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À 9h20, Benjamin Voisin est l'invité de Léa Salamé. Il est au théâtre de l’Œuvre avec “Guerre”, d’après Louis-Ferdinand Céline, mise en scène Benoît Lavigne, et toujours à l’affiche du film “Jouer avec le feu”. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-jeudi-30-janvier-2025-3464673

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00:00France Inter
00:05Le 7-10. Et ma chère Léa, ce matin vous recevez un acteur. Tout à fait, bonjour Benjamin Voisin. Bonjour Léa Samet.
00:12Bienvenue sur Inter. Merci à vous. Si vous étiez un livre, une actrice et un pays, vous seriez qui, vous seriez quoi ?
00:19Alors... Un livre. Un livre, vous voulez dire dans l'histoire ou n'importe ? Un livre, c'est ce que vous voulez.
00:28Je crois...
00:30Fritz Zorn, Mars, je ne sais pas si vous avez l'occasion de le lire,
00:33qui raconte ce jeune homme qui, à 26 ans, dont la vie est assez radieuse,
00:39il s'en sort bien financièrement, très bourgeois, voilà. Et puis du jour au lendemain, il a un cancer très tôt, à 26 ans, c'est
00:45autobiographique, ça lui est vraiment arrivé à Fritz Zorn.
00:47Et il se rend compte que c'est la première fois, à 26 ans, quand il sait que la mort va arriver,
00:51qu'il entend la poésie des choses, qu'il entend vraiment les oiseaux, qu'il voit vraiment
00:55des vieux monsieurs se balader en fin de vie, qu'il voit un coucher de soleil
00:59dans tout ce que c'est le plus beau. Et se dire, merde, on est dans un flux, dans un
01:04mouvement constant vers quelque chose d'un peu absurde, qu'est l'argent, et le fait de mettre une date de péremption sur la vie,
01:11lui, il lui apporte la sérénité. Je me suis dit, ah, il y a des trucs à prendre.
01:14Mars, Fritz Zorn, une actrice.
01:20Là, récemment, j'ai écouté parler français Jodie Foster.
01:24C'est la classe.
01:26Je la trouve super élégante, et puis tellement douée en tant qu'actrice. Ou Meryl Streep, n'importe quelle des grandes actrices
01:32américaines, ça s'envoie quand même.
01:35Un pays ?
01:38L'Italie.
01:39L'Italie, j'adore, parce qu'on sort de l'aéroport à 10h et à 11h30, on a déjà 27 nouveaux meilleurs amis.
01:47On mange, on prend 17 kilos en deux jours.
01:50Et puis, c'est très chaleureux. Bon, il y a plein de problèmes, mais c'est quand même très chaleureux.
01:54C'est énorme, la vie, quand même. On se perd partout.
01:58C'est ainsi que se termine « Guerre », le texte inédit de Céline, que vous interprétez en ce moment au théâtre de l'œuvre.
02:04C'est énorme, la vie, quand même. On se perd partout.
02:08Rien que la chute de ce livre incroyable est immense.
02:12Franchement, c'est très fort, parce que c'est une des raisons pour lesquelles j'ai travaillé ce texte.
02:17Il y a une vingtaine de phrases dans le texte qui me subjuguent.
02:22Mais déjà, honnêtement, sur la forme, dans le style de Céline, c'est-à-dire que c'est énorme, la vie, quand même, c'est très arrondi.
02:30Et en même temps, juste après, on se perd partout, comme une sorte de caca de mouette.
02:35Donc, c'est très étonnant que dans une seule phrase, il y ait deux constructions différentes
02:38et que l'entièreté de la phrase fasse quelque chose d'aussi poétique que c'est énorme, la vie, quand même, on se perd partout.
02:43Et sur la désillusion que c'est, et la vérité que c'est, qu'est-ce qu'on cherche ?
02:48Je parie de Fritz Zorn, mais on n'est pas loin là-dedans aussi.
02:50C'est énorme, la vie, quand même.
02:52Ça vaut le coup, oui.
02:53Benjamin Voisin.
02:53Oui, je trouve.
02:55« Guerre », c'est donc ce roman de Céline qui est très largement autobiographique
02:58et qui a une histoire incroyable, puisqu'il a été retrouvé en 2021, il y a quatre ans.
03:02Il a été publié l'année dernière chez Ganimard et ça a été immédiatement un gros succès de librairie.
03:07Quand il est sorti, vous l'avez tout de suite acheté, vous vous êtes jeté dessus,
03:11avant même de savoir que vous alliez l'interpréter au théâtre.
03:13Déjà, on était un peu au courant, pour ceux qui aiment beaucoup Céline,
03:16qu'il y avait un texte qui était caché chez un journaliste de l'Ibé.
03:20On ne savait pas très bien ce qu'il en était, si c'était une chute du Voyage au bout de la nuit,
03:23qu'il aurait retiré pour que le Voyage au bout de la nuit soit plus à propos, pour avoir un concours,
03:28ou si c'était vraiment un autre texte, est-ce qu'il l'a vraiment écrit en 1934,
03:31ou est-ce qu'il l'a écrit plus tard, en 1960, pour se justifier de l'homme qu'il a été.
03:36C'est très bizarre, mais l'histoire, elle est belle sur ce que c'est que des résistants qui ont le texte dans les mains,
03:44et qui peuvent le brûler, et qui eux vivent vraiment la guerre, qui ont perdu des proches à eux,
03:49et qui choisissent de conserver le texte, et de dire qu'il sortira, il sera édité,
03:54une fois que la femme de Céline sera morte, et qu'elle ne touchera pas une somme d'argent sur ce livre.
04:03Et je trouve ça beau de dire que sur la question de l'œuvre et de l'artiste, ils ont mis une réponse, je trouve, à cet endroit-là, eux.
04:10Pour la première fois depuis qu'il a été retrouvé, ce texte est adapté au théâtre.
04:14Vous l'avez joué à Avignon, vous êtes en ce moment au théâtre de l'œuvre jusqu'au 2 mars,
04:181h30 où vous êtes seul en scène, mais où vous jouez plusieurs personnages.
04:21La critique est dithyrambique, souligne votre intensité, votre présence.
04:27C'est une belle claque théâtrale pour Télérama, le Figaro écrit « On sort de là, tout sonné ».
04:32Et c'est vrai que vous donnez énormément pendant 1h30.
04:34C'est l'histoire de Ferdinand, grièvement blessé à la guerre, c'est la première guerre mondiale,
04:39et de sa convalescence ensuite où il revient à la vie dans un petit village où il est soigné,
04:42où il va tout réapprendre, la vie, le plaisir, l'amitié, l'amour, le sexe aussi.
04:48Il y a tout dans ce texte-guerre.
04:51Oui, c'est vrai qu'il ne s'est pas ennuyé.
04:53Et donc du coup, j'essaie de ne pas trop m'ennuyer aussi sur scène.
04:55En jouant ça, c'est quand même un cadeau magnifique d'avoir tout à jouer.
04:59Pour le public, c'est une possibilité assez folle de se dire « Voilà, c'est un jeune homme de 18 ans qui a vécu tout ça,
05:08et qu'on amène à l'hôpital, et qui réapprend, comme vous dites, tout. »
05:11C'est-à-dire la sexualité, le rapport aux parents, le monde contemporain,
05:15l'échec face à l'argent, face à la reconstruction professionnelle.
05:20Donc c'est hyper intéressant, mais puis surtout, moi ce que je trouve le plus beau, c'est le mélange de l'écriture.
05:25C'est-à-dire qu'il y a une cruauté folle, qui rend le public très complice,
05:30parce que du coup, c'est viscéral d'entendre des choses aussi violentes.
05:35Et en même temps, il y a de la poésie, je trouve, à des endroits qui sont...
05:39Moi, le plus beau dans le spectacle, c'est quand on a des silences dans la salle,
05:41où je sens qu'on rentre vraiment dans le cerveau et dans le cœur des gens.
05:45Et quand, voilà, là, on n'est plus au théâtre, il n'y a plus moi, il n'y a plus le texte.
05:50Enfin, il n'y a que le texte, je veux dire. Il n'y a que Céline qui est là, quoi.
05:53Et il n'y a que Céline avec ses phrases.
05:55Luchini, qui l'a beaucoup joué, qui a beaucoup contribué à le rendre, à l'ouvrir au grand public.
06:01Complètement.
06:02Le nombre de gens qui sont allés écouter le voyage dit par Luchini est immense.
06:07Mais même Mora Crédit, moi, quand il fait 8h, hier à 8h, Madame Bérange, la concierge est morte.
06:12Il faut l'écouter, allez sur YouTube si vous voulez le trouver.
06:15Luchini qui fait ça, c'est...
06:16Et puis voilà, et puis tant pis.
06:18Je le trouve magnifique quand il le joue.
06:20On va l'écouter, Luchini, qui parle de Céline et qui parle de la grande question autour de Céline.
06:24C'est-à-dire que comment jouer cette auteure qui est tellement puissante
06:30et cet homme qui a été tellement, vous le dites vous-même, une merde.
06:34Ouais, une fiante.
06:35Voilà, Luchini, il explique.
06:38Moi, je préfère la dureté de Céline, car je trouve qu'elle donne à tout ce peuple
06:43autant de dimensions qu'une compassion affective.
06:47Donc je sais, j'ai lu après, j'étais même troublé, cet homme génial est humainement impraticable.
06:55Alors je me suis dit à un moment, est-ce que je dois continuer à dire du Céline ?
06:58Je me suis souvent posé la question.
07:01Alors je me suis dit, est-ce qu'on peut jouer du Wagner ?
07:05Vous vous l'êtes posé la question ou pas du tout ?
07:07Non, parce que...
07:10Non, non, non, moi, j'ai répondu assez tôt.
07:12C'était déjà un tel désespoir de se dire...
07:15J'ai découvert Céline quand j'avais 15 ans, 16 ans, quelque chose comme ça.
07:18Et ça a été un éblouissement.
07:20Ça a été un éblouissement, parce que la phrase était tellement complexe que je me suis dit,
07:23il faisait partie de ces auteurs-là, où je me suis dit, en tant qu'acteur, c'est une ressource géniale.
07:28Parce qu'en travaillant ça, je pense qu'après, on peut un peu tout jouer.
07:31Dans le sens où la phrase est tellement complexe, que pour ne pas la, si je peux me permettre,
07:36pour ne pas l'aplatir, et pour essayer de trouver l'émotion avec laquelle Céline a écrit la phrase,
07:42ça prend des heures et des heures et des heures.
07:44Et je me suis dit, ça, ça va m'intéresser.
07:46Mais donc, à ce stage-là, à 15, 16 ans, ça a été déjà une telle déception de se dire,
07:50merde, le type que j'aime énormément, c'est pas du tout un héros.
07:53C'est même pas un bon gars.
07:55Donc, je veux pas qu'il ait ça, et qu'en plus de ça, il m'interdise son génie.
08:01Pour moi, on ne peut pas me priver des deux choses.
08:02On peut me priver de l'homme ou de l'oeuvre, mais pas des deux.
08:05Donc du coup, l'oeuvre, ça ne lui appartient plus.
08:07C'est à moi maintenant.
08:10Et comme n'importe quelle, pour moi, oeuvre littéraire, mais artistique, un film,
08:14une toile n'appartient plus à l'auteur, à partir du moment où c'est fait,
08:18elle appartient au public.
08:19Ça s'appelle l'appropriation.
08:20On voyage et on rêve comme ça.
08:22Vous jouez Ferdinand, qui est le héros de ce livre guerre,
08:25qui est aussi Céline, puisque Céline a été blessée à la guerre de 14.
08:29Il a été réformé, il a été invalidé à 80%.
08:33Il dit, et il a toujours dit, les horreurs de la guerre, Céline.
08:35Il dit les horreurs de la guerre, de ce que ça a été dans la chair.
08:39Mais il dit aussi, et on va l'écouter, Louis Ferdinand, Céline,
08:42on va l'écouter dans un enregistrement où il dit la fascination des hommes
08:45pour la guerre.
08:46Si tous les hommes ne voulaient pas aller à la guerre, c'est très simple.
08:49Ils diraient je n'y vais pas.
08:50Mais ils ont le désir de mourir.
08:53Il y a un désir, il y a un osotropisme chez l'homme.
08:56Par exemple, quand vous voyez les accidents d'autobus d'arrivée,
08:58ne croyez pas qu'ils soient tous involontaires.
09:00Il y a là-dedans, il y a là-dedans, il y a des vicieux.
09:03Il y a des gens qui vont vraiment dans l'arbre.
09:06Évidemment, le bonhomme ne monte pas en auto en disant
09:08je vais me précipiter contre un trône.
09:10Mais l'envie est là, n'est-ce pas ?
09:13Et ça, je l'ai observé moi-même à plusieurs reprises.
09:15Il y a tous les hommes de la terre qui ont allé à la mairie dire
09:19moi, vous savez, je ne vais pas à la guerre.
09:20Mais il n'y aura pas de guerre.
09:22Sinon, qui la conserve, c'est parce qu'ils aiment ça.
09:26Ils aiment ça, la guerre.
09:28C'est formidable ce qu'il dit, parce qu'il va aller chercher
09:30vraiment la partie sombre de l'être humain.
09:32Et ça se ressent dans ses lectures.
09:34Moi, je trouve qu'en plus de ça, quand il parle des voitures,
09:37j'en parlais avec mon père il y a quelques jours,
09:39c'est vrai qu'en plus de ça, sur une aire d'autoroute,
09:41on peut aimer aussi le regard des flammes.
09:44On veut essayer de trouver un bout de peau, un bout de mort.
09:47Les voitures s'arrêtent alors qu'on leur dit
09:49circulez, allez-y, il y a juste un accident.
09:51Et là, tout le monde a envie de regarder un peu.
09:52Et puis, même aujourd'hui, maintenant, si on peut prendre une photo, un truc,
09:55c'est très bizarre le rapport de l'être humain aux choses, au mal.
10:00Au mal, à la guerre.
10:01Et lui, il a réussi à rentrer là-dedans, à mettre de la poésie.
10:03Il dit d'ailleurs cette phrase incroyable dans le texte que vous dites.
10:06Il dit tant qu'il y a du vice, il y a du plaisir.
10:09Tant qu'il y a du vice, il y a du plaisir.
10:10On ne peut plus trop le dire aujourd'hui dans le monde dans lequel on vit,
10:13parce que le vice n'a plus sa place.
10:16Il faut le canceller.
10:20Mais oui, quand il y a du vice, il y a aussi du plaisir.
10:23C'est ça qui est bien, il joue avec un danger permanent, je trouve.
10:27Mais oui, évidemment, tout ce qu'il écrit aujourd'hui, c'est historique.
10:31Dans le sens où...
10:32Les mots sur le sexe, parce que ce qui est fascinant dans votre...
10:36Oui, par exemple, à la fin, parce que vous jouez Ferdinand,
10:41mais vous jouez aussi des femmes.
10:43Vous jouez une infirmière, vous jouez une prostituée.
10:48Et les femmes, pour Céline, sont liées au sexe.
10:52Et les femmes, elles sont là pour aider les hommes à se soulager de leur désir.
10:58C'est quelque chose...
11:00Comment vous jouez ?
11:02C'est un plaisir pour vous de jouer les femmes et de jouer ces scènes
11:05ces mots de sexe très, très crus.
11:07Alors déjà, je joue, et c'est dit très rapidement dans le spectacle,
11:11je joue des gens, hommes et femmes qui ont entre 18 et 19 ans.
11:16Donc, du coup, c'est ça qui est aussi intéressant.
11:18C'est-à-dire, je joue le début des hormones et l'incompréhension du monde
11:21dans lequel on est, et simplement l'aventure pour l'aventure.
11:23Mais moi, jouer, oui, avoir l'occasion de travailler
11:28huit personnages sur une scène de théâtre et d'aller toucher un peu leur intimité
11:32et de les faire parler entre eux.
11:35C'est dingue.
11:37Alors, il y a même une scène où je les fais baiser entre eux.
11:40C'est-à-dire, vous faites les trois personnages dans un bordel.
11:42Dans une partouze.
11:43Voilà, vous jouez les deux hommes et la femme.
11:46Et vous jouez les trois personnages en même temps pendant l'acte sexuel.
11:49Je perds 50 vies à chaque fois et 2 kilos.
11:55Mais c'est assez génial.
11:57C'est assez jouissif, pour le coup, de le faire.
11:59Et le public aime bien, normalement.
12:01Le public, oui, c'est vers la fin de la pièce.
12:03Le début de la pièce est surprenant.
12:05Là aussi, vous perdez quelques kilos et quelques années de vie.
12:07Dix minutes où on est vraiment dans la guerre.
12:09Grâce à une scénographie incroyable, on entend le bruit des bombes.
12:12Il y a des éclairs.
12:13On voit, franchement, ces dix premières minutes dont vous dites
12:16que c'est les plus épuisantes de la pièce.
12:18On est au milieu des tranchées.
12:20On entend le vacarme.
12:21On entend, on sent la mort.
12:23On sent la fumée.
12:24Vous arrivez à faire ça au théâtre.
12:26C'est ça qui, à mon avis, a bluffé à ce point les critiques,
12:29que ce soit le Télérama, le Figaro.
12:30Tout le monde est stupéfait par votre prestation sur ce texte-là.
12:36C'est la première fois qu'il est adapté au théâtre.
12:38Oui, il a été édité et six mois après, on l'a adapté.
12:42C'est très gentil de votre part, mais la vérité étant que c'est tellement bien écrit.
12:51Surtout la partie de guerre.
12:52On sent que, je ne sais pas si je connais un auteur plus à propos
12:55pour parler de la guerre, des obus, des bruits incessants, du brouillard,
13:01de l'incapacité de bouger, aussi bon que Céline, très honnêtement.
13:05Pour vous mettre dans l'ambiance, avant la pièce, vous écoutez ça, Benjamin Voisin.
13:26Kanye West.
13:28Et Daft Punk.
13:30Que du sulfureux, attention vous !
13:32Vous aimez bien flirter avec la ligne.
13:36Vous avez été césarisé pour Illusion perdue de Giannulli.
13:39On vous a vu dans IT 85 d'Ozon.
13:42Vous êtes aujourd'hui un des acteurs les plus doués de votre génération.
13:46Vous explosez au cinéma, vous êtes très demandé, vous êtes bankable, comme on dit aujourd'hui.
13:49Et pourtant, vous voulez aller au théâtre.
13:51C'est un choix que vous faites.
13:53Vous dites, c'est là où j'ai peur.
13:55Parce qu'il n'y a pas de deuxième prise, il faut être bon tout de suite.
13:57C'est le retour aux fondamentaux.
13:59Et puis vous aviez vu avec votre grand-père, une pièce de Samy Frey,
14:02qui l'a jouée pendant 15 ans.
14:04Et vous pensez que, c'est ça votre rêve en fait,
14:06c'est de jouer cette pièce de Céline pendant 10 ans.
14:08C'est-à-dire de faire des projets cinématographiques et de rejouer cette pièce de Céline.
14:10De revenir au théâtre.
14:12Il y a plein de choses.
14:14Evidemment, il y a cette pièce, mais il y a aussi le théâtre en général.
14:17Cette pièce, je veux la conserver.
14:19Essayer de voir comment au fil des années,
14:21ces questions d'amour, de sexe, de parenté,
14:23comment elles évoluent à travers le temps.
14:25Par mon évolution en moi-même, à travers le temps.
14:27Comment vous la jouerez aujourd'hui ?
14:29Vous la jouez à 29 ans ?
14:31À 35 et à 40.
14:33Mais déjà, entre la dernière exploitation et celle-ci, il y a eu un an.
14:35Vous avez vieilli.
14:37C'est gentil.
14:39Puisqu'il faut le dire maintenant.
14:41Ça y est, on va avoir 30 ans.
14:43On commence à coucher un peu de la vie.
14:47Et sinon, oui, je trouve que
14:49j'aime énormément
14:51être sur scène au théâtre.
14:53Parce qu'il y a un rapport concret, financier,
14:55de ceux qui ont payé sont en face de moi.
14:57Et je sais ce qui se passe.
14:59Je sais qu'ils ont une demande.
15:01Maintenant, je veux être ému, je veux rire,
15:03je veux pleurer, ou je veux être instruit.
15:05Quoi que tu veux.
15:07Mais fais-moi quelque chose, parce que je suis devant toi.
15:09Je suis venu, et j'ai fait un 9h-18h,
15:11comme tous les gens.
15:13C'est mon petit moment où j'ai le droit de rêver.
15:15Donc fais-moi rêver, mon pote.
15:17Alors qu'au cinéma, c'est génial.
15:19Mais le film, il a été fait il y a un an.
15:21Et puis, c'est une personne
15:23qui est à l'autre bout du monde qui m'en parle.
15:25Voilà.
15:27Alors que là, vous avez l'émotion immédiate du public.
15:29De toutes les manières, vous pensez à votre carrière sur du long terme.
15:31Vous la voyez comme un marathon.
15:33Vous voulez aussi, entre des projets grand public
15:35et des projets plus exigeants, comme celui-là.
15:37Vous avez refusé d'être légéré de plusieurs marques
15:39de mode qui vous l'ont demandé. Vous dites, je le ferai peut-être plus tard
15:41pour du pognon, mais pas maintenant.
15:43Je peux me le permettre.
15:45Je me suis dit dans Vogue, je veux rester sur le côté.
15:47Je ne veux pas avoir d'étiquette. Je n'ai pas d'Insta.
15:49Je ne suis pas sur les réseaux sociaux. Je me fous totalement
15:51des prix ou de monter les marches.
15:53Ne pas être sur les réseaux sociaux quand on a
15:5529 ans, il faut le faire.
15:57Ça a dû plaire à Vincent Lindon.
15:59À qui vous partagez la fiche
16:01dans Jouer avec le feu qui est toujours en salle.
16:03Là où vous jouez son fils qui bascule
16:05vers l'extrême droite, vers les mouvements identitaires.
16:07Ça, Lindon, il a dû
16:09tout de suite vous aimer de ne pas être sur les réseaux sociaux.
16:11Oui, mais après, je me donne la bonne part.
16:13Très honnêtement,
16:15c'est aussi que je n'aime pas ça.
16:17Ce n'est pas tellement un choix.
16:19Je n'aime pas la possibilité d'immédiateté.
16:21Je ne vois pas la vie comme ça.
16:23Je ne pense pas que ça soit fait comme ça.
16:25Ce n'est pas normal qu'il y ait des gens qui puissent savoir
16:27ce que fait Taylor Swift maintenant.
16:29Puis il y a 5 minutes, puis il y a 15 minutes,
16:31puis il y a 17 minutes grâce à ses stories.
16:33Pour moi, ce n'est pas ça le but
16:35de tout ça. C'est simplement
16:37d'avoir la légèreté.
16:39Je me retire. Pour ce qui est des prix, des récompenses,
16:41des marges et tout,
16:43c'est vrai que je suis un peu moins là-dedans.
16:45Ça m'intéresse moins.
16:47Je préfère aller au bout.
16:49On parlait de Céline,
16:51mais on peut parler de Rimbaud.
16:53Il y a une ligne droite, c'est essayer d'écrire la plus belle phrase
16:55possible et ça suffira déjà comme vie.
16:57Donc ça ne vous manque pas, les réseaux ?
16:59Non, pas du tout.
17:01A la question de Mme Figaro, qu'est-ce que vous faites quand vous ne travaillez pas ?
17:03Vous avez répondu, Benjamin Voisin, je tombe
17:05beaucoup amoureux.
17:07Qu'est-ce que c'est que ça ? Beaucoup amoureux ?
17:09Oui, c'est pourquoi pas.
17:11Beaucoup ?
17:13Oui, mais ça date d'il y a quelques années.
17:15Justement, j'avais 18-19 ans, j'étais un peu comme les personnages de la pièce.
17:17Ça date d'il y a 6 mois,
17:19cette interview, vous tombiez beaucoup amoureux.
17:21Ah bon ? Je ne me souviens plus malheureusement.
17:23Les impromptus, pour terminer, vous répondez rapidement.
17:25Gérard Depardieu
17:27ou Patrick Devers ?
17:31J'aurais bien aimé voir ce que Patrick Devers
17:33aurait fait s'il avait été vivant au cours de sa vie.
17:35Vous êtes fasciné par lui.
17:37Oui, il y a une incompréhension.
17:39Depardieu,
17:41c'est hors normes, c'est génial.
17:43Mais la souffrance
17:45en plus que Devers
17:47avait dans les yeux, dans Série Noire,
17:49quand on lui demande si c'est lui
17:51qui a tué,
17:53Corneau dit qu'il a improvisé quand il se met à siffler.
17:55C'est impossible
17:57d'imaginer quand on demande à quelqu'un, est-ce que c'est toi
17:59qui as tué, que la personne siffle,
18:01on se dit, bon voilà, c'est ça pour m'improviser.
18:03Ce n'est pas dire une bonne phrase ou plus.
18:05Lynch ou Cassavetes ?
18:09Cassavetes pour les acteurs, c'est n'importe quoi je crois.
18:11Jul ou SCH ?
18:13Les deux, ensemble sur ensemble.
18:15Vous adorez le rap.
18:17Avoir un César ou avoir un Molière ?
18:21Un Molière, ça peut être sympa.
18:23Parce que vous ne l'avez pas.
18:25Votre quartier préféré à Paris ?
18:27Tous, franchement,
18:29c'est une ville assez géniale Paris
18:31pour ça, c'est qu'en
18:33deux kilomètres, on change complètement d'endroit.
18:35Plein de quartiers.
18:37Vous votez ?
18:39De moins en moins.
18:41La dernière fois que vous avez pleuré ?
18:45Il y a quelques jours,
18:47je ne me souviens plus exactement, il y a 3-4 jours.
18:49Sexe, drogue, alcool,
18:51clope, vous avez des vices ?
18:53Tous.
18:55Aucun, aucun.
18:57Et Dieu dans tout ça, pour terminer ?
18:59Il y a une phrase de Dinos dans le rap qui dit
19:01« Ne fais pas l'unanimité ».
19:03Que j'aime bien.
19:05Guerre au théâtre de l'œuvre,
19:07c'est jusqu'au 2 mars. Allez-y, vraiment.
19:091h25 d'un monologue époustouflant,
19:11d'un texte incroyable,
19:13incarné par l'un des
19:15acteurs les plus doués.
19:17Benjamin Voisin, merci d'avoir été là.
19:19Merci à vous surtout.
19:21Merci Léa.

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