Anne Fulda reçoit XXX pour son livre «YYY» dans #HDLivres
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00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Noemi Alioa.
00:03 Vous êtes journaliste, vous êtes essayiste.
00:05 Le livre dont vous allez nous parler est votre 3e essai,
00:09 "La terreur jusque sous nos draps, sauver l'amour des nouvelles morales".
00:13 C'est un livre qui est paru chez Plon.
00:15 Un livre qui s'inquiète de quelque chose de très important dans nos vies,
00:19 la disparition de l'amour, avec un grand A,
00:22 du sentiment amoureux.
00:24 Votre diagnostic est sans appel.
00:26 Vous êtes au train, vous faites les choses. L'amour risque de disparaître
00:30 tout bonnement de notre vie.
00:32 Alors, déjà, comment vous est venue cette idée de vous atteler à un tel livre ?
00:38 -Ecoutez, je suis tombée par hasard sur une interview
00:41 des réalisateurs du Disney, Viana.
00:43 Et dans cette interview, ils étaient très heureux d'annoncer
00:46 qu'ils avaient fait le premier Disney sans histoire d'amour et sans romance.
00:50 Quand j'ai lu cette interview, j'ai été très étonnée,
00:53 et surtout, j'ai été très étonnée de voir certains magazines féminins
00:56 s'exclasmer, de voir une princesse mener sa barque,
00:59 mener son histoire, un Disney, sans histoire d'amour.
01:02 Je me suis dit, qu'est-ce qui se passe ?
01:04 Aujourd'hui, pour être totalement féministe,
01:06 il faut être délivré de l'histoire d'amour.
01:08 L'amour serait un poids pour la femme.
01:10 Pour être totalement libre, il faudrait se libérer de l'amour.
01:14 Et donc, là, je me suis vraiment posée cette question,
01:16 et j'ai essayé de creuser, et je suis tombée sur toute une littérature féministe
01:19 qui vous explique exactement cela.
01:21 C'est extrêmement bien théorisé.
01:23 D'ailleurs, ça fonctionne très bien aussi en librairie.
01:25 Je me suis dit, là, il y a un vrai mouvement idéologique
01:28 qui s'attaque à l'amour, et donc, il faut sauver l'amour.
01:30 - Alors, comme pour venir corroborer votre inquiétude,
01:33 il y a des chiffres, des données qui sont tombées récemment
01:36 disant que les jeunes ne font plus l'amour,
01:38 qu'ils regardent de plus en plus de porno,
01:40 qu'il y a de plus en plus de célibataires, toutes générations confondues.
01:44 Mais ce qui vous inquiète,
01:46 c'est justement l'émergence de ce discours féministe radical
01:50 qui est, selon vous, finalement, à l'origine
01:53 de cette ringardisation, finalement, de l'amour.
01:55 Aujourd'hui, c'est plus tendance d'être amoureux, c'est ça ?
01:57 - Oui, je pense que l'amour est au cœur de mille croisades.
01:59 Vous l'avez dit, il y a plusieurs éléments, bien sûr, qui attaquent l'amour.
02:03 Il y a, d'une certaine façon, le porno.
02:07 Il y a, bien sûr, les écrans.
02:08 On sait qu'on passe beaucoup plus de temps sur nos téléphones
02:10 et donc qu'on prend moins le risque de l'aventure de l'amour.
02:14 Il y a aussi, peut-être, l'explosion des sextoys.
02:16 Il y a beaucoup d'éléments, si vous voulez,
02:18 qui viennent expliquer cette dissolution du lien amoureux.
02:22 Mais effectivement, moi, ce qui m'a intéressée, si vous voulez,
02:24 ce sont ces discours qui se servent de la défense de la souffrance des femmes
02:27 pour attaquer ce sentiment suprême qui unit l'homme et la femme.
02:32 Et donc, si vous voulez, on va à force d'essentialiser les êtres à leur sexe,
02:36 à force de les résumer, si vous voulez, à un rapport de domination
02:40 avec l'idée toujours que l'homme est un bourreau,
02:42 que la femme est une victime,
02:44 que le couple hétérosexuel serait une sorte de cellule fasciste.
02:47 C'est tout ce mouvement qui appelle à réinventer l'amour,
02:50 qui est porté notamment par l'essayiste Mona Chollet,
02:53 tout ce mouvement féministe-là, qui s'attaque à l'amour
02:56 en disant qu'il veut le réinventer, si vous voulez.
02:58 Il s'agit de faire de l'amour un champ de bataille idéologique
03:01 et essayer d'y chercher une forme d'égalitarisme,
03:04 de traquer un politiquement correct dans l'amour.
03:07 Or, à mon sens, hélas, l'amour n'est pas égalitaire
03:10 et il n'est pas politiquement correct.
03:12 - Alors, vous pointez du doigt un féminisme radical,
03:15 donc presque totalitaire, vous venez de dire,
03:17 et vous soulignez trois menaces essentielles.
03:20 Est-ce que vous pouvez nous les énoncer ?
03:22 Il y a notamment la politisation de l'intime.
03:24 - Oui, la politisation de l'intime, si vous voulez,
03:26 c'est exactement ce dont je viens de parler,
03:27 c'est cette idée d'aller traquer un politiquement correct
03:31 jusque sous les draps.
03:32 C'est l'idée d'abattre complètement la distinction
03:34 entre le privé, l'intime même et le public
03:38 pour essayer de chercher la révolution,
03:40 donc de politiser véritablement l'intime.
03:42 Et donc, c'est tout ce mouvement qui est porté notamment par Mona Chollet.
03:45 Il y a deux autres menaces, la patholisation du sentiment.
03:50 Là, c'est l'idée, si vous voulez, de faire de l'amour
03:52 une sorte de maladie dont il faudrait se défaire.
03:55 Et là, on le voit très bien.
03:56 Je donne un exemple très précis.
03:58 À mon sens, c'est la question de l'emprise
03:59 qui, aujourd'hui, est en train de coloniser complètement
04:02 le champ lexical de la relation amoureuse.
04:03 Vous n'entendez pas aujourd'hui une histoire d'amour
04:05 qui s'est mal terminée sans qu'il n'apparaisse ce terme d'emprise.
04:09 Et quand vous écoutez les spécialistes
04:11 qui vous disent que l'emprise, c'est un rapport d'assymétrie,
04:13 c'est un rapport de pouvoir,
04:14 qu'est-ce que l'amour si ce n'est un rapport d'asymétrie et de pouvoir ?
04:17 Donc, on va faire de l'amour une sorte de maladie mentale
04:20 dont il faut se délivrer
04:22 et dont l'autre est toujours responsable et coupable.
04:24 -Et le troisième travers que vous dénoncez,
04:27 la troisième critique, c'est la criminalisation du masculin.
04:29 C'est-à-dire que tout ce qui est masculin, finalement,
04:31 est synonyme de mal.
04:32 -Oui, exactement.
04:33 C'est-à-dire que l'homme est un peu le bouc émissaire de la modernité.
04:36 Il est responsable de tout.
04:37 On lui met tout sur la tête, malheureusement.
04:40 Il peine d'ailleurs à se défendre.
04:42 Vous savez, depuis la sortie de mon livre,
04:44 j'ai reçu beaucoup de messages d'hommes qui sont désemparés,
04:45 qui ne peuvent plus se défendre dans le monde dans lequel on vit.
04:49 Or, si on est justement humanistes, nous, les femmes,
04:52 on est aussi capables de leur tendre les bras et la main.
04:55 -Alors justement, face à cette situation,
04:58 c'est quoi votre solution ?
04:59 -Il faut sauver l'amour.
05:00 -Mais comment ?
05:01 -Eh bien, déjà, commencer par assumer le fait que l'amour est inégalitaire,
05:06 qu'il est peut-être potentiellement tragique,
05:09 qu'il peut être douloureux, que c'est un risque,
05:11 que c'est une aventure.
05:12 Si on commence déjà peut-être par comprendre et par accepter
05:15 l'idée que l'amour, c'est pas forcément un long fleuve tranquille,
05:20 déjà, on commence déjà à sortir de ces carcans,
05:23 de ces nouveaux carcans qui sont en train de l'enfermer
05:26 et qui sont en train de séparer les êtres.
05:28 Et puis, effectivement, peut-être s'opposer aussi
05:31 à ce discours très essentialiste des sexes,
05:33 qui voudrait que la femme soit toujours une victime en amour
05:35 et un homme toujours un bourreau.
05:36 Or, on sait très bien que c'est totalement faux,
05:39 que c'est nier aussi toute une histoire humaine.
05:43 -Dernière question, juste rapidement,
05:45 ça ne signifie pas que vous n'êtes pas féministe ?
05:47 -Je suis beaucoup plus féministe que beaucoup de ces femmes
05:49 qui disent qu'elles sont féministes,
05:50 parce que, justement, je pense que la femme est un homme comme les autres.
05:54 Et à ce titre-là, la femme n'est pas un bébé phoque,
05:57 elle ne mérite pas, elle n'a pas besoin, si vous voulez,
05:59 qu'on lui vienne en aide chaque seconde pour tout,
06:01 elle n'a pas besoin, par exemple,
06:03 qu'on utilise l'écriture inclusive,
06:04 ça ne va pas forcément améliorer sa condition.
06:07 Il faut, au contraire, dire aux femmes qu'elles peuvent être fortes
06:09 plutôt que d'essayer de castrer les hommes,
06:11 ça, c'est mon féminisme.
06:12 -Très bien, en tout cas, vraiment, je vous conseille de lire
06:15 ce livre de Noemi Aliuwa,
06:16 ça s'appelle "La terreur jusque sous nos draps".
06:18 C'est paru chez Plon, c'est passionnant, revigorant,
06:21 et on a envie de regarder "La belle au bois dormant",
06:25 de dire à nos enfants de regarder "La belle au bois dormant".
06:27 -Merci beaucoup pour votre invitation.
06:29 ...
06:33 [SILENCE]