Dans son édito du 11/06/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]
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00:00Mathieu Bockcôté, c'est une journée, on le disait, très particulière pour le RR, pour la France, pour la droite.
00:06Le RR qui semble éclaté en morceaux, alors qu'Éric Ciotti annonce une alliance avec le RN,
00:12il voit certaines figures de son parti dénoncer sa décision,
00:15certaines allant jusqu'à même y voir une faute morale.
00:18Que se passe-t-il sous nos yeux ? Est-ce la fin du piège Mitterrand ?
00:22J'ai plutôt l'impression qu'il est en train de se refermer une fois pour toutes, j'y reviendrai.
00:26Mais fondamentalement, la journée a commencé.
00:30Il faut juste rappeler les événements, et je me mets dans la peau d'un électeur de droite pour un instant,
00:34je me dis qu'il a dû connaître une sale journée.
00:37La journée commence de quelle manière ?
00:39Avec cette idée que l'union des droites longtemps espérée par plusieurs va se consacrer,
00:44va être rendue possible, Éric Ciotti décide de la porter, il l'incarne.
00:49Et d'ailleurs, on comprend assez rapidement qu'il force le jeu,
00:52il décide de l'imposer à son propre camp en expliquant qu'il y a plus de points d'accord
00:58que de points de désaccord entre le RN et les LR, et dès lors cet accord est nécessaire.
01:04Tu as fait une petite parenthèse, je rejoins ce qu'a dit Marc tout à l'heure,
01:07une remarque très intéressante que personne n'a soulignée, le fait qu'il dit « je propose ».
01:11Il ne dit pas « je décide à la place du LR ».
01:13Je pense que personne n'est en position de décider à la place de qui que ce soit en ce moment,
01:17et encore moins du RN, j'ajouterais.
01:19Or, très rapidement, on comprend qu'il y a une montée en fait, en puissance,
01:25de tous les ténors de LR qui dénoncent cela, et là il y a deux lignes de dénonciation
01:29chez les LR de cette proposition d'alliance.
01:32Il y a la ligne qu'on pourrait appeler pragmatique, c'est la ligne Bellamy, Retailleau, Marlex,
01:37qui globalement dit « nous tenons », et celle de Wauquiez aussi,
01:40qui se dit probablement, je reviendrai dans un instant, mais que c'est là que...
01:43Laurent Wauquiez, oui je sais, qui se dit probablement dans son scénario
01:49« le RN prend le pouvoir, il s'effondre en 2027 et je suis le recours ».
01:53Donc c'est le courant de cette droite qui dit « nous ne voulons pas nous y associer,
01:57bien qu'on verra si on doit choisir ».
01:59Bellamy, dans le texte qu'il a écrit sur sa page, sur son blog, nous explique que
02:04« partout il faudra faire un choix, nous devrons toujours faire barrage à cette alliance d'extrême gauche ».
02:09Donc Bellamy dit « s'il le faut, je choisirai », comme il avait dit au moment de la présidentielle,
02:13deuxième tour, Macron, Zemmour, je vote Zemmour.
02:16Il avait dit ça, mais pour l'instant, il y a un refus pragmatique de l'alliance,
02:20qui se dit « on ne veut pas parce qu'on va se perdre dans cette coalition,
02:23nous devons conserver notre originalité pour devenir le recours quand le RN se perdra ».
02:27Il y a l'autre ligne, qui est la ligne indignée.
02:30Ça c'est la France indignée du jour, c'est Xavier Bertrand, Jean-François Copé,
02:35qui eux considèrent que ceux qui voudraient une telle alliance vont perdre leur âme.
02:39C'est la formule aussi de Valérie Pécresse.
02:42Certains disent « mieux vaut perdre une élection que de perdre son âme ».
02:45Ils nous font du Michel Noir, 1988, mes versions 2024.
02:49Donc j'aimerais savoir de quelle manière on perd son âme si on décide d'une telle alliance.
02:53Il doit y avoir des critères objectifs de la perte de l'âme et du rachat de l'âme.
02:57J'aimerais les connaître.
02:58Quoi qu'il en soit, on nous explique que la possibilité d'une telle alliance,
03:01c'est la compromission totale.
03:03C'est celui qui accepterait cette alliance, donc il faut la refuser à tout prix.
03:06Donc les LR se divisent, soit par « on veut continuer d'exister »,
03:09soit par « non, on ne touche pas aux sales galeux du RN ».
03:12Par ailleurs, cette idée que c'est une transgression absolue
03:15est portée aussi par une partie de la majorité,
03:18notamment Gérald Darmanin qui a dit, globalement, d'Éric Ciotti,
03:21que c'était l'équivalent des accords de Munich au temps présent.
03:24Je précise que les accords de Munich, c'est les accords avec Hitler, avec les nazis.
03:27Ce n'est pas des gentils dans l'histoire, on en comprend.
03:30On comprend qu'il y a une nazification explicite et revendiquée du RN
03:35dans le scénario présent par Gérald Darmanin.
03:38Donc il nous dit, parler à ces gens-là, c'est décider de fricoter
03:41avec les nazis de notre temps.
03:43Quant à Bruno Le Maire, il a décidé de prendre une ligne un peu différente.
03:46Lui, il est sur l'anticommunisme militant.
03:48Il a dit comment s'allier avec la liste du RN,
03:51qui a un programme économique marxiste.
03:54Marxiste, dit-il, et en plus, il joue la carte de la honte
03:57en disant comment c'est la honte absolue d'oser s'associer à ces gens.
04:00Donc Éric Ciotti est aujourd'hui très isolé, c'est le moins qu'on puisse dire.
04:05Il reste à voir qui il peut amener avec lui.
04:08Peut-être va-t-il mobiliser ses soutiens demain
04:10ou peut-être, dans les faits, est-il en train de devenir le Charles Millon
04:13des temps présents.
04:15Charles Millon s'en souvient, 1998, je ne me trompe pas, les régionales.
04:18Les régionales, c'était la possibilité de faire des alliances
04:22entre la droite et le FN de l'époque.
04:25Millon porte cette alliance et finalement,
04:27il est condamné par à peu près tout le monde.
04:29Il y en avait deux autres, de mémoire Poisson et Blanc,
04:32qui sont condamnés.
04:33Désormais, si vous voulez une telle alliance,
04:35vous serez traité comme des parias absolus.
04:37Vous parliez de piège Mitterrand.
04:39C'est-à-dire, qu'est-ce que vous entendez par là ?
04:41Diviser pour mieux régner ?
04:42Il y a eu plusieurs lois analysées au fil du temps.
04:44En gros, c'est cette idée, on va casser la droite en deux.
04:47On va avoir d'un côté une droite, qui est la droite de conviction,
04:50qu'on va extrême-droitiser en la fascisant et en la nazifiant.
04:53Et dès lors, si on est devant des fascistes et des nazis,
04:55on parle pas, on cogne.
04:56Et de l'autre côté, il y aura la droite dite classique,
04:59qui sera hypnotisée intellectuellement,
05:01hypnotisée mentalement par la gauche,
05:03et qui dira, nous, on est d'accord avec la gauche
05:05sur les objectifs, mais pas sur les moyens.
05:07Et cette part de la droite va considérer
05:09qu'elle va être la gardienne, en fait, de la frontière
05:11avec ceux qui les appellent l'extrême-droite,
05:13en disant, vous ne pouvez pas leur toucher
05:15si vous les intégrez dans le jeu politique,
05:17vous faites rentrer à nouveau les fascistes et les nazis
05:20dans la vie politique française.
05:22Je note une chose, ce piège est encore très efficace,
05:24il n'est pas en train de tomber, il est plus puissant que jamais.
05:27Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on a vu?
05:29Quand on a vu tous les cadres LR se liguer ensemble
05:32pour expliquer que toucher du doigt au RN,
05:35c'était l'autre nom de la corruption de l'âme,
05:38eh bien, ils nous disent que ce piège fonctionne plus que jamais
05:41et il est reconduit.
05:43Je pense que le bilan de cette journée, en quelque sorte,
05:45là, j'y vais rapidement, c'est une forme de sectarisation.
05:48Un petit détail, la notion du cordon sanitaire,
05:51est tellement efficace qu'aujourd'hui,
05:53même le RN a besoin de son cordon sanitaire avec Reconquête.
05:56Donc, c'est pour la preuve qu'on est véritablement
05:58devenus pleinement respectables,
06:00parce qu'on a nos propres démons à nous.
06:02Mais qu'est-ce qu'on a aujourd'hui, finalement?
06:04On a d'un côté l'enfermement idéologique...
06:06Pardonnez-moi, le sectarisme un peu du RN
06:08qui dit que c'est à nous seuls,
06:10on a l'enfermement idéologique de Reconquête
06:12qui dit qu'on est seuls à avoir la vertu
06:14et on a les LR qui nous rappellent, à certains égards,
06:16qu'ils ne sont jamais décevants en matière de lâcheté,
06:18si on est un homme de droite,
06:21alors qu'à gauche, ils n'ont pas de tel problème.
06:23Justement, à gauche, ils ne semblent pas avoir
06:25de grande réserve à s'unir.
06:27C'est le moins qu'on puisse dire.
06:29Aujourd'hui, Charnotte le disait,
06:31c'est scandaleux, cette union, comment osent-ils?
06:33Mais ce sont des gragnons à gauche.
06:35Ils sont capables de s'entendre, de s'unir.
06:37C'est un principe de la double amputation aujourd'hui.
06:39On ampute Mélenchon, de toute façon,
06:41lui, il veut 2027, on ampute Glucksmann,
06:43de toute façon, il a parti au fond de lui-même
06:45au bloc central avec les Cas9 et ainsi de suite.
06:47On va unir les parties.
06:49L'espace, on s'en fiche.
06:51La théorie sur l'accusation de racisme systémique
06:53à l'endroit de la France, on s'en fiche.
06:55L'antisémitisme, on s'en fiche.
06:57De tout cela, on s'en fiche.
06:59On est capables de s'unir.
07:01On est capables de se rassembler.
07:03Je conclurai en disant qu'il ne serait pas surprenant,
07:05le 7 juillet, de voir la gauche l'emporter.
07:07Soyons sérieux, ces gens-là savent s'unir.
07:09En devant une liste de gauche et la dispersion
07:11des listes de droite, prenons au sérieux
07:13le fait que ces gens-là savent faire de la politique.