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Anne Fulda reçoit Nathalie Saint-Cricq pour son livre «L’ombre d’un traître» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 - Bonjour, bienvenue à l'heure des livres, Nathalie Saint-Cricq. - Bonjour Anne.
00:03 - Alors, les téléspectateurs vous connaissent, vous êtes une journaliste politique, vous êtes éditorialiste, vous êtes aussi romancière.
00:09 Depuis peu, vous avez déjà écrit un roman qui était consacré à Clémenceau qui s'appelait "Je vous aiderai à vivre, vous m'aiderai à mourir"
00:16 et là vous venez de publier "L'ombre d'un traître", c'est paru aux éditions de l'Observatoire.
00:21 Alors c'est un livre qui est passionnant, qui est écrit avec une jolie plume de l'humour et qu'on ne lâche pas.
00:27 Alors c'est un livre qui commence le 18 juin 1960, en bonne compagnie puisqu'on se retrouve avec le général de Gaulle au pouvoir depuis deux ans
00:36 et qui pour marquer son retour et la stature de combattant qu'il a toujours, veut inaugurer le Mont-Valérien en honorant 15 héros de la France.
00:47 Cela dit, petit problème, parmi eux, il y a quelqu'un qui ne devrait pas être là.
00:54 - Exactement.
00:54 - Une erreur de casting ?
00:55 - Une erreur de casting quand on veut prendre les choses avec légèreté et c'est quand même quelque chose qui...
01:00 La guerre n'est pas légère mais cette histoire-là, elle est symboliquement effrayante mais elle est quand même plutôt loufoque.
01:07 C'est-à-dire qu'en 1945, le général de Gaulle veut installer des combattants au Mont-Valérien, donc il y a un tirage au sort qui est fait.
01:14 Puis ça va vite parce que le général de Gaulle est pressé et puis après 1945, on se rend compte qu'il y a des gens qui envoient des lettres et disent
01:22 "Mais vous êtes sûr que c'est vraiment la meilleure personne ? 15 sur la France entière, c'est quand même pas beaucoup.
01:27 Donc, est-ce que vous êtes sûr que vous avez bien choisi ?"
01:29 Il y a un jury d'honneur qui se constitue et là on se dit "Non, ce n'est pas possible".
01:33 Et puis le général de Gaulle part et puis il revient en 1958 et puis pendant 15 ans, il ne se passe pas grand-chose.
01:39 Et puis la veille du 18 juin 1960, où il inaugure, vous l'avez dit, le Mont-Valérien, qu'il a fait construire dès qu'il est revenu en 1958,
01:46 ils disent "Oh là là, on l'a oublié à l'intérieur, il est temps de le sortir".
01:50 Donc s'en suit un certain nombre de scènes absolument ridicules, ce qui débouche sur le fait que le jour de l'inauguration,
01:56 très officiel, il y a 2000 personnes, le général de Gaulle qui rentre dans la crypte et il manque un cercueil.
02:02 Enfin, il y a un cercueil, mais il est vide.
02:04 - Alors cette histoire absolument folle, comment se fait-il qu'on n'en ait pas entendu parler ?
02:10 Parce que vous la prenez par hasard ce que vous dites ?
02:12 - Je la prends absolument par hasard, je pense que tout le monde a voulu la mettre sous le boisseau,
02:16 ça aurait fait assez désordre de dire "Vous voyez, le général de Gaulle, le 10 et 11 novembre 1945, il y avait déjà eu deux jours de fêtes,
02:23 de deuil et de gloire, avec un défilé des invalides, de l'arc de Triomphe, Mont-Valérien, des chevaux qui traînaient les cercueils,
02:32 deux jours de liesse, de défilés, si on avait dit... Vous voyez le cercueil qui est en haut à gauche du côté de l'avenue Marceau,
02:40 je pense que ça aurait été un problème.
02:42 Donc tout ça a été tu, secret de défense total, secret d'Etat, et puis après il y a eu un deuxième problème.
02:48 C'est comme il y en avait un qui était vide, il fallait le remplir.
02:50 Il fallait le remplir vite et il fallait essayer de trouver quelqu'un.
02:52 Donc c'est pour ça que manifestement ça n'a intéressé personne et que je l'ai juste appris parce qu'une historienne me disait
03:01 "Mais on rentre comment, Mont-Valérien ?"
03:03 Pas que je pensais y aller, mais elle me dit "Mais on est rentrés, on en sort."
03:07 Je me suis dit "Quelle horreur pour la famille."
03:09 Vous avez cru que votre mari, votre frère, votre soeur, je ne sais pas, étaient des héros,
03:12 et puis on vous dit un jour avec une lettre "Désolée, on va le sortir."
03:15 Alors c'est romancé, mais c'est basé sur des faits réels, et vous avez mené vraiment une enquête très fouillée.
03:21 Oui, parce que c'est ça qui était amusant, et surtout j'ai voulu le raconter.
03:26 Alors j'ai trouvé tous les PV d'audition, les archives françaises sont formées, il y a tout.
03:29 Il y a même les enveloppes de la femme d'Hierro qui écrit au général de Gaulle, on retrouve tous les timbres.
03:34 J'ai retrouvé une photo, j'ai tout retrouvé, sans vraiment m'épuiser.
03:38 Alors après c'était plus compliqué de retrouver cette acte de divorce, des choses un petit peu plus personnelles.
03:42 Et je l'ai fait raconter. J'ai inventé un quatuor d'enquêteurs, une espèce de borde où il y a un patron de bar communiste,
03:49 un jeune orphelin qui veut être journaliste, sa copine qui est au ministère des Anciens Combattants,
03:53 et tout ça, ça part à la recherche de la vérité, et comme ça, ça me permet de m'amuser un peu,
03:59 et éventuellement d'amuser les gens, ce qui est quand même le but.
04:01 Est-ce que finalement ce silence, ça ne s'explique pas aussi par le fait, on l'a beaucoup dit,
04:06 mais que le général de Gaulle a voulu réécrire le roman national ?
04:10 Absolument, c'est pour ça. Dans les discours qui sont prononcés, dans ses écrits, même dans ses mémoires,
04:15 ou dans ce que raconte son fils, l'idée c'est qu'on est unis, on a tous été résistants, plus ou moins,
04:22 parce qu'il ne peut pas se permettre, quand il revient en 1945, d'avoir un pays divisé.
04:25 Du moins, le croit-il. À titre d'exemple, les magistrats qui ont tous prêté serment à Vichy, sauf un,
04:31 il n'y a pas d'épuration. Donc lui, l'idée c'est de nous renvoyer, enfin de renvoyer aux Français,
04:35 une belle image d'eux-mêmes, quelque chose qui nous gratifie, et à partir de là, on peut comprendre
04:41 que si parmi ces 15 combattants, on avait dit qu'il y en a un qui a été plus que limite,
04:45 on aurait dit "ouh là là, voyez-vous ça, la résistance, les collabos, tout ça, c'est beaucoup plus compliqué".
04:51 Donc nécessité de se taire, et nécessité de raconter aux Français ce qu'ils ont envie d'entendre,
04:58 c'est-à-dire que ceux qui ont acclamé Pétain, il y en a beaucoup qui ont acclamé de Gaulle quand il est revenu,
05:03 et il leur dit en gros, même si vous n'étiez pas vraiment, vous étiez résistants sur le fond.
05:08 En tout cas, je vous le conseille vraiment, c'est savoureux, on apprend plein de choses,
05:12 et en plus c'est un bonheur de lecture, ça s'appelle "L'ombre d'un traître",
05:16 c'est paru aux éditions de l'Observatoire. Merci beaucoup Nathalie Saint-Caly.
05:19 Merci Anne.
05:21 [Musique]
05:25 [SILENCE]

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