L'actrice, réalisatrice et scénariste Emmanuelle Bercot est l'invitée de Léa Salamé à 9h20 pour le film "L'esprit Coubertin" de Jérémie Sein, en salle ce mercredi. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-06-mai-2024-5749108
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Et Léa, ce matin vous recevez une actrice et cinéaste !
00:03 - Oui, réalisatrice. Bonjour Emmanuelle Berco.
00:05 - Bonjour.
00:05 - Merci d'être avec nous ce matin.
00:07 Si vous étiez une discipline olympique, une héroïne de roman et un défaut, vous seriez qui ?
00:13 Vous seriez quoi ? Alors, une discipline olympique ?
00:16 - Je pense le tir de vitesse, le sport qui est pratiqué dans le film pour lequel vous me recevez,
00:23 que j'ai découvert, je ne vais pas vous mentir.
00:25 - Vous avez découvert tous les JO en fait.
00:27 - Oui, oui, oui.
00:28 - C'est pas vraiment mon monde. Mais j'ai trouvé ce sport intéressant parce qu'il est très solitaire.
00:33 - On va en parler. On va en parler de ce sport, c'est pour ça que je vous interroge effectivement,
00:36 pour le film dont vous venez nous parler ce matin. Une héroïne de roman ?
00:39 - Alors, si vous le permettiez, ce sera plutôt une héroïne de théâtre, je dirais Fèdre.
00:45 - Pourquoi ?
00:46 - Parce que c'est une grande amoureuse.
00:48 - Un défaut ?
00:50 - L'impatience.
00:53 - Ouais.
00:54 - Non, vous n'aimez pas ce défaut ?
00:55 - Je pense que je vais combiner l'impatience, je pense que je l'entends à chaque fois.
01:00 - Alors l'émotivité ?
01:01 - Ah c'est...
01:01 - Ça vous l'avez jamais entendu ?
01:03 - Non, je l'ai jamais entendu. Je ne sais pas si c'est un défaut.
01:05 - Bah pour moi c'est un défaut.
01:07 - L'important c'est de participer ou l'important c'est de gagner, Emmanuel Berco dans la vie ?
01:14 - Pour moi l'important c'est de participer.
01:17 Je n'ai pas tellement l'esprit de compétition.
01:19 - L'important c'est de participer, c'est la devise des JO au cœur du premier film d'un jeune réalisateur,
01:24 Jérémy Saint. L'Esprit Coubertin qui sort mercredi avec Benjamin Voisin, Laura Felpin, Grégoire Ludig.
01:30 Une comédie déjantée, grinçante autour des JO qui sort deux mois pile avant les JO de Paris.
01:35 Très bon timing.
01:36 - Très bon timing.
01:37 - Le pitch, les JO de Paris tournent au fiasco.
01:40 Après dix jours de compétition, la France n'a gagné aucune médaille d'or.
01:44 Les athlètes enchaînent les épreuves et sont plus catastrophiques les uns que les autres.
01:48 Bref, c'est le cauchemar de Tony Estanguet.
01:50 Tous les espoirs de titre reposent sur Paul, champion du monde de tir.
01:54 Mais jeune homme immature, coincé, pas très malin.
01:57 Un rôle à contre-emploi pour Benjamin Voisin qu'on avait vu dans « Illusion perdue »
02:00 de Xavier Giannulli et dans « L'été 85 » de François Ozon.
02:03 Et un rôle à contre-emploi pour vous également.
02:06 Vous êtes sa coach, au caractère bien trempée, ultra exigeante, légèrement castratrice.
02:10 C'est assez réjouissant de vous voir dans une comédie potache, loufoque, c'est la
02:14 première fois, qui va quand même assez loin dans le politiquement incorrect, même si
02:17 elle est très poétique et humaniste aussi cette comédie.
02:21 Vous aviez envie de sortir de votre zone de confort ?
02:23 Mais ça je ne comprends jamais qu'on me parle de zone de confort comme si quand je
02:29 jouais…
02:30 C'est vous qui le dites !
02:31 Vous le dites en vous observant.
02:32 Oui, mais vous avez lu ça dans le dossier de reste !
02:34 Non, je pense que c'est une reformulation qui a été faite.
02:37 Parce que, que ce soit pour Benjamin ou moi qui nous aventurons un peu dans la comédie,
02:41 on n'est pas du tout dans une zone de confort quand on fait du drame.
02:45 C'est ce que j'allais vous dire, c'est pas plus difficile.
02:47 Oui, mais non, pas du tout.
02:48 La comédie c'est plus difficile, ça tout le monde le dit, j'enfonce une porte ouverte.
02:52 Mais par ailleurs, c'est pas pour ça qu'on est dans une zone de confort habituellement.
02:54 Non, là ce qui était intéressant et qui nous a plu à tous les deux, c'est justement
02:58 que le réalisateur Jérémy Saint pense à quelqu'un comme Benjamin et moi pour jouer
03:04 ses rôles.
03:05 Il aurait pu aller vers des choix beaucoup plus évidents, beaucoup plus attendus.
03:08 Et il a pris ce risque de venir nous chercher.
03:11 Et pour nous, ça a été le signe que c'était un auteur, un réalisateur très singulier
03:16 avec une vraie vision.
03:18 Et un vrai univers, une vraie lueur.
03:21 Une vraie originalité.
03:22 Une vraie singularité.
03:23 Il y a un peu de Dupieux quand même.
03:25 Il y a un peu dans le côté un peu baroque, absurde.
03:29 Il y a un peu de Dupieux, il y a un peu des films de Jorianne que moi personnellement
03:33 j'adorais.
03:34 Il y a un peu de l'univers de Giudapato.
03:36 Il y a un peu de tout ça.
03:38 Mais en même temps, ça ne ressemble à rien de ce qu'on voit en France.
03:42 Mais on sent quand même qu'en ce moment, après avoir prouvé vos talents de réalisatrice
03:45 de son vivant aux têtes hautes, d'actrice avec votre prix d'interprétation de Maïwenn,
03:51 on sent que vous vous amusez quand même à sortir des catégories, de faire du théâtre.
03:56 J'ai l'impression que vous vous amusez un peu.
03:57 Un peu ? De toute façon, moi je vis pour m'amuser depuis toujours.
04:01 Mais je prends ce métier comme d'abord une chance inouïe.
04:06 Et puis mon métier c'est de jouer.
04:09 Et donc de m'amuser, pour moi ce n'est pas plus compliqué que ça en fait.
04:14 On parle de votre coiffure dans le film ?
04:15 J'ai cru que vous alliez me dire ça maintenant.
04:17 Je me suis dit « merde, c'est vrai que je ne me suis pas vraiment bien coiffée ».
04:21 Non, votre coiffure dans le film, c'est très improbable.
04:24 Ça a été une trouvaille assez déterminante parce que quand je l'ai proposé, c'était
04:31 comme ça, instinctif, j'ai eu cette idée tout d'un coup.
04:33 Les nates, il ne faut pas se dire que c'est des nates à la coller.
04:37 C'est des nates collées à l'africaine, donc appropriation culturelle à fond.
04:39 Évidemment un peu ridicule, un peu ringard.
04:43 Et en même temps, quand je me suis vue avec cette coupe, je me suis dit « mais le personnage
04:47 il est là, il n'y a presque plus besoin de raconter quelque chose sur elle, on a tout
04:50 compris dans sa coiffure ». La coiffure c'est hyper important.
04:53 Vous dites qu'il ne faut pas avoir peur ni d'être moche ni d'être ridicule avec
04:56 cette coiffure ?
04:57 Non, il ne faut pas avoir peur ni d'être moche ni d'être ridicule dans tout ce qu'on
05:00 fait.
05:01 En tout cas en tant qu'acteur je veux dire.
05:02 On va écouter un extrait du film.
05:03 Vous débarquez à Paris avec Paul, donc dans le village olympique.
05:06 Et là l'organisatrice Laura Felpin vous explique qu'il n'y aura pas de chambre individuelle
05:08 parce que sa discipline le tire.
05:11 Ce n'est pas premium donc il va devoir partager sa chambre.
05:15 On écoute.
05:16 Sonia, vous me dites judo, je dis hockey, spring, pourquoi pas, champion de tir, une
05:34 chambre individuelle.
05:35 Fast touch ce que vous me demandez là.
05:37 Vous êtes en déficit de notoriété en fait Sonia.
05:39 Vous ne vous rendez pas compte.
05:40 Et vous ne les connaissez pas les mecs là.
05:41 Mais ça ne passerait jamais Sonia.
05:42 Arrêtez de répéter mon prénom déjà là.
05:44 Vous savez qu'on n'est qu'un tuple champion du monde ? On est en catégorie élite pour
05:48 le ministère.
05:49 Et moi à Pékin je suis à 0,2 de passer en finale.
05:52 0,7 c'est pareil.
05:53 Je ne suis pas à 1 ou 2 points, je suis à 0,7 points.
05:56 Ça vous parle ? C'est moi c'est ça ? Voilà.
06:01 Donc vous allez redescendre là parce que sinon moi je monte et on va se croiser.
06:04 Voilà pour donner l'idée, ça fait rigoler Nicolas Demorand.
06:08 Oui c'est vrai, j'atteste que Nicolas Demorand rigole beaucoup.
06:12 C'est une réflexion sur la gagne ce film, sur la win, l'esprit de compétition.
06:16 Comment s'en libérer, comment s'en guérir dit le réalisateur.
06:19 Paul, votre champion, il a un mantra qu'il apprend par cœur et qu'il répète toute
06:23 la journée.
06:24 C'est "on vient, on gagne, on s'en va".
06:26 Et il comprend tout le long du film qu'en fait gagner ce n'est pas forcément être
06:30 heureux, ce n'est pas forcément être épanoui.
06:31 Non, c'est qu'il découvre à travers le personnage de Jacob qui est un nageur qui
06:39 vient du Vanuatu et qui ne sait pas nager, qui est là pour dénoncer les tragédies
06:45 climatiques dans sa région.
06:46 Et à travers lui il va découvrir le désir et s'apercevoir que la vie est peut-être
06:52 ailleurs que là où il croyait, c'est-à-dire dans la gagne et la compétition et la performance.
06:57 Et il découvre effectivement le désir, le sexe, parce que c'est l'autre histoire
07:01 du film dans le film.
07:03 Et l'humanisme aussi parce qu'il va se lier d'affection avec cet athlète qui n'en
07:08 est pas un et c'est ce que raconte le film finalement.
07:12 En fait je trouve que c'est un film sur la fraternité.
07:15 Il y a une douceur en tout cas.
07:19 Je suis contente que vous l'ayez vu.
07:20 Il y a une vraie douceur.
07:22 C'est un film totalement loufoque et en même temps très doux.
07:25 Et assez "watté".
07:27 "Watté" ?
07:28 Oui, il y a quelque chose d'assez "watté".
07:32 Et je sais que le réalisateur dit qu'il avait envie de faire un film de crèche et
07:38 que le film ressemble à la crèche de sa fille.
07:40 Et je trouve que ça définit tellement bien le film.
07:42 C'est joli.
07:43 Du coup vous allez suivre les JO dans deux mois ou toujours pas ?
07:45 Non, je ne les suivais pas avant.
07:47 Ce n'est pas parce qu'ils auront lieu à Paris que je vais les suivre.
07:49 Non.
07:50 Non, d'accord.
07:51 Le JO bashing, vous y participez ?
07:52 Ah non, par contre moi le bashing, ce n'est pas du tout mon truc.
07:55 Vous êtes content ?
07:56 Oui, je trouve ça génial pour Paris.
07:57 Pas mal pour la France.
07:58 Je pense que les Français sont hyper, ceux qui aiment le sport sont hyper fiers que ça
08:02 se déroule chez nous.
08:03 Plein de gens vont pouvoir voir les compétitions.
08:05 Je trouve ça très joyeux.
08:06 Et puis ce soir, Emmanuelle Berco, grand soir quand même.
08:09 Vous êtes nommée homolière dans la catégorie de la meilleure comédienne dans un spectacle
08:13 de théâtre public dans le diptyque "Après la répétition, persona d'Igmar Bergman,
08:18 mise en scène Yvo Van Hoven".
08:19 Là c'est important de participer ou de gagner ce soir, homolière ?
08:22 Moi j'ai toujours un problème avec ces trucs-là.
08:25 C'est que forcément ça me ferait plaisir de gagner mais j'ai trop peur de devoir monter
08:28 et faire un discours.
08:30 Donc au moment où je me dis pourvu que ce ne soit pas moi, pourvu que ce ne soit pas
08:33 moi, c'est comme ça.
08:34 C'est compliqué pour moi.
08:36 Vous dites que le théâtre, la scène, c'est l'endroit au monde où vous vous sentez le
08:40 mieux, où vous vous sentez le plus heureuse.
08:41 Plus encore que devant ou derrière une caméra de scène.
08:44 Ah oui, sans commune mesure.
08:45 Pourquoi ?
08:46 Parce qu'il y a quelque chose de totalement pur.
08:49 D'abord dans le jeu, puisque le jeu n'est pas fragmenté, n'est pas en petits morceaux.
08:55 On joue en temps réel, dans une continuité.
08:57 Et puis on a cet échange avec le public qui n'existe pas du tout au cinéma.
09:03 Et puis pour moi le théâtre c'est la fondation du jeu.
09:07 C'est archaïque.
09:08 Ça existe depuis toujours et ça ne disparaîtra jamais.
09:10 Et j'ai vraiment l'impression d'être dans quelque chose de totalement organique quand
09:15 je suis sur une scène de théâtre.
09:17 Et c'est vrai que ça me rend très très heureuse.
09:19 Vous êtes bien là quoi.
09:20 Oui c'est ça.
09:21 Vous incarnez les deux faces d'une comédienne vieillissante, incapable de trouver sa place
09:25 dans le monde du spectacle, qui l'abandonne petit à petit.
09:27 C'est un engagement total de votre part dans ce rôle.
09:29 Vous vous mettez littéralement à nul.
09:31 La pièce commence, vous êtes nue.
09:32 La photographe Bettina Reims dit qu'il n'y a rien de plus déchirant que de voir une
09:35 actrice vieillir, de voir son image se faner.
09:38 Écoutez-la.
09:39 C'est une chose intolérable pour elle.
09:42 C'est insupportable.
09:43 C'est insupportable.
09:45 Une actrice avec laquelle j'ai travaillé a demandé à être éclairée à la bougie,
09:51 a refusé que je mette des lampes, a demandé à être maquillée à la bougie.
09:55 On a mis un tissu noir devant le miroir qui était devant la table de maquillage.
09:59 Pour ne pas se regarder, pour ne pas que les autres la voient comme elle était.
10:05 Et les séances de retouches sont des choses absolument déchirantes.
10:09 Qu'est-ce que ça vous inspire ?
10:11 Ça m'inspire que c'est probablement plus difficile pour une actrice de vieillir que
10:20 pour une femme qui n'est pas actrice parce qu'on est sans cesse renvoyée à notre image.
10:26 Et que c'est difficile d'abandonner l'idée de la beauté et de la jeunesse quand on est
10:33 actrice.
10:34 Mais je crois, moi, en tout cas, c'est la réflexion que je me fais.
10:37 Si on ne l'accepte pas, on est très très très malheureux.
10:40 Et vous l'avez accepté, vous dites ?
10:42 Moi je l'accepte parce que sinon je sens que je vais être très malheureuse.
10:47 Parce que malheureusement je ne peux rien faire pour arrêter la dégradation liée
10:51 à la vieillesse.
10:52 Mais on peut quand même dire qu'il y a de plus en plus de rôles pour les femmes de
10:55 plus de 50 ans.
10:56 Les choses sont quand même en train de changer à la vitesse grand V de ce point de vue-là.
11:00 Moi je peux le dire en tout cas parce que je n'ai jamais autant travaillé que maintenant.
11:04 Et évidemment je ne suis pas la seule, on est nombreuses dans ce cas-là.
11:06 Et on ne peut plus effectivement dire qu'il n'y a pas de rôle pour les femmes de plus
11:10 de 50 ans.
11:11 C'est absolument pas vrai.
11:12 Mais il faut encore que ça progresse et que les auteurs soient inspirés d'écrire aussi.
11:19 Parce que le théâtre il y aura toujours.
11:20 C'est ça aussi l'avantage du théâtre sur le cinéma, c'est les textes qu'on peut jouer.
11:24 Mais les auteurs de cinéma ou de séries, il faut qu'ils incluent les femmes qui n'existent
11:33 plus par leur superbe.
11:35 Quoique, en vrai je dis ça parce que moi j'ai fait trois films avec Catherine Deneuve
11:40 que je trouve la plus belle femme du monde.
11:42 Monica Bellucci, elle sera toujours plus belle qu'une fille belle de 20 ans.
11:47 Vous voyez ?
11:48 - Dans Madame Figaro, vous disiez petit à petit le regard séduit.
11:50 Et je pense qu'au cinéma comme dans la rue, on verra aussi de moins en moins d'hommes
11:54 de 60 ans avec des filles de 20 ans.
11:56 Il faut que les hommes acceptent d'être avec des femmes de leur âge.
11:59 - Qui a dit ça ?
12:00 - Vous.
12:01 - Oui.
12:02 - Vous êtes d'accord avec vous-même ?
12:04 - Oui, je suis totalement d'accord avec moi-même.
12:08 J'ai rien contre les hommes de 50 ans qui sont avec des filles de 25 ans, s'il leur
12:12 plaît.
12:13 Ce que je n'aime pas, c'est que la représentation systématique au cinéma de couple avec des
12:17 grands écartages ne reflète pas la vie des gens.
12:21 Et c'est vrai que systématiquement, on a un acteur de 60 ans en couple avec une fille
12:27 de 30 ans.
12:28 Pourquoi ? Je ne sais pas.
12:31 - Pourquoi ? Beaucoup de femmes connaissent aussi un franc succès en tant que réalisatrice.
12:35 Clavag, Julia Ducournau, Greta Gerwig, Justine Trier, Mai Wen, vous.
12:40 Ça bouge dans le cinéma ?
12:41 - Ça bouge énormément.
12:44 De toute façon, tout bouge dans le cinéma.
12:46 Vous voyez bien, sur tous les plans.
12:48 Ça bouge énormément dans le sens où il y a de plus en plus de femmes qui pratiquent
12:54 ce métier et qui accèdent à la notoriété.
12:58 Justine Trier, cette année, c'est elle la reine du cinéma.
13:03 - Vous avez aimé son film ?
13:04 - Oui, bien sûr.
13:05 Oui, bien sûr, beaucoup.
13:06 Mais je crois simplement qu'il faut…
13:10 Enfin, moi, je ne suis pas stressée là-dessus parce qu'il faut le temps aux choses de
13:12 se faire.
13:13 Il n'y avait pas de femmes réalisatrices.
13:14 C'est comme il n'y avait pas de femmes chirurgiennes, en fait.
13:18 - Oui, parce que vous vouliez être chirurgien quand vous étiez petite.
13:20 - Oui, je dis ça parce qu'il n'y avait pas de femmes chirurgiennes.
13:22 - Oui, je vous dis que il n'y avait pas de femmes.
13:23 - Et maintenant, il y en a.
13:24 Et il n'y avait pas de femmes réalisatrices.
13:25 Et il y en a de plus en plus.
13:26 Donc, vous avez laissé le temps de rattraper tout le retard qu'on a pris sur les cinéastes
13:30 masculins ?
13:31 - Je voulais aussi, Emmanuelle Barcot, revenir avec vous sur le livre d'Isile de Bescoz,
13:34 « Dire vrai ».
13:35 Il est sorti la semaine dernière.
13:37 On l'a reçu à la radio ici.
13:38 Vous ne l'avez pas lu, j'imagine, encore, parce qu'il est sorti il y a trois jours.
13:41 - Non, je ne l'ai pas lu.
13:42 - Elle raconte sa relation d'emprise avec Benoît Jacot.
13:45 Mais elle parle aussi de ses débuts difficiles au cinéma quand elle avait 14-15 ans avec
13:48 plusieurs réalisateurs et réalisatrices qu'elle cite, dont vous, Emmanuelle Barcot,
13:52 qui la fait jouer dans vos premiers films.
13:54 Elle raconte notamment une scène sur le tournage de La Puce, votre court-métrage où elle
13:58 a dû jouer une longue scène de sexe, regardant le pénis en érection d'un acteur alors
14:02 qu'elle était toute jeune.
14:03 Elle raconte aussi que vous lui avez refait faire sur un autre film plusieurs fois une
14:07 scène de baffe, que vous lui aviez demandé de maigrir.
14:09 Et elle dit, elle écrit…
14:10 - Non, non, non, j'ai jamais demandé ! Vous voyez les amalgames qui se sont faits ? Je
14:13 n'ai jamais demandé à Isile de maigrir.
14:16 Jamais.
14:17 - Vous voyez les amalgames qui se sont faits ?
14:19 - Je vais citer parce que, voilà ce qu'elle dit, les tournages avec Emmanuelle Barcot
14:23 étaient une aventure à la fois géniale et éprouvante, une expérience intime, exposée
14:27 aux yeux de tous.
14:28 A force, la violence et l'humiliation courantes sur les plateaux me sont apparues banales.
14:32 En fait, c'est juste qu'elle décrit tout un univers du cinéma.
14:36 Et des jeunes actrices de 14-15 ans dans cet univers-là.
14:40 - J'ai combien de temps là ?
14:41 - Une minute.
14:42 - Une minute ? Ah oui.
14:43 Bon, Isile, d'abord c'est la marraine de mon fils, c'est sans doute la femme dont
14:51 j'ai été le plus proche de toute ma vie.
14:53 Je n'ai aucune envie d'entrer dans une polémique avec elle.
14:55 Je comprends sa démarche.
14:59 Moi-même, je revisite toutes les étapes de ma vie, qu'elles soient professionnelles
15:04 ou personnelles, avec l'éclairage qui est le nôtre aujourd'hui grâce à la libération
15:10 de la parole, etc.
15:11 Moi-même, j'interroge beaucoup de choses.
15:13 Je fais partie de ces interrogations.
15:15 Je le comprends.
15:17 Maintenant, j'apprécie assez peu de servir de chair à canon médiatique de la promotion
15:25 de son livre et d'être citée, ou même de voir ma photo apposée au milieu de plusieurs
15:33 hommes dont on désignait comme des agresseurs ou des violeurs.
15:36 Ça, je ne l'accepte pas du tout.
15:38 Sur cette scène précise, parce qu'à un moment, je ne peux pas laisser dire n'importe
15:42 quoi, il n'y a pas de longue scène de sexe dans ce film dont personne ne cite le nom.
15:46 C'est un film qui s'appelle « La puce ». C'est mon film de fin d'études qui a été réalisé
15:52 dans le sein d'une école d'État, la FEMIS.
15:54 Quand on fait tourner une jeune fille de 14 ans, la DAS intervient.
15:59 Tout ça est très cadré, très protégé.
16:03 Le film a été sélectionné à Cannes en sélection officielle.
16:06 Il a eu le prix de la Ciné-Fondation.
16:07 Il est sorti en salle.
16:08 Il a eu une très bonne presse.
16:09 Ne faisons pas aujourd'hui comme si c'était un film un peu obscur où j'aurais fait
16:14 faire à Isil des choses pas possibles.
16:15 Donc ça vous touche, ça vous blesse en fait qu'elle vous mette dans son livre.
16:21 Mais ça me sidère.
16:22 Ça me sidère parce qu'en fait, personne ne va voir le film, personne ne va regarder
16:26 de quoi il s'agit.
16:27 On reprend des propos, des insinuations très ambigües.
16:31 C'est la manière dont elle l'a vécu.
16:33 Elle essaie de mettre des mots sur toute une histoire de sa vie.
16:35 Elle a dit elle-même qu'à l'époque, ça n'avait pas été une gêne.
16:38 Et ce plan, s'il vous plaît, que je lui ai fait regarder, c'est un plan de cinq secondes
16:43 qui raconte justement que la jeune fille aperçoit un bout du sexe en érection du partenaire
16:51 et elle détourne la tête.
16:52 Le plan dure cinq secondes et l'histoire de ce film, c'est le dépucelage d'une
16:56 jeune fille.
16:57 Ce n'est pas une longue scène de sexe, c'est une jeune fille.
16:59 Vous lirez son livre.
17:02 Oui, mais enfin, je veux dire, ma parole a aussi une valeur.
17:08 Mais c'est pour ça que je vous interroge.
17:09 On l'a entendu jeudi.
17:11 Je vous donne la parole parce que vous êtes citée dans le livre et c'est important
17:14 aussi de dire effectivement votre ressenti.
17:16 C'est bien surtout quand on est cité dans un livre de le savoir à l'avance et de
17:21 pouvoir le lire.
17:22 En tout cas, bonne chance pour les Molières ce soir.
17:25 Merci.
17:26 Et bonne chance pour l'Esprit Coubertin qui sort donc ce mercredi avec Benjamin Voisin,
17:30 Laurent Raphelpin et Grégoire Ludig.
17:32 Merci beaucoup Emmanuelle Mercot d'avoir été avec nous.