Anne Fulda reçoit Marie Nimier pour son livre «Le côté obscur de la reine» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Marie Némié, on est ravis de vous recevoir, on vous connaît,
00:06plus besoin de vous présenter, petite sœur, plus récemment confidante tunisienne, la
00:11Reine du silence, il y a quelques années, et là vous venez de publier Le Côté Obscur
00:16de la Reine, un livre qui est publié au Mercure de France, un livre prenant, qui bouleverse,
00:24qui part d'un schéma classique.
00:25Enfin pas si classique, je crois que ma famille n'est pas si classique.
00:29Non, le thème est classique, pas le schéma, le thème, les relations entre une mère et
00:34une fille.
00:35Et un livre qui paraît 20 ans après, un autre, qui s'appelait La Reine du silence, dans lequel
00:40vous évoquiez votre père justement, l'écrivain Roger Némié, pourquoi là vous avez senti
00:47le besoin de publier ce livre qui, d'après ce que j'ai compris, est en gestation depuis
00:50de nombreuses années ? Oui, alors ce livre a commencé à s'écrire
00:55tout de suite après La Reine du silence, ma mère était donc vivante, la plupart des
00:59chapitres ont été écrits pendant que ma mère était de ce monde, maintenant elle
01:04est partie depuis deux ans, donc c'était un livre que je n'aurais pas pu publier de
01:09son vivant.
01:10Donc je suis encore revenue, j'ai encore retravaillé dessus, surtout je l'ai un peu décalé parce
01:16que je l'ai mise dans une collection qui s'appelle Traits et Portraits, où il y a de l'iconographie,
01:20c'est-à-dire des lettres, des images.
01:23Vos lettres d'enfant notamment ? Mes lettres d'enfant que j'ai trouvées après le décès
01:27de ma mère dans son appartement, il y avait beaucoup de documents que j'ai pu consulter
01:33et qui sont venus nourrir, irriguer le livre.
01:36Et des lettres qui confirment si c'était nécessaire l'adoration que vous lui portiez,
01:42d'abord vous n'aviez plus de père puisqu'il est mort lorsque vous aviez 5 ans, et cette
01:47mère c'était pour vous, vous la mettiez sur un piédestal, alors ce qui est intéressant
01:50c'est qu'au fil du livre, on retrouve votre mère malade avec vous, et vous avez des visites,
01:59vous lui rendez visite, et ces visites, c'est une vraie calvaire pour vous en fait.
02:03C'est calvaire, c'est méchant, parce que c'était plutôt elle le calvaire.
02:06Oui, mais ce que vous décrivez c'est qu'en fait vous en sortez éprouvée en fait, elle
02:11vous exaspère, vous le dites ? On peut le dire, les mères exaspèrent, je ne serai
02:16pas la première.
02:17Elle se plaint, elle n'arrête pas de se plaindre, enfin vous la jugez assez durement.
02:23Oui, mais je pense qu'elle a toujours été comme ça, liée à la maladie, ce serait
02:29un peu vache, parce que c'est normal qu'à la fin de sa vie, on s'égare, mais là ce
02:36que j'essaie de creuser, c'est ce que je n'ai pas vu dans mon adolescence peut-être,
02:43qui n'a pas pu se faire comme travail dans l'adolescence, et cette relation qui s'est
02:49encroutée, qui s'est envenimée, avec toujours moi, l'envie que ça se répare, que ça marche
02:56mieux entre nous, qu'elle me révèle peut-être un secret ou deux qui auraient pu faire marcher
03:01un peu mieux les choses entre nous, mais bon non, ce n'était pas ce qu'elle voulait elle.
03:06Oui, parce que vous écrivez, c'est les premières phrases du livre, comme je l'aimais, comme
03:09nous nous aimions, cela va s'en dire, et l'écrire me serre le coeur, ma mère, ma
03:12maman, il n'y a qu'une femme au monde que je peux appeler ainsi, quel dommage, quel gâchis.
03:16Oui, gros gâchis, c'est vrai, c'est vrai, c'est vrai.
03:21Alors ce qui est intéressant que vous le dites au fil des pages, c'est que c'est une
03:26femme qu'on connaît bien, qui vous a un peu mis sur la route ce livre, c'est Juliette
03:31Gréco, vous avez même soufflé le titre.
03:33Alors pas tout à fait soufflé le titre, le titre est né, il est né avant, mais après
03:39elle me pose une question sur le titre.
03:41Le titre il est né d'un reportage d'un de vos confrères, un nouvel observateur, qui
03:46me disait si vous deviez réécrire La Reine du silence, qu'est-ce que vous écririez ? C'était
03:50deux ans après ce premier livre sur le père, et c'est à ce moment-là qu'est arrivé
03:55le titre, donc il y a quand même eu à peu près 18 ans.
03:57Et j'ai écrit beaucoup de choses, peut-être pas assez différentes, qui n'étaient pas
04:05de l'ordre du roman, on se rapproche quand même plus de ma veine romanesque, j'ai écrit
04:11quelque chose comme un journal, ou de ma relation avec ma mère, j'ai écrit, j'écris, j'écris
04:15tout le temps, et tout ce matériel, j'ai écrit et j'ai reçu, j'ai reçu des lettres
04:20absolument bouleversantes après la publication de La Reine du silence, et bouleversantes
04:26au sens premier du terme, c'est-à-dire qui ont bouleversé la famille, qui ont changé
04:31la donne.
04:32Je parle de ça dans le livre.
04:33Alors ce qu'on ressent quand même, c'est que vous vous demandez si vous avez eu votre
04:38ration d'amour, en fait, quand vous étiez enfant, on sent qu'il y a une interrogation
04:42de cet ordre-là, vous vous dites plusieurs fois, elle vous a placé chez une nourrice
04:48alors que vous n'aviez même pas un mois, vous aviez trois semaines, elle vous a laissé
04:54un mois, donc vous vous posez des questions, et à un moment vous avez quand même cette
04:58comparaison, c'est pour ça que vous la comparez, vous évoquez cette fameuse culture
05:03de Louise Bourgeois qui s'appelle maman et qui représente une énorme araignée.
05:07Oui, c'est ça, c'est à la fois le côté sombre de la reine, c'est l'araignée, mais
05:15aussi l'araignée, elle a les oeufs dans son ventre et puis elle tisse comme la maman
05:18de Louise qui réparait des tapisseries, c'est-à-dire que c'est à la fois quelqu'un qui tisse,
05:24qui construit, et à la fois quelqu'un qui détruit.
05:27Le livre se termine avec sa mort à l'hôpital, vous écrivez « Il ne s'agissait pas d'aimer
05:38cette vieille dame, juste de la voir comme un être humain, entière, séparée, et moi
05:42aussi entière, séparée, réparée ? ». Et la réponse ? On l'aura au prochain livre.
05:51Il y a quand même beaucoup de choses qui ont été cassées dans cette relation.
05:58En tout cas, c'est vraiment un très beau livre, je vous le conseille, ça s'appelle
06:03« Le côté obscur de la reine », très beau titre, c'est paru au Mercure de France,
06:07merci beaucoup Marine Himier.
06:08Merci Anne.