À 9h20, le journaliste et producteur de radio Philippe Collin est l'invité de Léa Salamé. Il publie son premier roman "Le barman du Ritz" (Albin Michel). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-27-mai-2024-3269084
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00:00Et Léa, vous recevez ce matin un journaliste que les auditeurs d'Inter connaissent bien
00:05et qui est désormais auteur !
00:06Mais oui, bonjour Philippe Collin !
00:08Bonjour Léa, bonjour à tous !
00:09Merci d'être avec nous ce matin, si vous étiez un cocktail, une période de l'histoire
00:14et un défaut, vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:17Alors le cocktail, je vais dire le Serendipity, c'est un cocktail inventé par Colin Field,
00:25le barman du Ritz pendant 30 ans, cocktail fait à base de calva, jus de pomme, champagne,
00:32mixage de la France par un étranger.
00:33Et c'est un cocktail qui est extrêmement succulent et valable pour toutes les heures.
00:39Bien, une période de l'histoire ?
00:41Une période de l'histoire, je dirais la Belle Époque.
00:49Ah, la Belle Époque, pourquoi ?
00:53Parce que c'est l'instauration d'une joie, mais aussi d'une industrialisation, d'une modernité.
01:02Cette France-là, elle me touche à mon cœur.
01:04On parlera de Blum peut-être tout à l'heure, mais c'est là où Blum va éclore en fait.
01:07On va parler de Blum, promis ! Et si vous étiez un défaut Philippe Collin ?
01:10Un défaut, je dirais que je suis un garçon obsessionnel.
01:14Et je me fatigue avec cette obsession permanente.
01:17Et vous fatiguez les autres.
01:18Aussi, exactement, vous avez tout compris Léa.
01:21Ernest Hemingway, qui a donné son nom au bar du Ritz, disait que quand on a quelque chose de difficile à faire dire à un personnage,
01:26surtout le faire boire avant, vous en pensez quoi ?
01:29Je pense qu'il a raison.
01:32Frank Meyer disait, le barman du Ritz, le troisième verre, c'est le verre des secrets.
01:36C'est-à-dire que quand vous faites boire une personne au troisième verre, en général, il vous lâche des confidences.
01:40Donc, il faut faire boire les personnages et tout d'un coup, il vous parle un peu plus.
01:44Hemingway qui disait aussi, quand je rêve du paradis, quand je rêve de l'au-delà,
01:49je me vois au Ritz.
01:51Pourquoi le Ritz ? Pourquoi aimait-il tellement le Ritz, Hemingway ?
01:55Et pourquoi vous aussi, qui lui consacrez dans le barman du Ritz, votre premier roman ?
02:00Parce que je pense que Frank Meyer n'a pas créé un débit de boisson,
02:03mais un lieu extraordinaire de civilisation.
02:06Frank Meyer, on précise que c'est votre personnage principal, que c'est le barman du Ritz,
02:10qui a été considéré comme le meilleur barman du monde, on va en parler.
02:13Et il a créé un monde extraordinaire, un monde cosmopolite, un monde joyeux,
02:17un monde de civilisation.
02:19Et je pense que Hemingway, comme beaucoup d'Américains d'ailleurs, comme Fitzgerald,
02:22venait dans ce monde-là comme un refuge.
02:25Et voyait ça comme une sorte de refuge de la dignité humaine, sans doute.
02:30Et vous, vous avez mis du temps à ouvrir la porte du Ritz.
02:33Il y a 20 ans, quand vous débarquiez à Paris, ou quelques années après,
02:37vous n'osiez pas en fait ?
02:40Non, je n'osais pas, je suis un individu assez modeste, j'étais fasciné par le Ritz,
02:43et puis je me sentais interdit d'entrer dans cet endroit.
02:46Et j'ai eu l'occasion d'y entrer une fois, et je n'y suis quasiment plus jamais ressorti.
02:49Philippe Collin, dois-je encore vous présenter aux auditeurs ?
02:52Peut-être.
02:53Tant qu'il raffole de vos podcasts historiques, Blum, Pétain, Cléopâtre, Simone de Beauvoir
02:56et le dernier Céline, votre série de podcasts Face à l'Histoire
02:59a dépassé les 20 millions d'écoutes cumulées depuis 4 ans.
03:02C'est fou quand même.
03:03Vous êtes devenu le Alain Decaux de France Inter.
03:05J'adore, c'est un compliment que je prends.
03:07Decaux a fait un travail extraordinaire de vulgarisation,
03:10il a un art de raconter l'histoire,
03:13et donc je prends ce compliment avec beaucoup de joie.
03:15Et après, je suis le premier surpris, Léa.
03:17Je ne pensais pas que ça marcherait autant.
03:19Et dans toute l'équipe, je suis extrêmement heureux de ce qui se passe avec cette affaire.
03:22Mais là, c'est un débutant qu'on reçoit donc ce matin,
03:25puisque un primo-romancier.
03:27C'est donc votre premier roman, Le barman du Ritz,
03:29chez Albin Michel, qui raconte l'histoire, vous l'avez dit, de Frank Meyer,
03:32qui a vraiment existé, qui était considéré comme le meilleur barman du monde.
03:35Autrichien juif, naturalisé français,
03:37qui continuera de servir les Allemands pendant la guerre, au Ritz,
03:40dans ce palace qui fut un haut lieu de l'occupation.
03:43Pourquoi avoir choisi de raconter son histoire,
03:46et on va y venir, à son histoire passionnante,
03:48à travers un roman et pas un podcast ?
03:51Parce que ça aurait pu être un fabuleux podcast.
03:53Oui, c'est tout à fait juste.
03:54En fait, je crois que je voulais, avec ce livre,
03:57proposer une expérience aux lecteurs et aux lectrices,
04:00c'est-à-dire d'entrer dans la France occupée.
04:02Parce que le Ritz, ce qui est fascinant,
04:04c'est que c'est un modèle réduit de la France occupée entre 1940 et 1944.
04:06Et quand on fait de l'histoire, on n'a pas le droit aux sentiments,
04:09on n'a pas le droit à la chair,
04:11on n'a pas le droit au désir,
04:13on n'a pas le droit aux angoisses, à l'imagination.
04:16Or, la littérature offre ça.
04:19Tout d'un coup, on a le droit de réfléchir
04:21à ce qui tiraille des personnes
04:23qui sont prises dans cette marche de l'histoire.
04:25Et je me suis dit, tiens, ça fait 30 ans, Philippe,
04:27que tu malaxes la matière historique de cette période,
04:30je m'en suis fait des représentations, des idées.
04:32Peut-être que maintenant, tu peux proposer autre chose,
04:34d'aller un peu plus loin, d'offrir cette expérience,
04:36de dire, voilà, vous allez entrer au Ritz,
04:38comme si vous entriez, vous,
04:40dans cette occupation de la France entre 1940 et 1944.
04:42Mais c'est quoi, du coup ? C'est un roman ?
04:44C'est-à-dire qu'il y a une grosse partie inventée,
04:46basée sur des faits, ou c'est un document ?
04:48C'est quoi ? Vous vous situez où ?
04:50C'est un roman, évidemment,
04:52mais fondé sur des faits réels.
04:54Donc c'est beaucoup de travail, d'abord, de documentation,
04:55c'est très documenté.
04:56Et des personnages réels.
04:57Et des personnages réels, évidemment.
04:59Il y a à peu près tout le tas de galeries.
05:01Il n'y a quasiment aucun personnage.
05:03Il y a un personnage inventé, en vérité,
05:05mais tout le reste, ils ont existé,
05:07des gens du Ritz, y compris des dignitaires nazis,
05:09des officiers allemands,
05:11Sacha Guitry, Jean Cocteau, Chanel, etc.
05:13Et en fait,
05:15l'idée, c'était en effet,
05:17de proposer cette expérience,
05:19en disant,
05:21regardez, avec un roman,
05:23vous allez pouvoir vivre aux côtés de ces gens-là,
05:25y compris auprès de Hermann Göring, par exemple.
05:27C'est ce que j'allais vous dire.
05:29J'ai passé des semaines avec Hermann Göring.
05:31Parce que Göring était un des habitants du Ritz.
05:33Vous écrivez le Ritz pendant la guerre,
05:35tandis que Paris s'enfonce dans le froid
05:37et la faim, le bar tourne à plein régime,
05:39le Ritz affiche complet, tous les soirs ou presque.
05:41Bien au chaud, on boit,
05:43on rit, on trinque, on virevolte.
05:45On y trouve donc Sacha Guitry, Gabrielle Chanel,
05:47Cocteau ou Arletti, mais aussi
05:49le grand écrivain Ernst Thunger,
05:51et tout le gratin nazi,
05:53tous les hauts dignitaires nazis qui passaient par Paris
05:55allaient au Ritz, et parmi eux,
05:57Hermann Göring, le deuxième
05:59personnage du Troisième Reich,
06:01qui s'installe au Ritz,
06:03qui erre le soir
06:05dans les couloirs du Ritz,
06:07habillé en majorette,
06:09complètement défoncé
06:11à la morphine.
06:13C'est ça aussi
06:15que vous êtes resté des semaines avec Göring ?
06:17Göring, pendant les semaines,
06:19j'ai lu beaucoup de choses sur Göring,
06:21c'est vrai qu'on oublie souvent, mais Göring est un grand opioman,
06:23un grand drogué. D'ailleurs,
06:25quand il arrive au Ritz, on fait construire
06:27une grande baignoire dans sa suite,
06:29et on se dit, c'est un désir de diva.
06:31Pas du tout, c'est que le médecin
06:33prescrit une baignoire pour adoucir
06:35le manque. Et donc, en effet,
06:37il y a des témoignages qui racontent que Göring, la nuit au Ritz,
06:39est un peu délirant,
06:41avec son bâton de maréchal,
06:43joue la majorette,
06:45il est un peu habillé en satin mauve,
06:47il se maquille beaucoup.
06:49Le roman permet ça. Avec le roman,
06:51on peut rentrer dans la salle de bain
06:53d'Hermann Göring, être au plus proche
06:55de cette espèce d'ogre nazi, et comprendre
06:57une sorte de folie.
06:59Donc, le roman permet ça,
07:01cette approche du monstre, en vérité.
07:03Et au milieu de tout ça, de tous ces gens-là, il y a donc
07:05ce barman, ce Frank,
07:07qui cache sa judéité parce qu'il est juif,
07:09et qui va continuer de servir des cocktails
07:11aux Allemands. Pourquoi cette figure de Frank
07:13Meyer ? Pourquoi son histoire
07:15née en Autriche,
07:17qui a fui son milieu populaire
07:19vers New York à l'âge de 15 ans,
07:21qui a appris l'art du cocktail, qui est rentré
07:23à Paris, qui est naturalisé français ?
07:25Pourquoi il vous a fasciné ?
07:27Je crois parce que ça me ressemble,
07:29en vérité. C'est-à-dire que c'est un trajet
07:31social qui est proche du mien.
07:33Donc, ça fait longtemps que je connais Frank Meyer,
07:35il y a presque 20 ans, aujourd'hui,
07:37et qu'il me fascine depuis 20 ans.
07:39Pourquoi il vous ressemble ? Parce que c'est l'accomplissement
07:41du rêve moderne, Frank Meyer.
07:43C'est-à-dire que c'est un arrachement de racines
07:45culturelles, religieuses, sociales,
07:47pour l'accomplissement de soi-même.
07:49C'est-à-dire qu'il s'est inventé une vie
07:51pour devenir le plus grand barman du monde.
07:53Et donc, ce
07:55chemin social me touche beaucoup. Vous savez, Léa,
07:57quand on a un chemin... Aujourd'hui, il y a un mot
07:59à la mode pour dire ça. Transfuge de classe.
08:01C'est un mot très à la mode.
08:03Vous savez, quand vous faites ce chemin-là,
08:05vous êtes sensible à ceux qui ont fait ce chemin-là
08:07aussi. Et Frank, pour moi,
08:09est une sorte de mème.
08:11Et je me suis toujours dit
08:13qu'à 55 ans, en 1940,
08:15il est au sommet de sa gloire.
08:17C'est le rêve moderne accompli.
08:19Arrive dans sa vie la Wehrmacht
08:21le 14 juin 1940.
08:23Et il reste.
08:25Parce que vous dites que c'est une espèce de mème.
08:27Mais c'est aussi un personnage
08:29très ambigu.
08:31C'est un profiteur de guerre.
08:33Il fait des courbettes aux Allemands.
08:35En même temps, il va couvrir des résistants,
08:37dont la femme dont vous l'imaginez amoureux,
08:39qui est la femme de l'ex-directeur
08:41du Ritz, qui est une Américaine juive
08:43qui, elle, est une vraie résistante.
08:45Mais lui, Frank Meyer, c'est quoi à vos yeux ?
08:47Aujourd'hui, c'est un collabo ?
08:49C'est un résistant ? C'est entre les deux ?
08:51C'est terriblement humain, Frank Meyer.
08:53Il est ambigu.
08:55Au départ, quand les Allemands arrivent,
08:57il faut rappeler que Frank Meyer s'est battu
08:59sous les ordres du général Pétain en 1915
09:01à la crête de Vigny.
09:03Et quand Pétain prend le pouvoir,
09:05il se dit que la guerre est finie,
09:07Pétain va nous protéger, il est juif,
09:09et il se dit qu'il était ancien combattant,
09:11qu'il était français depuis 1921,
09:13qu'il ne risquait pas grand-chose.
09:15Et puis, il a fondé un monde.
09:17Mon rêve, celui de Frank Meyer,
09:19je crois à ce monde-là de la civilisation.
09:21Donc au début, il se dit
09:23je vais m'accommoder de tout ça.
09:25Arrivent des nouveaux clients, certes ils changent,
09:27il s'aperçoit que ce sont des clients qui sont même
09:29assez élégants, assez raffinés,
09:31assez cultivés, courtois.
09:33Donc au départ, il s'accommode très bien de ça.
09:35Et puis la marge de l'histoire va rentrer dans le ritz.
09:37Les mois vont passer
09:39et ça devient insupportable.
09:41Donc Frank Meyer, tout doucement, se dit
09:43je ne peux pas continuer à ne rien faire.
09:45Et donc c'est terriblement humain, je pense que ça correspond
09:47à beaucoup de Français de l'époque,
09:49qui se sont accommodés au départ et qui tout d'un coup se disent
09:51qu'est-ce que je peux faire désormais ?
09:53Mais c'est vrai que comme dans votre BD,
09:55le voyage de Marcel Grob
09:57qui a raconté l'histoire d'un malgré-nous d'un Alsacien
09:59enrôlé de force dans l'armée allemande,
10:01en l'occurrence l'histoire de votre grand-oncle,
10:03c'est pour ça qu'il y a, c'est vrai,
10:05un aller-retour avec ce personnage de Frank Meyer,
10:07vous semblez toujours intéressé par les figures
10:09de l'entre-deux. Ni les grands héros
10:11de la Résistance, ni les grands salauds
10:13de la Résistance. C'est les personnages gris,
10:15les personnages du milieu, les personnages
10:17ambigus, ambivalents.
10:19Parce que, sans doute, votre histoire familiale,
10:21Philippe Colin, mais c'est vrai
10:23que c'est étonnant ce Juif
10:25qui sert les Allemands.
10:27A tous les moments, quand on lit le livre,
10:29on se dit mais pourquoi il n'aura pas mis du poison ?
10:31Ben non, il n'a pas mis de poison. Il a couvert
10:33des Résistants, mais il n'a pas mis de poison.
10:35En fait, ce qui m'intéresse, c'est l'ambiguïté.
10:37Parce qu'elle est terriblement humaine,
10:39l'ambiguïté. Vous savez, vous parlez de la zone
10:41grise, moi je pense que la vie est dans le gris.
10:43Quand on a 20 ans, on aime mieux que ce soit noir ou blanc.
10:45Tu es pour, tu es contre.
10:47On s'aperçoit en vieillissant qu'en fait,
10:49la vie est dans le complexe, dans la complexité.
10:51Et c'est ça qui m'intéresse, de travailler.
10:53Qu'est-ce que raconte
10:55l'humain dans une situation pareille ?
10:57On s'aperçoit que Franck, en effet,
10:59il est plein de choses à la fois. Vous l'avez dit, Léa,
11:01un peu profiteur, voire un peu collabo.
11:03Et aussi résistant.
11:05Et c'est ça qui m'intéresse, de voir comment ça s'articule dans un être humain.
11:07Autre personnage hautement
11:09ambigu que l'on trouve
11:11dans le livre, c'est l'immense écrivain
11:13allemand Ernst Junger, qui commencera
11:15par soutenir l'arrivée des...
11:17Autre ambigu ! C'est ce que j'allais dire. Il commença par soutenir
11:19l'arrivée des nazis en 1933,
11:21qui les lâchera
11:23par la suite.
11:25On va l'écouter en 1971,
11:27Junger qui parlait parfaitement français
11:29à l'ORTF,
11:31qui raconte qu'en 1940,
11:33après la prise de Paris,
11:35on l'imagine au Ritz quand on l'écoute,
11:37il se dit ça y est, ça va être la paix.
11:39Il finit la guerre, puisque ça y est, les allemands sont rentrés dans Paris.
11:41Écoutez-le.
11:43J'ai cru à une possibilité
11:45de paix
11:47après la prise
11:49de Paris, de la ville de Paris.
11:51En 40 alors ? Oui.
11:53Alors je pensais, si Hitler proposait
11:55une Europe unie,
11:57la paix,
11:59tout le monde en France
12:01voulait, désirait la paix.
12:03Et Hitler
12:05était ce qu'on appelle
12:07un homme qui était
12:09enivré de ses succès.
12:11Elle est folle cette archive.
12:13Elle est folle et elle raconte aussi
12:15l'ambiguïté de Junger. Il faut savoir qu'en 40,
12:17donc il dit ça, il sort en même temps
12:19Les falaises de Marbre, qui est un de ses grands romans,
12:21qui est un roman anti-hitlérien.
12:23C'est-à-dire qu'au départ, je pense que Junger
12:25est assez fasciné par le projet
12:27nazi, mais à l'épreuve de la guerre,
12:29à l'épreuve de la guerre,
12:31Junger va évoluer, jusqu'à Aléa
12:33sortir de la guerre indemne
12:35et se taire pendant 50 ans.
12:37C'est-à-dire que Junger sort de la guerre, comprend qu'il s'est trompé,
12:39sans doute, à de nombreux égards.
12:41Il va vivre jusqu'en 1998
12:43Oui, oui, il continuera de venir à Paris, de voir
12:45énormément de gens à Paris, etc.
12:47Et littérairement, c'est un monument
12:49au Junger. Oui, oui, c'est un monument, c'est un grand
12:51écrivain du XXe siècle. Il s'est beaucoup trompé également.
12:53Mais il a été, comment dire,
12:55l'épreuve de la guerre lui a fait voir les choses.
12:57Il est outré par l'étoile jaune portée dans Paris, par exemple.
12:59Frank Mayer, votre
13:01barman, vous dites, il me ressemble,
13:03il a voulu s'arracher à son milieu d'origine
13:05comme vous. Vous avez grandi à Brest,
13:07Philippe Collin, maire puéricultrice, père sous-marinier.
13:09Vous disiez à Télérama, l'école et l'université
13:11m'ont beaucoup offert, je suis un gamin
13:13de la République, une incarnation du fait que ça
13:15peut fonctionner, qu'on peut offrir des horizons.
13:17Vous vouliez quoi en vous arrachant
13:19de ce milieu ? Vous vouliez trouver quoi ?
13:21Il y avait un côté rastignac de
13:23vous arrivant à Paris à 25 ans ?
13:25Rastignac peut-être ?
13:27Qu'est-ce que je voulais, Aléa ? Je voulais
13:29peut-être être heureux, tout simplement.
13:31Vivre un rêve
13:33auquel je croyais. Le rêve
13:35de l'accomplissement, mais porté par des valeurs.
13:37Je dis enfant de la République, j'y crois beaucoup.
13:39Profondément. Je crois beaucoup
13:41à ce modèle républicain, qui est un peu
13:43malmené ces temps-ci.
13:45Qu'on a tendance à oublier.
13:47Et pourtant, je suis persuadé que la solution est là.
13:49Je pense que le modèle de la République
13:51est le meilleur qui soit encore aujourd'hui
13:53en France et en Europe. Mais pourquoi s'arracher
13:55de votre milieu d'origine ?
13:57Eh bien, parce qu'il est un peu étriqué.
13:59Voilà.
14:01On ne voit pas très loin.
14:03Soudain, l'horizon est peut-être plus large,
14:05un peu plus loin.
14:07Vous avez agrandi la focale grâce à Paris,
14:09grâce à l'école, grâce à l'université. Vous avez fait votre mémoire.
14:11Et grâce à la radio. La radio qui a
14:13participé à votre émancipation.
14:15Je dois beaucoup à la radio.
14:17Vous commencez comme stagiaire, grâce à une rencontre avec Gérard Lefort.
14:19La toute première radio, le tout premier papier
14:21de Philippe Collin à la radio, c'était ça.
14:23Mon Dieu.
14:2518h53, sur Air France, à Philippe Collin. Quel est le héros chanceux
14:27du jour ?
14:29Bonsoir Frédéric. Ce soir, c'est l'histoire d'un type
14:31dont j'avais accroché le poster au mur de ma piole
14:33quand j'étais môme. Il est argentin.
14:35Il s'appelle Diego Armando Maradona.
14:37Quel accent !
14:39Ce gamin au pied d'or, qui porte le même prénom que Zorro,
14:41a fait rêver des millions de paumés
14:43et de laissés pour compte. Eh, c'est déjà pas mal.
14:47C'était Dominique Rode. Frédéric Bonneau,
14:49on est à l'été 2002.
14:51C'est incroyable.
14:53Vous avez déjà votre voix d'enfant.
14:55Bien sûr.
14:57Vous avez 28 ans. Puis ensuite, il y aura
14:59Panique au Mangin Palace avec Xavier Monuit,
15:01L'Oeil du Tigre. Et puis un jour, Laurence Bloch,
15:03l'ex-patronne d'Inter, vous dit, tu vas sortir de l'antenne
15:05pour faire des podcasts, Philippe.
15:07Là, vous auriez pu le prendre comme une sanction
15:09et vous allez en faire votre chance.
15:11C'est ça qui va vous faire changer de dimension
15:13grâce à ces podcasts incroyables qui cartonnent.
15:15Et au milieu de ces podcasts, il y a Napoléon,
15:17Cléopâtre, Simone de Beauvoir, Pétain, etc.
15:19Puis il y en a un qui est essentiel
15:21pour vous, et c'est Léon Blum.
15:23Oui, c'est mon héros depuis que je suis étudiant.
15:25On parlait de la République.
15:27Une incarnation de la République française.
15:29Totale.
15:31Une incarnation totale.
15:33C'est-à-dire que ce qui est fascinant
15:35avec Blum, c'est que
15:37il incarne, comment dire,
15:39une France qu'on aime.
15:41Une France qui porte
15:43des valeurs immatérielles.
15:45Pour Léon Blum, la France, ce n'est pas
15:47la terre et les morts, comme celle de
15:49Maurice Barrès. Pour Léon Blum, la France,
15:51c'est liberté, égalité, fraternité.
15:53Justement, vous me faites passer
15:55aux impromptus.
15:57Scott Fitzgerald ou Ernest Hemingway ?
15:59Fitzgerald.
16:012000 ans d'histoire ou La Fabrique de l'Histoire ?
16:03La Fabrique de l'Histoire.
16:05Pascal Horry ou René Raymond ?
16:07Pascal Horry. Zidane ou Mbappé ?
16:09Zizou.
16:11Les Beatles ou Jim Morrison ?
16:13Jim Morrison, facile.
16:15Instagram ou Twitter ?
16:17Instagram ou Twitter ?
16:19Instagram.
16:21Apocalypse Now ou Requiem pour un massacre ?
16:23Ah oui, c'est dur.
16:25Apocalypse Now.
16:27Vous vous êtes fait tatouer une phrase d'Apocalypse Now, c'est vrai ?
16:29Oui, c'est mon bras gauche.
16:31Il a écrit quoi ?
16:33Saigon, je suis toujours à Saigon.
16:35C'est le début du film.
16:37Réaliser un film au cinéma, c'est un rêve pour vous ?
16:39Un rêve achevé.
16:41J'y ai renoncé.
16:43J'y ai renoncé, oui. Je peux renoncer aussi.
16:45Côte Ouest ou Côte Est ?
16:47Côte Ouest.
16:49La Bretagne ou la Méditerranée ?
16:51La Bretagne.
16:53Psychanalyse ou jamais ?
16:55La psychanalyse, ça m'a sauvé la vie.
16:57Vous avez fait rééditer L'art du cocktail,
16:59le livre publié en 1936 par Frank Meyer.
17:01Il y a deux livres qu'on propose ce matin
17:03chez Albain Michel, L'art du cocktail
17:05et votre roman sur l'occupation.
17:07Il y a ces 300 recettes de cocktails, vous en avez testé combien ?
17:09290.
17:11290.
17:13Il est en forme.
17:15Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
17:17Les trois. La République française, pour toujours.
17:19Le barman du Ritz.
17:21Premier roman de Philippe Collin.
17:23Le grand roman de l'occupation, c'est chez Albain Michel.
17:25Ça marche déjà très bien.
17:27Merci Léa, merci beaucoup, à bientôt.