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Anne Fulda reçoit Nicolas Le Nen pour son livre «Armistice» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 Bonjour Nicolas Le Nen. Vous êtes général, vous êtes Syrien, vous avez servi sur beaucoup de théâtres d'opération dans le monde pour l'armée française
00:09 et vous venez de publier Armistice aux éditions du Rocher. C'est un livre qui a l'écriture très réaliste, accrue et dans le même temps intimiste.
00:18 C'est un mélange assez inédit et intéressant et qui nous plonge 70 ans en arrière, au moment de la guerre d'Indochine et plus précisément de la chute de Dian Pu.
00:28 Le 7 mai 54, alors pourquoi ce choix ? Pourquoi cette guerre-là ?
00:33 J'ai choisi cette guerre-là parce que c'est une guerre romanesque. C'est une guerre dont ceux qui la faisaient savaient qu'elle était perdue d'avance.
00:41 Et pourtant quand vous les interrogez, enfin pas 70 ans plus tard, mais de longues années plus tard, ils vous parlent d'une espèce de paradis perdu
00:50 et qui a été très bien décrit par d'autres auteurs, notamment Jean Lartégui dans Le Mal Jaune.
00:54 Alors vous, vous braquez votre stylo aussi, je puis dire, sur trois soldats au profil bien distinct.
01:03 Alors il y a Constant Jaller, Marcel Larget et Heinrich Schmitt. Est-ce que vous pouvez nous décrire un peu leur particularité à chacun d'entre eux ?
01:11 Ces trois personnages, ils incarnent finalement la figure du soldat éternel.
01:16 Le lieutenant Constant Jaller, c'est un peu le soldat homérique, c'est-à-dire le héros qui part à la guerre en réalisant un rêve de gosse.
01:25 Le sous-officier Heinrich Schmitt, c'est plutôt la figure du soldat hungarien, tel que l'a décrit donc Ernst Jünger,
01:32 le raître, le mercenaire qui finit par faire la guerre pour oublier les raisons pour lesquelles il l'a fait, qui est un peu addictif à la violence.
01:40 Et le troisième soldat, c'est le soldat séligien, c'est-à-dire le soldat qui se retrouve propulsé dans une guerre qu'il n'a pas vraiment choisie.
01:47 Il a le sentiment que son destin le dépasse et c'est pour ça qu'à un moment donné, au plus fort des combats, il déserte.
01:54 Et alors ce qui est intéressant, c'est que chacun à leur manière, durant cette marche finalement vers la captivité,
02:00 ils vont revenir sur leur vie, sur leurs erreurs passées, leurs regrets, leurs peurs.
02:09 La guerre incite à l'introspection et notamment à la défaite.
02:13 Quand on perd à la guerre, on se demande pourquoi on a perdu.
02:16 Et donc en se demandant pourquoi on a perdu, on finit par s'interroger sur soi-même.
02:20 Et ces trois personnages ont des destins qui sont adverses et que la jungle, qui est un peu le quatrième personnage,
02:26 les oblige à huit clous, à se confronter et finalement à se révéler à eux-mêmes.
02:33 Ce titre Armistice, ce n'est pas seulement l'armistice au sens militaire, c'est l'armistice au sens d'une forme d'un arrêt sur image obligé.
02:42 On est obligé de faire la paix avec soi-même aussi.
02:45 En fait, j'ai commencé par trouver le titre avant d'écrire le livre.
02:48 J'ai d'abord décidé de la guerre dans le titre Armistice, ça n'est ni la paix ni la guerre.
02:52 Et quand vous l'adaptez à des personnes, nous sommes tous dans une forme d'armistice.
02:56 Et la guerre exacerbe les sentiments humains.
02:59 Et donc effectivement, c'est une suspension des hostilités avec soi-même.
03:03 Ni rédemption éternelle, ni rédemption absolue, ni damnation éternelle.
03:10 Donc ils sont un peu en apesanteur, ces personnages.
03:13 Alors vous le disiez à l'instant, la jungle est comme un quatrième personnage.
03:17 Pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle a de particulier, de singulier par rapport à d'autres théâtres d'opération ?
03:23 La jungle, c'est un étouffoir.
03:25 Et ces soldats sont beaucoup plus prisonniers de la jungle que du camp dans lequel ils sont.
03:31 Les trois personnages s'évadent.
03:33 Et finalement, s'évader, c'est d'abord sortir de la jungle pour rejoindre une zone sûre.
03:41 Mais donc ils sont confrontés à toute une série de difficultés.
03:44 Ces difficultés qui les obligent à cette introspection,
03:49 et qui les obligent à se confronter les uns aux autres,
03:51 parce que ce n'est qu'ensemble qu'ils peuvent s'évader de la jungle.
03:54 Alors vous le disiez à l'instant, ces trois soldats, vous nous avez décrit leur profil.
04:01 Est-ce que finalement, ce n'est pas des profils assez universels, intemporels, qu'on pourrait retrouver aujourd'hui ?
04:06 Moi, en opération extérieure, j'ai rencontré le lieutenant soldat homérique.
04:11 J'ai rencontré aussi des soldats qui avaient tendance à aimer la guerre pour faire la guerre.
04:17 Et d'autres soldats, même si c'est des soldats professionnels, qui des fois se demandaient "qu'est-ce que je fais là ?"
04:21 Donc oui, ce sont des figures éternelles.
04:24 Et quand on regarde les actualités aujourd'hui, et qu'on voit ce qui se passe en Ukraine,
04:28 on retrouve ces trois profils de soldats.
04:30 Enfin, dernière question, comment avez-vous écrit ce livre ?
04:34 Alors j'ai écrit ce livre en hommage à Pierre Schoendorfer,
04:37 comme lui-même filmait, c'est-à-dire, lui, il filmait la caméra à l'épaule.
04:42 Et moi, j'ai écrit ce livre avec la caméra sur le casque,
04:45 pour que finalement on arrive à ressentir ce que ressentent les soldats.
04:49 J'espère qu'en lisant ce livre, le lecteur dira "j'ai lu un bon livre de guerre, j'ai surtout vu un beau film de guerre".
04:54 Oui, mais qui n'est pas qu'un livre de guerre, c'est quand même aussi un livre où ça fronte des tempéraments, des sentiments,
05:01 et ce n'est pas que de la guerre, parce que ça pourrait abuser certains.
05:04 Mais c'est les deux, c'est très bien décrit.
05:06 Ça s'appelle donc "Armistice", et c'est publié aux éditions du Rocher.
05:09 Merci beaucoup Nicolas Lenane.
05:11 Merci madame.
05:13 [Musique]
05:17 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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