• il y a 10 heures
Jacques Pessis reçoit François Alu. Il raconte dans un livre « Le prix de l’étoile », son parcours difficile pour devenir Danseur Etoile à l’Opéra de Paris. Il évoque aussi « Danse avec les stars » dont il a fait partie du jury.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-11-07##

Category

Personnes
Transcription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Vous avez grandi dans une région où l'on a les pieds bien sur terre,
00:10en rêvant de côtoyer des étoiles.
00:12Vous avez traversé bien des nuages pour entrer dans la danse.
00:15Vous le racontez dans un livre qui mérite justement d'être qualifié de brillant.
00:19Bonjour François.
00:20Bonjour Jacques, merci de me recevoir.
00:22Alors vous publiez Le prix de l'étoile chez Robert Laffont,
00:24qui est un livre important parce qu'il raconte votre parcours de danseur étoile
00:28et puis tout ce qui s'est passé, car vous avez été brièvement danseur étoile à l'Opéra de Paris.
00:33Donc on va en parler, mais le principe des clés d'une vie,
00:36c'est de raconter votre parcours à travers des dates clés.
00:38Donc bien sûr, je me suis invité de ce livre,
00:40mais j'ai trouvé des dates clés importantes pour vous.
00:43Une qui ne vous concerne pas directement, mais qui est importante dans votre vie,
00:46le 14 mars 1981, une première à l'Opéra.
00:50C'est dans ma vie, ça devait être écrit avant que je ne sois né,
00:55mais je suis né pour vivre de la danse.
00:57Patrick Dupont, ce soir-là, crée Don Quichotte à l'Opéra de Paris
01:01pour la première fois à la Salle Garnier.
01:03C'est la première fois qu'il a joué Don Quichotte à l'Opéra.
01:05Wow, génial. J'ai tout de suite reconnu sa voix, en tout cas,
01:07qui est toujours aussi pleine d'émotions.
01:09Et c'est vrai qu'il avait...
01:11Cet opéra Don Quichotte a été créé pour la première fois au Théâtre Bolchoï,
01:15si vous le savez, le 14 décembre 1869.
01:18Il a été repris plusieurs fois depuis.
01:21Et Patrick Dupont, quand il se retrouve à l'Opéra,
01:24il vient d'être nommé danseur étoile et il a une puissance extraordinaire
01:27que vous remarquez immédiatement.
01:29Oui, j'ai un coup de cœur immédiat, effectivement,
01:31parce que pour moi, ça ne s'apparente pas à de la danse.
01:33Moi, la danse, en fait, initialement, je n'aime pas ça.
01:35Ma mère est prof de danse.
01:37J'entends la musique classique en bas et elle me dit
01:39« Allez, viens essayer ». Je dis « Non, non, non, non ».
01:41J'ai essayé un cours, j'ai vite raccroché les chaussons.
01:43Et un jour, ma grand-mère me monte cette vidéo de Patrick Dupont
01:46dans l'extrait d'un documentaire qui s'appelle
01:48« Patrick Dupont, le talent insolent ».
01:50Et là, je vois un homme qui fait quelque chose qui, pour moi,
01:52ne s'apparente pas à de la danse.
01:53Ça ressemble plutôt au Yamakasi, à Jean-Claude Van Damme,
01:55ce que j'adore. Et je me dis « Ah, c'est génial ! »
01:56Et en plus, il a l'air de voyager, il a une vie folle.
01:58J'ai envie de faire comme lui.
01:59Voilà, exactement.
02:00Donc, vous êtes à l'époque loin de Paris.
02:02Vous êtes près de Bourges, à Fussi.
02:03C'est une petite commune de 2000 habitants, je crois.
02:05Tout à fait, un peu moins même maintenant, je pense.
02:08C'est un petit village qui est très charmant.
02:11Et en même temps, vous avez une mère professeure de danse là-bas,
02:13Christine, je crois.
02:14Tout à fait, Christine, exactement, qu'on embrasse.
02:16Et ma mère, elle est plus prof de danse là-bas.
02:19Elle a déménagé à côté.
02:20Maintenant, elle est à Saint-Doulchard,
02:21où elle continue à donner de la danse.
02:23Elle est presque à la retraite.
02:24Et oui, c'est vrai que j'ai fait mes premiers pas là-bas.
02:26Et au départ, c'était un peu un cauchemar, la danse classique,
02:30parce que ça restait accroché à une barre
02:31quand on est un enfant hyper actif, hyper sensible.
02:33C'est de la torture.
02:34Oui, surtout qu'il y avait des petites filles autour de vous,
02:36parce qu'en tutu, ça, ça ne vous plaisait pas.
02:39Exactement.
02:40Et c'est quelque chose que j'ai compris par la suite.
02:43Et c'est une clé que je donne dans les conférences,
02:45que je donne aussi.
02:46C'est qu'en fait, on peut faire faire n'importe quoi à n'importe qui.
02:49À partir de moi, on s'adresse à son envie profonde.
02:51Là, on peut le diriger.
02:53Et c'est vrai que moi, quand j'ai vu Patrick Dupont,
02:55je me suis dit...
02:56Et qu'on m'a dit, il faut rester accroché à la barre.
02:58Il faut cette partie rigoureuse, cette partie disciplinée
03:01pour réussir à atteindre les figures et la vie de folie qu'il a.
03:05Je me suis mis à faire la chose que je détestais presque le plus au monde.
03:08Comme quoi.
03:09Et je crois que vous avez une particularité,
03:10c'est que votre chambre d'enfant est à peu près à 12 mètres du studio de danse de votre mère.
03:14C'est ça, exactement.
03:15Il n'y avait que quelques marches à descendre.
03:17C'est assez fou, en fait, quand on y pense.
03:19En même temps, quand ça n'allait pas, elle vous envoyait dans sa chambre.
03:21C'est un peu ça aussi.
03:22C'est que quand je bavardais ou que je faisais le cochon pendu,
03:24elle me disait, tu arrêtes et tu remontes dans ta chambre.
03:26Ça, c'était assez...
03:28C'était un peu humiliant.
03:29Et en même temps, c'était une bonne façon de créer un cadre aussi pour avancer.
03:33Parce que dans la vie, comme dans la danse classique,
03:35il y a un cadre à respecter.
03:37Sinon, on tombe vite dans le chaos.
03:39Il se trouve, François a lu aussi que vous êtes fasciné dans cette cassette de Patrick Dupont
03:44par le fait qu'il se retrouve au Japon.
03:46Tout à fait.
03:47Le fait de le voir voyager partout dans le monde,
03:50je me dis que c'est une vie rêvée pour un enfant qui a une vie peut-être un petit peu...
03:56Et c'est fou de dire ça, parce que généralement, les personnes qui écrivent des bouquins,
03:59il y a toujours un grand drame.
04:01Et moi, initialement, mon drame, c'est qu'il n'y avait pas assez de drame dans ma vie.
04:04Donc, je me suis dit que j'avais envie de vibrer.
04:06Et étant hypersensible, on se nourrit de vibrations très fortes.
04:08Et là, le fait de voir quelqu'un qui a une vie où il n'arrête pas,
04:12où il est sur scène, où il incarne des personnages,
04:15où il rencontre du monde...
04:17En fait, je pense qu'enfant, on n'arrive pas forcément à mettre des mots sur ce qu'on voit.
04:21Mais je ressentais profondément que c'était une personne qui était épanouie
04:25et qu'il était vraiment à sa place.
04:27Ce qui ne sera pas forcément le cas par la suite pour moi.
04:29C'est autre chose, on va en parler.
04:31Il se trouve que le Japon aussi, il y a un lien commun avec vous,
04:33ce sont les Pokémon de votre enfance.
04:35Oh, les Pokémon ! Je vois que vous avez vraiment bien étudié mon cas.
04:39Moi, j'adore les Pokémon. J'adorais et j'adore toujours.
04:41Je trouve que c'est fascinant.
04:43Et j'en parlais ce matin dans une autre interview.
04:45Je crois que ce qui me fascine, mais comme peut-être beaucoup d'êtres humains,
04:48c'est l'évolution.
04:49Les Pokémon, en fait, on les fait travailler et puis après, ils évoluent.
04:51Et je crois que c'est le propre d'une personne dans la vie.
04:55On prend du plaisir en étant dans un état de bonheur.
04:57D'ailleurs, Mihaly Sinczyn-Mihaly, on parle très bien dans Flow, en anglais,
05:01ou la philosophie du bonheur.
05:03C'est comment atteindre cet état où on se révèle.
05:07Et c'est vraiment l'instinct, où ça a été prouvé scientifiquement,
05:09où on dépasse toutes ces capacités mentales et physiques.
05:13C'est précisément à cet instant-là qu'on est en train d'être dans le bonheur.
05:16Et je crois que c'est ça qui me fascine dans les Pokémon.
05:18Oui, ils sont nés en 95 et on a recensé le nombre de jeux Pokémon qui se sont vendus.
05:23Ça fait 250 millions d'exemplaires.
05:25Si je pouvais vendre autant de livres, ce serait fabuleux.
05:29Vous parlez, François Allu, du Yamazaki.
05:32C'est quelque chose que vous avez découvert, qui est très particulier.
05:36Je crois qu'il y a un film qui vous a fait rêver, un film d'Ariel Zetoun.
05:40Oui, les Yamakasi, tout à fait.
05:42Ça mêlait plusieurs choses.
05:43Déjà, moi, j'ai toujours aimé la culture hip-hop, la musique dite rap.
05:48J'aime aussi ce qui se passe dans la rue.
05:50La culture hip-hop, c'est la culture de la débrouillardise, fondamentalement.
05:53Donc, la culture de l'entrepreneuriat aussi.
05:55Ce qui est un entrepreneur, ce qui est un artiste.
05:57C'est vrai que dans ce film, il y avait à la fois la bande-son, à la fois la physicalité,
06:02à la fois le côté transgressif qui me parlait beaucoup.
06:06Parce que je pense qu'il faut transgresser pour créer, ça c'est évident.
06:09Et je suis tombé amoureux, effectivement, de ces artistes,
06:13de ces êtres volants d'un immeuble à un autre.
06:17Il se trouve qu'ils volent comme des super-héros.
06:19Complètement.
06:21Et le Yamazaki s'est développé à Évry, en particulier,
06:24grâce à Yann Inotra et Laurent Piedmontessy,
06:27qui sont fondateurs d'une association Yamazaki
06:31et qui aujourd'hui commencent à entraîner une seconde génération.
06:34Je ne le savais pas.
06:35Je vois que le parcours, en tout cas, se répand de plus en plus,
06:37que c'est la fameuse discipline des Yamakasi.
06:39C'est vraiment le fait d'aller, de bouger d'un point A à un point B,
06:43en passant au travers de différentes surfaces,
06:46en montant sur des immeubles, en faisant des figures aussi.
06:49Et c'est vrai que ça se répande de plus en plus,
06:51mais je ne pensais pas que c'était toujours autant.
06:53C'est de l'actualité.
06:54C'est de l'actualité, tant mieux.
06:55Alors que votre but, c'est de devenir danseur étoile à l'Opéra de Paris,
06:59vous découvrez le hip-hop à une époque où il vient du Bronx,
07:02où il n'est pas encore très connu en France, François.
07:04En France, je ne sais pas si c'est très connu.
07:06En tout cas, il commence à y avoir quelques groupes de personnes qui font...
07:10Le rap commence vraiment à arriver petit à petit.
07:13Moi, je sais qu'il y a un professeur de hip-hop qui est dans le coin,
07:15donc je vais faire deux, trois cours avec lui.
07:17En fait, déjà, j'aime la musique, j'aime la gestuelle,
07:19j'aime le fait de ne pas être, encore une fois, accroché à une barre,
07:21mais d'être libre.
07:23Et puis, j'aime aussi toutes ces figures acrobatiques.
07:26En tout cas, initialement, c'est ça qui me motivait beaucoup,
07:28et puis le rapport à la musique.
07:29Et vous aimez le modern jazz aussi, grâce à votre mère.
07:31Oui, tout à fait, pareil.
07:32Je crois que la musique classique au piano,
07:35quand on est enfant et qu'on n'a pas forcément baigné dedans directement,
07:38c'est un peu dur.
07:40Et ça l'est peut-être encore plus qu'il y a un côté un peu suranné.
07:42Parce que quand on n'a pas des beaux morceaux au piano,
07:46quand on fait une barre, on ne la fait pas sur du Sophian Pamar.
07:48Généralement, on commence et on a la petite musique de cours de danse
07:51enregistrée sur le CD.
07:52C'est un peu rébarbatif.
07:54Et même encore aujourd'hui, je ne peux pas écouter ces musiques.
07:56C'est vraiment...
07:57C'est un peu traumatisant et c'est lié, pour moi,
07:59vraiment à un moment de difficulté.
08:01Alors, vos jeunes années, François Halut,
08:03l'opéra, c'est encore l'opéra Garnier.
08:05Au lieu des soirées prestigieuses, il y a une soirée qui est restée célèbre.
08:07C'est la première du film Napoléon de Sacha Guitry.
08:10On avait transformé le décor extérieur en bivouac.
08:13Et René Coty, président de la République, est arrivé
08:16et a été salué par les grenadiers de Napoléon.
08:19C'est quand même une chose extraordinaire.
08:20C'est dingue.
08:21Et c'est vrai que l'opéra Garnier, ça vous fait rêver à l'époque.
08:24Garnier, oui, mais en fait,
08:26et peut-être qu'on va en parler après,
08:28je me suis quelque part mépris.
08:31C'est-à-dire que, pour moi, Patrick Dupont, c'était la personne...
08:35Je voulais avoir la vie de Patrick Dupont.
08:36Je voulais devenir cet être, presque.
08:38Et pour moi, on m'a dit,
08:39devenir Patrick Dupont, c'est devenir danseur étoile opéra.
08:42L'opéra m'a fait rêver.
08:43Alors effectivement, les boisures, le velours, les dorures,
08:46c'est exceptionnel.
08:47On sent qu'il y a de l'histoire dans Garnier.
08:49On peut parfois même sentir les fantômes qui passent.
08:52On peut entendre des bruits.
08:53C'est un lieu qui est plein d'histoires.
08:54Moi, j'adore toujours Garnier.
08:56Mais effectivement, au fur et à mesure,
08:59je me suis rendu compte que c'était peut-être pas
09:02devenir danseur étoile Patrick Dupont qui m'intéressait,
09:05mais plutôt devenir Patrick Dupont, l'électron libre,
09:08le générateur de performances et l'artiste, en fait.
09:11Quand vous parlez des histoires de l'opéra Garnier,
09:13il y a un feuilleton qui est resté très célèbre
09:15pour plusieurs générations.
09:23Qui a fait un tabac.
09:24Plein de jeunes filles sont devenues danseuses.
09:26Après ça, oui, tout à fait.
09:27Il y avait un tournage sur les toits de l'Opéra de Paris,
09:30car c'est dangereux.
09:31Et ça a été interdit.
09:32Interdit d'accès aujourd'hui.
09:34Je vous avoue que j'y ai été plusieurs fois,
09:36comme beaucoup de danseurs.
09:37Mais effectivement, là, il faut transgresser plus, plus.
09:39Et c'est marrant parce que ce film, figurez-vous,
09:41je l'ai vu, c'était ma grand-mère aussi qui me l'a montré.
09:43Ça n'a eu aucun effet sur moi.
09:44Je me suis dit, mais qu'est-ce que c'est que ce vieux truc ?
09:46Ça me paraissait tellement suranné.
09:49Alors que quand j'ai vu Patrick Dupont, justement,
09:51je trouvais qu'il y avait une véritable fraîcheur
09:53dans ce qu'il apportait.
09:54Oui, mais Delphine Desieux qui a tourné dans La Jeureuse,
09:56après elle a tourné avec Brel dans un film
09:58sur les risques du métier,
10:01où Brel était accusée de pédophilie,
10:03ce qui était en avance sur son temps.
10:04Et aujourd'hui, elle est chorégraphe à Saint-Jean-du-Gar.
10:07Elle enseigne la danse contemporaine, le taiji et le cirque.
10:10Wow, belle transformation.
10:12Exactement.
10:13Il se trouve aussi que vous avez débuté en allant à l'école.
10:17Vous vous êtes retrouvés à Nanterre
10:18parce que c'était aussi une obligation.
10:20Oui, c'est une école.
10:21Alors quand on veut devenir danseur de l'Opéra de Paris,
10:23il y a plusieurs façons d'y arriver.
10:24Mais je pense que c'est un petit peu comme faire une prépa
10:26avant d'intégrer une grande école,
10:29puis après d'entrer dans une entreprise.
10:31C'est important de...
10:33Disons que ça donne des codes
10:34et on est tout de suite face à l'adversité.
10:36Moi, je sais que ça m'a vraiment tannée le cuir
10:38de faire cette école.
10:40J'ai appris énormément de choses,
10:42notamment sur la compétitivité
10:45et le fait que très jeune, en fait,
10:47moi j'étais majeur de promo chaque année en danse,
10:49mais j'étais vraiment pas major à l'école.
10:52Et en fait, tous mes camarades,
10:53parce qu'il y a une compétition,
10:54m'envoyaient des pics sans cesse.
10:56T'es bête, t'es stupide, t'es con.
10:58Les professeurs me rendaient les copies
11:00en me disant aussi,
11:01heureusement que tu fais de la danse.
11:02Et d'un côté, on pourrait se dire,
11:04oh, le pauvre petit Calimero,
11:05ça, c'est ce que j'ai vécu.
11:06Mais en fait, aujourd'hui, je me dis,
11:07quelle bénédiction,
11:08parce qu'en fait, à ce moment-là,
11:09mes premières limites mentales naissaient.
11:12Et je me suis dit,
11:13si tu peux pas réussir à devenir danseur,
11:16tu ne feras rien, tu n'existeras pas.
11:18Et donc, je me suis battu
11:19avec ce qu'on appelle la force du désespoir.
11:22Agathocle de Syracuse,
11:23je vais pas partir là-dedans,
11:24mais il y a une très belle histoire là-dessus,
11:26où il va conquérir Syracuse
11:28en demandant à ses troupes
11:29de brûler leur navire
11:30une fois qu'ils sont arrivés à Syracuse.
11:32Et tous se regardent en se disant,
11:33mais c'est pas très productif comme méthode.
11:35Comment on va rentrer chez nous ?
11:36Il dit, mais vous ne comprenez pas,
11:37en fait, on ne va pas rentrer.
11:38C'est envahir ou périr.
11:39Et moi, c'est exactement comme ça
11:41que j'ai abordé mon école de danse.
11:43Et c'était, il faut y arriver,
11:45il n'y a pas d'autre choix.
11:46Et vous y êtes arrivé,
11:47on va l'évoquer à travers une autre date,
11:48le 16 décembre 2013.
11:50A tout de suite sur Sud Radio,
11:51avec François Allu.
11:53Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:56Sud Radio, les clés d'une vie,
11:57celle de mon invité François Allu,
11:59danseur étoile à l'Opéra de Paris,
12:02de vous publier Le Prix de l'Étoile,
12:04un livre souvenir assez particulier
12:06qu'on évoque et qu'on va évoquer
12:08plus longuement tout à l'heure
12:09chez Robert Laffont.
12:10Alors, votre parcours de danseur,
12:11justement, on a évoqué vous au début,
12:13votre adoration pour Patrick Dupont.
12:15Et le 16 décembre 2013,
12:17c'est votre première télé,
12:18c'est-à-dire sur France 3 Régional,
12:20édition du Berry.
12:21Il y a un reportage de trois minutes
12:22sur un jeune danseur très prometteur.
12:24Et il y a un reportage
12:25où on vous voit à l'Opéra
12:27en train de répéter.
12:28Oh, wow !
12:29Vous vous en souvenez ?
12:30Je me rappelle, effectivement,
12:31avoir fait quelque chose
12:32pour François Berry, effectivement.
12:33Je ne me rappelais pas
12:34que c'était cette date,
12:35parce que j'ai des gros soucis, moi,
12:36avec la temporalité.
12:37Mais je crois, en tout cas,
12:38qu'il y avait...
12:39Il y a un jour, en tout cas,
12:40on a fait des photos,
12:41je crois que c'était pour le Berry,
12:42et j'étais malade, je m'en rappelle.
12:44Simplement ça.
12:45Vous aviez un tee-shirt hip-hop,
12:46en plus, qui surprenait.
12:47Ah !
12:48Ah !
12:49Non, ça me revient.
12:50J'étais en train de faire
12:51l'oiseau bleu, effectivement,
12:52où j'ai tout un tas d'histoires
12:54avec ce rôle,
12:55qui était assez horrible.
12:56Mais oui, je m'en souviens,
12:58effectivement,
12:59d'être allé dans les sous-sols
13:00de Bastille.
13:01Et vous venez d'être
13:02promis premier danseur,
13:03ce qui faisait très plaisir
13:05à France 3,
13:06parce que c'était rare
13:07que sur France 3,
13:08on ait un premier danseur
13:09de la région.
13:10De la région, ben écoutez,
13:11je suis ravi d'avoir porté
13:12les couleurs nationales du Berry.
13:14Je crois que vous êtes devenu
13:15premier danseur, François Alu,
13:17sur Le Fantôme de l'Opéra.
13:19C'est en choisissant
13:20cette variation, effectivement,
13:21que j'ai passé mon grade
13:22pour devenir danseur étoile.
13:24C'est un rôle que j'aimais
13:25particulièrement,
13:26parce qu'à la fois,
13:27il mêlait la théâtralité,
13:28en même temps, la physicalité.
13:30Et j'étais chez moi,
13:31c'est-à-dire que
13:32Le Fantôme de l'Opéra,
13:33il vit dans l'Opéra Garnier.
13:34Et j'avais qu'un seul objectif,
13:36moi, ce jour-là,
13:37c'était effrayer tout le monde.
13:39Et effectivement,
13:40alors peut-être que,
13:41je sais pas, c'est une perception,
13:42mais je crois qu'il y a eu
13:43un petit courant,
13:44un petit effroi dans le public.
13:45Et donc je me suis dit,
13:46j'ai réussi.
13:47Voilà.
13:48Il se trouve que
13:49Le Fantôme de l'Opéra,
13:50c'est aussi une comédie musicale
13:51qui est aux Etats-Unis
13:52et en Angleterre,
13:53et immontable en France,
13:54parce qu'il n'y a pas
13:55de théâtre assez grand à Paris
13:56pour la monter.
13:57Tout a été essayé.
13:58Pas encore.
13:59Peut-être qu'on va avoir
14:00quelqu'un qui va se lancer
14:01dans ce périple.
14:02Ce serait bien.
14:03Alors, il se trouve aussi
14:04que vous répétez à l'époque,
14:05lorsqu'il y a ce reportage,
14:06un ballet qui est parti
14:07de cette musique.
14:09Tchaïkovski, oui.
14:10La Belle au Bois Dormant.
14:11La Belle au Bois Dormant.
14:12Vous avez le droit de répéter
14:13La Belle au Bois Dormant,
14:14car vous répétez le rôle
14:15de soliste dans ce ballet
14:16pour l'Opéra Bastille.
14:17C'est à l'occasion
14:18de ce reportage.
14:19Oui.
14:20Je devais danser
14:21donc L'Oiseau Bleu,
14:22je pense,
14:23qui est une musique
14:24un petit peu moins lyrique,
14:25un peu plus tonique.
14:26J'ai une petite anecdote,
14:27d'ailleurs,
14:28qui n'est pas dans le livre
14:29à ce propos,
14:30si vous voulez.
14:31J'étais juste avant de...
14:32En fait, il se trouve
14:33que le danseur étoile
14:34s'était blessé.
14:35Je devais le remplacer.
14:36Et il y avait une captation
14:37ce jour-là.
14:38Donc, j'ai dû faire
14:39la négociation de mon cachet
14:40pour la captation,
14:41qui s'est très, très mal passée.
14:42Je demandais simplement
14:43à en gros être payé
14:44comme ma partenaire.
14:45Mais à l'époque,
14:46visiblement,
14:47c'était trop demandé.
14:48On avait le même grade en plus,
14:49mais qu'importe.
14:50Donc, je suis allé en scène.
14:51Je n'étais pas bien.
14:52Et la maîtresse de ballet
14:53est venue me voir.
14:54Elle m'a dit
14:55pour la version chorégraphique,
14:56tu fais exactement comme ça.
14:57Et en fait, personnellement,
14:58je n'allais pas le faire
14:59comme elle voulait
15:00parce que je lui expliquais
15:01que moi, je sauterais plus haut
15:02en faisant
15:03légèrement différemment.
15:04Ça l'a fortement contrarié.
15:05Etant hypersensible
15:06et étant très influençable,
15:07je me suis lancé.
15:08On peut retrouver d'ailleurs,
15:09si vous voulez vous régaler
15:10et rigoler,
15:11c'est sur YouTube.
15:12Je m'arrache en fait
15:13le ligament
15:14pendant que je suis en train
15:15de danser sur la coda
15:16parce que quand on est contrarié,
15:17qu'on n'est pas aligné
15:18avec ses valeurs,
15:19le corps empathie quoi.
15:20La Belle au Bois-Dormant,
15:21c'était au départ
15:22un conte populaire.
15:23Charles Perrault et Grimm
15:24en ont fait
15:25des versions particulières.
15:26Et la version de Perrault
15:27est fondée
15:28sur Soleil, Lune et Thalie
15:29de Jean-Baptiste Abazil,
15:30un conte fondé
15:31sur des contes populaires.
15:32Ça vient de très loin.
15:33On pense à Disney.
15:34On le voit,
15:35c'est un ballet
15:36qui dure en plus 3 heures.
15:37On sent que ça n'a pas été fait hier.
15:38Il se trouve aussi
15:39que dans ce reportage,
15:40on voit l'importance
15:41de la précision des jetés.
15:42Alors là, vous m'impressionnez
15:43parce que j'ai l'impression
15:44que vous êtes
15:45en train de dire
15:46qu'il n'y a pas de jeté.
15:47Il n'y a pas de jeté.
15:48Il n'y a pas de jeté.
15:49Il n'y a pas de jeté.
15:50Vous êtes devant la glace
15:51avec votre partenaire
15:52et vous expliquez
15:53que le jeté de chaque instant,
15:54c'est au millimètre près.
15:55Chaque pas, en fait.
15:56Effectivement.
15:57Mais de toute façon,
15:58je pense que c'est comme n'importe quel,
15:59même comme votre émission,
16:00elle est chiadée au mot près.
16:01Vous avez choisi,
16:02vous avez travaillé.
16:03Quand on veut faire
16:04quelque chose correctement,
16:05c'est important
16:06de faire preuve
16:07de détail et de soin,
16:08même dans les choses
16:09qui peuvent être
16:10un peu plus compliquées
16:11que ce qu'on a fait.
16:12Et c'est ça,
16:13c'est ce qu'on a fait.
16:14C'est ce qu'on a fait.
16:15C'est ce qu'on a fait.
16:16La portée des bras,
16:17c'est essentiel ?
16:18Oui, tout.
16:19Tout est essentiel,
16:20j'ai envie de vous dire.
16:21Il ne faut pas...
16:22Les instants en scène
16:23sont tellement succincts,
16:24c'est un peu comme une carrière,
16:25ça passe tellement vite
16:26que c'est mieux de soigner.
16:27Et dans ce reportage,
16:28François Lalu,
16:29il y a également votre mère
16:30qui explique
16:31que vous étiez hyperactif
16:32dans votre enfance
16:33et que vous avez fait
16:34des tests d'hyperactivité.
16:35Je ne m'en rappelle pas du tout,
16:36mais j'imagine qu'elle a dû
16:37me faire faire
16:38des tests d'hyperactivité
16:39pour voir si j'étais hyperactif
16:40ou non.
16:41Et elle m'a dit
16:43Je ne m'en rappelle pas du tout,
16:44mais j'imagine qu'elle a dû
16:45me faire faire des tests
16:46d'hyperactivité.
16:47De toute façon,
16:48vu le débit que j'ai
16:49et quand on me voit,
16:50je crois que ce n'est pas
16:51très compliqué de déceler
16:52que je suis hyperactif.
16:53Elle dit aussi
16:54qu'au football,
16:55il y avait un problème
16:56parce que vous alliez
16:57vers le but adverse.
16:58Il paraît.
16:59Moi, je me rappelle surtout
17:00que je m'ennuyais beaucoup au foot
17:01et que je prenais des cailloux
17:02et que je jetais les cailloux
17:03dans les airs.
17:04Je m'ennuyais terriblement.
17:05Vous dites aussi
17:06dans ce reportage
17:07qu'on ne peut pas être parfait
17:08sinon tout est fini.
17:10Ah bon, j'ai dit ça ?
17:11Oui.
17:12Alors c'est marrant
17:13parce que c'est très théorique
17:14parce que dans ma tête,
17:15à ce moment-là,
17:16en tout cas aujourd'hui,
17:17je le pense tout à fait,
17:18j'essaie de le mettre
17:19plus en pratique,
17:20mais à cette époque,
17:21j'ai dû apprendre cette phrase
17:22et la recracher comme ça
17:23parce que ce n'était pas
17:24du tout mon cas d'esprit.
17:25Moi, je me fouettais
17:26si ce n'était pas
17:27au millimètre près
17:28et c'est d'ailleurs
17:29en répétant des milliers de fois
17:30les mêmes enchaînements
17:31que j'ai réussi à faire
17:32des performances
17:33qui n'étaient plutôt
17:34pas trop mauvaises.
17:35Et d'ailleurs,
17:36le dimanche,
17:37ça m'arrivait souvent
17:38d'aller à l'opéra,
17:39tout seul,
17:40re-répéter mon rôle.
17:41Je me filmais aussi
17:42et je n'étais pas très tendre
17:43avec moi,
17:44mais la répétition,
17:45il n'y a rien de tel
17:46pour réussir.
17:47C'est un peu bête et méchant,
17:48mais quand on veut
17:49accomplir quelque chose
17:50dans la vie,
17:51je crois que c'est une des clés.
17:52Lorsque vous étiez à Nanterre,
17:53votre père vous amenait
17:54le lundi
17:55ou le dimanche après-midi
17:56et vous revenez.
17:57Et même le week-end
17:58chez vous,
17:59vous continuez à répéter.
18:00Oui, parce qu'en fait,
18:01c'était à ce moment-là
18:02et c'est le thème
18:03de ma conférence,
18:04c'est l'envie.
18:05Je crois que l'envie,
18:06il n'y a rien de plus important.
18:07S'il n'y a pas une envie
18:08suffisamment forte
18:09qui sous-tend à cette rigueur
18:10et cette discipline
18:11qu'on s'impose dans la vie,
18:12on a beau mettre
18:14n'importe quoi dans notre travail,
18:15tout notre cœur,
18:16toute notre âme,
18:17au bout d'un moment,
18:18le corps et l'esprit
18:19vont finir par s'éroder
18:20et on ne va pas aller
18:21au bon endroit.
18:22Et à ce moment-là,
18:23je sais que j'étais au bon endroit
18:24au bon moment
18:25parce que le week-end,
18:26plutôt que de voir mes copains,
18:27je ne trouvais pas d'intérêt
18:33d'endorphine,
18:34je me voyais évoluer,
18:36je me voyais performer
18:38et mon corps,
18:39j'avais toutes les disponibilités
18:40qu'on a pas mal
18:41quand on est jeune.
18:42Donc je sautais,
18:43je tournoyais,
18:44j'essayais d'améliorer
18:45mes mouvements
18:46et j'allais sur YouTube
18:47regarder les danseurs
18:48du monde entier,
18:49je redescendais dans le studio
18:50et je répétais,
18:51je répétais.
18:52Et d'ailleurs,
18:53je crois que j'ai vraiment,
18:54et c'est ce que je dis aussi
18:55dans le livre,
18:56j'ai appris à danser,
18:57une grande partie,
18:58ma mère m'a donné les bases
18:59mais la plupart,
19:00je l'ai appris sur YouTube.
19:01Les professeurs ont dit
19:02il faut oublier
19:03les fondamentaux.
19:04Exactement.
19:05Et cette phrase,
19:06quand elle a été prononcée,
19:07elle m'a vraiment choqué
19:08parce que j'entendais
19:09indirectement
19:10il faut oublier ta maman
19:11parce que c'est elle
19:12qui m'avait inculqué la danse
19:13et puis moi je voyais
19:14que ma façon de travailler,
19:15ma façon d'ingurgiter les pas
19:17faisait que j'arrivais
19:18à avancer
19:19donc je me suis dit,
19:20tiens,
19:21j'ai pris ça un peu
19:22comme une première offense
19:23et encore une fois,
19:24c'est un cadeau
19:25parce que je me suis,
19:26je pense,
19:27inconsciemment dit,
19:28si tu veux y arriver,
19:29ça sera par toi-même.
19:30Et puis par la suite
19:31un peu problématique
19:32parce que je me rends compte
19:33aujourd'hui que je travaille
19:34et que j'entreprends différents projets
19:35que seul,
19:36on va plus vite
19:37mais ensemble,
19:38on va plus loin.
19:39Cette phrase n'est pas de moi
19:40mais je trouve qu'elle est très très vraie
19:41donc le collectif,
19:42c'est essentiel.
19:43Oui,
19:44et le collectif très particulier
19:45que vous avez vécu,
19:46c'est que vous avez pu copier
19:47sur votre voisin
19:48en étant un peu quelque part dedans
19:49François.
19:50C'est vrai,
19:51c'est vrai,
19:52j'ai eu la chance d'avoir
19:53et je l'embrasse,
19:54Sylvaire Jarrosson,
19:55c'est un ami qui est peintre
19:56aujourd'hui à succès
19:58Je te propose qu'on fasse un marché,
19:59je te laisse copier
20:00mais par contre,
20:01tu m'apprends à améliorer mes pirouettes.
20:02Ce qu'on a fait,
20:03et bien figurez-vous
20:04que c'est ce qu'on appelle
20:05une bonne négociation
20:06parce qu'il a réussi
20:07à bien faire ses pirouettes
20:08et je ne me faisais pas taper
20:09sur les doigts le soir
20:10par ma mère
20:11donc je le remercie encore
20:12et aujourd'hui,
20:13on est tous les deux
20:14très heureux dans nos voies
20:15donc l'entraide,
20:16c'est important.
20:17Un problème quand même,
20:18François,
20:19c'est le réfrigérateur.
20:20Il aurait presque fallu
20:21mettre un cadenas dessus.
20:22Oui,
20:23ou en acheter plusieurs
20:25Effectivement,
20:26j'ai développé
20:27des troubles hyperphagiques.
20:28Je ne suis pas le seul,
20:30évidemment,
20:31on est dans un métier
20:32qui est extrêmement exigeant
20:33au niveau de l'apparence
20:34parce qu'un danseur,
20:35c'est avant tout
20:36des lignes au début
20:37et moi,
20:38sur tous mes bulletins,
20:39même si j'ai des bonnes notes,
20:40il y a marqué
20:41« Doigts s'affiner,
20:42doigts s'allonger,
20:43doigts mincir »
20:44et en fait,
20:45c'est vraiment récalcitrant
20:46et en fait,
20:47moi je ne comprends pas
20:48parce que j'essaie tout ce que je peux.
20:49J'ai fait le régime de Duncan,
20:50j'ai fait du jeûne,
20:51j'ai essayé de manger
20:52un moment que
20:53je mangeais juste des bonbons
20:54puis plus rien,
20:55je me suis dit
20:56« Voilà, moi je me fais plaisir »
20:57ça ne marchait pas,
20:58évidemment,
20:59c'était stupide
21:00et en fait,
21:01ces troubles,
21:02on les traîne
21:03pendant longtemps
21:04et en même temps,
21:05aujourd'hui,
21:06je me dis
21:07c'est bien d'avoir
21:08ces troubles-là
21:09parce que
21:10en même temps,
21:11ils m'animent,
21:12ils me font vivre
21:13des sensations
21:14qui sont parfois
21:15très désagréables
21:16et en même temps,
21:17ça me fait réfléchir,
21:18ça me fait me remettre en question
21:19sur comment faire
21:20parce que je ne suis pas apaisé
21:21et je trouve que
21:22c'est un bon moteur
21:23d'avoir encore des troubles
21:24parce que c'est comme ça
21:25qu'on avance dans la vie.
21:26Là, on ne va pas manger,
21:27on va continuer à boire vos paroles
21:28Dommage !
21:29Oh, c'est beau !
21:30à travers une autre date,
21:31le 17 septembre 2021.
21:34A tout de suite
21:35sur Sud Radio
21:36avec François Halut.
21:37Sud Radio,
21:38les clés d'une vie,
21:39Jacques Pessis.
21:40Sud Radio,
21:41les clés d'une vie,
21:42mon invité François Halut.
21:43Il y a ce livre
21:44« Le prix de l'étoile »
21:45chez Robert Laffont.
21:46On va en parler plus longuement
21:47tout à l'heure
21:48parce que certains des éléments
21:49de cet entretien
21:50sont dans ce livre.
21:51Et j'ai trouvé une date
21:52importante dans votre vie.
21:53C'est le 17 septembre 2021.
21:55Écoutez.
21:58Ah oui !
22:00Vous êtes jury
22:01dans « Danse avec les stars »
22:02avec Chris Marques,
22:03Denisa Ikonomova
22:05et Jean-Paul Gaultier.
22:06Tout à fait, oui.
22:07Je sais pas si je peux vous parler
22:09un peu de la genèse
22:10parce que c'est quand même
22:11assez drôle.
22:12À ce moment-là,
22:13on a passé le confinement.
22:14Moi, j'étais au fond du trou.
22:16J'ai réussi à faire
22:17ce que je voulais faire.
22:18J'étais au fond du trou.
22:19J'ai réussi à m'en sortir.
22:20On en reparlera peut-être
22:21tout à l'heure.
22:22Et j'ai cette phrase
22:23de T.S. Eliot
22:24que j'ai lue
22:25dans « Les battements du temps »
22:26de Amazon qui dit,
22:27je paraphrase légèrement,
22:28« Pour être là où tu n'es pas,
22:29il faut emprunter
22:30la voie dans laquelle
22:31tu n'es pas. »
22:32Il se trouve que moi,
22:33tous les jours, au quotidien,
22:34j'étais plus heureux
22:35à l'opéra.
22:36Ça reste une institution
22:37merveilleuse.
22:38Les gens sont hyper épanouis,
22:39pas moi.
22:40Et cette phrase,
22:41elle résonne.
22:42Et un jour,
22:44la première pensée que j'ai,
22:45c'est, mais qu'est-ce que
22:46je vais aller faire
22:47sur une émission
22:48où, clairement,
22:49il y a des paillettes
22:50de la danse sportive
22:51et ses grands publics.
22:52Ce n'est pas du tout
22:53mon positionnement.
22:54De façon très prétentieuse
22:55et stupide,
22:56je me disais,
22:57moi, je vis à Garnier.
22:58Je fais des grands dîners
22:59avec des grands mécènes.
23:00Je fais partie
23:01de la haute classe
23:02de la société.
23:03Débile.
23:04Oui, sauf que je n'étais pas heureux.
23:05Et donc, je me suis dit,
23:06va faire cette chose
23:07qui ne te rend pas
23:08forcément heureux,
23:09sur laquelle tu as
23:10beaucoup de préjugés
23:11et tu verras.
23:12Sur cette émission,
23:13j'ai rencontré ma compagne.
23:14J'ai appris à produire
23:15une émission.
23:16J'ai travaillé aussi
23:17avec TF1.
23:18J'ai fait une conférence
23:19sur la créativité
23:20avec eux.
23:21Et surtout,
23:22j'ai contribué, je pense,
23:23à démocratiser
23:24la danse classique,
23:25à transformer
23:26des téléspectateurs
23:27en spectateurs.
23:28Il y a des personnes
23:29qui sont venues voir
23:30après mon spectacle
23:31complètement jeté
23:32que je donne les 22-23
23:33au Trianon, décembre.
23:34Et donc, je me suis dit,
23:35c'est formidable.
23:36Et ça, ça a fait naître
23:37une philosophie en moi
23:38quand, généralement,
23:39j'ai un problème.
23:40C'est ce que je fais
23:41très régulièrement.
23:42Je me dis, OK,
23:43qu'est-ce que là,
23:44tu n'irais vraiment pas faire ?
23:45Et j'y vais.
23:46Exactement.
23:47Il se trouve qu'effectivement,
23:48il y avait Jean-Paul Gaultier
23:49qui a démarré,
23:50on ne le sait pas assez.
23:51Il est stagiaire chez Cardin.
23:52Il fait quelques dessins.
23:53Cardin lui dit,
23:54c'est formidable,
23:55fais-moi quelque chose.
23:56Et c'est comme ça
23:57que Gaultier a démarré.
23:58C'est incroyable, oui.
23:59On lui a offert l'opportunité
24:00mais il a su la saisir.
24:01Ça, c'est important
24:02dans le succès.
24:03Et Denisa,
24:04donc qui est votre compagne,
24:06et elle a quand même fait
24:07danser Laurent Auronac.
24:08C'est une performance.
24:09Denisa,
24:10c'est une grande pédagogue
24:11et c'est une femme
24:12qui a multiples facettes.
24:13Aujourd'hui,
24:14elle a un projet entrepreneurial
24:15aussi qu'elle lance
24:16avec son associé Jennifer.
24:17Évidemment,
24:18elle fait de la danse,
24:19elle fait de la chorégraphie.
24:20Elle a joué aussi
24:21il n'y a pas longtemps
24:22dans Disparition inquiétante.
24:23C'est un couteau suisse.
24:24C'est une femme
24:25qui est hyper talentueuse,
24:26multipotentielle.
24:27C'est comme ça
24:28qu'on les appelle.
24:29Et moi,
24:30je suis multiplement amoureux d'elle.
24:31Vous avez bien raison.
24:32Alors,
24:33dans cette saison,
24:34il y avait Dinah Vauntest,
24:35il y avait Jean-Baptiste Maunier
24:36qu'on a connu dans Les Choristes.
24:37Il y avait Taïk qui a gagné.
24:38Oui, tout à fait.
24:39Qui fait une belle carrière aussi.
24:40Qui fait une carrière
24:41notamment sur Spotify.
24:42Mais là aussi,
24:43c'est plus proche
24:44de votre univers
24:45que le Ferragarnier.
24:46Le hip-hop et tout ça,
24:47c'est sûr que c'est plus mes origines.
24:48C'est plus là d'où je viens.
24:49Et je trouve ça intéressant
24:50justement d'avoir pu mélanger les genres.
24:53Et j'ai essayé vraiment,
24:55en tout cas moi,
24:56sur cette émission,
24:57ce qui m'a plu,
24:58c'est de parler
25:00et donner des clés pointues,
25:02sans mauvais jeu de mots,
25:03sur ce que j'avais appris
25:06avec des grands chorégraphes
25:07comme William Forsythe,
25:08comme Crystal Pite,
25:09avec des notions de contrepoint,
25:11vraiment du contenu hyper pointu
25:13sur une émission
25:14qui est plutôt populaire.
25:15Et je me suis dit,
25:16ça va être génial
25:17parce qu'il y a les professionnels
25:18de danse sportive,
25:19ce qui n'était pas mon cas.
25:20Mais moi,
25:21je pouvais donner des clés
25:22sur la tenue,
25:23sur l'état d'esprit aussi,
25:24sur pourquoi les chorégraphes
25:25sont comme ils sont.
25:26Et visiblement,
25:27ça s'est plutôt bien passé.
25:28Et du jour au lendemain,
25:29François Allu,
25:30vous êtes devenu populaire.
25:31Oui, exactement.
25:32Et en fait,
25:33je me suis dit,
25:34c'est marrant,
25:35parce qu'on vous envoie
25:36des messages d'amour,
25:37mais des messages de haine aussi.
25:38Il y a des personnes
25:39qui m'ont dit,
25:40je vais t'éclater la tête
25:41contre le trottoir
25:42parce que t'as donné
25:43un 4 à un tel.
25:44Je trouvais ça assez rigolo
25:45parce que c'est des enfants
25:46qui ont 12-13 ans
25:47qui vous écrivent ça.
25:48C'est un peu inquiétant aussi
25:49parce que je me suis dit,
25:50mince,
25:51si la jeunesse tutoie
25:52et menace des personnes
25:53sur un concours de danse,
25:54ça veut dire qu'il y a
25:55quand même de la colère,
25:56de la haine
25:57et c'est un point
25:58qui mérite d'être traité.
25:59C'est pour ça que moi,
26:00j'ai vraiment envie
26:01de m'atteler à l'éducation
26:02parce que c'est un domaine
26:03qui détermine vraiment
26:04notre vie.
26:05Oui, ça me paraît
26:06très important.
26:07Il faut savoir
26:08que l'Opéra Bastille
26:09était votre fief
26:10pendant des années
26:11et il faut savoir aussi
26:12que l'Opéra Bastille,
26:13au départ,
26:14ce n'était pas
26:15le lieu choisi.
26:16Il y a eu le Quai de Javel,
26:17la Défense,
26:18Marne-la-Vallée,
26:19le Parc de la Villette
26:20et finalement,
26:21le lieu symbolique
26:22populaire,
26:23donc ce sera la Bastille.
26:24C'est drôle
26:25pour la création
26:26de l'Opéra Bastille.
26:27Très bien.
26:28Au départ,
26:29l'Opéra Bastille,
26:30vous êtes remplaçant,
26:31François Halut.
26:32Alors moi,
26:33il y a l'opéra
26:34et puis on danse
26:35dans les deux théâtres.
26:36On est et à Garnier
26:37et à Bastille.
26:38Il se trouve
26:39qu'à Bastille,
26:40un jour,
26:41on va m'appeler
26:42pour faire un remplacement
26:43qui a été à la fois
26:44très chaotique
26:45parce que moi,
26:46je n'avais pas
26:47toutes les clés
26:48de comment en remplacer.
26:49Je n'avais pas eu
26:50l'occasion de faire
26:51le spectacle.
26:52Donc j'ai appris
26:53le matin même
26:54de mon remplacement
26:55les dix minutes
26:56de chorégraphie
26:57qui me manquaient.
26:58J'ai sauvé le spectacle
26:59inextrémiste
27:00à à peine 18 ans.
27:01C'est l'équivalent
27:02de plus d'un marathon
27:03sans préparation.
27:04J'étais lessivé
27:05et à la fin,
27:06alors que j'attends
27:07plein d'éloges
27:08et d'être couronné,
27:09d'être le héros,
27:10eh bien,
27:11on vient me tomber dessus
27:12en me disant
27:13ce que tu as fait,
27:14ce n'était pas possible.
27:15C'est une catastrophe.
27:16C'est du cirque.
27:17Pourquoi tu as tout changé ?
27:18Et la réponse,
27:19c'est que j'avais
27:20une maîtresse de ballet
27:21qui m'avait dit
27:22de tout façon,
27:23tu fais ce que tu veux
27:24tant que tu sauves le spectacle.
27:25Et quand je me faisais agresser
27:26par mon manager,
27:27je me suis tourné vers elle
27:28et très courageusement,
27:29elle a détourné le regard.
27:30C'est là où est née
27:31la première vraie colère
27:32qui a été aussi un moteur.
27:33Je suis content
27:34d'avoir vécu cette instance.
27:35C'était difficile,
27:36mais ça m'a donné
27:37et même encore aujourd'hui
27:38quand j'entreprend
27:39différents projets,
27:40je repense à ces événements
27:41un peu durs
27:42quand je n'ai pas envie
27:43en me disant
27:44l'autre choix,
27:45c'est de revivre
27:46ces événements-là.
27:47Et ça donne un bon point
27:48de référence pour se dire
27:49il faut que j'avance.
27:50C'était d'autant plus difficile
27:51François Haluc,
27:52vous ne saviez pas
27:53que quand on danse
27:54ce genre de choses,
27:55il faut s'alimenter
27:56très souvent.
27:57Absolument,
27:58mais ça fait partie
27:59de ce qu'ils appellent
28:00en entreprise
28:01les process.
28:02Malheureusement,
28:03il y a eu un problème
28:04à ce moment-là
28:05de transmission
28:06parce que je n'avais pas
28:07eu la chance
28:08de répéter suffisamment.
28:09Donc quand on ne s'occupe
28:10pas assez des personnes
28:11qui peuvent paraître
28:12être au second plan
28:13d'une entreprise,
28:14attention parce que
28:15le retour de bâton
28:16peut être très fort
28:17par la suite
28:18parce que la personne
28:19peut vous en vouloir
28:20si vous la mettez
28:21dans une situation
28:22vraiment de difficulté.
28:23Et en même temps,
28:24on peut se dire
28:25c'était une opportunité.
28:26Pour moi,
28:27c'était une opportunité
28:28mais mal préparée,
28:29ça en devient plus
28:30un cauchemar.
28:31Vous parlez d'alimentation,
28:32dans les process
28:33il y a un truc
28:34qui est hyper important.
28:35Quand vous faites
28:36un marathon,
28:37c'est important
28:38d'avoir un plan,
28:39de se dire
28:40à chaque sortie de scène
28:41croquer un peu
28:42dans une banane,
28:43boire une boisson
28:44avec moitié jus de raisin,
28:45moitié eau,
28:46petite pincée de sel
28:47pour garder une hydratation
28:48permanente,
28:49ne pas être trop lourd,
28:50manger un peu de céréales,
28:51des amandes,
28:52des choses comme ça.
28:53Moi, j'avais rien de tout ça
28:54donc j'ai fait le balai
28:55tout droit
28:56et heureusement
28:57que j'avais 18 ans,
28:58que j'étais tout feu tout flamme
28:59et que j'avais des dispositions
29:00parce que sinon
29:01ça aurait été un carnage.
29:02Vous avez aussi
29:03un point commun
29:04avec Patrick Dupont,
29:05c'est que vous avez
29:06dansé Don Quichotte.
29:07Et oui,
29:08c'est cette variation,
29:09le solo de Basilio
29:10du 3ème acte,
29:11c'est ça qui m'a fait
29:12débuter la danse
29:13et j'étais inspiré
29:14et je sais que
29:15je ne faisais pas la même version
29:16que Patrick Dupont
29:17parce que lui,
29:18il modifiait encore plus
29:19de choses que moi
29:20mais lui,
29:21il en disait rien
29:22parce que c'était une super star
29:23parce qu'il n'était pas
29:24dans la même posture
29:25et puis on n'était pas
29:26à la même époque.
29:27On aimait à ce moment-là
29:28la singularité,
29:29elle était très mise en avant
29:30par la suite,
29:31ça s'est un peu plus poli.
29:32Mais donc moi,
29:33j'arrive
29:34et j'avais en tête
29:35exactement ce que je voulais faire
29:36et en fait,
29:37j'ai vraiment complexifié,
29:38j'ai rajouté des pas
29:39dont un 540,
29:41qui est fait par plein de danseurs
29:42dans le monde entier
29:43mais à l'opéra,
29:44on ne fait pas ça
29:45parce que c'est difficile à réaliser
29:46et moi, alors que je suis épuisé,
29:47je fais ça
29:48et donc je me dis
29:49je vais être acclamé.
29:50Alors le public est debout
29:51mais après on me tombe dessus
29:52parce que
29:53je n'ai pas obéi
29:54et c'est là où j'ai compris
29:55qu'en fait,
29:56et ce n'est vraiment pas une critique,
29:57c'est que je ne suis pas
29:58un bon exécutant
29:59dans l'absolu.
30:00Exécuter,
30:01c'est une vraie qualité,
30:02c'est de réussir
30:03à restituer quelque chose
30:04et moi,
30:05je ne suis pas fait pour ça.
30:06Je suis quelqu'un qui est créatif,
30:07je suis quelqu'un
30:08qui aime entreprendre
30:09et j'aime toujours
30:10surperformer
30:11et ce n'est pas toujours
30:12ce qu'on demande.
30:13Et ce Don Quijote
30:14était d'autant plus difficile
30:15François Halu
30:16que c'était la version de Nourieff
30:17c'est-à-dire corrigé par Nourieff
30:18encore plus difficile.
30:19En fait,
30:20pour moi,
30:21elle n'était pas plus difficile.
30:22Moi, j'ai l'impression
30:23que ce que j'ai fait
30:24c'était plus difficile.
30:25En fait, Nourieff,
30:26il a fait quelque chose à l'époque,
30:27il a rajouté énormément de variations
30:28parce que les hommes
30:29ne dansaient pas
30:30et donc, merci à lui.
30:31Mais il est,
30:33clairement,
30:34il est boulimique
30:35parce qu'il y a tellement
30:36de pas à la seconde
30:37qu'en fait,
30:38c'est très fatigant
30:39mais ça ne rend pas grand-chose.
30:40Moi, ça ne m'impressionne pas.
30:41Alors que justement,
30:42quand on va en Russie,
30:43au Japon,
30:44même en Amérique,
30:45les variations d'hommes
30:46sont tout autant,
30:47il y en a peut-être
30:48un petit peu moins
30:49mais elles sont surtout
30:50plus aérées
30:51donc il y a plus de pas
30:52de liaison, de transition,
30:53on peut plus se reposer
30:54et donc au moment
30:55où on va faire une élévation
30:56ou on va faire une pirouette,
30:57on a beaucoup plus d'énergie
30:58et donc,
30:59ça va être plus impressionnant
31:00et pour moi,
31:01c'est le plus important.
31:02Voilà.
31:03Alors, le grand saut de Norayef,
31:04c'est dans l'histoire,
31:05c'est au Bourget en 1961
31:06quand il décide
31:07de rester en France.
31:08Alors, on a dit
31:09qu'il avait fait ça
31:10de façon impromptue.
31:11On sait aujourd'hui
31:12que tout ça avait été préparé
31:13de longue date
31:14par Jeannine Ringuet
31:15qui était la responsable
31:16du ballet au Palais des Sports
31:17pour ses spectacles
31:18et qui a mis au point
31:19tout ça avec la police
31:20et la police l'a accueillie
31:21parce qu'elle avait été prévenue
31:22au départ
31:23quand il vient en France.
31:24Incroyable.
31:25Je ne savais pas du tout.
31:26Il a fallu des années
31:27pour connaître la vérité.
31:28Alors, il se trouve
31:29que vous avez passé sept ans
31:30comme premier danseur
31:31et là, vous méritez
31:32malheureusement
31:33d'entrer dans le livre des records
31:34parce qu'un premier danseur,
31:35il devient danseur étoile.
31:36Alors, certains restent
31:37premiers danseurs
31:38toute leur vie
31:39mais quand on...
31:40En fait, la trajectoire,
31:41c'est comme je vous disais,
31:42j'étais major de promotion
31:43chaque année à l'école de danse.
31:44J'ai été major de promotion
31:45chaque année aussi
31:47dans la compagnie
31:49sauf la dernière année
31:50où je suis monté deuxième
31:52pour devenir premier danseur
31:53mais chaque année,
31:54il y avait une promotion
31:55et là, j'étais major de promotion
31:56chaque année
31:57et chaque année,
31:58il y avait une promotion
31:59et là, pendant sept ans,
32:00c'est le vide.
32:01Et j'en parle aussi ça
32:02dans les conférences.
32:03Je dis, imaginez-vous
32:04en enfance,
32:05vous redoublez sept fois
32:06votre terminale
32:07alors que vous étiez premier
32:08tout le temps à l'école,
32:09vous étiez le meilleur de la classe.
32:10On ne vous explique pas pourquoi
32:11et vous ne demandez pas
32:12pourquoi non plus.
32:13Forcément,
32:14il y a une tension qui se crée
32:17et on fait une dépression.
32:19Oui, Sacha Guitry
32:20a fait, selon la légende,
32:21douze sixièmes.
32:22Son père a même dit
32:23tu dois te marier en sixièmes.
32:24Donc, on réussit pas mal.
32:27Écoutez,
32:28si on arrive à faire preuve
32:30de patience
32:31et preuve de détachement,
32:32effectivement,
32:33on peut s'en sortir.
32:34Et pour expliquer votre cas,
32:35vous citez Michel Audiard
32:36dans ce livre,
32:37en ce livre,
32:38en disant
32:39heureux sont les fêlés
32:40quand ils laisseront passer la lumière.
32:41Tout à fait.
32:42Je trouve que c'est une citation
32:43qui est hyper belle
32:44et parfois,
32:45encore aujourd'hui,
32:46les gens me disent
32:47non mais toi,
32:48t'es un peu fou.
32:49Je ne sais pas si je suis fou
32:50mais en tout cas,
32:51j'ai des fêlures
32:52donc on peut dire que je suis fêlé
32:53et je pense qu'effectivement,
32:54quand on est sur scène,
32:55il faut être suffisamment fou
32:56et pour moi,
32:57ce n'est pas de la folie,
32:58c'est plus de l'authenticité
32:59pour se mettre à nu.
33:00C'est-à-dire que,
33:01émotionnellement,
33:02quand on va jouer un personnage,
33:03quel qu'il soit,
33:04parler, danser, chanter,
33:05c'est hyper important
33:06qu'on arrive à ressentir
33:09la profondeur de l'âme
33:11de l'artiste.
33:12Et ça,
33:13ça nécessite effectivement
33:14un peu de folie
33:15parce que ça veut dire
33:16que derrière,
33:17vous êtes à vif
33:18et qu'on peut vous piquer
33:19avec la moindre parole.
33:22Et enfin,
33:23le 22 avril 2022,
33:25vous devenez danseur étoile
33:26mais ça ne vous fait presque rien
33:27tellement vous avez attendu.
33:28Vous pouvez enlever presque.
33:29C'est-à-dire qu'en fait,
33:31pour raconter aussi l'anecdote
33:32de comment ça s'est passé,
33:34quelques semaines avant cette nomination,
33:36moi, je vais voir ma directrice
33:38et je ne voulais plus continuer
33:39au sein de l'opéra
33:40parce que je voulais vraiment
33:41être un artiste libre
33:43et je voulais continuer
33:44à collaborer avec l'opéra
33:45mais d'une autre manière.
33:46Et quand je dis ça à ma directrice,
33:48évidemment,
33:49elle me regarde
33:50avec les yeux un peu écarquillés
33:51parce qu'elle se dit
33:52mais enfin,
33:53je vais lui proposer
33:54de danser un premier rôle,
33:55enfin, je vais lui donner
33:56son titre d'étoile
33:57et maintenant, il ne le veut plus.
33:58Et c'est parce que j'ai,
33:59comme me l'a prodiguée
34:00Madame A dans mon livre,
34:01pratiqué l'art du détachement.
34:02Et alors attention
34:03à l'art du détachement,
34:04c'est ce que je dis aussi
34:05parce que souvent,
34:06on parle aussi beaucoup
34:07de lâcher prise.
34:08Quand on gravit une montagne,
34:09si on lâche prise,
34:10on finit écrasé en bas.
34:11En revanche,
34:12si on est en train de monter
34:13et qu'on lâche prise d'une main,
34:14qu'on prend un petit peu de recul
34:15et qu'on pose sa main ailleurs,
34:16on peut mieux grandir.
34:17Et moi, c'est ça qui s'est passé.
34:18C'est que je me suis rendu compte
34:19qu'à l'Opéra de Paris,
34:20l'institution,
34:21quelle qu'elle soit,
34:22c'est l'opéra,
34:23mais ça aurait pu être ailleurs.
34:24Moi, je ne suis pas fait
34:25pour être dans une institution.
34:26Moi, je suis fait pour collaborer.
34:27Je sais diriger,
34:28mais je ne peux pas être dirigé.
34:30Ça, c'est évident.
34:31Et j'ai mis plus de 7 ans,
34:33j'ai mis plus de 20 ans
34:34à le comprendre.
34:35C'est toute une vie.
34:36Et au moment où je le déclare,
34:38c'est là où on me desserne
34:39cette étoile.
34:40Alors sur scène, effectivement,
34:41moi, j'ai l'impression
34:42d'être moins bon
34:43qu'il y a 5 ans
34:44ou même qu'il y a 7 ans
34:45où j'avais fait la baïadère aussi
34:46et où j'avais vraiment bien performé.
34:48Là, je suis un peu plus vieux,
34:49je saute un petit peu moins haut.
34:51Et pourtant, on me donne cette étoile.
34:52Et cette étoile, je l'ai prise
34:53comme l'étoile du détachement.
34:55Je l'ai prise comme l'étoile
34:56d'une vie en me disant,
34:58tu vois, voilà,
34:59t'es récompensé.
35:00T'es pas récompensé
35:01pour ton parcours,
35:02t'es récompensé plus
35:03pour ta réflexion
35:04et pour ce que tu vas raconter
35:06par la suite.
35:07Voilà.
35:08Alors ça, vous l'expliquez
35:09dans ce livre
35:10qu'on va continuer à évoquer
35:11tout à l'heure
35:12avec la date du 3 octobre 2024.
35:14À tout de suite
35:15sur Sud Radio
35:16avec François Halut.
35:17Sud Radio,
35:18les clés d'une vie.
35:19Jacques Pessis.
35:20Sud Radio, les clés d'une vie.
35:21Mon invité François Halut.
35:23Nous avons parlé
35:24de notre parcours
35:25jusqu'au métier,
35:26jusqu'au grade
35:27de danseur étoile à l'opéra.
35:29Et tout ça est dans un livre,
35:30Le prix de l'étoile
35:31chez Robert Laffont
35:32qui est sorti
35:33le 3 octobre 2024.
35:34Et ce livre,
35:35c'est le résultat
35:36d'une longue réflexion.
35:37Vous y avez longtemps pensé,
35:38François Halut ?
35:39Tout à fait.
35:40En fait, ce livre,
35:41il est vraiment né
35:42pendant le confinement.
35:43Il est né d'une friction absolue
35:44parce qu'en fait,
35:45je venais de faire une...
35:46Enfin, j'étais d'ailleurs
35:47en train de faire une dépression.
35:48Ça faisait 7 ans
35:49que j'étais premier danseur,
35:50le grade qui précède
35:51danseur étoile.
35:52Et je ne comprenais pas
35:53pourquoi je n'avançais plus.
35:54Il y a eu le confinement
35:55qui est arrivé
35:56et je me suis dit
35:57là je suis au fond du trou.
35:58Et j'en parle d'ailleurs
35:59dans le livre,
36:00le fond d'un trou noir,
36:01les astrophysiciens
36:02appellent ça la singularité.
36:03Et je crois que c'est important
36:04de savoir toucher le fond
36:05pour faire émaner sa singularité,
36:06pour enfin retrouver sa place
36:08et ensuite performer.
36:10Et c'est pendant le confinement
36:11que j'ai commencé à faire
36:12des conférences en entreprise
36:13par visio.
36:14Il se trouve que je me suis senti
36:15assez à l'aise dans l'exercice.
36:16J'ai pu délivrer
36:17toutes les clés
36:18que j'avais apprises
36:19et qui m'ont aidé
36:20à me sortir de ce trou noir.
36:22Et à commencer par le fait
36:23de prendre du temps pour soi,
36:25le fait de ralentir,
36:26le fait d'analyser
36:28et d'ouvrir son esprit
36:29et de regarder
36:30les différents signes
36:31qui nous prouvent
36:32qu'on n'est peut-être plus
36:33à notre place.
36:34Et à ce moment-là,
36:35je me suis dit,
36:36moi j'ai envie de créer,
36:37il y a des choses
36:38dont j'ai envie de parler.
36:39Il y a eu le moment
36:40où j'ai commencé,
36:41c'était ma première entreprise
36:42en solo, entre guillemets.
36:43J'ai écrit un petit film
36:45qui s'appelle L'échappée
36:46parce que j'avais envie
36:47d'être, contrairement
36:48à ce qu'on pouvait nous dire
36:49au niveau du gouvernement,
36:50j'avais envie d'être essentiel.
36:51Et donc je me suis dit,
36:52je vais faire rire mon voisinage
36:54et puis je vais peut-être
36:55redonner de l'espoir
36:56parce qu'on était bloqués,
36:57vous vous rappelez.
36:58On n'avait aucune perspective
36:59de sortie,
37:00ça faisait un moment
37:01et je me suis dit,
37:02plutôt que de se morfondre,
37:03et si on rêvait
37:04au jour de sortie.
37:06Ça va être extraordinaire,
37:07on va tous pouvoir retrouver
37:08notre amour, nos passions.
37:09Donc j'ai fait
37:10un premier film comme ça.
37:11Et la toile artistique
37:12était tellement vide
37:13à ce moment-là
37:14que ça m'avait eu lieu
37:15à un article dans Le Monde,
37:16puis une série avec Arte,
37:17puis un autre film
37:18chez Kalmel Ménour.
37:19Et après,
37:20j'ai commencé à avoir
37:21des demandes.
37:22Et donc je me suis dit,
37:23c'est incroyable,
37:24j'avais envie de partager ça,
37:25notamment dans ce livre.
37:26Et si je devais résumer ce livre,
37:27effectivement c'est un livre
37:28pour les aficionados de danse
37:29qui sont en quête
37:31de secrets de vie personnels
37:32et professionnels.
37:33Mais c'est avant tout
37:34un livre qui explique
37:35comment se sortir
37:37de problèmes de santé mentale,
37:39comment faire pour se réinventer,
37:41et comment faire
37:42pour retrouver l'envie,
37:43finalement,
37:44d'avancer vers ce
37:46dont on a rêvé
37:49toute notre vie.
37:50Parce qu'en fait,
37:51aujourd'hui,
37:52il y a une statistique
37:53qui est un peu alarmante,
37:54c'est que 67% des Français
37:55en 2023
37:56ne trouvaient plus de sens
37:57dans leur travail.
37:58Et moi,
37:59c'était en 2022
38:00que ça arrivait.
38:01Et aujourd'hui,
38:02en tout cas moi,
38:03les clés m'ont aidé
38:04et j'ai à cœur
38:05de les partager
38:06au maximum en entreprise.
38:07Oui, alors que vous n'avez
38:08jamais écrit
38:09une dissertation à l'école,
38:10vous avez fait ce livre
38:11avec plusieurs versions.
38:12Tout à fait.
38:13Vous êtes très bien renseigné.
38:14Déjà,
38:15le livre devait s'appeler
38:16« Cours, danse » au début
38:17parce qu'il est 240 pages,
38:18donc ce n'est pas très long.
38:19Il y a plein de petits chapitres
38:20et danse parce que c'est
38:21D-E-N-S-E et D-A-N-S-E aussi.
38:23Il y avait une biographie.
38:24Après, il y a eu
38:25un livre de développement personnel.
38:26Après, il y avait
38:27un recueil de poèmes.
38:28Et ensuite,
38:29je me suis dit,
38:30dans ce qui est important,
38:31c'est d'avoir une structure stable
38:32et Robert Lafond
38:33m'a beaucoup épaulé là-dessus
38:34et je remercie
38:35cet éditeur particulièrement.
38:36On a une structure
38:37qui est un peu
38:38comme votre interview,
38:39un début,
38:40un milieu,
38:41une fin
38:42et viennent se greffer
38:43sur cette colonne vertébrale
38:44plein de petites côtes,
38:45si je dois filer la métaphore,
38:46qu'elles soient poétiques,
38:48ésotériques,
38:49ou même
38:50métaphysiques,
38:51astronomiques aussi.
38:52Et puis,
38:53je trouve que ça parle
38:54et ça dépeint
38:55le portrait aussi
38:56de quelqu'un
38:57qui est hypersensible,
38:58quelqu'un qui va être différent
38:59et ce livre,
39:00c'est ça,
39:01c'est aussi une ode
39:02à la singularité.
39:03Oui,
39:04il y a une particularité
39:05dans ce livre,
39:06François a lu,
39:07les titres des chapitres,
39:08ce sont des références
39:09à la danse.
39:10C'est ça.
39:11Chaque chapitre,
39:12en fait,
39:13est un pas de danse
39:14mais en fait,
39:15il fait référence aussi
39:16à ce qu'on peut vivre couramment
39:17et je prends un exemple.
39:18Par exemple,
39:19il y a un pas
39:20dans ce qui s'appelle
39:21le dégagé,
39:22qui est un pas
39:23qu'on fait énormément
39:24et j'explique comment
39:25j'ai dû dégager
39:26quelqu'un de ma vie
39:27parce que
39:28j'étais très très malheureux.
39:29Et vous expliquez aussi
39:30la rigueur
39:31de votre travail quotidien.
39:32Oui.
39:33Tout ça,
39:34c'est essentiel.
39:35C'est essentiel.
39:36En fait,
39:37c'est ce que j'ai découvert
39:38avec du recul
39:39et c'est pour ça
39:40que ça m'a pris
39:41quasiment trois ans
39:42pour écrire ce livre,
39:43c'est qu'il y a un moment
39:44où j'étais plutôt
39:45dans la frustration
39:46puis après,
39:47j'ai compris quelque chose,
39:48j'ai commencé
39:49et oui,
39:50j'en ai trouvé des clés.
39:51Rappelez-moi juste la question,
39:52pardon,
39:53parce que j'ai une petite feuche
39:54qui est en train de m'éloigner.
39:55C'est ça,
39:56et justement,
39:57vous avez travaillé
39:58pendant trois ans.
39:59Oui,
40:00la rigueur et le cadre.
40:01Et il y a un moment,
40:02figurez-vous,
40:03parce que vous avez mentionné
40:04Danser avec les stars,
40:05il y a un moment
40:06où j'ai fait mon seul en scène,
40:07j'ai fait l'Olympia,
40:08on a fait 40 dates,
40:09j'avais gagné de l'argent,
40:10j'avais la popularité,
40:11j'avais tout
40:12et donc j'avais la liberté,
40:13j'avais ce dont je rêvais
40:14J'ai pris plus de 10 kilos,
40:15j'ai été le plus malheureux,
40:16j'avais plus de perspective
40:17et c'est comme ça
40:18que je me suis dit,
40:19c'est hyper important,
40:20la véritable liberté,
40:21c'est choisir
40:22les barreaux de sa prison,
40:23c'est ça la liberté,
40:24parce que sinon,
40:25on est prisonnier du chaos.
40:26Et quand je parle de la rigueur,
40:27je parle aussi
40:28de ce que vous évoquez
40:29dans ce livre,
40:30la partition mentale,
40:31François Alus.
40:32Tout à fait,
40:33ça c'est une clé
40:34que Joshua Ophalte
40:35et Samuel Murez
40:36m'ont très bien inculqué,
40:37deux collègues
40:38que j'ai rencontrés
40:39à l'Opéra.
40:40La partition mentale,
40:41qu'est-ce que c'est ?
40:42C'est pour éviter
40:43d'avoir des parasites
40:44qui viennent dans nos cerveaux.
40:45Typiquement,
40:46vous êtes en train
40:47de faire une présentation
40:48devant vos collaborateurs
40:49et puis vous êtes
40:50un peu stressé
40:51ou vous êtes perturbé
40:52parce que vous avez eu
40:53quelque chose
40:54qui vous a gêné
40:55dans votre journée
40:56et vous allez avoir
40:57des petites voix
40:58qui viennent vous parler
40:59et qui viennent vous distraire
41:00et donc vous perdez
41:01la concentration,
41:02vous perdez le fil
41:03et effectivement,
41:04je parle des clés
41:05pour garder
41:06cette partition mentale,
41:07c'est-à-dire en danse,
41:08en l'occurrence,
41:09ce qui se passait,
41:10c'est que j'avais
41:11une pensée précise
41:12et pour moi,
41:13elle se déroulait
41:14un peu comme une chanson
41:15avec des paroles
41:16et je savais qu'à chaque instant,
41:17en plus du pas,
41:18je rajoutais quelque chose
41:19et je crois que c'est
41:20Fabien Olicard
41:21qui parle de ça aussi.
41:22Il parle de la partie...
41:23Enfin,
41:24ce n'est pas la partition mentale,
41:25c'est le...
41:26Evidemment,
41:27je ne le retrouve plus.
41:28Le palais mental,
41:29voilà, c'est ça.
41:30Et en fait,
41:31ça consiste
41:32et c'est un peu paradoxal,
41:33pour mieux se rappeler
41:34et pour mieux performer,
41:35il faut souvent
41:36rajouter des choses
41:37et on se dit
41:38mais j'ai déjà du mal
41:39à apprendre,
41:40par exemple,
41:41une poésie
41:42quand on est jeune
41:43et pour se rappeler d'une poésie,
41:44c'est bien de rajouter
41:45une histoire sur la poésie
41:46ou des couleurs.
41:47C'est comme ça
41:48qu'on permet d'avancer
41:49et la partition mentale,
41:50c'est le même principe.
41:51Il ne faut jamais
41:52se juger soi-même,
41:53c'est important.
41:54Et ça,
41:55c'est très difficile
41:56parce que c'est Carl Jung
41:57qui dit ça.
41:58C'est difficile de penser
41:59et c'est pourquoi
42:00la plupart se font juges.
42:01Et puis,
42:02il y a une chose
42:03que vous évoquez
42:04dans ce livre,
42:05François Alu,
42:06ce sont les blessures
42:07parce que vous vous êtes
42:09C'est un petit peu
42:10comme un présentateur radio
42:11qui perdrait sa voix.
42:12On vous prive
42:13de ce qui est essentiel
42:14pour vous.
42:15En plus,
42:16ça impacte grandement
42:17votre quotidien
42:18parce que vous ne pouvez
42:19plus rien faire
42:20et vous n'existez.
42:21En tout cas,
42:22à ce moment-là,
42:23je n'existais que
42:24par mon corps.
42:25Et je pense que c'est
42:26ce qui a façonné
42:27mon futur.
42:28Je me suis dit
42:29que je vais pouvoir
42:30continuer à exister,
42:31à avancer
42:32et à diffuser de l'énergie
42:33autre que par mon corps.
42:34Je vais utiliser mon corps
42:35mais je pense que les mots
42:36sont très importants aussi.
42:37L'avenir, justement,
42:38vous évoquez
42:39la peur de l'inconnu.
42:40Oui.
42:41Il y a un moment
42:42où effectivement,
42:43quand on est arrivé
42:44au sommet,
42:45quelque part,
42:46on se dit
42:47qu'est-ce que je vais faire ?
42:48Et moi,
42:49j'ai eu tendance
42:50à dégringoler.
42:51On ne va pas se mentir.
42:52Quand je suis arrivé en haut,
42:53comme je vous l'ai raconté,
42:54j'ai pris du poids.
42:55J'étais déprimé.
42:56Je ne savais plus
42:57où je voulais aller.
42:58Et le conseil aujourd'hui
42:59que je me prodigue
43:00et que je voudrais partager,
43:01c'est de prendre le temps,
43:02une fois qu'on est arrivé
43:03en haut de la montagne,
43:04de scruter l'horizon,
43:05de choisir
43:06une nouvelle montagne,
43:07de prendre le temps
43:08de descendre
43:09puis de regravir
43:10avec humilité
43:11une nouvelle montagne.
43:12Et je peux vous dire
43:13que ça, c'est difficile
43:14parce qu'aujourd'hui,
43:15par exemple,
43:16quand je fais mes conférences,
43:17alors les conférences
43:18se passent très très bien,
43:19mais avant de faire comprendre
43:20aux personnes
43:21que je ne suis pas juste danseur
43:22mais qu'il y a aussi
43:23huit ans de thérapie derrière
43:24plus pas mal d'études,
43:25plus pas mal de lectures,
43:26c'est difficile
43:27et il ne faut pas avoir
43:28l'ego qu'on a très développé,
43:29nous, les artistes.
43:30Il faut simplement dire
43:31ok, j'accepte
43:33et ça, en tout cas,
43:34c'est un des premiers murs
43:35qu'on peut se prendre
43:36quand on sort d'une institution
43:37et qu'on a été au sommet.
43:38Voilà, et vous expliquez
43:39dans ce livre
43:40et vous évoquez aussi
43:41un homme exceptionnel,
43:42Alexandre Jodorowsky,
43:43qui a aujourd'hui 95 ans,
43:44qui, il y a 17 ans,
43:45est arrivé vers André Breton
43:46en disant
43:47je suis le plus grand
43:48metteur en scène
43:49et auteur du monde.
43:50Je ne savais pas
43:51qu'il avait dit ça,
43:52mais effectivement,
43:53et d'ailleurs,
43:54je parle de Jodorowsky
43:55dans mon livre
43:56et il y a aussi un poème
43:57sur l'ego
43:58qui est un poème
43:59qui est un poème
44:01sur l'ego
44:02parce que là,
44:03on est en train de parler de ça
44:04qui pourrait faire référence à ça.
44:05En fait,
44:06l'ego,
44:07c'est complètement décrit aujourd'hui.
44:08Il y a un livre
44:09de Ryan Holiday
44:10qui dit
44:11l'ego is your enemy,
44:12l'ego est ton ennemi.
44:13Je suis complètement
44:14contre ça.
44:15J'ai commencé le bouquin
44:16d'ailleurs
44:17et je l'ai assez vite refermé.
44:18En fait,
44:19l'ego,
44:20c'est une partie de nous.
44:21C'est comme dire
44:22il faut se priver
44:23d'une part de soi,
44:24il faut gérer son ego,
44:25mais l'ego,
44:26c'est ça qui nous fait avancer,
44:27c'est ça qui nous fait monter
44:28devant une scène,
44:29c'est ça qui nous fait exprimer
44:30et peut-être partager des clés
44:31qui vont m'aider.
44:32C'est Patrick Dupont
44:33qui va faire un documentaire
44:34parce qu'il faut quand même avoir
44:35un gros ego pour dire
44:36on va documenter ma personne.
44:37Moi,
44:38je remercie les personnes
44:39qui ont un gros ego
44:40parce que moi,
44:41elles m'ont fait changer de vie.
44:42Et vous voyez,
44:43Rodorowski,
44:44ça en fait partie
44:45et c'est une personne qui inspire
44:46et donc je crois
44:47qu'il ne faut surtout
44:48jamais tuer son ego.
44:49Il ne faut pas
44:50qu'il écrase les autres,
44:51mais il faut quand même
44:52garder cette flamme allumée
44:53parce que sinon,
44:54on ne fait pas grand-chose.
44:55Voilà.
44:56Vous avez créé le groupe Panique
44:57avec Topor et Arabal
44:59et qui avait un projet Dune
45:00dont il a fait un documentaire.
45:01C'est extraordinaire.
45:02Et c'est justement ça
45:03qui vous a influencé.
45:04Complètement.
45:05Quand j'ai vu ce documentaire,
45:06ce documentaire,
45:07c'est l'histoire d'un documentaire,
45:08c'est l'histoire d'un film
45:09qui n'aura pas lieu.
45:10Et en fait,
45:11ça m'a fait beaucoup de peine
45:13et en même temps,
45:14je me suis complètement reconnu
45:15dans ce film
45:16et dans cette démarche
45:17parce que je me suis dit
45:18mais moi,
45:19j'avais plein d'ambition aussi.
45:20J'avais toute une vision précise
45:21de ce que je voulais faire
45:22au sein de l'opéra
45:23et finalement,
45:25où il y avait une frustration.
45:26Et en fait,
45:27je l'ai vu après
45:28que Rodorowski,
45:29il a très intelligemment
45:30transformé l'essai.
45:31Il a créé une BD
45:32avec Mobius
45:33qui est absolument fantastique
45:35avec des dessins
45:36absolument dingues.
45:37C'est l'Incale.
45:38Et je me suis dit,
45:39tiens, en fait,
45:40avoir un heurt,
45:42avoir un obstacle,
45:43c'est une opportunité
45:45pour faire quelque chose
45:46peut-être d'encore plus grand,
45:47d'encore plus singulier,
45:48d'encore plus unique.
45:50Et Madame A,
45:51j'en parle beaucoup de cette femme
45:52parce qu'elle a
45:53plus de 85 ans aujourd'hui.
45:55Elle m'a dit cette phrase
45:56que je trouve géniale.
45:57C'est quand la vie
45:58te botte les fesses,
45:59c'est pour que tu décolles
46:00encore plus haut.
46:01Vous avez appris
46:03le confinement avant tout le monde,
46:05avant qu'il ne soit promu.
46:07Oui, alors peut-être qu'il y avait
46:08des heureux élus comme moi
46:09qui ont eu cette chance.
46:10Mais cette femme,
46:11en fait, au mois de novembre,
46:13alors qu'on entendait vaguement
46:15parler d'un coronavirus en Chine,
46:16mais bon,
46:17il n'y avait aucune chance
46:18que ça immobilise,
46:21que ça gèle le monde
46:23et qu'on arrive dans cette situation inédite.
46:25Et cette femme,
46:26alors qu'elle n'a aucun lien
46:28ni avec la politique
46:29ni avec des personnes
46:31qui auraient beaucoup de pouvoir
46:32ou d'influence
46:33ou qui auraient des connaissances,
46:34elle me dit au mois de novembre,
46:36vous inquiétez pas,
46:37après que je me sois confié à elle
46:38sur mon état catastrophique,
46:41elle m'a dit, vous inquiétez pas,
46:42le monde se divise en deux
46:44et il y a ceux qui iront dans la lumière
46:45et d'autres dans l'ombre
46:47et l'Opéra de Paris,
46:48de toute façon, va fermer.
46:49Moi, il se trouve que j'étais
46:50au conseil d'administration
46:51de l'Opéra de Paris
46:52et je représentais les salariés,
46:55j'avais les chiffres
46:56sur le fonds de roulement,
46:57il était impossible,
46:58mais impossible
46:59que l'Opéra ferme.
47:00Et donc, je me suis dit au début,
47:01bon, c'est une nuée reperlue,
47:02c'est pas grave, passons.
47:04Et quand en mars,
47:05on se retrouve confinés,
47:06j'ai tout de suite rappelé cette femme,
47:07on a eu une conversation
47:08hyper intéressante
47:09et elle m'a vraiment prodigué
47:12tous ses enseignements
47:13dont ils sont tous d'ailleurs
47:15dans le livre
47:16et elle m'a énormément aidé
47:18à retrouver la voie de la lumière.
47:19Il se trouve que ce livre,
47:20il vous évoque complètement Cheté,
47:22ce spectacle que vous avez rejoué
47:24à Paris au Trianon
47:25le 23, 24 décembre.
47:27C'est le 22 et 23 décembre.
47:30Et il se trouve que c'est né
47:32parce que vous avez,
47:33parallèlement à l'Opéra,
47:35intégré une compagnie,
47:36Troisième étage.
47:37Tout à fait,
47:38qui a été fondée par Samuel Murez,
47:39qui est aussi un des fondateurs
47:40de la partition mentale.
47:42Samuel Murez, il m'a accompagné
47:44effectivement pendant,
47:45je pense qu'on a travaillé ensemble
47:47pendant quasiment dix ans
47:48Au début, je travaillais pour lui
47:50en tant que danseur
47:51et c'est le premier à m'avoir laissé
47:52beaucoup de liberté
47:53au sein des chorégraphies.
47:54C'est avec lui que j'ai fait
47:55mes premiers pas en tant que comédien
47:57où j'ai commencé à parler sur scène.
47:59Il se trouve que moi,
48:00j'ai adoré faire ça.
48:01Ça a rencontré aussi un public
48:02qui a adoré.
48:04Et on a co-créé ensemble
48:06ce spectacle qui s'appelle
48:08complètement Cheté
48:09où en fait, je parle
48:12de toutes ces voix
48:13qui sont à l'intérieur de nous
48:15qui viennent nous traumatiser parfois
48:18ou au contraire nous aider.
48:20Et comment on fait taire
48:21finalement ce bruit intérieur ?
48:22Comment on arrive à s'aligner ?
48:23Comment on arrive à faire
48:24un exercice cathartique ?
48:26Et donc là, le 22 et 23 décembre,
48:27je vais faire quelque chose
48:28d'un peu inédit.
48:29C'est que dans les retours du public,
48:30beaucoup m'ont dit
48:31« Mais on a envie de te voir
48:32plus danser.
48:33On veut que tu danses plus. »
48:34Et donc là, on est en train
48:35de remanier le spectacle
48:36pour qu'il y ait encore plus de danse.
48:37Donc beaucoup de travail
48:38avec en plus ce livre
48:39Le Prix de l'Étoile.
48:40Et ensuite ?
48:41Et ensuite, écoutez,
48:42il y a les conférences d'entreprise.
48:45C'est quelque chose
48:46qui me parle beaucoup.
48:47Je pense qu'on est arrivé
48:48à un point aujourd'hui
48:49où que ce soit la jeunesse
48:51ou même les personnes plus seniors,
48:53on a besoin de sens en fait.
48:55Et moi, j'ai à cœur
48:56au sein de ma conférence
48:57de redonner du sens,
48:58redonner de l'énergie,
48:59comme je vous disais,
49:00réapprendre aux gens
49:01comment moi j'ai fait
49:02pour me réinventer.
49:03Ce n'est pas de leur apprendre,
49:04c'est de partager comment moi
49:05j'ai réussi à me réinventer,
49:06à avancer malgré l'adversité.
49:09Je crois qu'aujourd'hui,
49:10il y a des défis
49:11qui sont hyper importants
49:12avec l'intelligence artificielle
49:13notamment.
49:14J'ai cette conférence qui est prête
49:15et je suis en train de travailler
49:16sur une autre conférence
49:17qui sera sur la créativité
49:18et pourquoi pas théoriser
49:19même la créativité.
49:20Pour l'instant,
49:21votre créativité,
49:22c'est ce livre
49:23Le prix de l'étoile
49:24chez Robert Laffont
49:25qui est un livre
49:26que je recommande à toutes celles
49:27et ceux qui vous connaissent
49:28et ceux qui ne vous connaissent pas
49:29qui découvriront la danse.
49:30Merci.
49:31Et puis, continuez à garder
49:32cette énergie
49:33parce qu'elle vous va très bien.
49:34C'est très gentil.
49:35Merci beaucoup.
49:36Vous ne changez surtout pas,
49:37c'est promis.
49:38Promis.
49:39Et puis, merci
49:40pour cet accueil chaleureux.
49:42Vous comptez sur moi.
49:43Parfait.
49:44Merci.
49:45Merci.
49:46Les clés d'une vie, c'est terminé pour aujourd'hui.
49:47On se retrouve bientôt.
49:48Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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