À 9h20, Jean Reno est l'invité de Léa Salamé. Le comédien mondialement connu publie son premier roman "Emma" (XO éditions). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mercredi-15-mai-2024-3601111
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Eléa, ce matin vous recevez un acteur, désormais écrivain.
00:03 - Bonjour Jean-Renaud. - Mon Dieu, c'est trop. Bonjour.
00:06 - Merci d'être avec nous ce matin. - Merci à vous.
00:09 - Si vous étiez un pays, un écrivain et un homme politique, ou une femme politique d'ailleurs,
00:14 vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:16 - Hum... - Un pays d'abord.
00:18 - La France. La France c'est sûr. - La France c'est sûr.
00:22 - La France qui est mon rêve depuis longtemps, qui a été mon rêve en tout cas.
00:26 - Vous êtes né en Espagne, vous avez grandi au Maroc, à Casablanca,
00:29 vous vivez aujourd'hui aux Etats-Unis et vous choisissez la France.
00:32 - Toujours la France, oui. Toujours, toujours.
00:35 La plus grande partie de moi est ici, bien sûr.
00:38 Il y a d'autres parties ailleurs, mais ma plus grande partie est ici, c'est sûr.
00:42 - Un écrivain ?
00:44 - Il y en a plein, mais comme il y en a beaucoup, il n'y a que Victor Hugo.
00:49 - Il n'y a que Victor Hugo. - Qu'est-ce qu'il y a de nouveau ?
00:52 Ben, Victor Hugo.
00:54 - C'est vrai que vous avez lu tous les livres de Victor Hugo ?
00:56 - Bien sûr. Et que je sais où est sa... ses maisons, et que je sais ce qu'il a fait de ses maisons.
01:03 - Vous avez fait des périples, des pèlerinages dans les maisons de Victor Hugo ?
01:06 - Oui, bien sûr. À Jersey, tout ça. - Ah ouais ?
01:08 - Oui, oui. Mais c'est étonnant, c'est un homme étonnant.
01:12 C'est une force, c'est... - Oui.
01:14 - Et c'est en même temps une préciosité, le détail, une humanité,
01:18 alors que t'as un géant qui écrit debout.
01:21 Il écrit debout, vous saviez ça ? - Non, je savais pas.
01:23 - Et il se déplaçait avec des mâles où il y avait tout ce qu'il avait écrit. Non, non, non.
01:27 - Vous êtes vraiment passionné de Victor Hugo. - J'adore.
01:29 - Et si vous étiez un homme ou une femme politique, vous seriez qui ?
01:32 - Elle m'a beaucoup touché quand j'ai fait le film "La rafle".
01:37 Elle est venue me parler. Et ça m'a fait beaucoup de bien.
01:40 - Simone Veil ? - C'est Simone Veil, oui.
01:42 - Ouais. - Oui.
01:44 - "Pour survivre, il faut raconter des histoires", disait Umberto Eco.
01:48 J'imagine que vous êtes d'accord avec lui, vous qui aimez par-dessus tout raconter des histoires.
01:52 - Mais on a une petite piste. Est-ce que c'est pour ne pas devenir fou ?
01:56 Je suppose que c'est ça, pour survivre.
02:00 - Raconter des histoires pour ne pas devenir fou ? - Oui, je pense.
02:02 - Vous seriez devenu fou, vous, si vous n'aviez pas raconté les histoires des autres ou les vôtres aujourd'hui ?
02:07 - Ah oui, si je ne peux pas raconter des histoires à mes gamins, ou à mes amis,
02:10 je disais "il faut que je te dise quelque chose".
02:12 "Attends, il faut que je te raconte un truc". Voilà.
02:14 Ça démarre tout le temps comme ça. "Attends, il faut que je te dise un truc".
02:17 Et là, pfff, ça part. Et on passe une bonne soirée.
02:20 - Jean Reno, vous êtes l'acteur inoubliable du Grand Bleu, de Léon, de Nikita,
02:24 des visiteurs, mais aussi Mission Impossible, avec Tom Cruise, le Da Vinci Code,
02:27 ça c'est pour la carrière américaine, vous aviez aussi un petit peu poussé la chansonnette, parfois.
02:32 Mais là, vous prenez votre risque en publiant votre premier roman,
02:36 Un Polar, Emma, chez Ixoédition.
02:39 Jean Reno, écrivain, ça, on ne l'avait pas vu venir.
02:42 Le livre sort demain, il a été tiré à 30 000 exemplaires, c'est beaucoup.
02:46 Il y a déjà 13 traductions qui sont prévues.
02:48 Comment vous sentez-vous à la veille de donner ce livre aux lecteurs, aux critiques aussi ?
02:54 C'est votre première fois, quoi.
02:56 - Quand j'ai vu le premier exemplaire, je vous jure que j'ai failli pleurer.
03:00 Évidemment, j'ai pensé à mon père et à ma mère.
03:05 J'ai aussi dit "Waouh", parce que physiquement, un livre, c'est assez extraordinaire.
03:10 Il y a l'odeur, tout le monde sent les pages.
03:13 J'y crois pas encore, honnêtement.
03:15 - Vous avez pensé à votre père, qui était ouvrier linotypes, ça veut dire quoi ?
03:20 - Linotypiste. Il tapait sur une linotype qui donnait des phrases à l'envers,
03:27 pour pouvoir imprimer le journal dessus.
03:29 C'était avant les ordinateurs, donc on faisait les journaux avec des linotypes.
03:35 - Donc, évidemment, lui donner ce livre-là à votre père, c'est...
03:41 Je me demande quelle est la part de l'inconscient dans le conscient tous les jours, honnêtement.
03:46 Parce que quand on parle, l'inconscient ramène des choses, il n'arrête pas de bosser.
03:51 Moi, je pensais que l'inconscient travaillait que la nuit.
03:54 C'est pas vrai, quoi.
03:56 Et donc, regardez, Linotypiste, le bouquin, je pense à lui, ça ressort.
03:59 Je n'y ai pas pensé, c'est vous qui m'amenez là.
04:02 - Oui, parce que j'ai vu ça, je me suis dit "Tiens, c'est pour ça qu'il me..."
04:05 Il vous a fallu attendre 75 ans pour que vous osiez écrire un livre ?
04:10 - J'étais beaucoup... J'étais occupé déjà,
04:12 et puis j'étais occupé avec les histoires des autres, sans arrêt, vraiment.
04:16 J'ai beaucoup travaillé.
04:17 Et le Covid a été cette frontière, ce silence, qui m'a mis, moi, dans un état...
04:24 J'étais pas bien, parce que j'ai découvert que je vivais autour d'un mot, qui est le mot "projet".
04:31 - Et là, vous n'aviez plus de projet ? - Non.
04:33 Donc, je n'existais plus.
04:34 - Et vous vous êtes mis à écrire ? - Et je me suis dit "Mais écoute, tu vas faire ça ?"
04:37 - Mais est-ce qu'il y avait une discipline chez vous ? Vous écriviez le matin, le soir, est-ce qu'il y avait quelque chose...
04:41 - Non, je rumine. Alors, comme je rumine dans ma tête, je vais en avant, en arrière, en avant, en arrière, sur l'histoire,
04:49 je ne projette pas trop, j'essaye de suivre le personnage.
04:54 C'est un raccourci, ce que je dis, mais c'est comme ça que je fonctionne.
04:58 Et puis, quand j'ai des doutes, je raconte.
05:00 Parce que je ne suis pas un écrivain, je suis quelqu'un qui raconte.
05:04 - Ah voilà, suspense, espionnage, histoire d'amour, il y a tout ça dans Emma,
05:09 qui est donc une jeune masseuse bretonne, elle a 28 ans,
05:12 et elle se retrouve à Oman, dans un centre de Thalasso,
05:15 elle va tomber amoureuse du fils d'un ministre d'Oman,
05:18 et sans le vouloir, elle se trouve mêlée à une affaire d'État,
05:21 elle devient espionne pour la France, et entre son amour et son pays,
05:24 elle devra choisir qui elle servira et qui elle trahira.
05:28 Voilà pour le pitch.
05:29 C'est une vraie masseuse que vous avez rencontrée un jour, il y a 15 ans,
05:32 qui vous a inspiré le personnage d'Emma.
05:35 - Oui, on était avec ma femme en Thalasso,
05:37 et elle m'a dit, il y a une fois, j'ai eu un massage avec une jeune fille,
05:41 aujourd'hui, il faut que tu y ailles.
05:43 Et toujours quand elle me dit ça, je lui dis, non, laisse-moi tranquille.
05:46 Et elle me dit, non, je vais te prendre un rendez-vous.
05:48 Et elle m'a pris un rendez-vous, et effectivement,
05:51 la personne était une technicienne extraordinaire du massage.
05:55 - C'est-à-dire qu'il y avait vraiment du pouvoir dans ses mains, comme Emma a du pouvoir dans ses mains ?
05:58 - C'est-à-dire que ça a commencé, le rapport entre la main et sans doute son cœur, elle.
06:04 On ne va pas parler de bouquin.
06:06 - On ne va pas déflorer le livre.
06:07 - Voilà, c'est ça.
06:08 Et ça a commencé comme ça, et petit à petit, petit à petit,
06:11 l'histoire s'est faite dans ma tête.
06:15 - Histoire d'aventure, suspense donc, histoire d'amour, d'amour et de chair.
06:19 Il y a plusieurs scènes érotiques dans le livre, Jean Reno.
06:23 Les grands écrivains disent que c'est les scènes les plus difficiles à écrire,
06:26 les scènes érotiques, parce que comment ne pas faire tarte à la crème,
06:30 ou un peu facile, la montée de l'envie, du désir, de l'orgasme qui explose, etc.
06:36 Comment éviter les passages obligés ?
06:38 Est-ce que vous avez pris du plaisir à aller écrire ces scènes de cul ?
06:41 - Bien sûr, bien sûr, mais je voulais un livre romanesque.
06:45 C'est ça que je voulais aussi.
06:47 C'est un policier, évidemment, il y a tout ce que vous voulez.
06:49 - Oui, c'est une grande amoureuse.
06:50 - Mais je voulais ça.
06:52 - Il ne faut pas mettre de loupe dans sa tête sur la scène d'amour.
06:57 Il ne faut pas grossir, pardonnez-moi les détails, c'est idiot ce que je dis,
07:01 mais ne pas survendre.
07:03 Je pense qu'il faut être dans le réel.
07:06 Quand on aime, il y a des choses que l'on fait, que l'on ne fait pas quand on n'aime pas.
07:10 Et quand c'est un vrai amour, il faut se laisser aller à la relation de la peau de l'autre.
07:16 - Oui, c'est ça, c'est la main, la peau, c'est ça qui ressort de ces scènes érotiques.
07:20 Neuf ans plus tôt, Emma a perdu sa mère alors qu'elle était, elle, au volant de la voiture.
07:24 Et depuis, depuis ses neuf ans, elle n'arrive pas vraiment à vivre sa vie,
07:28 percutée par la culpabilité et le manque de mère.
07:31 Vous aussi, vous avez perdu votre mère au même âge que votre héroïne, à 17 ans.
07:35 Ce manque de mère, il vous a poursuivi toute votre vie, il l'a marqué votre vie, Jean Reno.
07:40 - Vous me faites penser à Johnny Hallyday, tout de suite, évidemment.
07:43 C'est une blessure qui reste avec vous toute votre vie.
07:47 Et vous pouvez faire tout ce que vous voulez, elle sera là.
07:50 Et les soirs d'angoisse, elle ressortira.
07:52 C'est un manque énorme, quand on perd son père et sa mère.
07:55 Tout le monde sait ça.
07:57 - Mais quand on perd sa mère quand on a 17 ans, d'autant plus.
08:00 - C'est encore pire, parce qu'on va essayer de mettre des cataplasmes qui ne tiennent pas du tout.
08:05 Mais je suis contre tout le monde, je veux dire, c'est rien d'exceptionnel.
08:08 Tout le monde fait ça. C'est tellement difficile.
08:11 - Vous disiez dans une interview à Paris Match, à l'âge de 12 ans,
08:13 "J'ai su que je voulais devenir acteur et j'y suis parvenue."
08:16 Mais bon, il y a eu au début des années de Vache Maigre,
08:18 vous étiez vendeur à Avenue de l'Opéra, et puis un jour vous rencontrez Luc Besson.
08:23 Et votre carrière va décoller avec un film, notamment Le Grand Bleu.
08:27 Il a raconté récemment, Besson, votre rencontre.
08:29 Comment il vous voit arriver ?
08:31 - Moi, j'ai 17 ans, je crois qu'il doit en avoir 21.
08:36 On devient amis assez vite.
08:37 Et Jean, à cette époque-là, même s'il est au début, il a déjà fait un peu de théâtre, etc.
08:42 Ce qu'il propose n'existe pas.
08:45 C'était une espèce de carcasse comme ça, avec une tête d'aigle et une grosse voix.
08:48 Il n'y en a pas dans le cinéma français.
08:50 Or, moi, dans le cinéma que j'ai envie de faire, c'est du cinéma d'anticipation, de science-fiction,
08:55 c'est des trucs dans tous les sens.
08:57 Et c'est un genre d'acteur où, moi, ça m'inspire.
09:00 Ça m'inspire.
09:02 Donc, on s'est trouvés, on s'est entraidés.
09:05 C'est-à-dire que je lui ai peut-être amené, après, plein de choses,
09:09 mais il m'a amené, lui aussi, plein de choses.
09:11 Mais on a vécu toutes nos histoires, tous nos enfants, tous nos mariages, nos divorces.
09:16 On se connaît.
09:18 Les amitiés très très longues, c'est pas tout à fait pareil.
09:21 On n'a pas forcément besoin de parler.
09:23 Il peut appeler et dire "Bon, ça va ? Ouais, ouais. Bon, allez, on va manger ? Ouais, voilà."
09:29 - Oui, à l'époque, j'étais un taiseux.
09:32 - Et vous ne l'êtes plus ?
09:34 - Non.
09:35 - Vous n'êtes plus taiseux ?
09:36 - Non, le bouquin en est la preuve.
09:38 Aujourd'hui, je raconte, je raconte, je raconte.
09:40 - Et vous prenez plaisir à parler, aujourd'hui ?
09:42 - Oui, il y a un truc.
09:43 - Même à vos amis ?
09:44 - Surtout. Et à mes gamins. Beaucoup.
09:46 - Vous parlez ? Alors que pendant toute votre vie, vous n'avez pas trop parlé,
09:49 et maintenant, vous prenez plaisir.
09:50 - Grâce à la France, l'émigré que j'ai été a perdu un peu de sa peur.
09:57 Parce qu'on lui a fait une petite place.
09:59 - Grâce à la France.
10:01 - Tout le monde comprend ce que je dis, n'est-ce pas ?
10:03 - Oui, tout le monde comprend ce que vous dites.
10:04 Mais c'est marrant parce que, toujours dans le match,
10:06 quand on vous demande si Emma, ce personnage, vous ressemble,
10:09 vous avez une drôle de réponse.
10:10 Pas trop, elle est très française dans sa tête.
10:13 Ça voudrait dire que vous, vous n'êtes pas très français dans votre tête,
10:16 que vous aimez la France, mais ça veut dire quoi être français dans sa tête ?
10:19 - C'est-à-dire suivre une culture que je n'ai pas complètement, moi.
10:25 Moi, il faut me rajouter l'Afrique, et il faut me rajouter l'Andalousie.
10:29 Vous voyez ce que je veux dire ?
10:31 Mais je ne peux pas à chaque fois sortir un cocktail.
10:34 Chez moi, il doit y avoir au moins 70% de français.
10:38 Mais il reste un autre pourcentage.
10:41 - L'Andalousie et l'Afrique.
10:43 - Et l'Afrique, évidemment.
10:45 - Et d'américain, vous avez quelque chose d'américain aujourd'hui ?
10:48 - L'espace.
10:49 - L'espace.
10:50 - L'espace. J'aime l'idée de l'espace.
10:52 - Et l'idée de sortir des catégories aussi.
10:54 - Bien sûr.
10:55 - Vous avez cette phrase aussi qui dit,
10:57 si je viens de dire "je veux ouvrir un magasin de bonbons en France",
11:00 on vous regarde comme si vous étiez un fou,
11:01 aux Etats-Unis, on vous dit "c'est génial".
11:02 - Oui, ça j'adore.
11:03 - Ça y est, encore...
11:04 - J'aime beaucoup cette idée-là.
11:06 - Il y a eu Le Grand Bleu,
11:08 et puis un autre réalisateur va vous faire beaucoup tourner,
11:10 c'est Jean-Marie Poiré, qui vous donnera le rôle culte de Godefroy de Montmirail.
11:14 - Écoutez, monsieur !
11:15 - Ah !
11:16 - Madame la Comtesse ne vous connaît pas !
11:17 - Mais oui !
11:18 - Certainement, il méprise.
11:19 - Mila, on vous sépare.
11:21 - Oui, certainement. Écoutez, je vais me sauver parce que je ne connais pas mieux.
11:25 - Je suis du temps de Louis XI le Gros. Il faut que tu m'aides.
11:27 - Il faut que j'appelle du secours.
11:29 - Non, monsieur est très gentil, il va nous laisser tranquilles.
11:32 Si vous voulez, je peux vous dépaler de 50 balles.
11:34 - Je dois retourner dans mon temps.
11:36 Connois-tu un grand enchanteur ?
11:38 - Ah non, un grand enchanteur, non, mais je connais la rivière enchantée.
11:41 - Ah oui ? Et où est-elle, cette rivière ?
11:44 - Ne bougez pas, on va s'occuper de vous.
11:46 - Extraordinaire, Valérie, extraordinaire.
11:49 - Extraordinaire, hein.
11:50 - Extraordinaire.
11:51 - C'est un film que vous aimez regarder encore aujourd'hui ou non ?
11:54 - Je ne regarde pas des films.
11:56 - Vous ne regardez pas vos films ou vous ne regardez pas de films tout court ?
11:59 - Non, j'évite. C'est fait, c'est fait. Ça appartient à quelqu'un d'autre.
12:03 - Vous ne vous regardez jamais ?
12:04 - Non, non. Il y a des films que j'ai à la maison que je n'ai pas vus avec mes gamins.
12:07 Alors des fois, avec ma femme, je me disais, il faudrait leur montrer ça.
12:10 - Ils n'ont pas vu "Les Visiteurs", ils ont pas vu "Le Grand Bleu", "Léon", "Nikita" ?
12:13 - Il y en a d'autres qu'ils n'ont pas vus. Je crois qu'ils n'ont pas vu "Les Rivières Paux", par exemple.
12:17 - Jean-Marie Porré, écrit dans son livre de mémoire, on l'a reçu,
12:20 Jean Reno avait ce tic souvent d'appeler le metteur en scène "Monsieur",
12:23 comme ça se faisait du temps de Marcel Carné ou de Julien Duvivier.
12:26 Une marque de respect.
12:28 - C'est joli, ça vous appelait le réalisateur "Monsieur" ?
12:30 - Oui, j'ai vu Gabin le faire, j'ai vu ça.
12:34 Et je l'ai toujours fait, même aux Etats-Unis.
12:36 Mais aux Etats-Unis, ils le font aussi.
12:38 Oui, oui. C'est le patron.
12:41 On ne va pas être hypocrite.
12:43 Donc si on l'appelle "Monsieur", c'est évident.
12:47 - Vous avez fait des films ultra populaires, vous êtes un des acteurs français les plus aimés.
12:50 Mais est-ce que vous avez souffert de ne pas faire la couche de Télérama,
12:53 de ne pas avoir la carte du cinéma Intello ?
12:56 Ou pas du tout, ça n'a jamais été votre souci ?
12:58 - Souffert, non.
13:00 Il y a des gens qui m'ont aimé, et ça va.
13:03 On ne peut pas embrasser tout le monde sur la bouche.
13:05 Ce n'est pas possible. Je ne crois pas à ça.
13:07 - Donc ça c'était finalement populaire, c'est un beau mot aussi.
13:12 - Oui, bien sûr.
13:14 Et puis j'ai travaillé avec des gens dits intellectuels aussi.
13:17 Vivre dans le regard des autres.
13:19 - Vivre dans le regard des autres.
13:21 - Oui, vraiment. Penser et méditer.
13:24 - Jean Reynaud, le cinéma est percuté aujourd'hui par le mouvement #MeToo.
13:28 Est-ce qu'à froid, vous qui avez traversé 40 ans de cinéma français et mondial,
13:31 vous vous dites "on a peut-être laissé passer trop de choses,
13:34 trop d'attitudes, trop de gestes de ces hommes puissants du cinéma".
13:38 Et peut-être vous-même, vous avez peut-être laissé passer des choses.
13:42 - Que j'ai fait moi ?
13:44 Je ne pense pas.
13:46 - Non, que d'autres ont fait.
13:48 - Qu'on a peut-être fait par le moment ?
13:51 - Sans doute.
13:53 Mais il y en a assez aujourd'hui.
13:56 Et il faut le temps.
13:58 Alors on le dit brutement, c'est normal.
14:01 Quand il y en a assez, on le dit brutement.
14:04 Ça va se faire, ça va se passer, on va trouver un équilibre.
14:07 J'espère, parce que la situation de guerre est de soupçons de que va faire l'autre.
14:12 Vous savez qu'aux Etats-Unis, lorsque vous signez un contrat pour un film,
14:15 ils vous demandent de regarder des petites vidéos de ce qu'il ne faut pas faire sur un plateau.
14:20 - Et ça vous le faites ? Vous regardez ?
14:22 - Vous êtes obligés parce qu'ils le savent.
14:24 - Ah oui, ils savent que vous n'avez pas regardé.
14:26 - Et donc c'est obligatoire avant de signer.
14:28 Donc c'est beaucoup.
14:30 Mais il faut y aller parce que c'est une situation de rupture.
14:34 - Les impromptus, vous répondez très rapidement sans réfléchir.
14:38 Vous aimeriez adapter Emma en film ?
14:40 - Non pas en film.
14:42 Il n'y en a pas assez. Il y en a plus que pour un film.
14:45 Parce que vous savez, elle est là. Elle est tout le temps dans ma tête.
14:48 - Ce personnage ?
14:49 - Elle me hante, Emma, parce que c'est quelqu'un que j'aime beaucoup.
14:52 Et il y en a plus qu'un film sous la pédale, comme on dit.
14:55 - Vous préférez la laisser en livre ?
14:57 - Oui, pour le moment.
14:59 - La vieillesse est un naufrage ?
15:01 - Oui, bien sûr.
15:03 - Vous avez cette phrase "il faut savoir vieillir légèrement". Ça veut dire quoi ?
15:07 - Si tout le poids de vos peines pèse sans arrêt à longueur de journée,
15:13 vous allez vieillir encore plus vite.
15:15 Je sais que c'est difficile, parce que la vie n'est pas facile.
15:18 Mais il faut essayer d'être léger, de laisser ses peines et d'écouter les autres.
15:24 Parce que quand on est vieux, on n'écoute pas les autres.
15:27 - Souvent.
15:29 - Ah oui ?
15:30 - Oui, il faut se forcer.
15:31 Parce qu'on est préoccupé de ce fameux naufrage.
15:34 - Quand on vous parle de botox ou de chirurgie esthétique, vous répondez "Michel Simon".
15:38 - Oui.
15:39 - Vous avez peur de la mort, Jean Reno ?
15:41 - Ce n'est pas peur, mais c'est préoccupant. Comment ça va se passer ?
15:45 - Est-ce que vous vous ennuyez beaucoup ?
15:48 - Non.
15:50 Non, non, non, non, non. Jamais.
15:52 - Question courte. Al Pacino ou Robert de Niro ?
15:54 - Robert ? Robert ou qui ?
15:57 - Robert de Niro ou Al Pacino ?
15:59 - Robert.
16:00 - C'est votre ami.
16:01 - Alain Delon ou Jean-Paul Belmondo ?
16:04 - Jean-Paul.
16:06 - Dustin Hoffman ou Steve Martins ?
16:10 - Les deux sont formidables.
16:12 Les deux... Steve, il écoute moins.
16:15 - Ah. Elvis ou Johnny ?
16:19 - Waouh, c'est des pièges.
16:21 - Oui, vous avez le droit.
16:22 - C'est des pièges.
16:24 Johnny, pourquoi ? Parce qu'il est resté plus longtemps et nous a donné plus d'amour.
16:27 - Et puis c'était votre grand ami.
16:29 - Et pour finir, est Dieu dans tout ça ?
16:32 - Dieu ? Il y a des jours où il est là, où je me dis tiens, il est là.
16:38 Dieu, Dieu existe aujourd'hui.
16:40 Et il y a des jours où je lui dis mais pourquoi ?
16:43 Pourquoi tu nous fais ça ?
16:45 - Jean Reno, premier roman de Jean Reno.
16:47 Ça s'appelle Emma. C'est XO édition et ça sort demain.
16:51 Et merci beaucoup et très belle journée.
16:52 - Merci Léa, merci infiniment à France Inter.