SMART IMPACT - Développer un tourisme écoresponsable

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7,4% du PIB. Ce qui en fait un levier de transformation majeur. Afin de permettre que le secteur s’adapte correctement au changement climatique, la société Luniwave a développé un système pour réduire la consommation d’eau des clients des hôtels. Léonard Grynfogel, un de ses cofondateurs, nous présente cette solution basée sur les sciences comportementales.

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Transcription
00:00Comment développer le tourisme écoresponsable ? C'est le Zoom de ce Smart Impact avec Léonard Grinfogel. Bonjour.
00:13Bonjour Thomas.
00:14Bienvenue. Vous êtes cofondateur, président de l'Uniwave. Vous l'avez créé il y a deux ans et demi, en 2022.
00:21Je commence par un constat, le bilan carbone du tourisme en France. Le secteur pèse 11 % des émissions de gaz à effet de serre,
00:29alors qu'il pèse 7,4 % du produit intérieur brut. 11 % des émissions, 7,4 % du produit intérieur brut.
00:37Ça s'explique d'abord par quoi ? Par les transports, en général ? C'est ce qu'on peut comprendre ?
00:41C'est ça. Majoritairement les transports et de manière plus globale, toutes les consommations des touristes.
00:48C'est-à-dire qu'on a beau faire un maximum d'efforts, tant que les touristes ne viendront pas réduire leur consommation.
00:52Des choses toutes bêtes, mais on va consommer deux fois plus d'eau quand on est à l'hôtel, on va gâcher deux fois plus de nourriture.
00:58Toutes ces choses-là font que c'est un impact carbone beaucoup plus important que le quotidien des Français.
01:03C'est intéressant. C'est de l'ordre du comportement du consommateur. Je suis à l'hôtel, j'ai payé ma chambre, donc je surconsomme.
01:12Exactement. Quelque part, ça se comprend. C'est souvent des moments qui sont exceptionnels pendant l'année.
01:17On a payé sa chambre un petit peu cher, on a envie de se faire plaisir, donc on va passer plus de temps, on va se détendre.
01:22Donc ça se comprend. Mais pour autant, c'est un impact qui est quand même conséquent.
01:26L'hébergement dans ce bilan carbone, ça pèse une part beaucoup moins importante.
01:33Mais quelle est cette part ? Et puis surtout, on va parler pas mal des hôtels, des chaînes hôtelières.
01:38C'est sur cet élément-là que les chaînes hôtelières ont un pouvoir, un levier d'action.
01:44C'est ça. En fait, ça pèse une partie qui est certes moindre que celle des transports, mais qui est quand même importante.
01:49Et c'est surtout la partie qui va être quelque part la plus facile à diminuer.
01:53C'est-à-dire qu'il y a des enjeux qui sont des enjeux à l'échelle de la société, de prendre moins l'avion, de prendre moins le train.
02:00On va dire que c'est compliqué quand même d'agir et il y a plein de choses qui sont faites.
02:03Mais une fois qu'on est dans notre hébergement, comment est-ce que là, on réussit à avoir des petites actions
02:07qui vont avoir à l'échelle d'un pays, à l'échelle d'une chaîne d'hôtels, un impact qui va être suffisant sur le bilan carbone ?
02:12Et c'est là que vous intervenez avec l'UniWave. Vous l'avez créé à quelle idée ? C'est quoi le point de départ ?
02:17Alors, c'est un point de départ qui est toujours un petit peu marrant. J'aime bien raconter cette histoire.
02:21On est trois à avoir cofondé l'UniWave, donc Hélo, Arthur et moi. Et au début de nos études, on était en colocation ensemble.
02:28Et je vous laisse imaginer une colocation de trois garçons qui viennent de sortir de chez leurs parents.
02:33Autant vous dire que c'était un petit peu compliqué.
02:36J'ai vécu ça aussi. Très bien.
02:37Voilà. Et donc, l'idée qu'on avait chez nous pour avoir un endroit où vivre qui était propre et durable,
02:43c'était de, chaque fois qu'il y en a un qui faisait une bonne action, donc par bonne action, j'entends vider de la vaisselle, sortir les poubelles,
02:48on avait un petit tableau, on mettait un petit trait et à la fin du mois, celui qui avait fait le plus de bonnes actions,
02:53on se cotisait, on s'offrait un verre ou un restant.
02:56Et en fait, ça a hyper bien marché chez nous, le fait de venir récompenser les bonnes actions plutôt que de punir les mauvaises.
03:02Et on a parlé autour de nous jusqu'à ce qu'on en parle au père d'un ami qui était hôtelier et qui nous dit « Mais attendez, là, moi, ça me parle ce que vous faites.
03:07Et ça a du sens ». On parle comme ça à une trentaine d'hôteliers. On comprend un peu plus leurs enjeux. Et là, on se dit « OK, il y a vraiment quelque chose ».
03:14Et c'est à ce moment-là qu'on s'est lancé.
03:15Et donc, vous vous lancez sur quel service, sur quelle proposition en fait avec l'Uniweb ?
03:20C'est ça. Nous, la proposition initiale, c'est celle-ci de venir réconcilier l'écologie et le tourisme et de venir vraiment améliorer l'expérience client
03:31à travers l'écologie. Peu importe l'engagement écologique de la personne en face. Réussir vraiment à se dire qu'on vient améliorer l'expérience client et c'est que du bonus.
03:38Donc, venir récompenser les bonnes actions plutôt que de punir les mauvaises.
03:42Donc, après cette histoire, on a parlé à plein d'hôteliers, on s'est rendu compte des réalités du secteur.
03:46Et ces réalités, c'est globalement le boulot d'un hôtelier, c'est de faire dormir des gens, à la rigueur, les faire manger, mais ils ont peu de temps consacré à l'arrêt.
03:55Donc, comment est-ce qu'on arrive à proposer une solution qui soit facile, qui ne soit pas coûteuse de leur côté, qui soit facile à implémenter
04:00et qui ait un impact, qui soit visible par les clients ?
04:03Donc, une fois qu'on avait tous ces enjeux en tête, on se lance, on cible la plus grosse source de consommation d'un hôtel, en termes à la fois d'eau et d'énergie,
04:13qui est donc la douche. C'est un impact qui est très, très fort. Ça correspond à pratiquement 60% de l'eau consommée et c'est de l'eau qui est chauffée.
04:20Donc, un impact très fort.
04:21Donc, impact de consommation électrique ou énergétique aussi. Et donc, vous inventez un système, c'est ça ? C'est quoi l'idée ?
04:28C'est ça. On travaille sur tout ce qui est science comportementale, gamification, comment on piège un petit peu le cerveau à mieux agir.
04:34Et donc, la solution, elle est très simple. C'est, avant la douche, vous vous fixez un objectif de consommation.
04:39Par exemple, je vais consommer, je ne sais pas, 60 litres dans ma douche. Derrière, on a un petit boîtier...
04:43C'est quoi la consommation moyenne ?
04:45Suivant les... Entre un hôtel 2 étoiles, on va être aux alentours de 80 litres. Un hôtel 5 étoiles, on va être aux alentours de 150 litres.
04:51Donc, on a un... Voilà.
04:53Ça, c'est intéressant. Plus on paye cher, plus on reste longtemps sous la douche, quoi.
04:56Voilà. Quelque part, c'est ça, en fait. Il y a un plus gros débit, etc. Et chez soi, c'est à peu près une cinquantaine de litres, pour donner un...
05:03Donc, je... Pardon de vous avoir intempo. Donc, on revient sur... Je me suis donné l'objectif de 60 litres. Qu'est-ce qu'il se passe après ?
05:08C'est ça. Je me fixe un objectif. D'ailleurs, je peux le suivre de manière très simple. En fait, on a un petit boîtier qui est sous le mitigeur,
05:14avec 4 petites lumières. Il y a une première lumière qui va s'allumer lorsqu'on a atteint 25% de son objectif, une deuxième lorsqu'on a atteint 50%, etc., etc.
05:22Et à la fin de sa douche, on va avoir un bilan qui dit « Génial, vous avez consommé tant, vous êtes le meilleur, vous avez consommé mieux que 80% des gens ».
05:29Et donc, déjà, là, on a réussi à avoir une prise de conscience de sa consommation et de flatter la fonction d'estime. Mais l'objectif, nous, c'est d'aller encore plus loin.
05:36Et c'est ce qu'on fait aujourd'hui. C'est que si vous avez eu un bon comportement, vous allez recevoir une récompense. Donc la récompense, elle peut être très variée.
05:43Celle qu'on met en place, parce que ça nous tient vraiment à cœur en termes d'impact, c'est que si l'eau que vous avez économisé est reversée à une ONG,
05:50vous passez deux minutes de moins sous la douche, il y a quelqu'un à l'autre bout du monde qui va pouvoir boire pendant un mois.
05:54Mais derrière, on peut aller sur d'autres récompenses. Et c'est là où on parle de fidélisation client.
05:58C'est que sur votre séjour, par exemple, vous avez économisé 1000 litres d'eau. Eh bien, vous allez pouvoir avoir un petit déjeuner gratuit ou une réduction sur votre chambre
06:05ou des points de fidélité dans le programme de fidélité de l'hôtel. Et là, on arrive à deux éléments qui sont d'un côté une réduction des consommations de plus de 30%.
06:13Et de l'autre côté, on a plus de 90% des clients qui disent que ça a amélioré leur séjour à l'hôtel.
06:17Donc, on arrive vraiment à concilier les deux éléments dont on parlait au début.
06:20Et peut-être leur donner envie de revenir. Qui sont vos clients ? Des grandes chaînes hôtelières, majoritairement ?
06:28Majoritairement, oui. Après, on a pas mal d'indépendants aussi. Aujourd'hui, on travaille avec des chaînes comme BNB, comme Accor en France et dans les pays limitrophes.
06:37Et aussi plusieurs indépendants ou des petits groupes qui veulent avoir aussi une image de marque qui est assez forte et qui se positionne sur les termes et les ratios.
06:44Est-ce que la mutation de ce secteur a vraiment commencé ?
06:49J'ai envie de dire oui et non. C'est-à-dire qu'il y a une mutation qui est tractée par certains gros acteurs, notamment nos clients qui se positionnent vraiment sur les sujets RSE.
06:59Parce qu'on sait que c'est le futur un petit peu contraint de ce secteur. Certains indépendants aussi qui se positionnent sur des thématiques RSE très fortes.
07:08Mais on sent aujourd'hui que c'est un secteur qui est forcé dans sa transition, c'est-à-dire qu'il est forcé par des législations,
07:16qu'il est forcé par des clients qui demandent ce qui est des actions RSE. Mais en fait, c'est là où est toute la difficulté.
07:24C'est que d'un côté, les clients demandent et réservent des établissements plus RSE. Mais dans la réalité, ils diminuent pas du tout leur consommation.
07:31Donc c'est tout ça. Tant que les clients n'auront pas eu cette prise de conscience, il n'y aura pas de...
07:36— Oui. Et puis je suis pas sûr que ce soit quand même le premier critère de réservation d'une chambre d'hôtel, le bilan RSE de l'hôtel en question ou de la chaîne hôtelière.
07:45Vous voyez ce que je veux dire ? C'est d'abord est-ce que je vais aller dans telle ville ? Combien ça va me coûter ? Voilà. Bon.
07:49— Mais c'est un impact qui est quand même assez fort. Une fois qu'on a mis de côté le prix et la localisation, évidemment, les critères RSE rentrent en compte.
07:58— Ils prennent de plus en plus d'importance. — Ils prennent de plus en plus d'importance. Aujourd'hui, ça rentre dans 70% des réservations.
08:04C'est pris en considération. Et là, on parle des particuliers. Mais là où ça a de plus en plus d'impact, y compris avec la CSRD qui commence à être mise en place,
08:12c'est qu'aujourd'hui, les grosses entreprises vont choisir les groupes hôteliers avec lesquels ils vont avoir des contrats à l'année en fonction du bilan carbone par annuité.
08:19Et donc c'est pour ça que les gros groupes commencent à prendre en compte de plus en plus la diminution de leur bilan carbone dans leurs priorités.
08:25— Vous avez annoncé au mois de septembre une levée de fonds annoncée à 1 million d'euros avec quelle ambition ? J'imagine du recrutement, peut-être un développement international. Expliquez-nous.
08:36— On commence aujourd'hui à avoir un recrutement. Donc aujourd'hui, on a une dizaine dans l'équipe. Mais l'ambition de manière plus large, c'est vraiment de réussir
08:44à se déployer de manière plus conséquente sur le marché et surtout de commencer à prévoir la prochaine étape de l'Enewave. Aujourd'hui, c'est très bien.
08:52On en est très fiers. On a prouvé que cette approche fonctionnait sur la partie douche. Mais comment est-ce qu'on peut aller plus loin ?
08:58— Donc là, c'est créer... Enfin inventer, trouver d'autres innovations, c'est ça ? — C'est ça. Et puis même élargir notre approche. En fait, on a prouvé que l'approche fonctionnait.
09:06On a un produit qui est installé et qui fonctionne. Et maintenant, avoir un impact plus grand. Je donne des idées comme ça. Mais ça pourrait être, demain,
09:14vous décidez de ne pas nettoyer votre chambre entre deux nuitées. Vous pouvez aussi avoir une récompense. Vous pouvez aussi faire un don à une association.
09:22Et donc là, on a un impact qui est de plus en plus large. Et appliquer cette approche à l'ensemble d'un séjour, ça permet aux personnes qui ont un engagement écologique
09:29de pouvoir l'avoir et d'autres pas forcément. — Avec une difficulté. Mais vous nous l'avez dit. Vous basez sur les sciences comportementales,
09:35qui est effectivement de ne pas décevoir le client. C'est quand même la base du métier de vos clients, les hôteliers. Parce que je pensais à la nourriture.
09:44Et effectivement, c'est vrai que quand on est à l'hôtel, souvent, on va faire un petit déj qu'on ferait jamais ailleurs, quoi. Et puis on va prendre...
09:50Voilà, on va avoir une assiette. Bon, on l'a tous vécue, on l'a tous faite. Très bien. Bon, ça peut être quoi, la récompense ? Ou mettre le curseur pour que,
10:00finalement, tu n'arrives pas à l'hôtel en disant « Oui, mais je suis pas là pour me priver ». Vous voyez ce que je veux dire ? C'est très compliqué, quoi.
10:05— Oui, c'est très très compliqué. Et nous, on a travaillé avec des chercheurs pendant un gros mois sur ce sujet de comment est-ce qu'on peut arriver à proposer
10:12une amélioration sans contraindre l'utilisateur et sans surtout le culpabiliser s'il fait pas ce choix. Parce qu'on a certains des clients des hôtels équipés
10:22qui prennent des douches de 500 litres. Et quelque part, il n'y a aucun problème. Ils ont payé leur chambre. Ils sont là pour se faire plaisir.
10:26Donc il y a tout un travail à faire. Et non seulement il y a un travail à faire, mais il y a un travail à adapter sur chaque nouvelle typologie de clientèle.
10:32Entre l'Ibis et le Molitor, c'est pas du tout les mêmes clientèles. Et il faut adapter la manière de communiquer. Donc comment est-ce qu'on est uniquement
10:39dans la positivité ? Comment est-ce qu'on est uniquement dans le suggérer mais jamais obligé ? Et c'est là où est aussi tout l'enjeu et notre innovation
10:46et notre savoir-faire. — Est-ce qu'il y a... Alors donc vous nous dites que vous réfléchissez à d'autres innovations après cette levée de fond.
10:53Il y a un dernier thème, il nous reste une minute, dont je voudrais parler. Vous l'avez évoqué, mais très vite. C'est la dimension, on va dire, un peu humanitaire
11:01de votre action. Vous avez un partenariat avec la fondation qui s'appelle Made Blue, c'est ça ? De quoi il s'agit ?
11:07— C'est quelque chose qui nous tenait à cœur depuis le lancement du projet, avoir un impact qui soit non seulement environnemental mais social.
11:13C'est... Il y a des difficultés, des stress hydriques à plein d'endroits dans le monde et des personnes qui n'ont pas accès à l'eau. Et en fait,
11:20réussir à se dire « Je fais cette action aujourd'hui non pas pour faire gagner de l'argent à l'hôtel où je suis mais pour avoir un impact social ».
11:28Donc chaque litre d'eau économisée correspond à un don qui est fait par l'hôtel, enfin par nous, au nom de l'hôtel, à cette association et qui permet
11:35derrière de financer des projets d'accessibilité à l'eau, de purification de l'eau dans des zones, que ce soit en Afrique, en Asie ou dans des zones
11:42où l'accès à l'eau est très compliqué. — Merci beaucoup, Léonard d'Infrogel. — Merci à vous. — Et à bientôt sur Be Smart for Change.
11:48On passe tout de suite à notre rubrique « Smart ideas, une start-up à l'honneur », comme tous les jours.

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