• il y a 2 semaines
Notre pays, notre beau pays, ne va pas bien. De quelque côté qu'on se tourne, les difficultés s'accumulent et un malaise profond s'installe durablement dans la société française. Depuis une dissolution malencontreuse, la politique est à la ramasse, aliénée qu'elle est par une majorité négative constituée des extrêmes politiques à l'Assemblée nationale. Notre économie décline fortement, hypothéquée par une dette record et un déficit élevé, avec une croissance anémiée. Socialement, les mécontentements battent le pavé des métropoles et des quartiers, avec en écho des classes moyennes déclassées. Bref, nous assistons à ce que le romancier Michel Houellebecq appelle « la décomposition de la France ». Décomposition qui s'accompagne de son lot de violences, d'insécurité culturelle et d'une situation mondiale très conflictuelle. Et dont la venue de Donald Trump à la présidence des Etats Unis ajoute à l'incertitude .

Émile Malet reçoit :
- Nicolas Baverez, avocat, politologue, essayiste,
- Jean-Pierre Le Goff, philosophe, sociologue, essayiste,
- Jean-Pierre Lecoq, maire de Paris 6e, conseiller régional d'Ile-de-France,
- Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, maitre de conférences en droit public à l'université de Rouen.

Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde.
00:26Comprendre le malaise français.
00:29Notre pays, notre beau pays, ne va pas bien.
00:32De quelques côtés qu'on se tourne,
00:35les difficultés s'accumulent
00:37et un malaise profond s'installe durablement
00:40dans la société française.
00:42Depuis une dissolution malencontreuse,
00:45la politique est à la ramasse,
00:47aliénée qu'elle est par une majorité négative
00:50constituée des extrêmes politiques à l'Assemblée nationale.
00:55Notre économie décline fortement,
00:57hypothéquée par une dette record et un déficit élevé,
01:02avec une croissance anémiée.
01:04Socialement, les mécontentements battent le pavé
01:07des métropoles et des quartiers,
01:10avec en écho des classes moyennes déclassées.
01:13Bref, nous assistons à ce que le romancier Michel Houellebecq
01:19appelle la décomposition de la France,
01:22décomposition qui s'accompagne de son lot de violences urbaines,
01:27d'insécurités culturelles,
01:29d'une situation mondiale très conflictuelle
01:32et dont la venue de Donald Trump au pouvoir
01:36accentue l'incertitude.
01:39Nous allons chercher, avec mes invités,
01:41à comprendre ce malaise français
01:44et aussi à entrevoir des pistes de redressement et d'espoir.
01:49Je vous présente mes invités.
01:51Nicolas Baverez, vous êtes avocat, politologue et séiste.
01:56Jean-Pierre Le Goff, vous êtes philosophe, sociologue et séiste.
02:00Jean-Pierre Lecoq, vous êtes maire du 6e arrondissement de Paris,
02:04conseiller régional d'Ile-de-France.
02:06Anne-Charlene Bézina, vous êtes constitutionnaliste,
02:10maître de conférences en droit public à l'Université de Rouen.
02:15Avant de commencer notre débat,
02:17nous allons écouter un extrait du débat à l'Assemblée nationale
02:20entre le député du Nord, parti communiste, Fabien Roussel,
02:25et le Premier ministre, Gabriel Attal.
02:28C'était le 3 avril 2024.
02:31Oui, M. le Premier ministre, il faudra que vous y répondiez.
02:34Vous augmentez les taxes et les prélèvements aux Français.
02:38Et pas qu'un peu. Arrêtez de mentir sur le sujet.
02:41Vous nous dites en plus que ce n'est pas encore assez.
02:44Vous allez nous prendre 10 milliards d'euros cette année,
02:4620 milliards l'année prochaine.
02:47Vous voulez aller faire les poches des chômeurs.
02:49Vous voulez continuer de faire des économies sur nos écoles,
02:52la santé, la recherche, la culture.
02:55M. le Premier ministre, votre politique, c'est de l'escroquerie.
02:59C'est prendre aux Français en les trompant.
03:01Vous montez aux Français pour leur demander toujours plus.
03:04Mais surtout, vous continuez de chouchouter
03:06les 1% les plus riches du pays
03:08qui n'ont jamais gagné autant d'argent grâce à vous.
03:12Depuis un peu plus de deux ans, la France,
03:14comme tous les pays européens, connaît une crise de l'inflation.
03:17C'est une réalité, c'est une crise qui frappe l'Europe entière
03:19et même le monde entier.
03:21Mais j'aurais aimé, M. le député,
03:23même si nous déplorons tous l'inflation,
03:24que vous mettiez en avant le fait
03:26qu'il n'y a pas d'équivalent en Europe
03:28en matière de protection des concitoyens
03:30face à l'inflation à côté de la France.
03:32La France est le pays qui a le plus protégé ses concitoyens
03:36face à la crise de l'inflation.
03:37C'est une réalité et elle est imparable.
03:40Imparable, M. le député Roussel.
03:43Nous avons mis en place un bouclier tarifaire.
03:44Nous avons pris des mesures d'urgence pour le pouvoir d'achat.
03:47Nous aurions aimé que vous nous accompagniez sur ce sujet-là.
03:50Nous n'avons pas été accompagnés.
03:51C'est cette majorité qui a pris cette responsabilité.
03:54Une réaction, Nicolas Baverez ?
03:57Je crois qu'on voit à travers cet échange
04:00ce qu'on constate aussi aujourd'hui,
04:02c'est-à-dire que la vie politique française
04:04s'est installée dans un certain nombre de rituels
04:07qui sont complètement coupés de la réalité.
04:10Ce qu'on a entendu là, et c'est vrai,
04:12toutes les démocraties ont subi beaucoup de chocs
04:14extrêmement profonds dans les dernières décennies.
04:17Il y a eu le krach de 2008, il y a eu la pandémie,
04:20la guerre en Ukraine, l'inflation,
04:22mais il y a néanmoins une exception de la crise française.
04:25C'est pour ça que ce n'est pas un malaise, c'est une vraie crise,
04:28comme on n'en a, à vrai dire, je pense,
04:30jamais connue depuis les années 30.
04:32Donc d'abord, ça ne date pas ni de la dissolution
04:35ni de M. Attal, ça date de quatre décennies,
04:39et maintenant, c'est vraiment dans un moment critique
04:41parce que ça s'est, en revanche,
04:43brutalement accéléré depuis la dissolution.
04:45Et comme vous l'avez rappelé en introduction,
04:47on a une économie qui craque, une population qui se paupérise,
04:51un État qui n'est plus capable d'assurer ses fonctions de base
04:55alors qu'il monopolise 58 % du PIB,
04:59et puis une société qui, comme l'avait dit Gérard Collomb,
05:02où les gens ont longtemps été côte à côte,
05:06et maintenant, ils sont non seulement face à face,
05:09mais ils sont face à face avec de plus en plus d'armes,
05:13y compris des armes de guerre.
05:16Et donc...
05:18On va rentrer dans le détail.
05:19La dernière conséquence, c'est le déclassement diplomatique.
05:23La France est fait expulsée d'Afrique.
05:25On va aborder tous les problèmes.
05:27Et puis, elle est en Europe...
05:30Elle est l'homme malade, maintenant, de l'Europe.
05:33Tout le monde le sait et en tient les conséquences.
05:35Une réaction politique à ce qu'on vient d'entendre.
05:38Moi, je pense qu'il y a...
05:40Par rapport à ce qui vient d'être dit.
05:42Il y a une crise de la démocratie.
05:44Je ne veux pas employer ce terme de façon exagérée,
05:47mais je pense que la représentation nationale,
05:50depuis un certain nombre d'années,
05:52n'explique plus à nos concitoyens.
05:55On affirme des choses.
05:57Et je pense que quand on est aux commandes d'un pays
06:01aussi difficile à gouverner que la France...
06:04Si c'était facile à gouverner, on le saurait depuis longtemps.
06:07Le grand village gaulois constitué de petits villages gaulois.
06:10Mais il faut, si vous voulez, expliquer davantage aux gens.
06:14Vous voyez, je vais prendre un exemple.
06:17J'ai un peu la nostalgie
06:20d'un Valéry Giscard d'Estaing,
06:22qui allait à la télévision
06:25avec un paperboard et une règle
06:28et qui allait expliquer les grands équilibres du budget.
06:32Il donnait cette impression aux Français,
06:34dont la culture économique a toujours été assez faible,
06:38d'être intelligents et de comprendre.
06:40Il expliquait qu'un budget, ça doit être équilibré.
06:43Il expliquait que l'endettement de la France
06:45ne doit pas dépasser un certain niveau.
06:48Là, c'est tout le contraire.
06:50C'est tout le contraire. On n'explique plus.
06:53On affirme.
06:54Et comme on a des majorités mouvantes
06:57et on a des régimes, des quinquennats de plus en plus...
07:00Enfin, des quinquennats qui ont succédé à des septennats,
07:03avec des transitions, on affirme des choses différentes.
07:07Les Français sont perdus.
07:09Or, les chiffres, Nicolas Baverez en fait régulièrement
07:12la démonstration, les chiffres sont implacables.
07:15L'endettement de la France est monstrueux.
07:19Et on l'a, malheureusement, par la gestion...
07:21C'est la deuxième chose.
07:23La gestion des crises de ces dernières années,
07:25on a amplifié les choses. On reviendra dessus.
07:28Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe, Anne-Charlene Bézina,
07:31entre ce qui vient d'être dit
07:34et le fait qu'on a de plus en plus d'informations ?
07:37On est très informés, mais en même temps,
07:40on n'arrive pas à mettre l'accent sur des points de vérité.
07:45Je rejoins ce qui a été dit sur l'idée,
07:48et j'aime bien le qualificatif de malaise que vous avez utilisé,
07:51même si la crise est là.
07:53Le malaise, c'est un sentiment.
07:55On se rend compte que ce qui dysfonctionne
07:57dans la démocratie, dans le sentiment national,
08:00c'est le mot de sentiment.
08:02On voit bien que, quand bien même, dans ce discours que vous avez passé,
08:06on nous dit qu'on n'a jamais autant protégé économiquement,
08:08et pourtant, le ressenti économique par ménage
08:11n'a jamais été aussi bas.
08:12Donc, les mesures s'empilent, mais, encore une fois,
08:15la satisfaction nationale, elle, elle n'a jamais été aussi bas.
08:18C'est ça qui est intéressant,
08:20c'est qu'en fait, on a de l'illimité partout dans cette jeunesse.
08:23Maintenant, les titres informatiques sont illimités,
08:26les cinémas sont illimités, tout est illimité,
08:28et pourtant, la satisfaction baisse.
08:30Donc, il y a, à mon avis, un problème de demande et d'offre,
08:33c'est-à-dire que l'offre ne correspond plus nécessairement à la demande
08:36et qu'on n'entend pas les demandes profondes.
08:38On empile des choses, on a aussi un grand malaise normatif en France,
08:41c'est-à-dire qu'on a souvent le sentiment que les choses passent
08:43par une solution législative, réglementaire, fiscale, économique,
08:48et pourtant, parfois, ne rien faire peut-être la solution
08:51à partir du moment où on a le sentiment d'être entendu.
08:53Donc, je crois que s'il y a quelque chose à renouer,
08:56c'est la confiance, c'est-à-dire la manière
08:57dont on va apporter des réponses à des problèmes
09:00qui sont pourtant clairement identifiés dans l'opinion.
09:03Donc, ce qu'on pourrait dire, c'est oui, la politique est malade,
09:07oui, les réponses économiques ne sont plus à la hauteur
09:09parce qu'il faudrait arriver à créer...
09:12Les politiques sont très fans de ce terme de choc,
09:15mais il faut un choc de la confiance.
09:17Oui. Alors, Jean-Pierre Le Goff,
09:19je voudrais aller plus loin avec la question qui fâche.
09:24Premier diagnostic, la France, on vous venait de le dire,
09:28est affectée de nombreux problèmes dont on va parler.
09:33À votre avis, ces problèmes résultent-ils pour l'essentiel
09:38de la déliquescence de la politique
09:41ou, à minima, sont-ils exacerbés
09:44par l'affligeant spectacle parlementaire et politique ?
09:48Je pense que oui, mais je pense qu'il faut tenir,
09:51pour essayer de comprendre ce à quoi nous avons affaire,
09:54il faut tenir le bout de la chaîne,
09:57c'est-à-dire ce qui s'est passé en haut, si j'ose dire,
10:00du côté d'une partie des élites politiques
10:02et ce qui se passe en bas, entre guillemets,
10:05du côté de la société.
10:07Du côté, en dehors même des questions budgétaires,
10:10moi, c'est une approche particulière,
10:12j'insiste plus sur les dimensions
10:14politiques ou culturelles,
10:16mais je suis en accord avec ce qui a été dit.
10:19Pourquoi ? Parce que la question même du déficit,
10:22je pense que, derrière,
10:24il y a une grande difficulté à resituer les problèmes qu'on a
10:28dans un ensemble intelligible,
10:31c'est-à-dire globalement,
10:32c'est-à-dire, en gros, d'où vient-on et où va-t-on ?
10:35Comment on réintègre un certain nombre de nécessités
10:38adaptatives, incontournables,
10:41dans un creuset culturel qui donne un sens à tout ça ?
10:44Je pense qu'il y a une grande difficulté, par exemple,
10:47de la part d'une partie de la classe politique
10:50à assumer clairement une position institutionnelle
10:53qui donne un repère vis-à-vis duquel on peut se situer.
10:57À partir du moment où il y a une érosion
10:59de cette dimension institutionnelle,
11:01vous avez des rapports à l'institution qui se dégradent,
11:04avec la notion d'autorité et de méfiance qui existent
11:07entre gouvernants et gouvernés.
11:09Je pense que c'est lié à ce que j'ai appelé,
11:12mais ça ne remonte pas actuellement,
11:14c'est pas simplement aujourd'hui,
11:16à une façon déconcertante de gouverner
11:18qui remonte, à mon avis,
11:20autour d'une quarantaine d'années.
11:22Comment la caractériser ?
11:24Je pense que, vis-à-vis des citoyens ordinaires,
11:27il y a un sentiment de fuite en avant.
11:30C'est-à-dire, il y a un certain nombre de problèmes,
11:33il faut s'adapter, mais la question de pour aller où,
11:36comment la nation s'y retrouve, d'une certaine façon,
11:39cette question-là, elle est largement en suspens.
11:42Elle n'est pas claire, y compris dans le discours donné.
11:45On pourrait revenir sur la façon dont l'Union européenne
11:49et l'articulation de la nation à l'Union européenne
11:52a représenté, dans la façon dont on la construit,
11:55c'est pas l'Union européenne elle-même,
11:57mais a représenté cette fuite en avant et a désorienté.
12:00Alors, cette fuite en avant,
12:02pouvoir informe, j'ai appelé le pouvoir informe.
12:04C'est-à-dire que si on remonte très loin,
12:07il y a une grande difficulté à avoir un discours cohérent
12:10et qui va au bout.
12:11C'est pas simplement un discours qui met en pratique
12:14vis-à-vis duquel, là aussi, on peut être en contradiction,
12:17mais on peut se situer.
12:19Quand ce cadre-là est érodé,
12:21les citoyens en face de ça n'ont plus de cadre
12:24pour se repérer.
12:25Et ça, pour moi, c'est un élément très important,
12:28puisque j'ai appelé de façon...
12:31La langue caoutchouc,
12:32c'est-à-dire la façon de dire tout et son contraire,
12:35notamment avec le nouveau système des moyens de communication
12:39et les chaînes d'infos en continu,
12:41qui fait que ça tourne tous les jours
12:43et que le citoyen ordinaire reçoit une masse d'informations
12:46qu'il ne comprend pas, il a du mal, on n'a plus de cadre.
12:50Et je pense que c'est aux élites politiques,
12:52notamment, de donner ce cadre
12:54pour que l'ensemble des mesures, des réformes nécessaires
12:57puissent prendre sens vis-à-vis de la masse des citoyens.
13:01Il faudra regarder ce qui se passe de la société.
13:03On pourra en discuter.
13:05On vous a fait le reproche
13:08de parler de déclin de la France.
13:12Est-ce qu'à votre avis, ce malaise français,
13:15il est lié à un esprit défaitiste,
13:19au déni français à s'adapter aux transformations,
13:22notamment à la mondialisation,
13:24aux fractures françaises, sur fond, d'inégalité,
13:28au ressentiment d'une gloire passée
13:31qu'a pu incarner un homme comme le général de Gaulle,
13:34auparavant, Clémenceau,
13:36et ce recours volontier à la Constitution ?
13:43Est-ce que tout ça fait que le malaise français
13:46a quelque chose de particulier ?
13:48Vous, vous avez considéré que c'était du déclin.
13:52D'abord, je pense que la querelle du déclin est derrière nous,
13:56puisqu'aujourd'hui, 85 % des Français
13:58savent parfaitement que leur pays est en déclin
14:01et qu'eux-mêmes sont en voie de déclassement.
14:05Donc l'espèce de bulle qu'il y a eu là-autour,
14:08elle était simplement symbolique du déni, effectivement,
14:11d'une partie de la classe politique et de la classe médiatique.
14:16Ce qui est intéressant, c'est que c'est un pays exceptionnel.
14:20Depuis 1789, l'histoire longue est toujours intéressante.
14:23D'abord, c'est un pays qui a voulu supprimer
14:26les corps intermédiaires et la société civile.
14:28Donc il y a l'État, le citoyen.
14:30Quand l'État est bien gouverné
14:32et que le citoyen est d'aplomb et se sent sécurisé,
14:35ça peut donner d'excellents résultats.
14:37Quand l'État commence à dysfonctionner,
14:40que le citoyen est déstabilisé,
14:43là, on rentre dans des difficultés.
14:44Et c'est vrai que la particularité,
14:47c'est qu'on a donc ces hauts et ces bas vertigineux.
14:50C'est par là que, d'ailleurs, le général de Gaulle commence ses mémoires.
14:55Et c'est vrai que, finalement, dans la Vème République,
14:59on a eu les trois premiers présidents,
15:02donc le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing,
15:06qui ont fait la politique de la France
15:08contre l'humiliation de Jérémy 40, Vichy et l'Occupation.
15:14Ensuite, on a fait la politique des Français.
15:16Ce qui a été dit, c'est la politique de l'opinion.
15:19Et par ailleurs, cette politique de l'opinion est télescopée
15:22par les réseaux sociaux et le fait que l'information d'aujourd'hui
15:25n'a strictement rien à voir avec ce qu'elle était il y a 30 ans.
15:30Donc, aujourd'hui, la question...
15:32Est-ce qu'il y a une exception française ?
15:35Donc, est-ce qu'on est en déclin ? Oui.
15:37Est-ce qu'il y a une exception française ? Oui,
15:39parce que même dans une Europe qui va mal,
15:41on va beaucoup plus mal que les autres.
15:43Si on prend, par exemple, l'Allemagne,
15:45tout le monde dit et a un espèce de mauvais esprit de dire
15:49que les Allemands vont encore plus mal, ce n'est pas vrai.
15:51D'abord, il y a une vraie alternative politique chez les Allemands,
15:54et on va le voir dès le mois prochain.
15:56Ensuite, les Allemands ont une dette de 63 % du PIB.
16:00Donc, le jour où ils arrêtent de déraisonner sur leur frein à la dette,
16:03ils ont de quoi moderniser leur industrie,
16:06faire de l'innovation,
16:08faire réinvestir également dans l'humérique
16:12et puis réinvestir dans leur défense face à une Russie
16:16qui est devenue extrêmement agressive.
16:18Nous, on n'a plus ces marges de manoeuvre.
16:21Mais là où il y a un côté positif,
16:23et je crois que c'est pour ça que le déclin est derrière nous,
16:26la question qui est intéressante devant nous,
16:28c'est le sursaut, comment on va s'en sortir ?
16:31Il y a deux grandes questions qui sont posées.
16:33Est-ce qu'on y arrivera par nous-mêmes
16:35ou est-ce qu'il va falloir passer sous la tutelle du FMI ?
16:39On va parler du sursaut.
16:40Est-ce qu'on y arrivera dans le cadre des institutions républicaines
16:43ou est-ce qu'on passera par une expérience autoritaire ?
16:45Parce que le paradoxe de tout ce qu'on a dit,
16:47c'est que si vous regardez tous les facteurs de crise,
16:50la France aurait dû être le premier des pays développés
16:53à connaître une expérience autoritaire.
16:55Or, on a eu le Royaume-Uni avec le Brexit,
16:57on a eu les Etats-Unis, Trump 1, Trump 2 aujourd'hui,
17:00on a l'Italie et, paradoxalement, pour l'instant,
17:04la France, comme dans les années 30, elle a beaucoup de problèmes,
17:06mais elle a résisté à ce basculement dans l'autoritarisme.
17:11Mais ça ne peut marcher
17:13et on ne peut éviter un effondrement
17:17que si on arrive maintenant à traiter nos problèmes
17:20et à trouver des solutions.
17:21Et pour ça, la première condition, c'est de sortir du déni, justement,
17:25et d'accepter de regarder la France comme elle est aujourd'hui
17:28et le monde tel qu'il est aujourd'hui.
17:30On va pouvoir en parler.
17:33Jean-Pierre Lecoq, est-ce que vous reprenez ce mot de déclin
17:36en parlant de la France aujourd'hui ?
17:39Je dirais qu'il y a une société... Enfin, on peut...
17:43Les chiffres sont implacables.
17:45Quand on regarde les chiffres, ils sont implacables.
17:48Mais les chiffres en Espagne, l'Italie, ils ne sont pas...
17:51Mais ils sont meilleurs. L'Italie, l'Espagne, voire la Grèce,
17:55ont amélioré la situation du point de vue de l'Environnement.
17:58Et nous n'avons plus de marge de manœuvre.
18:01Ça vient d'être dit à l'instant et je partage ce constat.
18:05Après, je le dis,
18:06Jean Legault disait que la France est rassemblée
18:09quand elle est unie.
18:11La France est forte quand elle est rassemblée.
18:14On peut constater qu'elle n'est pas souvent rassemblée.
18:16Malheureusement, il a fallu qu'on soit au bord du précipice
18:20pour qu'elle soit rassemblée.
18:21Et je dirais que malheureusement, si vous voulez,
18:24ce qu'on en observe depuis quelques années,
18:27c'est justement un éparpillement.
18:30Parce qu'il n'y a pas de volonté de traiter,
18:33d'énoncer les vrais problèmes que connaît la France.
18:37La France, alors, c'est vrai que jusque...
18:39Si vous voulez, on a cité les trois présidents
18:43qui avaient eu des politiques qui s'étaient suivies,
18:45De Gaulle, Pompidou, Giscard.
18:48Après l'arrivée de la gauche en 1981,
18:50avec, effectivement, des réformes sociales
18:53qui ont dû être arrêtées par la suite,
18:55mais on n'avait pas...
18:56Les niveaux d'endettement post-mitterrand,
18:59ce ne sont rien par rapport à ceux qu'on a atteints maintenant.
19:02Rien n'est impossible, rien n'est irattrapable,
19:05mais il faut arriver à expliquer aux Français
19:08la situation d'une France en déclin,
19:11dans une Europe qui a été construite par des Anglo-Saxons
19:14comme une vaste zone de libre-échange,
19:16sur fond de mondialisation et de financiarisation galopante
19:21au cours des 20 dernières années,
19:23qui a en grande partie tué l'industrie française
19:26et qui fait que nous sommes maintenant
19:28dans une société d'échange,
19:30dans une société où on commerce
19:32et où, malheureusement, le niveau de vie des Français
19:35baisse tendanciellement,
19:36parce qu'on n'a plus les ressources pour le maintenir à niveau.
19:40Les ressources de l'Etat et l'endettement public
19:43aient servi à maintenir un mode de consommation élevé
19:46qui n'était pas avec sur une base d'une France
19:49qui ne travaille plus assez, etc.
19:51Enfin, il y a plein d'articles, maintenant.
19:53On découvre, on dit ce qu'on aurait dû dire depuis longtemps,
19:57mais à partir du moment où il y a un constat,
19:59qu'il faut que les pouvoirs publics prennent le courage
20:03de le partager, et de le partager rapidement,
20:06on arrivera à relancer les choses.
20:08Après, la traduction politique, oui, d'accord,
20:10mais le bloc central a le courage de le faire.
20:13Il ne donne pas l'exemple.
20:15J'aimerais qu'on précise quelque chose.
20:18L'éminente constitutionnaliste que vous êtes
20:21va peut-être nous aider à...
20:23A votre avis,
20:25il y a, depuis cette dissolution
20:29plus que malencontreuse,
20:31un désordre politique en France
20:34avec aucune majorité ?
20:36Aucune majorité politique
20:38ne semble envisageable à l'Assemblée nationale.
20:42A votre avis, est-ce qu'il est exact que les extrêmes politiques,
20:46pour ne pas les citer, de LFI au RN,
20:49se développent et prennent l'avantage
20:51dans les périodes de déclin ?
20:54Ou est-ce que c'est un phénomène récent ?
20:57Il y a les deux.
20:59Il y a une forme de montée en puissance
21:01de ce qu'on a appelé, et encore, le néologisme est difficile
21:05à qualifier juridiquement, de populisme,
21:07des partis politiques qui vont avoir tendance
21:10à extrémiser les positions,
21:12à parler de postures antisystèmes dans le système.
21:16Ce sont des avancées que la France connaît
21:19et que toute l'Europe proche a connue,
21:21avec la déferlante de partis issus des rangs de la gauche
21:24et des rangs de la droite,
21:26finalement, attisent un débat public qui se fait souvent
21:29hors de l'Assemblée et qui, à l'intérieur de l'Assemblée,
21:31l'électrise, en quelque sorte.
21:33Donc, oui, la France a cédé, clairement, à ces sirènes-là.
21:36Est-ce que la dissolution a accentué les choses,
21:39nécessairement, par rapport à l'éparpillement des voix ?
21:42Néanmoins, je ne suis pas sûre qu'il faille, à ce point-là,
21:45considérer que les extrêmes gouvernent complètement,
21:47dans cette période de déclin, on l'a dit aujourd'hui,
21:50c'est-à-dire, en tout cas, de perte des repères.
21:52Est-ce qu'elles ne gouvernent pas la rue ?
21:54Il y a, en effet, cette tentation des extrêmes
21:56de vouloir attiser un débat et de vouloir, notamment,
22:00pousser à ce que j'appellerais la déconstruction,
22:02par rapport aux termes de Derrida, justement,
22:04puisque vous avez, par exemple, dans le groupe LFI,
22:06une vision institutionnelle assez assumée qui consiste à dire
22:09qu'à la suite de la motion de censure de tous les gouvernements,
22:13on en arrivera à la destitution du Président
22:15et, après avoir destitué le Président,
22:17on changera de Constitution et de République.
22:18Donc, moi, ce que j'ai envie de dire, c'est que...
22:21Je rejoins ce qui a été dit sur l'exception française, quand même.
22:23Certes, il y a un déclin, il y a une perte des repères,
22:26il y a une perte de la confiance, mais il y a tous les éléments
22:29qui ont fait l'identité de la France qui sont encore,
22:31en quelque sorte, les carcans de ce débordement.
22:34Et je pense notamment aux carcans institutionnels.
22:36C'est-à-dire qu'on a eu un Président de la République, en 2017,
22:39qui voulait volontairement vivement la réformer,
22:41installer un non-cumul des mandats dans le temps,
22:43faire beaucoup de choses ambitieuses et on se rend compte
22:45qu'en réalité, les institutions lui ont survécu,
22:48le contiennent et ont contenu même sa décision de dissolution
22:51qui, pour autant, apparaît très unilatérale,
22:55très hyper-présidentialisée.
22:56Je crois profondément que si on n'a pas la tentation
23:00de changer notre Constitution, de vouloir s'adapter
23:03à l'esprit du temps et de changer de République,
23:05de donner à nouveau, finalement, une forme d'effet
23:10de retentissement encore plus grand à cette idée
23:13de pluripartisme, etc., je crois qu'on a les cadres
23:16pour, justement, considérer encore que l'égalité,
23:19la liberté, qui sont les piliers de la vie de nos institutions,
23:22peuvent survivre, et ça, c'est partout.
23:24La médecine, l'industrie, tout est encore gouverné
23:28par des éléments juridiques qui font la particularité
23:31de la France et qui peuvent lui permettre encore ce sursaut
23:33parce qu'il y a, évidemment, les attributs français
23:37qui restent et qui perdurent à partir du moment
23:39où on garde les garde-fous que nous avons,
23:41et les garde-fous, ils résident vraiment
23:42dans cette Constitution, dans tout cet amour
23:45des libertés qu'on a installées partout,
23:47dans le social, dans les énergies, etc.
23:48Jean-Pierre Le Goffre, vous avez beaucoup écrit
23:51sur cette société adolescente
23:54et, en même temps, cette société à problème.
23:59Est-ce qu'à votre avis, l'absence d'autorité politique
24:04crée ou pousse à avoir un certain extrémisme politique
24:12comme résultat, en quelque sorte, d'une vacuité politique réelle ?
24:17Oui, je le pense, oui.
24:18Mais je pense que, dans la société elle-même,
24:20il faut prendre en compte un certain nombre de bouleversements.
24:23J'ai cité tout à l'heure les bouleversements
24:25du point de vue du politique, on va dire,
24:28avec une logique qui, moi,
24:31je parle d'autodestruction du politique,
24:33dans la difficulté qu'ont une partie de la classe politique
24:37à incarner l'institution.
24:40Et je ne vais pas citer LFI à l'Assemblée nationale,
24:44mais, enfin, le spectacle qui est donné de la politique,
24:46c'est des adolescents, c'est insupportable.
24:49Même un Premier ministre, quand il parle,
24:51le point de dégénération... Enfin, je ne sais pas comment appeler ça.
24:54Enfin, j'ai encore beaucoup, moi, parce que c'est une génération,
24:58à penser que c'est les représentants de la nation,
25:01au sens classique,
25:02qui se permettent d'interrompre le Premier ministre,
25:05arrivent en tenue, n'importe quoi,
25:07et ça, c'est quand même quelque chose de fort qui existe.
25:12Mais du côté de la société, on a affaire à une nouvelle donne aussi.
25:15Si je me situe 40 ans en arrière,
25:17qui est une forme d'individualisme exacerbé et assez victimaire,
25:21qui s'adresse à l'Etat en demandant de le reconnaître
25:25dans son statut de victime.
25:26Il y a des victimes qui doivent être reconnues,
25:28mais dans une logique indéfinie de demande de droits.
25:31On ne voit pas, si vous voulez, l'arrêt,
25:33ce qui rend, d'ailleurs, la difficulté
25:35vis-à-vis de la classe politique.
25:38Je pense... Et alors, en plus de ça,
25:41il y a une dimension aussi de repli individualiste,
25:43j'en ai parlé, mais aussi communautariste.
25:46C'est-à-dire, dans une société qui paraît,
25:48dans un pays qui paraît quand même déconnecté de l'histoire,
25:52ben, qu'est-ce que vous faites ?
25:53Vous avez tendance à vous replier sur des acquis,
25:57un peu de défense ou corporatisme,
25:59mais pas simplement corporatisme, communautaire.
26:01Comme le pays a du mal à savoir où il va,
26:06je dirais, a du mal à savoir d'où il vient.
26:09C'est une forme de déculturation historique
26:11qui existe au sein même.
26:12Et ça, c'est un travail de reconstruction
26:15où la politique a son mot à dire.
26:16J'y viendrai sur les solutions, mais les alternatives possibles.
26:20On en parlera.
26:21Pour moi, c'est un travail de reconstruction
26:24de longue haleine.
26:25De longue haleine, parce que c'est le tissu sociétal
26:29de la société qui a été atteint.
26:30Alors, ça, ça ne remonte pas à aujourd'hui,
26:33mais je pense qu'on arrive
26:35presque au bout de cette séquence historique.
26:39Enfin, c'est du moins ce que j'espère,
26:41mais ce qui n'est pas évident.
26:43Par contre, juste un point,
26:44je pense qu'il y a des épreuves du réel
26:46qui sont arrivées dans l'espace de 30-40 ans.
26:49Il y a eu un moment angélique, rappelons-nous,
26:52d'une forme d'angélisme
26:53vis-à-vis de la libre concurrence mondialisée,
26:56d'une partie des élites.
26:58Il y avait cette idée gagnant-gagnant.
27:00Ou la formule était dans l'air d'une mondialisation heureuse.
27:05C'est beaucoup plus compliqué que ça, surtout aujourd'hui.
27:09On a eu cette épreuve-là.
27:10Je dirais aussi qu'on a eu l'épreuve du Covid,
27:13qui a montré quoi ?
27:14Rappelez-vous ce que disait la porte-parole du gouvernement
27:18sur les masques.
27:19C'était absolument ahurissant.
27:21Mais on n'a pas besoin de masques.
27:23Au début, personne n'y comprenait rien.
27:25Oui, certes.
27:26Et si on voit ce qui s'est passé en Allemagne,
27:29en Grande-Bretagne, c'était à peu près pareil.
27:31Oui, on a découvert des points de faiblesse,
27:34notamment notre capacité à être souverain
27:36dans le domaine de la santé.
27:37On dépendait de la Chine et des avions qui ne décollaient pas.
27:41On a été heurtés.
27:42On a découvert, comme si on avait découvert,
27:44une forme de désindustrialisation
27:46qui était un élément-clé de notre souveraineté.
27:49J'y rajouterais juste un point, c'est la guerre en Ukraine.
27:52La guerre est revenue en Europe.
27:55Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui par rapport à cette menace ?
27:58C'est une des grandes questions.
28:00Et dernier point, Trump, aujourd'hui, l'élection de Trump.
28:03On peut toujours critiquer Trump, il y a de bonnes raisons,
28:06mais ça devient le bouc émissaire de nos faiblesses.
28:09C'est un risque.
28:10Mais ça, c'est des épreuves du réel
28:12qui peuvent peut-être faire bouger les choses.
28:15Encore faut-il qu'il y ait des élites politiques
28:17qui s'en emparent.
28:19Oui, alors, ces épreuves du réel.
28:21Nicolas Baverez, vous avez dénoncé,
28:23depuis longtemps,
28:25la situation économique de la France,
28:27au niveau de la dette, du déficit,
28:30de la balance commerciale.
28:32Et aujourd'hui, Jean-Pierre Lecoq l'a abordé,
28:35on découvre que nous finançons la consommation par la dette.
28:40Est-ce que c'est vraiment une vérité évangélique ?
28:45Et paraît-il qu'on finance ça depuis 1980.
28:50Mais enfin, on découvre aujourd'hui cette chose-là,
28:54comme si c'était...
28:55Non, mais ce qui s'est passé,
28:57c'est que toutes ces épreuves du réel, pour l'instant,
29:00on les a toutes contournées, effacées, occultées
29:02par la dette publique.
29:04Le krach de 2008, la dette.
29:06La pandémie, le quoi qu'il en coûte.
29:09L'Amérique est quand même à 120 % de leur dette.
29:12Oui, mais l'Amérique, elle a le dollar,
29:15elle a le leadership de la technologie,
29:18de l'énergie, de l'armement, de l'agriculture,
29:21et elle attire les capitaux du monde entier.
29:25Donc, ça veut pas dire que leur dette de 120 % du PIB
29:29est pour eux un atout,
29:30mais qu'elle est soutenable,
29:32quand on a 2,5 %, 2,7 % de croissance
29:36et 3 % d'inflation, grosso modo,
29:38ça veut dire que le système croît de plus de 5 % par an,
29:41donc la dette est soutenable.
29:43Chez nous, elle n'est pas soutenable.
29:44Elle n'est pas soutenable aujourd'hui pour une raison simple,
29:46c'est que si vous prenez la situation d'aujourd'hui,
29:50les taux d'intérêt sont à 3,5 %.
29:53La croissance, cette année, sera au maximum 0,4.
29:56L'inflation est à 1,6.
29:57Quand vous avez des taux d'intérêt à 3,5 et une croissance à 2,
30:01c'est le moment où le système explose.
30:04Et si vous voulez, ce qui s'est passé,
30:06c'est qu'on a ce système de décroissance par la dette.
30:10Quand on prend, là aussi, la longue période,
30:12l'économie française a perdu un point de croissance par décennie.
30:16Donc, on était autour de 4 au début des années 70
30:19et puis maintenant, on est autour de zéro.
30:23Il n'y a plus de gain de productivité,
30:25il y a un chômage qui reste important,
30:27un déficit autour de 6 % du PIB.
30:31Une balance commerciale déficitaire autour de 100 milliards d'euros.
30:36Donc, ça, on sait qu'économiquement, financièrement, c'est insoutenable.
30:40Pourquoi ça a tenu vaille que vaille ?
30:42À cause de deux éléments.
30:44Un qui a été rappelé, la mondialisation,
30:46qui fait qu'on a échangé des emplois et de l'industrie
30:50qui partaient contre des importations à bas coût
30:53pendant un moment, jusqu'au moment où on s'est aperçu
30:55que ça ne marchait plus, qu'on était dépendants,
30:57et que, par ailleurs, on avait des problèmes
31:00de financement, de sécurité et d'emploi.
31:02Et la deuxième chose, c'est l'euro,
31:04qui, finalement, nous a permis d'être parfaitement irresponsables.
31:08Sauf que, maintenant, ça, c'est terminé.
31:10C'est terminé parce que tout le monde, aujourd'hui,
31:14les marchés, les agences, les partenaires européens,
31:17les institutions internationales,
31:19tout le monde sait que c'est plus soutenable.
31:23Donc, c'est pour ça qu'on est aujourd'hui à une heure de vérité
31:27et qu'on bascule.
31:28Pour l'instant, on reste dans le déni.
31:31Et, malheureusement, le vrai choc du réel,
31:34il va arriver quand on va avoir une contrainte financière
31:38rute qui s'est appliquée.
31:39Et il y a un précédent, c'est 83.
31:41La relance de la gauche, avec beaucoup de réformes...
31:45Le pire n'est jamais sûrement.
31:48Ah non, mais ça, la crise financière,
31:49si vous voulez, elle a déjà commencé.
31:51Je vous rappelle qu'il faut...
31:53Par exemple, le Japon, aujourd'hui, refuse d'acheter de la dette française.
31:56Toutes les banques et les assurances japonaises.
31:59C'est une dette qui est détenue à 54 % par les étrangers.
32:02Donc, le...
32:04On n'est pas dans le modèle britannique
32:07où c'est arrivé brutalement pour l'Istrus.
32:09C'est l'étranglement progressif.
32:11Il a commencé.
32:12Je vais avoir votre avis, Jean-Pierre Lecoq.
32:15Vous êtes un élu, en plus, vous êtes maire,
32:18donc vous voyez comment fonctionne concrètement une société.
32:22À votre avis,
32:23les sécurités culturelles,
32:26les violences urbaines
32:28résultent
32:30de cette situation économique Mossad
32:33et de cette aliénation du politique ?
32:36Non, elles résultent...
32:37Enfin, à mon sens, l'économie peut y jouer, bien sûr,
32:40puisqu'on est aussi dans une société
32:43où l'individualisation est très forte
32:45et où un certain nombre de personnes
32:47considèrent que l'acquisition de biens
32:50magnifiée par une médiatisation extrême
32:53fait que, quand vous n'avez pas l'argent
32:57pour acheter le dernier...
33:00le dernier modèle de téléphone d'Apple, par exemple,
33:03vendu très cher,
33:04vous pouvez tenter de vous l'approprier.
33:06On peut mourir pour un portable,
33:08pour l'acquisition d'un portable.
33:10Il y a une désinhibition de la violence.
33:12Je voulais revenir sur ce qu'on a dit.
33:14Je pense que les politiques françaises
33:17sont piégées aussi,
33:18et nous sommes piégés, collectivement,
33:20par l'accélération du temps.
33:24En réalité, pour reconstruire une société,
33:27pour réaculturer une jeunesse,
33:30pour, également, dans un genre différent,
33:32pour relancer une industrie.
33:34Une industrie, ça se finance
33:36et ça se reconstruit sur 15 ans.
33:3815 ans, c'est trois mandats de président.
33:41Il faut donc le temps long
33:43et il faut donc qu'on soit d'accord
33:46pour allouer à la reconstruction de cette industrie,
33:49mais également à l'industrie de la défense,
33:52par exemple, des moyens considérables.
33:55Ces moyens considérables sont en contradiction totale
33:58avec l'évolution de la société actuelle,
34:00ce qui nécessite une union nationale.
34:02Une union nationale ou l'union d'une majorité de personnes.
34:06On va très loin.
34:07Alors que là, on est dans l'immédiateté.
34:09On est dans l'immédiateté permanente.
34:12On change une loi, on a un fait divers, etc.
34:15Il faut sortir de ça.
34:16Alors, restons dans la politique.
34:19Nous allons écouter un extrait du discours de politique générale
34:23du Premier ministre François Bayrou.
34:25C'était à l'Assemblée nationale, le 14 janvier 2025.
34:29Je pense aussi qu'il faut que chacun puisse trouver sa place
34:33au sein de la représentation nationale,
34:35à proportion des votes qu'il a reçus.
34:38C'est la seule règle qui permettra à chacun
34:41d'être lui-même authentiquement,
34:43sans être prisonnier d'alliances insincères.
34:47Je propose que nous avancions
34:50sur la réforme du mode de scrutin législatif.
34:54Chacun exprimera alors sa position,
34:57mais il y a une option à prendre sur ce principe
35:01et une discussion à avoir sur ces modalités.
35:04On voit bien quels sont les principaux choix.
35:08Mon opinion est que le mode de scrutin
35:11doit être enraciné dans les territoires.
35:14Il faut que ne se créent pas plusieurs catégories
35:17des citoyens avec des droits différents.
35:19Cette adoption du principe proportionnel
35:23pour la représentation du peuple dans nos assemblées
35:27s'accompagnera probablement, comme l'a dit le président du Sénat,
35:31nous obligera à reposer en même temps
35:33la question de l'exercice simultané
35:36d'une responsabilité locale et nationale.
35:39Anne-Charlene Bézina,
35:41vous venez d'écouter François Bayrou.
35:44Il a posé la question du scrutin proportionnel.
35:50Est-ce que vous considérez
35:52que, dans le maelstrom politique actuel,
35:55le recours à un scrutin proportionnel
35:58soit non seulement envisageable,
36:01mais pourrait dégager une majorité
36:05qui permette de gouverner
36:07avec plus d'action et plus de sérénité ?
36:11Alors, je n'en suis pas convaincue.
36:13Je ne suis pas sûre que ce soit en réalité le problème
36:17ni que ce soit la solution.
36:19C'est ça qui me gêne avec le scrutin proportionnel.
36:21Aujourd'hui, il est brandi comme un retour, déjà, à notre histoire,
36:26où on nous dit que ce scrutin a fonctionné,
36:28et surtout comme un retour à une forme de stabilité
36:30et à une forme de diversité.
36:32Je ne suis absolument pas opposée à la proportionnelle.
36:34Je pense qu'on peut y venir par dose,
36:35je pense qu'on peut y venir de manière à régionaliser le scrutin.
36:39Il y a évidemment plein de modalités à travailler,
36:42mais la proportionnelle ne peut pas donner
36:45un système de parties solides, un système d'idéologie.
36:49Ce qui manque à la Ve République
36:51pour redevenir la IIIe République dans ses belles heures,
36:54c'est le sentiment de faire nation.
36:56Et c'est ce que vous disiez autour de l'unité.
36:58Si on ne parvient pas à faire de l'unité,
37:00la proportionnelle, aujourd'hui, va égrener ce qui existe déjà,
37:03c'est-à-dire 11 groupes, 1 irréconciliable.
37:06Donc, changer le mode de scrutin,
37:08c'est possible.
37:09Changer le mode de scrutin, c'est une aspiration du peuple.
37:12C'est ce qui me fait réviser mon jugement.
37:14À partir du moment où les citoyens se reconnectent
37:17à leur constitution et essayent, finalement,
37:19de proposer des solutions en demandant plus de diversité,
37:23pourquoi pas ?
37:24Mais n'oublions pas une chose,
37:25c'est qu'on ne pourra pas faire de ce mode de scrutin
37:27la solution à ce mal qui nous gouverne aujourd'hui,
37:31qui est celui de l'incapacité de trouver du consensus.
37:34Et ça, ce n'est pas la culture française,
37:36contrairement à ce que l'on entend.
37:38L'absence de consensus, l'absence de capacité
37:40à s'élever au-delà de son parti,
37:42au-delà d'une discipline majoritaire,
37:44c'est quelque chose de presque sociologique,
37:46de presque identitaire.
37:48Il y a un affaiblissement des idéologies,
37:50il y a un affaiblissement de ce qu'on pourrait appeler
37:52le contenu programmatique de la politique.
37:54Aujourd'hui, quand on prend, en tant que juriste,
37:56l'empilement des textes,
37:58quand on regarde un code de la sortie des étrangers,
38:00quand on regarde un code de la justice des mineurs,
38:02on se rend compte que le législateur
38:04ne sait plus donner de cap,
38:06ne sait plus donner d'idéologie,
38:08ne sait plus insuffler des choses.
38:09Et moi, je crois qu'il faudrait en revenir, justement,
38:12si on en revenait à la proportionnelle,
38:14alors avec tout ce que ça implique.
38:16La Troisième République, elle a connu autant d'instabilité
38:18en période de proportionnelle qu'en période majoritaire.
38:21Ce n'est pas le scrutin qui créera ça,
38:23mais c'est une sortie de crise par le haut,
38:25c'est-à-dire moins de textes, plus d'unité
38:28et plus de capacité à fédérer autour de quelque chose.
38:31Jean-Pierre Lecoq, pour ou contre la proportionnelle ?
38:34Non, mais je partage ce qui vient d'être dit.
38:38Là, c'est présenté comme un moyen
38:41de résoudre une équation politique abracadabrantesque,
38:46alors qu'on en reste toujours la même chose, si vous voulez.
38:50Il faut recréer, effectivement.
38:52Il faut que les partis politiques essaient de travailler ensemble,
38:57sinon on n'y arrivera pas.
38:58On a bien compris que...
39:01Vous voyez, je pense qu'Emmanuel Macron,
39:03qui a été élu en même temps,
39:06aurait pu, dans le sillage de son élection,
39:09créer la proportionnelle,
39:12ce qui aurait permis plus facilement
39:13de trouver des majorités texte par texte.
39:16C'est un peu l'idée de François Bayrou,
39:18c'est de trouver des majorités texte par texte.
39:20Il faut reconnaître son habileté.
39:22Oui, et je dirais qu'en tant que centriste, c'est normal.
39:26Il pratique un peu le canoë-kayak, le en même temps naturel,
39:29mais vous direz qu'un maire pratique forcément du en même temps.
39:33Les maires aiment tout le monde, y compris les gens...
39:35Mais est-ce que vous êtes pour la proportionnelle ?
39:38Assez fort. Je n'y suis plus...
39:40J'ai appartenu à une formation politique,
39:43RPR, UMPLR,
39:44qui, par définition, était hostile à la proportionnelle.
39:47Mais maintenant, je dirais,
39:49dans l'état de délabrement
39:51de la société politique française et de la France,
39:54une proportionnelle, par exemple...
39:56Après, il y a mille exemples de proportionnelles,
39:59mais on parle beaucoup de revenir à la proportionnelle
40:02qui a été préparée par François Mitterrand en 1986,
40:05proportionnelle départementale à un tour.
40:07Ce qui n'avait pas empêché, d'ailleurs, le RPR et l'UDF
40:10de gagner les élections,
40:11et ça avait été d'ailleurs une majorité assez solide.
40:14On sait très bien que quand on a une majorité faible,
40:18de 15 à 20 députés,
40:20elle est beaucoup plus solide
40:21qu'une majorité de 300 ou 350 députés,
40:24qui est un peu introuvable.
40:25Donc, c'est pas du tout incompatible.
40:27Après, tout dépend de l'usage que l'on en fait,
40:30et surtout, il faut effectivement un cap.
40:32Ca, c'est vrai.
40:33Dans tous les domaines, on n'a plus de cap.
40:36Je ne dis pas qu'on n'a plus de capitaine.
40:38Il en faudrait davantage.
40:39Euh...
40:41On n'a pas de cap.
40:42Est-ce que... Vous avez parlé de malaise démocratique.
40:45A votre avis, est-ce que la Constitution
40:49devrait être modernisée
40:51en permettant, par exemple,
40:53des référendums sur des questions qui fâchent,
40:57comme l'immigration ?
40:59Qu'en pensez-vous ?
41:00Est-ce que ce serait un signe de démocratie ?
41:03Parce que c'est des préoccupations.
41:05Il faut regarder les sujets...
41:07Il y a deux préoccupations.
41:08Il y a l'immigration d'un côté, l'Europe de l'autre.
41:11Mais est-ce qu'à votre avis, ça ferait avancer le schmilblick ?
41:15Je pense que c'est inscrit dans la Constitution.
41:17Il faut regarder les sujets qui peuvent être mis en référendum.
41:21Mais c'est quelque chose qu'on n'a pas utilisé
41:24alors qu'elle fait partie de la Constitution.
41:26Quant à la proportionnelle,
41:28je pense qu'étant donné l'état du pays et la division,
41:31ça renforcerait la division.
41:33Si je me place du point de vue de l'électeur,
41:35vous votez pour un parti qui n'aura pas la majorité,
41:39il va y avoir une série de compromis, de coalitions,
41:42et vous vous retrouvez, à la fin du compte,
41:44après avoir voté pour un programme précis d'un parti,
41:48avec quelque chose qui vous échappe.
41:50La 4e République, c'est à peu près, je crois,
41:52six mois, le délai des gouvernements.
41:55Là, on a eu trois mois avec Barnier, si je ne me trompe pas.
41:59Dans la situation chaotique dans laquelle on est,
42:02on a besoin de quoi ?
42:04On a besoin de stabilité
42:06dans le cadre où le débat peut être relativement apaisé,
42:10alors qu'il est quand même, excusez-moi l'inscription,
42:13à cran.
42:14Quand vous voyez les débats à l'Assemblée nationale,
42:17France insoumise, vous vous demandez ce que c'est, ce chaos.
42:20Je pense que c'est vécu comme ça par une majorité de citoyens.
42:24D'où, d'ailleurs, on a besoin de majorités
42:26qui puissent gouverner et prendre des décisions
42:29qui puissent former un cap.
42:31C'est pour ça que, personnellement,
42:33je ne vois pas bien cette proportionnelle.
42:35Ca renforcerait, à mon avis, l'émiettement
42:38et surtout le désarroi du citoyen ordinaire
42:40qui va voter pour quelque chose avec des combinaisons derrière
42:44et qui se terminerait par autre chose.
42:46C'est pourquoi il a voté.
42:47C'est encore renforcer, à mon avis, le rejet,
42:50comment dire, la méfiance qui existe
42:52entre gouvernants et gouvernés fait le jeu du populisme.
42:56Là, c'est un terrain, à mon avis,
42:59à partir duquel les populistes peuvent s'articuler
43:03et avec un problème, qui est la sortie de tout ça
43:06de façon démocratique ou non.
43:08Je comprends ce qui a été dit.
43:10Les régimes qui sont vraiment en fin de vie,
43:12quand ils sont en crise existentielle,
43:14il y a une particularité,
43:16c'est que tout ce qui pourrait les sauver est exclu.
43:19Exemple, Madesfrance par la quatrième.
43:22Et qu'à l'inverse, tout ce qui les tue est encensé.
43:25Et là, c'est vraiment ce qui se passe chez nous.
43:28Donc, le modèle économique,
43:30taxer plus pour dépenser plus et s'endetter plus,
43:33on continue.
43:34La proportionnelle, je rejoins ce qui a été dit,
43:37c'est, évidemment, la Ve République a été conçue
43:40comme un régime pas très libéral,
43:41mais fait pour affronter les crises historiques.
43:44On y est vraiment.
43:45La supériorité de notre système,
43:47c'était que ça permettait d'avoir une capacité de réponse
43:51quand même rapide.
43:52C'était vrai sur la politique économique,
43:55c'était vrai en matière militaire.
43:57On a complètement perdu tout ça.
43:59Et la proportionnelle, c'est institutionnaliser
44:03la situation actuelle de l'Assemblée.
44:05Donc, c'est institutionnaliser la fragmentation,
44:09la désunion et...
44:12faire en sorte que...
44:13Et le faire au moment même où tout le reste accélère,
44:16où on voit ce qui se passe dans le monde aujourd'hui.
44:19On a Trump, quand même, qui va créer
44:23un choc économique extrêmement fort,
44:26négatif, avec le protectionnisme positif,
44:29par certains côtés, sur la conquête de l'espace,
44:32l'intelligence artificielle, etc.
44:34On a la Chine qui nous écrase sur le plan industriel.
44:37On a une Europe qui est complètement tétanisée au milieu.
44:41Et ce qu'on fait, c'est que...
44:44on désarme notre capacité à agir.
44:46Et en désarmant notre capacité à agir,
44:48on neutralise nos atouts,
44:50parce que c'est quand même ça, le plus rageant.
44:52C'est que ce pays n'a d'abord, normalement,
44:55aucune raison de se retrouver dans cette situation.
44:58Il n'a pas de majorité politique.
45:00Oui, mais normalement, on a des talents,
45:03on a de l'épargne, on a des banques performantes,
45:06on a le CAC 40, on a des infrastructures,
45:09on a une armée qui reste performante
45:12alors qu'elle est sous-financée,
45:13qui a su garder des valeurs et une certaine qualité opérationnelle.
45:17On a le patrimoine, on peut tout faire en France.
45:20C'est pour ça que c'est vraiment les années 30.
45:23C'est vraiment l'étrange défaite de Marc Bloch.
45:26C'est comment, avec tous ses atouts, un système politique,
45:31une classe médiatique et intellectuelle,
45:33qui est quand même en sein de doigt,
45:35se met à dysfonctionner au point de le mener à la ruine.
45:39C'est ce que nous vivons en ce moment.
45:41Vous voyez, là-dessus, c'est là, le ressort,
45:45parce que les atouts, on les a encore pour un moment,
45:47mais il faut absolument arriver à changer le modèle.
45:52Et juste un dernier mot pour finir.
45:54C'est pas impossible,
45:55parce que toutes les démocraties ont subi des chocs et des crises.
45:59Et on voit qu'il y en a qui arrivent à réagir.
46:05L'Europe du Nord, ils étaient en grande difficulté.
46:08C'est l'endroit du monde où on marie le plus intelligemment
46:11la compétitivité, la solidarité, l'innovation,
46:14la transition climatique et le réarmement face à la Russie.
46:17L'Europe du Sud va mieux, l'Irlande s'est tirée d'affaires.
46:20Donc, il y a une forme d'exception française,
46:23mais ça montre que les démocraties, y compris en Europe,
46:27sont capables de se moderniser.
46:28Si vous voulez, je vais essayer quand même
46:31d'avoir une note un peu plus optimiste.
46:33C'est le cas, d'ailleurs.
46:34Oui, mais justement, je voudrais aborder deux événements
46:38qui pourraient apporter une note optimiste.
46:42La France a réussi dernièrement deux grands événements.
46:46Les Jeux olympiques,
46:48la restauration de Notre-Dame de Paris.
46:50D'ailleurs, en très peu de temps, on a des millions de visiteurs.
46:55Le peuple français a majoritairement vibré
46:58lors de ces célébrations et avec lui, beaucoup d'étrangers.
47:03Est-ce que vous diriez que cela montre, d'une part,
47:06Jean-Pierre Lecoq, que nous restons attachés au monde ?
47:10Puisque les Jeux olympiques, c'est un événement international.
47:14Et que, par ailleurs, avec Notre-Dame,
47:17il y a un retour du sacré.
47:19Je le dis avec un point de vue laïc, culturel et esthétique.
47:23Est-ce que ça prête pas à un certain optimisme ?
47:26C'est-à-dire que la France est capable de surpasser,
47:30en quelque sorte, ses divisions
47:32à travers de grands événements.
47:36Oui, je vous ai dit que la France était grande
47:38lorsqu'elle a été rassemblée.
47:40Elle s'est rassemblée autour de cet événement planétaire
47:44que sont les Jeux olympiques et Paralympiques.
47:47Elle a voulu, avec cette dimension que vous avez très bien résumée,
47:51cette part de sacré qu'il y a en nous,
47:53même si la pratique religieuse a beaucoup diminué,
47:56qui s'est rassemblée autour de ce symbole du patrimoine
47:59qu'est Notre-Dame.
48:00Je voulais en profiter pour vous citer un troisième exemple.
48:04Regardez la renaissance de l'industrie nucléaire en France,
48:07qui a été fichue par terre par une coalition
48:10dans laquelle les écologistes, qui sont des destructeurs nés,
48:14avaient beaucoup oeuvré.
48:16On a réussi à recréer une filière complète,
48:19après bien des choses,
48:20et la France est redevenue exportatrice d'électricité.
48:24Voilà un exemple qui montre que, quand on veut, on peut.
48:28Moi, je crois qu'on peut beaucoup dans les prochaines années,
48:31mais il faut avoir du temps long, une volonté,
48:34il faut que les télévisions...
48:36Il faut pas que les politiques regardent moins les télévisions,
48:40mais c'est pour ça que je viens à votre émission.
48:43Vous avez tout à fait raison de ce point de vue.
48:46Il nous reste très peu de temps.
48:48Écoutez, l'élection,
48:50le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche
48:53a été commenté partout.
48:55Je trouve qu'il y a un effet de sidération en France.
48:58On associe d'ailleurs l'élection de Trump
49:01avec son association avec Elon Musk.
49:04A votre avis, c'est une chance pour la France
49:07ou c'est un problème pour la France et pour l'Europe ?
49:11Ça permettra de ponctuer cette émission.
49:13Anne-Charlene Bézina.
49:14Comme on l'a dit, c'est un problème qui peut être une chance.
49:18À partir du moment où on considère que la menace illibérale,
49:22la menace d'un renationalisme,
49:24cette question de la régulation des réseaux,
49:26de la liberté d'expression, à nouveau une exception française,
49:30si tout ça, on arrive à trouver les moyens de s'unir pour les défendre,
49:34bien sûr que ces menaces peuvent finalement agréger les forces
49:38et permettre de retrouver le vivre-ensemble.
49:40Mais je pense que le morcellement de l'opinion
49:43est de toute façon installé.
49:44Ce qu'il faut arriver à trouver, c'est des moments,
49:46vous citiez Notre-Dame, et peut-être même l'élection de Trump,
49:49où on arrive à refaire nation.
49:51C'est le dialogue avec le peuple,
49:53même le référendum dont vous parliez,
49:55qui doit absolument être la clé.
49:57Jean-Pierre Le Goffre.
49:58Je pense qu'il faut faire attention à ne pas faire de Musk ou de Trump
50:01un bouc émissaire par rapport aux problèmes que nous avons à résoudre.
50:05Ce qui m'a beaucoup frappé, c'est la réaction en France,
50:08qui ne s'interroge pas sur ce sur quoi c'est appuyé, Trump, pour gagner.
50:12Vous êtes pour ou contre le réseau X d'Elon Musk ?
50:17Je trouve qu'on en fait toute une histoire.
50:20Moi, il faut faire attention, en contrepoint,
50:23à qui va dire quelle est la bonne information ou non.
50:27Et qu'il y a quelque chose à prendre en compte
50:29dans les questions qui sont posées.
50:31Ca ne veut pas dire que je trouve que Musk est ceci, cela.
50:34Je pense qu'il y a une façon de la liberté de parole...
50:38Quand vous regardez ce qui s'est passé, par exemple, en Belgique,
50:42avec le discours de Trump qu'on a mis
50:44pour différer parce qu'il faut faire attention, etc.,
50:47attention, le libéralisme est quand même dans la capacité
50:51de libérer la parole avec des aspects contradictoires.
50:54Ca, c'est un point, mais je pense que Trump,
50:57on n'a pas réfléchi, on a été complètement sidérés
50:59par la victoire de Trump, alors qu'on n'a pas réfléchi
51:03les fractures sur lesquelles il s'est appuyé.
51:05S'il y a des leçons à tirer, c'est pas pour reprendre
51:08la rhétorique de Trump et ses provocations,
51:11c'est pour comprendre les fractures qui nous disent quelque chose.
51:14Je pense notamment sur les woke, qui étaient un facteur,
51:17ce n'est pas le seul, mais qui étaient un facteur de vote pro-Trump,
51:21qui est quelque chose d'important par rapport à ce qui existait.
51:25Je pense qu'en France, on a un certain nombre de fractures
51:29sur lesquelles j'aimerais bien que les politiques répondent.
51:32Des questions très simples.
51:34Il nous reste très peu de temps.
51:36J'ai juste la question de la sécurité,
51:38qui est un premier point central,
51:40mais il y a un deuxième point.
51:42Dans une économie ouverte et mondialisée,
51:45que devient le social ?
51:47J'aimerais que les politiques expliquent
51:50que devient ce facteur social.
51:52Dernier point, ça a été dit,
51:54la question de l'Europe et de la guerre.
51:56On vous a entendu, Jean-Pierre Le Goff.
51:58Je voudrais avoir un avis.
52:00Votre camarade a déjà mangé une partie du temps.
52:03Nicolas Baverez, sur Trump.
52:04D'abord, Trump, victoire impressionnante,
52:07il gagne dans 90 % des 3 000 comptés.
52:09Deuxièmement, ce qui est dangereux,
52:11c'est pas un fascisme, mais l'alliance
52:13de quelqu'un qui a des tendances despotiques
52:16avec tous les milliardaires et avec la big tech,
52:18c'est une vraie question pour la démocratie.
52:21Alors, la question que ça pose,
52:22si l'Amérique prend des distances avec la démocratie,
52:26est-ce que l'Europe est capable de devenir
52:29le conservatoire de ces valeurs auxquelles nous tenons ?
52:33C'est un vrai levier historique.
52:36Et ce que je disais, on a les moyens.
52:39Ce qui nous manque, c'est la volonté,
52:42la stratégie et le leadership.
52:44C'est ça qu'il faut essayer de faire naître
52:46dans les années qui viennent.
52:48Merci. Jean-Pierre Lecoq, très peu de temps pour vous aussi.
52:51Trump, c'est une chance ou un désespoir pour la France ?
52:55C'est une réalité, il faut l'affronter
52:57et se comparer et en tirer, d'ailleurs, des choses.
53:01Que l'Europe, notamment, assure davantage sa défense,
53:04ça me paraît une évidence.
53:06Merci. Écoutez, avant de nous quitter,
53:08je vais vous présenter une brève bibliographie.
53:11Nicolas Baverez, vous avez écrit récemment un livre
53:15qui s'appelle Sursaut, aux éditions de l'Observatoire.
53:19Vous l'avez dit, vous reprenez que le sursaut est possible.
53:22Oui. C'est De Gaulle, en 58, qui disait
53:25que l'alternative est désormais entre le miracle ou la faillite.
53:29On en est exactement là.
53:31Par l'affirmative.
53:32Alors, Jean-Pierre Lecoq,
53:34vous avez écrit Malaise dans la démocratie,
53:37donc vous ne voyez pas les choses s'améliorer.
53:40Je pense qu'il y a une question de regarder en face
53:44la réalité et qu'on a une classe politique intellectuelle
53:47et médiatique qui a beaucoup de mal à regarder la réalité en face.
53:51C'est ça, globalement, la difficulté, à mon avis,
53:54est largement là.
53:55Ce qui fait qu'il y a aussi un divorce
53:58avec ce que j'appelle les citoyens ordinaires
54:01dans la façon de dénier ces problèmes,
54:03parce qu'ils les vivent quotidiennement.
54:06Il n'y a pas de discours clair, cohérent et net
54:08qui permet à des citoyens ordinaires de se resituer,
54:11encore une fois, dans un projet, dans un ensemble,
54:14d'une vision de l'avenir qui sorte
54:16de cette sorte de déliquescence dans laquelle on est.
54:19Jean-Pierre Lecoq, je ne sais pas si vous avez publié un ouvrage,
54:22mais dans la mairie que vous gouvernez,
54:25il y a beaucoup d'expositions,
54:28de concerts, etc.
54:30Est-ce que vous pensez que la culture fait partie de la citoyenneté ?
54:34Bien sûr.
54:35Plus de culture dans ce monde barbare
54:38et un peu où la folie le dispute à la sagesse,
54:42je crois que c'est une très bonne chose.
54:44Alors, Anne-Charlène Bézina, on en a déjà parlé,
54:48mais vous avez publié cette constitution qui nous protège.
54:52Est-ce qu'elle nous ferait avancer aussi ?
54:54Je le crois profondément.
54:55C'est une constitution commentée dans tous ses articles.
54:58Le préambule de la Constitution et tous les textes fondateurs
55:01y sont commentés.
55:02Je me suis donné le pari qu'en revenant à l'épure de textes,
55:05en le comprenant mieux et en le maîtrisant,
55:08chaque Français pourrait se faire une idée de son destin national.
55:11Vous avez compris. Vive la Constitution.
55:14Merci, madame, merci, messieurs,
55:17d'avoir permis d'éclaircir un peu
55:19quelques problèmes liés à ce malaise français.
55:22Je voudrais remercier l'équipe de LCP
55:25qui a permis la réalisation de cette émission.
55:28Et je vous dis à bientôt.

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