• il y a 4 mois
Anne Fulda reçoit Nathalie Schuck pour son livre «Les Naufrageurs» dans #HDLivres

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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Nathalie Chuc. Alors, on vous connaît, vous êtes grand reporter au point.
00:05Vous couvrez surtout les sujets politiques et vous venez de publier Les Naufrageurs, comment ils ont tué la politique, un livre qui est paru chez Robert Laffont.
00:12Un livre qui tente de cerner, qui revient sur les causes de la fracture assez phénoménale qui existe aujourd'hui entre les représentants du peuple et les Français.
00:22La situation est effectivement préoccupante. On le voit depuis quelques années. On l'a vu avec les Gilets jaunes, la réforme contre les retraites.
00:28On vient de le voir avec les élections européennes. Alors, vous pointez du doigt un problème. Les Français semblent désabusés, dites-vous, atteints d'une forme d'apathie civique même.
00:41C'est assez grave, en fait. C'est une première. – Je crois que c'est un divorce civique assez profond. Et moi, j'ai commencé à le constater autour de moi depuis quelques années.
00:50Les gens dans mon entourage savent que je suis journaliste politique. Et il y a encore quelques années, dans des dîners, à minima, quand vous êtes journaliste,
00:57on vous demande de raconter des anecdotes, des coulisses, des choses un peu croustillantes de la vie politique et de la vie de la nation.
01:03Eh bien, depuis quelque temps, plus rien, voire même des réactions de rejet, de colère. Pourquoi ? Parce que de plus en plus, les gens ont le sentiment que la politique
01:10ne peut plus rien pour eux, qu'elle est devenue impuissante. C'est aussi ça qui tourne les Français vers les extrêmes, vers le rassemblement national,
01:17en disant « Écoutez, regardez, on va essayer ». Eux, au moins, ils disent qu'ils nous écoutent. C'est le cas aussi pour une partie de la gauche.
01:25En tout cas, le sentiment que les politiques traditionnelles n'écoutent plus les Français. Du coup, les gens sont un peu déboussolés.
01:32Et quand ils ne désertent pas les urnes, eh bien, ils se mettent en colère.
01:35Alors qu'ils n'écoutent plus et que les solutions, ou en tout cas que les paroles ne débouchent pas sur des actions, vous commencez le livre par un dialogue
01:43assez frappant entre Emmanuel Macron et Jean-Louis Borloo, qui avait été un peu remercié après un rapport qu'il avait fait sur les quartiers qualifiés de « rapports de mâles blancs ».
01:57Et alors, ce que vous racontez, ces mots sont sans appel, mais sont terribles. C'est-à-dire qu'ils pointent l'inefficacité de l'action du président de la République sur tous les grands champs.
02:07Ça démontre tout le paradoxe de l'élection d'Emmanuel Macron. Alors, ils sont restés en contact à peu près correct. Ils dînent régulièrement ensemble.
02:13Et c'est un dîner qui a lieu quelques semaines avant l'élection présidentielle, la dernière. Et Jean-Louis Borloo lui dit alors « Écoute, Emmanuel, est-ce que tu es d'accord ? »
02:21Il commence par le flatter un peu, disant… Il sait comment ça marche avec Macron, disant « Est-ce que tu es d'accord pour qu'on dise que tu es un type surdoué,
02:27que tu as pu nommer tous les gens que tu voulais, que tu as une majorité ? » C'était le cas avant. « Que tu fais tout ce que tu veux, que tu es en pleine forme, etc. »
02:35Macron acquiesce. Il dit alors « Explique-moi pourquoi, depuis que tu as été élu, le logement, ça ne va plus, la sécurité, ça ne va plus, l'hôpital, ça ne va plus, l'école, ça ne va plus, etc. »
02:44Et il fait une longue liste comme ça. Il dit « Explique-moi pourquoi on a un super mec au pouvoir et il n'y a rien qui se passe. »
02:49Là, Macron, évidemment, s'enfonce dans sa chaise. Mais ça résume très bien les choses. C'est-à-dire, je voulais essayer de comprendre où est-ce que ça grippe, où est-ce que ça coince.
02:57Évidemment, Emmanuel Macron porte une responsabilité importante. En même temps, il a contribué à vitrifier complètement la vie politique.
03:03Il a passé complètement la vie politique au napalm avec les grands partis qui sont aujourd'hui à terre.
03:08Vous avez aussi un poids de la technostructure aujourd'hui qui est fondamentale. Et quel que soit le gouvernement qui va arriver en fonction dans quelques jours,
03:14il se heurtera inévitablement à cet impondérable de la vie politique française.
03:19Il y a aussi, comme pointe Édouard Balladur, qui est l'un de ceux de l'ancien monde que vous avez rencontré, vous en avez rencontré pas mal, qui pointe le manque de courage aussi, très souvent, des dirigeants.
03:31Ah oui, alors c'est fascinant. En fait, on vit tous collectivement sur une espèce de mensonge, de grand mythe. Chaque fois qu'il y a une élection présidentielle,
03:37les électeurs, les journalistes, tous, on est co-responsables. On vit comme une espèce d'épopée. Il faut porter un monarque à la tête de l'État qui nous fait des promesses,
03:46qui nous dit mons et merveilles, tout en sachant, Emmanuel Mignon, ancienne conseillère de Nicolas Sarkozy, lui, dit très bien dans le livre, tout en sachant qu'en 5 ans, on ne peut pas faire grand-chose.
03:56Et Édouard Balladur dit, mais au fond, quand est-ce qu'on aura un homme ou une femme politique qui aura le courage de la vérité ? Il dit, les électeurs sont prêts à un discours de vérité.
04:04Encore faut-il être capable de le tenir. Il dit, mais c'est une ligne de crête et ce n'est pas garanti qu'on se fasse élire là-dessus.
04:09Oui, c'est le problème, mais c'est un problème qui est lié aussi au régime présidentiel où vous parlez d'une espèce d'égotripe, mais c'est vrai que c'est toujours la même chose.
04:18On dit depuis des années la rencontre entre un homme et un peuple qui, obligatoirement, pousse à une forme de simplification pour plaire au plus grand nombre. C'est difficile de dire vous aurez du sang et des larmes.
04:28Au fond, tout ce qu'on vit actuellement pose aussi la question de nos institutions. Il y a un moment, il va peut-être falloir prendre la voiture et enlever les pièces du moteur pour regarder ce qu'on a bien fait, ce qu'on a mal fait.
04:39Est-ce que le non-cumul des mandats à l'interdiction, est-ce que c'était une bonne idée ? Est-ce que le quinquennat était une bonne idée ou pas ? Est-ce que l'inversion du calendrier, c'était une bonne idée ?
04:47Puis si on remonte très très loin, plusieurs personnalités que j'ai interrogées dans le livre posent la question, tabou absolu, est-ce que quand le général de Gaulle décide d'introduire l'élection du président de la République au suffrage universel,
04:58il n'a pas dénaturé l'équilibre des institutions telles qu'elles avaient été prévues par Michel Debré ? C'est une vraie question.
05:04Au fond, je pense qu'on n'échappera pas à un moment, à un débat sur comment rééquilibrer nos institutions pour peut-être aller vers un régime parlementaire ou autre, je ne sais pas, mais cette question me paraît fondamentale.
05:15Surtout que ça reste une singularité française puisque finalement il y a les Etats-Unis et la France qui ont ce régime présidentiel.
05:22Présidentiel dont on verra peut-être dans quelques jours s'il résiste à une cohabitation, on le saura assez vite.
05:30En tout cas, je vous conseille de lire ce livre. C'est un diagnostic avec quand même quelques pistes de réflexion.
05:38Ça s'appelle « Les naufrageurs, comment ils ont tué la politique ». C'est paru chez Robert Laffont. Merci beaucoup, Nathalie.
05:43Merci beaucoup à vous.

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