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Sophie Abriat, journaliste, publie un ouvrage passionnant sur le luxe "Danser sur le volcan" chez Grasset. Rencontre dans Iconic Business. 
"Vous pouvez désormais dîner Dior, voir un film Saint Laurent, dormir Armani ou lire Chanel", la mode et le luxe à la conquête de nos imaginaires. Dès lors qu'il s'agit de luxe ne jamais dire jamais !

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00:00Iconic Business, le luxe by BFM Business, Audrey Maubert.
00:12Iconic Business, le luxe par BFM Business, un univers digital et une émission exclusive,
00:18intemporelle, mythique, responsable et déculpabilisée.
00:21Dès lors qu'il s'agit de luxe, qu'il s'agit de mode, ne jamais dire jamais,
00:26car les limites sont faites pour être repoussées, les sphères d'influence pour être pénétrées,
00:31l'espace public tout comme l'espace privé pour être investi et acheté,
00:35les icônes pour être érigées et célébrées.
00:38Sophie Abria est journaliste, elle est l'auteur de Danser sur le volcan
00:42et si on devait pitcher, on retiendrait cela.
00:45Vous pouvez désormais dîner Dior, voir un film Saint-Laurent, dormir Armani ou lire Chanel.
00:52C'est Iconic Business, bienvenue.
00:57Sophie Abria, vous êtes journaliste, auteur de cet ouvrage Danser sur le volcan,
01:03édité chez Grasset, la mode et le luxe à la conquête de nos imaginaires, bonjour.
01:08Bonjour.
01:09Si vous voulez suivre, comprendre l'interdépendance entre mode et luxe,
01:13c'est tellement plus encore, c'est absolument cet ouvrage qu'il faut lire, qu'il faut acheter.
01:17Sophie Abria, les maisons de luxe ont investi tous les espaces.
01:21Quand on parle de nous, par exemple de diversification, il s'agit de quoi ?
01:25D'influence et de soft power ?
01:27Absolument.
01:28C'est vrai que ces dix dernières années, les maisons de mode et de luxe ont investi des sphères
01:32qui sont a priori très étrangères à leur savoir-faire originel que sont la couture et les accessoires
01:37pour investir beaucoup de domaines culturels, le cinéma, la littérature, l'édition, la musique,
01:44mais aussi des sphères plus sociétales, plus géopolitiques et même des sphères plus émotionnelles,
01:52plus psychologiques, puisque ces acteurs aujourd'hui contribuent à façonner nos identités collectives
01:58et même peut-être nos imaginaires.
01:59Oui, tout à fait, parce que c'est là aussi où on retrouve tout ce discours de savoir-faire à la française,
02:03de Paris capitale du luxe, de la mode, et finalement même, on le voit dans votre ouvrage,
02:08de Paris devenue et fièrement arborée comme marque.
02:12Tout à fait. Paris est une marque. Paris attire les talents de la mode et du luxe du monde entier.
02:18C'est la fashion week la plus puissante qui se déroule à Paris, d'ailleurs plusieurs fois par an,
02:23on le demande beaucoup, c'est toujours la fashion week, c'est vrai que c'est 6 fois par an,
02:26on a l'impression d'être en fashion week un peu non-stop.
02:29Mais tout à fait, Paris, d'ailleurs aujourd'hui la mode est exposée au Louvre,
02:34donc c'est vrai que c'est un signal extrêmement important et extrêmement bénéfique pour ces maisons
02:39de voir leurs produits sacralisés dans l'enceinte du Louvre.
02:43Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, Paris est une vraie marque et très utile pour le soft power de la mode et du luxe.
02:49Des maisons de luxe justement, ça va avec le soft power, des groupes qui ont engrossi,
02:52on cite LVMH, Kering, Richemont, il y a la puissance qui est financière, c'est la puissance, la visibilité, le rayonnement,
02:59et ces puissances, ces groupes, ils livrent maintenant des visions du monde presque clés en main,
03:04c'est tout un système de pensée.
03:06Si vous voulez, ces dernières années, ces maisons sont devenues à la fois des plateformes de divertissement,
03:13mais aussi des médias, donc elles ont émis des discours, des discours qui touchent beaucoup à nos identités,
03:18elles ont questionné les questions d'inclusivité, les questions de genre,
03:21elles ont aussi parlé d'environnement et même parfois de collapsologie ou d'apocalypse,
03:26mais en tout cas elles ont émis ces discours et elles sont devenues des médias
03:30parce qu'aujourd'hui elles sont soumises aussi à la guerre des algorithmes,
03:33elles doivent aussi capter notre attention et donc délivrer des produits culturels et aussi bien des discours.
03:39Donc c'est vrai que dans cette guerre algorithmique, dans cette économie de l'attention,
03:44elles doivent aussi assurer une grande visibilité.
03:47Des storytelling, parce qu'on parle beaucoup de storytelling pour les maisons Guth.
03:53Quand on est des maisons avec un ancrage patrimonial, il est très important de rappeler leur antériorité et leur histoire,
03:59ça permet de les ancrer dans quelque chose de profond et d'extrêmement symbolique.
04:03Oui, on a une espèce de triptyque en fait, très ficelé, passé, histoire, ça part un peu avec, mais archive et savoir-faire.
04:09Tout à fait, mais ce sont vraiment des acteurs qui ont une force de frappe en termes de narration,
04:16c'est pour ça qu'en définitive elles occupent aujourd'hui une place qui est peut-être laissée vacante par d'autres acteurs,
04:23d'autres acteurs plus institutionnels.
04:26En termes de récits, elles prennent certainement la place de récits plus traditionnels,
04:31qui ont été émis par les politiques, les syndicats et même des récits familiaux parfois.
04:35Et en cela, elles sont extrêmement présentes dans notre inconscient collectif,
04:39mais parce qu'il y a aussi une place qui a été laissée vacante par d'autres en définitive.
04:43Elles ont occupé cet espace.
04:45Elles ont occupé un espace, et aussi parce qu'un produit de lui, il contient une part transcendantale,
04:50il contient quelque part une part de sacré, quelque chose d'immatériel,
04:53qui est d'ailleurs extrêmement difficile à faire advenir.
04:56Et de par cette unicité, cette singularité,
05:00elles peuvent aussi occuper cet espace dans les récits et les narrations d'aujourd'hui.
05:04Une montée en puissance.
05:06Cet ouvrage, c'est aussi le cheminement de la mode.
05:09Oui.
05:10Un milieu sous-estimé, fantasmé, jusqu'à une surexposition de la mode.
05:15Vous parlez même d'un luxe qui s'est largement modisé.
05:18Alors, c'est vrai que si on remonte aux années 80, même aux années 70,
05:22le luxe pouvait apparaître à l'époque assez désuet.
05:25Et surtout, il était constitué de produits permanents.
05:28On renouvelait les collections tous les 2, 3, 5 ans.
05:31Et on achetait des produits de luxe pour des événements très symboliques de la vie.
05:35À partir du moment où ces maisons artisanales, familiales,
05:40ou ces institutions de haute couture ont commencé à être rachetées
05:44par des groupes qui se sont ensuite constitués,
05:46et que ces maisons ont commencé à calquer les rythmes de renouvellement de la mode,
05:51c'est-à-dire la mode qui est créatrice de désirs et d'obsolescence,
05:54ces maisons, en embauchant des designers artistiques tarifiés,
05:58ont commencé à produire beaucoup plus de collections,
06:01beaucoup plus de défilés.
06:03Et leur désir, aujourd'hui, leur désirabilité,
06:07elle passe aussi par ce pouvoir d'attraction et par ce renouvellement permanent.
06:12C'est en cela que le luxe est maudisé, finalement.
06:14Aujourd'hui, il est soumis à ce renouvellement incessant,
06:18parce que la mode, c'est quoi ?
06:19La mode, c'est l'éphémère, c'est le zeitgeist, c'est ce qui se produit là.
06:22La mode, elle apparaît, elle disparaît en même temps.
06:24Donc, en calquant, en prenant ces rythmes-là,
06:28c'est vrai qu'aujourd'hui, le luxe fusionne avec la mode.
06:31Une frénésie de la mode, on va y revenir dans un instant.
06:34Avant ça, je voudrais vous montrer cet exemple,
06:36une montée en puissance de la mode dans l'imaginaire collectif.
06:39Je vous propose cette illustration, un sac Chanel.
06:42Un anniversaire, pas n'importe lequel, c'est avec Sarah Durand.
06:46Le sac 255 de Chanel, fait de ses 70 ans.
06:49Voici cinq choses à savoir sur ce hitbag.
06:52Son nom, déjà, 255, fait référence à sa date de création.
06:57Coco Chanel l'a inventé en février 1955.
07:01Comment et pourquoi Gabrielle Chanel a eu l'idée de ce sac ?
07:04Eh bien, parce que, je cite,
07:06elle était fatiguée de tenir ses sacs à main et de les perdre.
07:10Alors, elle a décidé de les porter en bandoulière pour avoir les mains libres
07:13et elle s'est inspirée des besaces des militaires.
07:16Le hitbag a changé de look au cours des années.
07:18L'originel ressemblait à ça, avec un fermoire mademoiselle.
07:22Et puis, Karl Lagerfeld est arrivé à la direction artistique de la maison,
07:26c'était en 1983.
07:28Et c'est là qu'il a créé le 11-12, aussi appelé le classique.
07:32Et alors là, même design, avec des détails quand même qui diffèrent,
07:35notamment au niveau de la chaîne et puis surtout au niveau de la fermeture en double C.
07:40Mais malgré l'arrivée du 11-12, le 2-55 est toujours commercialisé chez Chanel.
07:45Et d'ailleurs, il a pris énormément de valeur en 20 ans.
07:47Il était vendu 1 500 euros en 2005.
07:50Il est aujourd'hui affiché à 9 700 euros.
07:53Et pour finir, sachez que ce sac a inspiré même les plus grandes maisons.
07:57Un design repris par Bottega Veneta, Yves Saint Laurent.
08:00Mais tant mieux, parce que Coco Chanel disait,
08:02pour moi, la copie, c'est le succès.
08:05Bon, il faut maîtriser ses copies quand même.
08:07Sophia Bria, Danser sur le volcan, on en parlait tout à l'heure.
08:10On suit la frénésie qui s'est emparée du luxe, de la mode,
08:13les accessoires comme nouvelles portes d'entrée,
08:16le calendrier avec ses défilés permanents, ses collections qui se renouvellent.
08:20L'offre a explosé, pas que pour le vêtement.
08:23Et la désirabilité est arrivée avec, le concept s'est installé avec.
08:28Absolument.
08:30C'est un terme d'ailleurs qui est beaucoup employé
08:32dans la communication corporelle des groupes.
08:34C'est-à-dire que c'est vraiment un but,
08:38c'est-à-dire de créer cette désirabilité, de créer des objets de désir.
08:41La question, c'est que le désir, il tend vers une action immédiate,
08:48c'est-à-dire l'achat du produit de luxe.
08:51Mais une fois que l'action est accomplie, le désir s'évanouit.
08:56C'est ça.
08:57Il y a la différence du rêve.
08:58Le rêve, c'est quelque chose, c'est un idéal encore plus grand
09:01et on peut se donner toute une vie peut-être pour réaliser un rêve.
09:05Un désir, c'est très différent.
09:07Et ensuite, quand le désir s'évanouit, la satisfaction aussi du désir,
09:13elle revient et donc on entre dans une boucle de consommation infinie.
09:18De surconsommation, d'offre-demande.
09:20On est un peu sur un système de la poule l'œuf en fait.
09:24Il y a des groupes cotés qui se sont installés,
09:26des territoires qui ont été conquis, la Chine, les Etats-Unis,
09:29et donc cette soif de désirabilité de désir et de démocratisation du luxe au final.
09:35Oui, c'est vrai que je préfère parler de démocratisation du désir du luxe justement
09:41parce qu'évidemment, il y a des produits d'appel.
09:43Aujourd'hui, on peut acquérir un objet de luxe pour moins de 100 euros,
09:46que ce soit du parfum ou un tube de rouge à lèvres, etc.
09:50Mais c'est surtout cette démocratisation du désir
09:57qui passe aussi en définitif par les réseaux sociaux
10:00parce qu'aujourd'hui, les influenceurs, ils médiatisent ce désir-là
10:04et donc les plus jeunes sont exposés très tôt à ces objets de désir.
10:08D'ailleurs, aujourd'hui, on dit que la génération Alpha,
10:10qui est née à partir de 2010, est en train actuellement, à 14-15 ans,
10:14de réaliser ses premiers achats parce que le luxe aussi a pu grandir
10:18et la société se luxifiait grâce aux réseaux sociaux.
10:21Aujourd'hui, c'est un secteur qui est totalement dépendant.
10:24Et c'est accéder à un statut social, à une reconnaissance au milieu d'un ensemble.
10:28Tout à fait, c'est une quête de reconnaissance sociale.
10:31C'est aussi une quête culturelle finalement de vouloir appartenir à une communauté,
10:35de vouloir être reconnue tout simplement comme individu.
10:39Moi, je pense que c'est tout simplement exister.
10:43C'est ce qu'elles offrent, la possibilité d'être, d'exister,
10:47de se réinventer, de construire son identité.
10:51Et ce sont des effets personnels qui sont très liés à notre apparence, au corps.
10:56Et tout cela a pris énormément d'importance de par les réseaux sociaux et la transparence.
11:00On performe aujourd'hui nos identités.
11:02Et en cela, c'est vrai que le luxe a pu aussi grandir de par ce mouvement-là.
11:07Autant dans l'intime finalement que sur la représentation dans la sphère publique.
11:11Tout à fait. Mais aujourd'hui, vous savez, on se montre sur les réseaux sociaux.
11:15On montre ce qu'on lit, on montre ce qu'on voit comme exposition,
11:19on montre ce qu'on consomme en général.
11:22Et d'ailleurs, les marques je pense aujourd'hui de luxe ont bien compris
11:26que aussi peut-être l'une de leurs missions, c'était de nous cultiver.
11:29Exactement. Les maisons de luxe sont devenues finalement,
11:31alors on parlait de discours, mais des prescripteurs de tendance et de bon goût.
11:35Absolument. Mais ça transcende l'esthétique, je pense.
11:38Quand je dis que leur mission, c'est aussi de nous cultiver,
11:41c'est que leur présence dans les musées, elles sont aujourd'hui en définitive,
11:46elles ne font pas que du mécénat culturel.
11:48Elles se sont transformées en plateformes de divertissement,
11:51mais aussi en lieux culturels. Elles ont leurs propres musées,
11:54elles ont leurs propres fondations, elles ont leurs propres librairies,
11:58elles ont leurs propres lieux de culture.
12:00Donc c'est vraiment une dynamique de création d'objets culturels
12:04au-delà de l'objet mode. Et en cela, elles ont bien compris aussi
12:08qu'on performait nos intellects et notre culture sur les réseaux sociaux,
12:11comme je disais, en montrant ce qu'on consomme au musée, ce qu'on lit.
12:15Vous savez, il y a la tendance booktop sur TikTok.
12:19Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, quand on achète un produit de luxe,
12:22on a envie de se sentir élevé aussi d'un point de vue culturel.
12:25Et ce n'est pas anodin quand dans votre ouvrage, vous parlez des Médicis,
12:28et cette référence, elle est capitale justement dans ce cheminement,
12:31dans cette maison culturelle. Et on ne parle pas que de mécénat,
12:34on parle d'accompagnement dans la culture et dans l'élévation.
12:38Oui, il y a aussi beaucoup de mécénat.
12:40Alors en fait, la relation des marques au musée, elle est un peu tripartite.
12:43Déjà, elles ont leur propre musée.
12:45Dior a son propre musée aujourd'hui, leur propre fondation.
12:49Elles sont aussi mécènes. Elles permettent l'acquisition d'œuvres d'art.
12:52Elles permettent donc d'enrichir les collections.
12:54Elles permettent d'organiser des expositions.
12:56Et aujourd'hui, elles sont exposées dans les musées,
12:58et notamment au Louvre, comme on disait tout à l'heure.
13:00Donc c'est vrai que la boucle est bouclée en définitive.
13:02Aujourd'hui, quand on voit leur présence dans les musées,
13:05elle est considérable. Et elle est nécessaire,
13:07parce que finalement, les budgets d'acquisition des musées
13:10aussi sont plafonnés.
13:12Et donc, quand on veut être concurrentiel sur le marché de l'art
13:15à l'international, c'est vrai qu'on a besoin de ces acteurs.
13:18Et ces acteurs-là, précisément, qui étaient méprisés
13:21pendant longtemps dans le monde culturel, sont aujourd'hui courtisés.
13:26Une surenchère de moyens pour capter l'attention, vous le disiez,
13:29la fameuse société des marques.
13:31On est quoi dans l'appropriation, l'acquisition de l'espace,
13:34qu'il soit public, qu'il soit privé ?
13:37C'est quoi la rareté versus l'exclusivité ?
13:40Vous voulez dire l'espace dans toutes ces publicités géantes ?
13:44Exactement. Et on les voit partout.
13:46Il y a presque une dilution du message.
13:48On les voit sur les plages, on les voit vraiment partout.
13:52Alors, moi, je dirais pas partout.
13:54Je dirais qu'on les voit dans des lieux hautement symboliques.
13:57Par exemple, sur les grands bâtiments en rénovation,
14:00on a ces publicités géantes.
14:02C'est vrai qu'en ce moment, on ne voit plus l'Opéra Garnier
14:04qui est en rénovation.
14:05On voit une énorme pub géante de Bottega Veneta.
14:09On les voit dans des plages, mais dans des plages souvent privées
14:12ou dans des lieux très sélects, très haut de gamme.
14:17On les voit effectivement sur les réseaux sociaux,
14:20mais là, ils peuvent tout de même essayer de gérer leur présence.
14:24Et si on les voit aussi, peut-être qu'on en parlera,
14:27finance aujourd'hui des chaires universitaires,
14:29ce sont dans des universités extrêmement prestigieuses.
14:32Donc, on reste quand même sur des terrains
14:34qui font sens avec les valeurs du luxe.
14:37Qui restent complètement maîtrisées, finalement.
14:39On n'est pas dans une dilution du message,
14:41dans une suroccupation de l'espace.
14:44L'espace, c'est elle qui l'ait choisi.
14:46Après, c'est plus compliqué, effectivement,
14:48sur les réseaux sociaux.
14:49Quand on s'empare d'une marque,
14:51là, il est très difficile de pouvoir gérer.
14:53C'est d'ailleurs pour ça aussi qu'elles sont extrêmement vigilantes
14:56à tout ce qui se dit et à tout ce qui se fait
14:58sur les réseaux sociaux, les concernant,
15:00avec, évidemment, des stratégies en termes réputationnels.
15:05C'est plus dur de gérer sa présence sur les réseaux sociaux,
15:08c'est sûr.
15:09Sans qu'il y ait le risque, la contrepartie,
15:11finalement, dans votre ouvrage, vous parlez aussi,
15:13vous faites ce parallèle avec Disney.
15:15À l'heure actuelle, c'est le point de départ
15:17de ce qu'on vendue exactement,
15:20les plateformes de divertissement, etc.
15:24Disney est, à l'heure actuelle, exposée à ces critiques
15:27de prix qui augmentent fortement,
15:30d'un segment vraiment très, très premium.
15:33Est-ce qu'il n'y a pas un risque que ça touche
15:35aussi pour les maisons de luxe, à ce fameux signal prix
15:38et à cette valeur des choses ?
15:40Les marques ont beaucoup augmenté leurs prix post-Covid.
15:44Ça a été extrêmement documenté,
15:47et c'est une réalité.
15:50Beaucoup de critiques ont été émises à cet encontre-là
15:53parce que l'alchimie prix-valeur est aussi très fragile
15:56dans le secteur du luxe.
15:57Il faut faire attention de ne pas casser la machine.
16:02Il faut dire que ce sont quand même des produits très iconiques
16:04dont les prix ont augmenté,
16:06et qu'elles ont toujours la possibilité
16:08de créer des nouveaux produits d'appel
16:10pour établir la tendance.
16:11Après, tout dépend de la stratégie des marques.
16:13Est-ce qu'elles veulent se concentrer sur les 1 %,
16:15les ultra-riches, ou est-ce qu'elles veulent rester
16:18sur une approche plus démocratique
16:20avec des produits d'appel
16:21pour continuer de toucher la clientèle aspirationnelle
16:23qui a beaucoup contribué à l'essor du luxe ?
16:25Je pense que ce sont des choix de stratégie des marques
16:27qu'on va voir ces prochains mois.
16:29Oui, qui seront capitaux et déterminants
16:32sur cette année 2025,
16:33parce qu'on a vu les effets sur l'année 2024
16:35en termes de performances.
16:37Tout à fait.
16:38Mais d'ailleurs, cette augmentation des prix
16:40fait en sorte que les consommateurs
16:42se tournent de plus en plus vers ce qu'on peut appeler
16:45le premium, qui avait un peu disparu.
16:47On peut voir une marque comme par exemple Pollen
16:49qui attire énormément de nouveaux consommateurs
16:53et de nombreux consommateurs.
16:54Comme je le disais, c'est vrai que la chimie prix-valeur
16:56est très fragile.
16:57Vous le disiez tout à l'heure,
16:59vous avez évoqué ces mots de sacré, de sacralisé.
17:03L'objet a dépassé la marque.
17:05Ce n'est pas raisonné, ce n'est pas raisonnable.
17:07On a un peu l'impression de retrouver
17:09la main de Dieu sur le produit
17:11d'une liturgie contemporaine.
17:13Des fidèles, presque du culte,
17:15l'objet sacré, l'inspiration même
17:17pour les directeurs artistiques,
17:18on les appelle comme on veut maintenant,
17:20qui sont starifiés, presque sanctifiés,
17:22les fashion week qui ressemblent à des grandes messes.
17:24Il y a tout cet univers qui s'est imprégné
17:27et qui imprègne à présent la mode.
17:29On pourrait faire un parallèle avec la liturgie.
17:31Je pense que ça vient de la part de sacré
17:33et de l'objet de luxe.
17:34C'est-à-dire que c'est un objet de luxe
17:36de manière factuelle.
17:37C'est un produit qu'on achète à un prix
17:39intrinsèquement supérieur à sa valeur intrinsèque.
17:41Il y a une part du matériel qui est d'ailleurs
17:44assez impapable et qui nous vaut beaucoup de jalousie
17:47de par les acteurs anglo-saxons de la tech,
17:50par exemple.
17:51C'est vrai que c'est très difficile
17:52de faire advenir cette part du matériel.
17:54Et c'est vrai qu'il y a des communautés de fidèles,
17:58qu'il y a des flagships géants
18:00qui font office de presque de lieux de culte
18:03pendant les fashion week.
18:04C'est des grandes messes.
18:05Vous savez, aujourd'hui, accéder à un défilé,
18:08il faut affronter une marée humaine.
18:10On a l'impression d'être l'élu pour y accéder.
18:14Pour assister à un défilé, il faut être invité.
18:17C'est ce que je dis dans le livre.
18:18À la différence du théâtre, du cinéma,
18:20de toute autre industrie créative,
18:23la particularité du défilé,
18:24c'est qu'il faut recevoir une invitation.
18:26Et comme les marques ont beaucoup capitalisé
18:28sur le star system,
18:29elles se sont beaucoup entourées
18:30de figures extrêmement médiatiques et de stars.
18:32Il y a évidemment beaucoup de gens
18:33qui viennent essayer d'apercevoir une star.
18:35C'est presque plus terrifié que le Festival de Cannes,
18:37aujourd'hui, une fashion week.
18:40Cette capacité à faire venir, évidemment,
18:43vous l'évoquiez également tout à l'heure,
18:44l'art, évidemment, c'est le prolongement,
18:46c'est la logique, le mécénat, tel les médicis.
18:48On revient à ce discours de transmission d'archives
18:51et donc de légitimité culturelle puis scientifique.
18:56Et en effet, cette évolution des années 80 à nos jours,
18:59elle s'est faite aussi dans les sphères,
19:01à l'université, des chaires particulières
19:03et presque d'un État dans l'État aussi.
19:06Il y a le versant scientifique et universitaire,
19:08et cette impression aussi d'un État dans l'État.
19:10Quand la famille Arnaud est aux côtés de Donald Trump
19:13pour son investiture, on a aussi cette impression.
19:16C'est vrai que la présence de Bernard Arnaud
19:18à l'investiture de Donald Trump a fait couler beaucoup d'encre,
19:21mais ça dit aussi beaucoup de choses
19:23sur la puissance du géant du luxe à l'échelle mondiale,
19:27puisqu'il était à côté des acteurs de la tech.
19:30Déjà, l'image était assez symbolique
19:32et aussi on voit la puissance du luxe français
19:34à l'international et son soft power.
19:37Ensuite, effectivement, le luxe, c'est un marché de l'offre,
19:42ce n'est pas un marché de la demande,
19:44donc il faut toujours être en train de conquérir
19:46de nouveaux espaces, qu'ils soient géographiques,
19:49démographiques, sociologiques.
19:51C'est un secteur qui est bien sûr animé
19:53par une forme de réalisme économique.
19:55Ce qui inquiète énormément les acteurs aussi
19:58et qui peut expliquer la présence de Bernard Arnaud
20:00à cette investiture, c'est l'éventuelle imposition
20:02de droits de douane sur les produits de luxe.
20:04Et la mode ne peut pas survivre au protectionnisme
20:08de par sa mondialisation, par le fait qu'elle est mondialisée.
20:12Donc il y a beaucoup d'inquiétudes aujourd'hui,
20:14effectivement, sur ces terrains géopolitiques,
20:16voire diplomatiques.
20:18Et donc on retrouve maintenant,
20:20est-ce qu'il y a quand même des critiques
20:23ou une discussion sur ces chairs
20:25qui sont sponsorisés ou qui évoluent
20:29avec des maisons de luxe ?
20:31Est-ce que c'est un accompagnement des esprits ?
20:33Est-ce que c'est une étude de cas ?
20:35Comment on doit voir les choses ?
20:37C'est vrai que ces dernières années,
20:39les grands groupes de luxe ont commencé
20:42à financer des chairs universitaires
20:44mais extrêmement prestigieuses.
20:46Ça peut être une chair sur l'intelligence artificielle,
20:49par exemple, de Louis Vuitton à l'ENS,
20:51ou ça peut être une chair axée sur l'écologie,
20:54par exemple, l'Institut français de la mode ou autre.
20:57Déjà, il faut dire que ce sont des chairs
21:00qui sont dans des universités très prestigieuses.
21:02Donc elles ne financent pas, comme je le disais tout à l'heure,
21:04c'est toujours des choix qui sont extrêmement précis.
21:06Et ensuite, je pense qu'effectivement,
21:09ça interroge cette présence-là à l'université,
21:12mais ça dit aussi beaucoup de l'aspect scientifique
21:15qui se cache derrière le luxe.
21:17En fait, on ne les perçoit toujours pas
21:19comme des acteurs avec une industrie de pointe.
21:23C'est-à-dire que le fait que des acteurs
21:25issus de l'automobile ou de l'industrie pharmaceutique
21:27financent des chairs,
21:29on ne se pose pas les mêmes questions.
21:31Donc en fait, c'est aussi une question
21:33de comment on perçoit ces acteurs.
21:35Et peut-être de biais cognitifs.
21:37Et c'est ce que j'ai essayé un peu dans ce livre.
21:39C'était de dire qu'évidemment, il y a énormément de clichés,
21:41énormément d'idées reçues qui sont véhiculées par ce secteur.
21:46Et c'est normal, puisqu'il a un capital symbolique très fort.
21:49Donc forcément, il y a de la fascination et de la critique.
21:51Mais aussi essayer un peu d'aller au-delà de ces questions-là.
21:55Et c'est vrai que si on les voit comme des industries de pointe
21:57qui ont besoin d'intelligence artificielle,
21:59qui ont besoin de questionner la biodiversité,
22:01le bien-être animal, etc.,
22:03on peut comprendre que finalement,
22:05elles investissent ces espaces-là universitaires.
22:07Occuper tous les espaces possibles.
22:09À présent, et on l'a vu largement,
22:11le sport, il y a eu les Jeux Olympiques,
22:13c'est un fait.
22:15On peut parler de football,
22:17on peut parler de Formule 1,
22:19on peut parler de NBA.
22:21Bon, la créativité est dans la stratégie, clairement.
22:23Oui, bien sûr.
22:2585% de la valeur, et vous le représitez
22:27dans votre ouvrage, d'une entreprise de mode de luxe
22:29réside dans sa réputation.
22:31Occuper le terrain sportif, ça passe aussi
22:33par la valorisation de l'entreprise.
22:35Absolument.
22:37C'est vrai que c'est l'un des derniers terrains de jeu
22:39du luxe.
22:41C'est vrai qu'il y avait quand même eu des partenariats
22:43avec des sports, mais des sports moins populaires
22:45que sont la voile, par exemple.
22:47Oui, plus élitistes et plus sporadiques.
22:49Tout à fait. Là, on est plus dans les
22:51grands événements populaires.
22:53Mais vous savez, il y a le rapprochement
22:55avec la culture, mais le rapprochement
22:57avec le sport, il est aussi stratégique, mais il est
22:59aussi intéressant parce qu'une
23:01autrice, un acteur,
23:03ils ne remportent pas des médailles
23:05olympiques, et remporter une médaille olympique,
23:07on a vu ce que ça suscite en termes d'émotions.
23:09Donc, capitaliser sur ces émotions-là,
23:11ça peut être extrêmement
23:13intéressant et valorisant
23:15pour ces marques-là, justement, retrouver
23:17cet élan populaire, retrouver cette énergie
23:19sportive, et aussi
23:21ça fait sens avec leur valeur d'excellence,
23:23parce que, exactement, le dépassement de soi,
23:25de la performance, et aussi
23:27s'ancrer, en fait, comme un acteur de la société,
23:29au cœur de la société.
23:31Absolument.
23:33C'est ce qu'il fallait démontrer.
23:35Il aurait fallu aussi beaucoup plus de temps
23:37pour détailler encore cet ouvrage que je vous invite
23:39absolument à lire.
23:41Sophia Bria, Danser sur le volcan,
23:43aux éditions Grasset.
23:45Iconic Business, le luxe par
23:47BFM Business, toutes les semaines et dès à présent,
23:49évidemment, sur le site Slap
23:51et les réseaux sociaux. À la semaine prochaine.

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