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50 jours à peine après l’investiture de Donald Trump, la géopolitique mondiale est bouleversée. Les perspectives de négociation de paix pour la guerre en Ukraine rebattent les cartes internationales, laissant l’Europe sidérée face au rapprochement entre Vladimir Poutine et Donald Trump. Face à cela, Emmanuel Macron tente de profiter de l’occasion pour revêtir une stature internationale lui permettant de sortir du marasme franco-français dans lequel il est embourbé. Il multiplie ainsi les initiatives sur la scène européenne pour créer cette Défense commune dans une construction politique aux intérêts divergents. Des perspectives inquiétantes pour la souveraineté de nos nations.

Pour ce nouveau numéro du Samedi Politique, l’invité est Jacques Sapir, géopolitologue, économiste, spécialiste des questions stratégiques et monétaires, directeur d’études de l’EHESS et également membre de l’Académie des Sciences de Russie, et auteur de "La fin de l’Ordre Occidental", publié aux Editions Perspectives Libres (disponible ici https://boutiquetvl.fr/accueil/jacques-sapir-la-fin-de-lordre-occidental- )

Au programme :

La rencontre historique entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky : Pourquoi cette rencontre a-t-elle marqué un tournant ?
La suspension de l’aide américaine à la guerre en Ukraine : Quelles conséquences sur le terrain militaire et pour l’Europe et l’Union européenne ?
Le plan de réarmement de l’UE à 800 milliards d’euros : Qui va payer ? Quels sont les véritables objectifs ?
Les déclarations d’Emmanuel Macron : A quel jeu le président français joue-t-il ?
Le rapprochement entre Washington et Moscou : Quels impacts sur les BRICS, la Chine et le Sud Global ?
L’avenir de l’Europe : Sommes-nous condamnés à suivre les États-Unis ? Quelles seront les relations de demain entre l’Europe et la Russie ?

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Transcription
00:00:00Bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver pour ce nouveau numéro du samedi politique.
00:00:21Nous sommes à peine 50 jours après l'investiture de Donald Trump et les équilibres mondiaux
00:00:26sont bouleversés comme jamais.
00:00:28Au cœur des attentions, bien sûr, la guerre en Ukraine, mais surtout les perspectives de paix
00:00:32qui chamboulent encore plus les équilibres.
00:00:34Alors, quel avenir pour l'Europe ?
00:00:36Quel avenir pour nos nations dans ce futur incertain ?
00:00:40Quel avenir, bien sûr, pour les relations entre Moscou et Washington
00:00:44et pour ces pays que d'aucuns nomment du sud global ?
00:00:47C'est toutes ces questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans cette émission.
00:00:50Mais avant, comme chaque semaine, je compte sur vous pour que vous m'accordiez
00:00:54ces quelques secondes si précieuses.
00:00:56Alors, pensez bien sûr à cliquer sur le petit pouce en l'air.
00:00:58Ça améliore considérablement le référencement de cette vidéo.
00:01:02Pensez bien entendu, si ce n'est pas déjà fait, à vous abonner à la chaîne de TVL
00:01:05pour recevoir toutes les notifications.
00:01:07Et puis, bien sûr, on se retrouve dès à présent dans les commentaires
00:01:10pour m'écrire vos suggestions au fil de cette émission.
00:01:13C'est parti, à tout de suite.
00:01:15– Générique –
00:01:25– Et à mes côtés cette semaine, Jacques Sapir, bonjour monsieur.
00:01:28– Bonjour.
00:01:29– Merci beaucoup d'être à nouveau à nos côtés.
00:01:31Vous êtes géopolitologue, économiste, spécialiste des questions stratégiques
00:01:34et monétaires, directeur d'études de l'EHESS.
00:01:39Vous êtes aussi membre de l'Académie des sciences de Russie.
00:01:42Et puis, vous êtes l'auteur de très nombreux ouvrages
00:01:45sur la question de l'euro, notamment.
00:01:46Mais vous avez aussi publié plus récemment aux éditions Perspectives Libres
00:01:50de notre ami Pierre-Yves Rougéron,
00:01:52La fin de l'ordre occidental.
00:01:54Et bien sûr, chers téléspectateurs, vous pouvez, dès à présent,
00:01:56si ce n'est pas déjà fait, en faire l'acquisition sur la boutique de TVL,
00:02:00sur TVL.fr.
00:02:01Alors, la semaine dernière, Jacques Sapir, à votre place,
00:02:04c'était Régis Le Sommier.
00:02:05Les téléspectateurs ont pu s'en rendre compte.
00:02:08Nous avions enregistré vendredi matin, comme cette semaine.
00:02:11Et par conséquent, nous n'avons pas pu évoquer, bien sûr,
00:02:13la rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump
00:02:17et J.D. Vance à Washington.
00:02:18J'en étais évidemment désolé, mais on va se rattraper aujourd'hui.
00:02:22Quel regard portez-vous sur cette séquence
00:02:24que beaucoup ont qualifiée d'historique ?
00:02:27– Alors oui, c'est une séquence qui va marquer les choses.
00:02:31Peut-être parce qu'elle a permis à Trump et à son vice-président,
00:02:37J.D. Vance, de bien faire rentrer cette idée
00:02:42qu'ils étaient passés à autre chose,
00:02:45que les États-Unis allaient suivre une ligne un petit peu différente.
00:02:49Après, c'est vrai qu'il y a un côté un petit peu extraordinaire
00:02:53parce que, normalement, quand des présidents se rencontrent
00:02:58et qu'ils sont devant la presse, tout le monde se congratule,
00:03:02on dit des choses banales,
00:03:05quitte par ailleurs à se crêper le chignon
00:03:08quand on est entre quatre murs et quand la presse n'est pas là.
00:03:13Et là, ce qui se passe, c'est qu'on a Zelensky qui arrive dans La Réunion,
00:03:22qui cherche à faire changer d'attitude Donald Trump,
00:03:28ce qui est une erreur.
00:03:29D'abord parce qu'on ne fait pas ça en public,
00:03:32on peut tout à fait le contredire, si vous voulez.
00:03:35Ça, ça ne me pose pas de problème, mais on ne le fait pas en public,
00:03:39d'autant plus quand on est face à Donald Trump
00:03:42qui, outre le fait qu'il soit président des États-Unis,
00:03:44a un certain égo et même un égo certain,
00:03:47ce qui, je pense, ne vous a pas échappé.
00:03:49Bon, il est très clair que ce n'était pas l'endroit.
00:03:55Et on voit très bien, quand on regarde la totalité de la vidéo,
00:03:58parce que c'est une séquence, il faut rappeler, elle fait 46 minutes.
00:04:01On insiste toujours sur les 7 à 8 dernières minutes.
00:04:06Mais elle commence très bien.
00:04:07En fait, le président ukrainien, le président américain et son vice-président,
00:04:14ils discutent calmement, etc.
00:04:17– Parce que beaucoup ont considéré que c'était un traquenard
00:04:19tendu par Donald Trump.
00:04:20– Non, pas du tout, parce que si c'était un traquenard,
00:04:24il aurait attaqué d'emblée.
00:04:26Et c'est lui qui aurait porté le…
00:04:28– Si je peux me permettre, quand Zelensky arrive et qu'il lui dit
00:04:31« tu t'es habillé aujourd'hui pour l'occasion » ?
00:04:34– Alors, il a fait ça, normalement c'était hors caméra,
00:04:39c'est quand Zelensky sort de sa voiture.
00:04:43Bon, on sait que les Américains sont assez pointilleux là-dessus.
00:04:50Bon, en particulier sur les choses qui se passent dans le bureau Oval.
00:04:55D'accord.
00:04:57Après, ce n'est pas Trump qui remet la question sur le tapis.
00:05:02Pas lui, c'est un journaliste, qui visiblement s'étonne que Zelensky…
00:05:07Et normalement, si vous voulez, Zelensky avait parfaitement
00:05:12la possibilité là de s'expliquer, de dire « voilà, mon pays est en guerre,
00:05:17la première chose que je souhaite, c'est d'être en mesure de remettre un costume
00:05:22et j'espère qu'avec l'aide du président Trump,
00:05:25nous arriverons effectivement à conclure une paix, etc. »
00:05:29Et là, il passait un beau coup de brosse à Trump, ça fait toujours plaisir.
00:05:34Bon, non, il se cabre à ce moment-là.
00:05:38– Est-ce qu'il n'y avait pas un petit côté de la part de Donald Trump de,
00:05:40j'allais dire, de démonter un peu ce côté produit marketing de Zelensky
00:05:44qui s'est mis en scène depuis le début de la guerre,
00:05:46quand même loin du front à chaque fois, même s'il est allé voir les soldats,
00:05:50en kaki, en tenue de…
00:05:53comme d'ailleurs Emmanuel Macron a pu le faire par le passé,
00:05:55dans d'autres circonstances,
00:05:57est-ce que ce n'était pas un peu ça que Donald Trump voulait aller chatouiller ?
00:06:01– Alors, je le répète, ce n'est pas lui qui pose la question,
00:06:05lui, il n'en parle à Zelensky que quand Zelensky arrive
00:06:08sur le perron de la Maison Blanche, très clairement.
00:06:12Bon, après que Donald Trump, qui est un homme de télévision,
00:06:17il ne faut pas l'oublier, il a eu son show télévisé pendant pratiquement 20 ans,
00:06:23– Il le dit d'ailleurs à la fin de l'entretien avec Zelensky,
00:06:25il dit ça va faire une super séquence pour la télé.
00:06:27– Tout à fait, bon, donc, qu'il ait voulu, d'une certaine manière,
00:06:32mettre son interlocuteur en position d'infériorité,
00:06:38c'est une vieille habitude dans toutes les relations internationales,
00:06:42si vous voulez, vous savez qu'il y avait même,
00:06:45je crois que c'était le roi de Prusse qui avait fait construire
00:06:48des fauteuils pour ses invités, qui étaient légèrement inclinés,
00:06:53donc les invités glissaient sur le fauteuil,
00:06:54ils étaient toujours obligés de se rattraper,
00:06:57ce qui les mettait dans une situation de gêne face au roi.
00:07:01C'est quelque chose qui fait partie de la tactique des relations internationales.
00:07:06– Il y a ceux qui mettent des talonnettes aussi.
00:07:07– Voilà, bon, c'est quelque chose de tout à fait habituel.
00:07:11Alors, un autre point sur lequel Zelensky n'a pas été professionnel,
00:07:16c'est que, justement, quand on va dans ce type de réunion,
00:07:19quand on sait qu'on aura face à soi un interlocuteur
00:07:23qui n'est pas nécessairement acquis à votre cause,
00:07:26bon, qui peut vous poser des problèmes,
00:07:29la première chose que l'on fait, c'est qu'on prend un traducteur.
00:07:33Pourquoi ?
00:07:34Parce que le fait de la traduction,
00:07:37ça introduit un délai avant votre réponse,
00:07:40donc vous avez le temps de réfléchir à votre réponse,
00:07:42vous ne répondez pas, je dirais,
00:07:44sous la pression de l'immédiateté.
00:07:47Vous avez le temps de prendre un petit peu de recul.
00:07:51J'avoue que c'est quelque chose,
00:07:52quand j'ai été envoyé dans des réunions officielles,
00:07:53que j'ai pratiqué, assez systématiquement.
00:07:56Si vous voulez, alors, j'ai aucun problème en anglais,
00:07:59mais je demandais à un traducteur, justement…
00:08:02– C'est un confort supplémentaire.
00:08:03– C'était pour un confort, et puis pour une autre chose,
00:08:04c'est aussi pour marquer, je dirais, la présence du français,
00:08:09donc je faisais exprès, en réunion officielle,
00:08:12de m'exprimer en français.
00:08:14Bon, c'était dans le cadre de l'OTAN.
00:08:17Et donc, voilà, ça, ce sont des règles minimales.
00:08:20– Et on a eu le sentiment aussi que Zelensky
00:08:22ne maîtrisait pas totalement le français, l'anglais.
00:08:26– Oui, par ailleurs, il n'est visiblement pas très bon en anglais.
00:08:31Spontanément, il repasse au russe.
00:08:34Ça, c'est un point intéressant.
00:08:36Et d'ailleurs, quand on l'entend parler en ukrainien,
00:08:39son ukrainien est laborieux, si vous voulez.
00:08:43Son russe est bien meilleur, son russe est complètement fluide.
00:08:47Là, il n'y a aucun problème.
00:08:49Et, une dernière chose, bon, il a, je dirais,
00:08:55cet argument avec J.D. Vance, et il laisse échapper,
00:09:01et on l'entend d'ailleurs dans la vidéo,
00:09:04une insulte grave en russe.
00:09:07Alors, qu'il ne soit pas capable de se retenir, c'est énorme.
00:09:12Donc, si vous voulez, moi, ce qui m'a frappé, c'est que…
00:09:15– Ça, ce n'est pas une fake news, il a véritablement lancé une insulte.
00:09:18– Ah oui, Suka, fils de pute.
00:09:21– Ok, au vice-président des États-Unis.
00:09:23– Au vice-président, alors, il le dit bas, mais il le dit, on l'entend.
00:09:28– Si on en parle aujourd'hui, c'est que c'était pas si bas.
00:09:30– Et d'ailleurs, c'est à ce moment-là où l'ambassadrice d'Ukraine à Washington
00:09:34prend sa tête dans ses mains.
00:09:35– Il y a de quoi ?
00:09:36– Tout à fait, elle est effondrée par ce qu'il fait.
00:09:39Alors, si vous voulez, si ça s'était passé au début de la guerre,
00:09:45on aurait dit, voilà, Zelensky n'a pas l'habitude des réunions internationales, etc.
00:09:50Quand même, là, ça fait 3 ans que Zelensky va dans des réunions internationales
00:09:54à très haut niveau.
00:09:56Et ce que je ne comprends pas, c'est que personne ne lui ait expliqué les règles.
00:10:04Même chose, par exemple, cette réunion.
00:10:07On sait que Trump n'en voulait pas parce que Zelensky traînait pour signer l'accord.
00:10:12Et la position de Trump, c'était, ou tu signes et tu viens…
00:10:15– Ou tu restes chez toi.
00:10:16– Bon, c'est Emmanuel Macron qui, visiblement…
00:10:21– C'est ce qu'a dit la presse, en tout cas.
00:10:21– Voilà, a fait, disons, un gros lobbying auprès de Trump et auprès de Zelensky.
00:10:27Il lui dit, voilà, bon, il faut absolument que vous vous rencontriez, c'est important.
00:10:30Ce qui peut se comprendre, d'ailleurs, là, il n'y a rien à dire.
00:10:33Mais, ayant fait ce lobbying, la première chose que Macron devait faire,
00:10:38c'était de dire à Zelensky, attends, tu vas en milieu assez hostile,
00:10:45donc, qu'est-ce que tu veux ?
00:10:47Tu ne les feras pas changer.
00:10:49Tu peux, par contre, peut-être essayer d'obtenir deux, trois choses.
00:10:53Donc, ce n'est pas une discussion où tu feras changer tes interlocuteurs.
00:11:00– Mais, il n'y a pas de conseiller, vous le dit, M. Zelensky ?
00:11:03– Alors, on sait qu'il en a deux ou trois,
00:11:07mais c'est plutôt des conseillers sur la situation militaire et politique en Ukraine.
00:11:13On ne connaît pas, si vous voulez, il n'y a pas de nom qui émerge
00:11:17en termes de conseiller international.
00:11:20Et, par ailleurs, si vous voulez, ce n'est même pas un conseiller,
00:11:22c'est n'importe qui, si vous voulez, dans un ministère des Affaires étrangères ukrainien
00:11:28aurait pu lui dire, M. le Président, voilà quelles sont les règles minimales à respecter.
00:11:35Donc, ça, c'est autre chose, mais ça aussi, je précise,
00:11:39on est dans une logique où, désormais, la diplomatie,
00:11:45elle a été transférée des professionnels aux amateurs.
00:11:49Si vous voulez, traditionnellement, ben oui, la diplomatie,
00:11:51ce sont des appareils, ce sont les appareils des Affaires étrangères,
00:11:57c'est le rôle des ministres des Affaires étrangères, regardez en Russie,
00:12:02c'est Lavrov qui gère ça, avec son style d'ailleurs assez particulier, assez inimitable, bon.
00:12:09Mais là, on a aujourd'hui des gens qui sont sur la question des amateurs,
00:12:15ce n'est pas un reproche, ils ne sont pas ministres des Affaires étrangères,
00:12:19mais ils n'ont pas fait leur carrière dans cet appareil,
00:12:23qui gère les relations internationales en dehors de toutes les règles.
00:12:29Et évidemment, à partir de ce moment-là, un dérapage est toujours possible.
00:12:34Alors, c'est vrai pour Zelensky, c'est aussi vrai pour Trump,
00:12:38parce que, normalement, dans ce type de réunion,
00:12:42on la prépare avant, au niveau des ministres, d'ailleurs, je précise une chose,
00:12:47l'accord Zelensky, constitutionnellement, ne peut pas le signer.
00:12:52– Puisqu'il n'est plus Président.
00:12:53– Non, pas pour ça, parce que le Président ne peut signer,
00:12:57il ne peut que contre-signer ce qu'a signé un de ses ministres.
00:13:00C'est comme en France, le Président est irresponsable.
00:13:06Donc, comme il s'agissait d'un accord et pas d'un traité,
00:13:10le point est extrêmement important,
00:13:12c'était le ministre des Affaires étrangères, ou le ministre de l'économie,
00:13:17ou le cas échéant, l'ambassadeur d'Ukraine aux États-Unis,
00:13:22l'ambassadrice, qui légalement pouvait le signer.
00:13:26Et vous savez, c'est ce qu'on voit d'ailleurs,
00:13:28chaque fois qu'il y a des signatures d'accords,
00:13:31par exemple pour des ventes d'armes entre la France et l'Inde, etc.,
00:13:34on voit les deux Présidents qui sont derrière les gens qui signent réellement
00:13:39et qui sont les ministres.
00:13:40Donc, il y a ça aussi, que ceci n'ait pas été respecté,
00:13:45ça prouve une extraordinaire légèreté dans l'organisation,
00:13:52que ce soit du côté ukrainien ou que ce soit du côté américain.
00:13:55– Est-ce que, vous, tout à l'heure, vous disiez,
00:13:56si je dois résumer un petit peu de façon caricaturale vos propos,
00:14:00quelque part, vous le dit bien Zelensky,
00:14:01devez y aller un peu en position basse,
00:14:04est-ce que ces trois années de guerre ouverte,
00:14:08où de très nombreuses voix se sont élevées pour expliquer
00:14:12que la Russie était en perdition, que la Russie pouvait perdre,
00:14:15que si on était réunis, l'Ukraine pouvait ressortir victorieuse de ce conflit,
00:14:20tout ça n'a pas contribué un petit peu à donner une vision fallacieuse
00:14:25des réalités à Volodymyr Zelensky ?
00:14:27– Ça, je n'y crois pas, enfin, plus précisément,
00:14:30je pense que Volodymyr Zelensky est parfaitement informé
00:14:33de la situation militaire et il sait très bien
00:14:36que cette situation militaire n'est pas à son avantage,
00:14:39n'est pas à l'avantage de l'Ukraine depuis au moins 18 mois,
00:14:42pratiquement 200, bon, ça il le sait, la question n'est pas là,
00:14:47alors par ailleurs qu'il y ait toujours ce discours,
00:14:49oui, l'Ukraine va gagner, oui, l'Ukraine va récupérer les territoires,
00:14:53l'Ukraine pourrait même récupérer la Crimée, etc.
00:14:56Bon, c'est de la propagande, c'est assez normal qu'il y ait de la propagande,
00:15:00il y en a des deux côtés, mais on n'y croit pas, si vous voulez,
00:15:05quand on est un dirigeant, on sait faire la distinction
00:15:08entre le discours propagandiste, que l'on peut tenir d'ailleurs,
00:15:11ne serait-ce que pour le moral de ses troupes, et puis la réalité.
00:15:15Donc ça, si vous voulez, je pense que c'est le problème.
00:15:17Ce qui est par contre un véritable problème,
00:15:20c'est que Zelensky a été d'une certaine manière entouré
00:15:26par les dirigeants européens qui ont commencé à lui dire
00:15:29mais tu es le Churchill moderne, bon, etc.
00:15:33et que ça lui est peut-être un petit peu monté à la tête.
00:15:36Or, là, il n'était plus avec les Européens,
00:15:39il était avec un président américain qui avait dit,
00:15:42ce n'est pas une nouvelle, si vous voulez,
00:15:44ce n'est pas là où on a compris que Trump était décidé
00:15:48à obtenir une paix rapidement.
00:15:51Il l'a dit pendant sa campagne pour l'élection aux États-Unis,
00:15:56il l'a répété depuis qu'il a été élu,
00:15:58donc depuis novembre, il le dit de manière répétée.
00:16:04Donc, Zelensky sait qu'il ne sera pas dans une situation facile,
00:16:09qu'il sera face à quelqu'un qui veut obtenir de lui
00:16:12toute une série de choses.
00:16:15– Quelqu'un qu'il a traité de dictateur aussi ?
00:16:17– Qu'il a traité de dictateur, même si après…
00:16:19Alors, Zelensky a eu l'intelligence, il faut le dire,
00:16:21de dire oui, bon d'accord, j'accepte cela, bon, ok.
00:16:26Mais, il est en situation délicate et surtout,
00:16:31il sait que ce n'est pas une discussion en public
00:16:35qui fera changer le président et le vice-président des États-Unis.
00:16:39Donc, à partir de ce moment-là, on joue les règles du jeu,
00:16:43bon, on commence par remercier beaucoup ses hôtes,
00:16:48on dit oui, grâce à eux, et ce qui est vrai d'ailleurs,
00:16:51sans l'aide des États-Unis, l'armée ukrainienne n'existerait plus.
00:16:55– Sans l'aide des États-Unis, peut-être qu'il n'y aurait pas eu de guerre.
00:16:58– Par ailleurs, par ailleurs, en tout cas, elle n'aurait pas duré.
00:17:01On aurait eu l'accord au bout des six semaines,
00:17:04le fameux accord d'Istanbul, bon, d'accord, et on tient ce genre de choses.
00:17:10Donc, moi, ce qui vraiment me pose question,
00:17:15c'est qu'est-ce que cherchait Zelensky ?
00:17:20Il savait qu'il ne ferait pas bouger Trump.
00:17:23Bon, Trump, il a ce rapport assez particulier
00:17:26à la réalité et à la vérité des choses, mais on le sait,
00:17:31on sait qu'il est comme ça, ça ne sert à rien en public
00:17:35de lui dire non, monsieur le Président, vous avez tort.
00:17:38La seule chose qu'on obtient, c'est qu'il se braque encore plus.
00:17:41Donc, on ne le fait pas.
00:17:42Si vous voulez, il y a vraiment un non-respect des règles,
00:17:47mais vraiment des règles de base qu'il y a dans toute réunion internationale
00:17:53qui, moi, m'effraie un petit peu, parce que soit ça veut dire
00:17:55que Zelensky avait d'emblée pris la décision,
00:18:00bon, tant pis, je vais au clash avec le dirigeant américain,
00:18:05mais ça, ça me semble très, très, très, très peu probable.
00:18:08Soit il est dans l'illusion,
00:18:12mais comme tout le monde s'incline devant moi,
00:18:15je vais l'amener à s'incliner devant moi.
00:18:17Ça, c'est une folie.
00:18:19Si vous voulez, là, très clairement, ça ne pouvait pas se passer comme ça.
00:18:23Donc, il y a un vrai problème.
00:18:26Et alors, ce qu'il faut dire aussi,
00:18:28c'est que quand Trump et Vance ont compris que Zelensky réagissait comme ça,
00:18:35alors là, ils ont pu effectivement dérouler tout leur discours et l'humilier.
00:18:42Mais j'ai que cette humiliation n'est pas le but recherché initial.
00:18:49Mais à partir du moment où Zelensky se comporte comme il s'est comporté,
00:18:52alors les autres ne vont pas se gêner et ils vont utiliser tous leurs moyens,
00:18:57tous leurs instruments pour l'humilier encore plus.
00:19:00Donc, au final, qu'est-ce qu'il y a ?
00:19:04La situation de l'Ukraine est pire à la sortie de cette réunion
00:19:08qu'elle ne l'était à l'entrée.
00:19:10C'est ça l'important.
00:19:12Oui, bien sûr, Zelensky peut dire,
00:19:14mais moi, j'ai défendu les intérêts de mon pays.
00:19:16Non, tu as défendu l'image que tu donnes au public.
00:19:22Ce n'est pas la même chose.
00:19:23Et d'ailleurs, il y a un universitaire important,
00:19:27il dirige en fait le centre de recherche sur les relations internationales en Chine,
00:19:33c'est sa réaction.
00:19:35Il dit, la position de Zelensky est dramatique pour l'Ukraine,
00:19:40mais elle n'est pas nécessairement mauvaise pour le personnage qu'il s'est construit.
00:19:45Le seul problème, c'est qu'il sacrifie son pays à son personnage.
00:19:49Donc voilà, c'est ça ce que l'on peut dire.
00:19:52Alors maintenant, évidemment, il va tenter malgré tout de remonter le courant.
00:19:58Ça risque d'être difficile.
00:19:59La suite, on s'y attendait évidemment.
00:20:01Quatre jours après cette rencontre,
00:20:03Donald Trump a annoncé la suspension de l'aide américaine à l'Ukraine.
00:20:06Quelles conséquences cette suspension a-t-elle déjà
00:20:10et peut-elle avoir dans la durée sur la guerre ?
00:20:14Alors, il y a eu trois choses.
00:20:15D'abord, il y a eu la suspension de l'aide à la reconstruction de l'Ukraine.
00:20:18Premier temps.
00:20:19Deuxièmement, il y a eu la suspension de l'aide militaire.
00:20:23Et puis, il y a eu hier l'annonce que les États-Unis
00:20:29arrêtaient le transfert de renseignements, grosso modo.
00:20:33Les États-Unis, à travers leurs infrastructures de l'OTAN,
00:20:38ont mis en place un système qui leur permet de communiquer
00:20:42à l'état-major ukrainien et à la présidence ukrainienne
00:20:45la totalité des renseignements, qu'il s'agisse des renseignements
00:20:48satellitaires, des renseignements photos, des renseignements électroniques.
00:20:52Et donc, c'est ce qui permet à l'Ukraine de disposer
00:20:58de l'équivalent d'une vision à 400, 500, voire plus kilomètres
00:21:04à l'intérieur de la Russie, qui n'est pas la sienne,
00:21:07qui est celle que le fournissent les Américains.
00:21:10Les États-Unis ont fait deux choses.
00:21:11D'abord, ils ont coupé le partage de ces renseignements avec les Britanniques.
00:21:17Ce qui était déjà une manière de dire, bon, on met les Britanniques hors-jeu
00:21:21parce qu'on sait que les Britanniques sont très conciliants avec les Ukrainiens.
00:21:25Enfin, ils leur passent plein de choses, donc on voit que...
00:21:27Et puis après, ils ont coupé le lien avec les Ukrainiens.
00:21:35Là, si vous voulez, le problème qui est posé, il est clair.
00:21:40L'Ukraine ne pourra plus avoir cette capacité, je dirais,
00:21:45de lire par-dessus l'épaule des Russes tous les déploiements militaires qu'ils font.
00:21:51Elle n'a plus cette profondeur par rapport aux attaques par drone et par missile des Russes.
00:21:58Et c'est tout à fait différent, si vous voulez.
00:22:00Une chose est d'avoir un horizon de 500 à 600 kilomètres.
00:22:05Alors, pour un missile qui arrive à 1100, 1200 kilomètres heure,
00:22:11ça vous donne à peu près une demi-heure pour réagir.
00:22:15Si vous avez un horizon de l'ordre de 150 à 200 kilomètres, c'est trois fois moins.
00:22:21– Bien sûr, bien sûr.
00:22:22– Voilà, ça, c'est un vrai problème.
00:22:24– Finalement, ça agit aussi un peu comme un révélateur.
00:22:27C'est-à-dire qu'on se rend compte que les États-Unis sont très engagés
00:22:30aux côtés de l'Ukraine depuis le début dans cette guerre
00:22:32et qu'effectivement, on est quand même très très proche de la co-belligérance.
00:22:37– Tout à fait, mais ça, tout le monde le sait.
00:22:40– Tout le monde le sait, mais tout le monde refuse de le dire.
00:22:45– Oui, on ne veut pas le dire, on veut maintenir cette fiction.
00:22:49C'est la vaillance du soldat ukrainien qui permet aux lignes de tenir,
00:22:55même si aujourd'hui, ils sont obligés de reculer, etc.
00:22:58Mais la réalité, c'est qu'il y a du transfert d'armes,
00:23:02alors majoritairement américain, un petit peu européenne,
00:23:06et il y a un transfert de renseignements.
00:23:10Ce qu'on appelle dans le langage militaire, c'est de l'américain, le C3I.
00:23:15C'est le commandement, le contrôle, les communications.
00:23:19Et le I, c'est pour intelligence, renseignement.
00:23:22Donc ce C3I, il est absolument décisif pour permettre à l'armée ukrainienne
00:23:31de se battre correctement, si vous voulez, dans la situation actuelle.
00:23:37Ce C3I, les Américains ont commencé à le fournir à l'Ukraine,
00:23:41peut-être deux mois et demi après le début de la guerre.
00:23:44Et depuis, ça a été extrêmement important.
00:23:46D'ailleurs, tous les militaires avec lesquels je peux parler
00:23:51insistent tous sur la présence, mais si vous voulez, massive,
00:23:56extrêmement importante de militaires américains,
00:23:59dans le commandement ukrainien.
00:24:02Si cela est retiré aux Ukrainiens,
00:24:05là effectivement, ils vont être face à des difficultés
00:24:09et qui iront en croissante.
00:24:11Ce n'est pas tellement dans l'immédiat la question du stock d'armes,
00:24:14parce que des armes et des munitions,
00:24:18ils en ont entre, pour deux et quatre mois.
00:24:23Deux mois à l'utilisation normale,
00:24:26s'ils commencent à se rationner beaucoup,
00:24:28ils peuvent encore tenir quatre mois.
00:24:30Qu'est-ce que ça fait quatre mois ?
00:24:32Ça nous amène au mois de juin.
00:24:35Et rappelez-vous, je l'avais dit ici,
00:24:38je pense qu'on obtiendra un accord.
00:24:41Je ne pense pas que cet accord arrivera immédiatement.
00:24:44Tout le discours de Trump, je vais faire la…
00:24:45– Trouvez 24 heures, etc. C'est un peu rapide.
00:24:48– Mais normalement, on devrait aboutir à un accord au mois de juin.
00:24:53C'est très exactement ce que Trump est en train de faire.
00:24:55Il a pris, si vous voulez, la mesure des réticences des uns et des autres,
00:24:59des difficultés techniques, on y voit là.
00:25:02Je fais en sorte que les Ukrainiens ne puissent plus se battre
00:25:08au-delà du mois de juin.
00:25:10Ils ne puissent plus du tout se battre parce que là, ils seront à sec.
00:25:13– Bien sûr.
00:25:15– Et donc, vous avez, messieurs, ces quatre mois
00:25:20pour arriver à une solution négociée.
00:25:23– On a le sentiment qu'outre la rencontre à la Maison-Blanche,
00:25:29cette décision de suspendre l'aide militaire à l'Ukraine
00:25:33a très bien fonctionné dans l'esprit de Zelensky,
00:25:35qu'il a compris ce qu'attendait Trump de lui.
00:25:38J'allais dire, on va l'écouter tout de suite.
00:25:39– L'Ukraine sera toujours reconnaissante envers l'Amérique
00:25:45pour tout le soutien qu'elle a apporté et continue de lui apporter,
00:25:48ce qui contribue à préserver aujourd'hui
00:25:50les bases de sécurité déjà assez fragiles de l'Europe.
00:25:54– Ce n'est pas seulement notre pays,
00:26:00cela concerne tout le monde en Europe.
00:26:02Nous voulons une coopération constructive,
00:26:04nous voulons des partenaires.
00:26:05Nous ne pouvons que regretter ce qui s'est passé à la Maison-Blanche.
00:26:12Nous devons trouver la force d'aller de l'avant,
00:26:14de nous respecter les uns les autres,
00:26:16comme nous respectons toujours l'Amérique,
00:26:18l'Europe et nos partenaires,
00:26:20et tout faire ensemble pour nous rapprocher de la paix.
00:26:22Je remercie tous ceux qui soutiennent l'Ukraine dans cette démarche.
00:26:25L'Ukraine et l'Amérique méritent un dialogue respectueux
00:26:28et une position claire l'un envers l'autre,
00:26:30surtout lorsqu'il s'agit de protéger des vies
00:26:32pendant une guerre à grande échelle.
00:26:35– Bon là, on a compris, le message a bien été entendu.
00:26:44Il remercie à plusieurs reprises les États-Unis et les Américains.
00:26:48Bon, il rentre dans le rang, quoi.
00:26:51– Pas tout à fait, puisqu'il a fait une autre déclaration
00:26:54qui est un petit peu postérieure à celle-là,
00:26:57où il dit que l'Ukraine n'a pas l'intention de négocier
00:27:04sans garantie de sécurité.
00:27:06Et on revient toujours, en fait,
00:27:08à ce qui a déclenché l'incident à la Maison-Blanche.
00:27:13Zelensky veut des engagements formels des États-Unis.
00:27:18Trump ne veut pas donner d'engagement formel.
00:27:22Il faut le savoir, c'est une position.
00:27:23Et d'ailleurs, c'est une position qui, à mon avis,
00:27:25va au-delà de l'Ukraine.
00:27:27C'est un principe général chez lui.
00:27:30Ce qu'il proposait à Zelensky, c'était une garantie informelle
00:27:36par la présence, si l'accord avait été signé
00:27:39entre les États-Unis et l'Ukraine,
00:27:41ça impliquait la présence d'entreprises américaines en Ukraine.
00:27:46Et on pouvait penser que c'était, en tous les cas,
00:27:51une forme de geste par rapport aux Russes pour leur dire
00:27:54si vous commencez à trop casser les choses en Ukraine,
00:27:58vous pourriez toucher des Américains.
00:28:02Donc faites attention.
00:28:03Bon.
00:28:04Mais Zelensky, il n'en démord pas.
00:28:07Il veut toujours cette garantie formelle.
00:28:09Il ne l'obtiendra pas.
00:28:10Si vous voulez, s'il a l'illusion qu'avec l'aide des Européens,
00:28:15il pourrait malgré tout faire changer les Américains là-dessus,
00:28:18c'est à mon avis une décision qui a été prise bien en amont
00:28:22et qui va très au-delà de l'Ukraine.
00:28:26Donc ça, il ne l'obtiendra pas.
00:28:27Et la seule chose qu'il obtiendra à maintenir sa position,
00:28:31c'est de rendre Trump et Vance encore plus agressifs vis-à-vis de lui.
00:28:40Ajoutons à cela qu'il a quand même commis des erreurs,
00:28:43mais antérieures.
00:28:45En particulier, il y a le vieux problème qui date de 2020,
00:28:51pendant la campagne de 2020, où il a refusé de transférer à Trump
00:28:58les dossiers qu'il détenait sur le comportement du fils de Biden,
00:29:01de Hunter Biden, en Ukraine.
00:29:04Bon, ça c'est un premier.
00:29:05Mais surtout, il a fait une erreur qui est incompréhensible
00:29:08en matière de relations internationales.
00:29:11Il est allé dans un meeting électoral de Biden et de Kamala Harris.
00:29:16La première chose que l'on fait quand on est à la fois aussi dépendant
00:29:21et dans la situation de fragilité d'un président ukrainien, en guerre,
00:29:27c'est de dire, moi, de toutes les manières,
00:29:30je négocierai avec quel que soit le locataire de la Maison Blanche.
00:29:36Et de dire, bon, il peut après, de manière informelle,
00:29:39dire, je préférerais que ce soit vous que l'autre, etc.
00:29:42– En même temps, est-ce que ce n'était pas un peu Zelensky ?
00:29:45Est-ce que ce n'est pas la créature des néoconservateurs démocrates ?
00:29:48C'était bien logique qu'il aille faire campagne pour les démocrates.
00:29:51– Mais il a pris un risque inconsidéré par rapport à l'avenir de l'Ukraine.
00:29:56Une chose, c'est dire, bon d'accord,
00:29:58ce sont les néoconservateurs démocrates qui m'ont mis en.
00:30:02Mais après, il est quand même le président de l'Ukraine.
00:30:05Il est capable de faire un petit peu d'analyse.
00:30:07Alors, s'il a cru que, parce qu'il y avait eu le changement,
00:30:11parce que Biden s'était retiré et avait promu Kamala Harris,
00:30:16ça allait assurer à Kamala Harris une élection à 90% de probabilité,
00:30:23c'est un enfant, si vous voulez.
00:30:25La première réaction, c'est de dire, oula, on ne sait pas comment ça va tourner.
00:30:29On peut espérer que ça tourne… – On ménage de chez Walsh.
00:30:31– Absolument, c'est la première chose qu'il convient de faire.
00:30:35– Alors, évidemment, vous l'avez dit tout à l'heure,
00:30:37Zelensky espère aussi beaucoup compter sur l'appui européen,
00:30:42sur cet appui européen.
00:30:43Il peut surtout compter sur Emmanuel Macron
00:30:44et qu'il a une relation parfois privilégiée.
00:30:46Je vous propose qu'on écoute tout de suite le discours d'Emmanuel Macron.
00:30:50– Nous devons continuer d'aider les Ukrainiens à résister
00:30:54jusqu'à ce qu'ils puissent négocier avec la Russie
00:30:56une paix solide pour eux-mêmes et pour nous tous.
00:31:00C'est pour cela que le chemin qui mène à la paix
00:31:02ne peut pas passer par l'abandon de l'Ukraine,
00:31:05bien au contraire.
00:31:07La paix ne peut pas être conclue à n'importe quel prix
00:31:10et sous le dictat russe.
00:31:12La paix ne peut pas être la capitulation de l'Ukraine.
00:31:14Elle ne peut pas être son effondrement.
00:31:17Elle ne peut pas davantage se traduire par un cessez-le-feu
00:31:20qui serait trop fragile.
00:31:21– Je vais dire quelque chose d'un peu brutal,
00:31:29mais est-ce que, Donald Trump, on a quelque chose à faire
00:31:32de ce que vient de dire là Emmanuel Macron ?
00:31:34– Non, clairement non.
00:31:36Alors après, Emmanuel Macron pourrait peut-être peser
00:31:43s'il acceptait de rentrer dans la logique de Trump
00:31:47et de lui dire, vous voulez une paix rapide, d'accord.
00:31:52Il est clair que si on veut une paix rapide,
00:31:54il faudra accepter une partie des demandes des Russes.
00:31:58– Bien sûr. – D'accord.
00:31:59Mais néanmoins, est-ce qu'on ne peut pas aboutir
00:32:02et peut-être négocier entre un certain nombre de pays européens,
00:32:06membres de l'OTAN et vous, des formes de garantie ou de réassurance ?
00:32:13Par exemple, l'idée aurait été une garantie américaine
00:32:17donnée non pas à l'Ukraine, mais à la France et à l'Angleterre,
00:32:22qui, eux, donnait une garantie directe à l'Ukraine.
00:32:25C'est un petit peu comme dans le système financier,
00:32:27vous avez vos assurances qui, elles-mêmes,
00:32:30prennent une assurance auprès d'une compagnie de réassurance.
00:32:33C'était un petit peu ce type de démarche qu'il fallait mettre en avant.
00:32:36Mais le véritable problème, c'est qu'à ce moment-là,
00:32:41on ne le dit pas sur un plateau de télévision,
00:32:44on le négocie, on le négocie en secret.
00:32:47Alors, on peut aller à Washington, mais on peut,
00:32:50et c'est le plus efficace, envoyer des émissaires
00:32:53qui vont eux-mêmes rencontrer des émissaires.
00:32:56Et si on aboutit à un accord, là, effectivement,
00:33:00on se réunit et on dit, voilà le cadre de l'accord.
00:33:04Je remarque aussi qu'Emmanuel Macron est dans une contradiction totale.
00:33:09Il dit vouloir une paix juste.
00:33:13Bon, mais une paix juste, ça veut dire un accord avec les Russes.
00:33:16Et il dit, dans le même temps,
00:33:19qu'il n'a aucune confiance en Vladimir Poutine
00:33:22et que Vladimir Poutine aurait trahi tous ses engagements.
00:33:26S'il croit la deuxième chose, la seule paix possible,
00:33:30c'est par l'écrasement complet de la Russie
00:33:33et le départ de Vladimir Poutine du pouvoir.
00:33:35Il faut être logique.
00:33:36Bon, ça, c'est du délire.
00:33:40Bon, donc pourquoi est-ce qu'il dit cette deuxième chose
00:33:45si ce qu'il veut, c'est la première chose ?
00:33:49Il y a là une contradiction évidente dans le discours d'Emmanuel Macron.
00:33:57Outre le fait qu'il a pris des libertés assez grandes
00:34:00avec les chiffres qu'il a donnés.
00:34:02Je signale par exemple, pour vos téléspectateurs,
00:34:05que le budget de la Russie ne consacre pas 40% des dépenses aux dépenses militaires.
00:34:11Quand on prend le budget consolidé, parce que la Russie est un pays fédéral,
00:34:14donc il y a le budget fédéral,
00:34:17il n'y a pratiquement pas de dépenses d'enseignement dans le budget fédéral.
00:34:20Puisqu'elles sont de la charge des fédérés, des oblastes et des kraï.
00:34:29Même si c'est une éducation nationale qui est nationale, si vous voulez.
00:34:33Bon, donc c'est le budget consolidé qu'il faut prendre.
00:34:36C'est celui qui est comparable à la France.
00:34:38C'est 17%.
00:34:42C'est 17%.
00:34:43– Oui, mais ça, est-ce que ça n'entre pas dans le fait
00:34:45que les dirigeants européens veulent absolument
00:34:48que la Russie soit effondrée sur le plan économique
00:34:50et qu'elle soit en économie de guerre, ce qui n'est pas vraiment le cas ?
00:34:52– Alors, effondrée, elle ne l'est pas.
00:34:54Il n'y a aucun risque qu'elle s'effondre dans les mois et dans les années qui viennent.
00:34:59Elle n'est pas en économie de guerre,
00:35:01parce que l'économie de guerre, ça a une définition très précise.
00:35:04C'est, vous commencez à transformer vos industries civiles en industries militaires.
00:35:11– Ça, ça n'a pas été fait du tout en Russie ?
00:35:13– Non, alors, il y a les industries militaires
00:35:16qui, évidemment, tournent beaucoup plus qu'avant-guerre.
00:35:19Oui, elles tournaient, grosso modo, à 20% de leur potentiel.
00:35:24Elles sont maintenant, pratiquement, à 90% du potentiel.
00:35:27Bon, d'accord, mais il y a les industries civiles
00:35:30qui, elles-mêmes, sont très très très hautes en termes de potentiel.
00:35:34Et d'ailleurs, on le voit, la production civile ne faiblit pas
00:35:39face à la production militaire.
00:35:40Donc, ça, on le sait très bien, la Russie n'est pas en économie de guerre,
00:35:45ça ne veut pas dire qu'elle ne soit pas en guerre.
00:35:48Il faut faire attention, le niveau des dépenses militaires en Russie,
00:35:53il est à peu près le niveau qu'avaient les dépenses militaires aux États-Unis
00:36:00dans les années 60, quand ils s'engagent dans la guerre du Vietnam.
00:36:03Donc, oui, la Russie est en guerre, en réalité,
00:36:08mais elle mène une guerre extérieure,
00:36:11une guerre qui s'apparente à une guerre menée dans le Tiers-Monde,
00:36:15sauf que là, c'est mené à sa porte, bien, mais pas plus.
00:36:20Donc, tout ce genre de raisonnement est un raisonnement à la fois faux et illusoire.
00:36:27Le véritable problème, c'est comment est-ce que ça peut être entendu des Russes ?
00:36:33Parce qu'on fait comme si les Russes n'existaient pas.
00:36:36Mais les Russes, ils entendent ce que nous disons.
00:36:39Et donc, une chose, ils entendent d'un côté le Président qui dit
00:36:43je veux un accord clair, je ne veux pas un cessez-le-feu qui pourrait être violé.
00:36:48Ça, à la limite, les Russes peuvent parfaitement l'entendre et ils sont d'accord.
00:36:51Oui, nous aussi…
00:36:52– Ça, si je peux me permettre de vous interrompre,
00:36:54quand Emmanuel Macron est reparti de Washington,
00:36:58alors qu'il avait dit qu'il ne voulait pas de cessez-le-feu,
00:37:00il a parlé de trêve.
00:37:01C'est ce que je disais la semaine dernière, trêve, cessez-le-feu, c'est pareil.
00:37:05Donc en réalité, il change d'avis aussi comme deux chemises.
00:37:07– Alors, on peut penser que là, il a fait l'erreur de se dire
00:37:11on pourrait peut-être adopter la méthode qui ne marche pas d'ailleurs
00:37:16du Moyen-Orient, de la guerre de Gaza.
00:37:20On fait une trêve et puis dans le cadre de cette trêve, on négocie…
00:37:23– Les exigences humanitaires ne sont pas du tout les mêmes.
00:37:25– Bien sûr, bien sûr.
00:37:27Ok, ça c'est un autre problème.
00:37:29Mais bon, il dit, je veux une paix solide.
00:37:32Les Russes, je leur dis oui, d'accord.
00:37:33Mais voilà notre conception d'une paix solide.
00:37:35Et puis après, on discute là-dessus.
00:37:39Mais après, il dit, mais je n'ai aucune confiance dans le dirigeant russe.
00:37:44Donc les Russes disent, donc tu ne veux pas négocier.
00:37:47Et ça, si vous voulez, c'est tout le problème.
00:37:52Le drame, c'est qu'on ne sait jamais quand Emmanuel Macron parle,
00:37:58s'il s'adresse aux Français ou s'il s'adresse
00:38:02à l'opinion internationale et aux Russes.
00:38:04Bien.
00:38:05Or, un président, il doit parler essentiellement à l'étranger.
00:38:11– Bien sûr.
00:38:11– Donc, ça n'a pas de sens.
00:38:14Mais en fait, c'est un problème qui date depuis le début.
00:38:17Par exemple, quand Emmanuel Macron révèle la teneur de ses entretiens
00:38:24avec Vladimir Poutine, c'est une faute diplomatique majeure.
00:38:28Il le fait pour se mettre en scène par rapport aux électeurs français.
00:38:33On est, je le rappelle, dans la campagne électorale de 2022.
00:38:36– Bien sûr.
00:38:38– Mais est-ce qu'il a pensé un instant
00:38:41aux répercussions de son action dans l'esprit des Russes ?
00:38:46Parce qu'aujourd'hui…
00:38:46– Rupture de confiance, effectivement.
00:38:47– Ah ben, quittez, il n'y a plus aucune confiance.
00:38:50Donc, c'est ça le problème aussi,
00:38:53c'est qu'on a un président qui tient un discours qui est contradictoire,
00:38:57qui dit une chose, puis qui dit après,
00:38:59mais pratiquement dans la même phrase,
00:39:01une chose qui contredit la première.
00:39:03– Ben, c'est le en même temps.
00:39:04– Oh, c'est plus que dur, excusez-moi,
00:39:06parce que le en même temps, on peut dire, oui, mais à un côté, de l'autre.
00:39:09Il y a une manière de pratiquer le en même temps
00:39:12qui est une manière de dire, je comprends les intérêts des deux parties.
00:39:16Alors, je pense qu'il faut arriver à un accord,
00:39:18mais je comprends que les deux parties aient des intérêts.
00:39:22C'est ça, le véritable en même temps.
00:39:24Bon, non, ça c'est autre chose, c'est, je dis une chose,
00:39:27et dans la foulée, je dis une autre chose qui est complètement contradictoire.
00:39:32Excusez-moi, psychologiquement, c'est n'importe quoi, c'est n'importe quoi.
00:39:36Et en plus, je dis une chose en direction des Russes,
00:39:42et dans le même discours, je dis quelque chose
00:39:44qui est à usage des Français ou des Européens,
00:39:48mais que les Russes entendront quand même, puisque c'est dans le même discours.
00:39:52Là, vraiment, il y a un problème, et je répète ce que je dis,
00:39:59et je le dis depuis maintenant pas mal de temps,
00:40:02il y a une incompréhension des règles de base de la diplomatie
00:40:07qui est un des problèmes majeurs avec notre Président.
00:40:12– Alors, cette espèce de, en même temps,
00:40:15enfin, cet oxymore, j'allais dire, diplomatique,
00:40:18il est aussi pratiqué par Volodymyr Zelensky
00:40:20qui, in fine, se réaligne sur Washington en expliquant qu'il les remercie,
00:40:25qu'il est d'accord pour négocier, qu'il est d'accord pour signer un accord, etc.
00:40:29Mais dans le même temps, il remercie l'Europe de ne pas le lâcher,
00:40:32de continuer à l'aider, à aider cette guerre en Ukraine,
00:40:36à aider les troupes ukrainiennes.
00:40:37On a l'impression aussi que c'est très compliqué pour lui
00:40:40de mener une ligne vraiment cohérente.
00:40:43– Et tout cela parce que, en réalité, c'est la position révolutionnaire
00:40:50depuis l'arrivée de Donald Trump qui chamboule les relations internationales.
00:40:54– Pas seulement. Oui, vous avez raison, c'est effectivement…
00:40:56Bon, il y a la position de Donald Trump annoncée, si vous voulez.
00:41:02Il ne nous a pas pris par surprise quand il est devenu, effectivement,
00:41:07le Président le 20 janvier, quand il a pris ses fonctions.
00:41:10Il avait annoncé tout ce qu'il fait depuis novembre,
00:41:14et parfois même depuis avant novembre.
00:41:16C'était dans son discours de campagne.
00:41:18Ben oui, on a un homme politique qui, une fois élu,
00:41:22va appliquer une partie des choses sur lesquelles il s'est fait élire.
00:41:25– Il n'est pas habitué.
00:41:26– Oui, je comprends que ça puisse surprendre en France,
00:41:28où ce n'est pas exactement la pratique française, mais bon…
00:41:32Mais il y a une autre chose qui est importante pour Zelensky.
00:41:35C'est que, oui, il est le Président en Ukraine,
00:41:40mais il doit faire face, en Ukraine, à des factions
00:41:45dont les positions sont très différentes,
00:41:47et en particulier à une faction ultra-nationaliste,
00:41:51qui ne veut pas entendre parler de paix.
00:41:54– Mais qu'est-ce qu'ils attendent ces gens ?
00:41:55Parce que concrètement, ils savent bien que l'Ukraine ne va pas gagner.
00:41:59– Mais vous êtes face à des gens…
00:42:02Il suffit d'ailleurs de lire la presse ukrainienne,
00:42:06de gens qui sont dans une logique absolument suicidaire,
00:42:10qui conseillent de dire, oui, nous allons peut-être perdre,
00:42:13mais nous allons perdre, entre guillemets, avec les honneurs,
00:42:19et donc le souvenir de notre lutte restera,
00:42:24et irriguera la pensée ukrainienne,
00:42:27et nous permettra, dans 20 ans, dans 30 ans, de reprendre le combat.
00:42:30– Excusez-moi, mais c'est exactement le discours que tient le Hamas.
00:42:35Quand le Hamas dit, oui, peut-être il va falloir faire massacrer
00:42:38une, deux, trois générations, mais à la fin des fins…
00:42:42– On triomphera.
00:42:43– On triomphera, mais c'est exactement le même type de discours.
00:42:45Donc, il faut savoir qu'on a ce type de fanatiques en Ukraine,
00:42:49et que ça pose un problème de sécurité personnelle pour Zelensky.
00:42:54Donc, et c'est ça que je ne comprends pas, si vous voulez,
00:42:58pourquoi Zelensky n'utilise-t-il pas cet argument,
00:43:02qui est un argument réel, dans sa relation avec Trump ?
00:43:05Il aurait très bien pu dire avec Trump,
00:43:07Monsieur le Président, je suis d'accord avec vous,
00:43:11mais en Ukraine, il y a des gens qui ne veulent pas entendre cela.
00:43:18Pouvez-vous m'aider à leur faire entendre raison ?
00:43:24Parce que vous comprenez bien que si moi, je signe cet accord,
00:43:29et si je disparais dans les jours qui viennent,
00:43:33tout ce travail de négociation auquel vous avez accordé tant de temps, etc.,
00:43:38n'aura servi à rien.
00:43:40Donc ça, c'était un argument que Zelensky aurait pu avancer,
00:43:46s'il voulait avancer un argument devant Trump.
00:43:50– Oui, sauf que personne ne veut reconnaître le côté extrémiste
00:43:53d'une partie de cet entourage.
00:43:55– Ah, ça c'est vrai, ça c'est vrai.
00:43:56– Une partie d'ailleurs qui a été largement financée
00:43:59par des officines notamment américaines comme l'USAID.
00:44:02– Tout à fait, et le problème c'est que depuis trois ans,
00:44:08une partie de la presse européenne,
00:44:10une partie, et une partie de la presse américaine,
00:44:13s'est complètement aveuglée sur la réalité.
00:44:16Alors on sait très bien, ce sont les néo-nazis d'Azov,
00:44:20qui au début étaient un bataillon, qui aujourd'hui c'est plusieurs régiments,
00:44:23il y a Kraken, etc.
00:44:26Je ne dis pas que ça représente la totalité de l'armée ukrainienne,
00:44:28ce n'est pas vrai, il représente à peu près 15, peut-être 20%,
00:44:33mais ce sont les plus actifs,
00:44:35mais ce sont potentiellement les plus dangereux.
00:44:39Et le problème qu'il faut se poser, c'est la question de savoir,
00:44:43bon, on aura un accord de paix.
00:44:47Et si on aboutit à la situation de l'Allemagne après le 11 novembre 1918,
00:44:52le développement de Corfran, c'est ça le vrai problème aujourd'hui.
00:44:58– Développer peut-être pour les téléspectateurs le danger que ça pourrait poser.
00:45:01– Oui, par exemple, je reprends mon analogie avec cette histoire.
00:45:06Quand la nouvelle république allemande, puisque Guillaume II abdique,
00:45:11et on passe d'un empire, d'un royaume,
00:45:14à une république qui deviendra la république de Weimar quelques mois après.
00:45:19Eh bien, il y a une partie de l'armée allemande qui ne l'accepte pas,
00:45:24qui va développer le fameux mythe du coup de couteau dans le dos,
00:45:28puis après on va dire que ce sont les Juifs
00:45:30qui ont donné ce coup de couteau dans le dos de l'armée allemande,
00:45:34ce qui est complètement ahistorique et qui est complètement contraire à la vérité.
00:45:39La vérité, c'est que l'armée allemande est en train de se déliter
00:45:42et que ce sont les militaires de l'état-major qui ont poussé Guillaume II dehors,
00:45:47ce n'est pas les dirigeants politiques,
00:45:49et qui ont décidé de remettre le pouvoir aux dirigeants politiques
00:45:52pour qu'ils fassent la paix le plus vite possible
00:45:53pour éviter la dissolution complète de l'armée allemande.
00:45:56Et ces jusqu'aux-boutistes sont allés se battre face aux russes
00:46:04et aussi face aux communistes dans leur pays.
00:46:07On connaît l'assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg.
00:46:13Et par la suite, on a une situation politique extrêmement tendue en Allemagne
00:46:18avec la pratique d'assassinats.
00:46:20Par exemple, un des premiers ministres de l'Allemagne, Ratnau,
00:46:26qui était d'ailleurs un homme très important pendant la guerre,
00:46:29c'est lui qui a organisé l'économie de guerre allemande,
00:46:32il représente ce qu'on appelle le Zentrum,
00:46:35qu'on qualifie un peu rapidement en France de centre,
00:46:38c'est un petit peu différent, bon.
00:46:39Mais bon, voilà, il devient le chancelier,
00:46:43il va négocier les accords de Rapallo
00:46:46et il se fait assassiner à son retour, justement.
00:46:50– Et si je peux me permettre un parallèle d'ailleurs,
00:46:52on se rappelle qu'au tout début des négociations de paix,
00:46:56au tout début du conflit ouvert, il y a des proches de Zelensky,
00:47:00enfin de l'appareil ukrainien qui ont été assassinés
00:47:02parce qu'ils étaient accusés d'être trop russophiles,
00:47:06entre guillemets, alors qu'en réalité c'était simplement
00:47:08qu'ils avaient fait avancer des accords de paix,
00:47:10et donc pour que les accords n'aboutissent pas, on les a tués.
00:47:12Donc on est absolument dans ce parallèle historique.
00:47:16– Tout à fait, par ailleurs, je signale,
00:47:19là on voit bien que c'est la volonté des ultras
00:47:22de couper toutes les négociations possibles
00:47:25et de s'engager dans une lutte à outrance, quel qu'en soit le prix.
00:47:29– Bien sûr.
00:47:30– Parce qu'il y a un vieux principe en politique,
00:47:32et en particulier dans ce domaine-là,
00:47:34on sait que quelqu'un qui est à côté de toi te trahit,
00:47:38conserve-le à côté de toi,
00:47:40parce que comme ça, ça te permet d'avoir un canal de communication
00:47:44avec l'ennemi de manière encore plus sûre.
00:47:48Alors bien sûr, tu ne vas pas lui donner des responsabilités importantes,
00:47:50mais tu le conserves à côté de toi.
00:47:52Et il y a cette vieille Maxime,
00:47:54c'est conserve auprès de toi le traître que tu connais,
00:47:58car autrement il partira dans le vaste monde
00:48:01et il reviendra encore plus traître qu'il ne l'est.
00:48:03Bon, ça c'est quelque chose qui m'a d'ailleurs été dit
00:48:08par des russes ex-soviétiques comme étant une pratique classique.
00:48:12– Courante et classique.
00:48:13– Courante et classique.
00:48:15Le fait que ces gens aient été exécutés,
00:48:20c'est d'une certaine manière le fait de dire aux russes
00:48:25non, nous irons jusqu'au bout.
00:48:26– Bien sûr.
00:48:27– Très bien, vous allez jusqu'au bout.
00:48:29Et le jusqu'au bout c'est quoi ?
00:48:30C'est une situation maintenant où vous reculez sur l'ensemble du front,
00:48:34bien sûr, lentement,
00:48:36je ne dis pas que les russes avancent de manière catastrophique,
00:48:40mais ils avancent, et ils avancent régulièrement,
00:48:44et où l'armée ukrainienne, elle est à bout de souffle.
00:48:49Donc non, il faut à un moment donné négocier.
00:48:51Mais là encore, c'est le problème,
00:48:53on sait très bien qu'il y a en Ukraine
00:48:56une fraction de l'armée et de la classe politique
00:49:02qui n'acceptera pas ces négociations.
00:49:05Donc, ça pose le problème de savoir
00:49:10sur quoi Zelensky peut-il compter, sur qui peut-il compter,
00:49:14et surtout, ça pose la question de savoir
00:49:16pourquoi Zelensky n'utilise-t-il pas cette situation ?
00:49:20– Cet argument pour réussir à sortir par l'eau.
00:49:22– Quitte d'ailleurs à l'amplifier, quitte à dire
00:49:24oui, mais c'est terrible, si je rentre,
00:49:27après avoir signé un accord, je me fais assassiner
00:49:29dans les deux jours ou dans les trois jours qui viennent, etc.
00:49:33Et ça, c'est aussi un argument de négociation.
00:49:35– Bien sûr, bien sûr.
00:49:37Alors, si vous voulez bien Jacques Sapir,
00:49:38on va mettre de côté un petit peu la situation ukrainienne en tant que telle.
00:49:42Vous avez écrit un long papier dans Front populaire
00:49:44à la suite de la rencontre entre Zelensky et Donald Trump,
00:49:46et vous expliquez que finalement, c'est aussi un choc pour l'Europe
00:49:50de se rendre compte que finalement,
00:49:52sa sécurité ne pourra plus être assurée par Washington.
00:49:57Alors bien sûr, on connaît l'existence de l'OTAN,
00:49:59on connaît l'engagement américain dans l'OTAN,
00:50:02malgré les critiques de Donald Trump,
00:50:05mais est-ce qu'on peut vraiment dire
00:50:06que les États-Unis assurent la sécurité de l'Union européenne ?
00:50:09– Alors, les Européens l'ont cru.
00:50:12Bien, il y a toujours eu une ambiguïté,
00:50:15et cette ambiguïté, elle avait été dite par le général De Gaulle
00:50:19au début des années 60.
00:50:20C'est-à-dire comme ça qu'il justifie la force de frappe,
00:50:24et qu'il justifie le retrait, non pas de l'OTAN,
00:50:27mais du commandement intégré de l'OTAN.
00:50:29– Que nous réintégrons avec Nicolas Sarkozy.
00:50:31– Il dit, est-ce qu'il est crédible que les Américains sacrifient Boston
00:50:39parce qu'une ville européenne est attaquée ?
00:50:44Il dit, ce n'est pas vraiment sûr.
00:50:46Et donc, la seule dissuasion qui compte,
00:50:50c'est la dissuasion d'un pays qui serait directement impliqué,
00:50:53d'où le développement de la dissuasion française.
00:50:55Bien, le problème qui se passe aujourd'hui,
00:50:58c'est que ce qui était une question posée,
00:51:02un peu rhétorique, et quand même posée,
00:51:05est aujourd'hui un fait, parce que non seulement Trump dit,
00:51:09voilà, si vous ne payez pas le vrai prix de votre défense,
00:51:14nous, on cesse de vous garantir au niveau de l'OTAN,
00:51:19et puis ce qu'il dit, alors même si ce n'est pas lui directement qui l'a dit,
00:51:23mais c'est son conseiller à la Sécurité Nationale qui le dit,
00:51:27les troupes américaines, alors c'est important,
00:51:29parce que les troupes américaines,
00:51:31elles sont censées être le fil de déclenchement,
00:51:34vous savez, dans les systèmes d'alarme,
00:51:36vous avez des fils, vous vous cassez le fil,
00:51:38ça déclenche les systèmes d'alarme.
00:51:40C'est ça ce qu'elle joue, une expression américaine là-dessus,
00:51:43c'est-à-dire, try prior.
00:51:44On va les retirer au niveau des pays qui étaient membres de l'OTAN en 1990.
00:51:53Ah, c'est-à-dire, les pays qui sont membres de l'OTAN en 1990,
00:51:58l'Allemagne de l'Est, qui s'est réunifiée avec l'Allemagne, d'accord,
00:52:03mais pas les pays de l'Est, pas les pays baltes,
00:52:08pas ce qu'on a appelé les PECO pendant…
00:52:12Ah oui, ça c'est un vrai problème.
00:52:16Donc il est assez naturel que les pays européens
00:52:20se posent la question de leur sécurité.
00:52:25Maintenant, est-ce qu'ils ont des intérêts identiques ?
00:52:29Non.
00:52:30On peut penser que les Suédois, les Finlandais, les Baltes,
00:52:35peut-être les Polonais, décideront de toutes les manières,
00:52:38notre sécurité ne peut être assurée que par les États-Unis,
00:52:43et donc on accepte toutes les demandes des États-Unis,
00:52:46à condition qu'ils garantissent notre sécurité.
00:52:48À l'autre extrême, on aura des pays comme la Hongrie,
00:52:52la Slovaquie, peut-être la Roumanie,
00:52:55qui vont considérer que leur situation est peut-être mieux garantie
00:52:58par un statut de neutralité que par un statut d'affrontement avec la Russie.
00:53:05Et puis on a le problème de l'Europe occidentale,
00:53:09autrement dit de l'ancienne CE, on revient,
00:53:12et c'est ça qui est quand même très étonnant,
00:53:15on est en train de revenir à la configuration du marché commun,
00:53:18à travers cette question.
00:53:21– C'est la démonstration ubuesque de l'élargissement.
00:53:24– Tout à fait, qui est en train de se défaire sous nos yeux,
00:53:28et là il faut se souvenir qu'en 1964,
00:53:33quand il y a eu, je dirais, les premières prises d'armes
00:53:38du système de dissuasion français,
00:53:41à l'époque c'était essentiellement les avions,
00:53:43bon, il y aura après les missiles à terre,
00:53:45à partir du début des années 70, il y aura les sous-marins,
00:53:49mais 64 ce sont les avions.
00:53:54Le général de Gaulle dit, devant les militaires français,
00:53:59qu'en réalité, dans la dissuasion nationale,
00:54:04l'Allemagne de l'époque, c'est-à-dire l'Allemagne de l'Ouest,
00:54:08et les pays du Benelux font partie de nos intérêts vitaux.
00:54:13Donc il a déjà dans l'idée…
00:54:17– D'un parapluie.
00:54:18– Voilà, d'un parapluie, alors non pas étendue à toute l'Europe,
00:54:21c'est étendu à un nombre réduit de pays,
00:54:23mais dont on peut effectivement penser que compte tenu
00:54:26de l'interpénétration entre l'économie française
00:54:30et par exemple l'économie allemande,
00:54:32bon, oui effectivement, nos intérêts vitaux seraient en cause.
00:54:37Autrement dit, sacrifier Paris parce que Bucarest, Budapest,
00:54:46Sofia, voire Varsovie sont attaqués, ça n'a pas beaucoup de sens.
00:54:52Par contre, dire, si vous touchez à l'Allemagne,
00:54:57qui est notre voisin immédiat,
00:55:00là nous sommes prêts à monter au niveau du feu nucléaire,
00:55:05ça devient déjà beaucoup plus crédible.
00:55:07– Vous avez raison, mais néanmoins, la question que ça soulève,
00:55:11c'est qui est nous ?
00:55:12Si nous considérons, qui est nous ?
00:55:14– C'est la France, c'est la France.
00:55:16– Et aujourd'hui, dans l'esprit d'Emmanuel Macron…
00:55:18– C'est le président français, non, il l'a répété.
00:55:20– Bien gros mot.
00:55:21– Ah non, là, c'est ce qu'il a dit dans son allocution du 5 mars.
00:55:26Il dit que la décision restera française en dernière instance.
00:55:33Donc, il n'y a pas du tout d'idée de fédéralisation de l'arme nucléaire,
00:55:37et d'ailleurs, même s'il pouvait en avoir envie,
00:55:41il sait que techniquement ce n'est pas possible.
00:55:43Parce que la dissuasion nucléaire implique une unité de chaîne de commandement,
00:55:48et une unité de chaîne d'information,
00:55:51qui ne peut être réalisée qu'au niveau d'un pays.
00:55:54– Soit dit en passant, quand on a un président de la République
00:55:56comme Emmanuel Macron, ancien banquier dans une banque américaine,
00:56:02quand on a des conseillers tels que Jean-Noël Barreau ou Benjamin Haddad,
00:56:06qui viennent tous d'officines américaines aussi,
00:56:08on peut se demander si la question est de savoir
00:56:10si c'est le président français qui appuiera sur le bouton,
00:56:13ou même si c'est le président français est apte à défendre les intérêts français,
00:56:18parce que c'est la question.
00:56:19– Apte à défendre, ça c'est un autre problème,
00:56:21mais d'abord je signale, le passé de banquier d'Emmanuel Macron,
00:56:27Georges Pompidou avait un passé de banquier beaucoup plus important.
00:56:30On l'oublie.
00:56:32– Ou on ne l'oublie pas, mais…
00:56:33– Voilà, il faut savoir que Macron a été ce qu'on appelle un banquier d'affaires,
00:56:41autrement dit un entremetteur,
00:56:43entre personnes, ce n'est pas vraiment un métier de banquier,
00:56:45il a été pendant trois ans.
00:56:48Georges Pompidou avait été banquier,
00:56:51chez Rothschild d'ailleurs, dans la même société.
00:56:54– Et il a fait la loi de 73.
00:56:55– Oui, là aussi je vous signale,
00:56:58cette loi de 73 c'est plus pour développer le marché financier français,
00:57:02parce que je vous signale que dans la loi de 73,
00:57:05la seule chose qui est dite,
00:57:06c'est que la Banque de France ne peut pas réescompter des titres publics
00:57:10à 0% d'intérêt, mais à 0,1 elle peut.
00:57:14Donc il faut faire attention, la loi de 73 n'est pas du tout
00:57:16le mythe qu'on en a créé à côté.
00:57:19Bon, donc Pompidou, il a une véritable expérience de banquier.
00:57:24Donc ce n'est pas ça.
00:57:25Le vrai problème c'est effectivement,
00:57:28est-ce que notre président maîtrise les composants techniques
00:57:34du système de dissuasion ?
00:57:36Je pense que oui, d'après ce que j'ai entendu,
00:57:39il y a là visiblement cette idée que oui,
00:57:42peut-être que je souhaiterais fédéraliser la dissuasion,
00:57:45mais ce n'est pas possible.
00:57:47Donc comme ce n'est pas possible, ben bon, ça va revenir à la France.
00:57:51Et puis a-t-il une conception claire
00:57:56de jusqu'où on peut étendre la dissuasion
00:57:59et jusqu'où on ne peut pas l'étendre ?
00:58:00Parce qu'admettons que l'on veuille l'étendre
00:58:04à 20 pays d'Europe sur les 27,
00:58:08ou peut-être 25 sur les 27, bon, ok.
00:58:12Étendre la dissuasion, ça veut dire constituer
00:58:16un appareil non nucléaire, un appareil militaire non nucléaire,
00:58:21extrêmement important.
00:58:22Alors, s'il s'agit de tester une volonté russe éventuelle
00:58:30aux frontières de la France,
00:58:33en fait, un petit corps de bataille suffit.
00:58:37Bon voilà, ce corps de bataille se fait enfoncer par les Russes,
00:58:41on sait qu'ils veulent aller jusqu'au bout,
00:58:44on utilise l'arme nucléaire.
00:58:46Sur l'Allemagne, corps de bataille un peu plus grand,
00:58:50mais pas énormément.
00:58:53Mais si on raisonne au niveau de l'ensemble de l'Union européenne,
00:58:57il faut que la France se dote d'un corps de bataille
00:59:00de 400 000, 500 000 hommes.
00:59:02Aujourd'hui, on est à moins de 50 000.
00:59:05Alors, est-ce qu'on est prêt à avoir une armée
00:59:10qui, en termes d'armée opérationnelle,
00:59:12je ne parle pas des forces de projection,
00:59:14ça c'est une autre chose,
00:59:17serait dix fois supérieure à l'armée actuelle ?
00:59:22Il faut raisonner aussi ce que ça coûte,
00:59:23il faut raisonner ce que ça implique en matière d'hommes.
00:59:29Tout simplement, ça ce n'est pas possible.
00:59:32Peut-être dans 20 ans,
00:59:34mais actuellement et à horizon prévisible,
00:59:38ce n'est tout simplement pas possible.
00:59:41Donc ça, moi ce que j'aimerais,
00:59:44c'est que le Président le dise et dise voilà,
00:59:48il pourrait être souhaitable que l'on ait telle configuration,
00:59:51ce n'est pas possible pour des raisons techniques,
00:59:54pour des raisons humaines, pour des raisons économiques,
00:59:55pour des raisons matérielles,
00:59:57donc nous allons nous replier sur ce qu'il est possible de faire
01:00:01et la seule chose qui est possible de faire,
01:00:02c'est de dire aux Allemands,
01:00:05oui, on veut bien vous sanctuariser avec nous.
01:00:10Après, ce que je souhaiterais aussi,
01:00:12c'est que le Président dise aux Allemands,
01:00:15si vous êtes d'accord avec ça,
01:00:17et il semble effectivement que les dirigeants allemands soient d'accord,
01:00:20si vous êtes d'accord avec ça,
01:00:22il faudra des contreparties de la part de l'Allemagne.
01:00:25Nous ne ferons pas ça pour le roi de Prusse,
01:00:28pour reprendre une vieille expression.
01:00:30Donc voilà, et de définir les contreparties économiques
01:00:34– Notamment d'arrêter d'acheter de l'armement aux Amériques par exemple.
01:00:37– Oui, ou disons d'acheter plus d'armement européen ou français,
01:00:41de reconstruire un pôle d'industrie de défense
01:00:44autour de l'industrie française,
01:00:46mais sur le fond, de reconnaître à la France
01:00:50qu'elle a toute liberté de développer son système nucléaire,
01:00:54autrement dit que les ONG allemandes cessent de nous embêter à Bruxelles.
01:00:57– Oui, nucléaire civil là.
01:00:58– Voilà, sur le nucléaire civil,
01:01:01et puis peut-être poser la question de l'euro.
01:01:03– Bien, si vous voulez, mais je ne dis pas que la démarche
01:01:09telle qu'elle a été prononcée par Emmanuel Macron,
01:01:13une partie de sa démarche sur la dissuasion soit fausse.
01:01:18C'était déjà quelque chose qui était envisagé par le général De Gaulle,
01:01:21donc bon, là il se situe toujours dans un cadre.
01:01:26Je rappelle d'ailleurs que Georges Pompidou l'avait redit,
01:01:32que François Mitterrand l'avait redit,
01:01:35que Jacques Chirac l'avait redit, donc il y a une vraie continuité.
01:01:39Et que c'était les Allemands qui refusaient,
01:01:41qui disaient non, votre dissuasion n'est pas crédible,
01:01:45nous préférons la dissuasion nucléaire américaine.
01:01:47Bien, maintenant qu'ils voient que les États-Unis font défaut,
01:01:55effectivement on est dans une autre configuration
01:01:58et on peut reprendre ce projet.
01:02:02Je dis simplement que c'est ce projet-là qui doit être repris,
01:02:05pas un projet beaucoup plus ambitieux,
01:02:08parce que ce projet ambitieux, on n'en a pas les moyens.
01:02:10– Bien sûr. – Et donc c'est ça.
01:02:13– En parlant d'ambitieux, c'était mon programme d'aujourd'hui,
01:02:15j'aimerais qu'on finisse les cinq dernières minutes de cette émission
01:02:18sur une autre question qu'on n'a pas encore évoquée,
01:02:20c'est cette question du rapprochement entre Washington et Moscou.
01:02:23On sait que Moscou tient une place prépondérante
01:02:25dans ce nouveau bloc en plein essor,
01:02:28à savoir les BRICS que d'aucuns nomment Sud Global.
01:02:32Aujourd'hui, est-ce que le rapprochement entre Vladimir Poutine et Donald Trump
01:02:35dans le cadre des négociations de paix en Ukraine
01:02:39peut provoquer, on va dire, un ralentissement de ce développement des BRICS ?
01:02:44– Alors, une chose ce sont les réactions des principaux gouvernements.
01:02:49La Chine voit ça plutôt d'un bon oeil,
01:02:52alors je ne dis pas qu'elle n'ait pas des doutes pour la suite,
01:02:55mais pour l'instant, elle voit ça plutôt d'un oeil.
01:02:57Il y a eu un communiqué du gouvernement chinois cette fois-ci,
01:02:59c'est la première prise de position officielle des Chinois,
01:03:02disant qu'il ne peut pas y avoir de vainqueur dans cette guerre,
01:03:07il faut négocier, les deux partis doivent accepter de négocier,
01:03:11et la proposition de négociation qui est faite par la partie russe
01:03:15nous semble la plus intéressante.
01:03:17– Donc il n'y a pas de gagnant, mais il y a quand même un gagnant.
01:03:19– Voilà, bon, les Indiens, par le ministère des affaires étrangères de l'Inde,
01:03:25ont fait une déclaration à peu près similaire,
01:03:27en disant, voilà, il ne peut pas y avoir de vainqueur dans cette guerre,
01:03:32il faut arrêter… – Mais la Russie, oui.
01:03:34– Bon voilà, ça c'est pour le court terme,
01:03:38sur le long terme, on voit bien que les Russes,
01:03:43ils regardent venir Trump,
01:03:45mais ils regardent venir Trump avec une certaine méfiance,
01:03:48c'est-à-dire que, bon d'accord, tu veux faire ceci, tu veux faire cela avec nous,
01:03:53que tu fasses des accords économiques avec nous, oui, mais fais des propositions.
01:03:58Et la première des propositions, ça doit être la fin des sanctions.
01:04:03Et Trump, pour l'instant, il continue de penser que l'arme des sanctions,
01:04:08ça peut être utile pour faire pression sur Moscou,
01:04:11donc déjà là, il y a l'amorce d'une possible friction entre les deux,
01:04:17et puis, fondamentalement, si Trump part avec l'idée
01:04:22qu'en s'aidant à Moscou, il va réussir à ramener Moscou
01:04:28vers le camp occidental,
01:04:31là encore, il se met le doigt dans l'œil jusqu'au coude,
01:04:34parce que les Russes tirent un bilan de l'évolution de l'économie du monde,
01:04:42ils voient que la partie du monde qui est en expansion,
01:04:47c'est l'Asie, donc Chine, Inde, mais aussi les autres pays asiatiques,
01:04:51parce que c'est important, même si nous, en France,
01:04:53on ne sait pas qu'ils existent, il y a l'Indonésie, il y a le Vietnam,
01:04:58tous ces pays sont en expansion.
01:05:00– Et qui entrent d'ailleurs, ou qui demandent d'entrer dans l'évolution.
01:05:03– Oui, qui soit sont entrés, soit demandent,
01:05:04soit frappent à la porte avec insistance, comme la Malaisie,
01:05:07non, non, partenaire des BRICS, c'est bien,
01:05:09mais on veut être vraiment membre des BRICS,
01:05:12il y a toute une histoire de la diplomatie malaise là-dessus,
01:05:17bon, donc non, les Russes ne sont pas contre
01:05:22un développement de leur relation avec les États-Unis,
01:05:25mais ils savent quand même une chose,
01:05:27quand ces relations étaient très développées dans les années 2018-2019,
01:05:33ça représentait 4%, donc au mieux…
01:05:38– On revient à 4%
01:05:40– On est actuellement autour de 1,8-1,9%,
01:05:44ça va doubler, ça va revenir à 4%,
01:05:48mais c'est rien par rapport au poids que représentent la Chine,
01:05:52l'Inde et les pays asiatiques,
01:05:54même encore à ce que représente l'Europe,
01:05:57l'Europe a beaucoup baissé,
01:05:58mais l'Europe continue de représenter entre 16 et 18%
01:06:04du commerce extérieur russe,
01:06:06donc nous n'avons pas rompu tous les liens avec la Russie,
01:06:10il ne faut pas croire,
01:06:12la France est le pays qui a le plus acheté de gaz naturel russe,
01:06:17et je ne parle même pas du gaz naturel et du pétrole
01:06:20que nous revendent les Indiens,
01:06:22mais qu'ils ont eux-mêmes acheté russe.
01:06:24– Qu'ils ont repackagé on va dire.
01:06:26– Tout à fait, mais les choses qui viennent de Russie,
01:06:29– Officiellement.
01:06:29– Officiellement, aujourd'hui,
01:06:31nous avons la France a plus acheté de gaz russe
01:06:35qu'elle n'achète de gaz aux États-Unis,
01:06:39donc voilà, c'est ça la réalité des choses,
01:06:43et c'est pour ça que,
01:06:45autant je pense qu'il peut y avoir effectivement
01:06:47une amélioration des relations entre les États-Unis et la Russie,
01:06:50ça, ça ne fait pas de question,
01:06:52mais que cette amélioration va à un moment donné
01:06:55se heurter à des choses qui sont du domaine du réel,
01:06:59et qu'on ne peut pas changer,
01:07:01c'est que oui effectivement,
01:07:03la part du commerce entre la Russie et les États-Unis,
01:07:07c'est 4% du commerce extérieur russe,
01:07:10au mieux dans les années d'avant-guerre, donc voilà.
01:07:14– Et pensez-vous, Donald Trump a déjà fait savoir
01:07:16pendant la campagne présidentielle à plusieurs reprises
01:07:19que, évidemment, la perspective d'une dédollarisation du monde
01:07:24était totalement impensable dans son esprit,
01:07:27inconcevable dans son esprit plutôt,
01:07:30est-ce que ça, ça peut faire partie des discussions
01:07:33dans le cadre des négociations de paix
01:07:35entre Moscou et Washington ?
01:07:38– Je pense que ça sera la volonté des Américains,
01:07:40et je pense que je connais déjà la réponse des Russes,
01:07:44c'est, ben oui, mais nous on est en train de parler avec d'autres gens,
01:07:49les Chinois, les Indiens, etc.,
01:07:51qui eux veulent aller dans cette direction-là, les Brésiliens,
01:07:54donc, ben ça ne dépend plus de nous.
01:07:57– Puis accessoirement, la Russie est toujours exclue de SWIFT.
01:07:59– Oui, tout à fait, tout à fait,
01:08:01SWIFT est une opération essentiellement européenne,
01:08:04ce n'est pas les États-Unis qui peuvent décider là-dessus.
01:08:08– Très bien.
01:08:08– Donc, voilà, oui…
01:08:11– Ça les pousse à utiliser autre chose que le dollar, quoi.
01:08:13– Voilà, vous voulez qu'on arrête la dédollarisation,
01:08:20ça ne dépend pas de nous.
01:08:22Et ils vont, et là, ça va être un truc classique,
01:08:25ils vont dire, ah oui, oui, si ça ne dépendait que de nous, on le ferait,
01:08:30mais comme ça ne dépend pas de nous, on ne le fera pas.
01:08:32– Je vous remercie beaucoup, Jacques Sapir,
01:08:34pour votre venue à TV Liberté à nouveau.
01:08:36Je vous remercie tous de nous avoir suivis.
01:08:39Je répète, le nom de cet ouvrage, le dernier que vous avez écrit
01:08:42aux éditions Perspectives Libres, c'est la fin de…
01:08:45– La fin de l'ordre occidental, avec un point d'interrogation, quand même.
01:08:49– Quand même, ce qu'il ne faut jamais assurer.
01:08:51Vous pouvez le retrouver, bien sûr, sur la boutique de TVL.
01:08:54N'oubliez pas, si cette émission vous a plu,
01:08:56de le dire dans les commentaires juste en dessous,
01:08:58de poser vos questions complémentaires également,
01:09:00j'essaie d'y répondre chaque semaine.
01:09:02N'oubliez pas non plus le petit pouce en l'air
01:09:04qui améliore le référencement.
01:09:06En attendant la fin de semaine, portez-vous bien, chers amis,
01:09:08et rendez-vous la semaine prochaine.
01:09:10– Sous-titrage ST' 501

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