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Anne Fulda reçoit Tiphaine Auzière pour son livre «Assises» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Tiffen Ozière.
00:02 Alors, vous êtes avocate,
00:04 et vous avez sorti votre premier roman,
00:06 qui s'appelle "Assise".
00:08 C'est paru chez Stock, un roman qui nous plonge
00:11 dans le monde de la justice,
00:13 dans ses coulisses qu'on ne connaît pas toujours,
00:15 du côté des victimes, du côté des défenseurs aussi.
00:18 Alors, évidemment, on a envie de vous demander
00:21 pourquoi vous vous êtes jetée comme ça ?
00:23 C'est un risque d'écrire un premier roman.
00:26 C'est quelque chose que vous aviez en vous ?
00:28 -Je l'avais depuis un certain temps,
00:30 en tout cas une petite dizaine d'années.
00:32 Je suis intervenue dans ma carrière au démarrage,
00:35 tantôt pour des victimes, tantôt pour des accusés,
00:38 et j'ai été touchée par un certain nombre d'entre eux
00:41 et de faits divers. Parfois, j'ai trouvé
00:43 que la justice était légalement juste,
00:46 mais peut-être humainement discutable.
00:48 C'est ce qui m'a amenée à écrire ce premier roman.
00:51 -Pour n'importe qui, un premier roman, c'est compliqué.
00:54 Pour vous, ça l'est un peu plus,
00:56 vous êtes la belle-fille du président de la République,
00:59 votre mère est Brigitte Macron, ancien professeur de français,
01:03 ce qui n'est pas rien. Ca ne vous a pas freinée ?
01:05 -Le plus difficile, c'est plus d'avoir une maman
01:08 professeure de français, en tout cas moi, à titre personnel.
01:12 J'ai pas voulu que ça soit un frein,
01:14 c'était important que ça ne le soit pas.
01:16 J'ai cloisonné en gardant le projet secret
01:19 le plus longtemps possible, ce qui m'a permis
01:21 d'avancer avec une certaine liberté dans l'écriture
01:24 sans me mettre la pression. Je savais pas au départ
01:27 si le manuscrit dépasserait mon cerveau ou ma table de cuisine.
01:30 Et puis quand il a été abouti, le fait de le montrer
01:33 à des professionnels et qu'ils m'ont dit "on y va",
01:36 alors là, j'ai passé le pas, mais si j'avais réfléchi à ça avant,
01:40 j'aurais peut-être eu un peu le vertige.
01:42 -Vous nous plongez dans les coulisses du monde de la justice.
01:45 On voit d'un commissariat au bureau d'un juge d'instruction
01:49 une cour d'assises, tantôt du côté des victimes,
01:52 tantôt des coupables, et parfois, les lignes se troublent.
01:55 C'est compliqué, notamment pour Laura,
01:58 qui est une accusée d'homicide
02:00 et qui a tué d'un coup de couteau son conjoint,
02:03 qui l'a batté, la maltraitait depuis des années.
02:06 Est-ce que souvent, les lignes sont comme ça,
02:10 semblent fluctuantes, pas si claires que ça ?
02:15 Est-ce que ça arrive souvent ? -Oui, c'est ça.
02:18 On parle parfois du flou artistique.
02:20 Je dirais qu'il y a ce flou judiciaire.
02:22 J'ai vraiment voulu travailler au travers de ces personnages
02:27 pour ramener le lecteur à se dire comment ils fonctionnent,
02:31 qu'est-ce qui fait qu'ils se sont retrouvés là devant un tribunal
02:35 alors que rien ne les a prédestinés à s'y retrouver un jour ?
02:39 Qu'est-ce qui fait qu'ils sont là ?
02:41 Et à leur place, comment, nous, on aurait agi ?
02:44 Il fallait rentrer dans la construction
02:46 et la déconstruction de certains des personnages
02:49 pour comprendre le chemin qui les amène,
02:51 pour certains, à être victime d'inceste,
02:54 d'autres à se rendre coupable de meurtre.
02:56 Je pense que les choses ne sont pas tranchées,
02:59 le monde n'est pas manichéen.
03:01 C'est la représentation de la justice française.
03:04 -Vous dites que les cours d'assises
03:06 ne sont pas peuplés de monstres comme Guy Georges.
03:09 Il y a beaucoup de motifs et madame tout le monde.
03:11 -Je crois à la majorité des cas, mais c'est pas l'idée qu'on s'en fait.
03:15 Souvent, on retient, comme vous dites,
03:18 les motifs de Guy Georges, Fourniret, etc.,
03:20 mais moi, à chaque fois que j'ai passé la porte d'une cours d'assises,
03:24 c'était monsieur et madame tout le monde
03:26 qui ont été percutés par un élément de la vie
03:29 et qui se sont retrouvés là sans comprendre pourquoi.
03:32 Et de la même manière, il y a des jurés,
03:34 c'est pour ça que j'ai mis en avant les jurés dans le livre,
03:38 qui se retrouvent là à juger.
03:39 -Leur vie est percutée en général par cette fonction de juré.
03:44 C'est pas simple.
03:46 -En général, c'est toujours curieux,
03:48 car quand on les voit arriver, beaucoup sont heureux au démarrage.
03:51 "Je vais enfin vivre l'œuvre de justice,
03:54 "je suis les émissions télé."
03:56 On voit, au fur et à mesure des journées de procès,
03:59 les mines qui se renfrognent, les traits qui se tirent,
04:02 et la douleur qui apparaît à l'issue du procès,
04:05 qui dit "est-ce qu'on peut en discuter ?"
04:07 Parce que ce que j'ai vécu, j'étais pas prête.
04:10 -L'héroïne du livre, Diane, Diane Delorel, est avocate.
04:13 Elle est chargée de défendre l'aura, et d'autres cas aussi.
04:16 Elle a quelques ressemblances avec vous.
04:19 Il y a des points communs.
04:20 Elle aime la Côte d'Opale, le Touquet,
04:23 où personne ne connaissait sa famille.
04:25 Pas le Touquet, la Côte d'Opale.
04:27 Elle s'efforce de se départir de sa sensibilité,
04:30 qui lui apparaît comme une fragilité.
04:32 Vous aviez conscience de ces quelques traits de caractère ?
04:36 -En commun, on a la même passion du droit.
04:38 J'essaie de lui mettre le bagage juridique au service,
04:42 le bagage humain.
04:43 C'est des années de travail, de pratiques avec mes clients,
04:46 pour essayer de rentrer dans la relation.
04:49 C'est très particulier pour l'extérieur
04:51 de comprendre ce qu'est un lien d'un avocat et son client.
04:55 On rentre dans l'intimité de quelqu'un qu'on ne connaît pas,
04:58 qui doit tout nous livrer.
05:00 Je l'ai vraiment mis au service de l'héroïne.
05:02 Ma passion de la Côte d'Opale, oui, parce que j'adore cet endroit.
05:06 C'est mes racines.
05:08 J'avais envie de faire voyager le lecteur là-bas.
05:11 -Une manière, cette espèce de face à face
05:14 assez brutale, difficile,
05:16 Diane le vit notamment à travers les gardes à vue.
05:19 C'est passionnant comme exercice, les gardes à vue.
05:22 Selon la durée, que ce soit 24, 48 ou 72 heures,
05:26 on se retrouve comme ça en face de quelqu'un
05:29 qu'on découvre et qu'on doit défendre.
05:32 Vous l'avez connu ?
05:34 -Oui, tout à fait.
05:35 -Quand vous étiez dans le Nord,
05:37 puisque vous n'êtes plus avocate pénaliste.
05:40 -Au début de ma carrière,
05:41 j'ai fait des consultations gratuites,
05:44 j'étais de permanence pénale.
05:46 C'était important pour moi de le faire et de donner ce temps-là.
05:49 C'est dans ce cadre-là que je l'ai fait.
05:52 J'ai été amenée à le faire.
05:54 J'avais des questions bêtes, sortir de l'école d'avocat.
05:57 Est-ce qu'on va avec une robe en garde à vue ?
06:00 Pour moi, la robe, c'est une forme de protection.
06:03 -Une robe d'avocat.
06:04 -Exactement, une robe d'avocat.
06:06 Ca me fait bien.
06:08 C'est à la fois une distance, mais ça incarne quelque chose.
06:11 On doit savoir la dépasser.
06:12 On a très peu de temps pour s'entendre,
06:15 se comprendre, avant que la garde à vue ne démarre,
06:18 et pour pouvoir travailler ensemble.
06:20 -Vous évoquez aussi dans "Libre l'histoire"
06:23 de Jeanne, victime d'inceste par son vaux-père,
06:26 quand elle avait 8 ans.
06:27 Avez-vous fait un autre choix que celle d'avocate pénaliste ?
06:31 Parce que c'est extrêmement difficile.
06:33 On côtoie les misères humaines frontalement.
06:36 -C'est une matière qui me fascine
06:38 et que je trouve humainement extrêmement enrichissante.
06:42 J'ai vécu des moments, ça peut paraître paradoxal,
06:45 mais les plus touchants humainement,
06:47 que ce soit dans des cellules de garde à vue
06:50 ou des salles d'audience.
06:52 J'ai toujours aimé le pénal, je continue à en faire un peu,
06:55 mais j'avais aussi une autre passion,
06:57 le droit du travail,
06:59 qui peut être tout autant extrêmement touchante humainement,
07:02 où je retrouve pas mal de sentiments
07:05 qu'on a dans le droit pénal.
07:07 Vous savez notamment, par exemple,
07:09 il y a des cas de harcèlement en entreprise
07:11 et des questions d'emprise,
07:13 qui sont des mécanismes que j'évoque dans le livre.
07:16 On retrouve aussi ce genre de situation.
07:19 -Je vous conseille de lire votre livre,
07:21 "Assise", paru chez Stock.
07:23 Merci beaucoup, Tiffen Ozier.
07:25 -Merci à vous.
07:26 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
07:29 Générique
07:31 ...
07:32 [SILENCE]

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