• l’année dernière
Jacques Pessis reçoit Laurent Petitgirard. Compositeur, chef d’orchestre, Secrétaire Perpétuel de l’Académie des Beaux Arts, il vient de diriger en Chine l’une de ses musiques de ballet.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-11-18##

Category

Personnes
Transcription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Vous avez été bercé par la musique dès vos très jeunes années,
00:10mais vous ne vous êtes jamais endormi sur vos lauriers.
00:13Il y a le compositeur, mais aussi l'homme,
00:16dont la gamme de talents est particulièrement étendue.
00:18Bonjour Laurent Petitgirard.
00:20Bonjour mon cher Jacques.
00:21Alors, on va évoquer tout à l'heure vos voyages,
00:23notamment ce ballet que vous avez présenté en Chine à Pékin.
00:28Vous êtes aussi secrétaire perpétuelle de l'Académie des Beaux-Arts,
00:31vous êtes compositeur, vous avez fait plein de choses.
00:34Et donc le principe des clés d'une vie,
00:36c'est d'évoquer votre parcours à travers des dates clés.
00:39Et la première que j'ai trouvée, c'est le 17 novembre 1973, votre première télé.
00:50Vous êtes le pianiste de l'émission de Philippe Bouvard,
00:52samedi soir, avec une petite formation.
00:54Oui, et je rencontre deux garçons dont un certain Jacques Pessis.
00:59C'était absolument incroyable.
01:01Ça fait quand même 51 ans mon cher Jacques.
01:03Et comment vous êtes arrivé comme pianiste de cette émission ?
01:06Alors, objectivement, je ne sais plus exactement.
01:11Je sais qu'il s'est passé beaucoup de choses,
01:14parce que c'est dans cette émission que j'ai rencontré Otto Preminger.
01:17Mais je sais, je crois que c'est Raymond Bernard
01:20qui était le pianiste qui devait s'arrêter.
01:23Et que j'ai été en contact.
01:25Et vous êtes arrivé.
01:26Alors, ce qui est étonnant, c'est que dans cette première émission,
01:28vous êtes juste cité au générique à la fin,
01:30mais que le premier invité, c'est Jean Misler,
01:32qui vient d'être élu perpétuel de l'Académie française.
01:36Et vous êtes aujourd'hui perpétuel des Beaux-Arts.
01:39Oui, ça fait partie des choses complètement incroyables.
01:42Et je suis, je reste très reconnaissant
01:46et a gardé beaucoup de tendresse pour Philippe Bouvard,
01:49qui était un homme absolument épatant
01:51et qui, en plus, était un homme très couraveux.
01:54Je me souviens d'une fois où, dans une bagarre un peu tendue
01:57avec Jacques Dutronc, Dutronc avait été assez dur.
02:01Je pensais après voir tout ça disparu au Montave.
02:05Et il m'avait dit, non, non, Laurent,
02:06le public aime bien voir le dompteur dompter.
02:09Alors, il se trouve que pour vous, Laurent Petitgirard,
02:11la musique, c'est une affaire de famille,
02:13puisque votre père, Serge Petitgirard, était pianiste.
02:17Et il a été élève d'Alfred Cortot,
02:20qui est le fondateur de l'Ecole nationale de musique.
02:22Oui, il avait fait l'école normale,
02:24et donc l'école normale de musique.
02:27Et Cortot a donné en 1935 une classe à mon père.
02:31Mon père avait 23 ans.
02:32Et il a enseigné là jusqu'à la fin de sa vie.
02:35Et Cortot avait une passion pour Liszt
02:37à tel point qu'il a conservé une mèche de cheveux de Liszt.
02:40Absolument.
02:41Et c'est une chose que Jean Cortot, son fils,
02:44qui s'amusait toujours à me dire
02:45qu'il m'avait connu en culotte courte
02:47et que j'ai eu bien sûr comme membre de l'Académie,
02:50avait gardé et m'a montré chez lui.
02:52Et votre mère, Lina Kremska,
02:54elle a travaillé dans les coulisses chez Deutsch Chromophones
02:56avant de se reconvertir comme antiquaire.
02:58Oui, elle m'a donné le goût des beaux obvets.
03:01Et puis avant, évidemment, c'était absolument formidable
03:04parce qu'on avait tous les beaux disques de Deutsch Chromophones.
03:07Et vous avez aussi un frère qui a beaucoup compté,
03:09qui est compositeur,
03:11et qui a été le premier prix de Rome.
03:14Oui, Alain, qui avait 10 ans de plus que moi,
03:16que j'ai eu l'immense tristesse de perdre il y a presque 6 ans,
03:20et qui est un homme absolument incroyable,
03:23tout à fait hors du temps et des réalités.
03:26Ce qui fait que mon grand frère a été pour moi un guide
03:29d'un point de vue musical.
03:31Et puis très rapidement, je suis devenu le grand frère de mon grand frère.
03:34Et le piano pour vous, je crois, Laurent Petitgirard,
03:36ça a commencé à 3 ans,
03:38où votre père vous a mis sur le piano.
03:40Oui, et vous savez, j'ai eu cette chance
03:42que je crois que ce serait formidable
03:44si beaucoup plus d'enfants avaient cette possibilité.
03:47J'ai appris à lire la musique avant de lire l'alphabet.
03:50Et finalement, comme la symbolique des notes est beaucoup plus forte,
03:53puisqu'elle correspond à des sons,
03:55et bien quand on sait faire ça, après l'alphabet c'est de la blague.
03:58Mais le solfège pour les adultes
04:00est une chose qui a l'air tellement terrifiante
04:02qu'il passe cette peur aux enfants,
04:04alors qu'en fait c'est très simple.
04:06Et le drame, c'est lorsque vous faisiez une fausse note,
04:09vous vous retrouviez enfermé dans le noir,
04:11ce qui vous faisait très plaisir.
04:13C'est surtout quand je faisais des bêtises
04:15plus que des fausses notes.
04:17J'étais enfermé dans le noir,
04:19mes parents avaient un petit appartement
04:21qui était avenue Ségur à Paris,
04:23et c'est l'époque, en 52-53,
04:25mon père enregistrait les nocturnes de Chopin.
04:27Moi j'avais 3 ans,
04:29et je l'entendais comme ça.
04:31Imaginez cette chance que j'ai eue,
04:33c'est que jusqu'à l'âge de 5 ou 6 ans,
04:35tous les soirs pour m'endormir,
04:37mon père me jouait la berceuse de Chopin.
04:44Ça vous l'avez jamais jouée d'ailleurs ?
04:46Non, je ne l'ai jamais jouée cette berceuse,
04:48je vais vous dire pourquoi.
04:50Parce qu'un jour j'ai commencé,
04:52parce que c'est du travail,
04:54elle n'est pas facile,
04:56j'aurais pu la jouer,
04:58mais j'ai commencé à jouer le début,
05:00et puis je me suis dit ça, t'as pas le droit.
05:02Ça doit rester un mystère.
05:04T'as pas le droit de savoir comment c'est fait.
05:06J'ai eu l'impression que j'allais casser
05:08quelque chose de mon enfance
05:10si j'allais trop loin dans cette oeuvre-là.
05:12Il se trouve que Chopin, ce n'est pas son père,
05:14mais sa mère qui lui donnait ses premiers
05:16cours de piano, et il est ensuite entré
05:18au conservatoire de Varsovie.
05:20Et puis, quel génie.
05:22Il y a aussi quelqu'un qui a été très important
05:24dans votre apprentissage,
05:26Laurent Petitgérard, c'est Darius Milot.
05:28Ah oui, ça c'était étonnant
05:30puisque mon frère
05:32avait donc
05:3422 ans,
05:36et c'était juste avant
05:38qu'il ait le prix de Rome,
05:40avec sa classe, avec Milot,
05:42et puis un jour, il m'a emmené.
05:44Et je venais d'écrire crânement
05:46trois préludes pour orchestre
05:48à 12 ans,
05:50je vous rassure, c'est une partition.
05:52Et donc je l'ai emmené,
05:54alors il était dans une chaise,
05:56il m'a mis à côté de lui, et il m'a dit
05:58« Bonjour, cher confrère ».
06:00Et donc je suis parti, très heureux de ça.
06:02J'ai pas été d'ailleurs,
06:04avec l'impudence des gosses,
06:06complètement convaincu par tout ce qu'il m'avait dit,
06:08mais c'était un personnage extraordinaire.
06:10Sa veuve, après Madeleine Milot,
06:12qui est morte centenaire,
06:14on a eu le preuvé que je dirige comme chef
06:16l'enregistrement de ses quinze symphonies,
06:18mais sincèrement, c'était
06:20un challenge épouvantable.
06:22Il faut savoir que Darius Milot, qui était un compositeur formuleux,
06:24a été au départ le secrétaire
06:26de Paul Claudel lorsqu'il a été
06:28ambassadeur de France au Brésil,
06:30et qu'il a ensuite été très proche de Cocteau.
06:32Ah oui, c'est un parcours incroyable.
06:34Et Cocteau d'ailleurs, qui après avoir vu la première
06:36représentation du Soulier de Satin
06:38à la Comédie Française en 1943,
06:40mise en scène par Jean-Louis Barraud,
06:42a dit cette phrase mémorable,
06:44heureusement il n'y avait pas la paire.
06:46Magnifique.
06:48Votre premier orchestre finalement,
06:50au lycée, on crée des orchestres de rock,
06:52ça a été un orchestre classique ?
06:54Oui, c'était ça, j'avais je crois à peu près
06:5613-14 ans,
06:58et donc on a fait dans le cadre du lycée Bouchon,
07:00j'allais dire Bouchon, mais c'est Bouchon,
07:02un orchestre un peu de briquet de broc,
07:04mais avec quand même un certain nombre
07:06d'instruments, et j'écrivais
07:08une oeuvre régulièrement
07:10pour cet orchestre qu'on jouait,
07:12ça a été mon apprentissage de chef d'orchestre
07:14et mon apprentissage
07:16de compositeur.
07:18Et alors, j'étais même, je dois avouer,
07:20un peu plus loin, parce qu'avec un garçon
07:22que vous avez peut-être connu, qui est devenu un excellent journaliste,
07:24malheureusement disparu, Jean-Pierre Lantin,
07:26qui était dans la même classe que moi,
07:28nous avons fondé ensemble le journal
07:30du lycée, et
07:32j'écrivais moi-même la critique
07:34de mes concerts.
07:36Ça s'appelle Baratin Soir, je vois.
07:38Bravo ! Alors là, vous m'épatez,
07:40Baratin Soir, c'est vrai, j'avais oublié ça.
07:42Il y a quelqu'un qui faisait comme vous, dans un genre différent,
07:44c'est Michel Audiard, qui a commencé
07:46comme critique de cinéma, et il ne voyait pas
07:48les films dont il parlait
07:50pour se mettre dans la même peau
07:52que le spectateur futur.
07:54C'est formidable.
07:56D'ailleurs, le lycée Bouchon est un lycée célèbre, parmi les professeurs,
07:58il y avait quelqu'un qui est devenu musicien
08:00ensuite, et chanteur, c'est Maurice Fanon,
08:02qui a écrit L'Echarpe,
08:04et qui a commencé sa carrière comme professeur
08:06au lycée Bouchon. Mais vous savez qu'au lycée Bouchon,
08:08je dois vous dire que, moi qui ai
08:10fini mes études là en 68,
08:12eh bien, les souvenirs
08:14que j'ai, moi, de mai 68,
08:16c'est que j'étais en philosophie, et que
08:18tout d'un coup, les professeurs ont dit, on va traiter
08:20de la liberté, il y avait Clavel,
08:22et qu'on allait dans les
08:24trois classes, et finalement, on n'a jamais autant
08:26travaillé avant l'explosion,
08:28que dans cette période, c'était très intense.
08:30C'est vrai, mais en même temps, vous avez une particularité,
08:32c'est que vous avez eu zéro
08:34en musique au bac.
08:36Ah oui, oui, oui, mais ça c'est peut-être,
08:38parce que si vous voulez, c'est un moment où
08:40j'étais déjà un professionnel, et
08:42déjà la dictée du bac, c'était
08:44moi qui avais fait des dictées à huit voix
08:46avec mon père, alors évidemment,
08:48je l'ai, comment dirais-je,
08:50rien qu'à la première exposée, j'ai tout noté,
08:52puis on était quatre à se lever, trois qui disaient
08:54j'y arriverai jamais, puis moi, avec un peu
08:56d'impudence, qui ai dû dire, c'est fini,
08:58alors l'examinateur m'a regardé comme ça,
09:00et l'après-midi, c'était l'épreuve musicale,
09:02et j'avais fait une transcription des Roses Disparent
09:04de Forêt, que j'ai jouée,
09:06et à ce moment-là, l'examinateur m'a dit,
09:08écoutez très bien, est-ce que vous vous appelez Richter,
09:10du nom du grand pianiste ? Je lui ai dit non,
09:12je m'appelle Petit Girard. Il dit alors, je ne peux pas vous mettre
09:1420, je vous mets 19. Et je lui ai dit,
09:16attendez, c'est idiot, alors si,
09:18combien font deux et deux ? Quatre.
09:20Est-ce que vous vous appelez Einstein ? Non.
09:22Alors je vous mets 19, et je dis,
09:24non, mettez-moi 15 en me disant qu'il n'y a pas
09:26de perfection en art, mais le
09:28raisonnement est idiot. Il dit, vous préférez zéro ?
09:30Je dis, venant d'un con comme vous, ce serait un honneur,
09:32mais il faut comprendre que c'est 68.
09:34Et donc, là où ça va très loin,
09:36j'ai eu effectivement, je n'ai pas eu
09:38les points qu'aurait donné la musique en plus,
09:40j'avais 13,6 de moyenne,
09:42si j'avais eu la musique, j'aurais eu
09:44plus de 14, et à ce moment-là,
09:46il y avait la possibilité de faire Sciences Po sans l'année
09:48de préparation, et ma mère m'aurait,
09:50alors ça n'aurait pas duré,
09:52mais j'aurais perdu un peu de temps, ma mère m'aurait obligé à le faire.
09:54Et pourquoi ? Vous n'avez pas envie de faire Sciences Po ?
09:56À l'époque, comment vous voyiez votre avenir ?
09:58J'étais complètement dans la musique, je composais déjà
10:00énormément, mais alors en plus, j'avais été
10:02l'affreux vilain petit canard, parce que tout,
10:04un soir, je jouais Mozart,
10:06je composais pour moi des oeuvres
10:08déjà symphoniques, et puis j'avais en même
10:10temps un groupe pop,
10:12et puis je jouais avec Magma,
10:14j'ai fait une première partie de Johnny,
10:16figurez-vous, je fais la première partie de
10:18Johnny Hallyday au Palais des Sports,
10:20avec un groupe qui s'appelait Les Dévotions,
10:22et comme j'étais malade, un peu
10:24enrhumé un jour d'arrivée, ma mère est arrivée
10:26avec un huissier, un commissaire de
10:28police, à l'entrée, pour dire,
10:30pour m'interdire de jouer.
10:32Et alors, l'agent de mon groupe, c'était
10:34Tiki Olgado, que vous avez bien connu,
10:36qui a été le secrétaire de Johnny, qui était comédien.
10:38Et Tiki me dit, t'inquiète pas, je vais
10:40régler la chose, et alors on m'a raconté,
10:42il est arrivé devant ma mère, il a dit,
10:44ne vous inquiétez pas Madame Petit Girard,
10:46il va passer à la télévision,
10:48que vous serez fiers, et il paraît que maman a dit,
10:50avec Johnny, plutôt mourir !
10:52Et ça a fait rire évidemment
10:54tout le monde, et j'ai renvoyé
10:56un jour où je félicitais pour une décoration
10:58qui recevait Johnny Hallyday,
11:00je lui ai rappelé l'histoire.
11:02Voilà, et c'est une belle histoire, il y en a beaucoup d'autres avec vous,
11:04et on va continuer à parler de votre parcours
11:06à travers une autre date clé, le 7
11:08juin 1992.
11:10A tout de suite sur Sud Radio, avec
11:12Laurent Petit Girard.
11:14Sud Radio, les clés d'une vie,
11:16Jacques Pessis. Sud Radio, les clés
11:18d'une vie, mon invité Laurent Petit Girard,
11:20nous parlerons tout à l'heure de cette
11:22opéra, de cette symphonie
11:24inspirée d'un
11:26conte chinois que vous avez créé
11:28à Pékin, et qui va revenir en France à la fin
11:30de l'année, on va en parler. On a
11:32évoqué vos débuts dans la musique, naturellement, avec
11:34votre père, votre mère, et tous
11:36ceux que vous avez connus, et puis j'ai trouvé une
11:38date, le 7 juin 1992,
11:40c'est la première fois que
11:42vous figurez au générique de cette série.
11:46Ah.
11:50Maigret et les
11:52plaisirs de la nuit, dont vous avez composé
11:54le générique, il y en a eu d'autres
11:56ensuite, mais je crois qu'il y en a eu 48
11:58ensuite, et
12:00comment c'est arrivé ça ? Alors
12:02c'est assez étonnant, c'était un
12:04garçon qui s'appelle Daniel Deschamps,
12:06qui était un producteur, et j'avais
12:08composé la musique du film L'Asner de
12:10Francis Giraud, et
12:12il est tout d'un coup,
12:14il m'appelle en disant, voilà,
12:16la Société d'Une prépare toute une série
12:18sur Maigret,
12:20et ils veulent un
12:22générique qui fasse
12:24venir la
12:26ménagère de 50 ans, faisait les fameux
12:28concepts, quoi, qu'elle se dise, ça, ça
12:30commence. Et moi, à cette époque-là, j'avais un orchestre,
12:32ça s'appelait l'Orchestre Symphonique Français,
12:34qui était un orchestre salarié
12:36à plein temps, mais privé, des jeunes musiciens
12:38formidables, et quand même, il y avait 45
12:40musiciens, et on enregistrait
12:42le Requiem de Mozart. Et je dis,
12:44écoute, je vais essayer de trouver quelque chose, si je trouve,
12:46je t'appelle, et je
12:48prends ce thème en pensant un peu à
12:50l'ambiance noir et blanc, tout ça,
12:52les cinq dernières minutes, toute cette ambiance,
12:54j'avais une trompette solo qui s'appelle Hervé
12:56Noël, un type absolument génial, je dis,
12:58je vais me mettre un grand solo de trompette, et je leur ai
13:00dit, plutôt que de leur faire une maquette au piano,
13:02on a fait, j'ai fait faire le matériel,
13:04et je dis, ben, venez en studio,
13:06et alors, ils sont arrivés, on s'est dit,
13:08tirez le Requiem de Mozart,
13:10ils en ont pris plein la tête, et puis juste derrière,
13:12je leur ai fait ça, et là, ils ont dit,
13:14oh là là, on veut que ce soit vous, et puis voilà,
13:16il y a eu une petite tension à un moment donné, parce que sur
13:18des co-productions, tout d'un coup, il y avait
13:20d'autres compositeurs, et la musique ne ressemblait plus
13:22à rien, mais il y avait mon
13:24pré-générique, donc on pouvait croire
13:26qu'elle était de moi, et finalement, j'ai tout fait,
13:28ensuite. Oui, parce que finalement, les trois premiers
13:30maigrés avec Rémi Cremer, c'est pas vous,
13:32et ça commence ensuite, et ça n'arrête plus. Voilà,
13:34c'est tout de suite le générique,
13:36si, c'est moi, mais il y a eu
13:38Goretta qui voulait travailler avec son musicien,
13:40c'est pour ça, et puis une co-production,
13:42mais après, je les ai tous fait, à l'intérêt, c'est que
13:44je les faisais avec mon orchestre, et que
13:46c'était à chaque fois
13:48un vrai challenge au point de vue de temps, je me donnais
13:50une semaine pour composer, on enregistrait
13:52en une session avec cet orchestre
13:54qui était vraiment excellent, et c'était une époque
13:56où il n'y avait quand même pas les moyens, normalement,
13:58et donc, ça a été une série un peu luxueuse
14:00au niveau musical, parce qu'elle avait un orchestre
14:02symphonique pour une musique originale à chaque fois.
14:04Oui, on n'avait pas encore tout ce qu'on peut imaginer
14:06comme technologie d'aujourd'hui.
14:08Il y en avait quand même, mais surtout, moi,
14:10j'aime pas ça, pour dire tout simplement,
14:12moi j'aime les vrais instruments. Alors, il se trouve aussi
14:14que Simnon, vous l'aviez lu, vous connaissiez
14:16Maigret ? Oui, bien sûr, je connaissais Maigret,
14:18et j'avoue que c'est un univers que je trouvais
14:20formidable. Le personnave était très
14:22intrigant, tout ce qu'on connaît de lui.
14:24Vous savez que Roland Petit a créé le premier ballet
14:26policier du monde, d'après un livret
14:28écrit par Georges Simnon,
14:30en 57, ça s'appelle La Chambre. Vous le connaissez ?
14:32Non, non, vous savez pas, moi j'ai
14:34collaboré avec Roland Petit sur
14:36La Dame de Pique, le ballet, et mon
14:38épouse, Sonia Petrovna, a dansé
14:40pour Roland Petit. Et c'est Georges
14:42Oric qui avait composé la musique
14:44de ce ballet, Yves Saint-Laurent
14:46qui avait fait les costumes, et Zizi Jeanmer
14:48qui avait
14:50interprété
14:52la chanson.
14:54Et Simnon a écrit un ballet
14:56policier sans avoir jamais
14:58vu un ballet.
15:00Mais vous savez, vous parlez de Georges Oric, c'était
15:02le seul compositeur français
15:04avec lequel avait travaillé Otto Preminger
15:06et il m'avait dit vous êtes mon deuxième compositeur français.
15:08Alors Otto Preminger, c'est une histoire incroyable
15:10parce que c'est justement lorsque
15:12vous êtes à Samedi Soir que
15:14Otto Preminger est là
15:16et qu'il adore ce que vous faites.
15:18Oui, c'est-à-dire qu'il est arrivé avec une heure d'avance,
15:20moi aussi, il s'est trompé d'une heure,
15:22il arrive, il me parle en allemand,
15:24je lui réponds en allemand, et puis du coup
15:26je lui réponds en anglais, et bien évidemment
15:28il parlait français très bien, mais il aimait tester les gens.
15:30Dès que je l'ai vu, j'ai arrêté de travailler,
15:32je n'ai plus joué que des choses à moi.
15:34Puis alors il me dit à la fin
15:36What did you play ?
15:38Il me dit send a tape to the plaza.
15:40Envoyer une bande au plaza.
15:42Je lui envoie une bande au plaza,
15:44et à partir de là, pendant 15 jours,
15:46tous les copains, allo, this is Otto Preminger.
15:48Puis un jour, il a vraiment appelé,
15:50j'ai failli dire arrête tes conneries, heureusement.
15:52Je ne l'ai pas dit, et voilà.
15:54C'est Rosebud, et il faut savoir que ce film n'aurait jamais dû exister.
15:56En fait, il travaillait
15:58sur un autre film, Implosion,
16:00consacré aux époux Rosenberg,
16:02qui avait été exécuté de communiste
16:04et avait fini sur la chaîne électrique.
16:06Le film ne s'est pas fait, et c'est comme ça
16:08qu'il a eu l'idée de faire Rosebud,
16:10et que vous vous êtes retrouvé compositeur du film.
16:12Mais Rosebud a une autre histoire extraordinaire,
16:14c'est qu'il avait demandé
16:16que je suive le tournage, donc j'étais sur le tournage,
16:18parce qu'il aimait ça,
16:20et puis le régisseur me dit écoute demain,
16:22ma sœur qui vient, je te préviens,
16:24elle est casse-pieds, elle est effrayante,
16:26mais c'est un peu plus de temps que nous, etc.
16:28En fait, la sœur était délicieuse, et trois semaines après,
16:30j'annonce que je vais l'épouser.
16:32Ce qui a vraiment fait tout un truc.
16:34Et donc, c'est la maman
16:36de Tristan petit Gérard, mon fils,
16:38on est restés mariés cinq ans,
16:40on est restés très amis, jusqu'à sa disparition.
16:42Et ce qui est extraordinaire, c'est que sur ce même film,
16:44au même moment,
16:46vient une jeune comédienne,
16:48Sonia Petrovna, pour faire un des cinq rôles,
16:50Preminger lui fait peur,
16:52elle ne le fait pas, les deux femmes de ma vie
16:54se sont croisées sur ce film,
16:56sans que je le sache.
16:58C'est extraordinaire. Alors, il se trouve que l'une de vos premières collaborations
17:00avec la télévision,
17:02ce sont des arrangements pour une série qui est mythique,
17:04et qu'on ne voit plus jamais, hélas,
17:06avec Michel Serrault, qui sont les folies Offenbach.
17:08Michel Boiron était un homme délicieux,
17:10et en plus, on avait fait cette chose intéressante,
17:12de dire,
17:14donc je réorchestre tous les Offenbach,
17:16parce que ça va un peu dans tous les sens,
17:18et en même temps, j'écris une musique originale
17:20dans l'esprit d'Offenbach,
17:22qu'on puisse se demander par moments,
17:24est-ce que c'est Offenbach qui a écrit la musique originale ?
17:26En toute modestie,
17:28mais ça a été passionnant,
17:30c'était une série avec des acteurs fantastiques,
17:32et en même temps, une chose extrêmement impressionnante,
17:34parce qu'entre le cinquième
17:36et le sixième épisode,
17:38c'est le moment dramatique,
17:40où l'une des deux filles de Michel
17:42se fait écrabouiller
17:44par une voiture
17:46de jeunes qui venaient d'embêter
17:48les travestis,
17:50à Boulogne,
17:52lesquels étaient protégés,
17:54et donc, ils ont brûlé le feu rouge,
17:56et cette jeune fille est morte,
17:58et je revois Michel Serrault me dire,
18:00est-ce que tu te rends compte,
18:02je suis en train de jouer la cage au fol,
18:04et ma fille, et il ne s'est arrêté qu'une semaine,
18:06il a dit, si je ne reprends pas, je ne reprends plus jamais,
18:08et nous avons ensuite,
18:10parce qu'il faisait la cage au fol le soir,
18:12et le matin et l'après-midi,
18:14il tournait Offenbach,
18:16et la première scène du sixième épisode,
18:18c'est Offenbach qui suit l'enterrement
18:20de Zimmer, exactement une semaine
18:22après l'enterrement de sa fille,
18:24et on avait l'opérateur
18:26qui n'arrivait plus à faire le cadre tellement il pleurait,
18:28et puis un moment très émouvant,
18:30parce que tout ce qu'il y avait de comédien
18:32à Paris, sous des prétextes
18:34les plus invraisemblables,
18:36trouvait le moyen de passer sur le plateau pour l'embrasser,
18:38c'était un moment très fort,
18:40cette série est une merveille, c'est dommage qu'elle ne passe plus.
18:42J'ai un peu fait le calcul,
18:44vous avez composé, Laurent Petitgirard, 130
18:46musiques de films, c'est étonnant ?
18:48Oui, mais vous savez,
18:50j'ai eu cette chance, c'est que
18:52j'étais extrêmement organisé,
18:54j'ai arrêté d'en faire il y a à peu près une douzaine
18:56d'années, mais j'étais extrêmement organisé,
18:58je consacrais une semaine à un film,
19:00et finalement, la musique
19:02de film a représenté 15% de mon temps,
19:04et si j'avais fait, comme certains
19:06de mes confrères, à être le directeur
19:08d'un conservatoire, ça m'aurait pris
19:1080% de mon temps.
19:12Mais tout ce que vous avez fait dans l'audiovisuel, ça vous a permis
19:14de créer la première classe de compositions
19:16consacrées à l'audiovisuel,
19:18ça n'existait pas, Laurent Petitgirard ?
19:20Non, on l'a fait à l'école normale de musique,
19:22et dans des conditions vraiment formidables,
19:24c'était Pierre Petit à l'époque
19:26qui m'a suivi, il y avait dans le jury
19:28vous aviez Antoine Duhamel,
19:30Georges Delruve, Vladimir Cotman, enfin c'était
19:32absolument formidable, et ensuite,
19:34bien des années plus tard,
19:36c'est Bruno Mantovani
19:38à l'époque, directeur du conservatoire
19:40supérieur de musique et de danse de Paris,
19:42qui m'a dit, il est temps maintenant
19:44d'ouvrir une classe, et j'ai été
19:46le premier directeur du premier cycle
19:48enfin au conservatoire, mais je ne suis
19:50resté que trois ans, parce que les choses
19:52ont énormément évolué, et je ne me trouvais
19:54plus suffisamment justifié
19:56pour faire ça.
19:58Et vous aviez aussi d'autres passions, le jazz a été
20:00une de vos premières passions. Oui, bien sûr, mais j'ai toujours
20:02beaucoup aimé le jazz, et j'ai toujours
20:04trouvé que ça avait quelque chose d'extrêmement
20:06dynamique et
20:08ouvert, ce n'était pas
20:10mon chemin, mais j'étais content
20:12de l'avoir un peu pratiqué, aussi pour
20:14des problèmes d'énergie
20:16rythmique, il y a beaucoup de choses à apprendre,
20:18et puis c'est un monde formidable,
20:20mais il faut, pour un musicien
20:22comme moi, il faut aussi savoir en sortir.
20:24En même temps, vous avez fait aussi d'autres
20:26choses au départ pour gagner votre vie,
20:28vous avez fait Laurent Petit Gérard, des orchestrations
20:30pour Georges Moustaki et
20:32Enrico Macias. Oh, vous savez ça aussi,
20:34mais là j'avais 18-19 ans, oui,
20:36et ça a été des souvenirs
20:38formidables, et il y a
20:40un truc qui était tellement drôle,
20:42j'ai fait une chose pour Enrico,
20:44d'abord même pour
20:46Monty, une fois, c'était une phase
20:48B, et moi je ne connaissais rien à ces
20:50trucs-là, donc j'avais convoqué
20:5275 musiciens pour une phase
20:54B, il paraît que ça, c'est
20:56jamais fait, et c'était des
20:58moments comme ça, et je revois
21:00encore Enrico, où je lui avais fait une orchestration,
21:02mais on avait d'abord, j'ai dit on va juste
21:04faire la rythmique, et Enrico arrive
21:06et il entend juste simplement boum, boum
21:08avec la batterie, il fait, ne me refais
21:10jamais ça, et
21:12c'est un homme délicieux, j'ai gardé des très bons
21:14rapports, on se voit très peu souvent, mais
21:16j'ai des très bons rapports. Et il y a eu
21:18aussi beaucoup d'autres choses dans votre vie, en dehors
21:20de la musique, et on va les évoquer à travers
21:22une date que vous n'avez sans doute pas oubliée,
21:24le 12 décembre 2001.
21:26A tout de suite sur Sud Radio, avec Laurent Petit Gérard.
21:32Sur Sud Radio, le quai d'une vie, mon invité
21:34Laurent Petit Gérard, nous parlerons tout à l'heure
21:36de votre activalité, à la fois
21:38en Chine et en France, et même ailleurs,
21:40car vous voyagez beaucoup, on a évoqué
21:42votre parcours de musicien classique,
21:44de musicien de film,
21:46et puis, il y a autre chose,
21:48je crois que le 12 décembre 2001
21:50est une date que vous n'avez pas oubliée,
21:52ce jour-là, vous êtes devenu ce qu'on appelle
21:54immortel.
21:56Oui, c'était un moment,
21:58c'est le jour de la réception sous la coupole.
22:00En fait, j'avais été élu un an avant.
22:02Je dois avouer que,
22:04si vous voulez,
22:06c'était fascinant pour moi, ça a été fascinant
22:08parce que c'est tout d'un coup
22:10se retrouver au milieu des plus
22:12grands peintres, sculpteurs,
22:14musiciens, graveurs,
22:16architectes, photographes,
22:18vous avez tout d'un coup quelque chose
22:20qui vraiment vous enrichit.
22:22Et c'est un endroit,
22:24c'est tout sauf une distinction honorifique.
22:26C'est l'Académie des Beaux-Arts, je le précise.
22:28Oui, et cette Académie des Beaux-Arts,
22:30elle fait partie de l'Institut de France,
22:32elle est une des cinq académies,
22:34et sincèrement, elle a
22:36des moyens de faire des choses
22:38formidables, d'aider la création.
22:40Et j'étais un peu, pendant quelques
22:42années, pour dire la vérité, frustré
22:44de me dire,
22:46je me suis fait endroit à des possibilités
22:48extraordinaires qui ne sont pas suffisamment
22:50exploitées. – Et comment vous êtes arrivé là-dedans ?
22:52– C'est Marcel Landowski qui m'a
22:54demandé. J'avais écrit un concerto pour
22:56violoncelle et orchestre qui lui était dédié,
22:58d'ailleurs, et Marcel Landowski
23:00avait souhaité que je devienne
23:02correspondant, parce qu'il y a
23:04les membres élus et les correspondants.
23:06Et donc en 93,
23:08j'ai été élu correspondant.
23:10C'est quelque part le chef d'orchestre
23:12qu'ils invitaient. Mais
23:14ensuite, il y a mon opéra
23:16sur la vie d'éléphant-man
23:18qui est sorti, en 99.
23:20Et là, tout d'un coup,
23:22beaucoup de mes confrères qui me voyaient comme un chef d'orchestre,
23:24et un chef d'orchestre n'est pas
23:26membre de l'Académie, parce que c'est un interprète,
23:28nous n'avons que des créateurs. Tout d'un coup, on dit
23:30zut, mais c'est un compositeur, etc.
23:32Et quand Marcel Landowski a disparu,
23:34ils ont trouvé très naturel
23:36que je sois élu.
23:38Ceci dit, je me suis présenté
23:40deux fois, parce que la première fois
23:42Marcel Landowski m'avait demandé de me présenter,
23:44il était encore vivant, et figurez-vous que
23:46j'ai été battu par…
23:48par Charles Trenet, absolument.
23:50Et ce qui était très
23:52original, de voir Charles… Là, on ne pouvait pas lutter,
23:54c'est autre chose !
23:56Et puis, à la disparition de Marcel Landowski,
23:58c'est mes confrères qui sont venus me voir en disant
24:00« tu es l'homme qui doit lui succéder ».
24:02Et je crois que Marcel Landowski, vous avez
24:04demandé de faire la réouverture du Châtelet
24:06en 1980 aussi.
24:08Absolument, en réorchestrant
24:10la vie parisienne, et j'ai dirigé
24:1240 fois la vie parisienne
24:14dans la mise en scène d'Yves Robert,
24:16qui était avec
24:18les décors de Franz Salieri,
24:20c'est quelque chose d'absolument incroyable.
24:22Le Châtelet avait fermé quelques années plus tôt,
24:24en fait, l'opérette était morte
24:26après la mort de Luis Mariano,
24:28mais aussi, surtout, avec la création
24:30d'une opérette, c'est-à-dire W,
24:32qui avait été faite par Jean-Jacques Vital
24:34et Jean-Jacques Debout, qui a été une véritable catastrophe,
24:36et qui a coûté le Châtelet
24:38à la ville de Paris.
24:40Absolument, mais là, ils l'ont joué,
24:42alors moi je l'ai dirigé 40 fois, mais après ils l'ont joué
24:44je crois 200 ou 300 fois. Le problème, simplement,
24:46de cette production, c'est que le train qui arrivait
24:48était tellement immense,
24:50si vous voulez, qu'il ne pouvait pas
24:52aller ailleurs.
24:54Et puis, j'ai eu des
24:56moments parmi les plus extraordinaires,
24:58notamment un ténor qui,
25:00dans Le Brésilien,
25:02est parti
25:04une mesure après.
25:06Et donc, moi, je commence
25:08et au moment où je suis
25:10sur le sol,
25:12lui commence, je suis Brésilien,
25:14je me suis dit, mais comment je peux faire ?
25:16J'ai fait ce truc incroyable,
25:18c'est que je lui ai
25:20mimé les trucs et j'ai ralenti
25:22pour le rattraper.
25:24Et oui,
25:26pardon, il était parti une seule...
25:28Et donc, on a essayé, sauf que pour la première
25:30fois de sa vie, il m'a suivi.
25:32Et donc, au bout d'un moment, ça a donné...
25:34Je suis Brésilien...
25:36C'était un truc...
25:38Et à la fin, pendant l'entracte,
25:40il s'approche de moi, je tairai son nom
25:42par vraiment tendresse, il s'approche de moi
25:44et il me dit, formidable maestro,
25:46aujourd'hui !
25:48Il se trouve que j'en reviens à cette réception sous la coupole.
25:50Vous portez pour la première fois l'habit vert
25:52qui a été décidé
25:54d'ailleurs par un arrêté du consulat
25:56en 1801, avec l'habit,
25:58le gilet ou la veste,
26:00les pantalons
26:02et le tout orné de broderie en feuilles d'olivier,
26:04en soie vert foncée
26:06et un chapeau à la française. L'habit vert, c'est une tradition
26:08de l'Académie ?
26:10Absolument, l'habit vert et l'épée.
26:12Moi, l'épée, c'est Jean Cardeau,
26:14le grand sculpteur qui m'en savait, qui a fait mon épée
26:16et il a pris
26:18ma main, tenant une baguette,
26:20il a enlevé la baguette et l'épée, c'est ça.
26:22Pour le pommeau de l'épée, il me dit
26:24qu'est-ce qu'on fait ? Je lui dis, tu peux mettre une clé de phare.
26:26Et il m'appelle à 3h du matin
26:28en me disant, je crois que j'ai mis la clé de phare à l'envers.
26:30Je lui dis, ça fera croissance,
26:32ça peut être utile.
26:34Et cet habit, évidemment,
26:36c'est une grande tradition.
26:38De temps en temps, certains
26:40grands couturiers qui,
26:42pour certains académiciens ou académiciennes,
26:44l'ont un peu interprété
26:46d'une façon qui
26:48hérissait un petit peu la chère
26:50Hélène Carrière d'Ancôtre, qui me disait, quand même,
26:52ils exagèrent un peu, mais bon, c'est magnifique.
26:54Vous savez, c'est pas un uniforme,
26:56c'est une espèce de signal
26:58de se retrouver. Et ce qu'il faut bien
27:00comprendre, c'est que l'Académie, c'est un endroit où on travaille.
27:02C'est pas une décoration, on est là
27:04pour aider, on est là pour vraiment
27:06soutenir la création, pour conseiller
27:08l'État en matière culturelle, même s'il n'a pas
27:10toujours conscience du fait qu'il a intérêt
27:12à être conseillé. On est là aussi avec une action
27:14sociale. Vous savez qu'on aide
27:16des centaines d'artistes dans le besoin.
27:18Donc c'est un bel endroit pour tout ça.
27:20Et cet habit vert, vous l'aviez fait
27:22confectionner par un couturier ?
27:24Ah non, j'en avais absolument pas les moyens de ça.
27:26Je ne résiste pas à vous raconter ça.
27:28On avait toujours de... Il y a certains
27:30habits qui sont légués par des académiciens.
27:32Donc avec ma femme, on va voir
27:34la charmante Mme Merlet, à l'époque,
27:36qui était la secrétaire générale, qui nous sort
27:38une veste qui, finalement, me va.
27:40Elle me dit, vous préférez le pantalon ? Oui, madame.
27:42Et je lui pose la question, je lui dis,
27:44mais alors qu'est-ce que je fais ? Je la laisse ici,
27:46la veste, et devant Sonia,
27:48elle dit, non, non, mettez-la chez vous
27:50et votre veuve nous la rapportera.
27:52C'est extraordinaire.
27:54Oui, c'était magnifique. Alors, dans vos
27:56activités, il y a eu cet orchestre
27:58symphonique français que vous avez créé
28:00parce que c'est un orchestre sans subvention.
28:02Oui. Il faut savoir que les subventions
28:04pour les orchestres, ça a commencé
28:06en 1897. Vous n'en avez
28:08pas voulu. Et ensuite, ça vous a conduit
28:10à l'orchestre Cologne, qui est un orchestre prestigieux.
28:12Oui, qui est un orchestre
28:14associatif avec des musiciens passionnés
28:16que j'ai dirigé pendant
28:1813 ans. J'ai eu 8 ans l'orchestre symphonique
28:20français, puis 13 ans
28:22l'orchestre Cologne. Mais vous savez,
28:24un orchestre comme ça, associatif, c'est un
28:26travail très important,
28:28en plus de la musique, de contact,
28:30de faire vivre, d'aller chercher, parce que
28:32c'est des musiciens extrêmement couraveux.
28:34Mais donc, c'était une
28:36immense tradition, puis un honneur, parce que
28:38vous êtes élu.
28:40J'ai été élu 5 fois par ces musiciens.
28:42Et puis, lorsque mes
28:44confrères à l'Académie des Beaux-Arts
28:46ont souhaité que je devienne le secrétaire perpétuel
28:48de l'Académie des Beaux-Arts, là, c'était plus
28:50possible de maintenir les deux ensemble.
28:52Je continue à diriger de temps en temps l'orchestre
28:54Cologne en tant qu'ami.
28:56Mais je n'en ai plus la responsabilité. C'est un
28:58excellent chef, d'ailleurs, qui s'appelle Marković,
29:00qui m'a succédé.
29:02Il se trouve que cet orchestre, il y a eu des chefs d'orchestre
29:04prestigieux, notamment Tchaïkovski.
29:06Et Tchaïkovski, le grand public l'a
29:08découvert beaucoup plus tard, grâce
29:10à ce film.
29:12...
29:14Je ne sais pas si vous connaissez
29:16ce film, Le Concert, de
29:18Rado Minaïlanou, qui est un film
29:20prodigieux, qui est
29:22basé sur une musique de Tchaïkovski,
29:24qui a été un succès mondial que personne n'attendait.
29:26Oui, mais d'abord, le film était
29:28très bien. Il a
29:30justement, d'ailleurs, porté
29:32un peu tort à un de mes confrères
29:34charmant et doué, qui s'appelle
29:36Armand Amard.
29:38Et Armand a eu
29:40le César de la meilleure musique de film.
29:42Alors, évidemment, c'était
29:44la musique de Tchaïkovski. Ça a fait oublier
29:46que, par ailleurs, il a fait d'excellentes musiques, lui.
29:48Et j'en profite pour lui donner un grand salut
29:50amical. Et dans ce film, on voit Mélanie Laurent
29:52pleurer sur scène au Châtelet.
29:54Elle pleurait vraiment tellement elle était émue
29:56par le tournage.
29:58C'est une musique extraordinaire. Vous savez, moi, quand j'ai dirigé
30:00la sixième symphonie de Tchaïkovski,
30:02qui est sa dernière oeuvre, qui est presque un réquiem,
30:04quand vous arrivez à la fin,
30:06il y a une émotion incroyable.
30:08Et vous avez une particularité, Laurent Petitgirard,
30:10c'est que vous avez été chef d'orchestre invité
30:12dans de nombreux pays,
30:14ce qui n'est pas si fréquent.
30:16C'est-à-dire que, par rapport
30:18à des chefs qui font véritablement
30:20la carrière uniquement de chef,
30:22bon, s'ils arrivent à passer un certain stade,
30:24oui, à ce moment-là, ils sont invités un peu partout,
30:26mais je me suis toujours...
30:28J'ai voulu avoir
30:30une vraie technique de chef,
30:32mais je suis fondamentalement un compositeur, quand même.
30:34Donc, si vous voulez,
30:36j'ai fait une double carrière, compositeur et chef d'orchestre,
30:38mais si vous m'amenez, vous me dites,
30:40mon grand, il faut arrêter l'un des deux,
30:42il n'y a pas l'ombre d'une hésitation. Ma vie, c'est de composer de la musique.
30:44Oui, mais en même temps, être chef d'orchestre invité,
30:46c'est très particulier.
30:48Ah ben, c'est formidable. Et puis, évidemment,
30:50quand en plus vous dirigez votre propre musique,
30:52votre opéra, quand vous dirigez votre opéra,
30:54il n'y a rien à faire. Vous insufflez quelque chose
30:56à tout le plateau, parce que que les gens
30:58aiment plus ou moins ce que vous avez fait,
31:00les musiciens, ils se disent, c'est quand même sorti
31:02de sa tête, ce truc-là. Donc, au moins là,
31:04personne peut me dire, moi, je le sens comme ça.
31:06Je dis, non, moi, je l'ai senti une fois pour toute.
31:08Et c'est donc dans cet emploi du temps, quand même, surchargé,
31:10que le 1er février 2017,
31:12vous êtes devenu secrétaire perpétuel
31:14de l'Académie des Beaux-Arts.
31:16Ça consiste en quoi ? Et pourquoi secrétaire perpétuel ?
31:18Alors, l'expression secrétaire perpétuel,
31:20on l'a un tout petit peu fait évoluer,
31:22parce qu'avant,
31:24comme à l'Académie française,
31:26le secrétaire perpétuel des Beaux-Arts
31:28était donc à vie, on a eu,
31:30avec mon prédécesseur, quand même le souci
31:32d'un homme extrêmement fatigué
31:34qui n'était plus en état, et on a donc décidé
31:36que c'était tous les 6 ans.
31:38Donc, j'ai été élu
31:401er février 2017,
31:42et 1er février 2023,
31:44je me suis représenté,
31:46j'ai été élu à nouveau, à l'unanimité
31:48à bulletin secret, ce qui fait plaisir vis-à-vis des gens.
31:50L'Académie,
31:52les académies sont pyramidales.
31:54C'est-à-dire qu'il y a un seul
31:56ordinateur, ce qu'on appelle ordinateur,
31:58c'est-à-dire c'est celui qui a la responsabilité
32:00de l'ensemble.
32:02Et donc,
32:04quand vous prenez l'Académie des Beaux-Arts,
32:06c'est 140 salariés à plein temps,
32:08c'est 1 400 000 visiteurs
32:10dans les différents lieux, que ce soit
32:12Giverny, Marmottan, La Villèvre,
32:14Rothschild, tout ça, c'est donc l'action sociale,
32:16le conseil, donc c'est un travail,
32:18si vous voulez vous en sortir,
32:20il faut savoir, 1, déléguer,
32:22évidemment, tous les académiciens,
32:24un certain nombre d'académiciens
32:26ont la direction de nos différents lieux,
32:28et avoir un très très bon
32:30collaborateur direct,
32:32j'ai eu la chance d'avoir Cyril Barthalois qui est formidable,
32:34et puis il faut être très organisé.
32:36Et au fond, vous savez, il y a cette chose,
32:38souvent quand un artiste est organisé,
32:40on se dit, il est trop organisé pour être un artiste.
32:42Et bien c'est l'inverse,
32:44dans l'organisation, un artiste retrouve
32:46sa liberté, en tout cas,
32:48je ne pourrais pas faire autrement.
32:50En même temps, vous avez fait beaucoup d'autres choses,
32:52notamment vous avez initié cette série de concerts.
32:58Le concert du fauteuil numéro 1
33:00de l'Académie des Beaux-Arts.
33:02Ah oui, ça c'est rigolo,
33:04c'est-à-dire, je me suis dit, au fond,
33:06beaucoup de mes confrères ne réalisent pas
33:08l'histoire de leur fauteuil.
33:10Et j'ai dit, on va faire les concerts,
33:12alors on a commencé par la musique,
33:14le concert d'un fauteuil.
33:16Et on part, moi je suis parti
33:18de Méhul,
33:20Bois-le-Dieu, Réchat,
33:22vous montez comme ça, à Lévis,
33:24Gounod, puis vous arrivez petit à petit
33:26à Piernet, vous avez Dubois,
33:28puis à un moment donné,
33:30vous voyez apparaître Henri Busserre,
33:32et puis Marcel Landowski,
33:34et donc on a fait des concerts
33:36où on jouait dans le magnifique auditorium
33:38à l'Institut, comme ça,
33:40toute l'histoire du fauteuil. Et après l'avoir fait
33:42pour la musique, j'ai proposé à mes confrères,
33:44c'est un peu compliqué au niveau d'exposition,
33:46mais par exemple des conférences,
33:48et ils racontent le fauteuil.
33:50Et récemment, Aymeric Zublena,
33:52le grand architecte
33:54qui a fait le Stade de France, me disait,
33:56c'est incroyable, je ne savais pas qu'il y avait tous ces gens-là
33:58avant moi à ce point-là, obligés du coup,
34:00eux-mêmes, d'expliquer
34:02leur prédécesseur. Et à ce moment-là,
34:04on voit l'itinéraire pendant deux siècles,
34:06c'est passionnant.
34:08C'est comme à l'Académie Goncourt, où les couverts,
34:10il y a le nom de tous les académiciens
34:12qui ont précédé celui qui tient
34:14le couvert à ce moment-là, c'est le même principe.
34:16Alors ça, c'est vos activités quotidiennes,
34:18mais il y en a d'autres, et on va évoquer une autre date
34:20clé de votre parcours, récente,
34:22le 7 novembre 2024.
34:24A tout de suite sur Sud Radio, avec Laurent Petitgirard.
34:26Sud Radio, les clés d'une vie,
34:28Jacques Pessis.
34:30Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité
34:32Laurent Petitgirard.
34:34On va évoquer votre parcours de musicien,
34:36de compositeur, de chef d'orchestre,
34:38de secrétaire
34:40perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts.
34:42Et au milieu de tout ça, vous avez quand même
34:44le temps de faire beaucoup d'autres choses,
34:46puisque le 7 novembre 2024,
34:48un petit voyage comme ça, de rien du tout,
34:50à Pékin, pour la création
34:52d'une symphonie, à partir d'un ballet
34:54que vous avez composé,
34:56et sur un texte chinois
34:58peu connu en Europe.
35:00Oui, et c'est un texte chinois qui est un des
35:024 livres fondamentaux pour les Chinois.
35:04C'est la pérégrination
35:06vers l'Ouest,
35:08et qui se dit le Si U Chi,
35:10si j'arrive à peu près à prononcer, c'est l'histoire du roi des singes
35:12qui va, Suen Wukong,
35:14celui qui a pénétré le vide,
35:16qui va accompagner un moine
35:18qui part chercher dans les pays
35:20de Bouddha, donc en Inde,
35:22les livres de la vérité,
35:24et il va y avoir plusieurs disciples,
35:26toutes sortes de monstres, des voyages incroyables,
35:28et quand ils arrivent à la fin,
35:30ça donne des livres blancs, car la vérité est dans les épreuves.
35:32Et pour les Chinois,
35:34c'est un livre fondamental.
35:36Mon frère, Alain Kremski,
35:38m'avait offert ce livre quand j'avais 16 ou 17 ans,
35:40et toute ma vie,
35:42je m'étais dit, un jour je ferais quelque chose,
35:44j'avais commencé un peu à travailler, mais j'étais beaucoup trop jeune,
35:46vous savez, c'est un livre un peu comme
35:48l'Iliade et l'Odyssée, le Ramayana,
35:50la lecture de Dante,
35:52enfin c'est la divine comédie,
35:54c'est comme ça, un voyage initiatique,
35:56avec cette idée
35:58que la vérité est dans les épreuves.
36:00Et donc, les Chinois ont été sidérés
36:02de voir un compositeur français
36:04s'intéresser à ça,
36:06et des fois connaître le livre, pour certains,
36:08mieux qu'eux.
36:10Tout le monde le connaît, en Chine,
36:12c'est un livre du XVIe siècle, écrit par un certain
36:14Wu Changyang,
36:16j'espère bien le prononcer,
36:18et il voulait au départ en faire un opéra,
36:20et c'était impossible.
36:22C'était impossible parce que, comme me disait
36:24Qi Gangchen, qui est un grand compositeur chinois
36:26de mes amis, dont j'ai d'ailleurs dirigé
36:28une œuvre ce même soir, 7 novembre,
36:30il y avait ce problème,
36:32c'est que tu vas l'écrire,
36:34à ce moment-là, si tu fais un opéra,
36:36il faut le faire en chinois, et il y a 4 auteurs de son
36:38dans la langue chinoise, tu vas devenir fou.
36:40Et j'ai dit, non, je vais faire un ballet.
36:42Et donc j'ai fait un ballet, ça dure 1h30,
36:44et le ballet va d'ailleurs
36:46venir en France après,
36:48il tourne beaucoup en Chine, mais j'en ai fait
36:50une suite symphonique d'orchestre,
36:52de 35 minutes, et là, c'est cette suite
36:54que je vais créer directement
36:56à l'Opéra de Pékin,
36:58qui est un endroit extraordinaire en plus,
37:00parce qu'il a été construit par Paul Andreux,
37:02qui était un de mes confrères de l'Académie des Beaux-Arts.
37:04Et d'ailleurs, on va écouter un extrait de ce ballet.
37:06...
37:20Alors, ce ballet,
37:22ce sont des mois de travail,
37:24mais des années de réflexion, Laurent Petitgirard.
37:26Oui, vous pouvez même dire aussi 2 ans,
37:282 ans de travail. J'ai eu une chance,
37:30pardon à l'avance
37:32à tous ceux, par contre,
37:34qui ont beaucoup souffert, mais le Covid
37:36a été pour moi une chance extraordinaire,
37:38parce que tout d'un coup, je suis resté
37:40dans ma maison à la campagne,
37:42à régler tout ce qu'il fallait en vidéo,
37:44et en ayant beaucoup plus de temps que d'habitude
37:46pour composer, j'ai gagné. Je pensais mettre 2 ans,
37:48et j'ai gagné 6 mois.
37:50C'est un ballet en 1 an et demi.
37:52Et puis, vous savez, c'est très émouvant,
37:54parce qu'on se pose des fois des questions
37:56par rapport à la Chine.
37:58C'était pas une commande.
38:00C'est moi qui ai eu envie d'écrire cette œuvre.
38:02C'est après que les choses se sont déclenchées.
38:04C'est un livre bouddhiste,
38:06c'est-à-dire, c'est tout sauf politique.
38:08Et la compagnie de danse
38:10avec laquelle j'ai fait est une compagnie privée.
38:12Autrement dit,
38:14il se trouve qu'au moment où tout ça a été prêt,
38:16c'était l'année des 60 ans
38:18de reconnaissance de la Chine par la France.
38:20Donc finalement,
38:22cette œuvre a été intégrée dans tout un cursus.
38:24Mais en fait,
38:26elle était au départ complètement à part.
38:28– Mais les Chinois ont été surpris en voyant arriver
38:30Laurent Petitgirard avec cette œuvre, non ?
38:32– Très, mais surtout, ils sont très émus.
38:34C'est ça qui me fait très plaisir.
38:36Et donc maintenant, ils commencent à la demander partout.
38:38Et ça me touche énormément, ça.
38:40Parce que, d'abord, c'est une histoire extraordinaire.
38:42Et quand j'en parlais avec des jeunes Chinois,
38:44ou des gens qui ont 30, 40 ans,
38:46et on me dit,
38:48ah oui, on ne connaît que ça.
38:50Je leur disais, mais comment vous le connaissez ?
38:52Et en fait, ils le connaissaient par les films,
38:54les films de télévision, la série qu'en a été faite.
38:56Je dis, mais est-ce que vous avez lu
38:58les mille pages du livre ?
39:00Et là, il n'y en a pratiquement aucun qui l'a lu.
39:02Je dis, vous avez un trésor dans votre pays
39:04dont vous connaissez les grandes lignes,
39:06mais vous ne l'avez pas approfondi.
39:08– Mais en France ou en Europe,
39:10on connaît peu, justement, cette œuvre de Laurent Petitgirard.
39:12– Oui, mais je vais vous dire,
39:14vous connaissez cette chose quand même extraordinaire,
39:16c'est que quand j'ai décidé de l'écrire,
39:18j'ai eu le temps d'ailleurs de le dire à mon frère
39:20avant sa disparition,
39:22j'étais au premier étage à l'Académie des Beaux-Arts,
39:24et puis je descends
39:26et je vois dans un atelier en dessous
39:28où il y avait le peintre Pierre Caron,
39:30une dizaine de jeunes femmes chinoises
39:32avec un moine et un photographe.
39:34Il me fait un signe, je rentre,
39:36et il me dit, voilà, je te présente ce moine
39:38qui est un peintre
39:40et nous faisons des expositions ensemble.
39:42Je lui dis à ce moine, mais vous savez, c'est incroyable,
39:44vous êtes exactement dans ma tête
39:46comme Sam Tsang, le moine du roi des singes,
39:48que je suis en train de lire.
39:50Il fait un immense sourire,
39:52il me montre un tableau
39:54qu'il avait avec lui, que lui avait dessiné
39:56du singe,
39:58et je regarde ce tableau du singe pèlerin,
40:00en l'occurrence qui est en train de voler,
40:02et je dis, mais c'est incroyable,
40:04et à ce moment-là,
40:06la traductrice me dit, mais vous savez,
40:08c'est beaucoup plus que ça,
40:10il n'est pas seulement un peintre,
40:12il est le directeur spirituel du monastère
40:14derrière Shanghai, dans lequel
40:16au XVe, au XVIe siècle,
40:18Wu Chunying a écrit ce livre,
40:20et au passage, il est un des trois plus grands spécialistes
40:22en Chine de ce livre.
40:24Et j'ai dit, attendez, je suis kékonti au-dessus,
40:26je descends, et je tombe,
40:28et alors il me fait un grand sourire,
40:30et il dit, c'est peut-être un signe.
40:32C'est sans doute un signe.
40:34Il y a un CD qui est sorti, d'ailleurs,
40:36où on évoque
40:38avec l'orchestre de Budapest.
40:40Oui, c'est un excellent orchestre avec lequel
40:42j'ai enregistré Gourou, mon deuxième opéra,
40:44j'ai enregistré aussi
40:46Le Petit Prince, que j'avais fait avec Sonia Petrovna,
40:48c'est des musiciens magnifiques
40:50et disponibles.
40:52Vous savez, il y a beaucoup de choses que j'ai voulu enregistrer en France,
40:54ce n'est pas toujours aussi facile.
40:56C'est comme certains films qu'on tourne à l'extérieur,
40:58à l'étranger, du côté de Budapest,
41:00parce que c'est plus simple.
41:02Il se trouve que je précise qu'il y a une compagnie
41:04qui va jouer ce ballet intégral le 8 décembre
41:06à Arcachon, le 10 décembre à Biarritz
41:08et le 14 décembre à Cannes.
41:10Peut-être un jour à Paris, non ?
41:12J'espère, oui, c'est Wang Yabin
41:14qui est une chorégraphe absolument
41:16formidable. Elle a une troufe,
41:18je dois avouer, c'est des danseurs d'une virtuosité.
41:20J'ai été absolument
41:22emballé de voir ça. D'ailleurs, je vais aller
41:24retourner les voir à Cannes parce que c'était formidable.
41:26Il se trouve qu'en plus, vous êtes en Chine,
41:28mais que le même soir, vous allez jouer Ravel.
41:30Ravel est connu des Chinois.
41:32Ah oui, très bien.
41:34Si on me demandait quoi, je dis bien sûr Daphnis et Chloé
41:36qui est le chef-d'oeuvre
41:38absolu pour moi.
41:40Ils le connaissent. D'abord, vous savez, Ravel
41:42est connu dans le monde entier. C'est quand même
41:44une musique tellement géniale, tellement
41:46extraordinaire. Et donc, pour moi,
41:48c'est un moment de bonheur absolu.
41:50Le diriger Daphnis et Chloé, je crois,
41:52est le bonheur
41:54le plus absolu pour un chef d'orchestre.
41:56Et quand on pense que Ravel a échoué
41:58quatre fois au Grand Prix de Rome,
42:00c'est assez spécial.
42:02La quatrième fois, je pense même
42:04qu'il a plutôt un peu défié. Il s'est un peu
42:06moqué du jury.
42:08C'est un homme d'une générosité
42:10extraordinaire
42:12qui a vraiment
42:14marqué son temps.
42:16Et puis, vous savez, on est en train,
42:18étant donné qu'une de mes fonctions,
42:20c'est d'être le rédacteur en chef de la lettre de l'Académie
42:22qui est une très belle chose
42:24dans laquelle on parle de beaucoup, beaucoup
42:26de sujets. Le thème
42:28de la prochaine lettre, c'est l'artiste foudroyé.
42:30Et pour les musiciens,
42:32on parlera de deux. Beethoven,
42:34vous imaginez être compositeur, devenir sourd
42:36et malgré tout
42:38pondre la neuvième alors qu'on est sourd.
42:40Et Ravel
42:42qui a vu progressivement
42:44tout son cognitif s'en aller
42:46et les derniers mots de Ravel à Marguerite Long
42:48sur son lit avant qu'on le perde,
42:50il a dit j'avais encore tant de choses à dire.
42:52Et il y a aussi, vous,
42:54beaucoup de choses à dire et à jouer.
42:56Ce qui est étonnant, c'est que vous avez conçu des opéras
42:58pas comme les autres. Le premier opéra
43:00c'est Elephant Man.
43:02Franchement, on connaît le film
43:04et le film, je crois que le maquillage
43:06pour transformer John Hurt en éléphant,
43:08ça durait exactement huit heures.
43:10Après deux heures pour être enlevé
43:12et il travaillait seulement un jour sur deux pour s'en remettre.
43:14C'est un sujet
43:16sur l'exclusion au fond. L'idée
43:18d'Elephant Man, c'était qu'au début
43:20le public soit presque voyeur,
43:22qu'au bout d'un moment il soit
43:24compatissant et qu'à la fin
43:26il y ait presque une identification
43:28quand il dit, mon Dieu, est-ce que je serai guéri
43:30lorsque je me présenterai devant vous ?
43:32Donc il y avait cette idée.
43:34Créer Elephant Man comme un opéra,
43:36c'est une première aussi ? Personne n'y avait pensé ?
43:38Oui, mais c'est passionnant.
43:40C'est Nathalie Stutzman qui avait enregistré.
43:42J'ai écrit le rôle pour un contralte.
43:44Et il y a aussi Guru, votre deuxième opéra,
43:46qui est sorti aussi en CD.
43:48Guru, c'est pour dénoncer la manipulation mentale.
43:50Je trouve que ça, c'est un fléau
43:52et ça me paraît extrêmement important.
43:54Je trouve qu'on ne réalise pas
43:56à quel point c'est quelque chose de dangereux
43:58et je dois vous avouer,
44:00j'ai pas honte de le dire, avoir été un petit peu surpris
44:02qu'on fasse autant d'honneur
44:04à Tom Cruise
44:06qui, quel que soit son talent d'acteur,
44:08est quand même l'ambassadeur de la scientologie
44:10qui est quand même quelque chose de dangereux.
44:12Et il faut savoir que Guru, en plus, il se passe sur une île
44:14dirigée par un certain Guru.
44:16Vous avez failli monter ce spectacle à Paris
44:18au Châtelet, ça ne s'est pas fait,
44:20il a fallu le faire à l'étranger.
44:22Il a finalement été créé en Pologne
44:24et puis il y a eu une nouvelle production
44:26qui a été faite
44:28finalement à l'Opéra de Nice,
44:308 ans après, vous savez, regardez,
44:32je l'ai composé en 2010,
44:34fini de 2007 à 2010,
44:36il a été créé en 2018
44:38avec une nouvelle production en 2024.
44:40Faut être patient, vous savez.
44:42C'est un monde de patience.
44:44Oui, c'est pour ça que maintenant, j'entame un 3ème opéra
44:46et là, c'est le bonheur le plus absolu
44:48puisque je l'écris
44:50sur un livret de Tristan Petit-Girard
44:52que vous connaissez bien
44:54parce que je crois que vous l'avez reçu
44:56et qui est d'abord un fils aimant
44:58comme tout père peut en souhaiter d'en avoir un
45:00et puis qui est un formidable
45:02à la fois écrivain et metteur en scène.
45:04Et là, ce sera sur Oudini,
45:06sur les derniers jours d'Oudini. Pourquoi ?
45:08Parce que là, c'est le défi à la mort
45:10et qu'en même temps, Oudini a quelque chose
45:12de très étonnant, on oublie
45:14c'était le fils d'un rabbin
45:16et il a dénoncé
45:18toute sa vie les faux médiums.
45:20C'est un combat de sa vie.
45:22Or, son meilleur ami qui était
45:24Arthur Conan Doye s'est mis à tomber
45:26complètement à croire aux faits, à tout ça.
45:28Et donc, il y a une sorte de combat
45:30entre ces deux personnages qui s'aimaient
45:32beaucoup et puis c'est un destin unique.
45:34Et je trouve qu'Oudini,
45:36il tirait son Robert Houdin.
45:38Robert Houdin, magicien bien connu, qui a été l'ancêtre
45:40des mentalistes puisque c'est le premier
45:42à avoir réalisé avec son fils
45:44des numéros de mentaliste à la cour du roi
45:46bien avant qu'on en parle aujourd'hui.
45:48Oui, mais alors vous savez qu'il y a
45:50cette anecdote étonnante que
45:52Oudini, lorsqu'il est venu en France
45:54a voulu rencontrer la veuve
45:56de Robert Houdin. Elle a refusé
45:58de le recevoir parce que lui avait
46:00pris ce nom en hommage. Il était
46:02tellement furieux que quand il est rentré aux Etats-Unis
46:04il a écrit un bouquin contre Robert Houdin.
46:06Alors,
46:08pour être un musicien classique
46:10comme vous l'êtes, il faut
46:12théoriquement avoir fait plein de choses
46:14mais aussi pour les variétés. Moi j'ai toujours été
46:16étonné de me rendre compte que tous les grands
46:18musiciens de variétés, Marguerite Monod
46:20par exemple, viennent du prix
46:22de Rome et du classique. Le classique finalement
46:24s'amène à tout et on peut parfois en sortir.
46:26Evidemment, certainement, vous avez
46:28prenez aussi bien
46:30Michel Legrand que Gérard Calvi
46:32que j'ai très bien connu quand il présidait
46:34l'Assassin, un homme délicieux.
46:36Finalement,
46:38vous avez les bases
46:40et puis ensuite vous allez
46:42vous allez faire votre chemin
46:44et vous allez savoir où est votre
46:46centre. Moi, toute ma vie, j'ai été
46:48passionné par
46:50évidemment avant tout par la musique classique
46:52mais par le jazz, même par la pop-musique
46:54à un moment donné que je trouvais formidable
46:56par la musique brésilienne, le jazz
46:58brésilien que j'aimais
47:00beaucoup.
47:02Et puis de donner des concerts comme pianiste
47:04et puis tout ça. Mais il y a un moment donné, quel est
47:06mon centre ? Et mon centre, c'est d'écrire
47:08des opéras, de la musique concertante
47:10c'est ça.
47:12Mais justement, la musique permet de conserver aussi
47:14un souffle de jeunesse permanent ?
47:16Ah bah évidemment, surtout
47:18ça vous va bien, vous qui êtes
47:20de six jours mon aîné, mon cher.
47:22Mais c'est vrai que vous allez continuer, vous n'avez pas
47:24question d'arrêter un jour ou l'autre ?
47:26Pas un seul instant, c'est quelque chose
47:28absolument impensable. D'abord pour commencer
47:30Houdini
47:32Houdini étant mort en
47:34décembre 2026
47:36pardon
47:38en 1926, en 2026
47:40c'est le centenaire de sa mort. Donc c'est le moment qu'on
47:42vise pour que l'opéra soit prêt.
47:44Il y a du travail.
47:46Et en attendant, si on peut voir
47:48si il est ok, je crois comme ça qu'on le dit
47:50on peut le voir en France
47:52le 8 décembre à Arcachon, le 10 décembre
47:54à Biarritz et le 14 décembre à Cannes
47:56et peut-être j'espère un jour à Paris.
47:58Moi aussi, je vous remercie beaucoup.
48:00Merci Laurent Petitgirard et puis continuez ainsi à défendre la musique
48:02parce que le finance est la seule chose que vous aimez.
48:04Oui, c'est une passion. Je n'ai pas de mérite
48:06mais je trouve que quand on a la chance de pouvoir
48:08gagner sa vie avec sa passion
48:10c'est le plus grand cadeau qu'on puisse avoir.
48:12Oui, et on évite les fausses notes de la vie
48:14le plus facilement du monde.
48:16Merci Laurent Petitgirard.
48:18Les clés d'une vie, c'est terminé pour aujourd'hui.
48:20On se retrouve bientôt. Restez fidèles
48:22à l'écoute de Sud Radio.

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