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Anne Fulda reçoit Nathalie Rheims pour son livre «Ne vois-tu pas que je brûle» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Nathalie Reims.
00:03Alors, Ne vois-tu pas que je brûle ?
00:05C'est le titre de votre dernier livre,
00:07votre 24e livre, qui est paru aux éditions Ocher,
00:10comme d'habitude.
00:11Alors, c'est un livre intime,
00:15touchant,
00:16assez poignant, par moments,
00:18dans lequel vous revenez une fois encore
00:21sur ce qui vous fonde,
00:22votre histoire familiale singulière,
00:24mais avec, cette fois, un élément en plus.
00:28Décidément, on a l'impression qu'à travers vos livres,
00:31c'est comme si vous vouliez continuer cette analyse
00:34que vous évoquez, justement, qui a été si importante.
00:37Je pense que tous les écrivains, d'abord,
00:40s'auto-analysent ou sont analysés.
00:42Alors, dans ces 24 livres,
00:44il y a une partie de mes romans,
00:47parce que je dis toujours que c'est des romans,
00:49parce qu'à partir du moment où vous passez
00:51par le prisme de l'écriture,
00:52que ce soit du roman vrai ou du roman fictionnel,
00:56il y a une part de soi dans l'écriture
00:58qui transforme le réel en romanesque, de toute façon.
01:02Il y a une part qui est strictement romanesque,
01:04et puis c'est vrai qu'il y a une part
01:05qui est beaucoup plus personnelle,
01:07qui a commencé avec Les Fleurs du silence sur mon père
01:09il y a des années,
01:11puis Laisser les cendres s'envoler,
01:12il y a eu mon frère.
01:14J'aime conserver, en fait, les gens dans...
01:17Je trouve ça plus efficace de faire des tombeaux de papier
01:20que de réduire les gens en poussière et en cendres.
01:24Et là, cette histoire me tenait particulièrement à cœur
01:27parce que c'est un secret, c'est mon secret, en fait,
01:30et c'est peut-être le secret qui m'a amenée
01:33à être non seulement celle que je suis,
01:35mais à être l'écrivain que je suis devenue.
01:39Et ce secret, je ne pouvais l'écrire
01:42et le dire qu'avec une véritable expérience de l'écriture,
01:46parce que c'est un sujet complexe.
01:49C'est un sujet qui touche beaucoup de gens, en fait.
01:51On est sûr de sa mère, enfin, sauf si on a été adopté.
01:54On est sûr de sa mère, mais la paternité,
01:57bien qu'un des héros du roman,
02:01j'appelle ça un roman, même si la petite fille me ressemble beaucoup,
02:04puis l'adolescente et la femme aussi,
02:07dit qu'on est l'enfant de celui qui nous élève.
02:09C'est vrai, mais il n'empêche que dès l'âge de 4 ans, en fait,
02:13tous les jeudis, pendant des années et des années,
02:16jusqu'à ce que je commence à me poser des questions,
02:19j'avais rendez-vous avec un très grand analyste,
02:23psychiatre, psychanalyste, entre 16h et 17h,
02:27parce qu'à l'époque, on n'avait pas école le jeudi.
02:29Alors, un psychanalyste qui, dans le livre,
02:32un psychiatre qui s'appelle Serge,
02:35et alors vous expliquez que c'est votre mère, à l'époque,
02:38qui vous impose, d'une certaine façon, ces rendez-vous,
02:42auxquels vous prenez goût, mais vous ne savez même pas écrire encore.
02:45Lorsque vous commencez, vous dessinez...
02:47On commence par des dessins,
02:49et on va commencer, en fait, dans le verbe,
02:53autour des 5-6 ans,
02:55mais au début, j'ai des souvenirs d'un grand tableau de papier
02:59sur lequel je dessine,
03:00et déjà, il analyse ces dessins, et on en parle,
03:04et puis j'évolue, j'évolue, je grandis.
03:07Bon, et puis forcément, il y a un âge
03:08auquel on se pose plus de questions.
03:11Je me dis, mon frère, ma soeur ne le voient pas, pourquoi ?
03:13Et puis, un jour, je comprends
03:16que je ne passe pas par la salle d'attente non plus,
03:19et qu'il vient me chercher,
03:21mais qu'on ne se voit jamais dans un autre cadre.
03:24On est vraiment dans cette pièce,
03:25une fois par semaine, entre 16 et 17h.
03:29J'ose lui poser un jour la question, en lui disant,
03:31mais qui vous paye ?
03:33Parce que théoriquement, une thérapie, ça ne paye.
03:36Et ça ne fonctionne que s'il y a de l'argent.
03:38Ça ne peut pas être moi, à 15 ans, qui le paye.
03:42Et il ne me répond personne.
03:44Enfin, il hésite, et puis il me dit, à la semaine prochaine.
03:46Donc, en fait, ça va être cette enquête,
03:49cette enquête, cette recherche,
03:51en posant la question à tous les protagonistes
03:54et en m'apercevant très vite
03:56que la seule façon de sauver ma peau,
04:00c'est de ne jamais savoir.
04:02Et aujourd'hui, je ne le sais toujours pas,
04:06même si parfois...
04:08Je change d'avis, en fait, c'est ça.
04:10Il m'arrive quelquefois de me refléter dans la glace
04:13et de me dire, non, peut-être oui, aujourd'hui, oui.
04:17En tout cas, ce qui est merveilleux,
04:18que ce soit Maurice Reims, qui m'a élevée
04:21et qui a été mon père.
04:22Qui est officiellement votre père.
04:24Et Serge, dont je ne donne pas le nom de famille,
04:26il n'y a que les prénoms, mais les vrais prénoms.
04:29Lui, je dirais que j'ai pris ce qu'il y avait de meilleur.
04:33J'ai pris ce qu'il y avait de plus beau chez les deux.
04:35J'ai pris le regard chez Maurice,
04:37qui était commissaire priseur, académicien,
04:41collectionneur d'art, et chez Serge, j'ai pris l'oreille.
04:44Et ça m'a permis, sans doute,
04:47de garder cette espèce d'équilibre et de force
04:53qui est de ne jamais avoir su exactement qui il était.
04:58Mais au fond, tout ça n'est qu'une question de spermatozoïdes.
05:01Ça n'a pas beaucoup d'importance.
05:03J'ai pris ce qu'il y avait de plus riche chez les deux.
05:06Et je me suis dit que cette histoire,
05:08elle fait écho, finalement, à beaucoup de gens.
05:11Parce que j'étais tombée sur un sondage qui disait
05:14qu'à partir du troisième enfant, dans une fratrie,
05:18la certitude de la paternité officielle, on va dire,
05:22est plus incertaine.
05:24Je me suis très vite aperçue que cet homme était dans la vie de ma mère
05:28depuis le moment où j'ai commencé à me poser des questions.
05:32Ça faisait 20 ans qu'ils étaient ensemble.
05:34Mais c'était une époque où on ne divorçait pas,
05:37où chacun avait sa vie.
05:38Mais je n'ai pas de certitude.
05:40En tout cas, ça a été à la fois merveilleux
05:42et à la fois très douloureux, mais on découvre pourquoi.
05:45Aussi dans le livre, parce que c'est une enquête
05:48au fond de reconnaissance.
05:50Et c'est bien, parce que finalement,
05:53le fait de ne pas être véritablement reconnu,
05:55mais véritablement aimé,
05:57ça fait dans la vie qu'on fabrique des choses après
06:00pour être reconnu par les autres.
06:02L'important étant, évidemment, de se reconnaître soi-même.
06:05En tout cas, effectivement, finalement,
06:07ces deux-là, ces deux hommes vous ont construits,
06:10on fait ce que vous êtes.
06:12Et ils m'ont aimée comme personne.
06:14Ce qui est intéressant, c'est qu'à travers ça,
06:16vous revenez sur votre histoire familiale,
06:18sur l'histoire de votre père, Maurice Reims,
06:20dont vous venez de parler,
06:21avec ce personnage assez fantasque, étonnant,
06:23qui est quand même abattu lorsque votre mère quitte le domicile.
06:27Il l'a tellement trompée.
06:28Un jour, elle tombe sur un abominable type,
06:30elle s'en va, mais enfin bon.
06:32Et vous revenez aussi sur une époque
06:34où tout ça semblait, dans un certain milieu,
06:36assez facile et aisé.
06:38On est vraiment dans le film de Rose Bunuel,
06:41le chef discret de la bourgeoisie.
06:43À la morale, je peux vous assurer, Anne, qu'elle n'existait pas.
06:46Aujourd'hui, la morale, elle est dix fois...
06:48Et tant mieux, je vois les jeunes générations.
06:50À l'époque, la morale n'existait pas.
06:53Enfin, c'était, comme vous dites, dans un certain milieu.
06:55Encore que je pense que dans d'autres milieux aussi.
06:58C'était après 68.
06:59C'était après 68.
07:01En tout cas, je vous conseille vraiment de le lire.
07:03C'est un très joli livre.
07:05Ça s'appelle Ne vois-tu pas que je brûle ?
07:07Vous comprendrez la signification du titre.
07:09Le lisant, c'est donc paru aux éditions Léocher.
07:12Merci beaucoup, Nathalie Rast.
07:13Merci, Anne. Merci beaucoup.

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