• il y a 20 heures
À 9h20, la comédienne Ludmila Mikaël est l'invitée de Léa Salamé. Elle sera à l'affiche de la pièce “Le Prix” de Cyril Gely (mise en scène de Tristan Petitgirard) au Théâtre Hébertot à partir du 22 janvier. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mercredi-08-janvier-2025-8419705

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00:00France Inter, le 7-10.
00:07Et Léa, ce matin, vous recevez une grande comédienne.
00:10Bonjour Ludmilla Mucker.
00:12Bonjour.
00:13Merci d'être là et on est très heureux de vous recevoir ce matin, d'autant vous
00:16donner assez peu d'interviews.
00:18D'abord, mes questions rituelles, si vous étiez un écrivain, une chanteuse pop, une
00:24émotion et une heure ou un moment de la journée ? Alors d'abord, un écrivain.
00:28Un écrivain, tout de suite, je pense à Dostoevsky, c'est mon premier auteur de chevet quand
00:34j'étais petite et aussi grâce à mes origines russes, par mon père.
00:40Mais en dehors de ça, je pense que c'est l'exacerbation du sentiment, le mysticisme,
00:47le tourment.
00:48J'ai été absolument emportée, mais j'aimerais parler d'une autre personne qui est Patrick
00:52Modiano, à l'envers, au contraire, d'économie.
00:56Moi, dans ma vie, on me dit toujours « tu finis jamais tes phrases » et tu me fais
01:01penser à Modiano.
01:02Donc j'ai une sorte de cousinage, il ne le sait pas, mais maintenant peut-être qu'aujourd'hui
01:06il va le savoir, en dehors du fait que j'adore son écriture.
01:10Vous ne terminez jamais vos phrases, j'espère que vous allez terminer ce matin.
01:14Si vous étiez une chanteuse pop ?
01:16Alors, Amy Winehouse, parce que la voix brisée, le cœur brisé, pas forcément pour le
01:25choix de vie qu'elle a fait et encore, mais c'est quelqu'un qui… La première fois
01:29que j'ai entendu, j'ai dit « mon Dieu, c'est qui ? ». Je la trouvais belle, libre
01:35et en même temps totalement en dépendance, mais voilà, une immense artiste.
01:39Une émotion ?
01:40Alors, une émotion, je pense que ce serait le fourrir.
01:43En fait, parce que je pense que ce qui me lie aux gens, c'est un fourrir, au moins
01:52un fourrir, pour devenir amie, pour devenir amoureuse.
01:56S'il n'y a pas de fourrir, c'est l'expression d'une sorte, évidemment, de complicité,
02:01de liberté.
02:02Le rire, j'aurais pu dire, mais le fourrir, ça me ressemble le plus.
02:06Oui, on peut en témoigner avec Nicolas, c'est le fourrir qui nous rassemble.
02:12Donc, vous comprenez.
02:13Un moment de la journée ?
02:15Le lever du jour, je pense, parce que je n'aime pas tant que ça la nuit et de moins en moins,
02:19j'ai peur la nuit.
02:21C'est peut-être pour ça que je fais du théâtre le soir.
02:23Au moins, pendant ce temps-là, on s'occupe à autre chose que d'avoir peur.
02:27Tout peut recommencer.
02:31Il y a l'espoir.
02:32Le matin, je suis extrêmement optimiste, extrêmement active.
02:36J'apprends mes textes le matin.
02:38Et puis, je prends le petit déjeuner qui est quand même un moment.
02:42La tartine grillée quand même.
02:44Vous savez quoi ?
02:45Vous allez nous faire au moins cinq fourrirs, juste sur le relais.
02:47Il fait du bien, en fait.
02:48Vous ne parlez pas, vous riez.
02:49Jeanne Moreau disait « Un personnage, c'est comme une peau qu'on jette mais qui vous laisse des traces ».
02:54Êtes-vous d'accord avec elle ?
02:55Et puis, j'avais envie de vous la citer, Jeanne Moreau, parce que vous avez joué sous sa direction.
02:59C'était la première fois qu'elle m'était en scène au théâtre.
03:02C'était en 2000.
03:03Et j'avais envie de vous entendre sur Jeanne Moreau.
03:05Alors, Jeanne Moreau, ça a été une rencontre…
03:08C'est une actrice que j'idolâtrais.
03:10Moi, j'étais très cinéphile.
03:12Je voyais tous les films par vagues.
03:14Donc, tout Jeanne Moreau.
03:17Un jour, on m'appelle « Allô, bonjour, je voudrais vous rencontrer ».
03:21Et donc, je la rencontre au Royal Monceau.
03:23Et j'ai eu très peur.
03:24Et dans un premier temps, j'ai refusé.
03:26Pour que finalement, elle ait la bonne idée d'insister.
03:28Et on a fait une pièce américaine qui s'appelle « Un trait de l'esprit »
03:31où je jouais une cancéreuse en phase terminale.
03:34Donc, c'était assez dur.
03:35Et Jeanne a été extrêmement exigeante.
03:38C'était un génie de la direction d'actrice, je dirais.
03:42Parce que c'était un rôle d'une heure et demie non-stop.
03:46Et je crois qu'elle m'a bien aimée.
03:48Son ami Jean-Claude Brialy me disait, et que j'aimais beaucoup aussi,
03:52« Mais c'est formidable.
03:53Tu es sans doute la seule actrice dont elle ne dit pas de mal. »
03:56Mais ça a été.
03:59Par rapport à la peau, je suis d'accord avec elle.
04:04Je pense qu'il est conseillé de laisser son personnage sur un porte-manteau en sortant.
04:08Malheureusement, ça colle un peu plus longtemps.
04:10Et ça laisse des traces.
04:12Vous êtes l'une de nos comédiennes les plus brillantes et les plus charismatiques.
04:15Ludmila Mikhaël, la seule dont Jeanne Moreau ne dit pas de mal.
04:18Vous avez eu une carrière exceptionnelle au théâtre, à la Comédie-Française.
04:21Vous avez été pendant 20 ans jouant à Elvire, Bérénice ou Fèdre
04:24avec les plus grands, Gruber, Vitesse et d'autres.
04:26On vous a vu au cinéma, dans Noces Blanches, dans Vincent, François, Paul et les autres.
04:30Récemment, dans En Fanfare, le clarton de l'année.
04:33Oui, c'est vrai.
04:34C'est une petite participation.
04:36Et pourtant, vous êtes assez secrète.
04:37On vous connaît peu.
04:38Vous aimez cette discrétion.
04:40En fait, je pense que sans doute je l'aime.
04:43C'est parce que je suis comme ça.
04:44Je pense que j'étais incroyablement timide pour dire les choses simplement.
04:49On peut dire les choses gentiment en disant discrète.
04:52Je ne sais pas quoi dire en dehors de l'exercice de mon travail.
04:58Vous savez, moi j'ai passé 20 ans au français.
05:01Et ce n'était pas du tout bien vu.
05:04On est une troupe.
05:06Il n'y avait pas de stars.
05:08Pas de stars.
05:09Aujourd'hui, il y en a.
05:10Aujourd'hui, il y en a.
05:11Mais en tous les cas, on ne pouvait pas s'adonner tout d'un coup à l'exhibitionnisme,
05:15à raconter ses recettes du risotto ou à parler de son nouvel amant.
05:18Je veux dire qu'il y a quelque chose.
05:20Donc si tu veux, c'était sérieux.
05:23Maintenant, ça ne veut pas dire que je suis sérieuse.
05:25Mais peut-être que j'ai pris cette habitude un peu austère.
05:29Vous serez à partir du 22 janvier à l'affiche d'une des pièces événements de cette rentrée.
05:33Le prix, toute médaille à son revers, une pièce de Cyril Gély.
05:36Et vous partagez l'affiche pour la première fois avec Pierre Arditi.
05:39Vous dites que c'était un rêve.
05:41Tous les deux, vous aviez ce rêve-là de jouer au théâtre ensemble.
05:43Absolument.
05:44Moi, je suis sortie du français il y a déjà 37 ans, ce qui est vertigineux.
05:47Et en fait, à partir de ce moment-là, Pierre, que j'admirais beaucoup au théâtre, au cinéma.
05:52Vous savez, on se rencontre, on vient se féliciter dans les loges.
05:55Et tout le jour, on disait on va jouer ensemble.
05:57Vous avez attendu 37 ans pour y arriver.
06:00Voilà, exactement.
06:01Pendant des années, on a évoqué, je ne dis pas tous les mois, mais au moins une fois par an,
06:05un projet possible.
06:07Et il y a 3-4 ans, il m'appelle, il me dit je crois, Ludmilla, que j'ai la pièce.
06:12Pour nous.
06:13Qui correspond.
06:14Effectivement, je lis ce texte.
06:16J'ai un coup de fou pour ce texte.
06:18Gély avait écrit « Diplomatie ».
06:20C'est un très grand auteur.
06:21Et ça a mis du temps.
06:23En fait, il y a eu beaucoup de péripéties pour arriver enfin au 22 janvier, là, à Héberteau.
06:28Et c'est comme une sorte d'accouchement.
06:30Mais merveilleux.
06:31Mais c'est vrai que l'histoire est fascinante.
06:33C'est une pièce historique tirée d'une histoire vraie.
06:35Celle d'une femme scientifique.
06:36Une grande physicienne qui s'appelle Lise Meitner.
06:38Qui fut, comme beaucoup d'autres, oubliée par l'histoire.
06:40On est en 1946, le 10 décembre, au Grand Hôtel de Stockholm, en Suède.
06:44Et un homme, Otto Hahn, scientifique lui aussi, s'apprête à recevoir le prix Nobel de chimie
06:49pour ses travaux qui ont permis la découverte de la fission nucléaire.
06:52Et il est dérangé par cette femme, dans sa suite, qui vient le voir, Lise Meitner.
06:56Qui a été sa collaboratrice pendant 30 ans.
06:58Qui a très largement contribué, évidemment, à ses travaux scientifiques et à ce prix Nobel.
07:02Sauf qu'évidemment, ce n'est pas elle qui reçoit le prix Nobel.
07:04Et elle vient régler ses comptes avec lui.
07:06C'est ça, le pitch de la pièce.
07:08C'est absolument ça, exactement.
07:10Et c'est assez génial, en fait.
07:11C'est extraordinaire.
07:12Mais en fait, ce qui est bien, c'est que...
07:14Ça donne envie, quoi.
07:15En tous les cas, elle habite Stockholm.
07:16C'est le hasard qui fait que lui est là depuis une semaine à Stockholm avec sa femme.
07:19Qui passe sa vie à donner des interviews, etc.
07:22Elle habite Stockholm car elle est partie.
07:25Elle a dû quitter Berlin en 1938 parce qu'elle était juive.
07:29Et elle a finalement continué son métier de physicienne à Stockholm.
07:34Évidemment, elle sait qu'il est là.
07:36Elle entend parler de lui et elle arrive.
07:38Et en fait, ce qui est bien, c'est qu'on ne sait pas comment les choses vont tourner, on va dire.
07:42Ça commence d'une façon mondaine.
07:47Et très vite, on va voir qu'effectivement, elle a plusieurs...
07:50Elle en a sur le cœur.
07:51Elle en a sur le cœur.
07:52En fait, c'est quelqu'un qui pousse l'autre à se souvenir.
07:55C'est tout le temps « rappelle-toi ».
07:56Et ce qui est bien, c'est qu'en temps réel, lui, il aimerait bien qu'elle s'en aille.
08:00Parce qu'il faut qu'il mette son costume.
08:02Et qu'il a un peu mal à l'estomac.
08:04En fait, ils l'aiment énormément.
08:05Ce sont des amis.
08:06Ce sont des gens qui ont travaillé l'un avec l'autre de façon très très étroite.
08:10Et elle va ressortir les dossiers.
08:13Mais de façon...
08:15Jusqu'à la fission nucléaire.
08:17C'est quand même le sujet.
08:18Qui est le sujet pour lequel il a pris la nouvelle.
08:20Et on voit aussi ce que c'est que la psychologie féminine et masculine.
08:23C'est-à-dire qu'il lui dit « oui, tu veux que je rajoute ton nom dans mon discours de truc ? »
08:26Il lui dit « mais tu ne comprends pas, ce n'est pas ça que je veux.
08:28Je veux que toi, tu reconnaisses mon apport. »
08:30Et en tout cas, dans le texte que j'ai lu, ça donne clairement envie.
08:35Ludmilla Vucael, vous avez joué les plus grands rôles.
08:38Obtenu plusieurs prix depuis le Conservatoire.
08:40Intégré à la Comédie-Française à l'âge de 20 ans, très jeune.
08:43Et pourtant, vous disiez sur France Culture il y a quelques années que plus le temps passe,
08:46plus vous aviez peur face à un nouveau projet, face à un nouveau rôle.
08:49Plus vous avez peur de ne pas être à la hauteur.
08:51Pourquoi ?
08:52Quand on a de l'expérience en général.
08:54Mais je ne sais pas pourquoi.
08:56J'aimerais bien que ce ne soit pas le cas parce que ce n'est finalement pas du tout confortable.
09:00Bien sûr, on a des bases techniques acquises, beaucoup plus grandes que quand j'ai démarré.
09:06Mais tout est à refaire au sens de l'incarnation.
09:10Parce qu'il y a des choses incroyables qui se passent.
09:13Je pense qu'il y a des points d'interrogation.
09:15C'est comment on va s'entendre avec un metteur en scène par exemple.
09:17Même on peut ne pas s'entendre, moi ça m'est arrivé.
09:19Je ne vais pas me citer de nom, de ne pas m'entendre avec des metteurs en scène archi reconnus.
09:23Est-ce qu'on va vraiment s'entendre avec son partenaire ?
09:26Est-ce qu'on va vraiment arriver ?
09:28On peut adorer un personnage en le lisant.
09:31On peut avoir envie et puis finalement on passe à côté.
09:34Je pense que c'est l'inconnu de ça qui fait qu'on a peur.
09:38Il y a une drôle de coïncidence, une jolie coïncidence en cette rentrée théâtrale.
09:42C'est que votre fille Marina Hans joue en ce moment à la comédie française.
09:47Dans votre maison que vous avez tellement marquée, qui est maintenant la sienne.
09:51Une pièce qui a profondément marqué votre carrière, c'est le soulier de satin de Claudel.
09:56Mise en scène il y a 38 ans par vitesse où vous jouiez prouèze.
10:00Et 38 ans plus tard c'est votre fille qui l'interprète sous la direction d'Éric Ruff.
10:05Qu'est-ce que vous avez ressenti quand elle vous a dit je vais faire le soulier de satin ?
10:09Mais j'ai été extrêmement heureuse.
10:12Parce que je connais bien la pièce, je connais bien le personnage.
10:17Et je pense qu'elle est née pour jouer ce rôle.
10:21Je ne peux pas vous expliquer.
10:24De toute façon, on va faire une mini parenthèse sur ma fille.
10:27C'est compliqué en tant que mère.
10:29Je peux toujours être taxée de sorte d'aveuglement de mère.
10:33Je ne le suis pas en fait.
10:35Je pense qu'elle a un immense talent et que je suis si heureuse qu'on le reconnaisse.
10:39Et là en ce moment il faut un triomphe.
10:42Vous avez vu la pièce ?
10:43Pas encore, je suis incessamment là.
10:45Vous allez y aller ?
10:46Oui.
10:47Et elle a peur que sa mère vienne la voir ?
10:49Je pense qu'il y a toujours une chose.
10:52C'est compliqué mais moi j'étais comme ça aussi avec ma propre mère, avec les gens très proches.
10:56En fait on n'a pas envie forcément qu'ils viennent tout de suite.
10:59Parce qu'on est beaucoup plus lisibles.
11:02Mais je pense qu'il n'y a pas une autre actrice en tout cas à la comédie française pour interpréter ce rôle.
11:09Elle jouait déjà une pièce de Claudel que vous aviez jouée, le partage de midi.
11:13Et je voudrais qu'on l'écoute Marina Hans qui parle de ces liens entre vous.
11:17Je pense que je n'aurais pas pu faire le partage de midi si je l'avais vue, elle dans le rôle.
11:22J'aurais jamais osé.
11:23Pourquoi ?
11:24Parce que j'aurais été trop intimidée par la vision magnifique que j'ai d'elle.
11:30Et j'aurais été tentée soit de faire la même chose, soit de faire carrément autre chose pour me démarquer.
11:35Ça n'aurait pas été intéressant.
11:37C'est merveilleux, je ne connaissais pas cette interview.
11:41On sent qu'il y a beaucoup d'admiration.
11:44Mais c'est complètement réciproque.
11:47J'ai beaucoup beaucoup d'émotions je dois vous avouer.
11:52J'ai lu partout et puis j'entends qu'ils ont ce succès.
11:56Ce que je trouve magnifique de la part de Russes c'est que la pièce a été créée du vivant de Claudel.
12:01Il y a des photos d'ailleurs sur ces sièges où ces gens sont là en ce moment.
12:07Avec Marie Belle, avec Barreau et c'est là que c'est né.
12:10Le soulier de Satan revient à la maison.
12:12Nous on l'a fait avec Vitez à Chaillot et à Vignon.
12:16Mais là ils reviennent, je ne sais pas comment expliquer.
12:18J'ai l'impression qu'il est là aussi Claudel.
12:22Important Claudel pour vous.
12:24Très.
12:25Mais en fait c'est un peu hasard.
12:27C'est Jean-Marie Serot, avant Antoine Vitez, qui m'avait distribué dans Le Pain Dur de Claudel.
12:33En fait il y a une grande époque.
12:35Ce qui a révolutionné je pense la comédie française dans la fin des années 60, c'est Pierre Dux.
12:41Pierre Dux qui était un homme un peu austère comme ça.
12:45On pouvait penser trop classique à Cali.
12:47Pas du tout.
12:48Il avait une ouverture sur le monde et sur les metteurs en scène.
12:50Il fait venir Jean-Marie Serot qui était un type qui avait monté Beckett avec Roche.
12:56Et ils vont commencer à révolutionner le français.
12:58Ils vont commencer et c'est ça.
13:00Après Vitez est venu à une répétition.
13:02Il m'a proposé Partage de Midi.
13:04Et puis à ma sortie il m'a proposé Le Soulier de Satin.
13:06Et là vous dites ce que Claudel apporte aux femmes.
13:08Les rôles féminins sont extrêmement forts et s'opposent aux hommes etc.
13:12Et Le Soulier de Satin on avait reçu Éric Ruff.
13:14Et effectivement c'est un des triomphes de cette entrée théâtrale.
13:17Et c'est très bien ainsi.
13:18Mais ce français, cette comédie française que vous avez quittée en 87.
13:21Alors que vous triomphiez.
13:23Vous dites ça a été tellement douloureux pour moi de le quitter.
13:25Que même des fois je ne passais pas par la place Colette pour éviter le lieu.
13:30C'est vrai.
13:31Ça a été très très long.
13:32Même une dizaine d'années.
13:33Mais parce qu'en fait je suis partie à un moment où personne n'a compris à vrai dire.
13:38Que vous partiez.
13:39Mais non.
13:40Parce que vous aviez 40 ans.
13:41Vous aviez envie de faire du cinéma.
13:42Et à l'époque on ne pouvait pas faire les deux.
13:43Ce n'est pas l'époque de Galienne, de Ninet, de Lafitte.
13:45Non, non.
13:46On suppliait toujours.
13:47D'abord il fallait demander des congés.
13:49On attendait le petit papier dans le casier signé de la main de l'administrateur.
13:54Oui ou non.
13:55Et il fallait se battre tout le temps.
13:57Il y a ça.
13:58Et en fait, vous savez, c'est 20 ans.
14:00Après il fallait, si je ne partais pas à ce moment-là, il y avait encore 5 ans.
14:04Enfin c'est par phase.
14:05La liberté.
14:06La porte ne s'ouvre pas.
14:07Et je me suis dit, surtout je ne veux pas vieillir là.
14:09Je ne sais pas pourquoi.
14:10Et parce que je suis rentrée très jeune.
14:12Je n'avais rien connu.
14:13Vous aviez envie de vieillir au cinéma.
14:15Je voulais comprendre ce qu'était la vie d'un acteur normal.
14:19C'est comme si on ouvre la porte.
14:22Mais c'était douloureux.
14:23Et en même temps douloureux.
14:24Et en même temps, vous dites que c'était une période où même les répétitions, quand
14:28vous arriviez au tout début en pantalon pour faire les répétitions, vous regardiez
14:31en disant, qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
14:32Une femme en pantalon.
14:33Mais moi j'ai connu totalement la bascule.
14:35J'ai connu des femmes qui répétaient en talons hauts et en chapeaux.
14:38Et nous on est arrivé, ma génération.
14:41Mais moi je suis arrivé un petit peu après.
14:42Il y a eu 4 acteurs qui sont tous arrêtés.
14:45Mais c'était ma génération.
14:47J'avais une année d'avance.
14:49Mais on m'a dit, on me faisait des réflexions effectivement.
14:52Mais en même temps, j'ai la nostalgie.
14:55J'aimerais bien raconter cette période du français.
14:58Quand on a 19 ans et demi et qu'on voit, moi j'étais en mini-jupe, j'avais les cheveux
15:02au milieu du dos.
15:03Je fumais comme un pompier.
15:05Je n'aimais que la pop music de Londres.
15:08Et que je débarque au français avec ces dames, avec cette hiérarchie.
15:12En même temps, il y avait une grandeur.
15:14Il y avait quelque chose.
15:15Une aristocratie.
15:16Une élégance.
15:17Une politesse.
15:18Je ne sais pas.
15:19Mais ce serait bien que vous le racontiez.
15:21Parce que ça fait encore peur à beaucoup de gens d'aller voir une pièce à la Comédie
15:25française.
15:26Alors que vous-même, qui êtes quand même abonné à des rôles de bourgeoise, on peut
15:29le dire.
15:30Vous venez de la banlieue d'Agnères.
15:32Ce n'était pas du tout écrit que vous alliez atterrir là à 19 ans.
15:35Ah non, pas du tout.
15:36D'ailleurs, je me sentais comme un ovni.
15:38Je n'avais pas du tout les codes.
15:40Parce qu'effectivement, à cette époque, on peut dire que c'était bourgeois.
15:43Ce qui n'est plus du tout le cas, quand même.
15:46Les choses ont changé.
15:47Je ne critique pas la bourgeoisie.
15:49Disons que c'était académique.
15:50Et qu'est arrivée toute cette folie.
15:53Et ça fait du bien.
15:55Oui.
15:56Alors vous étiez jeune, 19 ans, minijupe.
15:57Et vous écoutiez les anglais.
15:58Et vous adoriez ça.
16:00Les Beatles, absolument.
16:02Culte, culte, culte.
16:04Vous avez dansé sur les Beatles ?
16:06De toute façon, j'ai tout le temps dansé.
16:09D'abord, je voulais être danseuse, classique.
16:11Et après, j'ai été en boîte de nuit toute ma vie.
16:13Assez tard même.
16:14Heureusement, plus maintenant.
16:15Mais c'est ce que je dis.
16:16Vous êtes assez âgée.
16:17Oui, je suis assez âgée.
16:18Je suis très âgée.
16:19Je suis très âgée.
16:20Je suis très âgée.
16:21Je suis très âgée.
16:22Je suis très âgée.
16:23Je suis très âgée.
16:24Je suis très âgée.
16:25Je suis très âgée.
16:26Je suis très âgée.
16:27Heureusement, plus maintenant.
16:28Mais c'est ce que je dis.
16:29Vous êtes assez secrète.
16:30On ne vous imagine pas en boîte de nuit en train de vous déhancher.
16:32Ah si ?
16:33Et bien, c'est très bien.
16:34En fait, vous avez une liberté folle.
16:35Si je regarde votre vie, j'ai l'impression que vous quittez le français alors que vous
16:39triomphez.
16:40Vous prenez un risque incroyable.
16:41Puis à un moment, vous arrêtez pendant huit ans parce que vous décidez que vous voulez
16:44prendre une pause.
16:45C'est la liberté qui vous a guidée toujours ?
16:46Je pense que c'est…
16:48Oui, peut-être.
16:49Mais je ne pouvais…
16:50Enfin, je ne le verbalise pas comme ça.
16:53Mais en fait, je suis un peu comme une sorte d'animal au refus.
16:57C'est-à-dire que quand je ne peux pas, je ne peux pas.
16:58Je me bloque comme un âne ou un mulet ou un cheval qui refuse l'obstacle.
17:03C'est quelque chose en moi, et ce n'est pas intellectuel, c'est quelque chose de
17:08très, très organique.
17:09Je ne pouvais pas faire autrement.
17:13Vous voyez.
17:14C'est ainsi.
17:15Les impromptus pour terminer.
17:16Pourquoi vous admirez tant Marguerite Duras ?
17:20Alors, Marguerite Duras, j'ai eu de la chance.
17:23Alors, d'abord, une première chose.
17:25Avant que je sois engagée aux Français, il y a eu une petite période flottante.
17:28J'avais eu mes prix.
17:29Donc, normalement, quelqu'un qui reçoit des premiers prix est engagé systématiquement.
17:33Et là, on ne pouvait pas m'engager tout de suite.
17:35Il n'y avait pas de place.
17:36Il y a eu six mois.
17:37Et Marguerite Duras m'a reçue chez elle parce qu'elle cherchait une actrice pour
17:41détruire Vittel.
17:43Et elle ne vous a pas prise ?
17:44Elle ne m'a pas prise parce qu'elle trouvait…
17:46À l'époque aussi, j'avais rencontré René.
17:48C'étaient plutôt les gens de cinéma qui s'intéressaient à moi.
17:50Peut-être par mon côté un peu fermé, intériorisé.
17:54Et on me trouvait trop enfant.
17:56J'avais 19 ans, mais j'avais l'air d'en avoir 14 si vous voulez.
18:00Elle ne vous a pas prise.
18:01Ça a changé votre vie.
18:02Mais vous continuez.
18:03J'ai joué surtout la menthe anglaise il y a quelques années.
18:06Et vous l'admirez absolument.
18:07Et je l'admire absolument.
18:08La biographie de Laura Delaire est un de vos livres de chevet.
18:11Très rapidement, parce qu'il nous reste 30 secondes.
18:13Vous répondrez rapidement.
18:14Racine ou Corneille ?
18:15Racine.
18:16Molière ou Shakespeare ?
18:17Ça va être affreux.
18:18Shakespeare.
18:19Vous avez joué dans Vincent, François, Paul et les autres.
18:21Qui était le plus sympa ?
18:22Montant, Piccoli, Reggiani ou Depardieu ?
18:25Tous.
18:26Ils ont fait, moi.
18:27Tous.
18:28Vraiment.
18:29C'est un souvenir incroyable.
18:30Et c'est à une époque où je me suis demandé s'il fallait que je parle du français.
18:32Parce qu'ils me poussaient tous les jours pour dire.
18:35Mais pars, pars.
18:36Fais du cinéma.
18:37Viens avec nous.
18:38Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
18:41Fraternité.
18:42Vous votez ?
18:43Pas toujours.
18:44Le temps qui passe, ça vous angoisse ?
18:47Depuis quelques mois.
18:49Les réseaux sociaux ?
18:50Non, je ne suis pas.
18:52Ce n'est pas votre truc ?
18:53Non.
18:54Et Dieu dans tout ça ?
18:55Dieu est important.
18:56Enfin, Dieu.
18:57Le Dieu de Saint-François d'Assis.
18:59C'est-à-dire le Dieu à la fois des pauvres, des lépreux, des femmes, des hommes, des
19:03loups et des oiseaux.
19:04La pièce s'appelle Le Prix.
19:07Elle est jouée au Théâtre Héberto avec Ludmilla Miquel et Pierre Arditi.
19:11Rien que l'affiche, on a envie d'y aller.
19:13Elle commence le 22 janvier.
19:15Cyril Jelly pour la pièce et mise en scène Tristan Petit Gérard.
19:19Et on n'aura pas eu la recette du risotto.
19:22Il est très déçu Nicolas.

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