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À 9h20, Robert Guédiguian est l'invité de Léa Salamé. Son nouveau film "La pie voleuse" sort en salles aujourd'hui. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mercredi-29-janvier-2025-8516816

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00:00Et Léa, ce matin, vous recevez un réalisateur.
00:03Et bonjour Robert Yediguian.
00:04Bonjour.
00:05Merci d'être avec nous ce matin.
00:07Si vous étiez une chanteuse, un personnage historique et un paysage, vous seriez qui,
00:12vous seriez quoi ?
00:13Le choix est immense, mais je dirais Rita Franklin, avec respect en particulier, à
00:24cette chanson qu'elle a piquée à Otis Reading et qu'elle a transformée en chanson pour
00:28le respect des femmes, un personnage… Aujourd'hui, je suis obligé de dire Jaurès en fait.
00:36Pourquoi vous êtes obligé ?
00:38Je suis obligé parce que comme le débat réforme-révolution ne cesse depuis un siècle
00:42et demi de polluer l'atmosphère, de polluer les débats à gauche, je pense que c'est
00:49peut-être ce Jaurès qui nous a manqué, je me dis presque que s'il n'avait pas
00:53été assassiné, peut-être les choses auraient changé, auraient été autres.
00:57Dès la création du parti communiste, dès la division, dès le congrès d'autour,
01:01peut-être que les choses auraient changé s'il y avait Jaurès.
01:03Il avait quand même une telle puissance, et de conviction, et de plumes, et d'argumentation,
01:07etc.
01:08Voilà, donc j'ai énormément d'admiration, en plus il avait un accent.
01:11Oui, Jaurès donc, comme quelqu'un d'autre, et un paysage ?
01:15Un paysage, j'hésite toujours à dire ça, ça fait très snob, mais j'adore le pont
01:22de Brooklyn quand on marche sur le pont de Brooklyn pour aller vers Manhattan.
01:26Et pourquoi c'est snob ?
01:27Je ne sais pas, bon, parce que ça fait très… Je suis né à l'Estac et je parle de New
01:31York, mais j'y suis allé pour des occasions de cinéma et pour montrer mes films.
01:36Et marcher sur le pont de Brooklyn, c'est…
01:38Mais je le fais même exprès, je prends un taxi qui me mène de l'autre côté du pont
01:41de Brooklyn.
01:42Pour pouvoir le retraverser à pied.
01:43Il me lâche, je saute, j'enjambe la balustrade et je rentre à pied, je suis très content
01:46de marcher à pied, voilà, je trouve ça très très beau.
01:49Ça me rappelle beaucoup de films aussi que j'ai aimés.
01:51Il n'y a que deux choses importantes dans la vie, la lutte des classes et la sexualité.
01:57Ça, c'est une réplique de votre film « À l'attaque » qui date d'il y a 15 ans.
02:00Il n'y a que deux choses importantes dans la vie, c'est ce que j'allais vous dire.
02:04La lutte des classes et la sexualité, au fond, on peut arrêter l'interview là, ça résume.
02:09Quasiment, ça résume à tout au bout d'un an.
02:12Robert Guédigui, il y a 40 ans que vous construisez cette œuvre poétique, chaleureuse, engagée,
02:17pleine de lutte des classes et de sexualité, où vous racontez la vie des gens face aux
02:21difficultés de la vie moderne, depuis « Marius et Jeannette » jusqu'au « Neige du Kilimanjaro »
02:24en passant par « Voyages en Arménie » ou « Gloria Mundi ». La plupart de vos films
02:28se passent à Marseille, c'est le cas du 24e, « La Pille voleuse » qui sort aujourd'hui
02:32en salles.
02:33Un très bon cru, si vous me le permettez, un film solaire, joyeux, qui m'a enchantée,
02:38vraiment.
02:39J'ai terminé, j'avais le sourire, j'en ai parlé à Nicolas ce matin, j'étais légère.
02:42C'est un film qui fait du bien.
02:44Plein de ces sentiments qu'on n'aime plus trop dans le monde d'aujourd'hui, c'est-à-dire
02:48la bonté, la générosité, la tendresse.
02:51Aujourd'hui, on dirait avec un peu d'ironie, des bons sentiments, eh bien vous les assumez
02:55et vous les revendiquez dans tout le film.
02:57Et ça fait du bien.
02:58Je crois qu'il faut renverser un peu toutes les idées reçues.
03:02On dit souvent qu'on ne fait pas un film avec des bons sentiments.
03:05Moi, je dis toujours qu'on ne fait pas un film avec des mauvais sentiments non plus.
03:08Donc on fait un film avec des bons et des mauvais sentiments.
03:10On fait des films avec… C'est pareil, la bonté n'est pas très spectaculaire.
03:13Je crois que la bonté peut l'être, il suffit de travailler cela.
03:17On dit aussi que la bonté, c'est la vertu des imbéciles.
03:19Moi, je pense que c'est la mère de toutes les vertus.
03:21Je crois que la bonté, être bon, est la chose la plus importante au monde, en fait,
03:24d'un point de vue moral.
03:25Et puis, surtout, vous parlez du point de vue moral, mais ce qui est intéressant dans
03:29vos personnages, c'est qu'ils sont bons au sens de la bonté, mais qu'ils ne sont
03:32pas que ça.
03:33Ils ne sont aussi pas bien.
03:34C'est ça qui est intéressant et c'est ça qui est marrant dans le film.
03:37L'histoire, c'est celle de Maria, jouée évidemment par Ariane Ascarid, qui travaille
03:40comme aide à domicile pour les personnes âgées.
03:42C'est une femme au grand cœur, qui se dévoue corps et âme pour ses vieux, qui l'adore,
03:47ce qui ne l'empêche pas, par ailleurs, de leur piquer, de leur chaparder quelques petits
03:51billets par-ci, par-là, parce que voilà, Maria a un grand amour dans sa vie, c'est
03:55son petit-fils.
03:56Son petit-fils, dont elle rêve qu'il devienne un grand joueur de piano, un grand artiste.
04:02Sauf que voilà, les cours de piano, ça coûte cher, la location du piano, ça coûte cher.
04:06Alors voilà, elle tape chez ses vieux quelques billets par-ci, par-là, pour payer cela.
04:10Alors, Maria est-elle une bonne ou une mauvaise personne ? Est-ce qu'il y a des bons ou des
04:15mauvais voleurs ? Des vols légitimes et d'autres qui ne le sont pas ? C'est la question que
04:19pose ce film, notamment une des questions.
04:21Clairement, oui, il y a des bons et des mauvais voleurs.
04:24Il y a des voleurs qui volent par nécessité, par… Le vol participe de la répartition
04:32des richesses, on pourrait dire, donc il y a… Et on peut voler, évidemment, on peut
04:35voler sans violence, on peut voler pour de bonnes raisons, mais le vol a toujours eu quelque
04:39chose à voir avec le banditisme social, on va dire, il y a toute une histoire.
04:44Les historiens ont travaillé, d'ailleurs, sur le vol à travers les âges, voilà, Robin
04:47Desbois, c'est évidemment un voleur que tout le monde revendique, enfin, c'est un
04:51héros.
04:52Et bien sûr, il y a du vol crapuleux, destructeur.
04:55Vous-même avez été cambriolé, Ariane Ascaride, elle était chez Maggie, hier ou avant-hier,
04:59je ne sais plus, où elle racontait que vous avez été cambriolé quatre fois.
05:02Oui, c'est ça, tout à fait.
05:03Donc là, vous n'étiez pas très heureux.
05:04Non, je n'étais pas très content, non, non, non, pas très heureux.
05:06Vous avez même installé une alarme.
05:08Oui, depuis, je ne suis plus cambriolé, d'ailleurs, j'aurais dû le faire plus tôt.
05:13Mais j'aime bien avoir confiance aux gens.
05:15Je suis né aussi, moi, je suis né il y a longtemps, donc je suis né dans un quartier
05:19où il n'y avait effectivement que des pauvres gens, des ouvriers, etc., mais on ne fermait
05:23jamais les portes.
05:24Donc, on ne se volait jamais entre nous.
05:26Et bien, maintenant, vous mettez une alarme, voyez, même Robert Guédignon met une alarme.
05:30Je suis obligé.
05:31Et voilà.
05:32En fait, cette Maria, votre personnage, c'est une « gentle woman » cambrioleuse, comme
05:37chantée Dutronc.
05:38C'est le plus grand des voleurs, oui, mais c'est un gentleman, il s'empare de vos valeurs,
05:54sans vous menacer d'une âme.
06:00Quand son mari ou quand sa fille vont la supplier d'arrêter de piquer de l'argent à ces
06:05vieilles personnes chez qui elle travaille, il leur dit, son mari lui dit à un moment
06:09« mais enfin, on peut vivre sans jouer du piano, arrête de rêver que ton petit-fils
06:13va devenir un grand joueur, on peut vivre sans jouer du piano ». Elle lui répond cette
06:16phrase géniale.
06:17Oui, on peut vivre sans jouer du piano, on peut vivre sans voyager, sans partir en vacances,
06:22sans manger du foie gras, sans boire du champagne.
06:23Oui, on peut se balader au milieu de toutes ces tentations sans jamais y toucher, mais
06:28moi, j'appelle ça de la torture.
06:30Au-delà du piano, elle veut aussi jouir des plaisirs de la vie, elle ne veut pas vivre
06:35au petit, elle n'a pas d'argent, elle n'a pas beaucoup d'argent, elle travaille
06:37comme aide à domicile, mais elle rêve grand, elle a des rêves grands, elle veut vivre
06:42grand et elle ne veut pas se priver du huître le soir ou du foie gras si elle en a envie
06:46et c'est comme ça.
06:47Je trouve ça, je trouve que c'est effectivement un des éléments du film qui m'intéresse
06:52le plus.
06:53Je crois que la majorité des habitants de notre pays est frustrée et je crois que là
07:00aussi, il y a quelques années, elle n'était pas frustrée, mais parce qu'elle ne voyait
07:04pas comment vivaient les riches.
07:05Aujourd'hui, les riches, la manière dont ils vivent est exposée en permanence.
07:09Le foie gras, elle ne savait pas ce que c'était il y a 40 ans, je veux dire, les gens ne mangeaient
07:12pas ça à Noël, enfin les gens de conditions modestes.
07:15Aujourd'hui, il n'y a pas un seul repas en France sans foie gras à Noël, c'est comme
07:20quelqu'un qui est devant un arbre de Noël, un gamin qui est devant un arbre de Noël
07:23et qui ne peut toucher à rien, parce que tout est exposé, tout ce qui brille est exposé.
07:27Et elle la veut toucher.
07:28Et elle le décide de prendre, elle décide d'être, c'est ça, c'est l'anarchisme
07:32des chrétiens.
07:33Mais c'est le formant d'anarchisme, oui.
07:35De dire pourquoi ça serait réservé qu'aux riches, mais aussi les droits.
07:39Bien sûr.
07:40Et le partage des richesses, c'est souvent considéré quand on parle de ça, autant
07:43les politiques que même parfois les syndicats.
07:46On parle souvent de choses matérielles, la plupart du temps.
07:49C'est sûr, la plupart du temps, c'est le niveau du salaire et le pouvoir d'achat conséquent.
07:52Mais on parle un peu plus rarement des choses qui ont tellement à voir avec la vie, qui
07:58sont aller au cinéma une fois par mois, aller au théâtre une fois tous les deux
08:02mois, aller faire du sport, avoir une activité, voyager un petit peu, sans aller jusqu'à
08:08New York.
08:09Mais on peut aller quand même, on peut faire quelques voyages en France, cette espèce
08:12de vivre, profiter de la vie.
08:14Parce que vivre, ce n'est pas que survivre.
08:17Ce n'est pas que se nourrir, avoir un toit et quelques vêtements à se mettre.
08:21Et elle estime, avec sa morale à elle, qu'elle fait énormément de bien à ces vieilles
08:25personnes et que donc, si elle leur pique 10 ou 20 balles comme ça, pour son petit
08:29fils ou pour se payer des huîtres, et bien ce n'est pas si grave que ça.
08:32Oui, mais parce que c'est vrai qu'un contreparti, elle est exemplaire, elle est de dévotion
08:38extrême.
08:39Elle fait beaucoup plus d'heures que son employeur lui réclame, puisqu'elle va la nuit auprès
08:43de son évidemment.
08:44Voilà, qui sont extrêmement attachés à elle.
08:46Et c'est aussi une très belle relation que vous racontez entre l'aide à domicile et
08:49les vieilles personnes, dont Jean-Pierre Daroussin, que vous nous faites vieillir de 20 ans.
08:55Il est sur fauteuil roulant, prof à la retraite, il adore Maria et aussi c'est un film sur
09:03le pardon.
09:04Mais je laisse les auditeurs aller regarder ce film-là pour comprendre.
09:08C'est aussi un film sur le pardon et puis c'est aussi un film sur l'amour, sur toutes
09:14les formes d'amour.
09:15Moi, c'est ce qui m'a beaucoup plu.
09:16L'amour qui dure dans le temps, malgré la routine, malgré ce qu'on se reproche entre
09:20Maria et son mari.
09:21Et puis l'amour fou, incandescent, qui balaie tout sur son passage.
09:25Entre la fille de Maria et le fils de M. Moreau.
09:27Et là, c'est le coup de foudre absolu.
09:30Vous y croyez au coup de foudre ?
09:31Oui.
09:32Ça existe ?
09:33Oui, oui.
09:34En plus, je crois qu'il est indépendant de l'esprit, je crois que c'est irrationnel.
09:40Je crois que c'est du magnétisme, c'est une histoire de corps.
09:43Je pense que le coup de foudre, ce n'est pas qu'une histoire d'idées, de regards,
09:49de ce que dit l'autre, de la pensée de l'autre, je crois qu'il y a quelque chose d'irrésistible
09:53au sens, je ne sais pas comment le dire, d'effluve au corporel, en fait, je ne sais pas.
09:57Il se passe des choses, voilà, ça tombe, il faut que les gens se touchent, se caressent
10:03et que ça débouche donc sur une histoire amoureuse.
10:06C'est ce désir-là, irrépressible, que vous filmez entre deux personnages ?
10:11Oui, et donc je tenais surtout d'ailleurs à ne pas l'annoncer par exemple, à ne pas
10:15le prévoir.
10:16La première fois qu'ils se voient, on voit bien qu'ils se regardent et qu'ils sont charmants,
10:19je veux dire, qu'ils se regardent avec plaisir.
10:21Vous avez aimé filmer le désir, l'attraction fatale ?
10:24C'est super, les deux acteurs aussi, c'est vraiment une belle scène à fabriquer aussi.
10:29Oui, vous m'avez dit que je suis fière de cette scène, parce que c'est une scène qui
10:33donne envie de désirer, de faire l'amour quand on la voit, c'est vous filmer quelque
10:38chose d'irrépressible.
10:39Oui, qu'on ne peut pas, qu'on ne peut pas, qui est plus fort que nous, qui est plus fort
10:44que soi.
10:45Bon, vos acteurs ils vieillissent, vos acteurs c'est toujours les mêmes, ils grandissent
10:51avec vous, ils vieillissent avec vous comme Darussin, Jean-Pierre Darussin, qu'on écoute
10:54et qu'il parle de vous, Robert Guillemin.
10:55Quand on était jeunes, on discutait pendant des heures, des nuits entières et on avait
10:59vraiment cette conception de créer un outil de travail, de vouloir faire une œuvre collective.
11:08Voilà, j'ai de la chance d'être tombé sur un auteur formidable, qui finalement fait
11:16une œuvre, je dirais presque, il n'y en a pas beaucoup comme ça dans l'histoire,
11:21il y a peut-être Molière qui travaillait pour ses acteurs, qui créait des personnages
11:25pour, en se disant tiens, il faut que lui, qu'est-ce que je vais lui donner comme rôle
11:30ce coup-ci ?
11:31Avec cet esprit de troupe ?
11:32Avec cet esprit de troupe.
11:33Il n'y en a pas tant que ça des auteurs qui ont cette discipline, cette contrainte
11:38et qui acceptent cette contrainte par esprit créatif, c'est ce qui leur permet de créer,
11:44de se dire tiens, il faut que je donne un rôle à Ariane, à Gérard, à Jean-Thier,
11:51qu'est-ce qu'ils vont jouer ce coup-ci ?
11:52C'est une contrainte ?
11:55Oui, mais je pense que sans contrainte, on ne fait rien.
11:59Moi je sais que si je n'ai pas un cadre, je ne peux pas travailler, mais si j'ai
12:03un cadre, une contrainte en fait, c'est une contrainte en plus que je m'attribue
12:06à moi-même.
12:07Ce n'est pas une contrainte qui vient de l'extérieur, je me donne moi-même des
12:10codes, des règles et dans ce cas-là, c'est la manière de libérer à l'intérieur
12:16de ce qu'on est en train de faire, de se libérer, il y a une dialectique en fait.
12:19Et donc votre contrainte c'est de donner un rôle à chaque film, à Jean-Pierre,
12:23à Ariane et aux autres.
12:24Oui, sauf les escapades que je fais, c'est-à-dire que je vais, comme je dis, je vais éviter
12:31notre théâtre.
12:32Donc je vais à Mamako, je ne sais pas où, en Arménie, à Yerevan, où j'ai tourné
12:38à Beyrouth, j'ai bien tourné à Paris.
12:42La vraie infidélité, la vraie escapade, la vraie trahison.
12:46Presque.
12:47Mais en fait c'était pour parler de l'armée du crime, donc de haut fait de résistance.
12:51Et puis après vous rentrez à Marseille, à l'Estac et à vos acteurs, vous rentrez
12:58à la maison.
12:59Et je me retrouve dans mon langage, mon théâtre, ma troupe, mes techniciers et tous mes décors.
13:04Vous êtes né à Marseille dans un milieu ouvrier, Robert Guédiguian.
13:08Vous rencontrez Ariane Askarit sur les bancs de la fac d'Aix-en-Provence en 1973.
13:13Elle, elle fait du théâtre et vous, de la sociologie.
13:15C'est elle qui vous emmène vers le cinéma.
13:19Sans elle, il n'y aurait pas eu.
13:21Oui, c'est sûr.
13:22C'est sûr.
13:23C'est-à-dire, c'est évidemment, ensuite, c'est par hasard.
13:26C'est-à-dire, comme elle veut rentrer au conservatoire de Paris, elle réussit le Congo,
13:30elle y va.
13:31Donc elle vient habiter à Paris.
13:33Je la suis déjà.
13:35Donc, j'entre ici à l'école des hautes études en sciences sociales, là au Beauvoir
13:39Aspail, pour finir mes études, que j'aurais pu continuer à Aix-en-Provence, bien sûr,
13:43mais je termine ici.
13:44Pour elle.
13:45Pour elle, parce que je l'ai suivie.
13:46Et c'est vrai qu'à l'occasion, je rencontre Daroussel, d'ailleurs, qui était en classe
13:50avec elle.
13:51Donc, je commence effectivement à côtoyer ce monde-là et un jour, quelqu'un qui préparait
13:58un film dans lequel je devais jouer, des jeunes avec moi, et me dit à la fin du repas, tu
14:04peux pas écrire avec moi, mon prochain scénario, celui d'après.
14:07Bon, évidemment, j'ai dit oui, j'avais 22 ans, j'ai dit oui, et ça s'est enchaîné.
14:12Et ça ne s'est plus arrêté ?
14:13Non.
14:14L'amour qui dure, comment vous faites ? Vous avez réussi ?
14:18Oui, c'est vrai.
14:19Moi, je crois qu'il faut une égalité totale, je suis persuadé de ça, une égalité totale
14:26dans le...
14:27Je pense même que dans les métiers qu'on fait, il faut faire le même travail.
14:30Ah oui ?
14:31Il faut comprendre ce que fait l'autre, comment il le fait, à quel rythme, pourquoi il n'est
14:34pas là un tel jour, pourquoi il fait ça le soir, pourquoi pendant les vacances, qu'on
14:39pourrait prendre des questions exceptionnelles, il s'en va pendant deux mois, enfin, une espèce
14:42de contrainte, si on n'est pas dans le même boulot, je crois que c'est dur.
14:45Évidemment, je crois beaucoup à l'inégalité économique aussi.
14:48L'égalité, là, vous commencez.
14:49L'égalité à tout point de vue, et c'est vrai, l'égalité à tout point de vue, au
14:53niveau économique aussi, beaucoup.
14:54Et comprendre l'autre.
14:55Et comprendre l'autre, et...
14:58Et parler.
14:59Ah bah, parler beaucoup, bien sûr, parler beaucoup de tout, le plus possible.
15:05Et s'engueuler aussi un peu.
15:06Sans arrêt.
15:07Sans arrêt.
15:08Ça, c'est bien.
15:09Oui, bah oui.
15:10Parce que ça fouette les seins, c'est un signe de vitalité.
15:13Je crois qu'il faut s'engueuler, oui.
15:16Les impromptus, pour terminer, avec Robert Guédiguian, vous répondez rapidement sans
15:21trop réfléchir.
15:22Qu'est-ce que vous avez d'allemand, en vous ?
15:26Le cirage de mes chaussures.
15:28Allemand, parce que votre mère est allemande.
15:31Oui.
15:32Le cirage de vos chaussures.
15:33Oui, qui sont impeccables.
15:34À l'allemande.
15:35D'arménien, en vous ?
15:37La foi.
15:38Ah oui ?
15:39La foi.
15:40Je ne dis pas la foi à un dieu, la foi à l'humanité, je pourrais dire.
15:46Mais la foi.
15:47Quelque chose qui s'apparente à la foi.
15:49Et de français ?
15:50De français, la Révolution française.
15:53Et de marseillais ?
15:55De marseillais, l'accent.
15:58Truffaut ou Godard ?
16:00Godard.
16:01Pasolini ou Tarkovski ?
16:03Pasolini.
16:04Hugo ou Zola ?
16:05Hugo.
16:06La Mostra de Venise ou le festival de Cannes ?
16:09Ça c'est compliqué, je préfère la Mostra, mais le festival est plus important pour
16:13l'exiléence de Cannes.
16:15Ah oui ?
16:16Le marché est plus gros, la récompense compte plus.
16:20Mais après, je préfère l'ambiance et la Mostra.
16:23Les mauvaises critiques, ça vous touche ?
16:25Oui.
16:26C'est vrai ?
16:27Oui, oui.
16:28Non, non, incontestablement.
16:29Moi, je ne comprends pas les gens qui disent que ça ne les touche pas.
16:31On est forcément affecté par les mauvaises critiques.
16:33Il y a des mauvaises critiques qui nous font du bien quand même, parce qu'elles sont
16:36argumentées, on les lit, on se dit, tiens, mais après tout, il a cette idée-là, ce
16:40type-là sur le film.
16:41Et peut-être qu'il a raison.
16:42Donc, il y a des critiques qui nous font nous regarder différemment, ça c'est très
16:46agréable.
16:47Après, il y a des critiques, effectivement, dominèmes, des critiques débiles.
16:50Qui font mal, juste.
16:51Voilà, ou on veut juste tuer quelqu'un, ça...
16:54Là, je regrette même de ne pas pouvoir se défendre, parce que l'ambiguïté, c'est
16:59que dans ces cas-là, face à la critique, on n'a pas de réponse possible, ou très
17:04peu.
17:05Moi, j'ai souvent écrit à des critiques.
17:06Oui, j'ai fait un petit mot, quoi, voilà.
17:08En disant « j'ai pas aimé ».
17:09Voilà, j'ai dit « j'ai pas aimé », pour telle et telle raison.
17:10La dernière fois que vous avez pleuré ?
17:12Je pleure toutes, hein.
17:14Ah oui ?
17:15Oui.
17:16Je suis comme une vieille indienne.
17:17Je pleure en regardant la télé, si je vois un bébé à la télévision aux actualités,
17:21je me mets à...
17:22Et je suis un peu...
17:23Vous votez toujours ?
17:25Oui.
17:26Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
17:28Égalité.
17:30Et Dieu, dans tout ça, justement ?
17:31Que ceux qui y croient, y croient, ceux qui n'y croient pas, y croient pas, mais j'ai
17:38pas de...
17:39Pour ma part, je ne crois pas en Dieu, mais je crois en l'homme, en fait, j'y crois.
17:42J'ai une foi, j'ai quelque chose à voir avec la foi, même avec la prière.
17:45J'ai dit, l'autre jour, que je priais, en fait, quand je suis tout seul, mais je m'adresse
17:51à personne.
17:52Je prie.
17:53Je sais pas ce que je prie ou à qui, mais ça m'adresse à ma prière, ça m'adresse
17:57à l'humaine, à l'humanité, au cosmos, ça me fait voilà.
18:00Je ne crois pas en Dieu.
18:02Le film s'appelle « La Pivoleuse ». Il sort aujourd'hui sur vos écrans.
18:07C'est le dernier Guedi-Guian et c'est très réussi.
18:10Merci et très belle journée à vous.
18:12Merci à vous.
18:13Merci beaucoup.
18:14Merci Léa.

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