• il y a 8 mois
Léa Salamé reçoit Teddy Lussi-Modeste, réalisateur et co-scénariste du film "Pas de vagues" avec François Civil, Shaïn Boumedine et Bakary Kebe (au cinéma le 27 mars).

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mercredi-27-mars-2024-8083165

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Transcription
00:00 Ce matin vous recevez un réalisateur qui est aussi prof de français.
00:04 Oui c'est rare. Bonjour Teddy Lucie Modeste.
00:06 Bonjour.
00:06 Merci d'être avec nous ce matin.
00:08 Si vous étiez un livre, un pays et un défaut, vous seriez quoi ?
00:13 Un livre ce serait l'Odyssée dans la fabuleuse traduction de Jacques Othé.
00:18 Un pays ce serait la France parce que je me sens très reconnaissant envers la France
00:22 qui m'a apporté la possibilité à moi qui suis gitan d'être professeur et réalisateur.
00:27 Et enfin un défaut je dirais la cyclotémie.
00:31 Vous n'êtes pas très régulier.
00:33 Je suis bipolaire.
00:35 Vraiment ?
00:37 Disons que j'imagine que je le suis oui.
00:39 Vous n'avez pas été diagnostiqué ?
00:41 Non.
00:42 En tout cas c'est vrai que vous faites un peu votre portrait dans ce que vous avez répondu là.
00:48 C'est à dire que vous êtes issu de la communauté des gitans, de la communauté des gens du voyage.
00:53 Vous dites, vous racontez d'ailleurs et on va en parler que vous auriez dû être sur les marchés après le CM2 avec votre père.
00:58 Vous vous êtes extirpé de ça grâce à l'école.
01:00 Les livres vous ont sauvé.
01:02 Vous êtes devenu prof de français et aujourd'hui vous êtes réalisateur.
01:05 On va y venir.
01:06 On va tout vous faire décliner parce que vous avez vraiment un parcours et une histoire incroyable.
01:10 Mais une citation comme tous les matins.
01:13 Jean-Jacques Rousseau dit "Qui rougit est déjà coupable.
01:16 La vraie innocence n'a honte de rien."
01:19 Vous en pensez quoi ?
01:20 Qui rougit est déjà coupable ou pas vraiment ?
01:23 Pas vraiment et surtout moi.
01:25 En fait je suis quelqu'un qui se sent honteux pour tout.
01:29 J'ai l'impression que la honte est un sentiment qui a été fondateur dans ma construction.
01:36 Donc j'ai du mal à...
01:39 Vous vous rougissez mais c'est pas pour ça que vous êtes coupable.
01:41 Ah oui évidemment.
01:43 Vous connaissez l'adage "Calomnier, calomnier, il en restera toujours quelque chose."
01:46 La rumeur qui détruit un homme est au cœur de votre nouveau film, le troisième "Pas de vague".
01:51 Le film-événement de la sortie cinéma de cette semaine, tout le monde en parle.
01:55 Il sort aujourd'hui en saille, il a été co-écrit avec Audrey Diwan et il est interprété par un François Civil éblouissant.
02:01 C'est l'histoire d'un prof injustement accusé par une de ses élèves d'avoir voulu la séduire.
02:05 C'est l'histoire d'un engrenage, d'une descente aux enfers, d'un enseignant qui se trouve seul face à la rumeur, face aux menaces de mort.
02:12 C'est votre histoire à vous.
02:14 C'est ce que dit Lucie Modeste, parce qu'avant d'être réalisateur, vous êtes prof de français.
02:17 Cette histoire vous est arrivée dans un collège de Bervilliers, il y a quelques années,
02:21 quand un jour, votre CPE vous tend une lettre écrite par l'une de vos élèves de 13 ans,
02:25 qui vous accuse de la regarder en touchant votre ceinture pendant le cours.
02:30 Qu'est-ce qui vous a traversé à ce moment-là, quand on vous a donné cette lettre de cette élève ?
02:35 Déjà c'était un autre collège de la Seine-Saint-Denis, ce n'était pas au Bervilliers.
02:40 Au Bervilliers, c'est là où j'ai mon poste fixe.
02:42 Ce qui m'a traversé quand j'ai lu cette lettre, c'est d'abord un grand sentiment d'incrédulité,
02:46 mais avec ce sentiment, une prémonition, la prémonition que tout cela allait dégénérer.
02:53 J'avais ce double sentiment contradictoire lorsque j'ai découvert cette lettre.
03:00 À la fois de se dire "Pardon, je vais être vulgaire, c'est quoi ces conneries ?"
03:04 et à la fois le sentiment que ça allait très vite dégénérer,
03:08 et que vous alliez vivre une descente aux enfers.
03:10 Oui, j'avais vraiment l'impression au moment où je découvre la lettre
03:13 que je suis agité par ces deux sentiments.
03:17 C'est vrai ce que vous racontez sur l'idée que le professeur, c'est une descente aux enfers,
03:21 qu'il est dans un engrenage, mais je crois que le film met aussi en avant
03:26 que la jeune fille est également dans un engrenage.
03:28 Oui, c'est ça qui est intéressant, ce qui est très intéressant dans ce film,
03:30 ce qui fait la force de votre film, c'est la complexité des deux personnages.
03:33 À la fois votre prof, joué par François Sybille, c'est-à-dire vous,
03:37 en fiction, romancé, un double fictionnel, mais qui n'est pas parfait.
03:43 Ce que je veux dire, c'est qu'il sort du cadre, il emmène ses élèves manger au kebab
03:48 et ça donne l'occasion d'un moment où il boit de l'eau, il dit "l'eau est fraîche",
03:52 il le dit à tous les élèves, sauf qu'elle a l'impression qu'il la regarde
03:56 quand il dit "l'eau est fraîche", ou encore il lui fait des compliments.
04:00 L'autre complexité, c'est effectivement cette figure de cette jeune fille de 13 ans
04:04 qui ne ment pas, elle pense vraiment qu'il veut la séduire.
04:08 - Oui, ça c'était très important pour nous avec Audrey Diwan, c'était une décision morale,
04:12 c'était de traiter ce personnage qui dit sa vérité.
04:16 Elle a vraiment eu l'impression que ce professeur voulait la séduire
04:19 et justement on a créé dans le scénario la façon dont ça pouvait émerger dans son esprit.
04:26 C'est-à-dire que le professeur sort du cadre, il lui fait ce compliment en classe
04:29 pour expliquer une figure de style et ensuite il y a cette sortie avec d'autres élèves.
04:33 Donc l'idée c'était vraiment d'accorder de la complexité à tous les personnages,
04:38 de montrer que chacun avait ses raisons, de donner la parole à tout le monde
04:41 et de jamais être dans le manichéisme.
04:43 - Je vais vous dire la vérité, votre film a suscité une discussion au cœur de l'équipe de La Matinale
04:47 et notamment chez les très jeunes, notamment chez mon assistante qui a à peu près 20 ans
04:53 et qui a regardé le film et qui a dit "est-ce vraiment le moment de faire un film
04:58 qui met en cause la parole d'une jeune fille de 13 ans ?
05:02 Ce à quoi d'autres dans l'équipe lui ont répondu "mais enfin, c'est pas vrai,
05:06 il ne l'a pas dragué, il ne l'a pas agressé" et ça on le voit très clairement.
05:10 Et donc il est coupable alors qu'il ne l'est pas, alors que le type est responsable.
05:17 Et donc vous voyez, je trouve que votre film arrive pile dans l'époque,
05:22 avec cette guerre de génération où la jeune assistante, je ne vais pas la citer,
05:29 je la citerai, elle fera plaisir, Anaïs, à la fois elle dit "mais je comprends en même temps son propos"
05:34 mais voilà, aujourd'hui ça fait parler de faire un film qui met en cause la libération de la parole
05:42 de cette jeune fille de 13 ans.
05:44 - Moi, je crois que c'est un contresens vis-à-vis du film parce que je crois que le film ne cesse de montrer
05:50 qu'il nous faut inventer des protocoles plus efficaces pour recueillir la parole des victimes,
05:54 que ce soit des élèves ou des professeurs, mais aussi des protocoles plus efficaces
05:58 pour protéger les professeurs lorsqu'ils sont menacés de mort.
06:01 Donc je pense que ce film qui s'inscrit dans la libération de la parole des professeurs
06:04 accompagne ce mouvement de libération de la parole des victimes.
06:08 Donc pour moi, ce genre de réaction, je crois qu'elle ne le sont pas dans le film.
06:16 J'ai l'impression qu'on ne parle pas du film quand on dit ça.
06:19 - Oui, et c'est vrai qu'ensuite elle est revenue et qu'elle a dit à Anaïs
06:22 "je comprends maintenant son parti pris" en parlant de vous.
06:25 Mais en tout cas, ça bouscule et ça sert à ça aussi, le cinéma, c'est que ça bouscule.
06:29 Mais ce qui est plus fort que tout, je dirais, dans le film, c'est vraiment de voir le pas de vague.
06:33 Comment ce professeur est lâché ? Comment une rumeur peut bousiller la vie de quelqu'un ?
06:39 Et comment progressivement, François Sybile, et tout se passe dans ses yeux,
06:43 au début il se dit "mais enfin, c'est pas possible".
06:46 Et ensuite on le voit monter dans l'angoisse, dans la peur, dans les menaces de mort.
06:51 Il a peur, il a peur physiquement et littéralement à la fin il devient parano.
06:54 C'est-à-dire que tout ce qu'il voit dans le regard de quelqu'un qui pourrait mettre en cause
06:57 en disant "il est en train de me prendre pour un violeur" devient fou, il pète un plomb.
07:01 - Oui, bien sûr, en fait l'idée c'était de montrer, d'aller jusqu'à l'acmé justement
07:05 de cette descente aux enfers, avec la dernière scène qui est une cerne d'alerte-intrusion.
07:13 L'idée c'était vraiment d'être au plus près des émotions de ce personnage-là,
07:18 mais aussi des émotions des autres personnages.
07:21 Et oui, c'est vrai, il entre dans une forme de paranoïa, parce que lorsque vous vivez
07:27 avec des menaces de mort, et avec une accusation sur le dos, ça vous pousse à la faute
07:33 parce que vous êtes extrêmement fatigué de regarder dans le regard des gens,
07:39 où ils en sont par rapport à vous, mais aussi que tous vos déplacements,
07:43 par exemple le simple fait d'aller à l'école, de sortir de l'école,
07:46 fait que ces choses anodines deviennent extrêmement complexes.
07:50 - Il y a un détail dans le film, mais un détail qui est important,
07:53 c'est que ce prof est homosexuel.
07:56 Et c'est pour ça qu'on a la preuve qu'il n'a pas pu harceler cette jeune fille.
08:02 - Alors là je ne suis pas d'accord, parce qu'on peut être homosexuel et agresser une femme.
08:06 - Oui, vous avez raison, sauf que le cœur, le noeud gordien de cette affaire-là,
08:12 c'est qu'il ne veut pas dire qu'il est homosexuel.
08:14 Et que même la CPE lui dit "ça vous aiderait de dire que je suis homosexuel,
08:18 je n'ai pas pu faire ça", il ne le dit pas.
08:21 Là aussi, lui aussi, d'une certaine manière, il ne veut pas faire de vagues ?
08:24 - Je ne sais pas si on peut le présenter comme ça, en tout cas j'avais envie que...
08:30 D'ailleurs le personnage dit, quand une collègue lui dit "mais pourquoi tu ne l'as pas dit depuis le début ?"
08:35 "mais pourquoi ça m'aurait innocenté ?"
08:37 Je ne l'ai pas utilisé, je n'ai pas voulu que le personnage soit homosexuel
08:41 pour le dédouaner d'une faute qu'il n'a pas commise par ailleurs.
08:45 Ce qui est important, c'était que cette homosexualité allait renforcer la pression autour de lui.
08:52 Puisqu'il allait apparaître un peu plus étrange à ses collègues,
08:55 parce que comme il ne leur a pas dit, ils peuvent avoir cette réflexion de se dire
09:01 "mais s'il ne nous l'a pas dit, qu'est-ce qu'il nous cache encore ?"
09:03 - Au cœur de ce film d'une tension folle, il y a une musique,
09:07 c'est les 4 saisons de Vivaldi, qui rythme tout le film.
09:10 Je voudrais qu'on en écoute un extrait, parce que c'est vrai que ça donne cette intensité dramatique,
09:15 cette musique tout le temps lancinante qui revient.
09:17 Allez-y, diffusez-la !
09:19 Et on l'entend en permanence, elle accompagne tout le film.
09:24 On ressent l'angoisse qui monte de ce thriller, qui est vraiment un thriller altent.
09:29 On se prend l'heure et demie, on a envie de voir à la fin comment ça se termine.
09:33 Pourquoi Vivaldi ?
09:35 - C'est fou, parce que Vivaldi, c'est la sonnerie de ce collège.
09:42 C'est-à-dire la sonnerie qui découpe en heures la journée.
09:45 J'ai imaginé tout de suite ce morceau de musique,
09:51 parce que pour moi, il marque quelque chose comme un fatum,
09:54 au moment où, dans la première scène, le professeur n'a pas le temps de s'expliquer,
09:59 la classe est en train de déborder et la tragédie se lance.
10:05 Et je trouvais que ce morceau accompagnait vraiment ce moment-là.
10:09 - Votre film, Teddy Lucie Modeste, résonne avec l'actualité.
10:13 Hier, on apprenait que le proviseur de la cité scolaire Maurice Ravel à Paris,
10:16 menacé de mort sur Internet après une altercation avec une élève pour qu'elle enlève son voile,
10:20 a quitté ses fonctions. Le corps enseignant est sous le choc.
10:23 Là aussi, le proviseur était peut-être trop seul pour gérer ça,
10:29 pour faire appliquer la loi dans le collège ?
10:32 - Je ne sais pas. En tout cas, cette nouvelle me rend extrêmement triste.
10:36 Je la découvre ce matin avec vous.
10:39 J'ai l'impression quand même que le ministère a pris conscience de la gravité
10:46 et qu'ils sont intervenus assez vite.
10:48 Mais j'ai l'impression que ça n'a pas suffi, puisque le collègue a décidé de quitter ses fonctions.
10:54 Et ça, c'est terrible, parce que c'est une défaite.
10:56 - C'est une défaite de l'État ? C'est une défaite de la République ?
10:59 Les proviseurs doivent quitter ses fonctions parce qu'il est menacé de mort ?
11:02 - C'est une défaite collective, parce qu'on n'arrive plus, j'ai l'impression,
11:06 de plus en plus à se parler les uns les autres.
11:09 À un moment donné, j'avais même appelé mon film "Les uns contre les autres".
11:13 Et j'ai l'impression que c'est ça.
11:15 Il y a plein de discours qui nous montrent les uns contre les autres et qu'on n'arrive plus à se parler.
11:18 Et l'école, c'est justement l'endroit qui peut favoriser la possibilité de se parler.
11:22 - Gabriel Attal, quand il était ministre de l'Éducation, avait promis la fin du pas de vague.
11:27 Vous la voyez venir, la fin du pas de vague ?
11:29 Vous avez l'impression que les professeurs sont plus soutenus ces derniers mois ?
11:33 - En tout cas, j'ai l'impression qu'il y a une prise de conscience.
11:36 Parce que, je ne sais pas si vous vous rappelez, mais le ministre Jean-Michel Blanquer
11:39 avait dit qu'il ne voulait pas entendre parler du pas de vague.
11:41 Et quand M. Attal est arrivé au ministère, il a dit qu'avec lui, ce serait terminé.
11:46 Donc, entre les deux ministres, il y a quand même eu une évolution et une prise de conscience.
11:51 Après, il faut que...
11:53 Voilà, il faut que...
11:54 Donner les moyens, justement, pour qu'il n'y ait plus de pas de vague.
11:58 - Vous dites "mon film est un cri d'alerte, un appel à l'aide".
12:01 Pour moi, c'est un appel à l'aide pour l'école, pour aider les enseignants, pour ne pas les laisser seuls.
12:07 Évidemment, on pense à Samuel Paty et à Dominique Bernard.
12:11 Qu'est-ce que leur assassinat a changé dans le corps professoral ?
12:15 - Je crois que ces assassinats ont frappé d'effroi tous les professeurs.
12:20 En fait, j'imagine que...
12:25 Chaque professeur, maintenant, qui se rend sur son lieu de travail,
12:29 imagine qu'il peut y être assassiné.
12:32 Et ça, c'est terrible, parce que je crois qu'on n'a pas encore mesuré toutes les conséquences
12:36 de ces deux assassinats.
12:38 - Teddy Lucimodeste, vous êtes issu, on le dit, au début, d'une famille de gitans.
12:42 Vous n'auriez jamais dû poursuivre votre scolarité.
12:44 Vous auriez dû rejoindre votre père sur les marchés, après le CM2.
12:48 Qu'est-ce qui a changé le parcours ?
12:52 - Alors, il y a deux choses. L'amour des livres, déjà, très tôt.
12:57 Et l'autre chose, moins glorieuse, disons, c'était que...
13:03 La série américaine me donnait l'image de campus avec des gens jeunes et très beaux.
13:07 Et je me disais "Ah, moi j'ai envie d'aller dans ces lieux-là".
13:11 - Et comment ça s'est fait concrètement ?
13:13 Qui a dit à vos parents "il faut qu'il continue l'école, ce garçon" ?
13:16 - Donc, en CM2 se joue ce moment charnière.
13:19 Je devais rejoindre ensuite mon père sur les marchés.
13:22 Et il y a deux personnages très importants, à ce moment-là.
13:26 C'est un prêtre qui s'occupe des gitans à Grenoble,
13:29 qui est venu parler à mon grand-père,
13:31 qui était un homme très engagé dans la reconnaissance,
13:34 dans la lutte pour les droits des gens du voyage.
13:37 Et en fait, ces deux personnages ont parlé à mon père,
13:41 et j'ai pu continuer au collège.
13:44 - Il a accepté facilement ?
13:46 - Il a accepté facilement. Alors, bizarrement, ce qui a été le plus difficile,
13:50 c'était le moment où je passe le concours d'une école de cinéma en secret.
13:56 Et lorsque je réussis le concours,
13:59 je dis que je vais devoir partir à Paris.
14:02 Et ça, c'était vraiment impossible pour lui,
14:04 parce que chez les gitans, on part de chez soi seulement lorsqu'on est marié.
14:08 - C'est mal barré !
14:10 Enfin si, vous pouvez vous barrer !
14:12 - Oui, oui, c'est possible.
14:14 - Aujourd'hui, quelles sont vos relations avec votre famille,
14:16 avec les gens du voyage, avec votre communauté ?
14:19 - Je me sens à la fois profondément gitan et profondément français.
14:26 Et mes rapports avec ma famille sont très bons.
14:32 En fait, c'était difficile pour eux de comprendre mon amour des livres,
14:35 mais mon amour des films, ils le comprennent très bien,
14:38 parce qu'eux-mêmes aiment le cinéma.
14:40 Donc c'est plus facile.
14:42 - Vous allez reprendre un poste de prof de français à la rentrée, en septembre ?
14:46 - J'aimerais, oui.
14:47 - Vous avez envie ?
14:48 - Oui, très.
14:49 - Ça vous manque d'enseigner ?
14:50 - Ça me manque beaucoup.
14:51 Ça fait deux ans, là, parce que j'étais en train de tourner le film,
14:53 et cette année, je devais l'accompagner pour la sortie.
14:57 Mais ça me manque beaucoup, la relation aux élèves, la transmission,
15:02 ces moments de grâce.
15:04 Par exemple, justement, en sixième, on fait l'Odyssée,
15:07 mais on fait aussi d'autres textes.
15:09 Ce qui est beau, par exemple, en sixième, c'est qu'on voit apparaître sur le visage,
15:12 pas du tout au début de l'année, mais à la fin de l'année,
15:16 ce sourire quand un élève comprend l'ironie, par exemple.
15:19 Et ça, c'est quelque chose qui est très beau.
15:22 Il y a plein de moments de grâce, et c'est pour ça que j'ai envie de continuer d'être professeur.
15:25 - D'ailleurs, ce prof, ce François Civil, qui vous ressemble beaucoup,
15:29 à la fin, il dit "Moi, mon rêve, c'était d'être le prof d'une vie,
15:32 le prof qui change la vie d'un élève".
15:35 Et c'est aussi pour ça qu'il sort du cadre,
15:37 et c'est aussi pour ça qu'il va avoir cette affaire-là,
15:40 qu'il va y avoir cet incident-là.
15:42 Les impromptus, pour finir, très rapidement,
15:45 le téléphone à l'école, c'est tolérable ou pas du tout ?
15:48 - Non, ça n'est pas tolérable, et j'aimerais bien qu'il ne soit même pas tolérable
15:51 à l'extérieur, puisqu'avec les réseaux sociaux,
15:55 on a d'immenses problèmes.
15:57 - Un classique que vous détestez sans l'avouer ?
16:00 - Un classique ? - Que vous n'aimez vraiment pas ?
16:03 - Un classique que je déteste en littérature ?
16:07 - Ou que vous n'avez pas fini ?
16:12 Vous pouvez nous avouer que vous n'avez pas réussi à finir Ulysse, par exemple ?
16:15 - Ah si, oui, Ulysse ! - James Joyce ?
16:17 - Mais plutôt l'autre, celui qui s'appelle "The Finnegan's Way".
16:20 - Ça, vous n'avez pas réussi. - Ça, ça tombe des mains.
16:22 - Les groupes de niveau, vous êtes pour ou vous êtes contre ?
16:24 - Non, je ne suis plus à pour.
16:26 - Verlaine ou Rimbaud ?
16:28 - Les deux sont beaux, mais j'ai rêvé Rimbaud.
16:33 - Céline ou Hugo ?
16:35 - Hugo.
16:37 - Anatomie d'une chute ou Oppenheimer ?
16:39 - Anatomie d'une chute.
16:40 - Spielberg ou Scorsese ?
16:42 - Difficile, Spielberg.
16:45 - "Call me by your name" de Luca Guadagnino ou "Les damnés" de Visconti ?
16:49 - "Les damnés".
16:51 - Est-ce que vous comprenez le "Aya Nakamura" ?
16:53 - Bah évidemment, parce qu'en plus, elle utilisait des mots de gitan aussi, parfois.
16:56 Parce que "pouki", par exemple, ça vient du verbe "poukav", qui veut dire "balancer".
16:59 - Ah bah donc vous comprenez très bien, même.
17:01 - Oui.
17:02 - Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
17:04 - Fraternité.
17:06 - Et Dieu dans tout ça ?
17:08 - Euh... Je crois que je crois.
17:11 - Je crois que je crois. Elle est pas mal, celle-là, on la retient. On la garde.
17:15 - Merci beaucoup Teddy Lucimodeste, le film s'appelle "Pas de Vague", ça sort aujourd'hui en salles.
17:20 Allez-y, vous ne le regretterez pas.
17:22 - Merci.

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