Anne Fulda reçoit Jean-Marie Dru pour son livre «Les canards majuscules» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Jean-Marie Dru.
00:03Bonjour.
00:04Alors, on vous connaît.
00:05Vous êtes un publicitaire de renom, un grand publicitaire.
00:08Vous avez cofondé l'agence BDDP, vous avez présidé le réseau TWA Monde et vous venez
00:14de publier Les Canards Majuscules, un livre qui est paru aux éditions Télémac, un livre
00:19autobiographique qui revient dans une première partie sur votre enfance, votre jeunesse,
00:25vos petites Madeleines de Proust.
00:27Vous évoquez un monde disparu avec beaucoup de poésie et puis dans une deuxième partie,
00:31vous évoquez plus votre carrière professionnelle, toutes les rencontres qu'elle vous a permis
00:36de faire.
00:37Une carrière que vous commencez en 71, un peu par hasard, vous sortez d'HEC, la publicité,
00:43on ne sait pas trop bien ce que c'est à l'époque.
00:45Non, pas du tout.
00:46Le marketing était une nouvelle discipline.
00:48HEC, l'option marketing a dû être créée en 68 ou 69 et puis je voulais faire du marketing
00:54et puis quelqu'un m'a conseillé d'entrer dans une agence.
00:55Dans les agences, on travaille sur des multiples produits, donc on a une sorte de formation
00:59complémentaire.
01:00Pendant des années et des années, je me suis dit quand est-ce que je sors de ce métier
01:03et je n'en suis jamais sorti.
01:05Est-ce que l'esprit de 68 avait changé quelque chose à la bonne vieille réclame ?
01:09Il y a deux choses qui sont intervenues à cette époque.
01:12Il y a eu l'esprit de 68 dans les agences, il y avait un esprit un peu libertaire dans
01:16les agences et puis il y avait aussi surtout le début de la télévision, de la publicité
01:19à la télévision.
01:20Donc il y a toute une nouvelle génération qui est rentrée dans ce métier dans les
01:23années 70.
01:25Pour ces deux raisons.
01:26Donc vous créez avec trois compères l'agence BDDP en 1984, mais dix ans plus tard, la
01:35société a été trop endettée, vous avez été pris dans une espèce comme ça de folie
01:41des grandeurs ?
01:42Ce n'est pas vraiment la folie des grandeurs, c'est que nous avions très bien réussi
01:46en France, on était troisième sur le marché après Airbus et Publicis en quelques années
01:50et lorsque vous êtes une agence moyenne ou petite, vous pouvez vous contenter d'être
01:52en France.
01:53Si vous avez une grande agence, vous devez avoir des clients internationaux, vous devez
01:56avoir un réseau international.
01:58Donc nous avons essayé de créer un réseau, on était présents dans douze pays et on
02:01l'a fait en empruntant de l'argent auprès de nos amis les banquiers et puis à un moment
02:05ils ont trouvé qu'on était trop endettés.
02:06Donc en un mot, j'ai perdu l'entreprise que j'avais créée.
02:08Alors vous vous en êtes remis et puis vous avez connu quand même ce qu'on appelle l'âge
02:14d'or de la publicité qui est allé, comme vous le disiez, de pair avec l'âge d'or
02:18de la télévision.
02:19C'est vrai que dans les années 80-90, les nouvelles campagnes de pubs, c'était des
02:24petits événements, les créatifs de la pub aussi étaient des petites stars.
02:30Aujourd'hui, comment vous expliquez que ce n'est plus le cas ?
02:34Ce n'est plus le cas pour tellement de raisons.
02:36D'abord, à l'époque, c'était un métier à la mode et donc les jeunes talentueux voulaient
02:41absolument entrer dans ce métier.
02:42Aujourd'hui, ils vont plus dans les start-up ou chez Google déjà, premièrement.
02:46Deuxièmement, il y a l'essor des réseaux sociaux, d'Internet, ce qui fait que la publicité
02:50à la télévision est devenue moins importante et il est plus difficile d'être créatif
02:56lorsque vous faites des messages en permanence, en temps réel.
02:58Vous vous rendez compte qu'aujourd'hui, par exemple, si je fais un contenu, il peut être
03:01optimisé par l'intelligence artificielle.
03:02Il peut y avoir 10 000 versions du même contenu qui sont optimisées dans la seconde.
03:08Donc le sujet maintenant, c'est plus d'être donné le bon message au bon moment, au bon
03:12endroit.
03:13Et c'est plus ça que de trouver des grandes idées créatives comme nous le faisions dans
03:16le passé.
03:17Grandes idées, c'est un mot épais, un peu excessif, mais des bonnes idées.
03:20Vous avez lancé en France le concept de la disruption, une manière d'innover radicale
03:27qui remet en question les conventions établies.
03:29Est-ce que la définition vous convient ?
03:30Oui, c'est un petit peu, comment dirais-je, oui, c'est un discours un peu technique.
03:34Oui, c'est tout à fait ça.
03:35Ça cherche à faire des stratégies en rupture un petit peu différentes.
03:38Ce qui est amusant, c'est qu'on a utilisé ce mot, nous, dès 91.
03:42À l'époque, il était absolument inconnu.
03:43Même aux États-Unis, il n'était jamais utilisé dans le monde des affaires.
03:46À tel point qu'on a pu le déposer.
03:47Vous vous rendez compte, on est propriétaire du mot disruption dans 30 pays.
03:51Vous avez demandé votre droit d'auteur à Emmanuel Macron.
03:53Oui, peut-être.
03:54Ou même à Sacré-Laine Royale.
03:55C'était la première qui avait parlé de disruption dans sa campagne.
03:58Et donc voilà.
03:59Mais ça ne sert pas à grand-chose, simplement c'est vrai que ce mot a une aventure extraordinaire
04:03parce qu'il est parti de rien.
04:05On me l'avait déconseillé de l'utiliser au départ parce que c'est un mot assez négatif.
04:09Et puis en fait, maintenant, tout le monde l'utilise.
04:12Au passage, d'ailleurs, on me reproche souvent que ce soit un narcissisme.
04:15Ce n'est pas un narcissisme.
04:16C'est un mot qui est latin, qui est passé au français et à l'anglais.
04:21Il était même dans le litré au 19e siècle.
04:23Donc, ce n'est pas vraiment un narcissisme.
04:24Alors, ça va.
04:25Tout va bien.
04:26Alors, vous évoquez les nombreuses personnalités que vous avez rencontrées ou conseillées.
04:30Alors, parmi elles, il y a Lee Kuan Yew, il y a Carlos Ghosn, il y a Steve Jobs.
04:34Est-ce que c'étaient tous des disruptifs ?
04:36Absolument.
04:37Tous les trois.
04:38Et est-ce que pour être remarquable, il faut être disruptif ?
04:41Non, pas évidemment.
04:42Vous pouvez toujours faire des innovations qu'on appelle l'incrémental, qui sont par
04:46un pas.
04:47Mais c'est évident que Carlos Ghosn, d'un côté, on a oublié qu'il avait fait le redressement
04:52le plus spectaculaire de l'histoire de l'industrie à la fin des années 90, où Steve Jobs restera
04:57dans l'histoire du monde des affaires comme un inventeur, un entrepreneur invraisemblable.
05:03Et donc, tous les deux pensaient très différemment.
05:05Ils avaient un point commun, c'est qu'ils voulaient que le monde soit comme il voulait
05:12qu'il soit et non pas comme nous le voyons tous.
05:14Donc, ils étaient extraordinairement intransigeants, déterminés, difficiles.
05:18Les réunions avec l'un comme l'autre n'étaient pas des parties de plaisir.
05:20En tout cas, si vous voulez découvrir un peu les facettes de ces personnalités qui
05:25ont marqué le XXe et XXIe siècle, qui marquent tout, et si vous voulez connaître les coulisses,
05:33la carrière d'un grand publicitaire, je vous conseille de lire ce livre qui est très
05:37joliment écrit.
05:38Ça s'appelle Les Canards Majuscules, c'est paru aux éditions Télémac.
05:41Merci beaucoup, Jean-Marc.
05:42Je vous remercie beaucoup.
05:43Merci.