Anne Fulda reçoit Jean-Marie Rouart pour son livre «La maîtresse italienne» dans #HDLivres
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00:00 Bienvenue à l'Ère des livres, Jean-Marie Roir.
00:02 On ne vous présente pas. Vous êtes écrivain, bien sûr, avant tout.
00:06 Académicien également, grand défenseur de la langue française.
00:09 On ne va pas citer tous les livres que vous avez écrits.
00:11 Là, vous venez de publier "La maîtresse italienne".
00:13 C'est paru chez Gallimard.
00:15 Et c'est un livre qui est savoureux,
00:17 qui se savoure vraiment,
00:20 parce qu'il a une histoire héromanesque.
00:23 Alors, la figure centrale, c'est la comtesse Minnacci.
00:25 Minnacci, je ne sais pas comment on prononce.
00:28 Un personnage absolument étonnant,
00:31 à propos de laquelle Pauline Napoléon avait dit
00:33 que si le nez de la comtesse Minnacci avait été plus long,
00:35 le sort du monde eût été changé.
00:37 Alors, pourquoi êtes-vous intéressé à cette jeune femme,
00:40 certes belle, certes italienne,
00:42 au point d'y consacrer un livre ?
00:44 Ce que j'aime bien, c'est aller dans les endroits,
00:48 j'adore l'histoire, où les historiens ne vont pas.
00:51 C'est-à-dire ces interstices que négligent les historiens.
00:56 Et là, c'est dans une période pourtant très importante,
00:59 c'est l'évasion de Napoléon de l'île d'Elbe.
01:02 Alors, les historiens sont beaucoup plus intéressés
01:04 aux 100 jours, c'est-à-dire la reconquête
01:06 par Napoléon de la France.
01:08 Mais l'île d'Elbe, ils l'ont un peu négligée,
01:10 et surtout, ils n'ont pas tenu compte de cette femme,
01:13 parce que peut-être qu'ils préfèrent les conquérants
01:16 et Napoléon dans ces batailles,
01:19 plutôt que ces petits personnages, mais qui sont les vifs,
01:22 parce que cette comtesse,
01:25 qui était très jolie, dont on sait très peu de choses,
01:28 et le colonel Campbell,
01:32 qui était, disons, pas le geôlier,
01:35 mais l'homme qui était chargé par les Anglais
01:37 de surveiller Napoléon de l'île d'Elbe,
01:39 a traversé le canal qui le relie à l'Italie,
01:43 et là, il est tombé dans des circonstances mystérieuses,
01:45 il est tombé sur cette femme,
01:47 il est tombé fou amoureux d'elle,
01:50 et il s'est mis à négliger complètement
01:53 la garde de Napoléon.
01:55 Et c'est grâce à cette absence
01:59 que Napoléon, qui était au courant de tout,
02:02 a pu s'échapper.
02:04 Alors, la question, le mystère,
02:06 c'est, est-ce que c'était simplement une courtisane,
02:08 simplement une femme amoureuse,
02:10 ou est-ce qu'elle était téléguidée par,
02:13 on ne sait jamais, par Murat,
02:15 par le Congrès de Vienne, on ne sait pas très bien.
02:18 Et c'est ce qui m'a passionné,
02:20 c'était un personnage décisif
02:22 sur lequel on sait peu de choses,
02:24 et c'est la partie romanesque,
02:26 parce qu'en même temps, j'évoque Talleyrand...
02:29 -Il y a des portraits absolument savoureux,
02:31 il y a un contexte historique,
02:33 il y a les négociations du Congrès de Vienne,
02:36 que vous citez,
02:37 puis il y a des portraits savoureux,
02:39 il y a notamment celui du roi de Naples,
02:41 que vous venez par des guerres,
02:43 entre autres, il y a Méterny,
02:45 il y a Talleyrand, on croise du beau monde.
02:48 -Mais à chaque fois,
02:49 j'ai pas voulu avoir un regard historien,
02:52 je suis pas historien, je suis un écrivain,
02:54 et le Congrès de Vienne,
02:57 je l'ai vu d'une façon dont on le regarde rarement,
03:00 c'était dire du côté amoureux,
03:02 parce qu'il y avait un ministre de la Police
03:04 qui avait une manie, comme tous les ministres,
03:07 qui était de fouiller dans les poubelles
03:09 et dans les corbeilles à papier
03:11 et de détecter toutes les histoires amoureuses,
03:14 qui étaient très nombreuses,
03:15 c'est-à-dire ces gens, ces congressistes très sérieux,
03:18 qui allaient complètement modifier la carte de l'Europe,
03:22 eh bien, ils passaient leurs soirées,
03:24 quelquefois, chez la même femme,
03:27 il y avait des échanges très, très bizarres,
03:30 et je vous dis pas, il y avait même,
03:32 ce que je révèle dans mon livre,
03:34 c'est-à-dire vraiment, c'était tellement surveillé
03:37 que le ministre de la Police a même noté
03:39 les maladies vénériennes, les gens, c'est un vrai semblable.
03:43 Donc, à chaque fois, et c'est vrai pour Talleyrand aussi,
03:46 c'est là qu'a commencé son histoire d'amour
03:48 avec la duchesse de Dinaud,
03:50 qui avait 40 ans de moins que lui.
03:52 Donc, c'est très intéressant d'observer l'histoire
03:55 à travers l'angle qui n'est pas celui des historiens.
03:59 Les historiens sont moins intéressés
04:01 par les histoires d'amour que je ne le suis,
04:03 et c'est peut-être ce qui est la complémentarité.
04:06 C'est pas une concurrence avec les historiens,
04:09 c'est une complémentarité,
04:10 c'est essayer de voir l'humain, le très humain,
04:13 et ce qui est plus humain que l'amour.
04:15 -C'est ce que vous aviez déjà fait,
04:17 en écrivant "Un Napoléon" ou "La Destinée",
04:20 là aussi, c'était Napoléon l'homme
04:22 qui vous intéressait le plus derrière la grande histoire.
04:25 -Tout à fait, c'était l'homme.
04:27 D'ailleurs, l'homme et ses échecs.
04:29 -Ses échecs, bien sûr.
04:30 -Au point que c'était presque une identification.
04:33 Jean Dormesand avait fait un article dans le FIERO,
04:36 il avait dit "Ce n'est pas une biographie,
04:38 "c'est une autobiographie."
04:40 -Là, on ne peut pas dire que c'est une autobiographie.
04:43 Cette comtesse, finalement, Mignaci,
04:45 vous avez de la tendresse pour elle.
04:47 Vous la jugez comment ?
04:49 -Ecoutez, moi, j'ai beaucoup de tendresse
04:52 pour les femmes en général et pour les grandes amoureuses.
04:55 C'est vraiment une grande amoureuse.
04:58 -Un peu manipulatrice, peut-être.
05:00 -Un peu, mais c'est très rare que les grandes héroïnes
05:03 ne le soient pas.
05:04 C'est pas une sainte, c'est le contraire d'une sainte,
05:07 mais je trouve que c'est très intéressant
05:10 et j'adore ces personnages
05:12 qui connaissent des grandes passions
05:15 que nous connaissons tous,
05:17 mais qui sont, en même temps,
05:18 des gens qui interfèrent dans la grande histoire.
05:22 C'est à la fois quelqu'un...
05:24 C'est le double visage de cette femme.
05:27 -En tout cas, c'est passionnant.
05:29 Ce qui est intéressant, c'est qu'on revient,
05:31 vous revenez sur la vie de Napoléon
05:33 durant son exil, après son abdication,
05:35 durant son exil sur l'Indelb.
05:37 C'est une parenthèse qu'on ne connaît pas très bien,
05:40 avant les 100 jours.
05:41 Il y a des portraits, de l'histoire,
05:43 cette histoire d'amour.
05:45 -Ca s'appelle "Les maîtresses italiennes",
05:47 c'est paru chez Gallimard.
05:49 Merci, Jean-Marie Roard. -Merci.
05:50 [Musique]
05:53 [SILENCE]