A 9h20 ce jeudi, Noémie Merlant est l'invitée de Léa Salamé pour la sortie le 11 décembre prochain du film "Les femmes au balcon".
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00:00Et Léa, ce matin, vous recevez une actrice et réalisatrice.
00:04Bonjour Noémie Merland, bienvenue et merci d'être avec nous ce matin sur Inter.
00:08Si vous étiez un livre, une actrice hollywoodienne, une ville et une émotion, vous seriez qui ?
00:14Vous seriez quoi ? Alors d'abord un livre.
00:16Un livre, alors je ne lis pas énormément comme je vous le disais, mais il y a un livre
00:22qui m'a énormément happée tellement que j'ai contacté l'autrice qui s'appelle
00:28Christina Rodrigues et c'est un livre qui s'appelle Sporus.
00:31Et pourquoi il vous a happé celui-là plus qu'un autre ?
00:35Je ne sais pas, déjà j'étais en train de visiter le Vatican et le guide nous parle
00:40de Néron et de son histoire avec Sporus et là, je ne sais pas pourquoi, il y a quelque
00:46chose qui commence à vibrer, je cherche sur internet, je tombe sur le livre et je le lis
00:51en trois jours, ce qui ne m'arrive jamais.
00:53Et tout ce qui est dit dedans, il y a énormément de choses que j'ai envie de partager et qui
01:00me ressemblent d'une certaine manière, même si comme ça sur le papier, j'ai l'impression
01:02que c'est très très loin de moi, mais en fait...
01:04Vous êtes proche de Néron en fait, c'est ce qu'elle vous dit.
01:08Si vous étiez une actrice hollywoodienne.
01:10Si j'étais une actrice hollywoodienne, or un mélange peut-être entre Marilyn Monroe
01:19et Jenna Rolland, ce serait un rêve absolu.
01:22On va y venir à Marilyn, parce qu'elle est présente dans votre film.
01:25Une ville ?
01:26Marseille.
01:27Ah bah vous êtes obligée là !
01:28Ah bah oui !
01:29Bah oui, parce que c'est le quatrième personnage du film, Marseille.
01:31C'est le quatrième personnage du film et je suis tombée amoureuse de cette ville qui
01:33pour moi est une...
01:34Une femme.
01:35Une femme.
01:36On va y venir aussi.
01:37Et une émotion ?
01:38La surprise.
01:40Les femmes sont les plus authentiques quand elles ressemblent à ce qu'elles ont rêvé
01:45d'être.
01:46C'est une citation tirée du film « De tous sur ma mère » de Pedro Almodovar dont vous
01:49êtes beaucoup inspirée dans votre deuxième film comme réalisatrice « Les femmes au
01:53balcon » qui sort le 11 décembre.
01:55Les femmes sont-elles plus authentiques quand elles ressemblent à ce qu'elles ont rêvé
01:58d'être ?
01:59Est-ce qu'il a raison Almodovar ?
02:00Est-ce qu'il a raison, je ne sais pas, mais moi j'ai la sensation que déjà pour savoir
02:06ce dont on rêve, c'est déjà compliqué parce que justement à force de ne pas faire
02:12de vagues, de penser surtout à faire plaisir à l'autre et puis d'avoir en nous finalement
02:18les rêves surtout de la société qu'on nous met depuis toute petite, y compris dans
02:22les Disney ou dans les films qu'on voit, moi j'ai mis du temps à savoir vraiment
02:27ce dont je rêve et peut-être aujourd'hui je ne suis même pas sûre encore.
02:31Donc déjà il faudrait faire ce chemin-là avant d'y arriver.
02:38Comme chez Almodovar en tout cas, vos « Femmes au balcon » sont débordantes, explosives,
02:43pleines de désirs contradictoires, d'envie de liberté, elles sont aussi au bord de la
02:48crise de nerfs.
02:49On est donc à Marseille, l'été, il fait très chaud, 46 degrés, c'est une Marseille
02:54sensuelle que vous filmez, et trois copines habitent en coloc et fantasment sur leur voisin
02:59en face, très beau, très sexy et qui se balade à poil toute la journée, ça c'est
03:03le point de départ du film, mais très vite ça va basculer en film gore, déjanté, punk,
03:09drôle, fantastique, vous allez mêler tous les genres.
03:12Ça commence en fait comme une comédie romantique et ça se termine en une grande histoire d'amitié
03:17jouissive et libératrice.
03:19Ça vous va comme pièce ?
03:20Ah bah je...
03:21Waouh, merci !
03:22Les trois femmes sont trois archétypes, il y a l'écrivaine qui doute, qui n'est pas
03:26bien dans sa peau, qui est jouée par Sandha Khodreanu, il y a Ruby qui est une camgirl,
03:31c'est-à-dire une prostituée sur les sites porno, c'est celle qui se filme payée pour
03:36exciter les hommes, elle, elle est extravertie, sûre d'elle, de ses envies, elle est incarnée
03:39par Souhaïla Yacoub qui vous donne énormément, incroyable ce qu'elle fait dans le film,
03:45et puis vous, une actrice un peu soumise, qui suffoque dans son couple mais qui n'ose
03:49pas quitter son compagnon.
03:50Ces trois femmes vont progressivement se libérer de leurs peurs, de leurs empêchements.
03:54C'est une histoire que vous avez vécue Noémie Merland, la colloque entre fille et le voisin
03:59d'en face.
04:00Oui, complètement, c'est une histoire, c'est souvent un petit peu plus rare les colloques
04:06comme ça entre femmes de plus de 30 ans, on dit qu'à un moment donné il faut être
04:10un peu mature, surtout quand on est en couple.
04:12Pas vous.
04:13Voilà, moi non, moi c'est un pilier dans ma vie, cette amitié, et à un moment donné
04:18oui, et même encore aujourd'hui, je vis la moitié, voire plus de la moitié du temps
04:22avec elle, et avec elle, est-ce, on est plusieurs, et d'un coup on n'a plus de regard masculin
04:29ou de regard patriarcal, je ne sais pas exactement comment dire, donc il y a une détente complète
04:33des corps, de l'esprit, et on commence à se parler, et on commence aussi à se libérer
04:38de beaucoup de traumatismes, toujours avec humour, parce que c'est un peu notre langage
04:42à nous, entre nous, et moi ça m'a fait un bien tellement fou, et je me suis dit il
04:47faut que j'en fasse un film de ça.
04:51C'est vous et vos copines en fait que vous filmez, avec ce langage totalement libéré,
04:56avec ces corps libérés.
04:57Avec cette certaine vulgarité douce aussi.
04:59C'est ce que j'allais vous dire, une vulgarité douce, une vulgarité saine, parce que toute
05:03l'histoire, et vous arrivez, la première scène où on vous voit arriver, c'est en
05:06Marilyn en fait, vous êtes blonde, péroxydée, juchée sur des talons, dans une robe moulante
05:11rouge très sexy, et en fait cette Marilyn, vous allez la libérer, la délivrer, vous
05:17allez la démystifier, la désexualiser, vous allez la rendre humaine, normale, pas parfaite
05:23et pas pure, et un peu vulgaire.
05:24Et un petit peu vulgaire, oui, parce que Marilyn pète dans le film, elle est donc vivante
05:30et ce n'est pas juste une image papier glacé, un fantasme.
05:32Oui, parce que les femmes pètent, c'est ainsi.
05:37C'est ainsi, et oui, pour moi, Marilyn, elle incarne tellement justement, que j'admire
05:44énormément, cette femme si intelligente, qu'on a finalement tellement muré dans une
05:48image faite pour les hommes et par les hommes, donc moi j'avais besoin de passer par ce
05:55truc-là, de la libérer avec ses copines.
05:57Vous dites à un moment, j'ai remarqué qu'on ne peut vraiment être nous-mêmes qu'entre
06:00nous, qu'entre filles.
06:02On ne peut pas être nous-mêmes avec les hommes ?
06:04C'est compliqué, en tout cas c'est plus difficile, et surtout, je parle de moi-même,
06:10il y a des attentes en face, souvent, et puis moi-même je joue un rôle à force d'avoir
06:16été habituée à penser d'abord à plaire, à faire plaisir, à justement cette fameuse
06:22vulgarité saine, justement je ne me l'accorde pas.
06:26C'est un peu des deux côtés, après aujourd'hui j'ai eu la chance de rencontrer quelqu'un
06:31avec qui, un homme, avec qui je peux être moi-même, donc complètement, vraiment jusqu'au bout.
06:37Mais en fait c'est étonnant parce que votre film, c'est un film qui va beaucoup parler
06:39aux femmes, et d'ailleurs vous allez loin sur ce que vous dites des femmes, de leur
06:43rapport aux hommes, de leur rapport à leur corps, à leur sexualité, c'est un film qui
06:46ose, elles osent vos femmes, elles sont modernes, elles sont libérées, mais c'est un film
06:51aussi qui parle aux hommes, je pense qu'ils peuvent apprendre plein de choses les hommes
06:54s'ils regardaient votre film, ils peuvent essayer de comprendre peut-être ce qui se
07:00passe dans nos têtes, dans les têtes des femmes, pourquoi femme varie, pourquoi femme
07:05est parfois au bord de la crise de nerfs, pourquoi femme monte dans les tours, pourquoi
07:08femme peut dire non, pourquoi femme ne veut pas forcément l'acte sexuel pour l'acte
07:15sexuel, parfois elle veut préférer discuter ou faire un câlin, c'est ça, c'est tout
07:19ça que vous montrez dans le film.
07:21Oui, c'est tout ça, c'est des femmes qui pètent les cadres, au-delà de, oui, j'ai
07:27pété tout court, qui pètent les cadres, qui se réapproprient leur corps et aussi
07:30l'espace public parce qu'on passe du palcon à l'espace public, à la rue, c'est des
07:36femmes qui osent, en tout cas qui font le chemin pour être elles-mêmes, pour se libérer
07:43de beaucoup de choses et dont des traumatismes, en tout cas moi par exemple j'ai mis des choses
07:49que j'ai vécues dans le film et ce sont des femmes qui ensemble, qui sont pourtant
07:55très différentes, mais qui s'entraident, qui s'aiment, qui s'acceptent avec leurs
07:59différences et qui se croient et qui face à l'agresseur vont continuer de rire, vont
08:07continuer de vivre, vont se défendre et vont prendre l'espace.
08:10Oui, parce que vous dites contre l'agresseur, parce qu'en l'occurrence, et ça résonne
08:14avec une histoire que vous avez vécue, c'est un film drôle et déjanté, punk, une fable
08:20punk comme vous dites, mais c'est aussi un film qui dit des choses sur les violences
08:24sexuelles et sexistes.
08:26Qu'est-ce que vous avez vécu ? Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de ce que vous avez
08:29vécu, dont vous vous êtes inspirée, qui vous est arrivé ?
08:35J'en ai parlé dans les médias récemment, cette histoire avec un photographe quand j'avais
08:4017 ans, cette histoire, cette agression, et c'est vrai que je l'ai remise dans le
08:47film, ça reste une fiction, ce n'est pas exactement la même chose, mais il y a des
08:52choses, et le viol conjugal aussi, et même en en parlant autour de moi, que ce soit mes
08:58petites cousines de 17 ans, 18 ans, avec leurs copains, ou ma tante de 70 ans, qui ont vécu
09:03ce genre de choses avec leurs compagnons.
09:06Oui, il y a des choses, et encore, je suis loin d'avoir tout mis, mais la violence accumulée
09:17comme ça, qui est mise après sous le tapis, parce que moi je me disais, j'arrive quand
09:20même à vivre avec, et puis on m'a dit que ce n'était pas grave, et puis c'est habituel.
09:23Parce qu'il y a deux choses, vous parlez de l'agression quand vous aviez 17 ans avec
09:27un photographe, quand vous l'avez raconté, personne ne voyait le problème.
09:30Personne, on me croyait, ce n'est pas le problème de croire ou pas croire, mais on
09:33m'a dit, oui, mais bon, voilà, tu n'avais qu'à dire non, et puis finalement ce n'est
09:36pas si grave, et puis c'est habituel, et puis ça arrive, et puis c'est comme ça,
09:38et puis les femmes ont l'habitude, en gros, et puis ce n'est pas si grave.
09:43Donc, je crois que le problème, ce n'est pas de nous croire, c'est que je pense qu'on
09:47s'en fout un peu, et qu'on se dit que les femmes ont l'habitude de supporter beaucoup
09:50et donc ça peut continuer comme ça.
09:52Donc, moi, cette violence, il y a un endroit où je ne la ressors pas dans la vie, il faut
09:57bien qu'elle ressorte quelque part, donc cette violence, cette colère que j'ai reçue,
10:02je la remets dans ce film, il y a un côté très cathartique et apaisant j'espère aussi.
10:06Oui, apaisant, parce que, je ne sais pas comment vous dire, il y a un truc jubilatoire de ces
10:12femmes qui se vengent un peu, de manière un peu délirante, qui se défendent, non,
10:17il y a une petite jouissance à la vengeance aussi, elles vont loin, je ne veux pas déflorer,
10:24mais si, il y a un petit truc, on sent que vous vous êtes amusés aussi, parce que c'est
10:30grave, vous dites des choses, mais il y a de la légèreté, c'est assez étonnant.
10:35Et puis c'est un film sur le corps, c'est un film sur le corps, le corps des femmes,
10:40ou comment il nous embarrasse ce corps, comment il faut apprendre à l'aimer, il faut apprendre
10:44à l'accepter, non ?
10:45Il faut apprendre à l'accepter, il faut apprendre, en tout cas pour ceux qui ont envie, ce n'est
10:50pas une obligation, mais moi, c'est vrai que je me sens beaucoup mieux, et encore,
10:54le chemin est long, je ne suis pas complètement parvenue, mais il y a un endroit où j'en
11:02fais un peu mon ami, mon allié, et je le laisse un peu tranquille, et je le laisse
11:07se relâcher, je le laisse prendre de l'espace, et d'accepter ses défauts, qui au final
11:15on apprend à voir que ce ne sont pas forcément des défauts, et je me suis amusée, oui,
11:20à non pas me dire, du coup, vu qu'on a été tellement objectivés et sexualisés,
11:23qu'on n'a pas pu nous filmer, au contraire, je pense qu'il faut continuer de filmer les corps.
11:27C'est le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on les voit, les corps des femmes, nus,
11:30les seins des femmes, d'ailleurs vous imaginez une scène où toutes les femmes se baladressent
11:33en nus, celles qui ont envie d'ailleurs, de montrer leurs seins, c'est-à-dire effectivement
11:40vous le filmez ce corps, il est là, il est là, et vous, vous avez commencé comme mannequin
11:46avant d'être actrice, vous dites, ça ne m'a pas aidé, les moments mannequins, ça
11:51ne m'a pas aidé à aimer ce corps.
11:53Non, parce que c'est vrai qu'au-delà du fait, à part le fait qu'on me demandait de me taire,
11:58on l'a beaucoup pesé, on lui a beaucoup fait de mal, et du coup, moi aussi, j'étais
12:06anorexique boulimique à cause du mannequinat pendant des années, à force d'être pesée
12:09comme ça tous les jours, touchée, on me disait, non, là, tu grossis trop, je pesais
12:14quand même 48 kilos pour 1m76, ce qui est très très… et j'étais donc très très
12:19jeune.
12:20Donc au bout d'un moment…
12:21Et vous étiez trop grosse quand même.
12:22Et j'étais quand même trop grosse, donc on est comme ça, on est touché, on nous demande
12:25de nous taire, en même temps, on est agressé, enfin, c'est quand même, on rentre dans
12:29un monde où on se dit, ouh là, en tant que femme, ça, tout de suite, c'est pour ça
12:32qu'aujourd'hui, j'ai envie quand même de le montrer, c'est aussi de me le réapproprier
12:36et de dire, le problème, ce n'est pas le corps des femmes, c'est votre regard dessus
12:40et ce que vous en faites, donc j'ai envie de le montrer frontalement, vulgairement et
12:46différemment parce que la vulgarité permet de démystifier, de casser ce côté un peu
12:52objet.
12:53C'est vrai qu'on l'a rarement vu comme ça, le corps des femmes, vous le filmez frontalement.
12:58Et c'est fort.
13:01C'est l'histoire de trois femmes, on l'a compris, mais il y en a une quatrième, très importante.
13:06Tout le monde se levé, les cercles se formés, des concours de danse, on peut partout s'improviser.
13:11Je te propose un voyage dans le temps, via planète Marseille, je danse le Mia.
13:17Alors j'ai trouvé Ayam, j'ai cherché une chanson sur Marseille.
13:20Je me suis dit Ayam, hier j'ai passé bandes organisées à LCH, donc aujourd'hui vous
13:25avez le droit à Ayam, planète Marseille.
13:28A quel moment vous êtes tombée amoureuse de Marseille ?
13:31Alors quand j'avais 12 ans, vraiment j'étais jeune, on est partis quelques jours en vacances
13:35avec mes parents à Marseille et je ne sais pas pourquoi je suis tombée amoureuse de
13:39cette ville.
13:40J'ai vraiment écrit dans mon journal intime, je suis retombée dessus il n'y a pas assez
13:42longtemps, je disais je suis tombée amoureuse de Marseille, j'espère qu'un jour j'y
13:45habiterai.
13:46Bon j'y ai habité un petit peu mais j'ai surtout tourné un film là-bas.
13:49Pour moi c'est une femme cette ville, elle a une lumière enveloppante, elle a des couleurs
13:54très douces et très fortes en même temps, elle est très complexe, elle déborde, elle
14:01est pleine d'amour, de vie, de bordel.
14:04Puis il y a la bonne mère, il y a la mère, enfin je ne sais pas, pour moi c'était évident
14:08que ce film se passe à Marseille.
14:10Noémie Merland, vous êtes une actrice depuis plus de 15 ans, vous avez été révélée
14:14au grand public par le film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, où
14:18vous étiez incandescente, on vous a encore vue à la rentrée dans Emmanuel de Dreddi
14:22Wan.
14:23Et puis vous êtes aussi une des rares comédiennes françaises qui a une carrière internationale
14:27puisqu'on vous a vu aussi avec Cate Blanchett dans le film où elle jouait…
14:33Cate Blanchett, tard.
14:34Oui, tard, d'abord.
14:35Parce qu'il y avait aussi Cate Winslet aussi dans le lit ! C'est vrai, on vous a vu sur
14:41Lee Miller avec Cate Winslet, elle vous a également choisie, et d'ailleurs je l'ai
14:45aussi vue, elle parlait très joliment de vous en parlant de votre énergie et de vos
14:49yeux.
14:50Mais là, vous êtes réalisatrice, ça change le regard des gens d'être réalisatrice
14:56et pas seulement actrice ?
14:57Oui, je crois un petit peu, oui, je crois qu'il y a quelque chose qui change, peut-être
15:06aussi en moi qui change, où j'ai l'impression, même si quand on est actrice on fait des
15:13choix, le choix d'accompagner la vision d'une réalisatrice ou d'un réalisateur,
15:18donc malgré tout on s'exprime par les choix qu'on fait, mais quand on est réalisatrice,
15:26et puis surtout, en tout cas moi j'ai l'impression d'être ultra sincère, peut-être trop !
15:31Donc il y a un endroit où les gens ont aussi accès un peu à mon âme, un endroit…
15:40Vous vous mettez à nu dans tous les sens du terme, dans le film.
15:43Quand est-ce que vous avez décidé de réaliser des films ?
15:45J'ai décidé de réaliser des films quand j'étais au cours Florent, donc j'ai eu
15:51cette un peu évidence de « mon Dieu, je veux faire ce métier, je veux être comédienne
15:55! » Et en même temps, au même moment, se passe un drame familial, et donc je vais
16:00souvent à l'hôpital avec ma mère…
16:03Pour votre père, qui a eu un AVC, vous étiez toute jeune, votre père qui est très important
16:08pour vous, vous vous dites « c'est lui qui réfléchissait pour moi, c'est lui
16:11qui m'a poussé à être actrice, qui a été comédienne ». Et puis là, vous êtes
16:14au cours Florent, vous avez 21 ans et votre père fait un AVC, et c'est vrai qu'on
16:18vous connaît comme comédienne, comme réalisatrice maintenant, mais vous êtes aussi une femme
16:21très engagée sur la question des aidants, et c'est quelque chose qui vous suit depuis
16:25cet AVC de votre père ?
16:26Oui, parce que ma mère est aidante, donc elle aide mon père, aide ma sœur, et donc
16:32c'est un métier, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui est très prenant, donc je l'admire
16:39énormément, je les admire tous les trois d'ailleurs, et mon père m'en parlait
16:43d'Amaudovard de cette phrase tout à l'heure, c'est vrai qu'à cette époque-là, j'étais
16:47jeune et je n'arrivais pas à savoir quels étaient mes rêves, et lui, il a vraiment
16:51essayé d'écouter le fond de mon âme et de savoir quels étaient mes rêves, et donc
16:55il m'a conduit vers les cours Florent, et c'est pendant ce drame, quand il a eu son
16:59AVC, qu'en fait, peut-être que ça m'a permis de mettre à distance ou quoi, mais
17:03j'ai commencé à écrire et à voir tout ce qui se passait comme des scènes de film,
17:07et en me disant « Oh, c'est génial ça, c'est une scène de film ! » Je pense que
17:10c'était une façon de me protéger aussi, et c'est comme ça qu'en tout cas, j'ai
17:14eu l'envie de réaliser aussi, mais je le gardais dans un coin de ma tête, parce que
17:18je me disais déjà que je dis que je veux être actrice, alors que je suis mannequin
17:21et que c'est un peu mal vu, et en plus je dis que je veux faire réalisatrice, on va
17:25dire que je veux trop de choses et que ça va pas.
17:27Et après, c'est quoi ? Après réalisatrice, c'est quoi encore ? Vous avez encore d'autres
17:31envies ? Pour casser les codes ?
17:33Non, de continuer de pouvoir faire les deux, justement, déjà, ça serait super.
17:39Les impromptus, pour terminer, vous répondez rapidement sans trop réfléchir, brunes ou
17:42blondes ?
17:43Oh, blondes !
17:44Ah là, vous êtes blondes ! On vous a longtemps connues brunes, et là aussi ça change le
17:48regard des hommes.
17:49Ah, dans la rue, oui, dans la rue, ça change le regard, et puis même les interactions,
17:54il y a beaucoup plus d'interactions.
17:55Il y a beaucoup plus qu'il y a de me parler ou de me demander des choses, je ne dirais
17:58pas quoi.
17:59On imagine.
18:00C'est vrai qu'au cours, Florent vous disait, si t'as pas fait un grand film avant 30 ans,
18:05t'as raté ta vie.
18:06Oui.
18:07Et alors, vous avez réussi votre vie ?
18:08Ah oui, j'ai eu beaucoup de chance, c'est arrivé pile juste avant mes 30 ans, grâce
18:16à Portrait, entre autres.
18:18Grâce à Céline Sciamma.
18:19Grâce à Céline Sciamma.
18:20Et à Adèle Haenel.
18:21Et à Adèle Haenel.
18:22Elle manque au cinéma, non ?
18:23Elle manque, oui, énormément.
18:26Vous avez compris sa décision de se retirer ?
18:28Bien sûr, j'ai compris sa décision, et je l'admire, c'est hyper courageux.
18:34Elle l'a fait pour elle, et elle l'a fait aussi pour les jeunes générations à venir,
18:42pour un moment donné, pour qu'on soit entendu.
18:47Parfois, il faut faire des choses de manière peut-être un peu radicale, mais sinon on
18:52n'est pas entendu.
18:53Vous parliez des hommes tout à l'heure, par rapport à mon film, où c'est vrai qu'il
18:57n'y a que des agresseurs dans ce film, mais parce qu'à un moment donné, on a besoin
19:02de parler des choses sérieusement pour être entendu, et peut-être un peu trop radicalement,
19:08j'en sais rien.
19:09On vous a reproché d'être trop radicale ?
19:11Ah oui, oui, oui, pas tout le monde.
19:14Je suis hyper agréablement surprise de recevoir autant d'amour de femmes et d'hommes à
19:21la fin du film.
19:22Dans les avant-premières, il y a beaucoup de rire, il y a beaucoup d'hommes qui viennent
19:28me voir, qui ont adoré voir des femmes se libérer, mais aussi qui m'ont dit « Waouh,
19:34c'est waouh ». Mais qui me remercient parce qu'il y a un endroit où ils se remettent
19:38justement en question, parce qu'il n'y a pas l'homme qui n'est pas agresseur auquel
19:42ils peuvent tout de suite s'identifier.
19:43Là, vu qu'il n'y a que des agresseurs, il y a un truc où on est obligé de se faire
19:46une introspection.
19:47Alors, pas forcément pour se dire « Tiens, moi aussi je suis un agresseur », mais pour
19:50se demander « Tiens, est-ce qu'à un moment donné, j'ai eu un comportement un peu déplacé
19:55ou pas ? ». Ça ne se trouve pas du tout.
19:56Et puis, il y en a d'autres qui le prennent très très mal, mais à cela, souvent je
20:00réponds « Je suis désolée déjà, mais surtout, le nombre de films où nous, on n'est pas
20:06gâtés, où il n'y a que des hommes et puis les quelques femmes qu'il y a, c'est soit
20:11des filles complètement naïves, complètement maltraitées, complètement vénales ou méchantes
20:16ou manipulatrices, on ne le prend pas forcément pour nous, mon film, il ne se prend pas trop
20:22au sérieux.
20:23On est quand même dans un truc complètement absurde, dans la tête des femmes qui explosent
20:27quand on en marre et qui ne voient plus que les agresseurs parce qu'il n'y a que ça
20:31dans leur vie, parce que ça prend trop de place et que les autres, on ne les entend
20:34pas suffisamment.
20:35Juliette Binoche en parlait, non ? Je crois, il n'y a pas si longtemps, les autres, on
20:39ne les entend pas.
20:40Et le film, c'est aussi ça, c'est les autres, vous êtes tout.
20:44Donc voilà, je suis partie en digression totale.
20:47Non, c'est très bien, vous avez tout dit en fait, vous avez tout dit, c'est un film
20:51qui casse les codes, c'est un film où on voit des femmes qui osent, où on voit un
20:54homme aussi, il s'appelle Lucas Bravo, qui est très beau, et ça s'appelle Les femmes
21:00au balcon.
21:01Il y a quelque chose de l'âme de Noémie Merland dans ce film-là, vous y allez et
21:06vous montrez et c'est assez jubilatoire, ça sort le 11 décembre, merci et belle journée
21:12à vous.
21:13Merci beaucoup.
21:14Merci à vous.