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Dans son édito du 06/11/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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Transcription
00:00Et c'est un véritable effroi, il faut le noter.
00:02D'un côté, on a l'habitude de dire, on débat gauche-droite, gauche-droite.
00:06Mais ce n'est pas exactement ça dont il est question aux États-Unis aujourd'hui.
00:09On est plutôt devant un clivage entre l'oligarchie et une révolte populaire.
00:15Et on s'entend, je ne dis pas que tous les torts sont d'un côté et tout le bien est de l'autre.
00:19Il y a toujours, c'est une vision réductrice de la politique de dire que c'est le bien et le mal.
00:23Mais voyons comment ceux qui se reconnaissent en Trump le voient.
00:27D'un côté, vous avez la coalition de Kamala Harris qui a un programme, contrairement à ce qu'on dit.
00:30Elle a un programme, mais c'est un programme, on pourrait dire à la française, un Terra Nova à l'américaine.
00:35Donc c'est l'oligarchie, les élites de la côte Est, de la côte Ouest,
00:38et l'appui d'une coalition de minorités qui sont censées porter Kamala Harris.
00:43Ensuite, il y aurait des nuances à ajouter, mais disons que c'est sa coalition.
00:46Donald Trump, de l'autre côté, disons-le méchamment, c'est l'alliance d'Oprah Winfrey et de sa femme de ménage.
00:52Et ça, c'est l'alliance aujourd'hui qui soutient Mme Harris.
00:56De l'autre côté, Donald Trump dit « Je ne suis pas le porteur d'un projet politique comme un autre.
01:01Je ne suis pas seulement, je ne veux pas gérer autrement ce qu'ils ont construit.
01:05Je veux déconstruire un système qui nous plombe, qui nous fait mal, un système qui sert mal les Américains. »
01:14Donc qu'est-ce qu'il dit, et c'est au cœur de sa campagne, il dit « Je suis préparé, moi, à changer,
01:18il appelle ça, on va assécher le marécage, on va se délivrer d'une classe politique
01:23qui s'est plantée et nous a plantés avec elle à Washington. »
01:27Donc dans son projet à Trump, il dit par exemple « On va défaire l'état administratif. »
01:31L'état administratif, qu'est-ce que c'est ? C'est l'hyper, giga, maxi-bureaucratie construite à partir de Washington
01:38qui, dans les faits, n'a cessé de s'étendre depuis un siècle maintenant, environ.
01:42Il dit « Cette bureaucratie-là s'est emparée de vos vies, exerce un pouvoir sur vos vies sans légitimité.
01:48Je vais travailler à la déconstruire. Peut-être trop, peut-être de manière exagérée.
01:52Mais c'est son projet.
01:53L'immigration, il dit « Il faut en finir avec l'immigration, illégale, mais aussi légale. »
01:59Et il annonce un plan de déportation massif.
02:01Alors on comprend qu'en anglais, le mot « déportation » n'a pas le même sens qu'en français,
02:04ça n'a pas la même signification historique, ayons-là à l'esprit, évidemment.
02:07Robert Kennedy Jr., dont on a un peu parlé ici, qu'est-ce qu'il dit ?
02:11Il dit « Nous, on a un problème avec Big Pharma aux États-Unis, avec le lobby pharmaceutique qui est très puissant. »
02:15Il prend un appui sur l'expérience de la COVID, mais pas seulement.
02:18Et son propos, puis Kennedy est un excentrique à sa manière,
02:21mais il dit aussi qu'on a un problème aux États-Unis,
02:23un problème d'obésité morbide dans ce pays.
02:26C'est un pays formidable. Quand je vais là, je me sens mince. J'adore ça.
02:29Mais c'est un pays...
02:32Il est mort, maintenant, il est trop mécanique.
02:33On ne le voit pas, en fait. Il était interdit de séjour.
02:36Mais ce qui est fascinant, c'est que c'est un pays qui a un vrai problème de santé publique,
02:39un vrai, vrai problème, à la crise des opioïdes.
02:42Donc voyons tout ça, et Kennedy dit qu'on doit changer d'approche par rapport à ça.
02:46On peut penser qu'il va trop loin, on peut penser qu'il ne fait pas assez confiance
02:49au pharma, au progrès de la science, mais ayons à l'esprit
02:52que c'est un diagnostic qui n'est pas complètement insensé.
02:55Il y a Elon Musk, bien sûr, qui est la figure aujourd'hui de l'anti-wokisme
02:59et de la défense de la liberté d'expression dans un pays qui veut la restreindre.
03:03Et sur la question de la guerre, la politique étrangère,
03:05Charlotte va nous en parler, mais on a un pays où le complexe
03:08militaro-industriel, pour reprendre la formule d'Eisenhower,
03:11a un pouvoir immense, et un complexe militaro-industriel,
03:14de temps en temps, a besoin de voir ses commandes alimentées.
03:18Et pour certains, je ne dis pas pour tous, pour certains,
03:21la guerre d'Ukraine était une occasion pour ce complexe de réactiver son pouvoir
03:25et pour une certaine conception de la politique américaine impériale
03:28de se redéployer. Trump ne dit pas « je suis contre l'Ukraine »,
03:31il ne dit pas « je veux larguer l'Ukraine », il dit « on ne peut pas
03:34s'engager dans une guerre sans fin qui, à terme, nous appauvrit tous ».
03:38On peut penser qu'il a tort, mais on comprend, cela dit,
03:41que tout ça, c'est une série de ruptures qui vont au-delà
03:44d'un changement de gouvernement ordinaire, et on peut comprendre
03:48de ce point de vue que les élites américaines veulent le trucider,
03:51politiquement, évidemment, bien que certains veuillent aller un peu plus loin.
03:54Dernière question. Certains disent sur les réseaux sociaux
03:57« Donald Trump, il est contre l'IVG, il est contre le climat,
04:00il plante l'économie internationale, comment peut-on oser le soutenir ? »
04:03Est-ce que Donald Trump peut être considéré comme un modèle
04:06pour les droites populistes européennes ? Deux questions en une.
04:09Alors, la caricature qu'on en fait me semble assez faussée.
04:13Il y a assez de choses qu'on peut critiquer chez ce personnage-là.
04:16Permettez-moi, les extraits que l'on voit de Donald Trump,
04:19ce sont des extraits vifs, je l'envoyais...
04:22Je vais vous répondre là-dessus. Sur ce point-là en particulier,
04:25voyez la séquence qui, à mon avis, relève de la fake news
04:28médiatiquement fabriquée ces derniers jours.
04:31On dit « Donald Trump a dit qu'il veut fusiller Liz Cheney
04:34si jamais il prend le pouvoir, il veut la fusiller ».
04:37S'il veut vraiment ça, il faut en finir tout de suite avec ce personnage inquiétant.
04:40Mais ce n'est pas du tout ce qu'il dit. Si vous regardez l'ensemble de la déclaration,
04:43on voit quelqu'un qui, pendant des années, fait partie de la bande néo-conservatrice
04:46qui envoyait nos petits gars se faire descendre un peu partout,
04:49qui envoyait toujours des gens faire la guerre à sa place.
04:52Que dirait-elle si elle se retrouvait dans la situation de ces petits gars
04:55avec, elle aussi, des gens qui pointent des armes devant elle ?
04:58Les médias découpent que Liz Cheney pourrait avoir avec elle
05:03des gens qui ont des armes devant elle.
05:06Donald Trump veut la tuer. On a fabriqué une fake news grossière,
05:10grossière, grossière. Mais ce n'est pas la seule.
05:13Encore une fois, ce n'est pas qu'il n'est pas critiquable.
05:16J'ai compris le critiquer honnêtement. Ce n'est pas la même chose.
05:19Est-ce que c'est un modèle ? Je pense que Trump est irréductiblement américain.
05:22Trump, ce n'est pas un Américain nostalgique de l'Europe.
05:25C'est un Américain, Américain, Américain.
05:28Donc, ça ne peut pas être un modèle en tant que tel, évidemment.
05:31Pour les droits européens.
05:34Dans le contexte américain, on pourrait dire que devant l'oligarchie,
05:37il représente une tentation césarienne à l'américaine.
05:40C'est-à-dire, je serai l'homme allié à son peuple pour être capable
05:43de casser le régime des partis de l'oligarchie qui nous a fait tant de mal.
05:46On pourrait dire, de ce point de vue, c'est une structure psychologique un peu gaulliste.
05:49Bien qu'on ne le compare pas au général de Gaulle, évidemment.
05:52Des leçons en tirées, en quelques mots.
05:55Il ne se soumet jamais au code de respectabilité de la gauche.
05:58Fight, fight, fight. Il ne cède jamais. Il attaque.
06:01Il assume une posture insurrectionnelle. Il ne recherche pas la notabilisation,
06:04mais le conflit ouvert. Il marque une rupture de fond avec la politique dominante.
06:07On peut apprécier. On peut ne pas apprécier.
06:10On peut penser qu'il a tort ou qu'il a raison, mais on devrait d'abord chercher
06:13à comprendre ce qu'il porte et ce qu'il dit avant de dire,
06:16« Il me semble mauvais. Il n'est plus d'un pied. »

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