L'édito de Mathieu Bock-Côté : «Qu'est-ce que le «matraquage fiscal» ?»

  • il y a 12 heures
Dans son édito du 12/10/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur le budget et les finances de la France.

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Transcription
00:00Et face à Mathieu Bocoté, c'est parti.
00:01Cher Mathieu, on va commencer avec le budget.
00:05Est-ce qu'on peut parler de hold-up, de matraquage fiscal ?
00:08Du côté de Matignon, on ne veut pas du tout parler de ça.
00:10Michel Barnier l'a confirmé, il y aura des hausses d'impôts dans le prochain budget.
00:13Et pour les uns, elles sont nécessaires et même courageuses.
00:17Est-ce que c'est votre avis ?
00:19Et si tel n'est pas le cas, pourquoi ?
00:21Vous parlez de matraquage fiscal, peut-être.
00:24Moi, je serai plus précis, du moins je l'espère.
00:26Je parlerai de braquage fiscal.
00:29Le terme me semble plus adéquat.
00:31Je pense que derrière cette opération qui consiste à presser toujours davantage
00:37ce citron qu'on nomme contribuable jusqu'au dernier centime,
00:41il faut comprendre qu'il y a une forme de dérapage
00:43qui n'est pas simplement celui des dépenses publiques,
00:45mais d'une certaine conception de l'État.
00:47Allons-y, presque sur le signe de l'image.
00:50On dit souvent, vous savez, à la manière d'une blague,
00:52on dit qu'est-ce qu'une religion, c'est une secte qui a réussi.
00:55Eh bien, je dirais qu'est-ce que l'État, de manière moqueuse,
00:58c'est un gang qui a réussi,
01:00une mafia qui a réussi à éliminer tous ses concurrents
01:02et qui exerce dès lors un monopole sur ceux qui l'administrent.
01:06Comme toutes les mafias, il repose sur une raquette de protection.
01:10Vous savez, c'est la taxe de protection de la mafia, c'est le pizzo.
01:13C'est-à-dire, vous me donnez de l'argent en échange, je vous protège.
01:16Et si vous ne me donnez pas d'argent par ailleurs,
01:18vous risquez d'avoir des soucis avec moi.
01:20Alors là, on est dans une raquette de protection,
01:23tout cela de manière imagée, bien sûr, vous aurez compris.
01:26Mais je décris ce qui me semblait une dérive profonde.
01:29Une raquette de protection qui se veut double.
01:31D'abord, protection physique, c'est le grand récit du Leviathan de Hobbes.
01:36C'est-à-dire, vous renoncez à la possibilité de la violence physique
01:40parce que l'État assurera la sécurité physique de tous.
01:43On peut constater aujourd'hui que malgré le braquage fiscal que nous connaissons,
01:48eh bien, nous ne sommes pas protégés physiquement.
01:50La première mission de l'État n'est pas assurée.
01:53Deuxième protection sociale, celle-là,
01:56c'est la protection, on pourrait dire, de la crèche à l'EHPAD.
01:59Tout au long de votre vie, vous serez protégés, vous serez instruits.
02:03L'État prendra soin de vous.
02:04Encore une fois, je crois qu'on peut constater
02:06l'échec de cette prétention à la protection.
02:09Alors, comment définir le rapport à l'impôt?
02:12J'aurai une image peut-être un peu brutale.
02:13Pour moi, ce qu'on pourrait appeler,
02:15et pour chacun d'entre nous de manière variée,
02:17c'est comme un toucher rectal avec un gant de crainte.
02:20C'est-à-dire, c'est une des opérations les plus désagréables
02:23que l'on peut ressentir dans la vie.
02:25À rigueur, vous me direz, c'est peut-être un passage
02:26chez le dentiste et c'est nécessaire,
02:28mais dans tous les cas, on préférerait s'en passer,
02:30surtout quand on comprend que l'État
02:32est dans une inflation de dépenses telles
02:35qu'il ne maîtrise plus rien.
02:36Ça, c'est ce qu'on pourrait appeler
02:37l'incontinence budgétaire et fiscale.
02:40Alors, qu'est-ce qu'on voit en ce moment?
02:42On a un gouvernement qui nous demande de le dire courageux.
02:45Qui nous demande de le dire courageux
02:46parce que l'État regarde la situation
02:49et se dit, pour sauver les finances publiques,
02:51ce qui est une vraie nécessité,
02:52nul n'en doutera un instant,
02:54il y a encore de l'argent à aller chercher chez les Français.
02:58Il y a encore de l'argent qui dort.
03:00Il y a encore de l'argent qu'on peut prendre.
03:01Il y a des taux qu'on peut élever,
03:03des taxes qu'on peut élever,
03:05qu'on peut multiplier, qu'on peut ajouter.
03:07Et il y a aussi une catégorie de personnes
03:10qui n'ont pas assez de données, apparemment.
03:11C'est ceux qu'on aime présenter comme les super riches.
03:14Et là, ça, c'est la grande ruse du discours présent.
03:18C'est qu'on dit aux classes moyennes, sentez-vous rassurées.
03:20Ce n'est pas pour vous.
03:21Ce n'est pas vous qui allez casquer cette fois-là.
03:23Ce n'est pas vous qui allez souffrir.
03:25Ceux qui vont souffrir, ce sont ceux qui sont au sommet.
03:28Et là, on les présente comme les accapareurs.
03:31On les présente comme ceux qui ont confisqué le bien de tous.
03:34Et c'est une rhétorique particulièrement efficace.
03:36Pourquoi?
03:37Parce qu'elle laisse croire aux classes moyennes
03:38qu'elles sont épargnées.
03:39Elles se disent, pour peu que quelqu'un souffre davantage
03:42que je ne souffre, alors ce n'est pas grave.
03:44Mais le problème, ce qu'elles oublient,
03:46c'est qu'elles sont déjà dans cette situation
03:49particulièrement de pressurisation fiscale,
03:51de matraquage fiscal.
03:52Mais puisque d'autres souffriront encore plus,
03:55eh bien, elles se disent, ça ne va pas si mal.
03:58C'est la logique du socialisme qui nous revient.
04:01Mais c'est le socialisme de droite.
04:03C'est-à-dire, on pourrait dire que c'est l'universalité
04:05du socialisme dans le monde occidental.
04:07Socialiste de gauche, socialiste de centre,
04:08socialiste de droite.
04:10Donc, mieux vaut être, du point de vue de ce socialisme,
04:13mieux vaut être également pauvre qu'inégalement riche.
04:16C'est ce qu'on appelle généralement la justice sociale.
04:18Pourtant, Mathieu Michel Barnier a décidé de placer
04:21le rétablissement des finances publiques
04:23au cœur de l'agenda politique.
04:25Il faut l'en féliciter ou pas ?
04:28Eh bien, il faut le féliciter assurément,
04:29de considérer que c'est une question fondamentale.
04:31Ensuite, on pourrait raconter l'histoire,
04:33ces dernières années, de ceux qui ont sonné l'alarme
04:35en disant que c'était fondamental.
04:37Et chaque fois, chaque fois,
04:39on décidait de ne pas les écouter.
04:41Là, on ne peut plus faire autrement.
04:42Mais ça nous rappelle le rôle de la droite
04:44dans un système qui est celui du socialisme mental,
04:47pour reprendre une formule que plusieurs utilisent ces temps-ci.
04:50Donc, quelle est la fonction de la droite là-dedans ?
04:51C'est que la gauche dépense, dépense, dépense encore,
04:54ne cesse de convertir les caprices et besoins
04:57des uns des autres en droits fondamentaux
04:59qui doivent être assurés par l'État
05:01et par la dépense publique.
05:03Et lorsque ça éclate trop, lorsque ça déborde de partout,
05:06lorsque l'obésité morbide de l'État est confirmée,
05:10on demande au docteur droite de se présenter
05:12pour faire quelques corrections,
05:14pour faire quelques rapiessages.
05:16Autrement dit, les années bisextiles,
05:18ou une année bisextile sur deux,
05:19on demande à la droite de rétablir les comptes publics.
05:22Et là, c'est quoi la logique ?
05:23On nous le dit, c'est là qu'on a le visage austère
05:26de la, on pourrait dire, des contrôleurs de l'État.
05:30On dit, bon, désormais, il faut taxer plus,
05:32mais c'est pour votre bien.
05:33Nous allons vous imposer davantage pour votre bien.
05:36Et on se dit, on dépense...
05:37Et il y a quelques fois, la droite,
05:39ça nous dit, oui, oui, on pourrait dépenser moins.
05:41Et si on dépensait moins, on taxerait moins.
05:44C'est tout à fait exact,
05:45mais on a compris que cette formule ne fonctionne pas,
05:47nulle part en Occident.
05:48Vous savez, quand on nous dit qu'on coupe les dépenses,
05:50en effet, c'est qu'on ralentit l'augmentation des dépenses.
05:53Il faut juste comprendre,
05:53quand on nous dit, vous coupez dans les dépenses,
05:55ça veut simplement dire,
05:56vous allez continuer de dépenser trop,
05:57mais moins rapidement,
05:59mais toujours dans la même direction.
06:00Alors, je pense qu'il faut inverser la formule.
06:03Il faut se dire, comme plusieurs l'ont suggéré au fil du temps,
06:05il faut taxer moins pour dépenser moins.
06:08C'est-à-dire qu'il faut rétrécir les capacités d'action,
06:12les capacités de confiscation, de braquage fiscal de l'État.
06:16Il faut limiter ses prétentions,
06:17son périmètre d'action politique.
06:19Pourquoi?
06:20Eh bien, tout simplement parce que l'État,
06:22c'est un monstre administratif, en quelque sorte,
06:25le monstre administratif qui toujours croit,
06:28toujours s'étend.
06:29D'ailleurs, c'est la théorie du choix public,
06:31vous savez, en sciences politiques.
06:32En sciences politiques,
06:33cette théorie du choix public nous disait,
06:34l'État n'est pas l'incarnation de l'intérêt général,
06:37quoiqu'ils en disent.
06:38Il est, trop souvent, un intérêt particulier parmi d'autres
06:41qui a intérêt à toujours s'étendre,
06:44s'étendre davantage en multipliant ceux qui en dépendent,
06:48en multipliant ceux qui vivent de lui,
06:50en multipliant ceux qui ont besoin de lui.
06:52C'est la logique de l'assistanat généralisé,
06:54qui, soit dit en passant,
06:56ne touche pas que les assistés pointés du doigt publiquement.
07:00Quand des grands patrons, par exemple, nous disent
07:02qu'on a besoin d'immigration massive
07:05pour la pénurie de main-d'oeuvre,
07:06ils demandent une subvention déguisée
07:08pour ne pas avoir à faire des gains de productivité
07:10dans leur entreprise.
07:11Ayons toujours ça à l'esprit.
07:12Donc, quoi qu'il en soit, il faudrait, c'est la logique,
07:14ce qu'on appelle aux États-Unis, starve the beast,
07:17c'est-à-dire affamer la bête,
07:18obliger l'État à avoir moins de ressources
07:21pour éviter qu'il ne se disperse en mille opérations.
07:24D'autant, d'autant, et autrement dit,
07:26le contraindre ensuite à la vraie rigueur budgétaire,
07:28d'autant que, dans la deuxième moitié du 20e siècle,
07:31il faut l'avoir à l'esprit,
07:33on a vu, en Occident,
07:34l'État a quitté ses fonctions régaliennes fondamentales,
07:36celles pour lesquelles il a une mission
07:38vraiment fondamentale,
07:39il ne s'est pas contenté d'ajouter
07:41quelques missions sociales,
07:42donc soigner les gens et les éduquer.
07:44Si c'était ça, on l'accepterait tous, évidemment.
07:46Non, il a transformé la société
07:49en une forme de champ d'expérimentation
07:52sociale et idéologique permanent.
07:53C'est la logique, encore une fois,
07:54du socialisme, de la sociale-démocratie,
07:56du wokeisme aujourd'hui.
07:57Donc, les ressources de l'État sont utilisées
07:59pour sans cesse réformer la société,
08:01transformer la société, réorienter la société,
08:04et surtout quand la population est réfractaire
08:06par rapport aux choix qu'on lui propose,
08:08enfin, aux orientations qu'on lui propose.
08:10Donc, on vampirise le commun des mortels,
08:12on le taxe, on l'impose,
08:14on le détrousse, on prend son argent
08:16pour fournir ensuite un État administratif
08:19idéologique qui se donne pour tâche
08:21de rééduquer le commun des mortels.
08:23Et de ce point de vue, j'y reviens,
08:25ce qui nous manque dans notre esprit,
08:27c'est vraiment la logique d'un État
08:28qui a perdu le sens de ses véritables missions,
08:31de ses missions fondamentales
08:33que nous nous reconnaissons tous.
08:34Mais aujourd'hui, on est à ce point,
08:36on a à ce point intériorisé les catégories
08:38diges du socialisme mental
08:39que même la droite au pouvoir se dit,
08:42fonctionne comme la gauche,
08:43en disant qu'il y a encore et encore
08:45matière à taxer et celui qui le refuse
08:47est un égoïste comme d'habitude.
08:49Donc, selon vous, il faut moins réformer
08:52la pratique de l'État que sabrer dans les dépenses?
08:54Je pense que c'est un principe de base aujourd'hui,
08:56un principe de survie.
08:57En fait, il y a cette idée qui me semble simple,
08:59c'est il y a les dépenses inutiles,
09:01nous les connaissons,
09:01c'est le multiétagé administratif
09:03qui finit par ailleurs
09:04par étouffer l'activité économique,
09:06ça compte, soit dit en passant, dans tout cela.
09:08Mais il y a aussi des dépenses nuisibles
09:09pour reprendre le concept
09:10qui circule de plus en plus.
09:12Donc, lorsque l'État, par exemple,
09:14finance ses associations militantes
09:16à coût de millions, sinon de milliards,
09:18des associations qui poursuivent ensuite l'État
09:20pour l'empêcher de faire son travail
09:21lorsqu'il y a des questions d'immigration
09:23ou d'autant d'autres questions,
09:24eh bien, l'État lui-même finance
09:27ce qui l'empêche d'exercer sa mission véritable.
09:29Donc, les lieux de coupe sont nombreux.
09:32C'est les dépenses,
09:34on pourrait donner un exemple olympique,
09:35les dépenses pharaonaises
09:37pour nettoyer la Seine,
09:38on a vu le résultat, succès, bravo,
09:40mais tout ça, c'est de l'argent public,
09:41le vôtre, celui d'Arthur, le mien.
09:43Alors, quand on voit tout cela,
09:44j'ai l'impression qu'il y a un moment
09:46de révolte mentale,
09:48pas politique, évidemment nécessaire,
09:49qui consiste à dire
09:50cette philosophie ne fonctionne pas.
09:51Le tout à l'État ne fonctionne pas
09:53parce que quand l'État promet tout,
09:54il se donne le droit de tout vous prendre,
09:56ou presque.
09:57Y aura-t-il révolte des contribuables?
09:59Il y en a eu dans l'histoire de France.
10:00Est-ce qu'il y en a eu à l'horizon?
10:02La dernière, c'est celle des gilets jaunes.
10:03Bon, pour pas tuer, on oublie,
10:05les gilets jaunes, il y avait une révolte
10:07contre une taxe de plus
10:08qui écrasait la mobilité
10:10du commun et mortel.
10:11Je note, soit dit en passant,
10:12que les gauches municipales,
10:13aujourd'hui, rêvent de réduire
10:14la mobilité du commun et mortel
10:16et rêvent d'interdire
10:17à ce qu'ils voient comme les péquenots
10:18leur entrée dans les grandes villes
10:20en disant que leurs voitures
10:20ne sont pas à la hauteur
10:21des standards écologiques
10:22des temps présents.
10:23Mais il se peut que le contribuable
10:29qu'on vole toujours
10:30davantage son voisin,
10:33ce qui m'oblige à redire
10:34cette formule qu'on devrait
10:36avoir à l'esprit.
10:37C'est une boutade,
10:38bien évidemment,
10:39mais j'aime dire quelquefois
10:40qui paie ses impôts
10:41vole sa famille.
10:42Il faut payer ses impôts,
10:43il faut respecter la loi,
10:45mais qui paie ses impôts
10:46vole sa famille.
10:46Je pense que c'est le ressenti,
10:48comme on dirait aujourd'hui,
10:49de plusieurs.

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