Anne Fulda reçoit Karine Dijoud pour son livre «Miscellanées, l'élégance de la langue française» dans #HDLivres
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Karine Dijoux. On est vraiment ravis de vous recevoir, on apprécie tout ce que vous faites ici, j'apprécie.
00:08Alors vous êtes, pour ceux qui ne vous connaissent pas, vous êtes enseignante certifiée de lettres classiques.
00:14Vous avez déjà écrit un livre et vous êtes créatrice du compte Instagram Les Parenthèses élémentaires.
00:20Et là, vous venez de publier, mi-ci l'année, L'élégance de la langue française, un livre qui est publié aux éditions Le Robert
00:26et qui invite à célébrer la langue française un peu comme un trésor à chérir en utilisant les mots justes,
00:32en utilisant des mots rares, des mots précieux, en évitant les pléonasmes, en évitant les anglicismes.
00:38Et vous rappelez également l'étymologie des noms, vous agrémentez tout cela de citations.
00:44Et c'est passionnant et très intéressant, je le conseille à tout le monde.
00:48Alors vous commencez par expliquer comment vous êtes venue, parce que vous dites que c'est une question que l'on vous pose souvent,
00:53comment vous est venue cet amour de la langue française ?
00:57Et vous dites que finalement la première qui vous l'a instillée, c'est votre mère.
01:03La transmission c'est extrêmement important.
01:05Absolument, et c'est pour ça que j'ai aussi envie à mon tour de transmettre cela à mes élèves et puis à mes lecteurs.
01:11Alors vous évoquez évidemment votre mère, vous évoquez aussi des référents un peu intemporels,
01:17comme évidemment Alain Rey, qui est l'âme des dictionnaires Le Robert,
01:21mais aussi des écrivains comme Daniel Pénac, comme Annie Ernaud.
01:25Ils vous ont guidés comme ça toujours, depuis longtemps, dans votre carrière, dans votre désir de bien parler le français ?
01:35Oui, j'ai toujours pensé à eux, et bizarrement j'étais un peu intimidée aussi,
01:38et je me disais toujours, jamais je n'écrirai un livre, tout a été fait et si bien fait, pourquoi aurais-je la légitimité ?
01:45Et finalement, un jour, je me suis dit, pourquoi pas moi ? Chacun a sa place,
01:48et j'ai aussi envie de transmettre cette passion à mon tour.
01:52Et c'est vrai qu'à chaque fois, c'était aussi des figures tutélaires qui étaient là,
01:56et je suis très heureuse d'être éditée aux éditions Le Robert,
01:58parce qu'en effet, Alain Rey est présent partout, même dans les locaux, il y a des photos d'Alain Rey,
02:03et je sens une présence rassurante.
02:05Alors vous évoquez aussi, d'ailleurs dans les figures un peu tutélaires,
02:08Riad Satouf ou Bernard Thibault, un grand transmetteur.
02:11Vous indiquez à un moment que l'appartenance à une langue est plus forte que l'appartenance à un pays.
02:15D'ailleurs, vous dites que vous-même, vous êtes franco-italienne,
02:18et effectivement, vous pensez que bien parler une langue, s'attacher à bien parler,
02:24c'est finalement la meilleure manière qu'il soit de montrer son attachement à un pays ?
02:29Oui, je trouve que c'est encore plus fédérateur, et c'est ça qui nous rassemble,
02:32et peu importe où nous sommes, je vois, là je suis allée en Belgique,
02:35et je vois cet attrait pour la langue française, malgré toutes les langues régionales qu'il peut y avoir.
02:40Alors, est-ce qu'on pourrait croire que savoir utiliser le mot juste,
02:44éviter toutes les choses étrapes de la langue française,
02:47c'est aussi une façon de respecter certains codes sociaux,
02:51et que c'est l'apanage d'une certaine classe sociale ?
02:55Or, vous voulez démontrer justement le contraire.
02:58C'est pour ça que je suis très heureuse de travailler dans un collègerat plus réseau d'éducation poétaire renforcé,
03:04et je vois tout à l'heure, là je reviens de cours,
03:06et le mot que j'ai proposé aux élèves dans la rubrique « J'adopte un mot »,
03:09c'est le mot « agélaste » qui est dans mon livre.
03:11Alors voilà, justement, vous dites qu'on utiliserait à peu près 500 mots dans la vie quotidienne,
03:18500 mots de français, et donc vous incitez à redécouvrir des mots,
03:21comme justement ce mot « agélaste », alors il y en a quelques-uns,
03:24on va vous tester, donc « agélaste » pour quelqu'un qui ne sait pas, qu'est-ce que c'est ?
03:29C'est un mot qui est sorti du dictionnaire, qui a été inventé par Rabelais,
03:32et c'est un individu qui ne veut pas rire, et qui n'aime pas rire.
03:35Qui n'aime pas l'humour, oui, un peu rétif à l'humour.
03:38Oui, c'est ça.
03:39« Apori »
03:40Mais je vous fais l'interrogation, là.
03:42Donc là on retrouve, j'aime bien parce que c'est du grec ancien,
03:45on retrouve le alpha privatif qui veut dire « sans » et ça veut dire « sans issue »,
03:49et c'est plutôt pour un discours ou une argumentation, on ne trouve plus de solution.
03:53Alors il y a « imarcessible » qui est un mot qu'on retrouve dans les livres.
03:57C'est vrai qu'on le retrouve.
04:01Il n'y a pas très bien un regain de vitalité, mais oui, on le retrouve un petit peu.
04:06Parce qu'il est très beau, très poétique, ça veut dire qu'il ne flétrit pas, qu'il ne fanne pas.
04:11Alors « l'antiponé », ça c'est très joli le verbe « l'antiponé ».
04:14Alors qu'est-ce que c'est que l'antiponé ?
04:16Et là en plus j'ai plusieurs abonnés qui s'amusent à l'utiliser,
04:18c'est se perdre en discours inutile.
04:20Donc cessons de l'antiponé et allons droit au but.
04:23Ça sert souvent, ce genre de mot.
04:26Vous évoquez aussi plus loin les plonasmes les plus courants,
04:30« acalmie provisoire », « rapanage exclusif »,
04:32les anglicismes, mais aussi les néologismes,
04:36donc les nouveaux mots qui sont créés,
04:40par exemple, justement pour résister un peu à la progression de l'anglais et des anglicismes.
04:45Alors il y a par exemple « laguiche », qu'est-ce que c'est que « laguiche » ?
04:48« Laguiche », au lieu de dire un teaser pour donner aux gens l'envie de voir un film,
04:53on va faire une « naguiche ».
04:55Une manière d'aguicher.
04:57Alors il y a ce mot qui est désormais assez courant,
05:01qui est « divulgacher » aussi,
05:03qui remplace le mot anglais « spoiler ».
05:07Qui vient pourtant du latin « spoliare »,
05:09mais ça reste un anglicisme.
05:11Et « divulgacher », c'est un mot-valise qui vient du Québec.
05:13Voilà, oui.
05:14Alors, dernière question.
05:16Dans ce livre, vous parlez de l'élégance de la langue française,
05:19de cet amour pour la langue française.
05:22Est-ce que c'est une singularité propre justement à la France,
05:25cette manière comme ça de cultiver autour de l'académie,
05:29de plein de manières différentes, cet amour de la langue ?
05:33Je vois qu'on nous envie pas mal.
05:35L'académie française, en France, elle est de plus en plus controversée.
05:39Il y a pas mal de personnes qui disent qu'il faudrait la modifier.
05:41C'est vrai qu'il y a des choses à modifier.
05:43Et en même temps, ça nous permet d'établir la langue.
05:45Je vois les Américains disent qu'ils rêveraient d'avoir ça.
05:47Donc je pense qu'il y a aussi des pays
05:49où il y a une espèce de préservation et de défense.
05:52Mais en France, c'est quand même très, très singulier.
05:55Alors, en tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre.
05:58C'est pas uniquement un code des bons mots à utiliser.
06:01Il y a aussi de l'histoire, des références littéraires.
06:04Ça s'appelle Micellanée, l'élégance de la langue française.
06:07Et ça vous apprendra autant à bien parler le français
06:10qu'à rédiger des mails de façon...
06:12On ne dit pas mail d'ailleurs, comment dites-vous ?
06:14Je dis courriel.
06:15Vous dites courriel, voilà, bien sûr.
06:18C'est paru aux éditions Le Robert.
06:20Merci beaucoup, Karine Dijoux.
06:21Merci.