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Léa Salamé reçoit l'écrivain, journaliste, réalisateur et parolier Philippe Labro pour son ouvrage "Ecrits américains. Oeuvres choisies" aux éditions Gallimard.

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Transcription
00:00 Et Léa, ce matin vous recevez un journaliste, écrivain, réalisateur, parolier…
00:05 Oui, on ne sait plus ! Bonjour Philippe Labreau, merci d'être avec nous ce matin.
00:09 Si vous étiez un livre et si vous étiez un pays, vous seriez quoi ?
00:13 Le livre, je serais le recueil de poèmes d'Apollinaire, « Alcool ». Je connais
00:20 gens de toutes sortes, ils n'égalent pas leur destin.
00:23 Indécis comme feuilles mortes, leurs yeux sont des feux mal éteints, leur cœur bouge
00:28 comme les portes.
00:30 Apollinaire, c'est la grande poésie, c'est les mots les plus simples du monde, mais
00:33 la manière dont il les conduit, les structures, c'est de la musique.
00:38 Apollinaire donc, et si vous étiez un pays ?
00:40 Mais je serais la France.
00:42 Douce France.
00:43 Vous seriez la France.
00:44 Douce France, cher pays de mon enfance.
00:47 C'est ça, je voulais savoir si vous alliez…
00:49 Merci de tendre insouciance, disait Trénet.
00:51 Il n'y a plus de tendresse ni d'insouciance, mais ça reste la douce France.
00:55 Mais le pays, ça serait le sud-ouest, mon pays natal.
00:58 Ça serait les rives de l'Aveyron.
01:01 J'écris pour être heureux, dit le grand écrivain turc Orhan Pamuk, que vous citez
01:06 dans le livre, dont on va parler dans un instant.
01:08 Vous aussi, vous écrivez pour être heureux ?
01:09 J'écris pour écrire, parce que j'en ai besoin et envie.
01:13 Oui, il n'y a pas besoin d'écrire pour être heureux.
01:16 On peut aussi trouver le bonheur autrement, avec les enfants, avec la famille, avec les
01:21 amis, avec les voyages, avec les lectures.
01:23 Mais il y a effectivement dans l'acte de l'écriture, dans cette solitude face à
01:29 des mots qui n'arrivent pas ou au contraire des images qui vous assaillent, un vrai bonheur.
01:35 Ce n'est pas une douleur.
01:36 Moi, les gens qui parlent de la douleur de l'écriture, je rigole.
01:39 La douleur, c'est de trouver effectivement le moment et les verbes.
01:44 L'écriture et le bonheur, il en est question dans votre nouveau livre, ces écrits américains
01:48 qui sortent dans la prestigieuse collection Quarto de Gallimard.
01:51 On va en parler.
01:53 Difficile tout de même, Nicolas, en vous lançant, difficile de résumer votre vie,
01:58 Philippe Labrault, tant vous en avez eu des vies et tant elles furent romanesques.
02:02 Journaliste, figure des médias, vous avez dirigé RTL notamment pendant 15 ans.
02:06 Écrivain, vous avez publié plus de 25 livres qui furent quasiment tous des succès de librairie.
02:11 Réalisateur, vous avez fait tourner Jean-Paul Belmondo, Jean-Louis Trintignant, Yves Montand.
02:16 Vous avez été aussi le premier à faire tourner Fabrice Luchini quand il avait 17
02:19 ans.
02:20 Le parolier aussi, vous avez écrit des chansons pour Johnny, mais aussi, on le sait moins,
02:25 pour Serge Gainsbourg.
02:26 L'éclectisme a déterminé à fonder votre vie.
02:30 L'éclectisme est un certain goût de l'absolu.
02:32 Il fallait tout essayer pour se sentir vivant ?
02:35 Il fallait tout essayer parce que tout ce qu'on faisait n'était pas satisfaisant.
02:39 L'éclectique, c'est quelqu'un qui a fait quelque chose et dit "ce n'est pas très,
02:44 ce n'est pas ce que j'aimais, ce n'est pas ce que je voudrais, donc je vais faire
02:47 autre chose".
02:48 L'éclectique, il va, évidemment dans le monde de l'expression, j'ai mes limites.
02:54 Par exemple, j'ai jamais su, jamais pu écrire une pièce de théâtre.
02:56 C'est d'ailleurs un de vos regrets.
02:58 C'est un regret, oui.
03:00 Mais effectivement, l'éclectique, c'est un curieux, c'est un passionné, c'est un
03:04 insatisfait.
03:05 Donc il va d'un média à un autre, d'une expression à une autre, pour atteindre la
03:09 fameuse étoile qu'on n'atteint jamais.
03:10 Et vous ne l'avez pas atteint ?
03:11 Non, bien sûr que non.
03:12 Mais tant mieux, parce que comme ça, au moins, je la recherche.
03:15 Ce quarto sur vos écrits américains dessine aussi votre vie, ce tournant que fut pour
03:19 vous, jeune garçon venant de Montauban, la découverte de l'Amérique quand vous avez
03:23 17 ans, ce fut un choc.
03:24 On trouve dans ce quarto vos articles, vos portraits d'admiration pour de grandes figures
03:29 américaines, Hemingway que vous aimez passionnément, mais aussi Kennedy, en passant par Rosa Parks,
03:34 Woody Allen, Tom Wolfe, Marilyn, Bob Dylan.
03:37 On y trouve aussi 5 romans, 5 de vos romans, et parmi eux, on a tiré sur le président.
03:42 Cette phrase, on a tiré sur le président.
03:45 Vous l'avez entendu le 22 novembre 1963, alors que vous êtes en reportage sur un campus
03:49 américain.
03:50 Vous quittez tout pour aller à Dallas, où ça se passe, envoyé par Lazareff pour François
03:55 et vous êtes le premier journaliste français à arriver sur les lieux.
03:58 Et là, vous vous souvenez de ce que vous dit le taxi quand vous arrivez à Dallas.
04:01 Qu'est-ce qu'il vous dit ?
04:02 C'est extraordinaire.
04:03 Je descends samedi matin, après ça, le vendredi, j'ai tout de suite pris une voiture
04:09 pour aller à New York prendre un avion.
04:11 Je suis arrivé, premier avion à Dallas, et je prends un taxi avec un driver tout à
04:16 fait texan, avec les roues flaquettes, avec le chapeau sur la tête.
04:21 Et je lui dis "Quelle tragédie quand même, non ?" Et il me répond avec son accent très
04:25 lourd "It was about time".
04:27 Ce qui veut dire "Il était grand temps".
04:29 Il était grand temps qu'on tue Kennedy.
04:31 Donc j'ai fermé ma gueule, je lui ai dit "Écoutez, amenez-moi au commissariat".
04:34 Et là, on va voir ce que vous avez vu et retenu, et qui vous avez vu notamment.
04:39 Et voilà ce que donne le reportage de Philippe Labrault pour 5 colonnes à la une.
04:43 On est le 6 décembre 1963.
04:45 Voici donc Dallas, Texas.
04:47 La ville où fut tué le président Kennedy, où fut tué Oswald, où fut tué l'officier
04:53 de police Tipit.
04:54 La ville aux trois cadavres.
04:56 Pendant 15 jours, Dallas a été le centre du monde.
05:00 Mais le monde n'avait aucune idée de ce qu'était vraiment Dallas.
05:03 Cette ville a jamais célèbre, a jamais maudite dans le cœur de centaines de millions d'Américains.
05:08 Dallas n'est pas, comme on peut le croire, un bourg de western perdu au milieu du désert.
05:13 Dallas, un million d'habitants, c'est une énorme cité américaine, dure, sale, étincelante
05:19 aussi et inhumaine.
05:21 Et pourtant terriblement provinciale.
05:23 Car il n'y a en réalité dans le centre de la ville que trois grandes rues.
05:28 Au bout d'une de ces rues, Kennedy devait mourir.
05:30 Trois grandes rues que l'on arpente en cadiac ou avec les bottes de cowboy.
05:35 Car nous sommes ici au Texas et au Texas, on s'habille comme des Texans.
05:40 Il fait rire le jeune labreau avec cette voix aussi.
05:46 Aussi théâtrale.
05:47 Il vous fait rire le jeune labreau.
05:52 Alors à ce moment-là, vous allez croiser, pendant 24 heures, c'est quand même absolument
05:56 fou, c'est là où ça a été le tournant de votre vie, vous allez croiser Lee Harvey
05:59 Oswald, l'homme qui a tiré sur Kennedy.
06:01 Vous dites, il m'a marqué, c'était un jeune homme de 24 ans.
06:04 Il avait un air de Ryan Gosling, d'Andrive, plus moche.
06:08 Et vous êtes marqué par son rictus, son petit sourire qui voulait dire "je suis content
06:13 d'être l'homme le plus important du monde pendant 24 heures".
06:17 Parce que ça ne va durer que 24 heures.
06:19 Parce que là aussi, ce qui est fou, c'est que vous allez croiser celui qui va le tuer
06:23 le lendemain en 24 heures, le fameux Jack Ruby, qui était patron de Boîte de Nuit,
06:30 et avec qui vous allez discuter avant qu'il tire sur Oswald.
06:33 Il faut savoir que le commissariat de police de Dallas, c'était, pardonnez-moi l'expression,
06:39 un bordel.
06:40 C'était un casino, comme disaient les Italiens.
06:42 On pouvait rentrer et sortir comme on voulait.
06:43 On était plus de 300.
06:45 Il y avait des câbles à télé, parce qu'à l'époque, c'était beaucoup plus lourd,
06:49 le matériau, tout ça, et qui avait tout envahi.
06:52 Et les malheureux policiers se frayaient un chemin à travers nos haines, nos véritables
06:57 barrières humaines, pour amener Oswald dans un petit bureau que nous voyions, puisque
07:03 c'était des vitres, comme ici dans votre studio.
07:05 Et on voyait comment le capitaine Fritz, qui était le patron, le shérif de la maison,
07:11 interrogeait Oswald sans sténo, sans magnétophone, sans prendre de notes.
07:15 Voilà.
07:16 Il a l'homme le plus important du monde, effectivement, face à lui, et là, il parle.
07:21 Oui, je l'ai croisé.
07:22 Je ne l'ai pas croisé.
07:23 Je l'ai vu passer devant moi plusieurs fois.
07:24 Il passait devant nous, comme je vous vois vous.
07:26 Nous avions le même âge d'ailleurs.
07:28 Vous dites 24 ans, moi j'avais cet âge-là.
07:30 Et effectivement, j'ai toujours été frappé par ce sourire et cette air de dire, écoutez,
07:34 j'en sais beaucoup plus que vous.
07:36 Je suis l'homme le plus important du monde.
07:38 Je vous emmerde.
07:39 Et j'ai tué Kennedy.
07:41 L'Amérique devient alors pour vous votre paysage intérieur, cette découverte de l'Amérique,
07:45 ce moment à Dallas qui va changer votre vie et qui va vous faire connaître en France
07:50 parce que vous êtes le premier journaliste français à être là.
07:52 Vous aviez une bonne culture française, vous lisiez Balzac, et vous êtes soudainement
07:56 terrassé par la culture américaine.
07:57 Vous restez deux ans sans parler français tellement vous aimez l'Amérique.
08:01 Et quand vous rentrez en France, vous ne quittez pas le style américain, les Santiagues,
08:05 la chevalière de votre université de Lexington.
08:07 Vous aviez eu une bourse, vous avez été boursier, vous avez pu aller étudier aux
08:10 Etats-Unis.
08:11 La chevalière, vous la portez toujours sur votre doigt.
08:13 Là, on peut la voir si on regarde.
08:15 Mais l'Amérique d'aujourd'hui, Philippe Labro, elle vous fait encore rêver ou elle
08:18 n'existe plus, cette Amérique-là qui vous a fait rêver, celle des années 60 ?
08:21 Elle ne me fait pas rêver du tout.
08:23 Celle d'aujourd'hui ?
08:24 Ou celle d'aujourd'hui, non.
08:26 En revanche, elle me procure quelques cauchemars.
08:28 D'abord, face à ce qui se passe, et vous l'avez suivi et raconté dans les universités
08:34 américaines.
08:35 Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que vous le comprenez ?
08:36 C'est très dur à comprendre.
08:38 Comment d'un seul coup toute une jeunesse étudiantine, parce qu'attention, ça ne
08:41 s'applique pas forcément au reste de l'Amérique, a été influencé, manipulé au point de
08:47 souhaiter un génocide juif.
08:49 Au point que les présidentes de ces universités ont été obligées d'admettre qu'on pouvait
08:56 éventuellement parler de cela.
08:57 Ça dépend du contexte.
08:59 Oui, mais c'est une horreur de dire ça.
09:01 Donc, cette Amérique-là, elle me trouble, elle m'inquiète.
09:04 Et l'Amérique de Trump ? Dans le quarto, vous parlez de Trump, que vous appelez le
09:08 président indécent.
09:09 C'est dans un chapitre qui s'appelle « Le carnage américain ». Mais vous écrivez
09:13 tout de même « Il perçoit et enregistre ce qu'aucun autre candidat n'a compris
09:17 ». Il existe un peuple de blancs non éduqués, racistes, haïssant les intellos et l'establishment.
09:22 C'est à eux que je m'adresse, c'est eux qui m'éliront à cette préscience-là
09:28 Trump.
09:29 Est-ce que vous pensez qu'eux les liront à nouveau l'année prochaine ?
09:32 C'est possible, c'est probable.
09:35 C'est en tout cas à craindre, parce qu'en face, il y a un très bon président.
09:39 Il faut savoir que Joe Biden est un excellent président.
09:41 Il a un très bon gouvernement.
09:43 Mais il est vieux.
09:44 Il a l'air vieux.
09:46 C'est ça le problème.
09:47 Son problème, c'est son image, son apparence et le fait que de temps en temps il trébuche
09:52 et il se trompe de mot.
09:53 Vous vous rendez compte qu'il est dans le Connecticut à la fin d'un discours,
09:55 il dit « God save the Queen ». Donc ça trompe un peu.
09:59 Être publié en quarto, c'est une belle reconnaissance.
10:03 Une reconnaissance que vous n'avez parfois pas trouvée dans le milieu littéraire.
10:06 Vous avez loupé deux fois le Goncourt.
10:08 Vous dites que le milieu littéraire se disait « Il écrit pour Johnny Hallyday, la brosse
10:11 n'est pas sérieux.
10:12 J'appartenais pas tout à fait au club.
10:14 » Bec Bédé dit dans son dictionnaire des écrivains que vous étiez trop célèbre
10:18 au fond.
10:19 Oui, c'est gentil de sa part et en même temps c'est un peu vrai.
10:23 Ça m'a desservi auprès de la toute petite communauté qui se réfugie entre le 6e et
10:30 le 7e arrondissement.
10:31 Attention, ce n'est pas forcément les lecteurs, ce n'est pas le grand public qui considérait
10:35 que ce n'était pas normal que quelqu'un prétende être écrivain et en même temps
10:40 effectivement écrive des paroles pour un grand chanteur populaire et même dirige une
10:45 radio.
10:46 Ce n'était pas possible.
10:47 L'éclectisme m'a coûté cher au plan de ma reconnaissance littéraire.
10:51 Vous avez été parolier pour Johnny mais on le sait moins, pour Gainsbourg aussi.
10:55 Vous avez notamment rédigé, il vous a demandé de rédiger les paroles de Lolita Go Home.
10:59 Vous lui dites « Mais je ne peux pas, c'est toi qui écris le mieux en France.
11:02 » Et quand même il insiste, vous lui présentez des textes et ça donne cette allure.
11:06 J'ai rarement fréquenté un être aussi désespéré et néanmoins aussi
11:36 hanté par le travail, le refus du banal et de la routine, l'exécration de la paresse
11:40 que Gainsbourg dit de vous.
11:42 Oui, on pourrait appliquer ça aussi à Johnny.
11:45 Ce sont des êtres habités par la poursuite de l'excellence, ce qui est notre cas tous
11:50 bien sûr, qui ont une énergie incroyable, qui par ailleurs se détruisent fumant, buvant,
11:56 en ne dormant pas, mais qui tout de même veulent eux aussi atteindre le plus grand
12:02 public avec leurs mots, leurs chansons.
12:06 Et effectivement Serge en particulier était un homme passionnant parce qu'à la fois
12:10 il aurait voulu être peintre, il ne l'a pas été, il aurait voulu être un grand écrivain,
12:14 il ne l'a pas été, il aurait voulu être un grand cinéaste, il a fait un ou deux films
12:17 qui n'ont pas marché, il ne l'a pas été, mais c'est un immense parolier.
12:20 Sur l'Homme de Médias, vous avez dirigé les programmes d'RTL pendant 15 ans et vous
12:24 dites « J'ai aimé l'exercice du pouvoir ».
12:27 Bien sûr.
12:28 De même que j'ai aimé diriger, quand on dirige un film, vous êtes au sommet d'une
12:34 pyramide, il y a 300 personnes autour de vous qui vous posent 300 questions par jour.
12:39 C'est ce que disait Truffaut.
12:40 Truffaut disait « Le metteur en scène c'est quelqu'un qui dit « Monsieur, la volte
12:43 de la gagne, violette ou rouge ? » « Monsieur, la troisième figurante, l'anerpèce au
12:46 bout de la lèvre, on la change ? » Voilà.
12:48 En permanence.
12:49 Et ça veut dire qu'il faut décider, il faut trancher.
12:52 Au risque parfois d'être un peu irascible, il y a un moment assez drôle.
12:57 Vous dites à un journaliste du Figaro qui vient vous interviewer récemment et qui
13:00 vous dit « Vous êtes charmant Philippe Labreau » et vous lui dites « Oh, si vous
13:03 m'aviez rencontré il y a 40 ans, vous vous seriez dit « Qui est ce petit con arrogant
13:07 et prétentieux ? » Mais oui, certains épisodes de ma vie m'ont fait changer.
13:11 J'ai été un petit con arrogant et prétentieux, effectivement.
13:13 Pendant longtemps.
13:14 Ça ne m'empêchait pas quand même de travailler, de faire des choses.
13:17 Oui, mais j'entends bien, ça n'empêche pas.
13:19 Le pouvoir n'a pas empêché la dépression.
13:21 Vous avez écrit un livre très beau, très touchant, « Tomber 7 fois, se relever 8 » où
13:24 vous parliez sans tabou de la dépression.
13:26 Vous étiez alors directeur d'RTL et pendant un an et demi, hors circuit.
13:30 Vous avez cette phrase très belle dans ce livre, que d'ailleurs c'est Nicolas qui
13:33 a adoré votre livre et qui m'a cité cette phrase « La dépression c'est le novembre
13:38 de l'âme, le décembre du désir, le janvier du dérèglement ».
13:42 Oui, effectivement.
13:43 C'est une maladie, ça vous tombe dessus.
13:46 C'est une maladie dont on peut en guérir.
13:48 Il faut le savoir.
13:49 Mais il faut aussi savoir qu'un dépressif, un déprimé, il ne faut jamais lui dire « Prends
13:55 soin de toi ». Il faut lui dire « On est là, on t'aime, t'inquiète pas, on va
13:59 s'occuper de toi.
14:00 Comment ça va ce matin ? » Mais il ne faut jamais être directif avec un dépressif.
14:04 Il ne peut pas supporter l'autorité de quelque manière que ce soit.
14:09 Il vit dans le doute permanent.
14:11 Le plus important dans la vie, c'est avoir une certaine estime de soi.
14:14 Le dépressif, le déprimé, il a perdu l'estime de soi.
14:17 Il est dans le doute absolu.
14:19 Et il se dit « Tout ce que j'ai fait jusqu'ici, ça vaut rien ».
14:22 Vous avez rechuté après la première dépression.
14:27 Vous êtes retourné voir votre psychiatre qui vous dit « Je t'attendais, c'est
14:30 à peu près normal qu'il y en ait une seconde.
14:31 Mais tu n'as pas le droit à une troisième ».
14:33 Il avait raison.
14:34 Il n'y a pas eu de troisième.
14:35 Non, il n'y en aura pas.
14:36 Il n'y en aura pas.
14:37 Philippe Labraud, quelques questions de fin, les impromptus pour terminer.
14:40 Hemingway, votre modèle, disait « La sagesse des vieillards, c'est une grande erreur.
14:43 Non, on n'est pas plus sage, on est juste plus prudent ». Vous êtes d'accord ?
14:47 Oui.
14:48 Vous avez 87 ans, c'est quoi le secret ? Une sieste tous les jours ? Arrêter l'alcool ?
14:52 L'alcool ? Je n'ai jamais bu d'alcool.
14:54 Non, je ne sais pas.
14:55 Un peu de bière quand j'étais étudiant.
14:57 Alors c'est quoi ? C'est une vie équilibrée, une femme qui
15:00 vous aime, des enfants que vous aimez, des petits-enfants que vous adorez.
15:04 Oui, l'équilibre.
15:06 Journaliste ou écrivain, s'il fallait choisir ?
15:08 Les deux.
15:09 Paris ou New York ? Paris.
15:13 La Californie ou la Côte d'Azur ? Californie.
15:17 Churchill ou De Gaulle ? Ah, celle-là, elle est dure.
15:21 C'est impossible.
15:22 Bernard Pivot ou François Bunel ? Les deux.
15:26 Ah, maintenant vous n'allez pas me répondre des mots.
15:29 Bunel, et Pivot aussi, bien sûr.
15:32 On doit tout à Pivot.
15:33 Non, vous avez dit Bunel.
15:34 On garde Bunel.
15:35 Belmondo ou Delon ? Par fraternité Jean-Paul, puisque j'ai tourné
15:41 avec lui.
15:42 Alain, je le connais très bien, mais je n'ai jamais tourné.
15:43 Johnny ou Gainsbourg ? Johnny.
15:47 Bob Dylan ou Leonard Cohen ? Ah, vos questions sont impossibles.
15:53 Oui, je sais, je vous ai dit, c'est très difficile.
15:54 C'est impossible.
15:55 Oui, c'est comme ça.
15:56 Dylan.
15:57 Télé ou radio ? Radio.
15:59 Réseau social ou Non Merci ? Non Merci.
16:03 BFM ou CNews ? Philippe Labraud.
16:06 CNN.
16:07 Ah tiens, il fuit la question.
16:10 Le JDD ou la Tribune du Dimanche ? Le New York Times.
16:13 Vincent Bolloré ou Pierre Lazareff ? Jean-Luc Lagardère.
16:17 Ah, il fuit tout ! L'Académie française, c'est Non ?
16:22 Oui, c'est terminé, ça.
16:24 Vous pensez à la mort, parfois ? Et vous ?
16:26 Oui.
16:27 Oui, bien sûr.
16:28 Et la question Jacques Françel, pour terminer, est Dieu dans tout ça ?
16:32 Vous me donnez une définition de Dieu, je vous répondrai.
16:34 Philippe Labraud était notre invité.
16:36 Les écrits américains, œuvres choisies, c'est dans la belle collection Quarto-Gallimard
16:41 avec des très très belles photos notamment et 5 romans pour le prix d'un.
16:45 Merci et belle journée à vous.
16:46 C'est moi qui vous remercie, Léa.

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