Anne Fulda reçoit Jean-Christophe Rufin pour son livre «Sur le fleuve Amazone» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'heure des livres, Jean-Christophe Ruffin, on est ravis de vous recevoir.
00:05On vous connaît, vous êtes académicien, écrivain, ancien diplomate, voyageur impénitent.
00:10Vous venez de publier sur le fleuve Amazon, le carnet de voyages de Sao Gabriel à Belém.
00:17Un livre qui est paru chez Kalman & Levy avec cette mention,
00:20« Aquarelle dessin et texte » de Jean-Christophe Ruffin, ce qui est une nouveauté.
00:24C'est un carnet de voyages, pourquoi tout d'un coup vous êtes-vous piqué à ce nouvel exercice ?
00:29En réalité, j'ai toujours fait des carnets de voyages, mais pour moi, dans les marges d'autres voyages
00:35que je pouvais faire pour des raisons de mission, pour préparer des livres.
00:39Et puis, il y a quelques années, j'ai été invité au salon du carnet de voyages
00:45qui a lieu à Clermont-Ferrand tous les ans, il vient de se tenir d'ailleurs cette année.
00:48Et là, j'ai découvert que c'était vraiment un art à part entière.
00:51Et je me suis dit, prenons ça au sérieux, et j'ai envie de faire un voyage rien que pour en rapporter un carnet.
01:00Donc j'ai pris mes couleurs, mes crayons, des grands papiers, et puis je suis parti.
01:05Et ensuite, vous avez choisi le lieu à dessin, l'Amazon, pendant deux mois.
01:10Qui n'est pas un choix neutre, qui est un choix volontaire, évidemment.
01:13Oui, il y a plusieurs raisons.
01:17D'abord parce que je connais bien le Brésil, je parle portugais, j'ai vécu là-bas.
01:20Et l'Amazonie, je ne me sentais pas en parler.
01:25L'Amazonie, c'était immense et très compliqué.
01:28Mais l'Amazonie, c'est un fleuve, donc il y a un début, il y a une fin.
01:31Je ne voulais pas le remonter parce que je ne voulais pas quelque chose de dur.
01:34Je voulais me laisser porter par le courant.
01:36Je suis parti le plus haut possible en avion, le plus haut possible en amont.
01:41Et puis, j'ai pris ces espèces d'autobus, parce que la circulation là-bas se fait par bateau.
01:46Par bateau, oui, les autobus d'eau.
01:49Les autobus d'eau, ils sont vides, il n'y a pas de cabine.
01:52On vient avec son petit hamac et puis on s'installe.
01:54Alors vous écrivez, l'Amazonie est le lieu idéal pour une telle déconnexion.
01:57Il calme la hâte, impose son rythme liquide, irradie l'œil de ses couleurs et endort l'esprit.
02:02Il y a plusieurs étapes, des lieux symboliques.
02:09Vous parlez notamment de cette ville qui est tellement magique,
02:13ne serait-ce que de Manaus qui a été le siège du caoutchouc.
02:19On a l'impression que c'est une ville qui a été oubliée, engloutie.
02:23Elle a été surtout engloutie par des choix économiques que le Brésil a fait dans les années 60-70,
02:30l'époque de la dictature.
02:32Ils ont décidé d'en faire une ville industrielle.
02:34Ça peut paraître curieux, mais au milieu de cette forêt amazonienne gigantesque,
02:38vous avez une ville de plusieurs centaines de milliers, plus d'un million d'habitants,
02:43où se fabriquent les réfrigérateurs, les ordinateurs, etc.
02:48En plein milieu de la forêt.
02:50Evidemment, ça a un petit peu englouti ce qu'elle pouvait avoir de poétique,
02:54mais qui reste vivant avec cette opéra qui avait été créée au XIXe siècle.
02:59On parlait du temps, de la nécessité, de la lenteur pour cet exercice.
03:04Vous évoquez à un moment la conception très particulière qu'ont les Brésiliens du temps.
03:09C'est assez intéressant.
03:11Si vous voulez, au Brésil, on a l'habitude de dire d'abord que tout s'arrange.
03:16Tout devait être certes.
03:18Comme ils disent, tout va s'arranger.
03:20Donc, il y a un certain fatalisme.
03:22Et puis, il y a une lenteur aussi qui est liée à une forme de nonchalance.
03:26Même la langue, si vous comparez le portugais du Portugal au brésilien,
03:29c'est beaucoup plus lambe, plus chantant.
03:32Le bateau ajoute sa lenteur.
03:35Parce que l'Amazone, c'est un fleuve qui n'a pas beaucoup de courant.
03:39Il y a 20 mètres à peu près de différence d'altitude entre Manaus et la mer,
03:45à 2000 kilomètres de là.
03:46Donc, ça ne coule pas.
03:48On a l'impression d'être sur un gigantesque lac.
03:50Alors, on prend son temps.
03:51Et puis, on oublie le temps.
03:53En tout cas, pour l'oublier, je vous conseille de vous plonger sur le fleuve Amazon,
03:57carnet de voyages de São Gabriel à Belém.
03:59C'est vraiment un très beau livre.
04:01Ce que je disais tout à l'heure, les textes, les aquarelles,
04:03comme on voit sur la couverture, les dessins sont très beaux.
04:06Ils sont de vous, Jean-Christophe Ruffin, académicien et aussi dessinateur et peintre désormais.
04:11Merci beaucoup.
04:12Merci à vous.