Tous les soirs Pierre de Vilno reçoit un invité qui fait l’actualité politique. Ce soir, Brice Hortefeux, ancien ministre de l’Intérieur et ancien ministre de l’Immigration.
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00:00Europe 1 Soir, 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:04Et je salue mes camarades de la première heure.
00:06Bonsoir Antonin André, chef du service politique du JDD.
00:09Je ne sais pas ce qui vous fait marrer comme ça, mais ce n'est pas grave.
00:11On a discuté avec Jean-Claude.
00:12On parlait de foot, c'est ça qui m'occupe.
00:15Ah bon, chroniqueur politique.
00:17Bruno Retailleux détaille son projet pour l'immigration.
00:21Le ministre de l'Intérieur veut rétablir le délit de séjour irrégulier.
00:24La fin de l'automaticité du droit du sol transformait l'AME en aide médicale d'urgence.
00:29L'allongement des délais de détention des étrangers clandestins jugés dangereux de 90 à 120 jours.
00:34Et puis une autre nouveauté que le ministre de l'Intérieur a présentée ce matin.
00:38Je nommerai, nous nommerons un missi domini si qui aura cette obsession,
00:42vous le saurez en temps voulu, de faire avec des pays tiers, des pays d'origine,
00:46des pays de transit, des accords bilatéraux.
00:49Et dès que ce sera possible, dans le cadre d'ailleurs d'accords européens.
00:53Et ça, c'est fondamental.
00:54Si je vais avec le président de la République la semaine prochaine au Maroc,
00:57c'est parce que c'est un grand pays, un grand pays ami.
01:00Et je pense qu'on peut parfaire, on peut accélérer un certain nombre de réadmissions et de retours.
01:05Le Maroc est un pays, encore une fois, sûr.
01:07Voilà ce qu'annonce Bruno Retailleau ce matin.
01:10Bonsoir Brice Hortefeux.
01:11Bonsoir.
01:12Merci d'être avec nous en direct sur Europe 1.
01:14Bruno Retailleau met le pied dans l'embrasure de la porte.
01:17Il veut faire de l'ordre avec les visas consulaires.
01:19Est-ce qu'il va y arriver ?
01:21Je pense qu'en tout cas, il en a la volonté et une volonté affirmée,
01:26forte, que j'ai pu mesurer.
01:28Puisque d'ailleurs, il m'a reçu cette semaine.
01:31Ce qui est certain, c'est qu'il fait face à une situation qui est une situation gravissime.
01:37Jamais il n'y a eu autant d'étrangers sur notre territoire.
01:40Jamais il n'y a eu autant de titres de séjour qui a été délivré.
01:44Plus de 320 000 l'année dernière.
01:48Je vous rappelle qu'à mon époque, c'était 192 000, ce qui était déjà beaucoup.
01:52Jamais il n'y a eu autant de demandeurs d'asile.
01:55En réalité, le chiffre exact, c'est 167 000, un peu plus de 167 000.
02:00À mon époque, là aussi, c'était 35 000.
02:03Donc, vous voyez le fossé.
02:05Et je ne parle pas de l'immigration illégale,
02:07puisque de l'aveu même du prédécesseur de Bruno Retailleau,
02:11on peut estimer qu'ils sont entre 600 et 1 million.
02:16Et que l'année dernière, il y en a 138 000 qui sont arrivés.
02:19Donc, ce qui m'a frappé chez Bruno Retailleau lors de cette rencontre,
02:24c'est la parfaite connaissance de la réalité.
02:28Il n'y a pas de déni chez lui.
02:30Il y a une connaissance et une volonté d'agir.
02:33Et d'agir en profondeur, d'agir fort et d'agir juste.
02:37Ce qui est déjà une première étape.
02:40Mais ça ne suffit pas avec le climat politique actuel.
02:44Le fait de faire des annonces est une chose,
02:46mais qu'elles passent, c'en est une autre.
02:48Oui, bien sûr.
02:50Vous évoquez le projet de loi,
02:52mais il a d'ores et déjà des moyens réglementaires pour agir.
02:59Vous évoquez aussi, à juste titre,
03:02ce déplacement prochain dans un pays du Maghreb, au Maroc.
03:08Le Maroc, il le dit avec raison et je peux en témoigner,
03:12c'est un pays grand, c'est un pays ami,
03:15c'est un pays sur lequel on peut compter,
03:17mais il y a une marge de progression en termes de délivrance des laissés-passés consulaires
03:22qui n'atteignent pas le millier.
03:24Donc, je suis convaincu que par, à la fois,
03:28la qualité des relations humaines,
03:31les relations historiques et la nouvelle politique qu'il y a,
03:35notamment à l'égard du Maroc,
03:37je suis convaincu qu'on peut améliorer et progresser.
03:40Mais la réalité aussi, elle est là.
03:43C'est suffisamment répété.
03:45Je pense qu'aujourd'hui, l'opinion en a compris.
03:47Quand on parle des obligations de quitter le territoire français,
03:50c'est 7% de manière générale.
03:53C'est-à-dire que 93%, ça ne fonctionne pas.
03:56Et je ne dis pas ça pour faire la comparaison
03:58quand j'étais ministre de l'Intérieur,
04:00parce que c'était 23%, ce qui était mieux,
04:02mais ce n'était pas franchement satisfaisant.
04:05Donc, c'est un problème récurrent.
04:07Anthony André, du JDD.
04:08Bonsoir, Brice Hortefeux.
04:10Je voulais avoir votre expertise sur les mesures
04:13qui ont été proposées par Bruno Rotailleau,
04:15et en particulier, je comprends fort bien
04:17le prolongement de la rétention en CRA
04:19de 90 à 210 jours,
04:21ce qui me paraît effectivement une mesure saine,
04:24compte tenu du fait que beaucoup de nos voisins européens
04:27ont des durées beaucoup plus longues que nous.
04:29Je m'interrogeais sur l'efficacité
04:31de revenir sur le droit du sol
04:33et sur le délit de séjour irrégulier.
04:35Je m'explique.
04:36Ne craignez-vous pas que ces mesures,
04:39plus que dissuasives et efficaces
04:41pour les migrants qui viennent aux portes de l'Europe,
04:44cela ne crée pas des contentieux supplémentaires
04:47qui compliquent encore la tâche
04:50et qui rajoutent encore des contentieux
04:52et des problèmes à un sujet
04:54sur lequel la priorité devrait être
04:56effectivement de renvoyer les EQTF,
04:59de sécuriser les frontières,
05:01et non pas de créer de nouveaux contentieux juridiques
05:04qui risquent d'engorger les tribunaux, voire les prisons ?
05:07Sur ce point, vous avez raison.
05:10Ce qui me frappe aussi,
05:12c'est que vous venez d'indiquer
05:16qu'il vous semblait une bonne mesure
05:18d'allonger la durée de rétention.
05:20Moi, je suis tout à fait sur cette ligne.
05:22Je pense que c'est aujourd'hui indispensable
05:24et qu'il ne faut pas être le mieux-disant européen,
05:28il faut être comme les autres pays européens.
05:30Je vous signale quand même
05:32qu'une journée dans un centre de rétention,
05:35ça coûte 600 euros.
05:37Donc quand on l'allonge, ça va avoir un coût.
05:39Vous savez qu'aujourd'hui,
05:41le coût de la politique migratoire,
05:45les efforts qui sont faits,
05:47c'est déjà 1,8 milliard.
05:49C'est-à-dire que l'effort...
05:51Mais sur la suppression du droit du sol,
05:53sur la création de nouveaux délits d'une certaine façon,
05:55est-ce que vous ne croyez pas que ça crée des contentieux supplémentaires ?
05:57On va créer des milliers de problèmes supplémentaires
05:59qui vont engorger les tribunaux
06:01et qui vont compliquer encore notre tâche.
06:03Oui, mais le délit,
06:05vous prenez aussi l'exemple du délit de séjour régulier,
06:07moi je crois à la force des symboles.
06:09Ne croyez pas que quand on prend une mesure,
06:12je parle d'expérience,
06:14comme étant ailleurs été ministre de l'immigration,
06:16quand on annonçait une mesure,
06:18ne pensez pas que c'était à usage interne.
06:20La mesure elle-même,
06:22elle est très vite répandue,
06:24elle est très vite connue
06:26et elle peut être dissuasive.
06:28Je pense qu'il y a un effet dissuasif
06:30qui est aujourd'hui essentiel
06:32dans la panoplie des mesures à engager.
06:34Je note que vous ne répondez pas sur le droit du sol.
06:36Jean-Claude Dassy avait une question pour vous.
06:38Oui, une question politique évidemment,
06:40monsieur le ministre.
06:42Est-ce que vous pensez que politiquement, ça peut passer ?
06:44Est-ce que vous redoutez
06:46un soutien modéré,
06:48pour ne pas dire très modéré,
06:50du président de la République,
06:52un discours vis-à-vis des macronistes de qualité moyenne ?
06:54Bref, est-ce que vous pensez que,
06:56tel qu'il est là, le projet de monsieur Retailleau
06:58peut être soutenu
07:00et voté à l'Assemblée Nationale ?
07:02Je sens dans votre question
07:04une forme de pessimisme.
07:06Ce n'est pas une question, c'est un édito.
07:08Non !
07:10Un édito à la consonnance...
07:12Je partage
07:14un avis très clairement,
07:16c'est que le président de la République,
07:18lors de la présente de la précédente loi,
07:20l'avait
07:22officiellement soutenu et en sous-main,
07:24dénoncé, torturé,
07:26et ainsi de suite.
07:28Aujourd'hui, tout le monde l'a compris,
07:30ce n'était pas une ficelle, c'était une grosse corde.
07:32Bref, c'est comme ça, mais c'est le passé.
07:34Aujourd'hui, c'est une nouvelle étape.
07:36Oui, je pense que Bruno Retailleau
07:38pourra s'appuyer sur une majorité
07:40à l'Assemblée, et je ne comprendrai pas
07:42que, par exemple, des députés
07:44macronistes, pour résumer,
07:46même si j'ai cru comprendre que maintenant,
07:48c'était une étiquette qui était contestée,
07:50y compris par le président de leur groupe,
07:52je ne comprendrai pas que
07:54les députés macronistes, par exemple, ne votent
07:56pas un texte rétablissant
07:58des mesures qu'ils ont adoptées, néanmoins,
08:00il y a quelques mois.
08:02Parfois, il faut espérer
08:04et croire en la cohérence.
08:06Et là, la cohérence voudrait
08:08que ce texte à venir
08:10soit adopté, et que surtout,
08:12il pousse en efficacité.