• il y a 9 heures
Écoutez "On refait le monde" avec Gabrielle Halpern, docteur en philosophie, auteure de "Créer des ponts entre les mondes : une philosophe sur le terrain" (Fayard), Laura Chaubard, présidente et directrice générale de l'école polytechnique, Laurent Alexandre, chirurgien, essayiste et auteur de "ChatGPT va nous rendre immortels" (Jean-Claude Lattès), et Ayden Tajahmady, directeur de la stratégie et de la transformation de l'AP-HP.
Regardez On refait le monde avec Yves Calvi du 10 février 2025.

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Transcription
00:00Yves Galvy. On refait le monde jusqu'à 20h sur RTL.
00:06La France, centre du monde de l'intelligence artificielle pendant deux jours.
00:10Jusqu'à demain, Paris accueille au Grand Palais des chefs d'État, des patrons,
00:14des investisseurs pour un grand sommet mondial où se joue notre indépendance.
00:17Selon le président Macron, objectif maintenir la France dans le peloton de tête
00:22d'une course technologique sans pitié.
00:23Pourquoi l'intelligence artificielle est-elle indispensable pour notre souveraineté ?
00:28Quel futur imaginer avec son développement en termes d'emploi, de santé ou d'information ?
00:33L'IA est-elle capable de contribuer à un monde meilleur ou au contraire doit-elle nous inquiéter ?
00:37Nous allons en débattre avec nos invités.
00:39En l'occurrence, Gabrielle Halpern qui est docteure en philosophie.
00:41Vous abordez la question de l'intelligence artificielle dans votre dernier livre
00:45« Créer des ponts entre les mondes, une philosophie sur le terrain »
00:48paru aux éditions Fayard. Soyez la bienvenue.
00:50Merci.
00:51Laura Chobard qui est présidente et directrice générale de l'École Polytechnique.
00:54Bienvenue Laura Chobard.
00:55Bonsoir.
00:56Laurent-Alexandre est à distance, il est chirurgien et essayiste.
00:59Votre livre « Chat GPT » va nous rendre immortels et paru aux éditions Jean-Claude Lattès.
01:04Soyez le bienvenu Laurent-Alexandre, même à distance.
01:07Et Aïden Tajamadi qui est directeur de la stratégie et de la transformation de l'APHP.
01:11Notre assistance publique, Hôpitaux de Paris.
01:13Soyez le bienvenu vous aussi.
01:15Commençons par un tour de table très rapide en une phrase vraiment.
01:19L'IA pour vous est synonyme du pire ou du meilleur ?
01:22Ça fait partie des débats qu'on a très régulièrement en ce moment.
01:24Laura Chobard.
01:26Moi je pense qu'on est au début d'une nouvelle ère de progrès.
01:28Et notamment de progrès scientifique à une vitesse qu'on n'a sans doute jamais vue.
01:34Merci de cette réponse rapide.
01:35Aïden Tajamadi.
01:37Moi je pense que l'IA sera ce qu'on va en faire.
01:39Donc c'est les usages que l'on va avoir de l'intelligence artificielle
01:41qui vont créer de la valeur ou au contraire remporter des risques.
01:44Gabriel Alperne.
01:45L'intelligence artificielle est une opportunité pour l'être humain
01:47pour se remettre radicalement en question.
01:49Ah tiens, tiens, tiens.
01:50Qu'est-ce que vous en pensez Laurent-Alexandre ?
01:53L'intelligence artificielle c'est un changement civilisationnel majeur
01:57qui va apporter des choses extraordinaires
02:00notamment dans le domaine scientifique, technologique et médical.
02:03Mais ça va beaucoup tanguer.
02:05Le coût social peut être important
02:07parce qu'il va y avoir une remise en cause de beaucoup de savoirs.
02:11Notre dépassement par l'intelligence artificielle dans beaucoup de domaines qui est en cours
02:15c'est une épreuve à côté des choses extraordinaires
02:19que l'intelligence artificielle va nous apporter.
02:21Une étude internationale, Ipsos, réalisée dans 11 pays en fin d'année dernière
02:25montrait que les Français sont les plus inquiets des impacts
02:28que l'intelligence artificielle va avoir sur le monde.
02:3073% en ont peur.
02:33C'est seulement 62% par exemple chez les Allemands.
02:3540% chez les Japonais.
02:37C'est formidable ces différences culturelles.
02:39C'est notre pessimisme naturel
02:41ou ce sont les autres qui au contraire sont d'une certaine façon trop optimistes ?
02:44Gabriel Alperne.
02:47Je pense qu'il y a une vraie question.
02:50Je trouve que sur le débat sur l'intelligence artificielle
02:52on est toujours dans un côté très dichotomique
02:54pour, contre, bien, mal.
02:56Et peut-être qu'il y a du coup un autre regard à porter sur l'intelligence artificielle
03:00et se demander finalement pourquoi diable l'être humain a-t-il eu l'idée
03:03ressentit le besoin ou l'angoisse d'ailleurs de créer cet outil
03:06et finalement à quel besoin ou à quelle angoisse est-ce que cela répond ?
03:09En tout cas je trouve que c'est une approche qui est peut-être plus intéressante
03:12et qui pourrait peut-être permettre d'ailleurs aux Français de pouvoir repenser autrement la question.
03:16Aydan Tajamadi.
03:17Je pense que c'est à la fois parce qu'on ne connaît pas forcément très bien l'intelligence artificielle
03:23et donc les gens en ont peur parce qu'ils ne savent pas quels en sont les usages.
03:25Ils entendent parler à travers les médias et pas forcément à travers des usages concrets.
03:30Et donc c'est très important de former aussi les gens,
03:33d'informer les gens sur ce que c'est que l'intelligence artificielle,
03:35ce qu'elle peut faire, ce qu'elle ne peut pas faire.
03:36Et en fait derrière ce terme on a une très grande diversité de situations,
03:40d'usages, de technologies même.
03:42Et donc c'est important je pense de bien rationaliser les choses autour de ça.
03:45Laurent-Alexandre, est-ce qu'on a une idée du nombre de personnes qui utilisent tous les jours ChatGPT
03:52pour poser simplement une petite question, même une recette de cuisine ?
03:56À l'échelle mondiale on est entre 300 et 400 millions d'utilisateurs réguliers de ChatGPT.
04:01Mais ce n'est pas le seul modèle d'intelligence artificielle qui existe.
04:05Tout compris, on doit être entre 600 millions et 700 millions d'utilisateurs
04:09si on prend tous les grands modèles d'intelligence artificielle.
04:11Un peu plus si on tient compte de Copilot qui est associé avec Office sur les logiciels Microsoft.
04:19Donc c'est quelque chose qui est aujourd'hui très répandu.
04:22Pour ce qui est du pessimisme énorme des Français, il n'est pas spécifique à l'intelligence artificielle.
04:28Regardez, il y a quelques années les Français étaient plus pessimistes que les Afghans.
04:32Donc la France, qui est quand même un pays où on vit plutôt bien,
04:36est associée à un pessimisme extrême des Français.
04:39Donc ils sont pessimistes pour l'intelligence artificielle,
04:42mais ils sont aussi pessimistes pour plein d'autres choses.
04:45Je crois que c'est dans notre nature psychologique profonde.
04:48C'est une façon de repousser l'angoisse.
04:52On enseigne, Laura Chobard, aujourd'hui l'intelligence artificielle à l'école Polytechnique ?
04:58Bien sûr, ça fait plus de 15 ans qu'on enseigne l'intelligence artificielle à l'école Polytechnique.
05:03Preuve en est que beaucoup de nos alumnis ont réussi dans le domaine de l'intelligence artificielle,
05:08ont créé parmi les startups les plus en vue dans ce sommet pour l'IA.
05:12Gingface, Mistral, Instadip, Nabla,
05:17tout ça ce sont des alumnis de l'école Polytechnique qui les dirigent aujourd'hui.
05:21Alors, notre président de la République, par l'organisation de ces 48 heures,
05:27nous met un petit coup de jus, si je puis dire.
05:29Est-ce que la France part moins bien armée que les autres pays sur ces questions d'IA ?
05:34Quelle perception en avez-vous ?
05:36Moi, je crois qu'on a beaucoup d'atouts.
05:37Si je peux revenir une seconde sur le fait qu'on soit plus pessimiste que les autres,
05:41je crois que ça tient aussi...
05:42En France, c'est toujours le cas, au départ, quoi qu'il arrive.
05:45Mais ça tient aussi au mot qu'on a posé sur cette technologie.
05:49Il ne faut pas oublier qu'en anglais, intelligence n'a pas le même sens,
05:53n'a pas ce rapport capacité de raisonnement de l'humain.
05:59Ça veut dire information, ça veut dire renseignement.
06:01Et donc, tout de suite, il y a eu un anthropomorphisme très fort sur cette technologie.
06:06Dès lors qu'on l'appelle intelligence artificielle,
06:08on projette tout un tas de comportements humains.
06:11Elle ment, elle a des hallucinations, etc.
06:14Mais c'est une personne, quelque part.
06:15Et c'est extrêmement anxiogène.
06:17Alors que si on parle de technologie par apprentissage,
06:20tout de suite, on regarde des choses d'un autre point de vue.
06:24On va revenir sur les formidables avancées que l'on peut attendre
06:27et qui, pour certaines, sont déjà là.
06:28Mais je voudrais que l'on s'attarde sur les craintes pour l'instant.
06:31Et pour démarrer, l'emploi.
06:32Si on se dit que la machine fait plus rapidement et de manière plus fiable le travail des humains,
06:36ce qui, d'ailleurs, a toujours été l'histoire de la progression,
06:39notamment industrielle, sur notre planète,
06:42est-ce qu'on peut raisonnablement craindre pour certaines professions ?
06:46Gabrielle Halpern.
06:47Encore une fois, il ne faut pas voir les choses de cette manière-là.
06:50Je dirais plutôt que la question, c'est
06:53en quoi est-ce que l'intelligence artificielle est un miroir,
06:55une forme un peu de révélateur de l'être humain,
06:59et d'ailleurs même de certains métiers,
07:01dans la mesure où, peut-être que parfois, on ne fait pas toujours très bien les choses.
07:05Je vais dire les choses de manière peut-être plus précise.
07:08C'est qu'à partir du moment où chaque GPT
07:11a plus de discernement qu'un directeur des ressources humaines,
07:14plus de créativité qu'un juriste,
07:15plus d'empathie qu'un médecin quand il vous annonce une mauvaise nouvelle d'une maladie,
07:19plus de patience qu'un professeur à l'école,
07:22ou plus de tolérance que nos voisins ou une capacité d'écoute que nos parents,
07:24pour le coup, est-ce que, encore une fois, l'intelligence artificielle n'est pas un formidable révélateur,
07:29jetant une lumière crue, parfois cruelle,
07:31justement, sur des angles morts.
07:33Sauf que, pardonnez-moi, toutes les professions que vous venez de nous citer et qui ont des écoutes en ce moment
07:37doivent se dire, oh là là, qu'est-ce qui va me tomber dessus demain ?
07:39Et je les comprends.
07:40Disons que c'est un appel...
07:41Moi inclus, d'ailleurs.
07:42C'est pour ça que je le vois vraiment comme une opportunité, justement, de nous réhumaniser.
07:46C'est-à-dire, encore une fois, de réapprendre la patience, de réapprendre l'empathie, la tolérance,
07:50la capacité d'écoute, le discernement, finalement, toutes ces valeurs humaines
07:54que, parfois, nous abandonnons.
07:57Voilà. En tout cas, je pense que moi, c'est comme ça, en tout cas, que je vois l'intelligence artificielle.
08:01À ce stade, pour l'instant, ce que nous, on constate, c'est que
08:04l'intelligence artificielle a un impact sur les métiers à travers de nouveaux métiers qui sont apparus à l'hôpital.
08:08Je pense en particulier aux data-scientistes, qui sont les métiers à la frontière entre l'informatique et les statistiques
08:14pour pouvoir faire fonctionner les intelligences artificielles.
08:17Ça fait aussi évoluer les métiers des cliniciens, des radiologues, des chirurgiens.
08:21Et en fait, c'est plutôt une augmentation, en réalité, pour l'instant, des compétences.
08:25On va parler de chirurgien augmenté ou de radiologue augmenté.
08:27On ne va pas forcément, à très court terme, des métiers qui vont disparaître.
08:30Et je pense que c'est vraiment un enjeu de transformation des métiers.
08:33Peut-être qu'à plus long terme, il y aura des choses qui vont évoluer.
08:36Mais c'est clair qu'à court terme, ce n'est pas du tout ce que l'on constate dans nos organisations.
08:40Laurent Alexandre ?
08:42Il est très difficile de se prononcer.
08:44On sait que les métiers qui vont disparaître, on les voit, on les connaît.
08:47Alors que les métiers qui vont apparaître, on ne les connaît pas encore.
08:52Quand les porteurs d'eau ont disparu, on les a vu disparaître.
08:58Mais à l'époque, on ne savait pas qu'on allait avoir des milliers et des milliers de personnes
09:02qui allaient travailler dans la distribution, la purification de l'eau,
09:06qui étaient des métiers qui n'existaient pas au temps des porteurs d'eau.
09:08Il y avait 29 000 porteurs d'eau à Paris, sous Napoléon.
09:12Donc, les métiers qui sont challengés par l'IA, on les voit bien, on peut les identifier.
09:17En revanche, les métiers du futur qui vont être créés grâce à l'IA, on ne les connaît pas.
09:20C'est ça qui crée en permanence une angoisse quand il y a une révolution technologique.
09:24Comme vous êtes très direct, vous allez me faire quand même une petite liste immédiate
09:27des métiers qui sont menacés au moment où nous parlons ?
09:29Les traducteurs vont disparaître.
09:32L'IA traduit beaucoup mieux que les traducteurs les plus chevronnés.
09:37Les gens qui font des doublages au cinéma vont tous disparaître.
09:40Le journal Le Monde en a fait d'ailleurs un papier récemment.
09:44Il n'y a pas de place pour les doubleurs au cinéma parce que l'IA double mieux que les doubleurs.
09:48En plus, l'IA est capable de changer les mouvements des lèvres pour s'adapter à chaque changement linguistique.
09:54Ce qui est impossible avec des doubleurs humains.
09:57Mais je pense que la liste des nouveaux métiers va être plus importante que la liste des métiers qui vont disparaître.
10:04Mais pour que les métiers nouveaux apparaissent, se construisent et accueillent les travailleurs
10:11qui vont être atteints dans leur travail ancien, menacés par l'IA,
10:16il faut que l'économie soit dynamique.
10:18Or, l'économie européenne n'est pas dynamique.
10:20Elle ne crée pas beaucoup de nouvelles entreprises.
10:22Le pouvoir d'achat en Europe, depuis 2008, croît quatre fois moins vite qu'aux Etats-Unis.
10:29Il n'y a quasiment pas de nouvelles entreprises de taille significative créées en Europe,
10:35contrairement aux Etats-Unis où il y a une floraison de nouvelles entreprises.
10:38Donc, pour que nous supportions les destructions d'emplois dans les métiers qui vont disparaître,
10:43il faut des nouvelles entreprises.
10:44Il faut un dynamisme économique que l'Europe aujourd'hui n'a pas suffisamment.
10:48Vous avez utilisé l'image des traducteurs il y a quelques instants.
10:53Pour une petite notice d'emploi sur mon vélo, je vois bien.
10:58Mais en ce qui concerne des métiers beaucoup plus sérieux, à priori, on se dit que ça ne sera pas la même chose.
11:06Je ne sais pas traduire Baudelaire.
11:08L'IA, chaque GPT traduit Baudelaire remarquablement.
11:13Pardonnez-moi, vous avez essayé ?
11:16Oui, bien sûr.
11:17Si vous essayez et que ça ne marchait pas, c'est que vous aviez une vieille version de chaque GPT.
11:22Si vous utilisez O3 ou O1, vous allez voir que chaque GPT est un traducteur absolument remarquable.
11:28Alors, vous n'êtes pas d'accord, Gabriel Alpern ?
11:30Non, parce que pour le coup, j'ai beaucoup travaillé sur cette question de la traduction.
11:33En matière de littérature, de philosophie, d'ailleurs aussi de grands chefs-d'œuvre,
11:37finalement, un traducteur ne traduit pas seulement des mots.
11:41Il traduit un esprit, un imaginaire.
11:43Passer d'une langue à une autre, c'est passer d'un monde à un autre.
11:46Et ça, pour le coup, effectivement, c'est là où on a besoin du travail tout à fait humain des traducteurs.
11:52Pour le coup, autant les notices de vélo, pour reprendre notre exemple, ça, oui, il n'y a pas de problème.
11:56En revanche, pour les grands chefs-d'œuvre, encore une fois, on ne traduit pas que des mots.
11:59Les traducteurs ajoutent un supplément d'âme par rapport à ces chefs-d'œuvre.
12:03On marque une première pause.
12:04L'intelligence artificielle le fait très bien aussi.
12:07On marque une première pause dans cette émission.
12:09On se trouve avec nos invités dans un instant.
12:10On entendrait notamment le président de la République hier soir chez nos confrères de France 2.
12:31Un homme et sa mère suspectés d'être impliqués dans la mort de Louise sont en garde à vue.
12:36Il s'agit d'un jeune de 23 ans interpellé cet après-midi.
12:39Principal suspect de la mort de cette collégienne de 11 ans dont le corps a été retrouvé vendredi soir dans le parc des Templiers d'Épinay-sur-Orge.
12:47Sa mère, âgée de 55 ans, est soupçonnée, elle, de l'avoir couvert.
12:51Alain Juppé sort de son silence demain matin sur RTL.
12:54Qui, pour prendre la tête du Conseil constitutionnel, Thomas Otto, lui posera la question à 7h40.
13:00Lui qui en est membre.
13:01Emmanuel Macron doit bientôt annoncer son candidat.
13:03Et tous les regards se portent sur Richard Ferrand, ancien président de l'Assemblée Nationale.
13:07Sa partialité fait débat.
13:09Yael Braun-Pivet et Gérard Larcher doivent eux aussi bientôt faire connaître leur candidat.
13:13Le Hamas reporte jusqu'à nouvel ordre les libérations d'otages israéliens.
13:18Israël l'accuse de violer l'accord de Trèves.
13:21Le prochain échange, il devait avoir lieu samedi.
13:23Le Hamas dit attendre qu'Israël s'acquitte de ses obligations.
13:26On vous retrouve à 20h, Rachel Sadoli.
13:28A tout à l'heure.
13:31Yves Calvi jusqu'à 20h.
13:33On refait le monde sur RTL.
13:35Et donc, l'intelligence artificielle, ça ne va jamais remplacer l'homme.
13:38Ce n'est pas vrai, je ne crois pas du tout moi à ça.
13:40L'intelligence artificielle, elle va permettre de déléguer certaines de ses tâches,
13:43mais elle permettra de remettre de l'humain.
13:45Et ce n'est pas un robot ou un assistant d'intelligence artificielle
13:48qui aura la bienveillance d'un appel téléphonique, d'un contact physique.
13:52C'est ce que disait hier soir le président de la République, Emmanuel Macron,
13:56chez nos confrères de France 2.
13:57Nous sommes toujours avec Eden Tajamadik,
13:59qui est directeur de la stratégie et de la transformation de l'APHP,
14:02l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris.
14:04Laurent Alexandre, chirurgien et essayiste.
14:07Je rappelle votre livre, Chats de GPT,
14:09va nous rendre immortels, paru aux éditions Jean-Claude Lattès.
14:11Laura Chobard, qui est présidente et directrice générale de l'École Polytechnique.
14:15Et Gabriel Alpern, docteur en philosophie.
14:17Vous abordez la question de l'intelligence artificielle,
14:20je le rappelle, dans votre dernier livre.
14:21Gérer des ponts...
14:22Créer !
14:23Créer ! Pourquoi je veux gérer moi ?
14:25Créer des ponts entre les mondes.
14:26Une philosophe sur le terrain, c'est aux éditions Fayard.
14:31Selon l'Organisation Internationale de la Santé,
14:342,3% des emplois mondiaux seront impactés,
14:37soit 75 millions d'emplois.
14:39Ces chiffres, à la fois, veulent tout et rien dire.
14:41Est-ce qu'on peut revenir un tout petit peu, quand même,
14:44sur les secteurs qui seront les plus menacés ?
14:46Vous avez commencé à l'aborder tout à l'heure,
14:47concernant notamment les métiers de la santé.
14:49Alors, effectivement, dans le domaine de la santé,
14:51comme je le disais, c'est plutôt, on va dire, une augmentation
14:54des compétences, notamment des cliniciens,
14:56notamment sur toutes les spécialités très techniques.
14:59Donc, on va avoir une augmentation, par exemple, des chirurgiens.
15:02Vous savez que la chirurgie s'est beaucoup robotisée.
15:04La chirurgie s'appuie maintenant beaucoup sur de l'image,
15:06de l'imagerie pendant la chirurgie.
15:08Et donc, l'intelligence artificielle peut venir surimprimer,
15:11sur les images, un certain nombre d'informations
15:13qui vont aider le chirurgien.
15:15Par exemple, si on prend, alors, sans aide dans la chirurgie,
15:17sur de l'endoscopie digestive,
15:19on va avoir la caméra, normalement,
15:21qui projette sur l'écran de l'endoscopiste
15:23l'intérieur du tube digestif.
15:26Et c'est une image normale.
15:28Lorsqu'on met de l'IA...
15:29En attendant, au bout du bout, excusez-moi de vous interrompre,
15:30parce que je pense que ceux qui nous écoutent, ils pensent,
15:32c'est un chirurgien qui fera le geste.
15:34Alors, c'est le chirurgien qui fait le geste,
15:35et c'est le chirurgien qui prend la décision.
15:37Et notamment, lorsque l'IA lui dit
15:39attention, cette image est peut-être pathologique,
15:41eh bien, ça reste le chirurgien, et c'est très important.
15:43C'est comme sur de l'imagerie,
15:45lorsque l'intelligence artificielle vous dit
15:47il y a une fracture sur cette radio,
15:49l'intelligence artificielle, elle a interprété cette radio,
15:51ça reste, et c'est très important que ça le reste,
15:53le radiologue qui doit dire si oui ou non
15:55cette image est pathologique,
15:57parce que derrière, il y a des enjeux très forts,
15:59notamment de responsabilité médicale.
16:01Si l'IA se trompe, eh bien, il est important qu'il y ait
16:03un contrôle humain, une garantie humaine
16:05sur cette interprétation.
16:07Mais ça, ça veut dire aussi qu'il faut adapter les organisations
16:09pour prendre en compte
16:11l'IA dans les processus de décision.
16:13On va dire qu'aujourd'hui, le radiologue,
16:15il va avoir l'information qui lui vient.
16:17Si l'IA intervient
16:19après le radiologue, eh bien, le radiologue n'aura pas l'information.
16:21Si l'IA vient et lui dit
16:23cette image est peut-être pathologique,
16:25ça veut dire derrière qu'il faut s'organiser
16:27pour que le radiologue ait des outils
16:29qui lui permettent de travailler avec ça.
16:31Ça me fascine, moi, quand même.
16:33À l'inverse, y a-t-il des emplois dont on est sûr qu'ils seront
16:35préservés ? Laurent Alexandre ?
16:37Non.
16:39Non.
16:41Beaucoup d'emplois vont être challengés.
16:43Vous savez, en matière d'empathie, on était persuadé
16:45que nous, humains, nous étions plus empathiques
16:47que la machine. Une étude publiée
16:49dans JAMA, qui est la troisième plus grande revue
16:51médicale au monde, a retrouvé
16:53que chaque GPT est plus
16:55empathique que ne le sont
16:57les médecins. Pour une raison
16:59très simple, c'est que chaque GPT est capable
17:01de vous parler de votre maladie et de vos soucis
17:03pendant plusieurs jours de suite, ce qu'aucun
17:05médecin au monde n'est capable, parce qu'il n'a
17:07pas le temps, parce qu'il n'a pas la disponibilité,
17:09alors que l'IA
17:11a une disponibilité illimitée
17:13dans le temps, jour et nuit.
17:15Donc, même les métiers
17:17qui sont liés à l'empathie,
17:19contrairement à ce qu'a dit le Président de la République,
17:21à mon avis à tort, peuvent être challengés
17:23par l'IA.
17:25En plus, comme l'IA
17:27progresse très vite,
17:29il est très difficile de faire des prédictions
17:31à deux ans, trois ans, cinq ans,
17:33sur la concurrence qu'il y aura,
17:35ou la complémentarité entre l'IA
17:37et l'IA humaine.
17:39Dans le domaine médical,
17:41ce qui me concerne, moi,
17:43médecin spécialiste, ça fait à peu près
17:458-10 mois que l'IA
17:47me dépasse dans le diagnostic
17:49sur un dossier médical.
17:51Chaque GPT diagnostique mieux
17:53une maladie complexe
17:55que moi je suis capable de le faire.
17:57Une étude réalisée par
17:59Harvard et Stanford aux Etats-Unis
18:01a montré que les médecins spécialistes
18:03avaient à peu près 35%
18:05de bons diagnostics médicaux
18:07sur dossier,
18:09pendant que chaque GPT,
18:11dans ses toutes dernières versions,
18:13avait 85% de bons résultats.
18:15Là, on voit bien qu'on est très
18:17challengé et que l'une
18:19des choses qui sont nécessaires
18:21à court terme, c'est de réorganiser
18:23les études médicales, parce qu'on voit bien
18:25qu'aujourd'hui, entre l'IA
18:27et les médecins, l'IA
18:29est en train de gagner.
18:31Il ne faudrait pas qu'il y ait un trop grand écart
18:33entre les capacités diagnostiques
18:35du médecin face à l'IA.
18:37Pour que nous soyons
18:39complémentaires de l'IA,
18:41il est absolument nécessaire qu'on réorganise
18:43la façon très archaïque
18:45dont on apprend la médecine aujourd'hui
18:47à nos jeunes.
18:49Je rejoins complètement Laurent-Alexandre
18:51sur la nécessité de transformer les formations
18:53pour que tous
18:55on soit en capacité d'utiliser
18:57avec discernement
18:59ces outils de l'IA.
19:01En revanche, je suis assez sceptique
19:03sur ces façons
19:05de dire qu'on sera dépassé dans telle tâche
19:07dans cinq ans, dans trois ans, etc.
19:09Ça fait très longtemps qu'on est dépassé
19:11par des machines pour faire des calculs,
19:13qu'on est dépassé par des machines pour soulever
19:15des charges lourdes, sans qu'on n'ait
19:17ni détruit des milliers d'emplois
19:19ni perdu le contrôle.
19:21Vous avez dit un mot très important,
19:23la responsabilité dans chacun de ces métiers.
19:25Donc, être
19:27dépassé sur une tâche ponctuelle
19:29en performance
19:31par une machine, on le vit tous les jours.
19:33Quotidiennement depuis très longtemps.
19:35Pour autant, est-ce qu'on a perdu
19:37le contrôle et la responsabilité
19:39de nos actes ?
19:41Je ne crois pas.
19:43Cette course
19:45à la tâche
19:47la plus performante ne prédit pas
19:49ce que seront les transformations de notre société
19:51ou du marché de l'emploi.
19:53Gabriella Alperne ?
19:55Ce qui me gêne dans ce débat, est-ce que ça va nous remplacer ou pas,
19:57c'est qu'on parle toujours des nouvelles technologies,
19:59de l'intelligence artificielle en l'occurrence,
20:01comme s'il s'agissait d'une entité différente de nous.
20:03L'intelligence artificielle,
20:05ce n'est pas comme un arbre ou un chien.
20:07L'intelligence artificielle, c'est le fruit de la main de l'homme.
20:09C'est nous qui l'avons créée.
20:11Ce n'est pas une entité différente de nous,
20:13c'est l'être humain qui l'a créée.
20:15Pour revenir au sujet de la responsabilité,
20:17la vraie question par rapport à l'intelligence artificielle
20:19va être la suivante.
20:21Qu'est-ce que l'on va décider de lui déléguer ou non ?
20:23Et attention, parce que dans les choix
20:25de ce que nous allons lui déléguer ou non,
20:27va se dessiner en creux
20:29dans la définition que nous allons avoir
20:31destinée en tout cas de l'être humain.
20:33Et donc ça, dans cette question
20:35du choix de la délégation ou pas,
20:37ça me semble effectivement essentiel.
20:39J'aimerais peut-être d'ailleurs revenir par rapport à la question du travail,
20:41sur l'imaginaire.
20:43C'est toujours très important l'imaginaire.
20:45Je remarque que
20:47si on regarde
20:49les secteurs, en tout cas les grands champs
20:51dans lesquels l'intelligence artificielle se déploie,
20:53ce ne sont pas des champs qui sont anodins
20:55dans l'imaginaire humain.
20:57Et si on reprend effectivement la Bible,
20:59dans la Bible, Adam et Ève sont maudits.
21:01Avec deux malédictions principales.
21:03La première, c'est le fait qu'ils vont devoir
21:05travailler à la sueur de leurs fronts.
21:07Et la deuxième, c'est la mort.
21:09Ils viennent de la poussière, ils vont devoir retourner à la poussière.
21:11Je trouve ça intéressant quand même que l'intelligence artificielle
21:13se déploie précisément dans la question du travail.
21:15On va travailler un tout petit peu moins
21:17à la sueur de nos fronts. Et deuxièmement,
21:19dans tout ce qui est transhumanisme,
21:21essayer de dépasser ou de contourner la mort.
21:23Donc encore une fois, c'est intéressant comme si l'être humain
21:25avait par pied de nez de contourner les malédictions
21:27pour essayer d'avoir inventé un outil.
21:29En préparant cette émission,
21:31j'ai découvert que l'Organisation Internationale du Travail
21:33indiquait que ce sont surtout
21:35des postes occupés par des femmes
21:37qui pourraient disparaître. Alors, doit-on craindre
21:39une nouvelle fracture sociale et genrée ?
21:41Mais quand même, c'est extraordinaire.
21:43On parle de l'OIT. Je vois que ça vous fait rire.
21:45Ça me rassure un petit peu. Enfin, en tout cas, je l'espère.
21:47On reprend ce débat dans un instant.
21:56Alors, je vous repose cette question
21:58qui vous a fait sourire il y a quelques instants.
22:00L'Organisation Internationale du Travail
22:02explique que ce sont surtout
22:04des postes occupés par des femmes
22:06qui disparaîtront.
22:08Comment l'interprétez-vous ?
22:10Est-ce que vous pensez que c'est une réalité ?
22:12Ou est-ce que c'est, comme je m'amusais à vous le suggérer,
22:14une nouvelle fracture sociale et, en quelque sorte,
22:16genrée ? Je vois que vous vouliez intervenir.
22:18Alors, Achobar ?
22:19Oui, je souriais parce que Gabriel Alpern
22:21venait de parler des malédictions bibliques
22:23qui pesaient sur nous. Je disais,
22:25ce n'est peut-être pas le moment de fabriquer
22:27une nouvelle malédiction pour les femmes.
22:29On a ce qu'il faut.
22:31Je pense vraiment qu'on n'est pas
22:33en mesure, aujourd'hui, de faire des projections
22:35fiables. Je pense que l'IA
22:37va bouleverser dans le
22:39monde du travail. Ça va impacter
22:41tous les secteurs d'activité.
22:43Et, comme Laurent-Alexandre
22:45le disait, ce qui est particulièrement préoccupant,
22:47c'est que ça arrive vite. Et donc,
22:49toutes les transitions technologiques
22:51impactent les différents secteurs de l'économie.
22:53L'IA l'impacte très vite.
22:55Et si je peux poursuivre,
22:57d'autant plus que l'IA
22:59qu'on connaît aujourd'hui n'est que le
23:01balbutiement des progrès technologiques
23:03qui vont être faits dans les prochaines
23:05années. On a des modèles,
23:07d'abord, qui ne sont que des modèles
23:09de langage. Le rapport au monde,
23:11il est bien plus large que le langage.
23:13Donc, les IA n'ont pas
23:15encore la sensorialité.
23:17Les IA ne sont pas dans...
23:19ne maîtrisent pas encore les lois de la physique.
23:21Donc, on a vraiment tout un
23:23espace à développer.
23:25Et puis, ce sont des modèles
23:27assez
23:29idiots, dans le sens où ils utilisent
23:31une force brute
23:33phénoménale, que ce soit en puissance de
23:35calcul, en taille, etc.
23:37pour des résultats
23:39spectaculaires, mais encore
23:41par
23:43bien des aspects perfectibles.
23:45Mais, en quelques mois, vous qui formez
23:47la polytechnique, l'élite de nos ingénieurs,
23:49nos chercheurs, est-ce que
23:51ces craintes sur l'emploi, sur leur
23:53avenir, ils vous en font part, quand même, en lien
23:55avec l'intelligence artificielle ?
23:57Ou alors, ils ont dépassé complètement ce stade ?
23:59D'abord, je pense qu'ils sont
24:01moins enclins à être inquiets parce qu'ils sont formés
24:03à l'intelligence artificielle,
24:05qu'ils l'utilisent, qu'ils l'utilisent
24:07dans le cadre de leurs cours, et ça
24:09démystifie beaucoup de choses
24:11que d'utiliser les outils
24:13d'intelligence artificielle. J'ai eu
24:15l'occasion d'échanger avec des artistes
24:17qui étaient très inquiets
24:19de la confiscation du processus
24:21créatif par l'intelligence artificielle.
24:23Je peux vous dire que ceux qui l'avaient
24:25utilisé étaient beaucoup moins inquiets
24:27que les autres, notamment les scénaristes
24:29qui avaient co-écrit
24:31avec une intelligence artificielle
24:33des scénarios. Vous voyez bien
24:35comment ça modifiait leur processus créatif,
24:37mais ça ne le confisquait
24:39en aucune manière. Donc, de la même façon,
24:41les enseignants
24:43qui utilisent l'IA
24:45pour préparer
24:47et enseigner,
24:49préparer leurs cours et enseigner
24:51sont beaucoup moins inquiets que ceux
24:53qui n'y ont pas mis les doigts. L'Union Européenne
24:55s'engage ce soir à une régulation raisonnée
24:57de l'IA. Ce sont les termes
24:59qui sont employés. Des règles
25:01mais pas trop, c'est ça ? C'est comme ça qu'on doit l'interpréter ?
25:03Qu'est-ce que vous en pensez,
25:05Eden Tajamadi ?
25:07D'abord, je pense qu'il y a
25:09besoin de régulation, parce que notamment
25:11l'intelligence artificielle, ça repose aussi
25:13avant tout sur l'usage de données. Et donc, lorsqu'on est dans le domaine
25:15de la santé, il y a un vrai enjeu autour
25:17des données de santé, sur la protection de ces données.
25:19Et donc, on a un droit européen
25:21qui probablement a ses défauts, mais qui est
25:23protecteur de ces données de santé. Donc ça, je pense
25:25que c'est un élément important. Ensuite, il y a
25:27un vrai enjeu de régulation autour
25:29des usages. Qu'est-ce qu'on va en faire ?
25:31Est-ce qu'on va faire n'importe quoi avec l'IA ou pas ?
25:33Et donc, là, autour de ces questions-là,
25:35je pense qu'on a aussi une vraie responsabilité d'essayer
25:37d'évaluer concrètement, parce
25:39qu'il y a le modèle d'intelligence artificielle
25:41lui-même, et puis après, il y a comment on le met en place,
25:43comment on l'utilise. Et nous,
25:45à la PHP, on fait vraiment très attention
25:47à ça, évaluer l'utilisation concrète,
25:49est-ce que ça apporte quelque chose ou pas,
25:51indépendamment de la qualité du modèle lui-même.
25:53Et c'est vrai que, parfois, on a des choses
25:55qui peuvent paraître très prometteuses, et lorsqu'on les
25:57applique en pratique, on se rend compte que ça n'est pas forcément
25:59si bien que cela, et ça nécessite de faire évoluer d'autres
26:01choses. L'IA ne
26:03résout pas tous les problèmes. Je pense que c'est ça aussi
26:05qu'il faut avoir en tête.
26:07Le principal risque en la matière, c'est quoi ?
26:09La désinformation, in fine ?
26:11Alors, il y a effectivement
26:13un des risques, et d'ailleurs, on a vu sur la fameuse vidéo
26:15du Président de la République, où on voit justement
26:17qu'il a joué avec la manipulation des images
26:19et de la vidéo, et c'est une manière de le rappeler,
26:21en tout cas. Donc, il y a effectivement
26:23ce risque-là. Après, oui, effectivement, il y en a d'autres,
26:25mais j'en ai parlé,
26:27effectivement, le fait
26:29que l'on puisse déléguer
26:31à la machine des choses qui peuvent
26:33sembler importantes. J'aurais peut-être juste, d'ailleurs,
26:35dire un mot. Je me suis
26:37entretenue avec une dame très très âgée dans une maison de retraite
26:39qui m'a dit que ce dont elle souffrait le plus
26:41du fait de sa situation, c'était le fait
26:43de ne pas pouvoir appuyer sur le bouton de la bouloir le matin
26:45pour se préparer un café. Et elle avait l'impression
26:47que ce faisant, elle
26:49avait l'impression de vivre une forme de vie par procuration
26:51du fait de ne pas pouvoir faire ça. Et cette forme
26:53de vie par procuration, ça m'a interpellée parce que je me suis
26:55dit, mais c'est peut-être ça, en fait, le vrai sujet de l'intelligence
26:57artificielle. Finalement,
26:59il y a plein de théories sur la vie, le sens de la vie,
27:01mais est-ce que la vie, ce n'est pas tout simplement le fait de pouvoir
27:03appuyer sur le bouton de la bouloir le matin pour se préparer
27:05un café ? C'est une petite chose anodine.
27:07Et finalement, dans la question de l'intelligence
27:09artificielle, qu'est-ce que l'on décide de déléguer
27:11ou non à l'intelligence artificielle dans ses choix ?
27:13Attention, parce qu'il y a peut-être des choses qui semblent anodines,
27:15mais qui, peut-être, constituent justement
27:17le sel de nos vies ou le sel de nos métiers,
27:19de nos vies professionnelles. Donc, c'est pour ça que
27:21je pense qu'aujourd'hui, le sujet n'est pas technique.
27:23Tous ces discours ont dit
27:25l'intelligence artificielle ne pourra jamais
27:27faire ceci, ne pourra... Non, ça, je pense
27:29que l'intelligence artificielle va tellement vite que
27:31oui, bien sûr, je pense qu'elle va pouvoir de plus en plus
27:33faire des choses. Donc, l'obstacle n'est pas
27:35technique. C'est pour ça que je pense que la question
27:37aujourd'hui est plutôt philosophique, morale
27:39éventuellement, politique, ça, oui. Et donc,
27:41il y a effectivement un choix de société, un choix
27:43aussi de quels êtres humains voulons-nous
27:45devenir ? Laurent Alexandre ?
27:47Je crois que c'est la vraie
27:49question politique. Il est clair
27:51que 2025-2027
27:53est la période où, dans la plupart
27:55des champs cognitifs, des champs
27:57intellectuels, l'intelligence artificielle nous
27:59égale ou nous dépasse.
28:01Et je vous disais que c'était
28:03mon cas en médecine où je suis dépassé aujourd'hui
28:05par l'intelligence artificielle. Donc,
28:07nous allons pouvoir déléguer beaucoup, beaucoup de choses.
28:09Les progrès de l'intelligence artificielle sont
28:11objectivement foudroyants.
28:13La nuit dernière, Sam Altman, le créateur
28:15de chaque GPT, a sorti un long
28:17article sur le futur de l'intelligence
28:19artificielle. Il est convaincu que
28:21l'intelligence artificielle va nous dépasser très fortement
28:23à très brève échéance.
28:25Donc, l'intelligence artificielle va tout
28:27faire. Ce n'est pas une raison pour
28:29lui confier les clés du camion
28:31entièrement. Non mais, va nous dépasser ?
28:33Vous voulez dire, nous les médecins ? Enfin, vous les médecins ?
28:35Non, non ! Nous l'humanité ?
28:37Vous savez, si
28:39on arrive à dépasser
28:41un médecin, un développeur
28:43informatique, on va aussi le faire pour plein
28:45d'autres métiers. Vous avez probablement
28:47vu que Sam Altman, lui encore,
28:49il y a 48 heures, a dit
28:51qu'en mai 2024,
28:53chaque GPT était équivalent
28:55au millionième meilleur développeur
28:57informatique sur Terre.
28:59En octobre 2024, chaque GPT
29:01était équivalent au dix-millième
29:03meilleur développeur informatique sur Terre.
29:05En
29:07janvier, 175ème.
29:09En ce moment, notre nouveau modèle
29:11est l'équivalent du cinquantième
29:13meilleur informaticien au monde.
29:15Et Altman a dit, à Noël prochain,
29:17dans dix mois, eh bien,
29:19chaque GPT sera supérieur
29:21au meilleur développeur au monde.
29:23Même dans un métier très technique, comme le
29:25développement informatique, aujourd'hui,
29:27le fondateur de chaque GPT est convaincu
29:29que l'IA va dépasser la
29:31totalité des ingénieurs informaticiens.
29:33La totalité, la
29:35somme du talent de tous
29:37les informaticiens, je vous ai bien compris.
29:39Oui, ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus de place pour
29:41les informaticiens. C'est eux qui vont définir
29:43les règles de sécurité.
29:45C'est eux qui vont définir les règles
29:47architecturales. Mais il est clair que
29:49pour coder l'intelligence
29:51artificielle, il y a de très fortes chances qu'elle
29:53dépasse, comme le pense Sam Altman,
29:55les meilleurs développeurs dans
29:57très peu de mois. C'est un vrai choc.
29:59Beaucoup, beaucoup de gens sont très inquiets
30:01dans l'industrie informatique, car
30:03les très bons développeurs vont devenir des
30:05architectes informatiques. En
30:07revanche, on se demande ce que vont devenir
30:09les développeurs, les codeurs
30:11moyens.
30:13Le codeur moyen, on vous donnerait
30:15la définition dans un instant, au retour de nos invités.
30:17Jusqu'à 20h,
30:19Yves Calvi refait le monde
30:21sur RTL.
30:25Yves Calvi, on refait le monde jusqu'à
30:2720h sur RTL.
30:29Et le terme de notre débat ce soir est l'intelligence
30:31artificielle, une révolution pour le meilleur ou
30:33pour le pire, peut-être ni l'un ni l'autre d'ailleurs.
30:35Nous sommes avec Hayden Tajamadi,
30:37qui est directeur de la stratégie et de la transformation
30:39de la PHP, de notre assistance publique
30:41Hôpitaux de Paris, Laurent Alexandre,
30:43chirurgien et essayiste, Laura Chobat,
30:45présidente et directrice générale de l'école polytechnique
30:47et la philosophe Gabrielle Halpern.
30:49Je rappelle votre livre, votre dernier livre,
30:51Créer des ponts entre les mondes,
30:53une philosophe sur le terrain
30:55aux éditions Fayard.
30:57À la PHP,
30:59est-ce que vous faites manger
31:01en quelque sorte nos analyses ou nos résultats
31:03sanguins X ou Y
31:05afin qu'ils soient plus efficaces
31:07aujourd'hui par l'IA ?
31:09Est-ce que vous utilisez l'IA ?
31:11Pour faire des bilans par exemple ?
31:13Effectivement, nous avons d'abord
31:15un gros travail qui a été fait autour de la structuration
31:17de notre système d'information et on a ce qu'on appelle
31:19un entrepôt de données de santé dans lequel sont
31:21concentrés un certain nombre de données.
31:23J'en profite pour dire que ces informations
31:25évidemment, elles sont de manière sécurisée.
31:27Il y a le consentement
31:29des patients qui est demandé. Donc, cet
31:31entrepôt de données de santé nous sert à entraîner
31:33un certain nombre
31:35de modèles d'intelligence
31:37artificielle qui sont utilisés par exemple
31:39dans le cadre de notre dossier patient.
31:41Prenons le cas d'un patient qui a
31:43eu une greffe à la suite d'une maladie chronique
31:45et donc il peut avoir un dossier patient très long
31:47sur 10 ans, 15 ans avec beaucoup d'informations
31:49et qui arrive à un moment en consultation aux urgences
31:51ça peut être intéressant pour
31:53le clinicien qui le voit
31:55de pouvoir avoir une synthèse rapide de ces informations
31:57pour pouvoir prendre la bonne décision.
31:59Donc ça, ce sont des modèles qui sont construits,
32:01qui sont entraînés sur les données pour pouvoir
32:03apporter une vraie plus-value au clinicien.
32:05Et on en revient au sujet de l'augmentation du clinicien.
32:07Ça ne va pas remplacer le clinicien,
32:09ça ne va pas faire le diagnostic à la place du clinicien.
32:11En revanche, ça va lui apporter une synthèse
32:13d'une information et aujourd'hui, l'un des enjeux
32:15c'est qu'on produit beaucoup d'informations
32:17lorsqu'on prend en charge des patients et qu'il faut arriver à gérer.
32:19C'est un logiciel proche à l'AP-HP
32:21ou c'est
32:23l'intelligence artificielle qui fait le boulot
32:25toute seule ?
32:27On a des modèles d'intelligence artificielle. L'application
32:29dont je parle, c'est un modèle open source qui est installé
32:31et utilisé sur des serveurs de l'AP-HP
32:33et qui est développé
32:35par des équipes de l'AP-HP.
32:37On a des partenariats notamment avec l'INRIA,
32:39avec des universités pour pouvoir développer ce genre de choses.
32:41Après, il y a d'autres modèles d'intelligence artificielle
32:43notamment...
32:45On ne donne pas tout ça aux Américains
32:47ou aux Chinois ?
32:49Absolument pas et la souveraineté des données
32:51et du maire général aussi, la souveraineté des applications
32:53c'est un enjeu extrêmement important
32:55pour nous et c'est quelque chose de très important
32:57à la fois en termes de confiance et à la fois en termes
32:59de capacité d'ARIA à pouvoir continuer
33:01à fonctionner.
33:03Je pensais à nos enfants et à l'éducation.
33:05Ce sont des questions intéressantes parce que
33:07est-ce que l'IA va bouleverser
33:09leur façon d'apprendre,
33:11leur compréhension du monde ?
33:13Ce sont des questions qu'on doit se poser aujourd'hui
33:15parce qu'on a l'impression qu'on est en train d'entrer dans un espace
33:17je ne vais pas vous dire qu'il est infini
33:19mais en tout cas il donne cette illusion.
33:21Gabrielle Alperne ?
33:23Oui, il y a une étude qui a été faite dans une école,
33:25dans une classe, on a demandé aux enfants
33:27ils avaient le choix, soit ils demandaient de l'aide
33:29à l'intelligence artificielle, soit ils demandaient de l'aide
33:31à un petit camarade de jeu.
33:33La plupart des enfants préféraient demander l'aide de l'intelligence
33:35artificielle et quand on leur a demandé
33:37pourquoi, ils ont dit parce que l'intelligence
33:39artificielle ne va pas se moquer de moi.
33:41C'est pour ça que
33:43l'intelligence artificielle pour moi
33:45c'est un révélateur, c'est un miroir
33:47du fait que parfois
33:49on a oublié nos valeurs de gentillesse
33:51donc c'est pour ça que ça fait réfléchir.
33:53Et là, c'est pour ça que vous dites
33:55que c'est une question d'actualité mais en fait
33:57qui ne date pas d'hier. Je suis retombée sur un texte
33:59du philosophe Jean-Jacques Rousseau, du XVIIIe siècle
34:01qui disait déjà à son époque
34:03qu'on forme des générations
34:05de perroquets, de singes savants qui apprennent par cœur
34:07leur leçon et finalement, à quel moment
34:09est-ce qu'on leur apprend la gentillesse,
34:11l'humilité, la tolérance, voilà, toutes ces valeurs-là.
34:13Nous, on connaît tous par cœur la date
34:15Marignan 1515, alors voilà, on connaît tous
34:17par cœur nos cours d'histoire mais est-ce que ça nous rend
34:19meilleurs ? Est-ce qu'il y a moins de guerres dans le monde ?
34:21Ben non ! Donc ça veut dire qu'en fait, à partir
34:23du moment où tchat j'ai pété c'est tout,
34:25qu'est-ce que l'on va apprendre à l'école ? Est-ce que c'est pas
34:27le moment justement de redonner du sens à nos
34:29savoirs ? Et plutôt que de transformer
34:31nos enfants en perroquets et en singes savants,
34:33bien peut-être, leur redonner le sens
34:35des choses et de la vie.
34:37Qu'en pensez-vous Laura Chobard ?
34:39Oui, je suis assez d'accord sur le fait que
34:41l'IA présente de belles opportunités
34:43en matière d'éducation,
34:45d'éducation personnalisée aussi, pouvoir
34:47proposer les exercices en s'adaptant
34:49au rythme d'apprentissage des enfants
34:51là où dans une classe à 30 ou 40 c'est quand même
34:53difficile de tenir le rythme de chacun.
34:55En revanche, je crois pas à une révolution
34:57de l'éducation.
34:59Je me souviens qu'il y a
35:0125 ans, avec l'émergence d'Internet
35:03et de Wikipédia,
35:05on s'est dit que le savoir est à portée
35:07de clic, donc on n'a plus rien à apprendre
35:09et on n'a plus rien à enseigner.
35:1125 ans plus tard, on se rend compte que
35:13l'interaction dans une classe n'a pas beaucoup
35:15changé. Je suis tombée sur
35:17une vidéo où on
35:19disait que l'apparition du cinéma
35:21puis de la télévision éducative allait provoquer
35:23le même genre de réaction, ça va bouleverser
35:25l'apprentissage, bouleverser la pédagogie.
35:27La salle de classe
35:29n'a pas beaucoup changé depuis.
35:31L'interaction
35:33avec le professeur garde
35:35les vertus, et d'ailleurs des vertus scientifiquement
35:37prouvées, de pouvoir interagir
35:39de manière adaptée avec les enfants.
35:41C'est comme ça, vraiment, et de manière
35:43adressée, c'est comme ça qu'ils apprennent.
35:45Je pense qu'il y a de belles opportunités,
35:47que pour autant, on n'est pas à l'aube d'une révolution
35:49dans nos salles de classe.
35:51Vous avez une
35:53vision plutôt optimiste
35:55de l'appui que peut apporter demain l'intelligence
35:57artificielle, même au
35:59cours de nos enfants, à leur éducation et à leur
36:01apprentissage, je vous ai bien compris ?
36:03À condition qu'on se remette en question,
36:05qu'on remette en question l'école,
36:07que l'on remette en question un certain nombre de choses.
36:09Si l'être humain se remet radicalement
36:11en question, pour le coup, l'intelligence artificielle
36:13aura été une véritable opportunité.
36:15Sinon, pour le coup, il va se laisser
36:17se faire assimiler par l'intelligence artificielle,
36:19et là, ce ne sera pas une hybridation homme-machine,
36:21mais une assimilation de l'homme par la machine.
36:23Je vous vois réagir.
36:25On va un tout petit peu plus avant dans la vie,
36:27dans la formation, notamment la formation des médecins.
36:29Aujourd'hui, l'intelligence artificielle,
36:31elle peut apporter énormément, notamment à travers
36:33des jumeaux numériques qui vont permettre
36:35d'apprendre la chirurgie dans des conditions,
36:37alors on a parlé tout à l'heure de chirurgie augmentée,
36:39mais lorsqu'on va apprendre un geste chirurgical,
36:41on peut s'entraîner à faire un geste chirurgical,
36:43on peut s'entraîner, y compris avec un modèle exact du patient
36:45sur certaines chirurgies très complexes,
36:47donc c'est aussi une opportunité pour apprendre,
36:49une opportunité pour former,
36:51et je pense qu'il faut aussi former les gens à l'usage
36:53de l'intelligence artificielle.
36:55Chat GPT, ce n'est pas toute l'intelligence artificielle,
36:57il y a énormément d'autres modèles, d'autres applications,
36:59donc je pense que c'est aussi important, vous parlez tout à l'heure
37:01de la culture autour de l'intelligence artificielle,
37:03de la méconnaissance. Chat GPT, c'est la partie la plus visible,
37:05il y a énormément d'autres,
37:07il y a tout un monde d'usages, tout un monde de technologies,
37:09et je pense que savoir interagir avec ces technologies,
37:11ça va être aussi des compétences
37:13très importantes à apprendre,
37:15et je pense que ça va faire partie de la révolution
37:17en termes de formation qui va avoir lieu
37:19et qui va être nécessaire.
37:21Vous voulez intervenir ?
37:23Oui, je pense que c'est le défi
37:25de tous les établissements d'enseignement supérieur
37:27et de recherche aujourd'hui,
37:29comment enseigner l'IA
37:31dans ses fondamentaux,
37:33les technologies par apprentissage,
37:35plus que l'IA de Chat GPT aujourd'hui, parce que ça évolue tellement vite,
37:37qu'il vaut mieux apprendre
37:39les principes
37:41des technologies par apprentissage,
37:43comment, encore une fois, pratiquer
37:45dès sa formation,
37:47mettre les mains dedans, plutôt que d'en parler
37:49de manière théorique,
37:51et comment le mettre dans le sac à dos,
37:53comme on a mis l'informatique dans le sac à dos
37:55d'à peu près toutes les formations d'ingénieurs,
37:57et pas que, demain,
37:59l'IA et les méthodes par apprentissage
38:01doivent intégrer le sac à dos de n'importe quel ingénieur.
38:03Merci infiniment à vous quatre d'avoir participé
38:05à cette émission. Je vous précise
38:07que l'invité de la matinale à 7h40 de matin
38:09sera Alain Juppé, ancien Premier ministre
38:11et membre du Conseil constitutionnel.
38:13Je vous présente tout de suite les grands titres de l'actualité
38:15avec Rachine Sadodine, puis c'est Faustine Bollard
38:17que vous retrouverez pour son émission Héro.
38:19Bonsoir Faustine, qui est votre invitée ce soir ?
38:21Bonsoir Yves, c'est l'histoire d'un jeune homme
38:23qui se sentait incompris et qui a décidé
38:25de disparaître du jour au lendemain.
38:27C'est l'histoire d'un père
38:29très inquiet, qui n'a pas compris
38:31pourquoi son fils lui avait tourné le dos.
38:33Ils sont tous les deux, ce soir, dans Héro,
38:35sur RTL, pour nous parler
38:37dialogue et pour nous parler
38:39retrouvailles. C'est une émission
38:41très très émouvante qui vous attend.
38:43A tout de suite sur RTL.

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