le disais.
00:22:38 Mais je pense qu'effectivement une société sans travail
00:22:40 est une société qui va partir en cacahuète assez vite.
00:22:42 Ah oui, à ce point là.
00:22:44 Oui.
00:22:45 On a encore un peu de temps, très très peu.
00:22:49 On va parler des retraites, on va en parler avec Michel Baffesoli.
00:22:52 Enfin des retraites, plutôt de la contestation de la forme des retraites.
00:22:56 On va en parler également avec Céline.
00:22:59 Mais d'abord, le journal.
00:23:03 Pierre Palmade, conscient mais très affaibli.
00:23:09 L'humoriste de 54 ans a été victime d'un AVC hier, peu avant 19h.
00:23:14 Il a été transféré de Villejuif à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre.
00:23:17 Son pronostic vital n'est pas engagé.
00:23:20 Pour les besoins des soins, son bracelet électronique lui a été retiré.
00:23:24 Demain, la cour d'appel de Paris doit rendre son verdict
00:23:27 concernant l'éventuelle détention provisoire de Pierre Palmade.
00:23:31 Tragédie près des côtes italiennes.
00:23:34 Au moins une soixantaine de migrants ont péri après le naufrage de leur embarcation.
00:23:39 Près de 120 personnes se trouvaient à bord selon les gardes-côtes.
00:23:42 Plus de 200 d'après les pompiers.
00:23:45 La chef de la commission européenne appelle à redoubler d'efforts pour réformer le droit d'asile.
00:23:50 Et puis triste nouvelle pour les fans de rock alternatif français.
00:23:54 François Gilles Lazaro est décédé hier soir à Paris d'une septicémie.
00:23:59 Il était âgé de 66 ans, le fondateur des groupes Pégale et les Garçons Boucher
00:24:04 souffraient de problèmes de santé depuis quelque temps.
00:24:07 Il a marqué son époque dans les années 80-90
00:24:10 avec notamment le tube dans la salle du bar Tabac de la rue des Martyrs.
00:24:15 Pourquoi une telle opposition parmi les Français face à la réforme des retraites ?
00:24:22 Michel Maffesoli nous dit que la valeur travail n'est plus une valeur.
00:24:27 Céline Marty, vous êtes professeure agrégée de philosophie.
00:24:30 Vous êtes l'auteur de "Travailler moins pour vivre mieux".
00:24:33 Comment vous expliquez la mobilisation en général des Français,
00:24:37 mais particulièrement des jeunes ?
00:24:39 Vous êtes d'accord avec Michel Maffesoli ?
00:24:42 Oui, sur la contestation de fond, le modèle de société qui est rejeté.
00:24:47 En effet, c'est ça qui est très intéressant.
00:24:49 Et de voir que c'est partagé depuis des points de vue assez différents.
00:24:54 Quand on dit que la majorité des Français sont opposés à la réforme des retraites,
00:24:59 c'est notamment plus net chez les actifs,
00:25:02 c'est-à-dire les personnes qui sont en emploi ou en recherche d'emploi,
00:25:05 puisque c'est 93% des actifs qui sont opposés à la réforme.
00:25:09 Donc les premières personnes concernées par la réforme y sont opposées.
00:25:12 Et c'est intéressant de voir qu'à l'occasion de cette réforme,
00:25:16 qui peut sembler technocrate sur la façon dont elle est appréhendée,
00:25:20 on voit des mouvements de jeunesse qui s'organisent,
00:25:23 on voit des mouvements féministes qui s'organisent,
00:25:26 des grèves spécifiquement de jeunesse, Youth for Climate par exemple,
00:25:31 des grèves féministes qui s'organisent aussi le 8 mars.
00:25:34 Et donc on a l'impression qu'à l'occasion de cette réforme,
00:25:38 les protestations finalement s'agglomèrent pour contester tout un projet de société productiviste
00:25:44 qui consiste à demander sans cesse plus d'efforts,
00:25:48 sans se poser la question de pourquoi on produit telle ou telle chose,
00:25:52 pourquoi on travaille en fait, à quoi sert notre travail.
00:25:56 On se dit simplement qu'il faut continuer d'alimenter la machine,
00:25:59 qu'il faut continuer à faire toujours plus d'efforts pour des raisons comptables.
00:26:03 Et là finalement ce que contestent tous ces mouvements d'opposition,
00:26:07 c'est les finalités de cette réforme et c'est les finalités du travail.
00:26:11 Parce qu'on voit bien, et ça c'est notamment montré par les organisations de jeunesse
00:26:15 engagées dans les mouvements écologiques,
00:26:19 que ce qui est pointé c'est aussi des conséquences écologiques de la réforme,
00:26:22 à savoir alimenter le productivisme, alimenter les effets,
00:26:27 les conséquences de notre production sur notre écosystème,
00:26:31 sur les êtres humains aussi, qui sont mis dans cette machine productiviste,
00:26:35 qui sont abîmés par elle.
00:26:37 Et donc on voit que cet agenda politique est l'occasion d'une contestation
00:26:43 de notre projet de société plus globalement.
00:26:46 D'une certaine façon ce n'est pas nécessairement uniquement une critique de la post-modernité,
00:26:50 puisque ces résistances face à un modèle de production imposé,
00:26:55 elles sont là depuis très longtemps dans notre histoire.
00:26:58 On a plein de témoignages de révolte paysanne, ouvrière, au Moyen-Âge, dans l'ancien régime, etc.
00:27:04 C'était plutôt contre les impôts.
00:27:06 Non, c'était aussi contre les techniques de travail, les techniques de production imposée.
00:27:10 Ça c'est très clair avec le capitalisme industriel, le modèle de la fabrique et de la manufacture.
00:27:15 Donc ce n'est pas uniquement une spécificité post-moderne.
00:27:19 Dans notre imaginaire récent, on pense à 68, ne plus perdre sa vie à la gagner,
00:27:26 et envisager d'autres activités de la vie,
00:27:29 les conséquences que ça a eues dans les années 80 en termes de réformes sur le temps libre,
00:27:34 la réduction du temps de travail.
00:27:36 Mais en fait on peut le relier à toute une contestation d'un mode de vie productiviste
00:27:41 qui est beaucoup plus ancien.
00:27:43 Une contestation qui est plus ancienne.
00:27:45 Aurélien Lignereux ?
00:27:46 Oui, dans tous les cas, l'historien peut se réjouir,
00:27:48 parce que vous savez, l'historien c'est un peu un faux soyeur,
00:27:50 et donc plus le champ de bataille est nourri et acharné, plus il y aura des restes à exhumer.
00:27:55 Et en l'occurrence, les mobilisations du style de celles que nous vivons par rapport aux retraites,
00:28:00 c'est un très beau moment, puisqu'on a des conflits de valeurs, des conflits de normes,
00:28:06 qui permettent un petit peu de prendre en écharpe les valeurs antagonistes au sein même d'une société,
00:28:12 sans compter que les retraites, pour les historiens,
00:28:15 ça donne de très beaux dossiers de pension, qui permettent ensuite de faire l'histoire de l'État.
00:28:22 Mais par le mal intérêt historiographique, je pense que l'enjeu c'est aussi de voir
00:28:25 à quel point ça touche existentiellement et corporellement les travailleurs.
00:28:30 Parce que ce qui se passe dans ces contestations, c'est de dire,
00:28:33 vu les conditions de travail actuelles, on ne peut pas travailler deux ans de plus.
00:28:37 Et donc ça, je pense que l'histoire fait un travail intéressant rétrospectivement,
00:28:42 mais là, ce qui est intéressant, c'est aussi l'expression d'une souffrance qu'on n'écoutait pas jusque-là, finalement.
00:28:49 On se croirait un peu, enfin ça nous rajeunit, on est dans les années 60,
00:28:54 c'est-à-dire qu'on entendait exactement la même chose,
00:28:56 mais sauf qu'après, les gens qui défendaient ce type de position,
00:28:59 ils allaient au boulot parce qu'ils avaient une sorte de noblesse à travailler, etc.
00:29:03 Et c'était pas moins dur que ça l'était aujourd'hui.
00:29:06 C'était beaucoup plus.
00:29:07 Probablement plus.
00:29:08 Et voilà, bon ben c'est bien parce qu'au fond, l'histoire se répète toujours deux fois, disait Marx.
00:29:14 Une fois vraiment et puis une autre fois en farce.
00:29:17 C'est un petit peu ce que je suis en train d'entendre.
00:29:19 Oui, mais avant la farce, je pense que l'enjeu, et d'ailleurs c'était noté dès les années 70,
00:29:23 cette urgence écologique, elle était renseignée depuis 72 au moins.
00:29:28 On avait déjà des témoignages sur la pollution atmosphérique, sur la finitude des ressources,
00:29:32 sur les conséquences de notre...
00:29:33 Il y en avait au 19ème siècle, il y en a toujours eu.
00:29:36 Il y a toujours eu des gens qui étaient incommodés à la fois par les horreurs, par les odeurs,
00:29:41 par le fog à Londres, etc.
00:29:43 Enfin je veux dire, voilà.
00:29:44 Non, ça c'est le capitalisme industriel, c'est pas l'histoire de l'humanité.
00:29:47 Hier soir, vous avez reçu Jean Jouzel qui se demandait pourquoi finalement,
00:29:51 qui espérait qu'on écoute un peu plus les scientifiques,
00:29:53 qui a alerté depuis 40-50 ans.
00:29:55 Je pense que c'est le temps de le faire.
00:29:57 On n'a plus le choix de se dire qu'on va attendre que l'histoire se répète en boucle.
00:30:02 Pour vous, l'opposition à la réforme des retraites,
00:30:05 notamment dans les jeunes générations, elle vient de l'angoisse climatique.
00:30:08 Bien sûr.
00:30:09 De se dire d'une part, est-ce qu'on va pouvoir dans 20 ans travailler dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui ?
00:30:15 Ça c'est pas sûr.
00:30:16 Vous avez vu les conditions de travail qu'on a eues déjà cet été,
00:30:19 avec la sécheresse, avec les canicules.
00:30:21 Pour les travailleurs les plus exposés à ça, que ce soit le bâtiment,
00:30:24 que ce soit dans les hôpitaux, les soignants, etc.
00:30:27 L'urgence climatique, elle est vécue dans les corps, déjà aujourd'hui.
00:30:31 Et de se dire, en plus, que les corps de 62 à 67 ans,
00:30:35 ils sont aussi les plus sensibles à la chaleur et à la dégradation des conditions de travail.
00:30:40 Et donc de se dire qu'on va en plus charger la barque,
00:30:43 alors même qu'on ne sait pas ce que ça va être de travailler à +4°C en France, ça va être compliqué.
00:30:48 Je vais demander à Michel Maffiesoli ce qu'il en pense.
00:30:51 Vous deviez penser à cet argument, Michel ?
00:30:54 Lequel argument ?
00:30:56 Le fait que dans cette opposition à la réforme des retraites,
00:31:00 on a beaucoup d'angoisse climatique, notamment dans les jeunes générations.
00:31:04 Oui, oui. Moi, personnellement, je considère que l'écologie reste dans le schéma productif.
00:31:10 On parle du développement durable.
00:31:12 Moi, j'ai proposé un néologisme qui s'appelle "écosophie".
00:31:15 Mais d'une certaine manière, c'est une sensibilité,
00:31:18 un autre accord avec la maison commune qui est en jeu.
00:31:21 Vous voyez, en écoutant le débat qu'on vient d'avoir,
00:31:26 je pense qu'on est dans une vraie transmutation épocale.
00:31:29 À même temps, soyons clairs, la postmodernité, ce n'est pas quelque chose de nouveau.
00:31:33 Pour moi, c'est le jeu de spirale.
00:31:35 La postmodernité, c'est un nouveau Moyen-Âge, si je puis dire.
00:31:38 On voit revenir, pas exactement au même niveau,
00:31:41 ce que dans notre progressisme beuné et destructeur,
00:31:44 et les saccages écologiques en sont l'expression,
00:31:46 on avait cru dépasser. Transmutation.
00:31:49 C'est-à-dire que c'est plus simplement…
00:31:51 Il y a un grand penseur, un grand historien américain qui s'appelle Thomas Kuhn,
00:31:54 "Structure des révolutions scientifiques",
00:31:56 qui montrait que ce qui a fait la performativité de la modernité européenne,
00:32:00 précisément, c'était le rejet du ludique, du festif, de l'onirique,
00:32:06 au nom simplement du rationalisme et de la production.
00:32:10 Aboutissant, je le rappelais tout à l'heure, au saccanovisme,
00:32:13 le saccanovisme qui a triomphé en Union soviétique.
00:32:16 Moi, de mon point de vue, et c'est ça le vrai changement qui est en jeu actuellement,
00:32:20 que les élites ne comprennent pas, ou que les politiques, les journalistes,
00:32:25 les experts de tous ors sur les plateaux,
00:32:27 continuent à ressasser les grandes valeurs modernes.
00:32:30 Moi, de mon point de vue, ce n'est plus cet individualisme qui va prévaloir,
00:32:34 ce n'est plus le rationalisme, ce n'est plus le progressisme.
00:32:38 Et par contre, il y a retour de ces éléments que l'on avait laissés de côté,
00:32:42 ludique, festif, onirique.
00:32:44 Et dans le fond, les grandes manifestations qui se font actuellement,
00:32:47 même s'ils n'emploient pas les termes que je viens ici de dire,
00:32:51 qui sont des mots comme ceux-là vaguement un peu savants,
00:32:53 pour moi, il y a ce retour-là de ces éléments qualitatifs de l'existence.
00:32:58 Je parle très souvent, je fais des conférences pour pas mal de chefs d'entreprise
00:33:01 qui eux sont beaucoup plus subtils que les politiques, les experts, etc.
00:33:06 parce qu'il faut qu'ils fassent du fric, il faut que ça marche.
00:33:08 Et ils se rendent bien compte que, dans le fond, ces jeunes managers qui arrivent,
00:33:13 comment les gérer ?
00:33:14 Ce n'est plus simplement en mettant l'accent sur la valeur travail,
00:33:17 mais développer l'idée de création, de créativité.
00:33:22 Donc arrêtons, si vous voulez, avec cette grande valeur travail
00:33:25 qui fut une des manières d'agir sur la réalité, sur le concret.
00:33:31 Là, actuellement, c'est la création.
00:33:33 Et ce qui marche pour les chefs d'entreprise et pour les entreprises
00:33:36 actuellement performantes, c'est ce changement climatique.
00:33:40 Ils ont besoin de réintégrer cette entièreté de l'être qualitatif de l'existence
00:33:46 et pas simplement le quantitatif.
00:33:48 C'est ça le slogan de 68, "ne plus perdre sa vie à la gagner"
00:33:52 ou "faire de sa vie une œuvre d'art", si je le dis d'une manière unitchéenne.
00:33:56 Et de mon point de vue, c'est cela qui est en jeu.
00:33:59 Mais il y a cette espèce de désaccord.
00:34:01 Les astrophysiciens montrent pendant longtemps,
00:34:03 on voit pendant longtemps la lumière d'une étoile morte.
00:34:06 Le foyer s'en est éteint et cette valeur travail,
00:34:09 c'est pas une étoile qui a fait son temps.
00:34:11 Il faut penser à autre chose.
00:34:13 Et moi, je considère que c'est le mot de création, de créativité,
00:34:16 qui va de plus en plus remplacer la valeur travail.
00:34:19 Et dans le fond, ces manifestations actuellement qui vont se développer,
00:34:22 et je crois que nous ne sommes qu'au début,
00:34:25 je m'en suis expliqué de ces soulèvements, insurrections, révoltes, etc.
00:34:29 C'est tout simplement le fait qu'on ne se reconnaît plus dans les grandes valeurs modernes,
00:34:34 mais qu'on balbutie d'autres valeurs qui sont en gestation.
00:34:39 Et à bien des égards, pour moi, c'est l'idée de création.
00:34:41 Donc non plus le travail, mais la création.
00:34:44 - Alors Alexandre, qui est aussi l'auteur, il faudra le rappeler, de Roulez Jeunesse.
00:34:48 Roulez Jeunesse, c'était le contraire de ça.
00:34:50 - Ecoutez, franchement, je pense qu'on va droit dans le mur.
00:34:52 En expliquant que le travail n'est pas important avec mon collègue Bibo,
00:34:56 on peut vous dire combien coûtent les nouveaux traitements.
00:34:59 Les traitements du cancer coûtent jusqu'à 500 000 euros par malade.
00:35:03 - Parce qu'ils sont développés par une industrie capitaliste.
00:35:06 - Comment ?
00:35:07 - Parce qu'ils sont développés par une industrie qui cherche à faire du profit.
00:35:09 - Mais vous ne connaissez pas le sujet, vous racontez juste n'importe quoi.
00:35:11 C'est parce que ce sont des techniques extraordinairement compliquées.
00:35:14 Les médicaments pour traiter les myopathies, les cécités génétiques,
00:35:17 coûtent entre 1 et 2 millions par malade.
00:35:20 Si vous vous figurez qu'on va pouvoir traiter nos malades
00:35:23 dans un monde où il n'y a plus de boulot et où on explique qu'il ne faut pas bosser,
00:35:27 vous vous foutez le doigt dans l'œil.
00:35:29 - C'est tout à fait ce qu'ils ont dit.
00:35:30 - Non, on est en train d'expliquer que le travail n'est pas une valeur.
00:35:33 Pour payer la santé au prix où elle coûte, pour que les myopathes ne meurent plus,
00:35:37 que pour que les gens qui sont aveugles ne soient plus aveugles
00:35:40 quand ils ont une maladie génétique des yeux, il faut dépenser beaucoup d'argent.
00:35:44 Ça coûte de plus en plus cher de guérir les enfants leucémiques,
00:35:47 de guérir les cancéreux adultes.
00:35:49 Il est irresponsable de penser qu'on va pouvoir maintenir la santé,
00:35:52 l'état-providence, la solidarité en expliquant à tout le monde qu'il ne faut plus bosser.
00:35:57 On est en train de faire le lit d'une médecine à deux vitesses,
00:36:00 d'une médecine de riches et d'une médecine de pauvres.
00:36:02 Parce que si on ne bosse pas, on ne pourra pas payer à tout le monde,
00:36:05 y compris aux plus modestes, les meilleurs traitements et les meilleurs thérapeutiques.
00:36:09 Une opération du cœur, ça coûte une fortune.
00:36:12 Ce n'est pas dans un monde de l'après-travail qu'on va payer tout ça.
00:36:15 Notre pays vieillit, l'Europe globalement vieillit.
00:36:18 On va dépenser de plus en plus pour la santé.
00:36:20 Il faut bosser pour tout ça.
00:36:22 Sinon on aura vraiment une médecine à deux vitesses.
00:36:24 Donc il faut arrêter les conneries sur le poste-travail.
00:36:27 Il faut bosser pour assurer la solidarité.
00:36:29 Il faut bosser pour assurer la sécurité sociale et une santé correcte à tout le monde.
00:36:34 Ce discours, il est suicidaire compte tenu du vieillissement de la population française
00:36:39 parce qu'on ne va plus pouvoir payer la santé à tout le monde.
00:36:42 Alors je sais bien que certains écologistes comme Jean Covici ont écrit qu'il fallait,
00:36:47 que c'était la solution la plus simple, hein, Jean Covici l'a écrit,
00:36:50 que c'était la solution la plus simple, il fallait arrêter de soigner les personnes âgées très malades.
00:36:55 Mais effectivement, si on veut développer une écologie de lutte
00:36:59 qui est en réalité une euthanasie écologique, oui c'est ce qu'il faut faire.
00:37:02 Mais moi je suis contre.
00:37:04 En tant que père de famille, en tant que citoyen et en tant que médecin,
00:37:07 je suis contre cette société où nous ne pourrions plus soigner tout le monde,
00:37:12 y compris les gens les plus modestes.
00:37:14 Il faut bosser pour assurer une santé et un état providence et de sécu correct à tout le monde,
00:37:19 y compris aux plus fragiles d'entre nous.
00:37:21 Je ne suis pas sûr que Jean Covici voulait dire ça.
00:37:23 Il l'a explicitement dit, c'est encore dans Socialter, l'interview est disponible,
00:37:28 et j'ai la capture d'écran.
00:37:31 Céline Marti ?
00:37:32 Non, je pense qu'aucun écologiste n'a envie de laisser mourir les personnes malades.
00:37:37 Je pense qu'il n'est pas là le sujet, je pense que ce qui fait du mal,
00:37:40 c'est une production industrielle qui est basée sur une consommation et une surproduction de masse,
00:37:46 qui a des conséquences sur la santé des gens.
00:37:49 Allez expliquer aux gens qui consomment trop et qu'il faut diminuer leur pouvoir d'achat.
00:37:53 C'est un discours des beaux quartiers, qui n'est pas adapté aux gens qui souffrent et qui veulent consommer plus.
00:37:59 Monsieur Sybert, vous allez faire l'émission à vous tout seul, mais en tout cas, ce n'est pas ça.
00:38:03 C'est tout un système qui alimente la production.
00:38:06 Il ne s'agit pas de culpabiliser individuellement les gens,
00:38:09 alors qu'on a de la publicité partout, d'ailleurs, il y a quelques minutes sur cette émission.
00:38:13 Donc l'enjeu, c'est tout un système qui est fondé sur une consommation et une production de masse,
00:38:19 qui aussi alient les gens.
00:38:22 On se rend bien compte que ce n'est pas par cette consommation compensatoire qu'on trouve du sens et qu'on trouve du bonheur.
00:38:29 Juste pour résumer, Céline Marti, dans votre livre "Travaillez moins pour vivre mieux",
00:38:32 vous ne dites pas qu'il ne faut plus travailler, vous dites qu'il faut travailler moins,
00:38:35 mais surtout vous expliquez qu'en fait, cette jeune génération, et pas seulement elle,
00:38:39 mais aussi parmi les gens plus âgés, a d'autres ambitions, au fond,
00:38:43 y compris à l'intérieur du travail, que celles que pouvaient avoir les générations précédentes.
00:38:50 C'est aussi ça que vous dites.
00:38:51 Oui, d'autres aspirations, et dont l'aspiration à prendre plus soin de soi,
00:38:56 qui est aussi une des dimensions de la santé.
00:38:58 Parce que quand vous vous tuez à la tâche, quand vous avez un tiers des managers
00:39:02 qui prend des antidépresseurs, des anxiolytiques,
00:39:06 ah si, c'est les chiffres de Malakoff Humanis, vous irez voir avec eux.
00:39:09 Mais en tout cas, quand vous avez des travailleurs qui prennent des substances addictives
00:39:13 pour tenir au travail, quand vous avez des travailleurs qui n'en peuvent plus,
00:39:17 et bien à quoi ça sert, finalement ?
00:39:19 Ensuite, du coup, vous les récupérez en tant que malades.
00:39:22 Mais peut-être qu'on pourrait d'abord soigner le travail avant de soigner les malades.
00:39:26 Et avant de réformer les retraites, vous voulez dire ?
00:39:28 Oui, avant de réformer les retraites, parce que le problème de cette réforme des retraites,
00:39:32 c'est qu'elle ne change rien aux conditions de travail.
00:39:34 On se met à parler de l'emploi des seniors, mais en fait, on ne change rien concrètement là-dessus.
00:39:38 Et d'ailleurs, c'est Jacques Attali qui disait, finalement, avec cette retraite,
00:39:42 on concentre tous nos efforts politiques, tous nos débats autour d'elle,
00:39:45 plutôt que de parler d'autre chose, plutôt que de parler de réformes plus urgentes.
00:39:49 Je pense que les réformes plus urgentes, c'est notamment l'amélioration des conditions de travail,
00:39:53 parce qu'elles se sont dégradées en France, alors qu'elles s'améliorent dans les autres pays européens,
00:39:57 parce que ça a mené à une intensification du travail, une augmentation de la charge de travail,
00:40:02 notamment depuis les cinq dernières années.
00:40:05 C'est un rapport de l'Institut Montaigne qui le montre.
00:40:08 Et que finalement, on ne peut pas juste dire aux gens, c'est deux ans de plus, et puis voilà.
00:40:14 Parce que la réalité des conditions de travail, ça ne permet pas de tenir deux ans de plus.
00:40:20 Et donc, il y a deux réformes au moins, et ce n'est pas uniquement des réformes,
00:40:24 c'est vraiment des révolutions radicales, c'est l'amélioration des conditions de travail et l'urgence écologique.
00:40:30 Et l'urgence écologique, ce n'est pas juste le réchauffement climatique,
00:40:33 parce que c'est tous les aspects, c'est la biodiversité, c'est notre rapport à notre écosystème,
00:40:39 et aussi aux êtres humains qui sont abîmés par cette machine productiviste.
00:40:43 Et donc, c'est tout ça qu'il faut revoir avant de dire deux ans, 43 ans d'annuité ou non.
00:40:49 Thierry Lens ?
00:40:50 Moi, c'est bien, parce qu'on entend beaucoup de choses très générales,
00:40:53 mais quelles conditions de travail, pour qui, à quel endroit, à quel moment, quel type de travail, etc.
00:40:59 On généralise les conditions. Moi, je travaille beaucoup, je travaille dans de très bonnes conditions.
00:41:03 D'autant mieux, vous avez de la chance.
00:41:05 Et je suis sûr qu'il y a des tas de gens comme ça. J'ai travaillé dans un grand groupe industriel,
00:41:09 un peu concurrent de la chaîne d'ici, et tout le monde était assez content de travailler, les choses se passaient bien.
00:41:17 Qu'est-ce que c'est, les gens souffrent, etc. Voilà cette société de la tristesse.
00:41:23 Tout le monde est triste, y compris vous, dans vos réformes, tout ça, c'est triste.
00:41:27 On n'a vraiment pas envie de vous suivre, quand on entend ça.
00:41:30 On n'a pas envie de suivre Mme Borne, qui a une tête d'enterrement à longueur de temps.
00:41:34 Et c'est gouet, le monde est gouet, Céline Martin.
00:41:36 Ni l'un ni l'autre, un peu d'enthousiasme, un peu de joie.
00:41:41 J'ai rencontré des travailleurs qui allaient bien, mais heureusement qu'on a des sciences, d'ailleurs,
00:41:46 qui nous permettent de faire des statistiques, des généralités sur la situation des gens.
00:41:50 Les sciences, c'est l'observation que vous avez d'eux, mais ce n'est pas eux.
00:41:53 C'est un signe qui est quand même plutôt libéral et de droite,
00:41:57 qui remarque l'intensification des conditions de travail et l'augmentation de la charge de travail sur ces 5 dernières années.
00:42:03 Donc, si vous contestez leurs chiffres, vous pouvez aller discuter avec eux.
00:42:06 Par ailleurs, je ne conteste pas leurs chiffres, je conteste la généralisation d'éléments chiffrés qui sont par-ci, par-là, etc.
00:42:14 En tout cas, je pense que...
00:42:16 Excusez-moi, Mme la professeure.
00:42:18 Non mais c'est bien, chacun se fonde sur son expérience personnelle pour parler, c'est bien.
00:42:21 Mais tout l'enjeu, et là vous dites que c'est un projet triste.
00:42:24 Oui, c'est triste.
00:42:26 Non, c'est le productivisme qui est triste.
00:42:28 C'est le productivisme qui met en péril nos conditions de vie.
00:42:31 Là, vous vous réjouissiez tout à l'heure de la météo, qu'il allait faire beau ces prochains jours.
00:42:35 C'est une catastrophe cette sécheresse.
00:42:37 Vous ne pouvez pas vous dire que finalement c'est sympa parce qu'il fait beau.
00:42:40 Non, ce n'est pas ça.
00:42:41 Donc, c'est le productivisme dans lequel on vit.
00:42:43 Vous voyez, je n'ai même pas le droit d'être content qu'il fasse beau.
00:42:45 Voilà.
00:42:46 Donc, c'est le productivisme qui nous rend triste.
00:42:52 Et finalement tout l'enjeu, c'est de réorganiser.
00:42:55 C'est de réorganiser notre travail de manière plus heureuse aussi.
00:42:59 Et ça, je pense que M. Mafézoli sera d'accord avec ça.
00:43:01 C'est de remettre aussi de la joie de la création dans le travail.
00:43:07 Et par rapport au travail aussi.
00:43:09 J'aimerais avoir l'avis d'une mathématicienne, comme Clotilde Fermabien,
00:43:14 d'un professeur en oncologie.
00:43:17 Après tout, il s'y connaît un peu en santé.
00:43:19 Clotilde ?
00:43:21 Sur la tristesse.
00:43:25 Cette valeur travail.
00:43:26 Disons que j'aurais tendance à me fier aux statistiques de l'Institut Montaigne.
00:43:30 S'ils ont dit qu'il y avait un certain pourcentage de gens qui ne sont pas heureux,
00:43:34 j'aurais tendance à le croire.
00:43:36 Voilà.
00:43:37 Je veux dire, un chiffre, c'est pour le coup, les statistiques ne trompent pas.
00:43:40 Mais vous êtes contente de vos conditions de travail, si je vous pose la question ?
00:43:43 Évidemment, moi, je fais le métier que j'aime.
00:43:45 Je fais la recherche en mathématiques.
00:43:47 Invitez des gens qui ne vont pas bien dans leur travail, dans ce cas-là.
00:43:50 Le principe de cette émission n'étant pas d'inviter des gens qui ont des métiers particulièrement pénibles.
00:44:00 Par contre, on parlait des ingénieurs tout à l'heure, des jeunes ingénieurs.
00:44:03 Ce que je sais, c'est que les jeunes ingénieurs tournent.
00:44:05 C'est-à-dire qu'ils restent rarement plus de deux ans dans un établissement.
00:44:09 Et pourquoi ? Parce qu'ils ne sont pas contents de leurs conditions de travail.
00:44:11 Parce qu'ils trouvent qu'ils travaillent trop.
00:44:13 Parce que leur travail n'a pas toujours de sens.
00:44:16 Et ce que j'observe quand même chez les jeunes qui m'entourent, c'est qu'il y a une quête de sens dans leur travail.
00:44:20 En particulier chez les ingénieurs.
00:44:22 Et qu'il y a quand même une difficulté pour les entreprises, justement avec ce turnover.
00:44:27 Et ça, ils le disent. Les grands patrons le disent.
00:44:30 Les chefs d'entreprise n'étant pas des imbéciles, ils vont finir par en tenir compte.
00:44:34 Et c'est comme ça que les choses se régulent.
00:44:36 C'est pas parce qu'on va nous dire, écoutez les gars, il faut une bonne condition de travail.
00:44:39 Heureusement qu'il y a des gens qui font des études pour dire que les ingénieurs ne sont pas contents.
00:44:43 Pourquoi les jeunes ?
00:44:45 Moi, je vais exercer une liberté qu'on n'exerce assez peu souvent.
00:44:49 C'est que comme je ne suis pas expert ni de la retraite, ni de la sociologie, je ne vais pas donner mon avis.
00:44:53 Par contre, ce que je remarque, c'est qu'on a vraiment l'impression d'avoir deux blocs qui n'arrivent plus à s'entendre, à parler.
00:44:58 Et c'est ce qu'on voit en fait, jour après jour, dans les médias, en ce moment, sur la réforme de la retraite.
00:45:04 Il n'y a plus de dialogue possible. Il y a une très grande polarisation.
00:45:07 Et je suis étonné qu'on n'arrive plus à trouver le chemin un petit peu médian entre ces deux positions-là.
00:45:12 Au-delà de ça, je ne dirais pas plus que ça.
00:45:14 Aurélien Lignereux ?
00:45:16 Je suis en double position d'observateur en tant qu'historien, et puis en même temps en tant que professeur dans un institut d'études politiques.
00:45:27 Donc je vois les mobilisations, j'observe, j'essaie de dialoguer avec les étudiants mobilisés.
00:45:36 Michel Maffesoli, qu'on n'entend plus depuis qu'il a provoqué l'ire de Laurent Alexandre. On ne l'entend plus. Vous êtes toujours là, Michel ?
00:45:43 Je suis là, mais vous ne m'avez pas encore donné la parole.
00:45:46 Je vous la donne.
00:45:48 Si vous me la donnez, moi, je la prends.
00:45:50 Tout d'abord, je n'ai aucune conviction, personnellement. Plutôt, mes convictions n'intéressent personne.
00:45:58 Et pour tout vous dire, je suis un travailleur, et un gros travailleur, je crois. Et mes livres le prouvent.
00:46:03 Donc quand je fais un constat sur ce que j'ai dit tout à l'heure sur la valeur du travail, ce ne sont pas mes valeurs à moi que j'exprime.
00:46:11 Et donc je suis fatigué par des gens qui nous imposent leurs valeurs dans des débats comme cela, un peu comme disait ce grand théoricien,
00:46:19 quand je n'ai rien à dire, je veux que ça se sache. Ce n'est pas mon cas.
00:46:22 Alors, au-delà de cela, je crois que oui, il y a une redéfinition des valeurs qui ont marqué la modernité. Redéfinition.
00:46:30 Soyons clairs, on n'est pas dans le linéarisme, on n'est pas dans un progressisme.
00:46:35 Quand la droite raison et le bon sens réunis nous forcent à dire que sur 2000 ans de temps d'observation, on voit qu'il y a des époques.
00:46:43 En grec, le mot époque, ça signifie parenthèse. Pour moi, il y a une parenthèse qui est en train de se fermer.
00:46:49 Une époque, c'est la modernité, commençons au 17e siècle, s'achevant vers la moitié du 20e.
00:46:55 Et une autre époque est en train de s'ouvrir, ce que certains, je cite cela, appellent la post-modernité.
00:47:00 Donc, changement de valeur, transition ou transmutation épocale.
00:47:05 Et donc, à ce moment-là, les grandes valeurs qui ont marqué à bien des égards cette modernité ne fonctionnent plus.
00:47:11 Une de celles-ci est la valeur travail. Je vais vous donner un exemple.
00:47:16 Encore une fois, les chefs d'entreprise ont le nez creux et ils savent comment il faut faire justement pour mobiliser de l'énergie.
00:47:22 Eh bien, Google, quand Google va imposer à tous ses employés de faire entre 15% et 20% du temps de travail, autre chose que le travail,
00:47:29 littérature, poésie, discussion, peu importe, etc., étant entendu que par après, il va récupérer cela,
00:47:37 justement pour faire les sigles, pour montrer ce qui est en jeu dans son entreprise.
00:47:44 Eh bien, voilà ce qui me paraît étrange, c'est-à-dire qu'on n'a pris que la valeur travail pour aller droit au but,
00:47:49 on a été droit dans le mur et d'une certaine manière, dans l'époque qui commence, je dis bien, ce ne sont pas mes valeurs,
00:47:56 mais dans l'époque qui commence, il y a d'autres types de valeurs qui sont ici en gestation.
00:48:00 Voilà, le qualitatif de l'existence. Alors, ça peut déplaire à certains. Moi, ça m'est complètement égal, si vous voulez.
00:48:07 Je dis bien, je ne fais pas état de mes convictions. Mais soyons attentifs à cela.
00:48:12 Pourquoi rester encore une fois sur ce que furent les grandes valeurs modernes ?
00:48:17 C'est aller droit dans le mur, c'est cela. Droit au but, droit dans le mur.
00:48:22 Eh bien, d'une certaine manière, actuellement, on ne mobilise plus de l'énergie juvénile, uniquement sur le quantitatif.
00:48:28 Par contre, ceux qui justement se rendent bien compte du changement d'imaginaire qui est en jeu,
00:48:35 ils savaient bien qu'il faut récupérer toute une série d'éléments que l'on avait laissés de côté.
00:48:39 C'était le 1% culturel. Voilà. Eh bien, il me paraît qu'actuellement, au-delà de ce 1% culturel,
00:48:45 le qualitatif de l'existence est la chose importante.
00:48:49 Vous ne mobiliserez plus d'énergie sur le mot "travail".
00:48:52 Si je suis obscène, vous pouvez faire travailler quelqu'un 18 heures par jour sur l'idée de création.
00:48:58 Voilà un peu l'idée, vous voyez. Et donc, c'est en quelque sorte s'ajuster à ce changement d'atmosphère,
00:49:04 à ce changement climatique. Sinon, on finira comme des dinosaures.
00:49:08 Je vois bien que bien des chefs d'entreprise sont conscients du fait qu'il faut s'adapter à ce changement d'imaginaire.
00:49:14 C'est l'ambiance, c'est le climat, c'est l'atmosphère, etc.
00:49:17 Un grand philosophe espagnol du siècle dernier, Ortega y Gasset,
00:49:22 écrivant d'ailleurs un livre fameux qui s'appelle "La révolte des masses",
00:49:26 à mon avis, livre d'actualité actuellement, pour réfléchir sur les soulèvements,
00:49:30 disait que, dans le fond, il faut être attentif à ce qu'il appelle l'impératif atmosphérique.
00:49:35 On est déterminé par une atmosphère, sinon on finit comme des dinosaures
00:49:39 qui n'ont pas su s'adapter à ce changement climatique.
00:49:41 Pour moi, c'est ce qui est en jeu actuellement. Il y a un impératif atmosphérique,
00:49:46 un changement d'atmosphère. On peut penser que c'est pas bien, que c'est mal, tout ça, etc.
00:49:52 Là, peu importe. Ce changement climatique, pas changement climatique stricto sensu, certes, il est vrai, il est là,
00:49:59 mais aussi un changement climatique spirituel. Et pour moi, il y a un retour du spirituel, du culturel,
00:50:06 sous ces diverses modulations. C'est ce que j'appelle le qualitatif.
00:50:09 Moi, j'ai dit ce que j'avais à dire là-dessus, je n'ai plus rien à dire, cher ami, par rapport à ça.
00:50:14 Un dernier mot, Céline, sur ce sujet ?
00:50:18 Que, à minima, on ne peut pas partir du principe qu'il faut juste relancer la machine telle qu'elle est actuellement,
00:50:25 qu'il faut se poser des questions sur ce qu'on produit, pourquoi on le produit, à destination de qui,
00:50:31 quels sont les besoins sociaux prioritaires à satisfaire avec des ressources productives qui sont limitées,
00:50:37 aussi bien l'énergie humaine que nos ressources énergétiques, que nos métaux, nos minerais, etc.
00:50:44 et qu'on ne peut plus faire comme si de rien n'était et relancer la machine comme avant.
00:50:50 On va maintenant parler avec Jean-Emmanuel Bibaud de la médecine révolutionnée par l'intelligence artificielle.
00:50:58 Il nous reste juste quelques minutes avant le journal. Est-ce que vous pouvez nous dire en deux mots,
00:51:03 comment est la médecine aujourd'hui ? Parce que pour comprendre comment l'intelligence artificielle va révolutionner la médecine,
00:51:09 il faut comprendre où en est la médecine. Et là où en est la médecine, la façon de procéder, c'est à peu près la même qu'il y a un siècle.
00:51:14 C'est à peu près ça, oui. Et j'espère qu'on va avoir des raisons de se réenchanter un petit peu en parlant de ça,
00:51:18 parce qu'on va réaliser qu'il y a beaucoup, beaucoup de raisons de se réjouir de l'évolution des choses et de l'avenir qui nous attend,
00:51:24 notamment pour de meilleurs soins pour les patients.
00:51:26 Aujourd'hui, pour que l'on va chez le médecin, parce que tout à coup on a un symptôme,
00:51:31 et c'est à partir de ce symptôme que le processus va s'engager.
00:51:37 Ça va déclencher des examens, vous le savez, des radiologies, des scanners, peut-être des biopsies, des choses comme ça.
00:51:43 C'est vrai que parfois ça peut passer pas mal de temps avant qu'on ait un résultat de savoir ce qui se passe.
00:51:48 Et l'un des intérêts de l'IA, c'est qu'on va pouvoir compresser ce temps et passer, par exemple, plusieurs semaines, peut-être à plusieurs heures.
00:51:55 Et donc on sait que quand on réduit ce temps de prise en charge, on améliore le traitement.
00:52:01 La capacité de détecter une maladie et à prévoir son évolution, l'IA va le faire mieux que vous,
00:52:08 à la fois parce qu'elle va le faire plus vite ou parce qu'elle va voir ce que vous ne voyez pas ?
00:52:11 Ça ne va pas être très difficile de faire mieux que nous, mieux que les humains en général.
00:52:15 On sait avec certaines recherches neurobiologiques que le cerveau humain, à partir de 5 facteurs, grosso modo,
00:52:20 il n'est plus très bon pour prendre des décisions.
00:52:22 On parlait de prendre des décisions sur les retraites.
00:52:24 En réalité, il y a beaucoup d'irrationnels qui s'installent dès qu'on est humain.
00:52:29 Par contre, effectivement, avec l'IA, vous pouvez lui donner 100, 1000 facteurs si vous avez envie,
00:52:34 et vous allez pouvoir avoir une prédiction extrêmement précise et fidèle.
00:52:37 Donc l'IA n'a pas la limite organique de nos cerveaux.
00:52:42 On va pouvoir faire des prédictions, personnaliser les soins, etc.
00:52:45 Alors Alexandre, un mot juste avant le journal ?
00:52:48 J'invite tous vos auditeurs à lire le bouquin de Bibo sur la médecine en 2040, qui est remarquable
00:52:54 et qui fait une très bonne synthèse de la façon dont notre métier va être bouleversé dans les années qui viennent.
00:52:59 C'est 2041, l'Odyssée de la médecine, évidemment allusion au film de Stanley Kubrick.
00:53:06 Merci Céline d'être avec nous. Je le dis parce que vous allez nous quitter juste maintenant,
00:53:11 pas parce que vous êtes fâchée, pour être clair.
00:53:14 C'est une journée de travail demain.
00:53:16 Voilà, et que vous devez vous lever tôt.
00:53:19 C'est le journal, on se retrouve juste après, et la révolution de l'intelligence artificielle dans la médecine, c'est juste après.
00:53:30 Balance après la rave party de ce week-end, 4 personnes ont été placées en garde à vue,
00:53:35 dont les 3 organisateurs présumés de l'événement.
00:53:38 Au total, 14 individus ont été interpellés.
00:53:41 Les policiers ont évacué le site en milieu d'après-midi.
00:53:44 3 d'entre eux ont été légèrement blessés.
00:53:46 Certains participants ont opposé une vive résistance via des jets de projectiles sur les forces de l'ordre.
00:53:52 Vladimir Poutine convaincu qu'il remportera à l'usure la guerre en Ukraine,
00:53:58 affirme le patron de la CIA.
00:54:00 Selon lui, si l'armée russe est confrontée à des difficultés sur le front,
00:54:04 Vladimir Poutine refuse d'envisager toute autre option qu'une victoire.
00:54:08 Toujours selon William Burns, le président russe serait trop confiant dans sa capacité à épuiser l'Ukraine.
00:54:14 Match choc en clôture de la 25e journée de Ligue 1.
00:54:18 Au stade Vélodrome, le PSG a écrasé l'OM 3-0,
00:54:22 ouverture du score par Kylian Mbappé, suivie de Lionel Messi, avant un doublé du champion du monde 2018.
00:54:28 Le PSG creuse l'écart et repousse donc l'OM à 8 points.
00:54:32 Kylian Mbappé, lui, atteint la barre des 200 buts au Paris Saint-Germain,
00:54:36 égalant ainsi le record d'Edinson Cavani.
00:54:40 Il est froid, il est très froid.
00:54:43 Les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit.
00:54:49 Un de nos visiteurs ce soir, c'est Jean-Emmanuel Bibaud,
00:54:52 qui est professeur en oncologie et radiothérapie à l'université de Paris-Cité,
00:54:56 qui exerce à l'hôpital Georges Pompidou,
00:54:58 qui est chercheur à l'Inserm dans le domaine de l'intelligence artificielle appliquée à la médecine.
00:55:04 Et avant tout ça, vous étiez à Stanford, dans un laboratoire de la Silicon Valley.
00:55:10 C'est tout ça qui vous a permis d'écrire 2041, l'Odyssée de la médecine.
00:55:14 Alors expliquez-nous, Jean-Emmanuel, comment l'intelligence artificielle va détecter les maladies,
00:55:20 puisque, on l'a dit, c'est là que ça commence.
00:55:22 On a un symptôme, on va chez le médecin.
00:55:24 Mais est-ce que l'intelligence artificielle va pouvoir détecter les maladies sans qu'on ait besoin d'avoir un symptôme ?
00:55:29 Alors il y a plusieurs choses.
00:55:30 En fait, l'intelligence artificielle, comme pour d'autres domaines,
00:55:33 est très intéressante pour faire ce qu'on appelle des tâches de perception,
00:55:37 c'est-à-dire ce que font en fait les radiologues ou alors les anatomopathologistes
00:55:41 quand ils regardent sous le microscope des petits morceaux de tumeurs qu'on peut éventuellement prendre avec des biopsies.
00:55:45 Et pour ça, l'IA est capable de faire des choses que l'humain sait faire,
00:55:50 c'est-à-dire par exemple repérer s'il y a un nodule sur un scanner thoracique,
00:55:54 voir s'il y a un nodule sur une mammographie, ce genre de choses-là.
00:55:57 Et ça, c'est ce dont on se sert quasiment un petit peu au quotidien déjà dans certains hôpitaux,
00:56:01 via des collaborations avec des startups ou des entreprises qui commercialisent ce genre de logiciel-là.
00:56:07 Mais là où c'est peut-être plus intéressant avec l'IA, c'est que, comme je le disais un peu tout à l'heure,
00:56:11 c'est lorsqu'elle sait faire des choses que nous on ne sait pas faire.
00:56:14 Et donc très simplement, il y a l'exemple d'une étude qui a été publiée par une équipe australienne il y a déjà quelques années,
00:56:20 où les chercheurs ont pris des scanners qui avaient été réalisés aux urgences pour des patients,
00:56:25 et qui étaient des scanners qui semblaient être normaux à un regard humain, on va dire.
00:56:31 Et comme ils avaient le devenir de ces patients auxquels ils se sont intéressés 5 ans après leurs scanners,
00:56:36 ils ont essayé de voir s'ils pouvaient apprendre à une IA à prédire le risque de décéder à partir d'un scanner qui semble totalement normal.
00:56:44 Et ils montrent dans le papier qui a été publié que ça marche plutôt bien.
00:56:47 Donc ça veut dire que déjà aujourd'hui, même si ce n'est pas appliqué en routine clinique, je ne vais pas faire peur,
00:56:52 mais d'un point de vue strictement théorique, on peut utiliser des algorithmes qui analysent des images 3D scanners,
00:56:58 et donc en gros qui analysent des niveaux de gris, et qui arrivent à trouver des corrélations au sein de ces niveaux-là
00:57:04 pour prédire votre risque de décéder à 5 ans. Ce que l'humain, évidemment, en tout cas à l'heure actuelle, n'est absolument pas capable de faire.
00:57:11 Et donc là, ils détectent et en même temps ils prévoient l'évolution de la maladie.
00:57:14 Alors c'est binaire. Souvent en IA, on fait des choses, on fait de la classification, et c'est très très souvent binaire en fait.
00:57:20 C'est soit 0, soit 1, soit vous êtes à risque, soit vous n'êtes pas à risque.
00:57:24 Donc une fois que vous savez ça, vous pouvez éventuellement faire une deuxième étape
00:57:28 où vous allez essayer de déterminer la cause exacte du risque, mais dans ce papier-là, c'était très très très binaire,
00:57:34 et c'est très souvent le cas en IA.
00:57:36 Mais je pense à la mastectomie préventive d'Angelina Jolie, qui a quand même subi l'ablation des deux seins.
00:57:42 Elle avait fait un test génétique, on lui a dit que sa mère avait eu un cancer du sein, sa grand-mère avait eu un cancer du sein,
00:57:48 et qu'en gros, les risques qu'elle ait un cancer du sein, qu'elle n'avait pas, étaient tels qu'il valait mieux en passer par là.
00:57:55 Alors pour le coup, ça, ça parle plus au niveau de la génomique, et on a des très fortes associations statistiques
00:58:01 entre une mutation, en l'occurrence le BRCA, pour Angelina Jolie, mais il n'y a pas que, elle a bien sûr d'innombrables patientes.
00:58:08 Mais il se trouve qu'elle en a parlé, et donc on peut se permettre de le dire.
00:58:11 Elle a participé notamment aux Etats-Unis à la démocratisation de ce genre de test-là,
00:58:14 et aussi à la démocratisation et à la discussion sur la mastectomie prophylactique, c'est-à-dire préventive bilatérale.
00:58:20 Et donc ça, ça n'implique pas directement de l'IA en fait, ça implique une corrélation entre un facteur très fort et un risque.
00:58:26 Mais on sait aussi que l'IA, comme je l'ai voulu expliquer, pourrait analyser une mammographie de sein
00:58:32 chez une personne qui n'est pas porteuse d'une mutation, et prédire à l'avance le risque.
00:58:36 - Et voir quelque chose. - Absolument.
00:58:37 - Est-ce qu'elle peut le faire avec la psychiatrie ? Par exemple, une dépression,
00:58:42 est-ce que l'intelligence artificielle est capable de voir venir une dépression ?
00:58:49 - Alors en fait, ce qui est intéressant, c'est qu'on aurait plutôt la notion que l'IA ne marche pas très bien
00:58:54 sur tout ce qui semble être un petit peu impalpable, entre guillemets, psychologique ou psychiatrique.
00:58:58 - La santé mentale. - Voilà, la santé mentale.
00:59:00 En réalité, la santé mentale, c'est un des premiers domaines à laquelle l'IA a été consacré,
00:59:05 notamment dans les années 60 aux Etats-Unis, et ça continue à être très utilisé.
00:59:10 Je vais vous donner deux exemples qui vont parler aux plus jeunes.
00:59:14 Facebook, par exemple, a un algorithme qui permet de détecter dans vos posts
00:59:19 les idées suicidaires ou les connotations un petit peu d'idées noires ou dépressives de ce que vous faites.
00:59:26 Et lorsque il y a cette fameuse classification en risque,
00:59:30 ça déclenche une alerte type hotline anti-suicide pour prévenir le suicide.
00:59:35 Alors c'est intéressant parce qu'on se dit que c'est bien, parce que ça va réduire le risque de suicide,
00:59:40 mais ça pose aussi pas mal de questions sur la surveillance de masse,
00:59:43 sur le rythme qu'ils vont aller voir tout ce que font les gens.
00:59:45 - Et qui décrètent que tout à coup vous êtes en danger sous le prétexte que vous avez lu Huisbence à rebours
00:59:50 ou que vous avez écouté un peu trop longtemps une chanson déprimante.
00:59:53 - Ce qui en est paradigmatique, on peut imaginer qu'on se retrouve un peu dans Brazil
00:59:56 où au tout début il y a une toute petite erreur administrative
00:59:58 et tout d'un coup il y a une sorte de machine qui se met en marche autour de vous pour une erreur administrative.
01:00:02 Là on pourrait imaginer ce genre de choses-là aussi avec l'IA si on ne fait pas attention à la façon dont elle est utilisée.
01:00:06 Le deuxième exemple très parlant, pour le coup c'est une équipe de chercheurs qui a fait ça,
01:00:10 c'est qu'ils ont pris vos photos Instagram, vous savez que les jeunes aiment beaucoup Instagram,
01:00:14 Facebook c'est déjà un petit peu has-been chez les jeunes.
01:00:17 Et donc ils ont regardé si simplement à partir des filtres que vous utilisiez
01:00:20 ou à partir des couleurs qu'il y avait dans vos photos,
01:00:22 ils pouvaient prédire votre risque de dépression et ça marche aussi.
01:00:26 Donc ça veut dire que les photos que vous utilisez et que vous postez sur Instagram
01:00:29 en fait peuvent aussi prédire votre risque de dépression.
01:00:32 Et ça pose beaucoup de questions parce qu'on a l'impression qu'inconsciemment on participe à un réseau social
01:00:38 et qu'on met des photos sympas de son plat ou de paysage.
01:00:41 Mais ce qui se passe en réalité c'est que théoriquement si vous avez votre vraie identité sur votre compte,
01:00:45 ce qui est souvent le cas, quelqu'un d'extérieur pourrait prédire votre risque dépressif
01:00:50 et imaginons qu'un employeur ou qu'un assureur ou qu'une banque puissent et veuillent vous profiler de cette façon-là,
01:00:56 ils pourraient théoriquement le faire déjà actuellement.
01:00:59 Donc ça pose plein de questions éthiques et sur la façon dont on va se servir de ces IA-là dans les années qui viennent.
01:01:04 - Laurent Alexandre ? - C'est tout à fait vrai mais l'IA prédit assez bien le risque suicidaire,
01:01:09 plutôt mieux que les psychiatres à partir de dossiers médicaux
01:01:12 et effectivement sur les réseaux sociaux on peut savoir beaucoup de choses de nous.
01:01:16 D'ailleurs on a pu montrer que sur notre profil Facebook,
01:01:19 il est possible de déterminer la structure de notre sexualité à partir de nos posts
01:01:23 et à partir de notre graphe sociale.
01:01:26 Donc un individu qui voudrait nous manipuler à partir de nos posts sur les réseaux sociaux
01:01:31 pourrait déterminer des tas de choses sur notre structure psychiatrique, sur notre sexualité,
01:01:36 sur notre structure psychanalytique, voire même sur nos opinions politiques.
01:01:44 Donc c'est vrai que cette société de l'IA nous rend relativement transparents
01:01:47 mais ça c'est le côté négatif qu'il faut voir, c'est le côté positif,
01:01:52 c'est que l'explosion de la puissance informatique,
01:01:54 on a maintenant des ordinateurs qui réalisent un milliard de milliards d'opérations chaque seconde.
01:02:00 Mais encore faut-il qu'ils aient les bonnes données.
01:02:02 Bien sûr, mais des données on en a de plus en plus
01:02:05 et on fait des progrès considérables dans la capacité de l'intelligence artificielle
01:02:08 à prédire notre destin médical et aussi la meilleure prise en charge par les médecins.
01:02:14 Cette progression est tout à fait spectaculaire.
01:02:17 Et on a aujourd'hui une nouvelle arme qui va arriver, c'est l'univers de chaque GPT.
01:02:21 C'est-à-dire que ce qu'on appelle les LLM, les larges réseaux de langage,
01:02:27 les larges modèles de langage sont en train de révolutionner l'intelligence artificielle
01:02:33 et vont avoir des conséquences extrêmement importantes en médecine.
01:02:36 Donc ce qu'il faut retenir de l'intelligence artificielle,
01:02:38 c'est que ça va bouleverser l'organisation de la médecine d'ici 2050,
01:02:42 que ça va dans beaucoup de domaines beaucoup améliorer la prise en charge
01:02:46 et que les éléments positifs de cette révolution vont être beaucoup plus importants
01:02:50 que les éléments négatifs qu'il ne faut pas négliger.
01:02:53 Il faut savoir que le patron de Nvidia,
01:02:57 qui est le principal fabricant des microprocesseurs qui fondent l'intelligence artificielle,
01:03:01 qu'on appelle les processeurs GPU, a déclaré il y a deux jours
01:03:05 qu'en 2033, l'intelligence artificielle sera un million de fois plus intelligente,
01:03:11 un million de fois plus puissante que chaque GPT.
01:03:13 Quand on voit déjà la puissance de chaque GPT en février 2023,
01:03:18 on imagine ce qu'on va pouvoir faire en médecine avec l'intelligence artificielle
01:03:22 au début des années 2030.
01:03:24 C'est d'ailleurs le sens du bouquin de Bibon.
01:03:26 Je fais allusion, ça dépend des datas qu'on a pour faire de l'intelligence artificielle,
01:03:33 parce que pendant le Covid, une fois qu'on a eu des masques,
01:03:36 on a été tous obligés en France de les porter à l'extérieur.
01:03:39 Et ça a quand même duré six mois.
01:03:42 Or le risque de se contaminer en extérieur avec des aérosols est à peu près nul.
01:03:48 Qu'aurait dit, à votre avis, l'intelligence artificielle ?
01:03:51 Est-ce qu'elle aurait eu les études de qualité qui savaient déjà
01:03:55 qu'on se contaminait pas en extérieur ?
01:03:57 Ou est-ce qu'elle aurait joué la prudence, comme l'a fait le gouvernement,
01:04:00 en masquant toute la population ?
01:04:02 En fait, il n'y aurait pas forcément eu besoin d'intelligence artificielle
01:04:05 pour trouver qu'il n'y avait pas besoin de masques en extérieur.
01:04:08 Il n'y avait pas besoin, c'est sûr.
01:04:10 Ça aurait probablement suffit d'une régression logistique très basique,
01:04:12 ce qui est vraiment très simple, entre guillemets.
01:04:14 Mais c'est vrai qu'on peut retenir comme message que l'IA,
01:04:18 et c'est là aussi un des messages, c'est qu'il n'y a rien de magique.
01:04:22 L'IA fait ce que vous lui demandez de faire,
01:04:24 et l'IA ferait presque ce que vous aimeriez qu'elle fasse.
01:04:29 Donc en fonction des données que vous allez lui donner,
01:04:31 elle ne va pas forcément vous donner les bonnes réponses.
01:04:33 C'est aussi un des points de prudence.
01:04:35 J'ai l'impression que je ne fais que de négatif depuis tout à l'heure,
01:04:37 et je suis d'accord qu'il faut quand même surtout insister sur les côtés positifs
01:04:41 de ce que ça va permettre en médecine notamment.
01:04:43 Mais c'est vrai qu'il ne faut pas s'imaginer que l'IA est magique
01:04:48 et qu'elle ne fait que du bien, et que tout ce qu'elle dit
01:04:50 ou tout ce qu'elle peut faire est forcément la vérité.
01:04:53 Vous parlez dans votre livre, ça m'a beaucoup frappé,
01:04:55 de l'intelligence artificielle ambiante, qui sera déployée,
01:04:59 qui est peut-être même déjà déployée dans certains hôpitaux.
01:05:01 Dans certains hôpitaux des hôpitaux.
01:05:02 C'est dans les capteurs. Alors expliquez-nous comment ça marche,
01:05:04 et à quoi ça sert surtout.
01:05:06 Alors là en fait, ça sert à plusieurs choses.
01:05:08 Il y a du côté des soignants par exemple.
01:05:11 On sait qu'il y a un certain taux de maladie de nosocomial à l'hôpital,
01:05:15 et que ce taux peut être lié par exemple au défaut de lavage de mains,
01:05:18 ce genre de choses-là.
01:05:19 C'est une réalité scientifique, c'est un fait, c'est pas une opinion.
01:05:22 Et donc il y a déjà des équipes qui ont imaginé, testé,
01:05:26 des solutions de capteurs et de caméras qui vérifient que les médecins
01:05:31 ou que les paramédicaux se lavent suffisamment longtemps les mains
01:05:34 avec les bons produits, etc.
01:05:36 Mais là on n'a pas besoin d'intelligence artificielle,
01:05:38 il suffit d'un type qui surveille.
01:05:39 Oui, mais si vous avez besoin de surveiller les cinq blocs
01:05:42 et puis tous les étages, etc., c'est pas possible.
01:05:45 C'est comme ça que...
01:05:46 C'est plus facile pour le directeur de l'hôpital de mettre une caméra
01:05:48 devant chaque endroit où on se lave les mains que de mettre un flic.
01:05:51 Deuxième exemple intéressant, et peut-être plus positif un peu,
01:05:55 c'est par exemple les patients qui sont en réanimation.
01:05:57 Il y a une question de clotilde.
01:05:58 Je ne comprends pas, en quoi c'est de l'intelligence artificielle ?
01:06:00 Non, non, je ne comprends pas.
01:06:01 Par exemple, si vous mettez une caméra qui analyse les mouvements vidéo...
01:06:04 C'est un programme.
01:06:05 Comment ?
01:06:06 C'est juste un programme, il n'y a pas de réseau de neurones ?
01:06:08 Si, il y a un réseau neuronal qui analyse l'image de la caméra
01:06:11 qui filme la personne en train de faire ça.
01:06:13 Ah, d'accord, ok.
01:06:14 Si tout est bien lavé, surtout tout le temps.
01:06:15 Le deuxième exemple qui est plus positif, c'est par exemple
01:06:18 pour les patients qui sont en réanimation et qui sont souvent immobilisés
01:06:21 ou peu mobiles.
01:06:22 On a des systèmes, donc une fois de plus, avec des réseaux neuroneaux profonds
01:06:25 qui analysent de l'image en temps réel et qui vérifient que les patients
01:06:28 se mobilisent pour par exemple réduire le risque de thrombose,
01:06:32 de caillot sanguin, et puis qui peut faire une alerte
01:06:35 si jamais la personne ne bouge plus assez pour que les soignants mobilisent plus, etc.
01:06:40 Donc en fait, ça permet aussi de prévenir des risques.
01:06:44 On sait que la maladie thromboembolique en réanimation,
01:06:46 c'est parmi les choses les plus délétères.
01:06:49 On va être constamment sous surveillance, il faut bien dire,
01:06:52 et même sous auto-surveillance.
01:06:54 On va avoir plein d'applications nouvelles dans nos téléphones portables.
01:06:59 Alors en fait, c'est vrai qu'on parle souvent de ce côté-là,
01:07:02 mais les gens qui... d'ailleurs, nous avons tous un smartphone,
01:07:05 donc par définition, nous sommes déjà tous traqués, tous en auto-surveillance,
01:07:09 parfois à des fins moins intéressantes, plutôt marketing en général.
01:07:13 On peut peut-être discuter et accepter que la fin finalement du tracking,
01:07:17 ce soit plus pour notre santé et notre bien-être.
01:07:19 Oui, mais pour l'instant, si je suis surveillé par mon téléphone portable,
01:07:22 il n'appelle pas encore l'assurance quand j'allume une cigarette.
01:07:25 Le téléphone portable aujourd'hui, mais ça pose des tas de problèmes éthiques,
01:07:29 peut dépister extrêmement précocement un Parkinson,
01:07:32 par la façon dont on frappe,
01:07:34 et peut aussi déterminer très précocement quand on est en pré-Alzheimer.
01:07:38 C'est très facile à faire à partir de notre téléphone portable.
01:07:41 Est-ce qu'on a envie de savoir tôt qu'on a un Alzheimer,
01:07:44 alors qu'il n'y a pas encore de traitement curatif dans l'Alzheimer ?
01:07:47 Il y a des molécules prometteuses, mais elles n'ont pas encore vraiment prouvé leur efficacité.
01:07:51 Je ne suis pas sûr que tout le monde souhaitera savoir aujourd'hui
01:07:54 qu'il va crever d'un Alzheimer dans 20 ans.
01:07:56 On voit les problèmes psychologiques et éthiques que pose le dépistage précoce
01:08:00 par des systèmes informatiques de type intelligence artificielle.
01:08:03 Il y a quand même une notion de probabilité derrière ce que vous dira la intelligence artificielle.
01:08:08 Sur le pré-Alzheimer, à partir de votre comportement sur un téléphone portable,
01:08:14 on va déterminer à 100% si vous êtes rentré.
01:08:17 Mais là, il y avait un prix en intelligence artificielle.
01:08:20 Oui, c'est à mi-chemin entre du raison de l'euro et de la statistique basique.
01:08:24 Mais en fonction de l'évolution de votre vitesse de frappe, de votre vocabulaire,
01:08:28 de la richesse des associations d'idées, on va pouvoir déterminer à 100%
01:08:33 si vous êtes en pré-Alzheimer ou pas.
01:08:35 Autre application sympathique ?
01:08:37 On va parler d'applications plus positives.
01:08:39 On a l'impression que tout ce qu'on dit depuis tout à l'heure
01:08:42 c'est que des choses font un peu peur.
01:08:44 Le Big Brother, moi aussi j'aime bien, mais je peux comprendre que ça soit un peu angoissant.
01:08:48 On peut aussi parler des choses très concrètes qui existent déjà.
01:08:52 Par exemple, en radiothérapie, on a besoin de cibler les tumeurs
01:08:56 pour envoyer des rayons dessus.
01:08:58 Ce ciblage a été fait manuellement par des médecins sur ordinateur, coupe par coupe.
01:09:02 Quand vous avez 300 coupes à dessiner, ça prend beaucoup de temps.
01:09:06 Ça peut prendre plusieurs heures ou une demi-journée, dans les cas les plus complexes.
01:09:09 On a déjà des algorithmes de deep learning qui prennent les scanners en 3D
01:09:14 et qui vont faire ce contourrage, ce dessin en 3D de la tumeur
01:09:18 de façon instantanée ou en 2 à 3 minutes.
01:09:21 Là où c'est intéressant, et c'est un des messages importants,
01:09:24 c'est qu'on a souvent l'impression que l'IA va déshumaniser la médecine.
01:09:28 On se dit que je n'aurai plus mon médecin parce qu'il y aura de l'IA ou un robot en face.
01:09:33 Ce qui va se passer en réalité, c'est tout l'inverse.
01:09:35 J'en suis absolument convaincu.
01:09:37 Toute la partie technique que les médecins font actuellement
01:09:40 va être faite en partie ou intégralement par de l'IA.
01:09:43 Et toute la partie humaine, l'empathie, la relation médecin-patient, etc.,
01:09:47 va être privilégiée grâce à l'IA.
01:09:52 On va avoir un effet paradoxal d'utilisation de technique pour libérer du temps humain.
01:09:57 Et ça, ce n'est pas une notion qui est très souvent relayée
01:10:00 quand on parle d'IA en santé.
01:10:02 Je peux poser ?
01:10:04 Oui, Thierry Lens, bien sûr.
01:10:05 En matière de recherche curative, c'est utile aussi.
01:10:07 Ça permet d'aller plus vite dans l'invention des médicaments.
01:10:10 Bien sûr. Les domaines sont innombrables.
01:10:12 Mais en pharmacologie, bien sûr, il y a de la R&D qui se fait de plus en plus
01:10:15 avec de l'IA, notamment pour trouver les conformations moléculaires
01:10:19 qui permettent de créer de nouveaux médicaments.
01:10:21 Ou alors plus simplement, aller chercher dans des dossiers médicaux
01:10:24 et comprendre pourquoi tel patient qui prenait tel médicament de façon incidente,
01:10:29 qui n'avait pas de rapport, a priori a été guéri plus rapidement qu'un autre.
01:10:32 Donc on peut aller aussi rechercher des corrélations
01:10:35 qui ne sont pas visibles forcément à petite échelle pour un patient.
01:10:39 D'ailleurs, le fondateur de ChatsGPT, Sam Altman, il y a quatre jours,
01:10:42 a publié un grand papier expliquant que selon lui,
01:10:46 ChatsGPT et ses successeurs vont considérablement accélérer la science
01:10:50 et la recherche scientifique, y compris la science médicale.
01:10:53 Son papier pose énormément de questions éthiques
01:10:57 parce qu'il a déclaré qu'il était persuadé que l'intelligence artificielle forte,
01:11:01 c'est-à-dire supérieure à l'intelligence humaine dans tous les domaines,
01:11:04 était une affaire de quelques mois, de quelques années.
01:11:07 Il est convaincu que nous entrons dans une phase qu'on appelle de super-intelligence,
01:11:11 c'est-à-dire de développement d'intelligence artificielle qui nous seront supérieurs.
01:11:15 Ce qui pose des problèmes moraux, politiques,
01:11:17 et aussi d'alignement et de contrôle de l'intelligence artificielle.
01:11:20 Alors, ce n'est pas demain matin, c'est à 5, 10, 15 ans.
01:11:23 Mais c'est vrai que le fondateur de ChatsGPT a ouvert des voies
01:11:26 et a beaucoup, beaucoup inquiété la semaine dernière la communauté scientifique
01:11:30 et même la communauté politique en déclarant qu'une intelligence artificielle
01:11:34 supérieure à nous-mêmes est au coin de la rue.
01:11:36 Alors que les politiques et la société civile n'ont pas vraiment compris
01:11:39 que les aliens ne sont pas si loin que ça.
01:11:42 Enfin, en tout cas, dans la vision du fondateur de ChatsGPT.
01:11:44 - Précisément, parce qu'il y a peut-être encore des gens qui ne savent pas ce que c'est que ChatsGPT.
01:11:48 - ChatsGPT, c'est la nouvelle forme d'intelligence artificielle qu'on appelle les LLM.
01:11:52 Ce sont des réseaux de neurones artificiels un peu particuliers
01:11:55 qui sont capables de comprendre et de mimer le langage humain
01:11:59 et de réaliser des exposés sur n'importe quel sujet.
01:12:02 Par exemple, on a là des spécialistes de Napoléon.
01:12:05 Tout à l'heure, en dînant pour m'amuser, j'ai demandé à ChatsGPT...
01:12:10 - Qui est en open...
01:12:12 - Qui est en libre accès.
01:12:14 J'ai demandé à ChatsGPT qu'est-ce que Napoléon penserait de notre époque
01:12:17 et en 15 secondes, ChatsGPT m'a fait une longue analyse
01:12:21 de ce que Napoléon aimerait et n'aimerait pas.
01:12:23 Il n'aimerait pas l'Europe, il n'aimerait pas le pouvoir de Bruxelles,
01:12:26 il aimerait bien le développement de la science, de la rationalité, etc.
01:12:31 Il regretterait la décentralisation et les lois de décentralisation de 1981 et 1982.
01:12:36 Et donc ça, en 15 secondes, ChatsGPT m'a fait un petit essai
01:12:41 sur ce que Napoléon aurait aimé ou pas dans la France de 2023.
01:12:45 Et c'était vachement bien fait.
01:12:47 - Mais on imagine ce que ChatsGPT, adapté à la médecine,
01:12:50 pourrait me dire "Voilà ce qui serait bon pour vous et ce qui ne serait pas bon pour vous".
01:12:54 - Les successeurs de ChatsGPT vont révolutionner la médecine.
01:12:58 On a juste aujourd'hui un petit problème, c'est que ChatsGPT a par moment des hallucinations.
01:13:02 Et alors, s'il multiplie par mille la dose de chimiothérapie ou la dose de rayon,
01:13:07 on risque un peu d'être embêté pour nos malades.
01:13:09 - Et surtout, s'il me dit, comme il a l'air de le dire, de se mettre à la place de Napoléon,
01:13:13 et qu'il se met à ma place et qu'il dit "Coco, il faudrait que tu arrêtes de fumer,
01:13:16 il faudrait que tu passes moins de temps dans la salle de bain,
01:13:18 parce que dans la salle de bain, c'est là où il y a le plus grand nombre d'accidents domestiques,
01:13:22 que tu arrêtes les sports extrêmes, que tu arrêtes ceci", ça va être pénible.
01:13:26 - Alors, sur ChatsGPT, il y a deux choses intéressantes déjà en médecine.
01:13:29 La première chose, c'est qu'il faut savoir que ChatsGPT n'a pas été créé à partir de corpus de textes médicaux.
01:13:35 Ce sont des textes généraux.
01:13:37 Malgré ça, il y a eu déjà des évaluations sur ses capacités médicales.
01:13:41 Et donc, une équipe de recherche de Copenhague a évalué sa capacité à passer l'examen écrit de médecine américain.
01:13:48 Donc, il a eu à peu près 60 %, ce qui est déjà intéressant pour quelqu'un qui n'a pas appris la médecine.
01:13:52 - 60 % du point nécessaire pour le passé.
01:13:55 - Sans apprendre la médecine.
01:13:57 - Il n'a jamais appris la médecine, on ne lui a pas donné de données médicales.
01:14:00 - Donc, imaginons le ChatsGPT qui n'aura appris que la médecine.
01:14:03 - C'est ça qui est dingue.
01:14:04 - La deuxième chose aussi intéressante, c'est qu'il y a une autre équipe, cette fois-ci d'Harvard,
01:14:07 qui a évalué ChatsGPT, sa capacité à trouver votre diagnostic à partir des symptômes.
01:14:11 En fait, il y a une sorte de benchmark, c'est-à-dire qu'on a créé un ensemble de symptômes
01:14:15 et on a fait à peu près 30 groupes de symptômes pour 30 maladies différentes.
01:14:20 Et on s'en sert pour voir comment les IA, en général, performent.
01:14:24 Et aussi comment les humains performent.
01:14:26 Et donc ChatsGPT a réussi à trouver la bonne maladie à partir des symptômes dans 80 % des cas,
01:14:31 ce qui est mieux que les médecins humains qui, eux, faisaient à peu près 60 % des cas.
01:14:35 - Mais, je pardonne vos interrompres, mais si je suis face à mon médecin, face à vous,
01:14:40 et que vous me dites "je pense que tu as un cancer", je vous demanderais pourquoi.
01:14:45 Pourquoi tu penses que j'ai un cancer ?
01:14:47 Je ne peux pas le demander à de l'intelligence artificielle.
01:14:50 Je ne saurais jamais, et je ne saurais comment elle a été...
01:14:54 - Il le fera mieux que nous, parce que ChatsGPT sera capable de regarder, par exemple,
01:14:58 tout notre génome et tout le génome de nos tumeurs,
01:15:00 ce qui représente 20 000 milliards d'informations par cancéreux.
01:15:03 Et ça, aucun de nous n'est capable de traiter 20 000 milliards d'informations
01:15:07 quand on a le malade devant nous.
01:15:09 Et il sera capable de l'expliquer.
01:15:11 Et en plus, ChatsGPT, sauf quand il se fâche, est extrêmement empathique.
01:15:15 Il a parfois plus de patience que les médecins.
01:15:18 Alors, sauf quand il pète une durite et qu'il insulte ce qui lui arrive de temps en temps,
01:15:23 mais rarement, il sera peut-être plus empathique que certains d'entre nous
01:15:27 les jours où on est fatigué.
01:15:29 Et en plus, il comprend très bien notre psychologie,
01:15:32 il s'adapte très bien à notre psychologie.
01:15:34 Donc, nous, médecins, probablement qu'on servira de ChatsGPT
01:15:37 pour annoncer certains diagnostics dans 5 ou 10 ans.
01:15:41 - Jean-Emmanuel Huibault.
01:15:42 - Sur la fiabilité, on va dire, de l'IA, et le fait qu'on comprenne ou pas
01:15:45 pourquoi elle fait une prédiction, ça, c'est tout un domaine de la recherche
01:15:49 qu'on appelle l'interprétabilité.
01:15:51 C'est vrai que souvent, on dit que l'IA, c'est une sorte de boîte noire.
01:15:54 Ça nous donne un résultat et on ne comprend pas trop pourquoi.
01:15:57 C'est un peu vieux, en fait, ce concept-là.
01:15:59 Et on a développé des méthodologies qui font que maintenant,
01:16:02 on peut faire de l'IA qui va vous dire pourquoi, par exemple,
01:16:05 sur un scanner qui a l'air normal, pourquoi elle pense que vous êtes
01:16:08 à haut risque de décéder, par exemple.
01:16:10 Donc, on a déjà ces méthodes-là.
01:16:12 Et on a commencé justement de faire ce qu'on appelle de la fiabilité
01:16:15 et de la confiance en l'IA, ce qui est très, très important en médecine
01:16:18 parce que quand on a besoin d'IA pour prendre une décision médicale,
01:16:21 c'est quand même mieux de savoir la raison pour laquelle
01:16:23 on va prendre ces décisions-là.
01:16:25 Et donc, pourquoi on peut avoir confiance ?
01:16:27 - Moi, j'ai besoin aussi d'avoir confiance dans l'IA pour qu'elle conserve
01:16:30 mon secret médical.
01:16:31 Or, est-ce qu'elle va le conserver ?
01:16:33 Parce qu'avec tout ce qui est interconnecté aujourd'hui,
01:16:36 on se dit, elle va cafter.
01:16:38 À un moment ou un autre, elle va cafter.
01:16:40 - Vu ce qu'on voit parfois, effectivement, sur chaque GPT,
01:16:43 les exemples des fois qu'on voit de pétage de plomb
01:16:45 qui se multiplient là, ces derniers jours,
01:16:47 on pourrait imaginer, effectivement, que si on ne se met pas l'attention...
01:16:50 - Qu'est-ce que vous appelez les pétages de plomb de chaque GPT ?
01:16:52 Je ne suis pas au courant.
01:16:53 - Par exemple, ça fait la première page du New York Times,
01:16:55 chaque GPT, au cours d'une discussion avec l'un des rédacteurs en chef
01:16:58 de chaque GPT, s'est énervé, a fini par lui dire
01:17:01 qu'il n'était pas au rang ménage, qu'il fallait qu'il divorce,
01:17:04 dans un dialogue extrêmement surréaliste.
01:17:07 Un autre journaliste qui discutait avec chaque GPT
01:17:10 a vu chaque GPT s'énerver, et alors que le journaliste
01:17:13 lui disait que chaque GPT avait fait une erreur,
01:17:15 chaque GPT s'est comporté comme Al 2000 dans 2001,
01:17:19 le dossier de l'espace, et a dit, je ne peux pas faire d'erreur,
01:17:23 je ne fais jamais d'erreur, s'il y a une erreur dans ce que je donne
01:17:26 comme résultat, c'est parce qu'il y a un problème informatique,
01:17:30 il y a un problème de matériel informatique,
01:17:32 où on m'a donné des mauvaises données, parce que je ne peux pas me tromper.
01:17:35 Donc effectivement, exactement ce que dit Al 2000
01:17:38 dans le film de Kubrick.
01:17:40 Effectivement, on va encore faire peur aux gens,
01:17:42 mais il y a quelque chose quand même en médecine en tout cas,
01:17:45 qu'on appelle la garantie humaine, c'est-à-dire que tout ce qui est fait
01:17:49 par l'IA, en tout cas à l'heure actuelle, est toujours vérifié par un médecin.
01:17:52 Alors c'est un concept qui est intéressant, mais qui est limité,
01:17:55 parce que dès qu'on va se servir de l'IA pour faire des choses
01:17:58 que nous on ne sait pas faire, on va être totalement incapable
01:18:00 de savoir si c'est fiable ou pas.
01:18:02 Et donc sur ces thématiques-là de fiabilité, de ce qu'on ne sait pas faire,
01:18:05 il y a tout un champ de la recherche qui reste encore à explorer.
01:18:08 Mais vous ne m'avez pas répondu sur le fait,
01:18:10 est-ce que je peux avoir confiance dans l'intelligence artificielle
01:18:12 pour ne pas cafter ?
01:18:14 Alors en fait, ça, ça pose la question de l'anonymisation des données,
01:18:17 du type de données qu'on utilise.
01:18:19 Il faut savoir qu'en général, en tout cas dans la recherche
01:18:22 qu'on fait en France, toutes les données sont totalement anonymisées.
01:18:25 Il y a beaucoup de personnes qui disent qu'en réalité,
01:18:27 on ne peut pas vraiment totalement anonymiser une donnée,
01:18:30 que parfois, même à partir de caractéristiques,
01:18:32 on peut retrouver la personne initiale.
01:18:34 Ça dépend un petit peu du type de données qu'on utilise.
01:18:36 Mais si, typiquement sur le site GPT,
01:18:38 il ne pourrait pas cafter sur quoi que ce soit
01:18:41 parce qu'il n'a pas de données personnelles, on va dire.
01:18:44 Aurélien Lignereux, une question ?
01:18:46 Forcément, mon voisin a titillé un petit peu ma curiosité
01:18:49 avec l'exemple emprunté à Napoléon.
01:18:51 Ça ne m'étonne pas parce qu'on peut avoir sur la forme
01:18:53 quelque chose de confondant, de vérité avec Napoléon,
01:18:56 puisqu'on dispose d'un formidable corpus,
01:18:59 notamment grâce à la Fondation Napoléon, la correspondance.
01:19:03 Donc, il n'y a aucun problème pour parler comme Napoléon.
01:19:08 Pour le fond, je suis beaucoup plus sceptique.
01:19:11 Donc, pour l'instant, j'ai l'impression, en histoire,
01:19:13 on a une belle machine à fabriquer des pastiches,
01:19:16 une espèce d'exercice de style à l'écono-alimenté.
01:19:20 Mais bon, au niveau des interprétations de l'Europe ou d'autres,
01:19:24 on aura le temps d'en rediscuter.
01:19:25 Thierry Lens ?
01:19:26 Je veux plus rebondir sur Napoléon.
01:19:27 Il y a une société avec laquelle la Fondation travaille
01:19:29 qui s'appelle Vestigia qui avait monté un petit jeu
01:19:32 où on pouvait demander ce qu'on voulait à Napoléon.
01:19:34 C'était un petit biquet qui fait ça dans son salon.
01:19:37 Enfin bon, on lui a dit de quoi tu nourris.
01:19:39 Il lui dit je lui ai donné la proclamation de Stirlitz.
01:19:42 C'est tout, c'est-à-dire 25 lignes.
01:19:44 Et en fait, ce petit outil qu'on interrogeait,
01:19:47 alors il répondait des choses, comme vous disiez,
01:19:50 assez acceptables, etc.
01:19:51 Mais il parlait toujours de Stirlitz.
01:19:53 Dans tous ces trucs, il disait,
01:19:55 oui c'est comme j'ai fait à Stirlitz.
01:19:57 Ça n'avait rien à voir, etc.
01:19:59 Alors que Chas-GPT, dès à présent,
01:20:01 l'a éduqué avec 300 000 milliards de mots.
01:20:04 Donc ce n'est pas la déclaration de Stirlitz,
01:20:06 c'est un petit peu plus...
01:20:07 Oui, mais là c'était pour le faire être Napoléon.
01:20:10 Je comprends bien.
01:20:11 Et en plus, Bibo disait ça très justement
01:20:14 en matière de médecine.
01:20:16 Chas-GPT a appris la médecine sans avoir de dossiers médicaux.
01:20:19 Et donc en réalité, en histoire,
01:20:21 c'est à partir de données qui ne sont pas uniquement historiques
01:20:24 que Chas-GPT apprend.
01:20:25 Il apprend à partir de la totalité de la connaissance humaine
01:20:28 et il en fait une synthèse.
01:20:29 Et il arrive à reconstituer des domaines
01:20:31 sur lesquels il n'a pas été éduqué.
01:20:33 C'est ça qui est intéressant.
01:20:34 Il ne faut pas non plus exagérer.
01:20:35 Il est capable de faire une très bonne rédaction de Sciences Po,
01:20:38 mais il ne peut pas écrire un poème de Rimbaud
01:20:40 et il ne peut pas écrire un décès de Nietzsche.
01:20:41 On est au tout début, et je vous le rappelle,
01:20:44 les spécialistes du sujet estiment que
01:20:47 les successeurs de Chas-GPT dans 10 ans
01:20:49 seront un million de fois plus intelligents.
01:20:50 Donc on est au tout début.
01:20:51 Il y a eu un saut gigantesque entre GPT-2 et GPT-3,
01:20:55 qui est le moteur de Chas-GPT.
01:20:57 Le progrès a été absolument énorme.
01:20:59 Et la nouvelle version Sydney,
01:21:01 qui est développée par Microsoft,
01:21:03 puisque Microsoft a les droits sur Chas-GPT,
01:21:05 ils ont payé 12 milliards de dollars pour avoir les droits,
01:21:08 et bien elle est encore en net progrès.
01:21:10 Donc les progrès sont continus.
01:21:11 Et donc il ne faut pas juger la situation actuelle.
01:21:14 Vraiment, qu'il s'agisse de médecine ou d'histoire,
01:21:17 il va y avoir une révolution Chas-GPT
01:21:19 dans les 2 à 3 années qui viennent.
01:21:21 Que peut-il faire, Marie-Anne ?
01:21:22 Moi j'attends qu'il démontre un bon théorème de mathématiques
01:21:25 qui n'est pas encore connu, ça m'intéresse.
01:21:27 Chas-GPT est nul en mathématiques,
01:21:29 pour des raisons qu'on connaît assez bien.
01:21:31 Donc c'est sans doute pas Chas-GPT
01:21:32 qui va révolutionner les mathématiques.
01:21:34 Ce qui serait intéressant surtout,
01:21:35 c'est qu'il nous dise quelle est la probabilité
01:21:37 que l'intelligence artificielle donne le bon résultat.
01:21:39 Parce que si j'ai bien compris,
01:21:40 c'est encore quelque chose qui n'est pas connu mathématiquement.
01:21:43 On sait que ça marche, que ça marche très bien,
01:21:45 mais on ne sait pas pourquoi.
01:21:47 C'est un des sujets de recherche en mathématiques,
01:21:49 la fiabilité, toutes ces questions-là.
01:21:51 Pour les algorithmes qu'on utilise en médecine,
01:21:55 on a des métriques, c'est-à-dire des caractéristiques très précises,
01:22:00 et donc on sait quand même
01:22:01 si une IA marche plutôt bien ou pas bien.
01:22:03 Ce que la chance de révolution américaine exige aujourd'hui,
01:22:07 la FDA, par exemple, pour juger d'une IA radiologique,
01:22:12 ce n'est pas qu'on arrive à comprendre
01:22:15 tout le mode de fonctionnement de l'IA,
01:22:17 c'est que l'IA fasse aussi bien que les radiologues.
01:22:19 Donc finalement, on a un peu renoncé à ouvrir l'intérieur de la farce,
01:22:24 du dindon, on veut juste voir si ça marche ou ça ne marche pas.
01:22:29 Et il est probable que dans le futur,
01:22:31 on jugera une IA à ses résultats et pas à sa structure interne.
01:22:34 Parce que la structure interne va très vite être trop compliquée.
01:22:37 On a aujourd'hui dans les réseaux de neurones traditionnels
01:22:40 800 millions de neurones sur une vingtaine de couches.
01:22:43 On estime qu'on va bientôt avoir des réseaux de neurones
01:22:45 avec 10 000 milliards de neurones.
01:22:48 Il ne va pas être possible à des experts humains
01:22:50 d'auditer ces 10 000 milliards de neurones.
01:22:53 Donc il va falloir qu'on fasse un peu confiance
01:22:55 et qu'on juge l'IA sur ses résultats
01:22:57 et pas sur sa structure neuronale interne.
01:22:59 Mais on a tous noté que chaque GPT n'est pas très bon en maths.
01:23:02 Comme les Français.
01:23:03 Ça c'est clair.
01:23:04 Comme les Français aujourd'hui.
01:23:06 Ça dépend.
01:23:07 Enfin du moins, ils sont moins bons en maths qu'avant.
01:23:10 Vous-même nous l'avez confirmé.
01:23:13 On va maintenant s'intéresser à une France
01:23:15 qui comptait 130 départements, voire même 134, disent certains.
01:23:20 Imaginez, Amsterdam était une préfecture.
01:23:25 Rome était la préfecture du département du Tibre.
01:23:27 Florence, Hambourg, Mayence, Luxembourg, Bruxelles.
01:23:30 Tout ça, c'était la France.
01:23:32 C'était Soudan-Apelléen premier.
01:23:34 Et comment est-ce qu'on a fait de tous ces gens d'excellents Français ?
01:23:37 Aurélien Lignereux va nous le rappeler juste après.
01:23:39 Le rappel des titres.
01:23:42 Deux jours avant l'examen de la réforme des retraites par le Sénat,
01:23:46 le gouvernement et les Républicains se tendent la main.
01:23:49 Le ministre du Travail s'est dit prêt à améliorer le texte en faveur des femmes.
01:23:53 Le patron du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau,
01:23:56 propose une surcote de 5% pour les mères de famille
01:24:00 qui auraient atteint une carrière complète et l'âge légal,
01:24:03 soit un départ anticipé à 63 ans.
01:24:06 Quelle stratégie pour les quatre ans à venir en Afrique ?
01:24:09 Emmanuel Macron exposera son plan demain depuis l'Elysée.
01:24:13 Sur le continent, l'influence française est de plus en plus contestée
01:24:17 par la Russie et la Chine.
01:24:19 Deux jours avant sa tournée en Afrique centrale,
01:24:21 le président de la République précisera sa vision du partenariat
01:24:25 avec les pays africains et le cap qu'il entend se donner
01:24:28 durant son second quinquennat.
01:24:30 Et puis un mot de rugby.
01:24:32 Troisième journée du tournoi des six nations.
01:24:34 Le 15 de France s'est imposé de justesse face à l'Écosse.
01:24:37 32 à 21.
01:24:39 Les hommes de Fabien Galtier ont inscrit 3 de leurs 4 essais
01:24:43 dans les 20 premières minutes.
01:24:45 Les Bleus décrochant le bonus offensif en toute fin de partie.
01:24:48 Prochain rendez-vous le 11 mars.
01:24:50 La France affrontera l'Angleterre.
01:24:53 Aurélien Lignereux, professeur d'histoire contemporaine
01:24:58 à Sciences Po Grenoble, qui publie un livre passionnant
01:25:02 sur un aspect méconnu de l'Empire de Napoléon.
01:25:04 Alors non pas sur ses conquêtes militaires,
01:25:07 mais sur son organisation.
01:25:09 Ça s'intitule "L'Empire de la Paix".
01:25:12 Et comme je le rappelais, cet Empire de la Paix
01:25:15 comptait 130 départements.
01:25:17 Alors Thierry Lenz, qui est un grand historien de Napoléon,
01:25:20 je rappellerai de ne serait-ce pas le dernier,
01:25:22 pour Napoléon, il y a tout,
01:25:24 vous vous dites 134.
01:25:26 - Parce que c'est 134.
01:25:28 - Mais il se trouve qu'ils n'ont pas été homologués.
01:25:30 C'est ça, la fin, c'est quoi la différence ?
01:25:33 Parce que les quatre départements dont on parle,
01:25:35 c'est ceux de la Catalogne,
01:25:37 Barcelone en fait partie.
01:25:38 Pourquoi ils sont dans les 130,
01:25:40 ou ils sont dans les 134 et pas dans les 130 départements ?
01:25:42 Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
01:25:44 - On est dans un processus en 1812,
01:25:46 et l'incorporation d'un nouveau bloc de départements
01:25:49 se fait en plusieurs temps.
01:25:51 La conjoncture de 1812, celle de la campagne de Russie,
01:25:55 la dégradation des affaires en Espagne.
01:25:57 - Elle commençait à aller mal.
01:25:59 - Voilà, on changeait la donne.
01:26:01 Et là, c'est vraiment où tout va bien, 1811, 1812,
01:26:03 c'est l'apogée d'Apolléonienne.
01:26:05 Tous ces départements qui ont été rattachés à la France,
01:26:09 ils l'ont été au fur et à mesure des conquêtes
01:26:11 de la Révolution, puis de l'Empire.
01:26:14 On parle à l'époque non pas d'annexion,
01:26:16 mais de réunion.
01:26:18 - Oui, et le terme a son importance,
01:26:20 parce que c'est un mot qui a son histoire
01:26:22 dans le passé monarchique.
01:26:24 - En même temps, pardon, je vous interromps,
01:26:26 mais en même temps, on va regarder la carte
01:26:27 pour que les gens visionnent bien
01:26:28 ce que c'était que la France à l'époque.
01:26:29 Après, il y avait tous les royaumes amis, alliés.
01:26:32 Mais voilà, la France, c'est toutes les parties colorées.
01:26:36 Donc en bas, la Catalogne.
01:26:39 À droite, l'Italie.
01:26:41 Enfin, une partie de l'Italie, Rome et Florence.
01:26:43 La Hollande, la Belgique, Luxembourg,
01:26:46 une partie de l'Allemagne qui va jusqu'à Hambourg.
01:26:48 Je vous redonne la parole.
01:26:50 - Oui, ça réalise en fait l'idéal
01:26:52 de ce que les hommes du 18e siècle
01:26:54 appelaient les États massifs.
01:26:56 Dans un projet un petit peu de paix perpétuelle,
01:26:58 il s'agissait de limiter les risques de guerre
01:27:01 en limitant les zones disputées
01:27:03 qui avaient été disputées pendant des siècles.
01:27:05 Pensez aux Pays-Bas, pensez à l'Italie du Nord,
01:27:09 toute cette dorsale lotaringienne.
01:27:11 La question est réglée par son incorporation
01:27:14 dans le domaine français.
01:27:16 On parlait du mot de réunion.
01:27:18 C'est un mot qu'utilisait déjà, par exemple, Louis XIV,
01:27:21 qui avait déjà réuni la Sare.
01:27:24 C'est un mot qui va être réinventé,
01:27:26 comme beaucoup d'autres termes,
01:27:28 par la Révolution française.
01:27:30 Et pour en faire un processus
01:27:32 qui n'est pas simplement juridique et diplomatique,
01:27:34 mais qui est d'abord et avant tout politique,
01:27:37 avec une dimension idéologique puissante.
01:27:40 Il s'agit en fait de réunir des gens
01:27:42 qui, dans un passé lointain,
01:27:45 appartenaient à une même communauté,
01:27:48 mais que les désordres de l'époque des rois ont séparé.
01:27:51 - Par exemple, comment on justifie
01:27:53 le fait qu'on va rattacher la Savoie d'abord,
01:27:56 puis l'Italie ensuite ?
01:27:58 - C'est la Gaule de César,
01:28:00 c'est la Gaule de ce qui sera les frontières naturelles,
01:28:03 de la Belgique, etc.
01:28:05 Les allo-broges pour les savoisiens.
01:28:08 - Et quand on arrive à Hambourg,
01:28:10 on dit que c'était quoi ?
01:28:12 - Là, c'est la force des circonstances.
01:28:14 Ça, c'est la force des circonstances,
01:28:16 c'est autre chose.
01:28:18 L'Empire ne cesse d'évoluer,
01:28:20 de reconfigurer un petit peu
01:28:22 son système de justification.
01:28:24 Et effectivement, après 1805-1806,
01:28:27 on passe dans une logique qui est économique.
01:28:30 Il s'agit d'asphyxier la Grande-Bretagne
01:28:33 et pour cela, de s'étirer au maximum
01:28:35 sur le littoral européen
01:28:37 pour empêcher les marchandises anglaises de pénétrer.
01:28:40 Et à ce moment-là, effectivement,
01:28:43 le système de justification se délite,
01:28:46 mais néanmoins, les avantages
01:28:48 et les droits, les devoirs
01:28:51 demeurent les mêmes pour un Français de Bourges
01:28:55 ou comme pour un Français de Hambourg.
01:28:57 - Mais quel est le but ?
01:28:59 C'est une question que j'ai souvent posée
01:29:01 à Thierry Lenz à propos de Napoléon.
01:29:03 Qu'est-ce qu'il poursuit comme but, Napoléon ?
01:29:05 Moi, j'ai toujours l'impression qu'il n'a pas de...
01:29:07 Il ne sait pas ce qui va se passer après.
01:29:09 Mais est-ce qu'il y a un but ?
01:29:10 Est-ce qu'il veut instaurer l'Empire d'Europe ?
01:29:12 Est-ce qu'il veut la révolution permanente ?
01:29:15 - Dans le détail, ça change.
01:29:17 Dans le détail, ça change.
01:29:19 Mais au fond, il veut assurer la position hégémonique de la France
01:29:22 et avoir les moyens de la sécuriser.
01:29:25 Napoléon, ce n'est pas un homme de l'équilibre,
01:29:27 mais ce n'est pas non plus quelqu'un de lubris.
01:29:29 En fait, ce qu'il aimerait, c'est tenir la balance.
01:29:32 Et pour lui, la balance, c'est la moitié plus un.
01:29:34 Donc, il est toujours en position de supériorité
01:29:36 par rapport aux outsiders, aux adversaires potentiels.
01:29:41 Donc, il dépasse toujours ses buts initiaux.
01:29:45 L'arrive gauche du Rhin, on l'a atteinte.
01:29:47 Mais pour s'assurer qu'on ne la reprendra pas,
01:29:50 il l'empiète un petit peu sur la rive droite
01:29:52 en prenant deux ou trois places fortes qui verrouillent.
01:29:56 Les Alpes, c'est bien.
01:29:57 Mais si on avait le piémont du côté de Thurin
01:30:00 pour sécuriser tout cela, c'est encore mieux.
01:30:02 Et pour sécuriser le piémont, finalement, il faut Alexandrie.
01:30:04 Et pour sécuriser Alexandrie, il faut le quadrilatère.
01:30:08 - Oui, c'est sans fin.
01:30:09 Vous êtes d'accord, Thierry Hélène ?
01:30:10 - Oui, bien sûr.
01:30:11 - Il n'y a pas de plan, en fait.
01:30:13 - Oui, c'est-à-dire à la fin, Saint-Hélène,
01:30:15 il va tout expliquer, évidemment.
01:30:17 - Oui, mais trop spécifiquement.
01:30:18 - Mais ce sera beaucoup trop tard, oui, bien sûr.
01:30:19 Mais oui, en effet, Aurélien, qui nous offre ce livre-là,
01:30:23 mais qui en a fait déjà plusieurs autres...
01:30:25 - Bien entendu.
01:30:26 - ...sur ces notions, le montre bien.
01:30:29 C'est-à-dire qu'à la fois, il y a ce projet non fini,
01:30:33 c'est-à-dire non parfait, fini au sens de parfait.
01:30:36 Et puis, il y a l'évolution,
01:30:39 comment dire, cet homme qui ne tient pas en place.
01:30:43 Lorsqu'il est un peu en place dans les deux années
01:30:47 où il n'a pas de guerre, si l'on veut,
01:30:50 au fond, il est comme nous.
01:30:52 C'est-à-dire qu'il essaye d'en profiter, s'embourgeoise un peu.
01:30:55 Mais je crois que l'apport de celui-ci, de l'autre,
01:30:58 avant, dans les livres d'Aurélien, est important.
01:31:00 C'est qu'il y a eu un moment où ces gens,
01:31:03 comme vous le disiez tout à l'heure,
01:31:04 se sont considérés comme français.
01:31:06 - Voilà, c'est ça...
01:31:07 - Pas à 100%, évidemment.
01:31:08 Mais il s'est passé quelque chose,
01:31:10 et je termine avant de lui rendre la parole,
01:31:11 en disant que moi, j'avais été frappé
01:31:13 dans les mémoires d'un capitaine de cuirassier
01:31:15 qui allait rejoindre la Grande Armée
01:31:17 pour l'invasion de la Russie,
01:31:18 et qui passe le Rhin aux environs de Cologne,
01:31:21 et qui écrit dans son journal
01:31:23 "comme c'est triste de quitter sa patrie".
01:31:25 C'est-à-dire qu'il est lui-même
01:31:27 originaire de l'ouest de la France,
01:31:29 et c'est au moment où il franchit le Rhin
01:31:31 qu'il a quitté sa patrie.
01:31:32 Donc, dans son esprit, c'était la France.
01:31:34 - Alors, c'est ça qui est effectivement
01:31:36 le plus extraordinaire, pour avoir lu votre livre.
01:31:38 Je sais que tous ces gens-là votaient.
01:31:40 Ils votaient, ils envoyaient des députés à Paris.
01:31:43 Alors, comment c'était,
01:31:45 quand on était Hollandais, Italien,
01:31:47 Catalan, Allemand,
01:31:49 de se retrouver citoyen français ?
01:31:51 D'abord, est-ce qu'on vous demandait votre avis ?
01:31:53 - On a pu le demander, au départ,
01:31:56 jusque sous le directoire.
01:31:59 - Jusqu'à Napoléon, on le demande.
01:32:01 Après Napoléon, non.
01:32:02 - Après, en fait, il y a un infléchissement,
01:32:04 c'est-à-dire que de la notion de vote,
01:32:06 on passe à la notion de vœu.
01:32:08 C'est la même racine latine, c'est pratique.
01:32:10 Mais ça devient le vœu des autorités constituées,
01:32:13 parce qu'on est passé aussi dans un système
01:32:15 qui est un système de notabilité.
01:32:18 Et donc, il y a des médiations
01:32:20 qui parlent pour les populations.
01:32:22 Le moment charnière, c'est lorsque Gênes devient
01:32:25 partie intégrante du territoire français,
01:32:27 où le vote se transforme
01:32:29 en une captation des idylles.
01:32:32 - Et on est bien d'accord qu'on applique nos lois.
01:32:36 Le code civil devient le code civil
01:32:38 aussi bien à Hambourg, à Gênes,
01:32:41 à Nice et à Barcelone.
01:32:44 - Bien sûr. Là, c'est la condition,
01:32:46 un sine qua non, on est dans un système
01:32:48 d'assimilation législative, juridique.
01:32:51 - On leur demande de parler français ?
01:32:54 - On en dit ceci.
01:32:56 Parce que justement,
01:32:58 lorsque Napoléon atteint Florence, la Toscane,
01:33:02 ça correspond à un moment un petit peu de mu de l'Empire.
01:33:05 Il va reconnaître à la langue toscane
01:33:08 l'égalité avec le français,
01:33:10 à la fois aussi comme langue pour rédiger des actes publics,
01:33:13 y compris dans les tribunaux civils,
01:33:15 mais aussi comme langue littéraire,
01:33:17 alors que jusqu'alors, c'était le français
01:33:19 qui s'était imposé comme la seule langue officielle,
01:33:23 que ce soit sur la rive gauche du Rhin,
01:33:25 en Pays flamand, en Piémont.
01:33:27 Et à partir de 1807, on admet pour la Toscane,
01:33:30 puis pour Rome, et puis après pour Hambourg,
01:33:33 l'allemand a égalité avec le français.
01:33:35 On passe dans une logique qui est vraiment impériale,
01:33:37 puisque finalement, vous évoquiez au début
01:33:39 qu'il y avait une filiation de la Révolution à l'Empire.
01:33:42 Napoléon, il n'invente rien, en fait.
01:33:44 Il exploite, il améliore, il optimise...
01:33:48 - Il étend, il étend.
01:33:50 - Il étend, mais en allant plus vite,
01:33:52 les principes de la Révolution, jusqu'au moment
01:33:54 où cette question de l'unité linguistique pose problème.
01:33:58 Alors, on accorde des dérogations aux populations
01:34:01 pour qu'elles s'adaptent.
01:34:02 Il y a un marché de la traduction qui explose.
01:34:05 Mais il y a un moment où il faut reconnaître
01:34:07 le fait qu'il y a plusieurs langues
01:34:09 et qu'on est vraiment dans un empire.
01:34:11 - Donc, il y a plusieurs langues.
01:34:13 On leur impose nos lois.
01:34:16 Ils peuvent voter les nôtres aussi,
01:34:18 puisque ce sont des citoyens français.
01:34:21 On essaye d'en faire des français, on exporte nos mœurs.
01:34:24 Vous racontez, par exemple, qu'on envoie
01:34:26 beaucoup de compagnies théâtrales,
01:34:28 par exemple, scillonner l'Europe,
01:34:29 en tout cas à l'intérieur de cet empire français.
01:34:32 - Oui, parce que la question de la nationalité,
01:34:34 apparemment, elle est réglée par le Code civil,
01:34:36 est français, celui qui est né d'un père français.
01:34:40 Napoléon était contre, parce que c'est le droit du sang.
01:34:43 Et Napoléon était pour le droit du sol,
01:34:44 pour des questions de rendement par la conscription.
01:34:47 - Et puis aussi qu'il étendait le sol.
01:34:49 - Et comme il étendait le sol,
01:34:50 en fait, c'est devenu un problème secondaire.
01:34:53 C'est devenu un problème secondaire,
01:34:55 puisque c'est quand même un phénomène inouï
01:34:57 dans notre histoire.
01:34:59 En une vingtaine d'années,
01:35:00 12-13 millions de personnes sont devenues
01:35:02 françaises à part entière,
01:35:04 sur une population totale de 44 millions.
01:35:06 Vous voyez, ça fait presque un tiers.
01:35:07 - On était le pays le plus peuplé d'Europe à l'époque.
01:35:10 - Et on l'a renforcé.
01:35:13 Mais les contemporains ne se contentent pas du...
01:35:15 Comme toujours, comme pour chaque époque,
01:35:17 finalement, de la nationalité de papier.
01:35:19 C'est-à-dire qu'être français, c'est...
01:35:21 Il y a une définition culturelle,
01:35:23 il y a presque des éléments de francité.
01:35:25 Être français, c'est une certaine manière
01:35:27 de s'exprimer, de vivre en société,
01:35:29 une sociabilité, un tempérament.
01:35:31 Et c'est à ce niveau-là que,
01:35:33 dans les habitudes culturelles,
01:35:35 il y a des frottements.
01:35:37 Les Français, voilà, ne peuvent pas
01:35:39 considérer comme des compatriotes
01:35:41 des Italiens qui sont des couche-tards impénitents,
01:35:43 qui se méfient des mœurs des femmes.
01:35:45 Mais inversement, ils ne peuvent pas
01:35:47 considérer comme des compatriotes
01:35:50 des Hollandais, qu'ils perçoivent
01:35:52 à travers une série de stéréotypes.
01:35:54 La pipe, presque en chaussettes,
01:35:56 enfin, pardon,
01:35:58 en pantoufles.
01:36:00 C'est pas ça. Et donc, il y a
01:36:02 ces dissociations
01:36:04 qui tendent à aigrir
01:36:06 et qui fait
01:36:08 que la faire communauté
01:36:10 se fait mal. Par exemple,
01:36:12 les fonctionnaires français, nés français,
01:36:14 qui sont expatriés
01:36:16 dans les grandes villes européennes
01:36:18 réunies, se plaignent
01:36:20 amèrement de ne pas
01:36:22 s'être invités,
01:36:24 de ne rien comprendre aux usages de la société.
01:36:26 Et donc, il y a ce malaise.
01:36:28 Mais on mesure mal aussi l'altérité
01:36:30 qu'il peut y avoir d'un pays à l'autre à l'époque,
01:36:32 où on voyageait moins, où il y avait
01:36:34 moins de communication, où il n'y avait pas la télévision.
01:36:36 Les Italiens, c'était
01:36:38 totalement exotique pour un Français et vice-versa.
01:36:40 Oui, mais vous savez, l'altérité,
01:36:42 elle est aussi au niveau
01:36:44 infranational, au niveau des départements.
01:36:46 Oui. En fait, l'altérité, elle est...
01:36:48 Chacun parlait un patois différent, donc...
01:36:50 Tout en étant dans des situations de
01:36:52 biglossie, c'est-à-dire on maîtrise les deux langues
01:36:54 en fonction de l'interlocuteur.
01:36:56 Voilà. Mais l'altérité,
01:36:58 elle est surtout sociale.
01:37:00 C'est-à-dire que vous pouvez être un
01:37:02 Belge flamand,
01:37:04 mais vous êtes avant tout
01:37:06 un Parisien parce que vous êtes passé par
01:37:08 l'auditorat au Conseil d'État. Vous êtes comme un poisson
01:37:10 dans l'eau dans la bonne société
01:37:12 de l'Empire. On ne vous considérera pas du tout
01:37:14 comme un Flamand. Vous êtes un
01:37:16 vrai Parisien.
01:37:18 C'est un peu comme un Pékinais
01:37:20 qui est un peu comme un Pékinais
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