Jacques Weber, comédien et metteur en scène est l'invité de Léa Salamé : il joue dans “L’injuste”, à partir du 23 janvier au théâtre de la Renaissance. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-20-janvier-2025-3823804
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00:00Et Léa, ce matin, vous recevez un immense acteur.
00:03Bonjour Jacques Weber, immense, ça vous fait marrer ?
00:08C'est la pression, moi.
00:10Ça démarre fort, oui.
00:11Merci d'être avec nous ce matin, en tout cas, on est très heureux de vous recevoir.
00:15Moi aussi, je vous écoute tous les matins, donc c'est marrant d'être là maintenant.
00:18Si vous étiez, cher Jacques Weber, un écrivain, un homme politique et une saison, vous seriez qui ?
00:24Si j'étais un écrivain, sans la moindre hésitation, je prends le plus grand.
00:29Mais c'est pas très original, Victor Hugo, parce que c'est non seulement un auteur génial,
00:35c'est un poète génial, c'est un débatteur politique absolument extraordinaire,
00:40c'est un vrai combattant, particulièrement dans la seconde partie de son existence.
00:43Donc Hugo, sans hésiter, après il y a Flaubert, qui est mon livre de chef, qui n'est pas loin.
00:49Si j'étais une saison, vous m'avez dit, c'est ça ?
00:52Une saison, oui.
00:53Une saison, le printemps, parce que c'est sans aucun doute,
00:56voilà, l'expression même de la renaissance, le retour à la vie, quoi.
01:02Et donc ça, je trouve ça, comme disait l'autre, pour que l'arbre bourgeonne, il lui faut des racines.
01:07Donc moi, j'aime beaucoup les racines, je suis plutôt du côté des racines.
01:10Mais les bourgeons, c'est essentiel et c'est au printemps.
01:12Le printemps et enfin un homme politique.
01:15Alors, vous avez remarqué que je l'ai bien interrogé.
01:17Oui, j'ai remarqué, j'ai remarqué que vous m'avez passé la saison.
01:20Je vous ai demandé tout à l'heure, je me suis dit, mais est-ce qu'il faut choisir dans le présent ?
01:22Parce que là, je pense qu'il est avenir, l'homme politique que je souhaiterais être.
01:25Bien que j'ai du respect, de l'admiration pour certains d'entre eux.
01:29Mais entre l'admiration que l'on peut avoir et le souhait que l'on voudrait être tel ou tel homme politique,
01:34c'est deux choses différentes.
01:36Moi, je me souviens de mon enfance, je me souviens de mes lectures, je me souviens d'Adrien,
01:39de l'empereur Adrien, bien évidemment, par l'ingénieur du Hursonat.
01:43Je me souviens de Gandhi, qui m'a énormément marqué et dans ma vraie enfance, de Pierre Mendes France,
01:49à qui je devais du chocolat au lait tous les jeudis dans les écoles communales.
01:53Et puis vraiment, c'était un homme d'une intégrité, d'une hauteur de vue magnifique.
01:58Vous choisissez les morts, donc. Louis Jouvet, on a compris.
02:03Lâche, autocrite.
02:06Mon semblable, mon frère.
02:08Allez, Louis Jouvet disait « Il n'y a rien de plus futile, de plus faux, de plus vain que le théâtre,
02:13rien de plus nécessaire que le théâtre non plus. »
02:16Vous êtes d'accord avec lui ?
02:18Oui, alors, Jouvet était le roi, d'ailleurs c'est ça qui était magnifique chez lui,
02:22c'est que c'était un homme qui n'hésitait pas à proposer un paradoxe et un questionnement plus que des réponses.
02:28Mais ce qui est vrai, c'est qu'il me semble pourtant qu'à l'heure actuelle,
02:32la falsification a passé la rampe.
02:34Elle est de l'autre côté, dans un monde qui est vrai, on le falsifie en permanence.
02:38Alors même qu'il y a des règles établies au théâtre, que l'on connaît lorsqu'on y entre.
02:44Et comme le disait Coltès, c'était très joli, il disait « Je reviens toujours dans cet endroit où tout est faux pour créer du vrai. »
02:51Donc il y a une vérité théâtrale qui n'a rien à voir avec la reproduction naturaliste de la vie.
02:58Et c'est vrai que c'est aussi peu important et aussi essentiel que l'opéra,
03:06que même on pourrait, alors après on rentre dans un débat où vous n'avez pas le temps de m'entendre,
03:11sur l'art, où d'ailleurs je ne suis pas suffisamment compétent pour aller très loin, mais voilà.
03:16Sur le futile et le nécessaire.
03:18Le futile est nécessaire à la vie, absolument.
03:20La beauté d'une fleur, on peut considérer que c'est le futile et en même temps c'est absolument essentiel.
03:24Jacques Weber, vous avez absolument tout joué, que ce soit au théâtre, au cinéma ou à la télé.
03:28Don Juan, Tartuffe, Monte Cristo, évidemment vous avez été un éblouissant Cyrano dans les années 80 sous la direction de Jérôme Savary.
03:35Tous ceux qui vous ont vu gardent un souvenir inouï de votre prestation dans Cyrano.
03:40Mais en cette rentrée théâtrale, ce n'est pas un personnage de notre panthéon littéraire que vous incarnez,
03:45mais un grand salaud, un homme qui a existé, il s'appelait François Genoux.
03:49Il était connu comme le banquier d'Hitler et des nazis, puis l'exécuteur testamentaire d'Hitler et de Goebbels.
03:55Vous êtes donc cet homme, François Genoux, dans l'injuste pièce événement de la rentrée au théâtre de la Renaissance à partir de jeudi soir.
04:01Et la pièce est un face-à-face entre cet homme de 93 ans qui va bientôt mourir,
04:05qui est retranché dans un bunker de la forêt suisse et une jeune journaliste israélienne incarnée par Élodie Navarre
04:12qui va venir le questionner, le tourmenter, lui qui n'a jamais été inquiété, ni par la justice, ni par les remords.
04:18Et c'est ce leur face-à-face, ce duel psychologique intense entre les deux personnages,
04:23entre cette jeune journaliste et cet homme à la fin de sa vie,
04:26et avec plein de révélations, de secrets, pas seulement de lui et d'elle aussi, il y a des révélations et des rebondissements.
04:32Vous n'avez pas peur des grands rôles, ça c'est certain Jacques Weber,
04:35mais celui-là est particulièrement vertigineux par la monstrosité de l'homme qui a vraiment existé.
04:40Et vous dites pourtant que c'est une rencontre qu'il ne fallait pas rater.
04:43Oui, je crois que ce qu'il y a de tout à fait étonnant dans mon métier,
04:46c'est que parfois on peut se sentir protégé par le passé, par la mise à distance.
04:53Prenons les rois shakespearians qui sont parfois tout aussi épouvantables que cet homme,
04:57mais il y a la distance historique qui fait que là, il y a une proximité historique qui plus est,
05:03tombe dans un moment où on ne peut plus, brutal, violent, vivant en ce moment.
05:10Par exemple, le fait même que l'on parle, vous receviez l'ambassadeur d'Israël en France,
05:18ce matin il y a l'élection de cet homme aussi effrayant, de Trump par exemple,
05:26et en plein dans ce moment très très complexe,
05:29on amène au théâtre vraiment la figure même de l'homme épouvantable,
05:33puisque c'est un homme qui dit haut et clair qu'il est oui antisémite,
05:37que oui il est pro-nazi, que le nazisme c'était la solution, la bonne solution.
05:42Alors c'est vrai que c'est extrêmement difficile à appréhender,
05:50mais en même temps c'est peut-être une grande chance qui est donnée au théâtre et aux gens
05:55de poser la question autrement que par le biais de l'information ou des documentaires.
06:01Mais comment vous expliquez que cet homme, moi ce qui m'a surpris, d'abord je ne le connaissais pas,
06:05ne soit pas connu, n'ait jamais été inquiété par la justice,
06:09comment on explique cela, parce qu'ensuite il a eu, si j'ose dire,
06:12avec mille guillemets c'est ironique, une belle carrière avec le terrorisme international en général,
06:17c'est-à-dire qu'il a fait de bout en bout, puisqu'ensuite il est basculé dans les mouvements radicaux d'extrême gauche,
06:23après d'avoir connu Hitler, comment c'est possible qu'on ne le connaissait pas cet homme ?
06:30Je crois que d'abord il avait un certain sens de l'homme de l'ombre,
06:35il y a eu beaucoup d'hommes comme ça qui ont réussi à ne pas être vu du grand public,
06:40mais il y a aussi, alors la pièce essaie de répondre à sa manière,
06:45dans une espèce de forme de thriller, il fallait bien trouver une forme théâtrale
06:50qui réussisse à ce que ce problème très complexe soit posé à un grand public,
06:55un vaste public, on n'allait pas rester entre nous, et elle essaie de répondre à ça.
07:00Comment se fait-il que cet homme soit resté en vie tranquillement et qu'on l'ait laissé ?
07:05Il y a plusieurs réponses possibles, l'une étant qu'on l'a laissé vivre pour pouvoir, en le suivant,
07:14reconnaître d'autres circuits qui au préalable étaient parfaitement inconnus ou mystérieux.
07:19C'est en tout cas ce qu'on voit dans la pièce, parce que c'est vrai que j'ai vu un reportage de lui
07:23dans je ne sais plus quel journal télévisé, où il assiste tranquillement au procès de Klaus Barbie,
07:29et il dit, il répond au journaliste, oui, oui, je suis très intéressé.
07:32C'est lui d'ailleurs qui a payé Vergès, par exemple, pour le procès de Barbie.
07:35Très intéressant dans la figure du mal.
07:40Ce qui est intéressant, c'est que dans la figure du mal, il n'est pas un imbécile fanatique,
07:45c'est un homme extrêmement fort, voire intelligent, c'est ça qui est effrayant.
07:51Il y a la banalité du mal, mais il y a aussi parfois ce qu'elle a de vertigineusement intelligent,
07:56et ça c'est redoutable, c'est ce qu'il y a de plus redoutable.
07:58Il entre d'ailleurs dans les jeunesses hitlériennes, parce qu'il s'ennuyait dans sa vie de jeune bourgeois suisse.
08:05Et je vous ai demandé de lire un petit extrait de la pièce, de l'Injuste,
08:08ce moment où il explique à la jeune journaliste israélienne pourquoi est-ce qu'il est rentré dans les jeunesses hitlériennes.
08:14Oui, c'est d'ailleurs, ça en dit long sur la façon dont on peut d'un seul coup adhérer à certains partis en France,
08:19en ce moment d'ailleurs.
08:20Adolescent, j'étouffais dans ma petite vie de bourgeois suisse losanois.
08:26J'étais anéanti de constater que le destin m'avait condamné à vivre à une époque aussi fade, poussiéreuse,
08:33aux préoccupations aussi basses, dépourvues de pas d'âge.
08:37Mes parents représentaient ce que, intuitivement, j'exécrais déjà.
08:42Et c'est dans ce monde de l'argent et de la bourgeoisie, dans cette démocratie insipide, que j'allais devoir vivre.
08:48Alors, quand mon père m'a envoyé en Allemagne en 1932 pour apprendre l'ordre et la discipline,
08:57Hitler est devenu immédiatement mon héros.
09:01J'ai trouvé le combat de ma vie.
09:04Et effectivement, c'est un texte qui résonne énormément avec aujourd'hui,
09:08quand vous entendez certains jeunes qui sont fascinés et qui critiquent la démocratie molle et bourgeoise
09:15et le confort des meubles dans lesquels on s'ennuie et qui vont vers les idées radicales, les idées de l'extrême.
09:20Donc, c'est vraiment ça. Ça résonne énormément.
09:23« C'est une folie à nul autre seconde de vouloir se mêler, de corriger le monde. »
09:27Molière l'écrivait déjà par la voix de Filinthe dans le Mise en Trois.
09:31Bon, c'est dans Trois Jours, vous flippez ?
09:33J'adore ! Alors Jacques Weber, c'est dans Trois Jours, vous flippez ?
09:38Mais je flippe énormément !
09:39Mais c'est toujours... Vous savez, Pierre Brasseur m'avait dit « Plus tu vieilliras, plus t'as le tract. »
09:44Bah oui, plus on a le tract, parce qu'on sait que ne serait-ce que d'être bien, c'est difficile et hasardeux.
09:48Je partage ça heureusement avec une comédienne que j'adore.
09:51Je suis merveilleusement entouré par une très belle équipe tenue par Julien Cibre.
09:55Mais c'est marrant ce que vous dites, parce que vous le dites souvent, c'est difficile d'être bon.
09:59Même pas très bon, c'est difficile d'être bon, de ne pas se rater.
10:02D'ailleurs, vous dites assez facilement que parfois vous n'avez pas été bon.
10:07Alors que des acteurs qui n'ont pas du tout le quart du dixième de votre carrière
10:12ont du mal à dire « Là, je me suis planté dans ce rôle, j'étais... »
10:15Et vous, vous dites « Il y a des fois, je me suis raté. »
10:18Mais je crois que c'est que les ratages sont tout aussi importants dans l'édification
10:22du tout petit bonhomme que l'on est, devant sa tombe, à ce qu'on est.
10:27C'est très important, le ratage aussi. Il ne faut pas en avoir peur.
10:31Pourquoi mentir là-dessus ? Ce serait redoutable, je trouve.
10:34Et les récompenses, est-ce que c'est bien ?
10:36Votre Molière d'honneur, il y a deux ans, le César sur Cyrano de Rabiot.
10:41Lorsque vous le recevez, on ne va pas dire que ça fait du mal.
10:44Ça fait plaisir, c'est touchant, parce qu'on a toujours...
10:47Quoi que l'on fasse, quoi que l'on dise, on a quand même un petit égo qui bouge,
10:50un petit alien qui bouge.
10:53Et puis ça fait plaisir. Moi, je sais que ça a touché beaucoup mes parents.
10:56Et ça, c'est très, très important pour moi.
10:58Ah, vos parents vont en parler.
10:59Mais d'abord, on vous le fait à chaque fois.
11:01C'est vrai que vous l'avez dit une fois dans je ne sais pas quelle interview.
11:03Pour combattre mon stress, j'écoute à fond Brel et Johnny.
11:07Ben, on a choisi Johnny.
11:08J'ai gagné !
11:09Pardon, pardon.
11:12J'ai oublié les rêves et les merci.
11:15Toutes ces choses qu'il y avait en vrai.
11:18J'en vis, j'en vis, j'adore.
11:20Non, mais ça fait du bien, ça sort la...
11:23Il était extraordinaire, cet homme sur scène.
11:26Puis j'ai eu la chance magnifique de le connaître.
11:30Il était d'une timidité, d'un respect.
11:32Il venait au théâtre, il mettait une cravate.
11:35Ça, toute ma vie, je m'en souviendrai.
11:36C'est Nathalie Baye, votre copine, qui vous l'a présentée quand elle était avec lui.
11:39Il s'était mis une cravate et il était allé voir tous les acteurs de la distribution,
11:44du plus petit rôle au plus grand.
11:46Ça, vraiment, c'était un exemple absolu.
11:48Le théâtre, Jacques Weber, vous l'avez dit vous-même,
11:50ce n'était pas écrit dans votre patrimoine familial, on va dire ça comme ça.
11:53Votre père était polytechnicien, grand physicien, chimiste.
11:57Dans votre famille, il y a plein de médecins.
11:59Votre frère était philosophe.
12:01Et vous dites, j'étais le mouton noir, j'étais nul à l'école.
12:03En plus, vous êtes saletain banque.
12:05Ça n'a pas dû être facile pour vos parents.
12:07Vous parlez du silence méprisant de votre père au début.
12:12Oui, là, on touche des moments assez touchants, très importants pour moi dans mon existence,
12:21fondateur même.
12:22Oui, c'est vrai que j'ai cru, maintenant, la vie est passée là-dessus.
12:28Et puis, mes succès nous ont réparés.
12:31Parce qu'une fois que j'ai eu du succès, tout était aboli, fini.
12:35Mais c'est vrai qu'au début, j'étais considéré, mon père le disait, comme un petit imbécile.
12:39Et l'école aussi, puisque j'étais en école d'adaptation.
12:42Vous étiez nul, vous étiez viré de toutes les écoles.
12:45Et puis, mon grand-père était absolument catastrophé que je sois exempté du service militaire.
12:49Ben oui, mais il n'est pas très, très normal et tout.
12:51Donc, tout ça, en effet, vous marquez.
12:53Ah, et vous prenez littéralement, dans l'enfance, vous aviez un regard d'un peu...
12:56Vous savez, vous n'étiez pas né.
12:57C'était une époque extrêmement rigide, château, avec des règles effrayantes.
13:03C'était des coups de fourchette sur le coude, si on mettait les coudes sur la table et tout.
13:06C'était tout ça, quand même.
13:08Plus tard, il a été fier, votre père ?
13:12Oui, je crois.
13:13Et c'est toujours pareil.
13:14La fierté par rapport au succès que l'on peut avoir dans ce métier est toujours un petit peu excessive,
13:21un peu grossie, comme ça.
13:23Je crois qu'il faut raison garder.
13:26C'est un très bel artisanat.
13:27Je crois que maintenant, je peux dire que j'en suis un artisan.
13:33Voilà, je sais ce que c'est que mon artisanat.
13:35Après, le reste ne m'appartient pas.
13:37Ça appartient, je crois, le reste, à la grâce d'une représentation ou d'une interprétation.
13:43Une rencontre que j'ai faite, par exemple, avec Emmanuel Berco,
13:46parce que beaucoup de gens m'ont parlé de thérapie.
13:48La série d'Arte en thérapie.
13:49C'est dû aussi à une rencontre avec cette méthode en scène formidable.
13:53C'est dû à des circonstances et tout qui ont fait que oui, là, je sais que j'étais bien.
13:57Là, vous saviez que vous étiez bien.
13:59Alors que parfois, vous doutez, comme vous le dites,
14:02ou parfois, vous êtes comme quand vous sortez du conservatoire
14:05avec le prix d'excellence à l'unanimité,
14:08que vous avez la Comédie-Française qui veut vous embaucher
14:11et vous leur dites non, je n'aime pas votre maison,
14:14je n'aime pas les gens qui y sont, je n'aime pas ce que vous faites.
14:17Et vous dites, voilà, j'avais 20 ans et j'étais un petit con prétentieux.
14:21Oui, oui, oui, tout à fait.
14:22Surtout que j'ai adoré le théâtre en allant au théâtre,
14:25en allant au français tous les dimanches pour voir Rire, Charon, Pierre et compagnie.
14:28Donc, c'était très contradictoire.
14:30Mais à l'époque, nous sortions de 68, le français, c'était la droite.
14:34Et le théâtre, c'était la gauche.
14:36C'était vraiment très, très con.
14:37Donc voilà, il y a eu tout ça qui a joué beaucoup.
14:40Bon, et puis, il y a les rôles que vous avez marqués.
14:42Tellement de rôles que vous avez marqués.
14:43Monte Cristo, Cyrano au théâtre, je le disais.
14:46Et Cyrano ensuite dans la version de Rapneau avec Depardieu,
14:50avec Anne Brochet, juste pour le plaisir où vous êtes de guiche.
14:55Je viens prendre congé.
14:56Vous partez ?
14:57Pour la guerre.
14:58Ah ?
14:59Ce soir même.
15:00Ah ?
15:00J'ai des ordres en assiège à race.
15:02Ah, en assiège ?
15:03Oui.
15:04Oui.
15:05Au départ, à l'air de vous laisser de neige.
15:07Non.
15:08Mais si, hélas.
15:11Vous reverrez ?
15:11Vous reverrez.
15:12Quand ?
15:13Quand.
15:14Vous savez que je suis nommé maître de camp ?
15:15Bravo.
15:16Du régiment des gardes.
15:18Un des gardes ?
15:19Nous sert votre cousin à l'homophrase ventarde.
15:22Je saurais manger lui là-bas.
15:24Les gardes vont là-bas ?
15:25Tiens, c'est mon régiment.
15:27Question.
15:28Que faites-vous ?
15:31Ce départ me désespère.
15:33Quand on tient à quelqu'un le savoir à la guerre.
15:36Pour la première fois, me dire un mot, s'il vous plaît.
15:39Vous le connaissez par cœur.
15:40Vous le récitez encore par cœur.
15:42D'abord, quand je jouais Cyrano, j'ai eu toute l'attitude de me rendre compte
15:45que le rôle de guiche était merveilleux.
15:48Et puis, oui, ce sont des choses...
15:49Là, j'avais peur pour cette scène.
15:51J'avais un trac fou.
15:54Mais vraiment, ce film est une réussite absolue.
15:57A tous les étages.
15:58Et on peut le regarder encore.
16:00On peut le regarder mille fois.
16:01Ça marche encore.
16:02Camille Jean-Paul, là-dedans.
16:04Et moi, oui, j'avais accepté.
16:06Alors, tout le monde m'avait dit « Mais enfin, comment tu peux accepter toi qui as fait Cyrano ? »
16:10Et j'ai dit « Si c'est Depardieu, j'accepte. »
16:13Jacques Weber, une minute pour les impromptus.
16:15Vous répondez rapidement, sans trop réfléchir.
16:17L'amour dure 40 ans chez vous.
16:19C'est quoi le secret ?
16:21La complicité.
16:23Vraiment, la complicité.
16:25On est et amis et amoureux.
16:28C'est joli et ça dure.
16:29Quel père êtes-vous ? Vous avez trois enfants.
16:31Je pense que je suis un père aimant, fois amoureux.
16:35Mais complètement, je suis le quatrième enfant des...
16:38La pauvre, votre femme.
16:40C'est vrai que vous aimez être seul, beaucoup.
16:42Vous aimez marcher seul.
16:42Vous aimez aller au resto seul.
16:44C'est ce que je préfère au monde.
16:45C'est franchement marcher des heures seul.
16:48Réfléchir à mes rôles.
16:49Et quand je suis en tournée, c'est embêtant pour certains de mes camarades.
16:52Parce qu'ils pensent que je fais la gueule.
16:53J'adorais être tout seul au restaurant.
16:57Qu'est-ce que la nouvelle de votre cancer en 2019,
17:00parce que vous l'aviez rendu public à ce moment-là, a changé ?
17:03Disons que d'abord, j'ai découvert un monde absolument magnifiquement généreux.
17:09Des gens extraordinaires qu'on devrait quand même être un peu à la hauteur
17:12de ce qu'on leur a promis à la sortie de Covid.
17:15C'est-à-dire le monde hospitalier, le monde des infirmières,
17:17le monde des professeurs, des to be be to.
17:19Et vraiment, si vous n'êtes pas entouré par des gens aussi magnifiques,
17:22c'est que c'est compliqué.
17:23C'est assez difficile.
17:24Vous savez, moi, j'en ai eu un pas si grave que ça.
17:28C'était un lymphôme.
17:29Enfin, c'est grave.
17:31Mais j'en suis totalement sorti.
17:33Tout va bien, on l'entend ce matin.
17:36La psychanalyse, vous vous êtes allongé, vous ?
17:39Alors, j'ai fait de la psychothérapie parce que la psychanalyse,
17:44j'ai fait 3-4 séances et à un moment, j'en pouvais plus.
17:46J'avais trop peur.
17:47Gérard Philippe ou Jean-Pierre ?
17:49Gérard Philippe.
17:49Patrick Devers ou Gérard Depardieu ?
17:51Gérard Depardieu.
17:52Duras ou Beckett ?
17:54Ah, compliqué, Beckett.
17:56Johnny ou Jacques Brel ?
17:59Oh, c'est compliqué, Jacques Brel.
18:02Cyrano de Bergerac ou Le Comte de Monte-Cristo ?
18:05Cyrano de Bergerac.
18:06Alcool, drogue, café, sexe, vous avez une drogue encore ?
18:10Café, sexe ? Café.
18:14La dernière fois que vous avez pleuré ?
18:18Oh là, c'est terrible.
18:19Oui, il n'y a pas tellement longtemps d'ailleurs.
18:23Mais ça m'arrive d'un seul coup.
18:24Si, je vais vous dire, il a fallu que j'aille piquer mon petit chat,
18:29ça peut paraître très con, mais c'était horrible.
18:33Ça, ça m'a fait pleurer, oui.
18:35Votre quartier préféré à Paris ?
18:37Ah, bonne question.
18:40Pardon, ce serait plutôt le Marais, vraiment.
18:44Il y a des petits coins formidables.
18:46Et Dieu dans tout ça ?
18:49Dieu, oui, les religions, merde.
18:52Jacques Weber était notre invité.
18:54Vous êtes dans trois jours dans la pièce Événement de la rentrée.
18:57L'injuste au Théâtre de la Renaissance avec Élodie Navarre.
19:00Il s'écrit par Alexandre Amiel, Yael Berdugo, Alexis Québass et Jean-Philippe Daguerre.
19:05Mise en scène Julien Cybre.
19:06Il y a déjà beaucoup de réservations, ça marche bien.
19:09C'est étonnant.
19:10Oui, ça bouge.
19:13Il n'y a plus qu'à être bon.
19:15Je vous dirai, la prochaine émission, je vais être très libre.
19:18J'ai été moyen ou j'ai été bon ?
19:20On a l'impression que celui-là, vous vous tenez à ce rôle-là.
19:23Merci et très belle journée.